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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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OCTAVE MIRBEAU<br />

doute, que cela ne suffisait pas à son bonheur. Il en voulait<br />

d’autres, beaucoup d’autres, des rois en habit civil, et il les voulait<br />

de son choix. Le peuple, donc, descendit en armes dans la rue et<br />

se livra aux vociférations d’usage. Les bourgeois, protégés par les<br />

troupes, s’amusèrent à ces spectacles qu’ils croyaient sans<br />

danger.<br />

À Gand, les choses semblèrent, <strong>du</strong>rant quelque temps,<br />

tourner au tragique. Cris, barricades, rixes sanglantes, coups de<br />

revolver, charges de cavalerie, décharges de mousqueterie, rien<br />

ne manqua à la fête, pas même les morts. Ordinaire apothéose…<br />

Ces escarmouches menaçant de se prolonger, on convoqua la<br />

garde civique. J’en faisais partie. Force me fut de me ranger sous<br />

le drapeau de l’ordre, parmi les défenseurs de la société. Dans<br />

ma compagnie, nous n’étions que deux bourgeois authentiques,<br />

un peintre de mes amis, et moi. Le reste?… ouvriers, petits<br />

employés, commis de magasins; tous, ou presque tous, en parfaite<br />

communion d’idées avec les émeutiers. Dans le rang, ils<br />

discutaient, entre eux, à voix basse, et ce mot de « suffrage<br />

universel » revenait, sans cesse, sur leurs lèvres.<br />

Ils se promettaient bien, ils juraient, si on leur commandait de<br />

tirer sur le peuple, de tirer en l’air.<br />

— Ils ont raison, disait l’un, ils combattent pour notre bonheur.<br />

— Mieux que cela, appuyait un autre… pour notre souveraineté…<br />

— Oui, oui!… Tous, nous voulons être souverains, comme en<br />

France.<br />

— Imposer notre volonté, comme en France.<br />

— Dicter nos lois, comme en France.<br />

— Patience!… Encore quelques jours, et nous serons les maîtres<br />

de tout, comme en France.<br />

Un autre disait :<br />

— On peut commander tout ce qu’on voudra. Je ne tirerai<br />

pas… D’abord, parce que ce n’est point mon idée, ensuite parce<br />

que mon frère est avec ceux qui se battent pour notre souveraineté.<br />

Je me serais bien battu, moi aussi… mais j’ai une femme,<br />

deux enfants…<br />

— Moi aussi, je me serais bien battu… mais le patron, qui<br />

n’est pas pour le peuple, m’aurait mis à la porte, et je n’aurais<br />

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