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VULGARISATION SCIENTIFIQUE - Colloque Sciences médias et ...

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Flaubert avait à peine commencé la rédaction de Bouvard <strong>et</strong> Pécuch<strong>et</strong> qu’aussitôt<br />

surgirent d’effroyables difficultés : le 6 août 1874, il écrit à sa nièce : «... les difficultés de<br />

ce livre-là sont effroyables. Je suis capable d’y crever à la peine » ; le 2 décembre à<br />

George Sand : « Je me donne un mal de cinq cents diables pour mon bouquin, me<br />

demandant quelquefois si je ne suis pas fou de l’avoir entrepris » ; trois mois plus tard à<br />

Mme Roger des Gen<strong>et</strong>tes : « Il faut être maudit pour avoir l’idée de pareils bouquins...<br />

Ce qui me désespère, c’est que je ne crois plus à mon livre. La perspective de ses<br />

difficultés m’écrasent d’avance. » 1<br />

Pourtant, l’écrivain pressentait l’importance de son livre le 6 juin 1877, trois ans après<br />

avoir trouvé la première phrase du roman, il écrit à sa nièce : « Dans de certains<br />

moments, ce livre m’éblouit par son immense portée. Pourvu que je ne me trompe pas<br />

complètement !... Quelque chose me dit que je suis dans le vrai, mais c’est tout l’un ou<br />

tout l’autre. »<br />

Aujourd’hui, on est de plus en plus à même de mesurer c<strong>et</strong>te importance que Flaubert<br />

n’avait fait que pressentir : «... j’écris à l’intention de quelques raffinés, répond-il à<br />

Gertrude Tennant. Peut-être sera-ce une lourde sottise ? À moins que ce ne soit<br />

quelque chose de très fort ? » Qu’y a-t-il dans c<strong>et</strong> ouvrage qui puisse justifier à la fois<br />

un tel espoir <strong>et</strong> une telle incertitude?<br />

Sans doute l’incertitude tient-elle en ce que Bouvard <strong>et</strong> Pécuch<strong>et</strong> n’est pas un roman<br />

comme les autres. On n’y trouve guère d’amour ; le traditionnel héros s’est scindé en<br />

deux personnages, dont les fonctions dans le récit semblent équivalentes ; la logique<br />

narrative ne s’y détermine pas selon des possibles engendrés par la fiction elle-même,<br />

mais plutôt en référence à un domaine qui lui est extérieur <strong>et</strong> hétérogène par définition :<br />

les sciences. Flaubert lui-même ne nous dit-il pas que le sous-titre de son roman devait<br />

être : « Du défaut de méthode dans les sciences » ? Et les péripéties de sa rédaction,<br />

fruit d’un vaste effort de lecture, ne viennent-elles pas attester qu’il s’agissait plus d’une<br />

dissertation que d’un roman ?<br />

Pourtant il s’agit bien d’un roman ! Mais dont la singularité nous semble résider en ce<br />

qu’il nous raconte les avatars d’un désir de savoir qui n’a aucun fondement, qui ne se<br />

justifie d’aucune vocation particulière, qui ne se récupère à travers aucune fonction<br />

professionnelle ou honorifique, bref, qui est totalement gratuit.<br />

En fait, ce manque de fondement dont souffre la curiosité encyclopédique de Bouvard<br />

1 Les références à la Correspondance sont tirées de l’Introduction de R. Dumesnil à Bouvard <strong>et</strong> Pécuch<strong>et</strong> in<br />

Œuvres II, NRF, p.695-710.<br />

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