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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

Waterloo<br />

Le même jour, je suis allé visiter le champ de bataille de<br />

Waterloo. Peut-être ai-je été poussé inconsciemment à cette<br />

absurde visite, par cette idée, non moins absurde, de m’habituer<br />

tout de suite à l’idée de la défaite, de la dénationalisation, de la<br />

belgification, qu’évoque en moi le nom seul de Waterloo.<br />

Mais je n’ai rien vu, au champ de bataille de Waterloo… Au<br />

champ de bataille de Waterloo, près de l’auberge de Belle-<br />

Alliance, où quelques excursionnistes anglais échangeaient de<br />

petits cailloux jaunes contre de petits cailloux noirs, je n’ai vu,<br />

debout sur une table, les jambes bottées, sur la tête un panama<br />

en bataille, aux yeux une énorme lorgnette, je n’ai vu que<br />

M. Henry Houssaye 1 , qui regardait… quoi?<br />

Des corbeaux volaient ici et là, dans la morne plaine… Et je<br />

me dis mélancoliquement :<br />

— Il les prend encore pour des aigles.<br />

Au musée<br />

Je ne dirai rien des visites que j’ai faites aux Musées. Je veux<br />

garder secrètes en moi, au plus profond de moi, les jouissances et<br />

les rêveries que je vous dois, ô Van Eyck, ô Jordaens, ô Rubens, ô<br />

Teniers, ô Van Dyck!… Je veux, en admirateur respectueux, soucieux<br />

de votre immortel repos, vous épargner toutes les sottises,<br />

épaisses, gluantes, que sécrètent hideusement les critiques d’art,<br />

lorsqu’ils se trouvent en présence des œuvres d’art, de n’importe<br />

quelles œuvres d’art, sottises indélébiles qui, bien mieux que les<br />

poussières accumulées et les vernis encrassés, encrassent à jamais<br />

vos chefs-d’œuvre, et finissent par vous dégoûter de vousmêmes…<br />

Ah! c’est bien la peine que vous ayez été de grands<br />

hommes et de braves gens!<br />

1. Henry Houssaye (1848-1911), fils d’Arsène Houssaye, critique et historien, a<br />

notamment consacré quatre volumes à l’année 1815, dont l’un s’intitule précisément<br />

Waterloo (1899). Il a également prononcé, le 28 juin 1904, un grand discours lors de<br />

l’inauguration <strong>du</strong> monument de Gérôme à L’Aigle blessé, sur le champ de bataille de<br />

Waterloo. <strong>Mirbeau</strong> lui a consacré une chronique ironique, sous la forme d’une interview<br />

imaginaire, intitulée « À Waterloo », dans Le Journal <strong>du</strong> 6 septembre 1896.<br />

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