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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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OCTAVE MIRBEAU<br />

Il ajouta :<br />

— Pour les hommes, ma foi!… je n’ai point essayé…<br />

Et il me poussa <strong>du</strong> coude légèrement :<br />

— Hé! hé! Dites donc? Faudrait peut-être essayer ça… en<br />

France, où la race s’en va… s’en va…<br />

Je vis, dans un parquet, des oiseaux extraordinaires que, tout<br />

d’abord, je pris pour des rapaces. Droits comme des hommes et<br />

juchés sur de hautes pattes sèches, nerveuses, armées de terribles<br />

éperons, le poitrail bombant, serré dans un justaucorps de<br />

plumes bleuâtres, la queue courte, pointue, relevée à la manière<br />

d’un sabre, l’œil féroce, le bec recourbé, coupant, comme celui<br />

des vautours, ils me firent l’effet de ces reîtres querelleurs, qui,<br />

pour un rien, tiraient l’épée, et vous étendaient, d’un coup<br />

d’estoc, sur la berge des routes.<br />

— Des Combattants de Bruges… expliqua, en haussant les<br />

épaules, le hobereau… Rien <strong>du</strong> tout… rien <strong>du</strong> tout… Oui, ils<br />

font les fendants… ça a l’air de quelque chose… et, au fond, des<br />

couillons, mon cher monsieur, les pires couillons <strong>du</strong> monde. Ne<br />

me parlez pas de ces épateurs, qu’un rouge-gorge mettrait en<br />

déroute et qu’il faut élever dans <strong>du</strong> coton…<br />

Nous marchions toujours, de parquets en parquets, et, toujours,<br />

le grand aviculteur, parlait, parlait, expliquait, commentait<br />

:<br />

— L’hôpital! me dit-il, tout à coup.<br />

Il s’arrêta, me montra un grand espace, divisé en cinq ou six<br />

compartiments, enclos de grillages, où s’élevaient, bien exposées<br />

au soleil, de vraies maisonnettes. Une forte odeur d’acide phénique<br />

montait <strong>du</strong> sol soigneusement ratissé… Quelques poules<br />

se promenaient, l’aile basse, de l’allure triste, lente et cassée<br />

qu’ont les vieilles bonnes femmes, dans la campagne. J’en vis qui<br />

boitillaient, qui sautillaient sur leurs pattes, entourées de linges<br />

de pansement. D’autres, hottues, les plumes ternes et bouffantes,<br />

la crête décolorée, restaient immobiles, sans rien voir de<br />

ce qui se passait autour d’elles. D’autres encore, accroupies en<br />

rang, sur l’herbe sulfatée, dodelinaient de la tête et se racontaient<br />

de petites histoires, parlaient, sans doute, de leurs maladies,<br />

comme font les convalescents, assis, dans le jardin de l’hospice,<br />

sur des bancs, un jour de soleil.<br />

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