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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

ciel, de coupoles dorées, de flèches bleues, de tours, de cathédrales,<br />

d’on ne sait quoi… Au-delà, encore, l’infini… avec tout<br />

ce qu’il réveille en nous de nostalgies endormies, tout ce qu’il<br />

déchaîne en nous de désirs nouveaux et passionnés!<br />

*<br />

* *<br />

Il n’y a pas de port dont je ne sois touché… Même, les tout<br />

petits m’enchantent qui sont per<strong>du</strong>s, comme des nids de courlis,<br />

au fond rocheux des criques, et d’où à peine une barque met à la<br />

voile… Mon cœur saute et bondit dans les grands… Les fleuves<br />

qui sont humains s’y unissent à la mer surnaturelle.<br />

Les plus grandes villes me sont presque toujours de très petits<br />

mondes fermés… Un moment vient bien vite où je m’y sens en<br />

prison… et m’y cogne aux murs… J’étouffe dans la montagne;<br />

son atmosphère m’est irrespirable, ses nuages, qui dérobent toujours<br />

la vue des cimes et le ciel, m’écrasent comme de lourdes,<br />

comme d’épaisses plaques de plomb. <strong>La</strong> forêt m’étreint le cœur,<br />

m’angoisse, me serre la gorge jusqu’au sanglot… Je ne puis supporter<br />

cette sorte de terreur religieuse qu’elle accumule sous ses<br />

voûtes et qui emplit ses ténèbres, où, parfois, des bêtes nocturnes<br />

hurlent à la mort…<br />

Mais il n’est pas de quai, de jetée, de môle, d’embarcadère, il<br />

n’est pas, comme ils disent ici, de piers, au long desquels des<br />

bateaux se balancent, où je ne me sente vraiment au bord de<br />

l’univers, et joyeux, et libre, et léger… Les coups de sifflet qui<br />

font vibrer les vitrages des gares, même gigantesques, ne sont<br />

que des avertissements sans éclat; ils ne parlent pas assez à mon<br />

imagination… L’appel des sirènes a une autre signification, une<br />

autre éloquence, une portée plus haute. Quand il s’amplifie dans<br />

les ports, il a la sonorité, la profondeur, l’émotion poignante des<br />

nouvelles qui arrivent <strong>du</strong> bout <strong>du</strong> monde, et, chaque fois que j’en<br />

ai enten<strong>du</strong> <strong>du</strong>rer les accents, j’ai enten<strong>du</strong> leur répondre, <strong>du</strong> plus<br />

lointain de moi, mon avidité insatiable des mers inconnues, des<br />

paysages de feu et de glace, des flores, des faunes, des humanités<br />

que je voudrais connaître et que je ne connaîtrai, sans doute,<br />

jamais :<br />

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