408 - Gottfried Wilhelm Leibniz Bibliothek

N. 314 ii. allgemeiner und gelehrter briefwechsel 1699 527
J’avoue d’avoir esté dans l’erreur: j’avois crû, que l’art de Memoire dont V. A. S.
m’avoit ordonné de faire rapport, estoit le principal, et que le dechifrement, dont j’avois
fait mention de moy même, estoit un incident: mais je vois maintenant que V. A. S. le
prend d’une autre maniere, et c’est à moy de me soûmettre à son jugement.
Mais comme l’art de dechifrer, poussée au delà du vulgaire est incomparablement 5
plus difficile, et que cet ami qui y excelle est plus eloigné, et n’est pas une personne
qui fasse profession de l’enseigner, il ne sera pas si aisé ny d’apprendre la chose en elle
même, ny de la tirer de cette personne, et j’auray besoin de circomspection et de temps,
pour l’y engager, à cause des raisons, qu’il est aisé de voir. Car ceux qui se servent de
ces sortes de personnes ont sujet d’en estre jaloux, sur tout quand ils sont à eux. Ainsi 10
le marché ne s’y sçauroit faire si ouvertement que celui de l’art memorative. J’avois
tousjours distingué l’un de l’autre dans mes lettres, bien qu’il soit vray que le maistre
de l’art de memoire sçait aussi quelque chose du dechifrement, mais il ne va pas si loin.
Il enseigneroit bien aussi ce qu’il en sçait, mais je ne trouve pas trop convenable, qu’on
apprenne en même temps deux artifices si differens; dont l’un porte fort loin le jugement, 15
et l’autre la memoire. On peut pourtant faire ce qu’on trouvera bon, et même si on se
vouloit borner dans l’art memorative à un effect mediocre de ce qui est de la curiosité;
c’est à dire au recit des mots et nombres qu’on entend prononcer jusqu’à une centaine
ou environ, sans desirer de parvenir aux practiques importantes et utiles, dont il a esté
parlé dans le papier latin; et laissant d’ailleurs au disciple le soin de se bien exercer luy 20
même apres avoir appris l’art, sans en surcharger le maistre; en ce cas je ne doute point,
qu’on ne puisse faire le traité à meilleur marché. Et on pourroit s’expliquer de ce qu’on
y veut mettre, à fin que le maistre puisse juger s’il en est content. Mais j’avois crû, que
l’intention de V. A. S. seroit de faire pousser la chose à toute la perfection qu’on luy peut
donner presentement. 25
Je suis bien aise cependant de n’avoir encor rien dit de V. A. S. pour ne la point
commettre: aimant mieux si la chose manque que cela tombe sur moy qui ay crû bien
faire de tous costés, et qui ay eu purement en vüe le service du public et celuy de V. A. S.
sans y rien mêler du mien. Ce sera tousjours ma maxime, et toutes les fois que j’ay voulu
bien faire, je me console aisément de ce qui en arrive, et ne me rebute point comme 30
feroient beaucoup d’autres. Car travaillant pour le bien general, et pour l’avantage du
genre humain, à fin que des inventions utiles soyent conservées et cultivées, sans chercher
6 ami: J. Wallis. 12 maistre: Libbes (Lübbert) aus Hannover.