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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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OCTAVE MIRBEAU<br />

les petits jardins, sur le rebord des fenêtres où leurs tiges coupées<br />

trempaient dans l’eau d’un pot bleu…<br />

Et ils avaient beau se faner, nous les retrouvions plus loin, plus<br />

jeunes, plus frais, leurs brins à peine entrouverts…<br />

— C’est le printemps!… c’est toujours le printemps!…<br />

Pour des êtres jeunes et heureux, qui ne croient qu’au miracle<br />

— puisqu’ils sont eux-mêmes le miracle — et qui ne veulent<br />

écouter aucune des voix de la vie, l’illusion naîtrait d’un moindre<br />

prodige…<br />

Et maintenant?… Je n’étais plus très rassuré…<br />

Allais-je, avant d’aborder à Dordrecht — que nous appelions<br />

Dordt —, réentendre la sonorité des quais <strong>du</strong> Rhin, où grouilleraient<br />

les ateliers des armateurs et se répercuteraient les coups de<br />

marteau des deux rives? Cette terrasse de l’hôtel, d’où l’on voit si<br />

bien le soleil se coucher dans le fleuve et le fleuve s’endormir<br />

dans la nuit, existait-elle encore? Reverrais-je une petite place de<br />

Rotterdam, dont le clair de lune adoucirait aussi tendrement le<br />

ton des pierres? Et, à Delft, où les pignons de brique, les vieilles<br />

tours penchées, les portes s’ouvrant sur les clairs jardins, les eaux<br />

et les visages répètent, sans cesse, le nom magique de Vermeer…<br />

à Delft, sur le canal encaissé, le canal ombragé, à peine ombragé<br />

des pousses roses d’un tout jeune printemps, retrouverais-je ces<br />

jolies barques, toutes pleines de fleurs, pensées en mottes, tulipes<br />

en boules rondes, guirlandes de narcisses, qui glissaient mollement,<br />

l’une derrière l’autre, remorquées par une petite paysanne<br />

blonde, et qui souriait? Recevrais-je encore ce coup de foudre,<br />

qui, à <strong>La</strong> Haye, me fit m’agenouiller devant Rembrandt, comme<br />

à Amsterdam j’eus le cœur défaillant, les yeux en larmes, la<br />

première fois que j’entendis ces voix divines qui faisaient pénétrer<br />

en moi le surhumain génie de Beethoven? Rembrandt et<br />

Beethoven… les deux ferveurs de ma vie!…<br />

Je me demandais tout cela… Et que ne me demandais-je pas<br />

encore?<br />

*<br />

* *<br />

Mais cette fois-ci, comme je vous l’ai dit, nous ne sommes pas<br />

entrés en Hollande par le fleuve et ses méandres autour des neuf<br />

îles de la Zélande. Nous n’avions plus, pour nous attrister de<br />

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