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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

pas très loin. Ce furent des moments extrêmement désagréables,<br />

et qui me rappelèrent la sortie des réunions publiques, au temps<br />

de l’affaire Dreyfus. Ce n’est pas que le Hollandais soit misonéiste<br />

et routinier, à la façon <strong>du</strong> Français, et qu’il s’étonne, outre<br />

mesure, des choses dont il n’a pas l’habitude. Au contraire, il<br />

accepte facilement un progrès, surtout quand il est d’intérêt<br />

général. Mais il a des manies, des mœurs parfois bizarres auxquelles<br />

il tient. Il faut les connaître et ne jamais contrarier son<br />

esthétique populaire, d’ailleurs harmonieuse. Et on l’aime, et il<br />

nous aime à sa façon, qui n’est pas la nôtre, mais dont la rudesse<br />

ne manque ni de bonhomie, ni de pittoresque.<br />

En Hollande, il n’y a ni charbon, ni bois, ni pierre, ni métaux,<br />

ni fruits. Ce n’est que de l’eau. Les petits vallonnements des<br />

environs d’Arnheim, qu’on franchit facilement, à la quatrième<br />

vitesse accélérée, et la forêt d’Appeldoorn, avec ses arbres de<br />

haute futaie, y font l’effet d’étrangers. Ils annoncent déjà l’Allemagne.<br />

Là, l’homme est moins actif; il m’a paru moins fort,<br />

moins beau. C’est une autre race. Le vrai Hollandais, c’est le<br />

Hollandais <strong>du</strong> polder et <strong>du</strong> canal. <strong>La</strong> lutte qu’il livre sans cesse<br />

aux caprices, aux sournoiseries, aux violences de l’eau, l’a ren<strong>du</strong><br />

in<strong>du</strong>strieux, patient, énergique, rusé. De cette force dévastatrice,<br />

il a su faire un admirable outillage économique, une richesse<br />

énorme, et une émouvante beauté. Il en est très fier. Un gros<br />

entrepreneur d’Amsterdam me disait :<br />

— En Italie, à la Martinique, ils ont la chance d’avoir des volcans…<br />

Et qu’est-ce qu’ils en font?… Rien… absolument rien…<br />

De la ruine et de la mort, monsieur… C’est pitoyable… Ah! si<br />

nous les avions, ces volcans-là!… Notre eau et ces volcans-là,<br />

monsieur!… ah! vous verriez… vous verriez!… Quelles tristes<br />

gens!…<br />

— Que feriez-vous des volcans?… lui demandai-je.<br />

— Je n’en sais rien… la question ne se pose pas chez nous…<br />

Soyez sûr que nous en ferions quelque chose… Tenez, c’est<br />

comme votre vent, dans le Midi, le mistral… Oui… Eh bien!<br />

qu’est-ce que vous en faites?… Rien, non plus… Pourtant, je me<br />

suis laissé dire qu’on sait parfaitement où il se forme… Rien de<br />

plus facile alors que de le capter et de s’en servir… Mais non…<br />

vous le laissez souffler où il veut, comme il veut… C’est de la<br />

gâcherie, monsieur… de la vraie gâcherie…<br />

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