commentariüs in epistolam pauli ad corinthios il - Archive ouverte ...

671 SERMONS 672
telle sorte que le franc arbitre, les mérites, les
oeuvres de supererogation, qu'ils appellent, et
choses semblables, obtiennent pour le moins la
moitié de nostre salut. Or sainct Paul declare
qu'un tel partage ne sera point avoué de Dieu:
car il faut ou que nous apportions une pleine
obéissance de la Loy, de laquelle Dieu se puisse
contenter, ou bien que nous passions condamnation :
quand il y aura quelque faute, si petite qu'elle
soit, que tout le reste ne mérite plus rien: car
(comme nous avons déclaré) Dieu ne promet point
salut à ceux qui l'auront servi à demi ou en quelque
espèce, mais à ceux qui auront observé la Loy
en general, Qui aura fait toutes ces choses, il
vivra: et au contraire, Maudit sera celuy qui
n'aura accompli tout ce qui est ici contenu. Or
est-il ainsi que nul ne fait ce qui est requis et
commandé en la Loy: car quelque bon zèle et
affection que nous ayons de servir à Dieu, il y a
tou8iours beaucoup de foiblesses, et nous allons à
luy en clochant, nous faisons beaucoup de faux
pas, et me8mes il nous adviendra de nous esgarer
et fourvoyer souventesfois : ainsi nous voilà tous
exclus de la promesse de salut, quant à nos oeuvres.
Or la malediction nous est apprestee, de laquelle
nous ne pouvons pas eschapper: car qui est celuy
tant outrecuidé qui présumera d'avoir accompli la
Loy? Si donc nous sommes tous trouvez coulpables
d'avoir offensé Dieu, nous voilà comme
abysmez du tout, iusques à ce que nostre Seigneur
Iesus Christ nous tende la main. Il s'ensuit donc
qu'il nous faut oublier la iustice de la Loy et la
mettre sous le pied, qu'elle soit anéantie du tout,
et qu'alors nous venions tout nuds à nostre Seigneur
Iesus Christ pour mendier, confessans nostre
poureté, et n'ayans point honte d'estre confus devant
Dieu en toute ignominie, pour estre revestus
de sa gloire.
Voilà en somme ce que nous avons à retenir
de ce passage, quand sainct Paul dit que Iesus
Christ sera rendu inutile, si les hommes se cuident
iustifier par la Loy: car de tout temps cest abuslà
a esté trop commun, qu'en premier lieu et de
prime face les hommes ont bien voulu payer Dieu
de tout ce qui luy estoit deu, et en la fin, voyans
qu'il n'y avoit ni suffisance ni faculté en eux, ils
ont cerché ce subterfuge, Et bien, encores que
nous ne puissions du tout, ce sera en partie. Or
il n'est point ici question de suivre nos imaginations:
car Dieu nous iugera selon sa parole.
Ainsi ne contons point sans nostre hoste, comme
on dit en proverbe^ nous faisans accroire que Dieu
acceptera ce que bon nous semble : mais cognoissons
que Iesus Christ ne nous peut profiter, sinon que
nous cerchions en luy toute plenitude de nostre
salut: car il n'est point dit en l'Escriture, que le
Père nous l'ait donné pour nous aider à obtenir
salut: mais il nous a esté donné pour iustice et
pour vie. Il s'ensuit donc qu'en nos personnes il
ne se trouvera qu'iniquité et mort éternelle, iusques
à ce que nous ayons recouvré en Iesus Christ
ce, que nous avons perdu en Adam, et dont nous
sommes despouillez du tout.
Or ces deux choses sont ici ooniointes, que
Iesus Christ ne profite rien, et que nous sommes decheus
de grace: comme à la vérité toute la grace
que nous devons cercher en Dieu, elle nous est
communiquée par le moyen de nostre Seigneur
Iesus Christ. Et c'est un article bien notable:
car chacun confessera assez qu'il faut bien avoir
nostre recours à Dieu, d'autant qu'il est la fontaine
de tout bien. Cependant la pluspart s'esgarent
en leurs circuits, et au lieu de venir à Dieu
ils s'en destournent: comme on void en la Papauté,
que ces poures bigots et ignorans, quand ils
trottent après leurs saincts et après leurs marmousets,
quand ils se tormentent après leurs folles
devotions: ils diront assez que c'est pour obtenir
la grace de Dieu. Or cependant Iesus Christ est
là comme laissé: on n'en tient conte, et plustost
ils s'adresseront à un marmouset, qu'ils appellent
leur nostre dame, qu'ils ne feront point au Fils de
Dieu. Et dont procède cela? C'est pour ce qu'ils
ne cognoissent pas comme Dieu nous a eslargi sa
grace et en quelle sorte il veut que nous le cerchions,
quel chemin et adresse nous y devons tenir.
Quand donc nous aurons cela tout résolu, que Dieu
est nostre Père, et que nous aurons bien cognu
aussi qu'il veut que nous puisions tout ce qui
nous défaut en nostre Seigneur Iesus Christ, d'autant
que c'est comme si une fontaine estoit sous
terre, et puis qu'on la descouvrist, et qu'elle decoulast,
à fin qu'un chacun en peust estre rassasié:
voilà (di-ie) comme nous cognoistrons que la grace
de Dieu. ne peut pas tairir : mais cependant elle
ne parviendra point iusques à nous, sinon par le
moyen de nostre Seigneur Iesus Christ: brief, notons
que tout ce qui appartient à nostre salut a
tellement esté mis en la personne du Fils unique
de Dieu, qu'il faut que luy seul nous suffise, que
nous venions droit à luy, et que nous y prenions
tout nostre contentement: et (comme i'ay desia
déclaré) gardons nous de ceste imagination qui
nous sépare de nostre Seigneur Iesus Christ, que
nous cuidions rien acquérir par nos propres mérites.
Or là dessus sainct Paul adiouste, que nous
attendons Vesperance de iustice par foy en esprit.
C'est pour confermer ce qu'il a dit cidessus de
la diversité qui est entre nous et les Peres qui ont
vescu sous la Loy : car comment est-ce qu'Abraham
a esté receu en grace, sinon par foy ? Mais
tant y a qu'il differoit d'avec nous en une chose: