commentariüs in epistolam pauli ad corinthios il - Archive ouverte ...

383 SERMONS 384
et de tous les biens que nous avions reoeus de
luy. Nous devons donc avoir regret de cela.
Apres quand nous voyons un homme desbauohé
qui est converti, nous devons cognoistre comme un
miracle de Dieu en un tel changement. Car si
un homme est une beste sauvage, et qu'il n'y ait
nulle espérance qu'il puisse iamais estre amené à
Dieu: s'il est puis après rendu comme une brebis
pour se soumettre volontairement à l'obéissance
de nostre Seigneur Iesus Christ, il faut bien que
la main de Dieu ait passé par là. Il nous faut
donc cognoistre quels ont esté tous hommes: et
chacun doit estre là son iuge: mais cependant si
ne faut-il point quand un homme aura esté tardif
à venir, si Dieu besongne en luy d'une vertu telle
qu'on apperçoive qu'il le vueille avancer en un
iour plus qu'un autre en dix années, il ne faut
pas que cela soit cause que nous reculions celui
qui pourroit édifier: comme on alléguera quelquefois,
et cestuy-ci qu'estoit-ce il y a deux ans et
trois ans? et ce n'estoit rien. Cognoissons tant
plus que nostre Seigneur s'est déclaré, à fin qu'il
fust adoré. Et cependant pour ce que les graces
de Dieu ne doivent pas estre inutiles, que nous
souffrions qu'elles soyent appliquées au profit et
au salut de ses fidèles. Voilà donc comme il ne
nous faut point avoir égard quel un homme a esté
pour le mespriser à tousiours: car Dieu l'a humilié
pour un temps, il luy a lasche la bride: il aura
esté quelque desbauché, ou bien il aura vescu en
ignorance, il n'aura point cognu le bien, ou il
n'aura point une vertu fort excellente ni louable:
mais cependant Dieu le mettra là comme sur un
eohaffaut et déclarera par effect qu'il s'en veut
servir. Il faut donc que nous acceptions ce que
Dieu nous donne, et qu'il nous présente en telle
sorte. Yoilà en somme ce que nous avons à
retenir, comme il nous est bien nécessaire: car il
n'y a rien ici contenu, dont auiourd'huy nous
n'ayons la prattique.
Quant à ce mot où sainct Paul dit, que Dieu
n'accepte point la personne de Vhomme, c'est autant
comme s'il disoit que Dieu n'est point attaché à
ce qui nous apparoist, et à ce que nous prisons:
mais qu'il a liberté d'eslargir ses graces à qui bon
luy semble, et les distribuer aussi en telle sorte
qu'il voudra. Beaucoup s'abusent quand ils oyent
ce mot de personne, et le tirent tout au rebours
de l'intention du sainct Esprit. Et voilà pourquoy
beaucoup d'ignorans pensent que Dieu n'accepte
point l'un plus que l'autre: car autrement il y
auroit de la sévérité en luy. Et voilà comme ils
obscurcissent l'élection gratuite de Dieu: comme
s'il estoit tenu envers les hommes, et que s'il en
eslit aucuns, que cela doit estre general envers
tous sans exception: tellement qu'il leur semble
que la grace de Dieu voltige en l'air comme une
plotte, et que c'est à nous de tendre la main pour
l'appliquer à nostre usage et que cela gist en nostre
franc arbitre. Yoilà comme plusieurs sont hebetez :
voire d'une ignorance trop lourde pour ce qu'ils
n'ont point entendu le mot de personne. Mais
l'Escriture cependant, nous declare que Dieu ne
s'arreste à rien qui soit, quand il luy plaist de
choisir les hommes et les mettre en condition
excellente et en degré d'honneur, et à eslargir les
graces de son sainct Esprit: qu'il ne regarde point
celuy-là estre blanc ou noir: celuy là estre vieil
ou ieune: celuy-là estre noble ou vilain: celuy là
estre riche ou poure: celuy-là est-il aimé des
hommes ou hay? celuy-là est-il beau ou laid?
Dieu ne pense pas à tous ces menus fatras, car
s'il s'attendoit de nous aimer iusques à ce qu'il
trouvast quelque chose de bien en nous, il faudrait
qu'il nous laissast là pour tels que nous sommes.
Voilà donc pourquoy sainct Paul notamment dit
que Dieu n'accepte point la personne des hommes.
Or maintenant nous voyons ce que nous avons
à recueillir de ce passage. En premier lieu (comme
i'ay desia touché) apprenons de recevoir les graces
de Dieu, et en faire nostre profit quand elles nous
seront offertes, et que nous ne prenions point
occasion de les reietter, comme beaucoup tasohent
de couvrir leur ingratitude, alleguans ceci ou cela.
Mais que l'un allègue l'ancienneté, l'autre qu'il a
fait ceci ou cela, que ce ne soit point pour nous
empescher que nous ne profitions sous ceux que
Dieu nous envoyé, encores qu'ils ne soyent que de
trois iours, et qu'ils ne puissent point se magnifier
aussi entre les hommes, et qu'ils n'ayent point fait
beaucoup de prouesses et de vaillances: c'est tout
un quand nous aurons apperceu que nostre Seigneur
leur a donné des graces qui nous pourront
estre utiles à nostre edification, que chacun se
renge, et que nous soyons tous dociles, cognoissans
que nous ne ferons point iniure à un homme mortel,
quand nous reietterons le bien qu'il nous offre:
mais d'autant que Dieu en est l'autheur, quand
nous ne daignerons pas recevoir ce qui procède de
luy, nous sommes dignes d'estre du tout privez de
ce qu'il nous veut eslargir, et des benefices qu'il
nous a mis comme en main. Voilà ce que nous
avons à retenir.
Et au reste apprenons aussi quand nous venons
à Dieu, de n'apporter nulle imagination pour nous
faire valoir: mais celuy qui est noble ou grand
ou riche selon le monde, qu'il se despouillè de
toute arrogance, et qu'il cognoisse que tout cela
n'est rien devant Dieu. Et celuy qui est poure et
miserable, qu'il cognoisse qu'il n'est point reietté,
encores que les hommes le tiennent contemptible,
et aussi que nous prattiquions ce qui nous est