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613 SUR L'EPITRE AUX GALATES. 614
nous voyons d'un costé S. Paul estre si aspre et
vehement, et puis tantost après appeler les Galatiens
ses frères, les prier qu'il y ait une bonne conformité,
un accord et une mélodie entre eux.
Or quant à ce qu'il dit, le vous prie, soyez
semblables à moy, car aussi ie me conforme à vous:
ce n'est pas, comme desia nous avons veu, qu'il
leur ait gratifié en leurs vices, ne qu'il ait voulu
cacher leurs ordures : ne qu'il eust usé d'aucune
flatterie: mais c'est d'autant qu'il estoit efforcé par
tous moyens de les gagner à Dieu comme nous
verrons ci après qu'il usera de ceste similitude
d'une femme enceinte qui ne demande sinon à
veoir son enfant nay au monde: «t combien que
elle sente douleur, si est-ce qu'elle ne se voudra
point venger sur son enfant pour l'estrangler, mais
elle le tiendra plus précieux que sa propre vie.
S. Paul usera de ceste similitude là. Ainsi donc
maintenant il n'entend pas d'avoir calé la voile
(comme on dit) pour complaire à ceux qui avoyent
besoin d'estre redarguez: mais tant y a qu'il s'est
avancé le mieux qu'il a peu pour les gagner;
comme aussi il dira qu'il a bégayé ainsi qu'une
nourrice: et cela se peut bien faire, sans que les
hommes soyent endurcis en leurs péchez: non pas
qu'on leur pardonne par trop: quand une nourrice
se baisse pour faire marcher l'enfant qu'elle tient
par le main, ce n'est pas qu'elle le vueille faire
tomber, ne qu'elle le mignarde, tellement qu'il ne
puisse marcher quand il viendra en aage d'homme:
mais à l'opposite, quand elle voudra seulement
lever le bras elle aura desnoué la main ou quelque
autre membre de l'enfant. Ainsi donc nous
voyons en quelque sorte il nous faut conformer à
ceux qui sont debiles: ce n'est pas pour les endurcir
en ce qui est mauvais: plustost nous devons
tendre à leur correction: mais il nous y faut aller
par mesure, cognoissant tousiours nostre portée.
Et de faict ce n'est point sans cause qu'en
l'autre passage sainct Paul exhorte ceux qui sont
les plus robustes et les plus avancez de se conformer
à ceux qui sont encores rudes et infirmes:
car si un homme a de grandes vertus et excellentes,
et qu'il soit comme un Ange, il est certain que s'il
a une rigueur telle qu'il vueille qu'un chacun soit
aussi parfait que luy, que toutes ses vertus ne
seront rien que fumée. Et pourquoy? la modestie
et humanité que Dieu nous commande, est comme
pour donner goust et saveur à toutes vertus. Et
de faict aussi, d'autant qu'un homme se cognoistra
mieux, il pensera qu'il a des vices en soy, lesquels
ont besoin d'estre supportez, et qu'il faut
bien qu'il-endure aussi des autres: et puis il regardera
pourquoy c'est que Dieu l'a avancé: c'est
pour monstrer le chemin: finalement il se pardonnera
moins qu'il ne fera à tout le reste. Et
en cela peut-on avoir une bonne adresse pour discerner
si les admonitions procèdent d'une pure
charité, ou si elles procèdent d'une rigueur trop
grande: car si un homme en reprenant les autres
se tient sur ses gardes, et qu'il ne se flatte point,
qu'il ne iette point sa colère pour reprendre le
vice de cestui-ci ou de cestui là: et cependant
qu'il y soit du tout confit et qu'il y vueille estre
plongé, il est certain qu'il n'y a qu'hypocrisie:
mais quand un homme se tient en bride courte,
qu'il ne veut point estre dispensé moins que tous
ses prochains, si là dessus il est severe, il faut recognoistre
qu'il a un zèle de Dieu et de son sainct
Esprit, et qu'il procure le salut de tous. Voilà en
somme pourquoy sainct Paul dit ici qu'il s'est
voulu conformer aux Galatiens.
Or il adiouste encores, qu'ils ne Vont en rien
offensé: signifiant qu'il ne poursuit point sa
querelle privée. Car voilà qui gaste tout, quand
il est question de la doctrine et des admonitions,
qui en sont tirées: c'est à sçavoir si nous avons
ceste opinion que celuy qui parle soit indigné, et
qu'il ait quelque haine, quelque picque en soy:
car il est impossible que nous recevions rien de
luy en bonne part, quand nous aurons une telle
opinion, et que nous aurons conceu ceste fantasie.
le verray un homme qui parle comme un Ange:
si i'ay ceste imagination qu'il me haisse et qu'il
cerche à mordre sur moy, ou qu'il ne demande
qu'à descouvrir ma honte, il est certain, que ie ne
le voudray point escouter pour en faire mon profit:
non pas que nous soyons excusables en cela: car
c'est un mauvais vice, encores qu'il fust vray
qu'un homme nous haist et que par malice et par
rancune il nous regardast: si faut-il que nous
apprenions de nous renger. Et les Payens ont
bien sceu dire cela, que les ennemis profitoyent
quelque fois plus que les amis propres. Et pourquoy?
car ceux qui s'entr'aiment fermeront les
yeux à beaucoup de choses et caleront tout, et ne
s'en soucient pas: mais les ennemis font le guet
pour surprendre ceux, à qui ils en veulent, et
quand ils appercevront quelque vice, comme dit
Salomon, ils ne cesseront d'en parler et çà et là:
quelquefois mesmes sous ombre de correction, ils
viendront picquer ceux avec lesquels ils cerchent
quelque riotte. Or quand nos ennemis font ainsi
le guet sur nous, il est certain que Dieu nous
donne un moyen de nous réduire: oar le diable
nous pourra bien quelquefois servir de médecin,
comme nous avons veu que sainct Paul disoit qu'il
estoit souffleté par ce messagier-là, c'est à sçavoir
Satan, et que c'estoit pour abbatre en luy, tout
orgueil. Quand donc nos ennemis nous viennent
ainsi esplucher, et qu'ils ne demandent qu'à
trouver à redire en nous, Dieu par ce moyen-là.
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