commentariüs in epistolam pauli ad corinthios il - Archive ouverte ...

593 SUR L'EPITRE AUX GALATES. 594
un homme n'entendant que son langage naturel
veut prier Dieu ou en Grec ou en Hebrieu, il est
certain que c'est une singerie, et qu'il pervertit et
corrompt toute la vraye reigle de bien prier, et là
aussi il n'y peut avoir qu'hypoorisie et fiction.
Nous avons desia déclaré que nous ne pouvons
prier Dieu sinon par foy, estans certains qu'il nous
exaucera. Et si nous ne sçavons ce que nous
avons à luy demander, que sera-ce? Ne voilà pas
comme une pollution d'une chose si saincte comme
est la prière? Nous éçavons que c'est un sacrifice
que Dieu demande sur nous, que nous l'invoquions,
ayans tout nostre refuge à luy, pour ce qu'en cela
nous confessons qu'il nous est Père, et qu'il est la
source de tous biens. Or maintenant il faut donc
que nous venions à celui qui est le rémunérateur,
comme l'Apostre en parle en l'onzième chap, des
Hebrieux, qu'il n'est point pour fruster ceux, qui
le cerchent: mais qu'ils trouveront tousiours qu'il
n'y a rien meilleur que de recourir à luy. Il faut
bien donc qu'en priant Dieu, nous ayons intelligence
de ce que nous luy demandons. Voilà pour
un item. Au reste quand il est dit que nous
crions Abba, Père, par cela il nous est signifié que
la diversité des langues n'empesche point l'union
de la foy. Isaie use d'une forme de parler qui
semble bien toute diverse, quand il dit que chacun
parlera le langage de Chanaan, c'est à dire la
langue Hebraique. Or pour estre Chrestiens et
fidèles il ne faut pas que nous sçachions ceste
langue-là: mais il entend que Dieu sera adoré en
toutes langues, et parle du langage de Chanaan,
pour ce que la langue Hebraique estoit saincte,
qu'en icelle estoyent contenues les secrets de Dieu.
D'autant donc que ceste langue là estoit comme
sacrée à Dieu, il dit que Dieu sera honoré de tous,
et qu'un chacun renoncera à blasphemes et superstitions
et à tous abus, qu'il y a là une conformité
de foy, et qu'estans enseignez en la Loy et en
l'Evangile, on fera une profession de mesmes, tellement
qu'il y aura une mélodie et un bon accord
entre tous. Mais ici S. Paul a voulu exprimer
plus clairement, comment nous invoquons Dieu,
c'est d'autant que chacun maintenant en son langage
le requiert, et il nous exauce tous. Car il
ne faut point que Dieu aille à Peschole pour
apprendre le langage de cestui-ci ou cestui-là. Et
au reste nous sçavons que la langue ne sert à
l'oraison que pour nous inciter d'avantage. Et c'est
aussi à fin que nous testifions de bouche devant
les hommes comme nous avons toute nostre espérance
en Dieu. Et puis elle est aussi pour nous
aider en nostre infirmité, pour ce que nous sommes
lasches et froids, il faut que la langue pousse le
coeur, et qu'elle aide à nostre faiblesse et tardiveté,
qui est par trop grande en nous. Mais Dieu n'a
Calwmi opera. Vol. L.
point besoin de tout cela, il ne faut point que
nous crions haut quand nous voudrons estre exaucez
de luy : car il cognoit les pensées secretes des
coeurs. Yoilà donc en somme ce que nous avons à
observer.
Et en cela voyons-nous comme le diable gouverne
en la Papauté, qu'il n'y a point d'oraison,
non plus que de foy. Il leur semble qu'il n'y ait
nulle devotion ni saincteté, sinon qu'on abaye en
langage incognu, et qu'on iargonne là, sans sçavoir
ce qu'on dit. Et combien que les Prestres, et
moines, et caphars disent qu'ils entendent latin, on
sçait quelle est leur intelligence. Et puis ils font
mesmes reigle de barboter, sans sçavoir ce qu'ils
disent: ce leur est assez d'avoir intention finale
(car voilà comme ils parlent) moyennant que devant
que prononcer, Domine labia, ils ayent ceste intention
finale, pour dire, nous allons prier Dieu et
faire son service, encores qu'ils pensent à leur
cuisine, ou à choses pires et plus vilaines beaucoup,
ils se font accroire que toutes leurs prières et oraisons
sont agréables à Dieu. Du poure peuple, il
est là e8blouy : car on luy fait accroire qu'il ne luy
est point licite de prier en langage commun: et
pourtant il a cela en horreur. Nous voyons donc
que le diable a abbruvé ces miserables, voire ensorcelé
du tout, quand ils ne veulent point recevoir
la pasture de vie: qu'aulieu de pain et de
bonne viande, ils ayent du poison et qu'ils en
crèvent. Mais de nostre costé nous voyons la
reigle qui nous est ici donnée, et laquelle il nous
faut observer: c'est quand nous devons prier Dieu
qu'il ne faut pas que nous y venions sans penser
à ce que nous luy devons demander, et que nous
ne sçachions quelle adresse nous avons à luy. Et
quand nous l'appelons nostre Père, que nous sçachions
bien que cela n'est point d'aucune dignité
de nos personnes, ni d'aucun mérite de nos oeuvres:
mais pour ce qu'il nous a unis à nostre Seigneur
Iesus Christ, et qu'il nous recueille tous en luy, et
que nous sommée de son corps, et qu'en sa personne
Dieu nous tient pour agréables.
Et voilà pourquoy aussi S. Paul adiouste que
si nous sommes enfans nous sommes aussi héritiers.
Comme s'il disoit, que maintenant nous iouissons
de nostre heritage, non pas que nous en soyons
entrez en possession pour estre participans de la
gloire qui nous est promise, mais il parle ici au
regard des Peres anciens qui ont esté là eslongnez
au parvis du temple, qui ont eu le voile au devant
avec les autres figures et ombrages. Or nous ne
leur ressemblons point en cela: mais nous approchons
de Dieu, tellement que nous sommes libres
et francs. Et voilà comme l'adoption est maintenant
en nos coeurs autre qu'elle n'a esté du temps
de la Loy, car nous sommes tellement héritiers
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