commentariüs in epistolam pauli ad corinthios il - Archive ouverte ...

503 SERMONS 504
comme il obtiendra iustice devant Dieu. Nous voyons
donc que sainct Paul se declare là plus au long,
à fin quo nous entendions pourquoy il sépare ici
la iustice de la Loy d'avec celle de la foy, pour
monstrer qu'elles sont incompatibles, et qu'elles ne
se peuvent conioindre l'une avec l'autre non plus
que le feu et l'eau. Il est vray qu'il n'y a nulle
contrariété entre la Loy et l'Evangile (comme i'ay
desia dit), car nous sçavons que le tout est procédé
de Dieu. Mais ici il nous faut tousiours retenir
l'intention de Dieu, telle que nous l'avons déclarée:
c'est qu'en nous proposant la iustice de la Loy, il
nous veut humilier et nous faire passer condamnation,
quand nous nous serons présenté devant luy,
ce que iamais nous ne voudrions faire, sinon qu'il
eust descouvert nostre poureté. Quand donc il est
dit qu'il nous promet que nous serons iustifiez en
le servant, c'est autant comme s'il disoit, Poures
creatures, que cuidez vous estre et valoir.? poisez
mes commandemens et ce qu'ils emportent, et puis
avisez comme un chacun de vous a vescu, et il
faudra que vous soyez comme plongez en desespoir.
Quand Dieu a parlé ainsi, il adiouste le remède,
Venez (dit-il) à la doctrine de l'Evangile.
Et quelle est celle-là? Sainct Paul allègue ici le
dire d'Abacuo au 2. chapitre a. 4. Le iuste vivra
de foy. Mais il se declare en ce lieu que i'ay allégué
: c'est qu'il nous faut adresser du tout à nostre
Seigneur Iesus Christ. Car la parole qui doit estre
en nostre bouche et en nostre coeur pour nous amener
à Dieu, et pour nous ouvrir le royaume des
cieux, n'est pas une parole qui soit pour nous retenir
ici bas: ce n'est pas qu'on ait quelque persuasion
que Dieu nous vueille louer de nos mérites,
ou que nous y soyons enflez, nenni: mais pour nous
tenir à nostre Seigneur Iesus Christ. Quand donc
nous cognoissons qu'en la mort et passion de nostre
Seigneur Iesus Christ nos péchez sont effacez: et
qu'en sa resurrection la iustice nous a esté tellement
acquise, que nous sommes héritiers du royaume
celeste, au lieu que nous estions tous damnez au
gouffre d'enfer: et c'est l'héritage qui nous appartient,
et duquel nous estions dignes. Quand donc
nous cognoissons qu'en Iesus Christ nous recouvrons
tout ce que nous avons perdu en Adam: et que
ceste malediction-là de laquelle nous sommes enveloppez
nous est ostee, et que Dieu nous en affranchit
: voilà comme Dieu nous iustifie par la foy. Et
defaict, quand nous aurons bien regardé à la circonstance
de ce passage que sainct Paul allègue du
Prophète Abacuc, nous verrons bien, que c'est-là
où le sainct Esprit nous ameine. Car le Prophète
avoit parlé des chastimens et corrections que Dieu
devoit envoyer sur le peuple tellement qu'il sembloit
à voir que tout fust confus. Or là dessus il
dit que les meschans ne feront que s'enorgueillir
de plus en plus en leur fierté: mais qu'il n'y aura
point d'estat permanent, qu'ils tresbucheront de
leurs efforts: et d'autant qu'ils se voudront eslever,
ils se précipiteront d'avantage, et d'une cheutte plus
grieve et plus lourde. Voilà donc ce que le Prophète
prononce sur les meschans.
Or il adiouste à l'opposite, Mais le iuste vivra
de foy (dit-il). Or en disant que le iuste vivra, c'est
autant comme s'il disoit que les enfans de Dieu ne
trouveront point leur vie prochaine d'eux-mesmes,
quand ils auront fait leurs discours par tout le
monde, et haut et bas, qu'il leur semblera qu'il n'y
ait partout qu'abysme de mort: mais que n'ayans
point une vie présente, que toutesfois ils auront
une vie à l'advenir, quand ils la nourriront en leurs
coeurs et en leurs âmes par foy. Nous voyons
donc comme le Prophète veut retirer les eleus de
Dieu, et du monde et d'eux-mesmes, à fin qu'ils
adherent du tout à luy, et qu'ils ne cerchent autre
moyen d'estre préservez, sinon de sa pure grace.
Mais sainct Paul ici a parlé plus brièvement, pour
ce qu'il tenoit résolu tout ce que desia nous
avons déclaré, et ce que luy-mesme a déduit, c'est
à sçavoir que la foy nous enseigne de cercher en
Dieu tout nostre bien. Or la Loy nous enseigne
le contraire: ie di, nous enseigne, à fin de nous
monstrer que pour le bien cercher, nous cognoissions
qu'il n'y a en nous une seule goutte de vie.
La Loy donc nous dit, Or çà, travaillez, faites tant
que vous acquériez paradis. Pourquoy dit-elle cela?
Ce n'est pas pour nourrir les hommes en ceste
vaine confianoe qu'ils cuident tousiours mériter envers
Dieu: cela n'est point cela: mais c'est pour
les preparer à recevoir la grace de nostre Seigneur
Iesus Christ en humilité. Car (comme i'ay desia
dit) cependant que nous sommes eslongnez de Dieu,
et qu'un chacun se fait accroire qu'il est bien digne
d'estre accepté de luy, nostre Seigneur se vengera
d'une telle présomption, et dit, Or ça que ie vous
voye: approchez-vous, et nous conterons, et qui
devi'a à son compagnon, payera: Vous ne serez
point frustrez de moy: i'ay le salaire en ma main,
il est tout prest, et quand vous aurez fait ce que
ie vous ay commandé, ne craignez pas que vous ne
soyez bien salariez. Employez vous donc, que ie
voye comment vous me servirez. Or nostre Seigneur,
comme i'ay dit, en parlant ainsi il nous
prepare et nous dispose à cognoistre quels nous
sommes. Quand nous aurons cognu nostre poureté,
alors nous cercherons en luy ce qui nous défaut.
Voilà donc comme la Loy nous ameine à la foy:
mais c'est un moyen estrange.
Quoy qu'il en soit, il y a tousiours ceste contrariété,
que sainct Paul met ici: c'est à sçavoir
que nous ne pouvons pas estre iustifiez par foy,