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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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OCTAVE MIRBEAU<br />

Le chant des sirènes enfièvre, jusqu’au délire, ma curiosité <strong>du</strong><br />

monde entier…<br />

Bateaux<br />

Mais l’aspect seul des bateaux me donne une satisfaction complète<br />

et plus douce.<br />

Je les aime tous.<br />

C’est la plus hardie des machines humaines, celle qui a naturellement<br />

le plus d’élégance. Je pense souvent, avec tendresse, à<br />

l’âme intrépide et charmante de celui — dont l’histoire n’a pas<br />

retenu le nom — qui, un jour, assis au bord d’un étang et voyant<br />

voguer sur l’eau une adorable petite sarcelle à tête rouge, inventa<br />

la barque.<br />

Ah! il eut raison de l’inventer, la barque, ce gentil inconnu, car<br />

je crois bien que c’est moi qui l’eusse inventée, tant je l’aime…<br />

Et qu’on ne se récrie pas!… J’ai bien, étant enfant, sans<br />

connaître un mot de physique et de géologie, sans rien savoir <strong>du</strong><br />

fameux principe des vases communicants, inventé les fontaines<br />

jaillissantes. Et comme, tout heureux, avec la foi candide de<br />

l’ignorance, je tâchais d’expliquer, sommairement, cette découverte<br />

à mon professeur :<br />

— Mais c’est le puits artésien!… s’écria celui-ci, avec une<br />

expression de pitié méprisante que je n’oublierai jamais… Petit<br />

imbécile, va!… Et Moïse, qui faisait jaillir les eaux, dans le<br />

désert, <strong>du</strong> bout de sa baguette? Qu’en fais-tu, de Moïse?… Et la<br />

poudre, l’as-tu aussi inventée, la poudre?… Tu me copieras mille<br />

fois cette phrase : « J’ai inventé les puits artésiens. »<br />

C’est à ce pensum, sans doute, que je dois de ne pas avoir,<br />

plus tard, inventé la poudre… J’eus trop de honte.<br />

*<br />

* *<br />

Le goût que j’ai pour l’auto, sœur moins gentille et plus<br />

savante de la barque, pour le patin, pour la balançoire, pour les<br />

ballons, pour la fièvre aussi quelquefois, pour tout ce qui m’élève<br />

et m’emporte, très vite, ailleurs, plus loin, plus haut, toujours plus<br />

haut et toujours plus loin, au-delà de moi-même, tous ces goûtslà<br />

sont étroitement parents… Ils ont leur commune origine dans<br />

cet instinct, refréné par notre civilisation, qui nous pousse à<br />

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