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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

puisque, quand nous mourons, c’est toute l’humanité, et c’est<br />

tout l’univers qui disparaissent et meurent avec nous.<br />

Si l’on n’avait pas appris l’art cruel de faire des miroirs, et que<br />

les femmes <strong>du</strong>ssent passer leur vie au bord des rivières, chacun<br />

de nous ne verrait vieillir que les autres… Il se croirait toujours le<br />

jeune homme qui courait follement au bonheur ou même<br />

l’enfant, le petit enfant qui ne pensait qu’à jouer, dont les larmes<br />

coulaient pour un rien, et pour un rien, aussi, étaient séchées.<br />

Chaque âge, n’étant plus que l’adolescence — sans amertume —<br />

d’un autre âge, nous resterons perpétuellement adolescents…<br />

Mais, pour n’être pas détrompés, il faudrait ne retourner jamais,<br />

à quinze ans d’intervalle, dans un pays où l’on aurait vécu trop<br />

heureux… C’est alors qu’apparaissent, dans une mélancolie<br />

amère, toutes nos rides, tous nos cheveux blancs, et tout ce qui<br />

s’est flétri en nous.<br />

Il n’est pas de miroir d’une eau plus pure, partant plus implacable.<br />

*<br />

* *<br />

Je ne me doutais pas de cela — <strong>du</strong> moins, je ne pensais pas à<br />

cela — quand l’idée me vint de retourner en Hollande, et je<br />

m’imaginais joyeusement que j’allais la revoir, comme autrefois,<br />

mirer sa blonde jeunesse, son luxe paisible et mon bonheur, dans<br />

l’eau toujours pareille de ses canaux.<br />

C’est au printemps aussi que nous étions partis naguère, tout<br />

au début <strong>du</strong> printemps, d’un printemps alerte et doux, dont il<br />

nous semblait que son enchantement devait <strong>du</strong>rer toute la vie. Je<br />

m’en souviens bien, et je sais maintenant d’où venait mon illusion<br />

et ce qui l’excuse.<br />

Tout le temps de notre voyage, nous étions remontés toujours<br />

vers le nord, au-devant de la floraison des lilas. Avant de partir,<br />

nous en avions respiré à Paris les derniers bouquets, et, à mesure<br />

que nous avancions sur la route, ils avaient recommencé de<br />

fleurir… Ils fleurissaient, fleurissaient devant nous, et refleurissaient,<br />

sans se lasser.<br />

— C’est le printemps!… c’est toujours le printemps!… ne<br />

cessaient-ils de nous dire, au passage, dans les petites cours, dans<br />

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