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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

— Des lilas?… C’est idiot!… ah! ah! ah!… Et c’est à moi<br />

que… Mais, mon cher, vous ne savez donc pas qu’il y a un lilas<br />

qui porte mon nom?… Il y a le lilas André Theuriet, mon cher…<br />

un lilas à fleurs doubles…<br />

Je crois bien que M. André Theuriet en a ri longtemps. Et j’en<br />

ris encore, moi aussi, car j’ai lu souvent que, lorsque l’Académie<br />

travaille au dictionnaire, et qu’elle discute sur un nom de plante,<br />

elle dit :<br />

— Ça regarde Theuriet… laissons faire Theuriet… C’est<br />

notre botaniste…<br />

*<br />

* *<br />

Les haies aussi vous arrêtent… On sourit aux aubépines, aux<br />

églantines. Elles vous rappellent mille petits événements puérils<br />

et charmants, des visages déjà lointains, des noms depuis longtemps<br />

oubliés. On s’attendrit… Parfois, pour fleurir sa marche,<br />

on les cueille…<br />

De l’auto, c’est à peine si on a le loisir de comparer entre eux<br />

les feuillages différents. Et l’on ne voit pas les fleurs des haies…<br />

et l’on ne se souvient pas des histoires de M. André Theuriet…<br />

Ces arbres qui fuient, ce sont des arbres, sans plus… et ils galopent,<br />

galopent… Qu’importe qu’ils s’appellent chêne, acacia,<br />

orme ou platane? Ils galopent, voilà tout… Ils accourent vers<br />

nous, se précipitent vers nous, dans un vertige. On dirait — tellement<br />

ils ont peur et ne savent plus ce qu’ils font — qu’ils vont<br />

entrer dans la voiture et la traverser. Ils ont tellement peur qu’ils<br />

ne sont même plus de la matière : ils sont devenus des reflets, des<br />

ombres, et qui galopent. <strong>La</strong> plaine aussi s’immatérialise,<br />

emportée dans un galop surnaturel… Et voici des vallons, des<br />

gorges rocheuses, des montagnes… des forêts… Au galop!… Au<br />

galop! À peine entrevus, aussitôt dépassés. Au galop!… A-t-on le<br />

temps de penser, de rêver, de pleurer? Au galop les petites joies<br />

attendrissantes, les petites douleurs qui larmoient et où se complaît<br />

l’enfantillage des souvenirs!… D’ailleurs, sont-ce des joies,<br />

des douleurs, des souvenirs?… On ne sait pas… on ne le sait pas<br />

plus que, des arbres, on ne sait s’ils sont ormes, peupliers, hêtres<br />

ou sophoras… On ne sait rien… À peine sait-on que l’air qui<br />

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