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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

devant la mort. Et il me plaît que, dans leurs yeux, l’observation<br />

continue des espaces approfondisse la même qualité de couleur,<br />

aiguise la même sûreté de vision…<br />

Et la sirène dans la campagne, la sirène dans la montagne,<br />

presque aussi émouvante que sur la mer et dans les ports, la<br />

sirène dont l’avertissement prolongé apprend aux bêtes peureuses,<br />

aux villages en émoi, aux voitures somnolentes, aux<br />

humanités hostiles, que les routes sont faites pour que tout y<br />

passe, même la tempête, même le progrès, qui est une tempête,<br />

puisqu’il est une révolution!<br />

<strong>La</strong> ville<br />

Après avoir longtemps longé les méandres de la Senne — la<br />

route et l’eau se fuyaient, se rattrapaient, comme des enfants se<br />

poursuivent en jouant —, après avoir traversé quelques petites<br />

villes indifférentes, des villages presque morts, une campagne<br />

triste et noire, toute grondante de vent, après avoir brûlé Malines<br />

et ses fondrières de boue, franchi les forts qui défendent Anvers,<br />

ralenti dans les faubourgs, nous ne nous sommes arrêtés qu’au<br />

milieu de la ville, place de Meir, pour déjeuner.<br />

Si l’on devait juger de la beauté d’une ville, par l’excellence de<br />

ses restaurants, Anvers serait bien en dessous de Bruxelles. À<br />

Anvers qui, pourtant, est extrêmement riche, où la vie bourgeoise<br />

est, dit-on, intense et fastueuse, où, tous les jours, arrivent quantité<br />

de voyageurs, pour de là se disperser aux quatre coins <strong>du</strong><br />

globe, les restaurants sont quelconques, les hôtels aussi. Pas de<br />

confortable, pas de luxe; le nécessaire à peine. Des repas vite<br />

préparés, vite avalés, et l’on s’en va. On dirait à voir leur agitation<br />

que les Anversois n’ont pas le temps de manger. Agitation moins<br />

badaude, moins musarde, moins bavarde, moins littéraire, plus<br />

expressive qu’à Bruxelles.<br />

<strong>La</strong> place de Meir est noire de monde en mouvement. Foules<br />

pressées qui ne s’attardent pas aux boutiques, aux menus incidents<br />

de la rue, qui se croisent, se mêlent, disparaissent, et se<br />

reforment sans cesse… Elles vont au travail, aux affaires… Cela<br />

rappelle, avec moins de fébrilité trépidante, l’activité de Londres,<br />

dans les rues de la Cité, ou, mieux, celle plus calme, plus pesante<br />

de Berlin, dans la Friedrichstrasse. Peu de caractère dans les types,<br />

au premier abord. En vain, je cherche, parmi les femmes, les<br />

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