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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

D’ailleurs, qui sait, qui saura jamais à quoi se vérifie la réalisation<br />

complète, en une œuvre d’art? N’est-ce pas dans les créations de<br />

ses dernières années, dans ce que certains critiques appellent<br />

grossièrement ses ébauches, que Rembrandt est allé le plus loin,<br />

le plus haut, dans la science et dans le génie?… Mais de ces toiles<br />

qui sont là, devant moi, rayonnantes sur ces murs gris, ce que je<br />

sais c’est, qu’en dépit de leurs discordances, de leur inachèvement,<br />

de leur brutalité, c’est le seul art que mes nerfs surexcités,<br />

que mes yeux, toujours emplis des plus belles visions, puissent<br />

supporter, aujourd’hui. Après Rembrandt, qui bouleverse<br />

comme un phénomène de la nature, on peut s’arrêter à Van<br />

Gogh, qui inquiète et qui enchante… Et la preuve c’est que je<br />

suis là, encore, que je regarde, et que je suis content.<br />

Je ne quittai la petite boutique que quand le soir fut tout à fait<br />

venu…<br />

Sur les Hollandais<br />

À une dizaine de kilomètres au-delà de Bréda, c’est enfin la<br />

Hollande… la Hollande d’eau et de ciel, la Hollande infiniment<br />

verte, infiniment gris-perle, où plus jamais n’osera s’aventurer le<br />

moindre souvenir de Belgique. Les routes se font douces, élastiques,<br />

sans poussière, avec leur pavage uni et lavé de briques sur<br />

champ. Elles sont plantées magnifiquement d’arbres gigantesques,<br />

des ormes, des platanes, des blancs de Hollande, dont on<br />

voit très bien que les racines plongent au plus profond d’un sol<br />

riche où l’humus ne leur a pas plus manqué que l’eau. Des<br />

bandes de vanneaux, de sansonnets voyagent dans l’air, des<br />

bandes de canards voyagent sur l’eau… Et l’eau est partout…<br />

On la voit sourdre sous les nappes de ver<strong>du</strong>re, comme, sous la<br />

couche des cendres qui le recouvre, on voit sourdre la rougeur<br />

d’un brasier…<br />

Dans la traversée des polders, sur les digues, il faut aller doucement.<br />

Elles sont étroites, le plus souvent bordées de petits<br />

canaux en contrebas, coupées de petites passerelles en dos d’âne<br />

et de petits ponts-levis qu’on n’aperçoit que lorsqu’on est dessus.<br />

Chaque fois que vous rencontrez un cheval, un de ces beaux chevaux<br />

à l’encolure guerrière, arrêtez la machine, et mieux, descendez-en,<br />

pour porter secours au charretier ou au cavalier, car le<br />

cheval est partout le même stupide animal, et, ici, son danger<br />

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