commentariüs in epistolam pauli ad corinthios il - Archive ouverte ...

535 SERMONS 536
veincus au double devant Dieu et que leur hypocrisie
ne serve plus de rien, qu'ils n'ayent plus
occasion de se flatter ou de se tenir cachez en leurs
vaines excuses, comme ils ont accoustumé. Et voilà
pourquoy au 4. chap, des Rom. c. 15 sainct Paul
argue que nous ne pouvons pas obtenir iustice devant
Dieu par la Loy: car (dit-il) elle ne apporte
sinon ire. Or par ce mot il entend la vengeance
de Dieu. La vie et la mort ne peuvent pas estre
de la Loy, sinon en divers regards. Or est-il ainsi
que la Loy nous est mortelle à tous, qu'elle nous
condamne, que elle nous monstre que nous sommes
tous maudits et détestables devant Dieu: quelle
folie donc est-ce d'y cercher iustice, comme si Dieu
nous devoit accepter en grace à cause que nous
l'avons observée?
Or il declare cela plus familièrement au 7. chap,
des Rom. b. 8 en disant que le péché est beaucoup
plus enorme par la Loy, car combien que nous
soyons assez à condamner, encores qu'il n'y eust
nulle doctrine, comme il est dit, que ceux qui ont
péché sans Loy, ne laisseront pas de périr: c'est
à sçavoir les Payens, encores qu'ils n'ayent nulle
instruction pour estre redarguez, tant y a qu'ils
ont un tesmoignage engravé en leurs consciences
qui leur fait leur procès. Voilà donc comme les
hommes sont desia assez damnables, sans que Dieu
monte en son siege, ou qu'il les adiourne, ou qu'il
les examine: mais tant y a que ceux qui pèchent
et offensent Dieu ne s'imputent point leurs fautes.
Car nous sommes tant suiets à flatterie, qu'un chacun
cropit en son ordure et s'y endort, en sorte
que sans la Loy nous ne serons pas touchez au
vif, nos consciences seroyent comme stupides: bref,
chacun se dispenseroit et se donneroit licence à mal
faire: mais quand la Loy vient en avant, alors le
péché se cognoit, et faut qu'un chacun, en despit
qu'il en ait, s'humilie devant Dieu, ou bien qu'il
grince les dents comme rebelle: mais tant y a que
Dieu nous reveille bien par la Loy et nous ameine
en cognoissance de nostre malediction: bref, c'est
comme si quelqu'un avoit le visage tout maschuré,
chacun se pourra mocquer de luy, mais il n'y verra
goutte: si on luy apporte un miroir, il a honte de
soy, il s'en va cacher et se laver quand il se void
ainsi estre défiguré d'ordure: ou s'il y a telle deformité,
qu'un homme face peur de son regard:
quant a luy, il ne pensera point que ce vice-là
procède de sa personne, iusques à ce que le miroir
luy soit présenté devant les yeux.
Ainsi donc en est-il de nous: car combien que
nous soyons tous confits en mal et iniquité, combien
que le ciel et la terre ayent honte de nous,
et que Dieu nous prepare une condamnation horrible:
nous ne laissons pas d'aller nostre train et
sommes nonchalans. Pourquoy? Car le péché
nous est incognu, et l'hypocrisie nous bande tellement
les yeux que nous n'appercevons pas nostre
malediction: mais la Loy nous monstre quels nous
sommes et quant et quant nous propose le iugement
de Dieu: car d'un costé elle nous dit, Vous
ferez toutes ces choses sur peine d'estre maudits,
et quelles sont elles? Ce n'est pas seulement de
nous abstenir quant à nos pies et nos mains, et à
nos yeux et à nos aureilles : mais que nous soyons
purs et nets de toute convoitise: qu'il y ait une
intégrité si grande, que tous nos sens, toutes nos
pensées, toutes nos affections tendent a Dieu: que
nous n'ayons nuls allechemens de ce monde qui
nous y retiennent. Et où est-ce que cela se trouvera?
Et puis voilà Dieu assis comme iuge en
son siege, qui a desia prononcé la sentence de malediction
sur nous, quand nous serons trouvez transgresseurs,
comme nous le sommes. Voilà donc une
condition miserable du genre humain. C'est ce
que sainct Paul a entendu en ce passage, en disant
que la Loy a esté adioustee pour les transgressions.
Vray est qu'il y a d'autres usages de la Loy:
c'est à dire, elle nous sert, elle nous est propre
premièrement pour nous monstrer quel est le chemin
de servir à Dieu. Or nous Bçavons qu'il veut
estre honoré en obéissance, et non pas qu'un chacun
de nous se gouverne a sa poste. La Loy donc
nous donne discretion entre le bien et le mal: car
quel est le service raisonnable que nous devons à
Dieu? c'est de nous assuiettir à sa volonté, dit
sainct Paul au 12. chap, des Rom. a. 1.
Puis qu'ainsi est, voilà un bon usage de la
Loy et excellent, c'est au lieu que nous travaillons
en vain quand nous cuidons servir à Dieu, elle
nous monstre comment nous ne pourrons point
faillir, et quelle est la reigle que nous devons tenir.
Et au reste sainct Paul disant que la Loy a esté
donnée pour les transgressions, ne s'est point amusé
à faire un récit de tout le fruict que la Loy nous
apporte et de son utilité: car (comme desia nous
avons dit) elle nous sert d'instruction, à fin de sçavoir
discerner entre le bien et le mal: et puis elle
nous solicite comme si Dieu nous donnoit des
coups d'esperon, à fin que nous soyons tant plus
attentifs à nous adonner à luy: mais il a parlé
selon son propos et selon l'argument de ce passage
qu'il traitte. Il monstre donc que la Loy n'est
point superflue, et toutesfois qu'elle n'est point pour
nous apporter iustice: qu'au lieu de cela elle nous
ameine a une telle confusion, qu'il faut que nous
soyons trouvez pécheurs au double, que nous soyons
plus conveincu8 et inexcusables, tellement qu'il
n'y ait sinon un abysme devant nous. Voilà pourquoy
la Loy nous est donnée.
Or il dit qu'elle a esté adioustee avec la promesse,
comme voulant signifier que ce n'est pas