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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

poésie et de souvenirs, les hantises de l’eau et ses amollissants<br />

mirages. Nous sommes entrés par la route, par le solide support<br />

de la route. Il n’en fallut pas moins — tant pleurer est le propre<br />

de l’homme —, il n’en fallut pas moins le rebondissement de la<br />

voiture sur un dos d’âne et sur un caniveau, pour me réveiller de<br />

ces souvenirs et faire s’effacer leurs dolentes images, et aussi<br />

l’image — qui les contenait toutes — <strong>du</strong> vieux bateau, qui, si<br />

lentement, si rêveusement, nous porta d’Anvers à Rotterdam…<br />

jadis!…<br />

Par bonheur, il n’est pas de mélancolie dont ne triomphe<br />

l’ardent plaisir de la vitesse…<br />

Maintenant, je vois les bandes des cultures virer… <strong>La</strong> plaine<br />

paraît mouvante, tumultueuse, paraît soulevée en énormes<br />

houles, comme une mer. Que dis-je?… <strong>La</strong> plaine paraît folle de<br />

terreur hallucinée… Elle galope et bondit, s’effondre tout à coup<br />

dans les abîmes, puis remonte et s’élance dans le ciel… Et elle<br />

tourne, tourne, entraînant dans une danse giratoire ses longues<br />

écharpes vertes, et ses voiles dorés… Les arbres, à peine atteints,<br />

fuient en tous sens, comme des soldats pris de panique…<br />

Le lilas André Theuriet<br />

Quand on va lentement à pied, même en voiture, chaque<br />

arbre sur la route est un petit événement. On l’accoste, on reconnaît<br />

son essence, on le salue, on lui parle… On dit :<br />

— C’est un chêne!<br />

— Ah! voici un orme… un peuplier… un platane.<br />

— Tiens! un sycomore… qu’est-ce qu’il fait là?<br />

Et l’on sort de son ombre pour entrer dans une ombre nouvelle…<br />

Il vous revient des histoires amusantes…<br />

Un jour — la vie a de ces rencontres —, je me promenais avec<br />

M. André Theuriet, au Jardin d’acclimatation. M. Theuriet — on<br />

le sait — est l’Amant de la nature. Mieux que personne au<br />

monde, il connaît les bois et les sous-bois. C’est même par là qu’il<br />

est entré dans la littérature, à l’Académie, dans l’Immortalité…<br />

J’étais fier, vous pensez, de marcher aux côtés d’un tel homme,<br />

parmi toutes ces choses qu’il connaît si bien… Et j’allais en<br />

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