commentariüs in epistolam pauli ad corinthios il - Archive ouverte ...

377 SUR L'EPITRE AUX GALATBS. 378
Voici sainct Paul qui circoncit de deux l'un, et ne
veut pas faire le semblable au second: qui pensera
que sainct Paul eust suyvi un train egal? Mais
quand le tout sera bien considéré, alors nous
verrons pourquoy il a refusé de circoncir Tite, et
pourquoy il circoncit Timothee.
La circoncision de soy estoit alors permise.
Ce n'estoit pas comme auiourd'huy lés idolatries
de la Papauté: si on parle de l'eau bénite, c'est
comme une profanation du Baptesme. Car nous
avons là un lavement qui nous doit suffire et à la
vie et à la mort, et Dieu a voulu que nous n'eussions
autre tesmoignage de la purgation spirituelle
qui nous a esté acquise par le sang de nostre
Seigneur lesus Christ, et nous fant contenter de
cela. Or l'eau bénite de la Papauté qu'est-ce,
sinon qu'on a là des baptesmes infinis? Quant à
la messe, c'est un sacrilege si vilain et enorme,
que nul n'en peut approcher qu'il ne se pollue en
renonçant la mort de nostre Seigneur lesus Christ:
mais cependant, si est-ce que les Iuifs la pouvoyent
encores garder, iusques à ce qu'ils fussent pleinement
enseignez de la liberté de l'Evangile. Sainct
Paul donc a circonci Timothee. La raison? Il
voit beaucoup d'infirmes qui eussent esté scandalizez,
d'autant qu'ils n'estoyent pas encores du tout
conformez en la cognoissance de l'Evangile, et
qu'ils pensoyent qu'il leur faloit encores garder les
ceremonies de la Loy. Or il est dit qu'il nous
faut estre suiets l'un à lautre: car la charité nous
y contraint. Il ne faut point qu'un chacun face
ce que bon luy semblera en troublant ses prochains:
maiß nous avons à nous conformer entre nous,
tellement que nul ne soit offensé par nostre faute.
Sainct Paul donc s'est espargné, quand il a eu
esgard à des poures ignorans et infirmes, lesquels
toutesfois pouvoyent estre enseignez avec le temps.
Or quant à la personne de Tite, il a veu qu'on
vouloit mettre un lien de servitude sur les Payons
et c'estoit pour retenir tousiours les Iuifs en la
Loy, qui estoit pour lors superstition. Car il faloit
qu'ils cognussent que la Loy avoit servi pour son
temps, et que les ceremonies aussi n'estoyent point
permanentes. Si cela n'eust esté distingué, les
Iuifs estoyent endurcis en une opiniastreté : après
les Payons recevoyent un ioug de servitude: sainct
Paul donc a résisté là dessus.
Ainsi nous voyons comment non seulement
il est licite, mais aussi nécessaire d'user diversement
des choses qui ne sont ne bonnes ne mauvaises de
leur nature. Comme si nous voyons que quelqu'un
soit retardé de venir à l'Evangile, ou bien qu'on
le trouble, d'autant qu'il n'est pas encores bien
fortifié, il nous faut abstenir de ce qui nous estoit
licite: comme nous avons veu par cidevant qu'il
nous faut tousiours regarder ce qui est expedient
et propre pour le salut de chacun. Mais si nous
voyons que sous ombre qu'une chose ne sera ne
bonne ne mauvaise on y vueille mesler quelque
saincteté, et qu'il y ait quant et quant obligation
pour astreindre les âmes et les asservir, là nous
avons à résister iusques au bout. Exemple: de
manger chair ou poisson, cela est indifferent, qu'on
appelle: car il n'est point défendu de Dieu de manger
chair, et il n'est pas aussi commandé. Or si
quelque ignorant estoit offensé quand on mangera
de la chair, ne sçachant que c'est ou tradition du
Pape, ou commandement de Dieu, il pensera que
ce soit un péché mortel, iusques à ce qu'on l'ait
enseigné. Il faut donc éviter le scandale, mesmes
quand nous aurons à faire à quelques Iuifs qui ne
sçauroyent pas nostre coustume, quand nous prétendrons
de les gagner et les attirer à l'obéissance de
l'Evangile, il nous faudroit abstenir pour un temps
(conversant avec eux) de ce qu'ils penseroyent estre
défendu. Car estans armez de l'authorité de Dieu,
ils penseroyent avoir quelque raison de nous condamner,
sinon qu'il leur soit monstre auparavant
comment et à quel titre nous pouvons manger indifféremment
de toutes viandes et sans exception.
Or à l'opposite, quand les Papistes nous voudroyent
renger là que tousiours on s'abstint de manger
chair le vendredi et samedi, et en temps de Caresme,
et les autres iours qui sont défendus, quiconque
s'accordera à cela,« il est traistre à l'Evangile:
nous aurions à mourir plustost cent fois là
dessus. Et pourquoy? car il nous faut regarder à
la liberté qui nous a esté acquise par nostre Seigneur
lesus Christ. Si on dit, et comment? fautil
pour une friandise de manger chair, qu'on trouble
tout le monde, et qu'on s'opiniastre ainsi? Or il
n'est point question seulement de sçavoir si on doit
manger chair ou non: mais de sçavoir s'il est licite
d'obéir à Dieu et ce qu'il a permis, ou bien de
nous arrester à la fantasie des hommes. Or ce qui
m'est licite par la parole de Dieu, pourra-il estre condamné,
d'autant que les hommes en ont iugé à leur
façon et à leur guise ? Or nous voyons que l'authorité
de Dieu est amoindrie quand son droit, qui luy appartient,
et qu'il se reserve à luy seul, est donné à
des creatures mortelles. Et puis c'est une obligation
qui est mise sur les âmes, tellement que nostre
Seigneur lesus Christ est fraudé de l'honneur qui
luy appartient: car s'il nous a acquis une telle
liberté que nous soyons exemptez des ceremonies
de la Loy, par plus forte raison (comme nous avons
traitté ce matin) ce que les hommes ont controuvé,
il faut qu'il soit aboli et mis bas. Notons bien
donc qu'en toutes choses indifferentes, il nous faut
avoir ce regard d'édifier: et combien qu'il nous soit
licite d'user d'une chose ou nous en abstenir, que
toutesfois la charité nous oblige les uns envers les