commentariüs in epistolam pauli ad corinthios il - Archive ouverte ...

587 SERMONS 588
par le moyen de nostre Seigneur Iesus Christ, et
pour ce qu'il est leur chef. Ce seroit donc une
présomption, comme si nous entreprenions de voler
pardessus les Anges, sinon que nous vinssions au
nom de nostre Seigneur Iesus Christ, et que nous
eussions son Esprit, pour estre acceptez comme
membres de son corps, et estre là comme en sa
personne. Et voilà pourquoy aussi il est dit qu'il
intercede pour nous, et que nous invoquons Dieu
en son nom, car s'il ne portoit la parole, comment
pourrions-nous espérer que nos requestes fussent
receuës? Regardons un peu la foiblesse qui est en
nous quand il est question de prier Dieu: encores
que nous gémissions sans feintise, encores que nous
ayons de bons mouvemens pour nous eslever en
haut, tant y a que nous défaillons, et ceux qui cuident
parvenir à Dieu d'une perfection de zèle,
s'abusent, voire trop lourdement: mais ceux qui se
cognoissent tels qu'ils sont, en toute humilité,
apperçoivent qu'ils clochent et .trebuschent en la
vertu mesme qui leur est donnée. Mais d'autant
que nostre Seigneur Iesus Christ est au milieu, et
qu'il est là en nostre nom, et qu'il nous fait
approcher, voilà comme nous prions en confiance.
Et c'est pourquoy aussi le grand Sacrificateur du
temps de la Loy portoit les douze pierres devant
son estomach, il en portoit aussi douze autres puis
après sur ses espaules, où estoyent escrits les noms
du peuple d'Israël. Car combien que le peuple
fust là au parvis, le voile estoit au milieu, le
Sainctuaire estoit caché, et n'appercevoit - on point
tout ce qui se faisoit là dedans pour tesmoignage
de la presence de Dieu: c'estoit assez que le grand
Sacrificateur y entrast au nom de tous ayant le
sang en sa main pour appaiser l'ire de Dieu. Il
avoit donc ce tableau devant son estomach, là où
les noms des douze lignées (c'est à dire du peuple
de Dieu) estoyent engravez. Il en avoit aussi
sur ses espaules pour dire qu'il estoit là au nom
de toute l'Eglise. Voilà donc comme nous crions,
voire par l'Esprit de nostre Seigneur Iesus Christ,
à Dieu son Père, avec pleine certitude qu'il nous
cognoit et ad voue pour membres de son Fils, et
par son moyen que nous sommes acceptez de luy
en son Royaume celeste, que la porte nous est
ouverte, et que l'accès nous y est donné tout privé.
Or cela est encores mieux exprimé par ce mot de
Crier. Sainct Paul pouvoit bien dire, Nous disons:
mais il a excédé, comme il estoit besoin. Car
(comme desia nous avons touché) il fait ici comparaison
des Peres anciens avec nous, et monstre que
nostre condition est meilleure d'autant que Dieu
s'est monstre plus liberal envers nous qu'il n'avoit
fait sous la Loy. Voilà pourquoy il dit qu'auiourd'huy
nous crions que Dieu est nostre Père, voire
à pleine bouche et en pleine liberté, et que nous
venons hardiment à luy pour nous glorifier d'estre
tenus de ses enfans.
Or il 68t vray que les Peres sous la Loy ont
bien usé de ce langage comme il est dit: Et Seigneur
que de viendrons-nous, sinon que tu nous
reçoives à merci? Abraham ne nous cognoit plus
ni Iacob. Nous sommes descendus d'eux selon la
chair: mais tout ce parentage naturel n'est rien au
prix de ce lignage spirituel auquel tu nous as desdiez
on la personne de ton Fils: tu es donc nostre Père.
Voilà comme toute l'Eglise a prié Dieu, ainsi
qu'Isaie le recite. Et il y a beaucoup de passages
tels. Et de faict, il estoit impossible que les Peres
eussent dressé une bonne requeste et oraison à
Dieu sans ce principe-là, c'eBt qu'ils eussent esté
tout résolus que Dieu les tenoit du nombre de ses
enfans. Car voilà en quoy de tout temps les • fidèles
ont différé d'avec les Payons et incrédules. Les
Payons ont bien voulu prier Dieu : mais çà estoit
à l'aventure, ne sçachans s'ils seroyent exaucez ou
non. Or il faut que nostre oraison soit fondée en
foy. Et ce que dit sainct Paul sera tousiours vray,
Que nous ne pouvons pas nous adresser à Dieu,
iusques à ce qu'il nous ait fait cognoistre sa bonne
volonté, et que nous l'ayons entendue. Il faloit
bien donc que ceux qui ont vescu sous la Loy
eussent ce tesmoignage tout asseuré que Dieu les
acceptoit pour ses enfans: mais cela leur a esté
déclaré par manière de dire, comme à demi bouche,
qu'ils ont prié estans enveloppez de ces ombrages
et figures, qui les enseignoyent grossièrement. Il
est vray qu'ils ne se presentoyent point là, sinon
par foy, car autrement ils n'y eussent peu rien
profiter, et faloit qu'ils surmontassent tous ces empeschemens
qui leur estoyent là mis devant les
yeux: mais ce n'estoit pas pour invoquer Dieu en
pleine certitude: comme elle nous a esté communiquée
sous l'Evangile. Et ceci est encores mieux
exprimé au. huitième chapitre des Romains c. 15,
quand sainct Paul dit que nous n'avons pas maintenant
receu l'Esprit de crainte ne de servitude : mais
l'Esprit de fiance, tellement que nous pouvons crier,
Abba, Père.
Or là sainct Paul par le membre opposite
esclarcit ce qui pourroit estre obscur en ce passage,
à cause de sa brièveté: car il met l'esprit de servitude,
pour ce que la Loy a esté donnée avec
grand effroy, et faloit que les Peres anciens
cognussent qu'ils estoyent là detenus, et n'usoyent
point encores de la liberté qui auiourd'huy nous
est acquise à la venue de nostre Seigneur Iesus
Christ: qu'ils estoyent comme les petis enfans,
encores que leurs pères travaillent pour eux, ils
ne sçavent pas ce qui leur est gardé : car combien
que les pères les aiment, si est-ce que la verge
trottera souvent, et ils sont tousiours en doute: et