integralite des textes - MORA VOCIS

PROGRAMME :
Introduction
Première fenêtre sur le Ms de Chypre : le 5 avril 2011
Caritas abundat Antienne de Hildegard von Bingen (12 ème Siècle)
Caritas abundat Pièce à 3 voix de Klaus Huber (°1924) ; Texte de
Hildegard von Bingen
Je la remire, la belle Rondeau du Ms de Chypre (début XV ème Siècle)
Qui n'a le cuer rainpli de vraie joie Rondeau du Ms de Chypre
Aucun ont trouvé / Lonc tans me sui tenu / Annuntiantes
Motet du Ms de Montpellier (13 ème Siècle)
Interludium primum
Virtutis ineffabilis / Incessanter expectavi / Alleluya
Motet du Ms de Chypre
Pour haut et liement chanter Ballade du Ms de Chypre
Puisque sans vous querons notre plaisir Rondeau du Ms de Chypre
Contre dolour, alegresse et plaisir Rondeau du Ms de Chypre
O quam pretiosa Répons de Hildegard von Bingen
O quam mirabilis Pièce à 3 voix de Yvan Moody (°1965) ; Texte de
Hildegard von Bingen
Presidentes in Thronis / Super Cathedram Moysi / Ruina
Motet du Roman de Fauvel
Mellis Stilla / Par une matinée / Domine Motet du Ms de Montpellier
Interludium secundum
Conbien que tout houme est formé de cendre
Rondeau du Ms de Chypre
Mater alma clementie / Deitatis triclinium Motet du Ms de Chypre
Quant me souvient de vostre noble atour Rondeau du Ms de Chypre
Veni Sancte Spiritus Pièce à 3 voix de Petr Eben (1929-2007)
Avec :
les voix de Mora Vocis (Caroline Marçot, Lucie Lacoste, Els Janssens-Vanmunster)
la danse de Sonia Onckelinx
les voix des chercheuses Gisèle Clément et Isabelle Fabre
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Textes et traductions :
Les traductions proposées ici se veulent une transposition libre des textes originaux. Elles s’efforcent
de faire percevoir le goût d’une langue particulièrement savoureuse et raffinée dans sa codification
extrême. D’où une densité d’expression qui appelle parfois une glose poétique, bien plus qu’une
simple équivalence linguistique. Notre travail va dans ce sens et on en propose ici un premier
échantillon, encore de l’ordre de l’ébauche.
Introduction :
Présentation des textes (ballades et rondeaux) et de leur traduction
Les ballades, rondeaux et virelais occupent une place de choix dans la lyrique du temps. Formes fixes
à refrain, aux contraintes métriques rigoureuses, elles sont prétexte à des exercices de virtuosité dont
les Arts de seconde rhétorique ont consigné les prouesses. Souvent associées aux motets dans les
chansonniers de l’époque, elles se font comme ceux-ci l’écho de jeux formels et de pratiques d’écriture
où l’hommage courtois se mêle imperceptiblement à la louange religieuse. Les uns comme les autres
témoignent d’une réflexion sur la musique et le statut de musicien, sur la pratique d’un art aux
exigences à la fois techniques et morales. Le bon chantre est celui qui possède la science du nombre
appliqué au temps (la musica selon Boèce) ; c’est aussi l’homme dont le cœur, comme le troubadour
d’antan, puise dans la « joie d’amour » la raison d’être de son chant.
Caritas abundat in omnia / deimis exceltissima / super sidera / atque amantissima in omnia / quia
summo regi osculum pacis dedit
Je la remire, la belle, Je la contemple, la belle,
De bon voloir sans mentir ; avec plaisir, je ne mens pas ;
Mon cuer ne s’en peut partir mon cœur ne peut s’en détacher
Nuit et jour voirement d’elle nuit et jour, en vérité ;
Qui tres bonne est et non felle, car elle est la bonté même, exempte de cruauté,
Pour quoi m’estuet proferir : ce qui me fait proclamer :
Je la remire, la belle, je la contemple, la belle,
De bon voloir sans mentir ; avec plaisir, je ne mens pas ;
Car vraiement bien est celle car c’est elle, en vérité,
Qui toustans me peut merir ; qui peut me récompenser ;
En la servant sans menrir, dans mon service assidu,
Je dirai sertes pour elle : je dirai volontiers pour elle :
Je la remire, la belle, Je la contemple, la belle,
De bon voloir sans mentir ; avec plaisir, je ne mens pas ;
Mon cuer ne s’en peut partir, mon cœur ne peut s’en détacher
Nuit et jour voirement d’elle. nuit et jour, en vérité.
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Qui n’a le cuer rainpli de vraie joie Qui dans son cœur n’a la joie véritable
Mallement peut gracieus chans trover ; compose à grand peine de belles chansons ;
Je le sai bien et si le peus prover ; je le sais bien et je peux le prouver ;
Mout me deplaist, mais ainsi faut que soie. à mon grand dam, je n’y peux rien.
Plusieurs en sont en ceste propre voie, Nombreux sont ceux qui en font l’expérience
Lesquels dire porroient sans fausser : et qui pourraient en témoigner :
Qui n’a le cuer rainpli de vraie joie qui dans son cœur n’a la joie véritable
Mallement peut gracieus chans trover. compose à grand peine de belles chansons.
Autre ne sai, certes, que dire doie, Que dire de plus, vraiment ?
Fors que Dieu tous tels cuers reconforter Dieu, qui dispense toute grâce,
Veulle, qui peut toute grace donner, daigne consoler ces cœurs !
Car on peut bien dire si haut qu’on l’oie : Car on peut bien dire haut et fort :
Qui n’a le cuer rainpli de vraie joie qui dans son cœur n’a la joie véritable
Mallement peut gracieus chans trover ; compose à grand peine de belles chansons ;
Je le sai bien et si le peus prover ; je le sais bien et je peux le prouver ;
Mout me deplaist, mais ainsi faut que soie. à mon grand dam, je n’y peux rien.
Aucun ont trouvé chant par usage, Certains composent des chants par habitude ;
Mès a moi en doune ochoison Pour moi, c’est à l’amour que je dois mon
[inspiration,
Amours, qui resbaudist mon courage Lui qui réjouit tant mon cœur
Si que m’estuet faire chançon ; Qu’il me contraint à chanter ;
Car amer me fait dame belle et sage Car il me pousse à aimer une dame belle et
[avisée,
Et de bon renon ; De bonne réputation ;
Et je, qui li ai fait houmage, Et moi, qui lui ai présenté mon hommage,
Pour li servir tout mon aage Pour la servir ma vie durant
De loial cuer sans penser trahison, D’un cœur loyal, sans jamais songer à la trahir,
Chanterai, Je chanterai,
Car de li tieng un si douz heritage Car j’ai reçu d’elle un bien si doux
Que joie n’ai se de ce non : Qu’il n’est rien hormis cela qui me cause de la
[ joie :
C’est la pensee que mon douz mal m’asouage Telle est la pensée qui apaise mon doux mal
Et fait esperer garison. Et me fait espérer guérir.
Nepourquant seur moi puet clamer hausage Néanmoins, Amour peut se plaindre de mon
[arrogance
Amours, et moi tout mon vivant tenir Et me garder toute ma vie
En sa prison, En captivité ;
Ne ja pour ce ne panserai vers li mesprison ; Pour autant, jamais je ne songerai à lui en faire
[le reproche :
Tant set soutilment assallir Il sait livrer des assauts si habiles
K’encontre li defendre ne s’en puet on : Qu’il n’est nul moyen de s’en prémunir ;
Force de cors ne plenté de lignage La force physique pas plus qu’un prestigieux
[lignage
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Ne vaut un bouton, N’y servent à rien.
Et si li plaist de raençon Et s’il lui plait de restituer la rançon
Rendre a son gré, sui priés et l’en fais gage Selon son gré, je suis prêt et lui remets en
[gage
Mon cuer, que je met tout en abandon. Mon cœur, le lui abandonnant tout entier.
Si proi merci, car autre avantage Et j’implore sa pitié, car je n’ai pas d’autre
[atout
N’ai je ne pour moi nule autre raison. Et point d’autre argument à invoquer en ma
[faveur.
Lonc tans me sui tenu de chanter, Longtemps je me suis retenu de chanter,
Més or ai raison de joie mener, Mais désormais j’ai tout lieu de manifester ma joie,
Car bonne amour me fait desirer Car Bon amour me fait désirer
La mieus ensegnie La plus parfaite
K’on puist en tout le mont trouver ; Qui soit au monde :
A li ne doit on nule autre comparer. Nulle ne peut lui être comparée.
Et quant j’aim dame si proisie Et puisque la dame que j’aime est tenue en si
[haute estime
Que grant deduit ai du penser, Que je me réjouis du seul fait de penser à elle,
Je puis bien prouver Il m’est aisé de prouver
Que mout a savoureuse vie, Que la vie que l’on mène est pleine de délices,
Quoi que nus die, Quoi qu’on en dise,
En bien amer. Quand on aime d’un cœur sincère.
Triplum :
Incessanter expectavi J’ai attendu sans trève
Solem qui solus radiat le soleil qui seul éclaire ;
Inconcusse peramavi j’ai aimé sans relâche
Quidquid amat quid sapiat tout ce qu’il aime et savoure ;
Hic amor verus sit amor puisse cet amour être le vrai amour
Quo pro mercede patior que j’éprouve en récompense !
Ortus Christi meus amor La naissance du Christ, tel est mon amour
Quo potenter afficior que j’éprouve puissamment.
In me sit amor ut amor Qu’en moi réside un amour semble à celui
Christi sit mater media du Christ et que sa mère en soit la médiatrice !
Sum cuius astrictus hamo Je suis pris à son hameçon
Ligaque cordis anxia et par les liens douloureux du cœur.
Qua sumpta caro redolet La chair qu’il a assumée embaume
Fragratus supra roseos et son parfum surpasse celui des roses.
Quis igitur ultra volet Qui donc aspirerait encore
Ad amores extraneos à des amours étrangères ?
Iustum est et fas çelare Il est juste et pieux de dissimuler
Mariam que propaginem Marie qui a obtenu le salut de la race
Meruit Ade salvare d’Adam par son enfantement,
Partu nec scivit hominem sans qu’elle ait connu d’homme.
Manet hec deliciosa Elle demeure source de délices ;
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Vanescunt in qua vicia en elle il n’est plus trace de vices ;
Omni bono copiosa elle est riche de tous biens ;
Candor vincens lilia sa blancheur surpasse celle du lis.
Hanc qui çelat exaltatur Qui la cache est exalté
In amoris suffragio et mis au compte de l’amour ;
Finaliter sublimatur il sera élevé à la fin
Superne sedis solio sur le trône du séjour céleste.
Alma mater O Maria Généreuse mère, O Marie,
Prebes que lapsis redditum accorde à celui qui se repend de ses fautes
Celesti confer patria de contempler dans la patrie céleste
Cernere que ex te genitum. celui qui est né de toi.
Duplum :
Virtutis ineffabilis Cellier à la vertu ineffable,
Cella bonorum fertilis regorgeant de tous biens,
Ortus fragrorum dapsilis jardin aux parfums capiteux,
Fragror ortorum parilis parfum des jardins de Palès,
Rosa nitens floribilis rose dans l’éclat de sa fleur
Nunquam fragrando debilis au parfum jamais épuisé,
Nitor incorruptibilis beauté incorruptible et
Gemmarum lux visibilis lumière visible des gemmes,
Pre cunctis honorabilis vénérable entre toutes,
Ubique predicabilis digne d’être louée partout,
Sis virgo favorabilis montre-toi, Vierge, favorable ;
Per te natura fragilis par toi, que la nature fragile
Sublevetur placabilis soit soulagée [de ses peines] et que le Christ
Sit Christus miserabilis soit doux pour le péché lamentable
Delicti remissibilis. qui peut être pardonné.
« Cantor et musicus »
Pour haut et liement chanter, De vois clere, nette et polie, Ne se doit on jamais noumer Musiciain,
quoi qu’on ludie, S’il ne sai tres bien l’armonie De musique, qu’on doit loer, Par droit art, et la
simphonie Parfaitement, sans oblier ;
Un musicien, ce n’est pas quelqu’un à la voix limpide et puissante, au timbre clair et agréable, au
phrasé raffiné : eût-on toutes ces qualités qu’on ne saurait prétendre à ce titre.
En voici les conditions : connaître l’harmonie musicale, ces lois divines que seul l’art peut manifester,
et les accords permis par les règles du nombre – parfaitement, sans faute.
Et doucement prononcier, Faintement, par tres grant maistrie, Durement la vois eslever Aucunnes fois,
qui mout eslie ; Celui qui sent la melodie, Counoist et bien le sait de cler, Coume sa tres loialle amie,
Parfaitement, sans oblier ;
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Il faut aussi dire le texte avec justesse et précision, sans fausser les vers ni les rimes (ce n’est pas le
fait d’un novice !) ; il faut être capable au moment opportun – autre qualité remarquable – de se faire
entendre d’une voix puissante. Il sait déjà tout cela, comme intuitivement, celui qui connaît la mélodie
comme l’amant, sa dame fidèle – parfaitement, sans faute.
Les acors tres bien moderer, Sincopant en maniere lie, Veullant des fleuretis user, Non pas en tout
mais en partie, Metant peinne toute sa vie De savoir proporcionner Ses chans par gracieuse envie,
Parfaitement, sans oblier.
Il doit savoir aussi ajuster les différentes voix par des consonances heureuses, créer habilement des
rythmes syncopés, improviser des ornements sans surcharge, à bon escient, et s’efforcer constamment,
par une saine émulation, de faire varier les proportions – parfaitement, sans faute.
Puisque sans vous querons notre plaisir / En l'apsence de vostre compagnie / Nostre plaisance est
trop fort amenrye / se ne venés pour nous tous resjoir
Car nous avons de vous tel souvenir / que ne peut estre en nous joie acomplie
Puisque sans vous querons notre plaisir / En l'apsence de vostre compagnie
Si desirons que tost veuillés venir / Prendre desduit et mener douce vie / aveuque nous, laissant tost
Nicosie / Car i nous faut sans vous no chans taisir
Puisque sans vous querons notre plaisir / En l'apsence de vostre compagnie / Nostre plaisance est trop
fort amenrye / se ne venés pour nous tous resjoir
Contre dolour, alegresse et plaisir, Contre dur plour, ris et joieuse vie / Contre mal jour, bon jour et
chiere lye / M'a fait amour avoir comje desir
Dont l'en graci et ly vueil requerir / Qu'aie de lui tousdis par courtoisie,
Contre dolour, alegresse er plaisir, / Contre dur plour, ris et joieuse vie
Car lonctans a que maint grant desplaisir / Aie en mon cuer porté par unne envie / Qui me tenoit en
dure maladie / Mais Dieu merci, ore di sans mentir :
Contre dolour, alegresse er plaisir, / Contre dur plour, ris et joieuse vie / Contre mal jour, bon jour et
chiere lye / M'a fait amour avoir comje desir
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O quam pretiosa est virginitas virginis huius / quae clausam portam habet, et cuius viscera sancta
divinitas / calore suo infudit, / ita quod flos in ea crevit / et Filius Dei / per secreta ipsius
quasi aurora exivit ;
Unde dulce germen, quod ipsiu filius est, / per clausuram ventris eis paradisum aperuit / et Filius Dei /
per secreta ipsius / quasi aurora exivit
O quam mirabilis est praescientia divin pectoris, / quae praescivit omnem creaturam. / Nam cum
Deus inspexit faciem hominis, / quem formavit, / omnia opera sua / in eadem forma hominis integra
aspexit. / O quam mirabilis est inspiratio, / quae hominem sic suscitavit
Triplum :
Super cathedram Moysi Sur la chaire de Moïse
Latitat sub ypocrisi Se cache sous l’hypocrisie
Grex modernus prelatorum. Le moderne troupeau des prélats.
Quis verior testis nisi Quel témoin plus véridique
Rex eternus paradisi, Que le roi éternel du paradis
Cuius hec forma verborum : Dont voici les paroles :
« Quod vobis dicunt facite, « Ce qu’ils vous disent, faites-le,
Sed quod faciunt nolite ! » Mais ne faites pas ce qu’ils font ! »
Ergo, qui nunc presidentis, Ainsi, vous qui siégez aujourd’hui,
De vobis erubescite, Rougissez de vous-mêmes,
Quod hec verba regis vite Car ces paroles du roi de la vie,
Per vos impleta videtis. Vous les voyez par vous accomplies.
Vestra caret antistite Votre peuple manque d’un évêque
Plebs, et aulis indebite Et dans des palais royaux
Regalibus assidetis. Vous êtes indûment installés.
Ab hiis ergo recedite ! Eloignez-vous donc d’eux !
Nam vos rodit in stipite Car votre perfidie vous ronge
Fraus vestra. Sic corruetis, Jusqu’à l’os. Ainsi vous vous écroulerez.
Sed et de regularium vita impleri Mais concernant la vie des réguliers,
Alium Dei sermonem videte : voyez accomplie une autre parole de Dieu :
« Venient falsi prophete « De faux prophètes viendront
In vestimentis ovium, En habits de brebis,
Lupi autem interius rapaces. » Mais à l’intérieur ce sont des loups rapaces. »
Et deterius hoc verbum certe Et cette parole est certes plus sévère
Iudicio altero, Que l’autre jugement,
Quod superius ad pontifices applico. Que j’applique plus haut aux évêques.
Nam figmentum dolosius Car l’apparence se révèle plus trompeuse
Et delictum atrocius Et le forfait plus horrible
Hoc ultimo demonst[r]atur; Par ce dernier propos.
Ut tamen loquar sanius, Pour parler enfin sans ambages,
Plures horum operantur La plupart d’entre eux accomplissent
Sanctissima, sed est hora! Les choses les plus saintes, mais il est temps!
Nisi pravi dirigantur, A moins que ces tordus ne soient redressés,
Periculum est in mora! Il y a péril dans la demeure !
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Duplum :
Presidentes in thronis seculi Ce qui siège sur les trônes du monde,
Sunt hodie dolus et rapina. Ce sont aujourd’hui la ruse et la rapine.
Militantes cesserunt Herculi ; Les Hercules guerriers ont cédé le pas ;
Ecclesie perit disciplina ; La discipline de l’Eglise périclite ;
Ymnos, arma repellunt loculi. Les cassettes repoussent hymnes et armes.
Regnat domus rapax et volpina, Une maison rapace et perfide règne,
Thesaurizans sanguinem parvuli. En s’enrichissant du sang du petit.
Caret basis lapide anguli. La pierre angulaire fait défaut à la base.
Quis effectus ? Sepius protuli : Quel est l’effet ? Je l’ai assez souvent prédit :
Prope est ruina ! Proche est le désastre !
Triplum :
Par une matinée Un matin
El mois joli d’avril, Du joli mois d’avril
Mariete ai trovée Je trouvai Mariette
Regretant son ami, Se lamentant sur son ami
En un pré flori Dans un pré fleuri,
Soz un glai foili. Derrière un massif de glaïeuls.
Un chant mout joli Le très doux chant
D’oisillonés chantans Des oisillons
En un boschet endormi, En un bosquet où tout dormait,
Si com aloie esbatant Comme je me promenais,
Et pensant, Perdu dans mes pensées,
Si oï ; Parvint jusqu’à moi.
Si fui resbaudi J’en fus tout ému
Et s’en fui resjoï. Et mis en joie.
S’oï Marot disant : J’écoutai Marot :
« Biaus doz amis Robin, « Robin, cher ami,
Que j’aim mout et de finz, Que j’aime de tout mon cœur,
Amorous et jolis, Tendre et ardent,
Por quoi demorés vous tant ? » Pourquoi tardez-vous autant ? »
Ainsi se va dementant Elle se désolait ainsi,
La bele, la blonde en sospirant. La belle et blonde, en soupirant.
D’iluec a poi venoit Robin chantant ; Non loin de là Robin venait en chantant ;
Encontre lui A sa rencontre
Si li va Marot mout grant joie fesant ; Marot s’avance rayonnante de bonheur ;
Trestout maintenant, Sans plus tarder
Icil dui amant Les deux amants
Lor jeu demenant Vont vaquer à leurs jeux,
Vont, et je m’en part atant. moi je disparais…
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Double :
Mellis stilla, Goutte de miel,
Maris stella, Etoile de la mer,
Rosa primula, Rose à peine éclose,
Tu mamilla Tu es la mamelle
Stillans mella, Distillant le nectar,
Iese virgula, Rameau de Jessé,
Expers paris, Incomparable
Virgo paris Vierge, tu enfantes
Patrem filia. Le Père, toi sa fille!
Ordo stupet La nature éblouie
Cuius supplet Voit la grâce
Vicem gratia. Se substituer à elle.
Mediatrix, Médiatrice,
Vite datrix, Tu donnes la vie,
Mundi domina, Maîtresse du monde,
Via vite, Chemin de vie,
Mortis trite Foulant aux pieds la mort,
Tu victoria, Tu triomphes !
Per te detur Accorde-nous
Ut purgetur D’être lavés
Fecis scoria, De nos souillures immondes,
Qua purgati Afin que purifiés
Tua grati Nous t’invoquions
Sint memoria ! Avec reconnaissance.
Conbien que tout houme est formé de cendre, Bien que l’homme soit fait de cendre,
Il ne s’en peut bonnement contenter, il ne peut s’en faire une raison,
Quant il ce voit de haut en bas dessendre, quand il se voit tomber de haut,
S’il est sage, celon que puis conprendre, pour peu, à mon sens, qu’il soit sage,
Car de meschief bien l’ose raconter : car dans mon malheur je le dis :
Conbien que tout houme est formé de cendre, bien que l’homme soit fait de cendre,
Il ne s’en peut bonnement contenter. il ne peut s’en faire une raison.
Bien doit tousjours la droite voie aprendre, Il doit toujours honnêtement chercher
Par toute onneur, de sallir et monter, le moyen légitime de se relever ;
Puis que de vrai, sans qu’on le puist reprendre, en vérité, on ne peut l’en empêcher :
Conbien que tout houme est formé de cendre, bien que l’homme soit fait de cendre,
Il ne s’en peut bonnement contenter, il ne peut s’en faire une raison,
Quant il ce voit de haut en bas dessendre. quand il se voit tomber de haut.
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Triplum :
Mater alma clementie Mère généreuse de bonté,
Consolatrix orphanorum consolatrice des orphelins,
S[tater] palma iusticie toi qui portes la palme de la justice,
Advocatrix peccatorum avocate des pécheurs,
Christi parens et filia mère et fille du Christ,
Dominaque terrestrium souveraine des choses terrestres,
Tristi carens nequitia exempte de vice affligeant,
Reginaque celestium reine des choses célestes,
Refove me clementia ranime-moi par ta bonté,
Dona videre filium donne-moi de voir ton fils,
Summove me miseria écarte de moi le malheur,
Zona vere celestium. toi, la vraie ceinture des cieux.
Duplum :
Deitatis triclinium Lit où s’étendit la divinité,
O Maria virgo virginum ô Marie, la plus belle des vierges,
Medicina peccaminum Remède des péchés,
Sanctitatis armarium trésor de sainteté,
Claro sole fulgentior toi dont l’éclat surpasse celui du soleil,
Sanctis omnibus sanctior qui es plus sainte que tous les saints,
Angelisque sublimior plus élevée que les anges,
Me protegere dignare daigne me protéger,
Semper bono proficere me faire progresser dans le bien,
Donisque tuis crescere me faire croître par tes dons
Fac et filium amare. et fais-moi aimer ton fils.
Quant me souvient de vostre noble atour, / Tres gent flour que sur toutes je pris, / Je me sens tout si
grandement éspris / De vostre amour que nul sui a la mort trait
Se par vous n'en soie bien tost retrait / De celle ardour qui me tient trestout pris
Quant me souvient de vostre noble atour, / Tres gent flour que sur toutes je pris,
Si vous suppli que vo vis qui me trait / Chiere dame digne de tres grant pris / Puisse veoir come vostre
humble pris; / Car par ma foi, si com vous ay retrait
Quant me souvient de vostre noble atour, / Tres gent flour que sur toutes je pris, / Je me sens tout si
grandement éspris / De vostre amour que nul sui a la mort trait
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