commentariüs in epistolam pauli ad corinthios il - Archive ouverte ...

615 SERMONS 616
nous es veille, au lieu que nous estions endormis
en nos flatteries, et si nous estions sages et bien
advisez, il est certain que les ennemis nous
profiteroyent beaucoup plus souventesfois que les
amis, comme nous avons desia dit, et que les
Payens l'ont bien cognu. Et c'est uno grande
honte à nous que les poures aveugles qui ont esté
plongez en ténèbres voyent plus clair que nous
qui avons la clarté de salut: que nous ne cognoissions
rien de ce que ces poures abusez-là ont
apperceu: et toutesfois cela est quasi naturel, et
les hommes en font coustume, que s'ils ont quelque
conception mauvaise qu'on les baisse,, ils seront
aigris et préoccupez, en sorte qu'ils ne pourront
recevoir aucune correction. Pour ceste cause
S. Paul proteste ici qu'en reprenant les Galatiens,
il ne demeine point sa cause et sa querelle. Nous
avons esté (dit-il) amis par cideyant, ie pouvoye
estre mesprisé selon les hommes, quand ie suis
venu à vous, ce n'estoit pas en grande pompe, ie
n'ay point esté un homme fardé: mais ie vous ay
apporté la pure doctrine de l'Evangile: tant y
a que i'ay esté un homme sans grande parade,
tellement qu'on n'eust pas tenu conte de moy selon
le monde: et neantmoins vous m'avez receu comme
un Ange de Dieu, mesmes comme Iesus Christ, et
maintenant dont est venu ce changement ? le poursuy
tousiours à faire mon office, et pourquoy donc
estes vous ainsi aliénez de moy? Regardez si
vous pouvez alléguer autre chose, sinon que la
vérité de Dieu vous est odieuse et insupportable?
et quelle honte est ce que vous haïssiez tellement
la vérité de Dieu, que vous la desdaigniez en ma
personne, d'autant que i'en suis ministre?
Or maintenant nous avons à recueillir de ce
passage qu'en premier lieu ceux qui ont la charge
d'enseigner, et de porter la doctrine de l'Evangile,
doivent sur tout éviter querelles et riottes, voire
entant qu'ils désirent que leur predication soit
utile et profitable: ie di querelles et riottes pour
leurs affaires particuliers. Voilà donc comme il
nous abstenir de toutes querelles, à fin que la porte
ne nous soit point fermée, que nous n'ayons liberté
toutesfois et quantes qu'il faudra redarguer quelqu'un
que nous puissions venir à ceste protestation
de sainct Paul, que ce n'est pas pour vengeance,
que ce n'est point pour inimitié que nous leur portions
s'ils sont mal-vueillans envers nous tant y a
que nous desirons tousiours leur salut, que nous
ayons cela pour donner accès et ouverture à toutes
reprehensions. Voilà pour un item.
Et au reste avisons aussi à nous, quand on
touchera nos. vices de ne point mettre barre au devant
par ceste fausse opinion que nous pourrions
concevoir et imaginer en nos cerveaux, qu'on nous
hait, et que pour ceste cause on nous picque, car '
c'est l'astuce de Satan. Ne pensons pas, combien
que les hommes soyent enclins à cela, de regarder
si c'est par haine qu'on les mord et qu'on les picque,
qu'ils le facent de leur propre mouvement:
mais c'est le diable qui les embrouille en telle sorte.
Quand nous avons failli, si nous sommes redarguez,
de quelque costé que cela vienne, il est certain que
c'est un message que Dieu nous envoyé: d'autant
qu'il ne veut point que nous périssions: mais nous
veut ramener au bon chemin, voire encores que
celui qui nous reprend ne soit point conduit et gouverné
d'une bonne affection et pure: mais.qu'il
cerche qu'à nous picquer ou à se venger de nous
tant y a que Dieu encores nous tend la main à
fin que nous ne périssions point.
Or voici Satan à l'opposite qui nous empesche
de recevoir la médecine, et nous met en teste que
ce n'est pas par bon zèle qu'on reprend nos fautes:
mais qu'il y a ie ne sçay quoy, ou qu'on nous cerche
par trop, qu'on nous donne quelque coup de dent,
ou qu'il y a quelque mal-vueillance cachée. Satan
donc nous vient mesler toutes ces fantasies parmi
les admonitions, à fin que nous en soyons degoustez
et que nous les reiettions, et que par ce moyen
nous soyons rebelles à Dieu: pour ceste cause retenons
bien ce qui est ici dit, à fin que quand nous
serons admonestez de nos vices, nous cognoissions
que Dieu pour n'estre point nostre luge, nous ordonne
comme des procureurs en son nom, qui nous
viennent faire nostre procès. Quand un homme
mortel me reprend de mes fautes, Dieu le veut
ainsi, et il le constitue comme en son lieu. Et
pourquoy? à fin que nous ne comparaissions point
devant sa maiesté pour rendre conte: car il faudrait
que nous fussions abysmez cent mille fois.
Dieu donc a pitié de nous, quand il nous envoyé
des hommes mortels pour estre nos iuges, voire
nos iuges: à fin de nous faire quelque honte, et
pour estre puis après incitez de retourner au bon
chemin. Quand donc Dieu a ainsi pitié de nous,
que nous façions nostre profit d'une telle grace, et
que nous gardions bien de nous envenimer de ces
opinions qui nous viennent incontinent en fantasie,
qu'on nous hait, qu'on nous cerche, qu'il y a quelque
remors, qu'il y a quelque inimitié, qu'il t y a
ie ne sçay quoy: que tout cela soit mis sous le
pié, et que nous acceptions les admonitions, quand
elles seront vrayes. En somme nous ne pouvons
mieux faire, sinon de considérer quand on nous
accuse, que c'est que nostre conscience nous en dit.
Voilà pour un item, que nous ne regardions
point qui est l'homme qui parle, que nous ne regardions
point s'il a quelque picque ou quelque
inimitié en soy: mais regardons seulement oe que
nostre conscience nous en iuge: et alors il faudra
conclurre : c'est à bon droit que ie suis reprins :