commentariüs in epistolam pauli ad corinthios il - Archive ouverte ...

515 SERMONS 516
variable. Or maintenant si la promesse gratuite
precede, et qu'elle ait esté auparavant que la Loy
fust publiée, il faudra conclurre donc que Dieu ne
s'est point repenti, et qu'il n'a pas retiré ce qu'il
avoit promis alors, il n'a point voulu abolir ceste
paction-là, car ce seroit par trop amoindrir sa largesse
et sa miséricorde, quand nous dirions qu'auparavant
il s'estoit obligé par sa pure miséricorde,
et qu'il nous avoit promis salut sans que les hommes
le méritassent: et puis après qu'il s'est voulu restraindre,
comme il se vouloit enrichir par nos bonnes
oeuvres. De parler ainsi ce seroit chose trop absurde.
Car sainct Paul monstre que la promesse
gratuite a esté devant la Loy : il s'ensuit donc que
la Loy n'est point survenue pour luy rien amoindrir
ni changer: mais que cela demeure tousiours
en son entier et en sa nature et vigueur. Vray
est que nostre Seigneur Iesus Christ n'estoit point
encores apparu au monde, quand la promesse gratuite
a esté donnée à nostre Père Abraham: mais
c'est assez que desia il avoit esté constitué nostre médiateur,
à fin que par son moyen les hommes tussent
reconciliez à Dieu. Or si on allègue qu'il sembleroit
donc que la Loy ait esté superflue, ou bien
qu'il y ait eu changement et variété de propos en
Dieu, pour ce qu'elle est survenue, sainct Paul
traitte cela en son lieu, et ne faut pas que nous
meslions les choses, car tout ne se peut pas dire
ni en une heure, ni en un iour. Il suffit donc que
pour ce coup nous ayons ce poinct vuidé et esclarci,
c'est à sçavoir que la promesse par laquelle Dieu
nous a choisis au reng de ses enfans, a esté devant
la Loy. Item que ceste promesse-là n'a point eu
esgard à nos mérites, ni à dignité qui fust en nos
personnes: mais que Dieu y a esté induit par sa
pure bonté et miséricorde sans cercher rien de nous,
d'autant qu'il voyait bien qu'il n'y avoit que toute
misère. Item que ceste promesse-là a esté fondée
en nostre Seigneur lesus Christ, et que desia il
avoit fait office de médiateur pour nous donner
accès à Dieu son Père. Cela presuposé, il faut
donc conclurre que ceste promesse a tenu et tiendra
iusques en la fin du monde. Or notamment
ceci est dit pour ce que les Iuifs se glorifioyent en
leur parentage. Mais sainct Paul leur monstre
que leur père Abraham n'a pas eu la Loy, et qu'il
s'est contenté, combien qu'il usast de sacrifices et
choses semblables. Et combien qu'en la fin il ait
esté circonci, si est-ce que quand il a receu la promesse,
il n'y avoit point encores de loy escrite, il
n'y avoit point mesmes de Circoncision: car Abraham
n'estoit pas circonci quand il a receu la promesse,
il a esté iustifiô neantmoins devant qu'estre
circonci, et le tout par la foy. S. Paul donc monstre
que c'est une grande folie aux Iuifs de se vouloir
séparer d'avec le reste du monde, et s'arrester
tousiours aux figures de la Loy, veu qu'Abraham
leur père, et qui est mesmes Patriarche souverain
en l'Eglise, que celui-là a esté iustifié comme nous
le devons estre auiourd'huy, c'est à sçavoir par la
pure miséricorde de Dieu, d'autant qu'il a cognu
qu'estant poure pécheur, il estoit maudit et damné
en Adam, et qu'il n'y avoit benediction à espérer,
sinon celle qui luy estoit promise au nom de nostre
Seigneur Iesus Christ. Voilà donc ce que nous
avons à retenir, et pour ceste cause 8. Paul nous
exhorte ici à bien poiser ces mots, quand il a esté
dit à Abraham que toutes nations de la terre seroyent
bénites en sa semence.
Or il y a ici deux articles principaux. L'un
est que la benediction est promise non seulement
aux enfans charnels d'Abraham (comme nous avons
monstre ci dessus), mais à tout le monde en general.
Nous en sommes donc participans, nous qui
sommes descendus des Gentils, c'est à dire de ceux
qui estoyent profanes, bannis du royaume celeste.
Combien donc que nous ne fussions point de ceste
lignée saincte que Dieu avoit choisie au commencement,
tant y a qu'il a falu que le salut s'estendist
iusques à nous. Et pourquoy? car desia il
avoit esté prononcé que toutes nations de la terre
seroyent bénites. Puis qu'ainsi est, dirons-nous que
Dieu ait retranché la plus grande portion de sa
libéralité, et qu'il n'ait voulu avoir que ceste lignée
d'Abraham, après qu'il avoit déclaré qu'il seroit
sauveur de tout le monde, et qu'il se monstreroit
Père en temps opportun? Voilà donc le premier
poinct, c'est quand ceste promesse a esté donnée à
Abraham, ce n'a pas esté seulement pour son lignage
charnel : mais pour tous hommes, combien que
cela n'ait point esté accompli du premier coup, car
aussi le temps de plenitude n'estoit pas venu, comme
nous le verrons au chapitre suivant. Il y a le second
article, c'est que ceste benediction qui a esté
promise à Abraham a esté pour sa semence. Car
S. Paul dit qu'il n'est point parlé des semences en
nombre pluriel: mais il est parlé d'une seule: il
faut donc conclurre que c'est Iesus Christ. Ici on
pourroit estimer que 8. Pau) s'est amusé à une
chose frivole: car le mot de semence emporte lignage,
ce n'est pas à dire un homme seul, ni dix,
ni quarante: mais il s'estend à tout un peuple.
La semence d'Abraham donc est le peuple qui est
descendu de luy, qui estoit mesmes en telle multitude
que ce n'est point sans cause qu'il est dit que
ce seroit comme douze peuples. Car quand on
parle d'un peuple, on se contentera d'avoir cent
mille hommes ensemble: et il y en avoit bien plus
en la seule lignée de Iuda. Ainsi donc il semble
que sainct Paul n'ait pas assez bien considéré ce
que Dieu a entendu sous ce mot de semence, en
disant que ce n'est qu'un seul homme.