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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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OCTAVE MIRBEAU<br />

Mais je crois bien qu’il se moquait de moi…<br />

Ce terrible élément de l’eau, le Hollandais a pu l’assouplir, le<br />

domestiquer, le faire servir docilement à toutes les nécessités, à<br />

tous les décors de son existence. L’eau est non seulement la<br />

parure de la Hollande; non seulement elle est le grand moyen de<br />

circulation, et, en quelque sorte, le système vasculaire <strong>du</strong> pays;<br />

non seulement elle est la rue, la route, le chemin de traverse, la<br />

voie qui, par mille dérivations, fait communiquer entre eux les<br />

grands centres, les villages, les hameaux, les fermes, les masures,<br />

les étables isolées dans le polder, les châteaux, les jardins, les<br />

parcs, échelonnés le long des digues; elle fait aussi office<br />

d’engrais merveilleux, de basse-cour pour les canards dont il y a<br />

partout d’immenses élevages; elle sert de bornage, de délimitation<br />

cadastrale; elle sépare et identifie les propriétés. Sur la pittoresque<br />

route de Groningue à Zwolle, j’ai longé toute une série de<br />

petits villages, où chaque maison, chaque champ, chaque jardin<br />

est entouré d’eau, comme, ailleurs, de murs, de haies, de<br />

grillages. On se croit, tout d’un coup, transporté au temps des<br />

habitations lacustres. Rien n’est joli, et étrange, et miroitant,<br />

comme cette succession de palafittes multipliés par leurs reflets,<br />

où l’on voit travailler <strong>du</strong>rement et passer l’eau sur des barquettes<br />

légères, des troupes de femmes, en courtes et lourdes robes de<br />

bure, le corsage avivé d’une broderie rouge, la tête ornée de<br />

petits casques plats, dont le métal poli brille au soleil.<br />

<strong>La</strong> grande passion de l’homme, en Hollande, c’est le travail.<br />

De Bréda au Helder, de Walcheren au Texel, tout le monde,<br />

hommes, femmes, enfants, travaille d’un travail âpre continu. On<br />

travaille à l’eau, à la terre, aux digues, aux ports, aux navires, aux<br />

fleurs. Rien n’est per<strong>du</strong>. De la moindre chose, on sait faire une<br />

source d’enrichissement. Le jour que nous passâmes à<br />

Leuwarden, on avait ven<strong>du</strong>, sur le marché, cent vingt mille œufs<br />

de vanneaux. Ils savent organiser et développer, comme celle de<br />

la poule, la ponte de cet oiseau farouche.<br />

Il n’est pas jusqu’au touriste, de plus en plus nombreux, qui ne<br />

soit pressuré, vidé, desséché… Comme il est ravi <strong>du</strong> voyage, il<br />

paie et ne dit mot.<br />

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