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m'oppose La Vie de sainte Douceline, écrite en provençal, dialecte marseillais, dans le XIIIe siècle, par<br />
Madame Philippine de Porcellet, et que le savant chanoine deux fois docteur Albanès a traduite d'une<br />
manière si admirable.<br />
Outre les anciens écrits que j'ai consultés et qui tous m'ont fortifié dans ma manière d'orthographier le<br />
provençal selon les règles générales, je trouve dans le bel ouvrage de l'abbé Albanès et dans presque<br />
toutes ses pages les principes de l'orthographe de règle que j'ai adoptée.<br />
Le savant traducteur dit, il est vrai, dans ses prolégomènes, qu'<strong>au</strong> XIIIe siècle l'orthographe provençale<br />
était loin d'être fixée; il déclare <strong>au</strong>ssi que le manuscrit qu'il a traduit n'est pas celui de l'<strong>au</strong>teur, mais<br />
seulement l'œuvre d'un copiste; malgré ces c<strong>au</strong>ses d'incertitude, on n'y peut pas méconnaître les<br />
principes fondament<strong>au</strong>x de notre ancien idiome.<br />
N'a-t-on pas dit <strong>au</strong>ssi que l'orthographe que j'écris est moins savante et moins régulière que celle de<br />
messieurs les <strong>au</strong>teurs provenc<strong>au</strong>x modernes? Mais, hélas! on voit bien que nous sommes sous<br />
l'influence du renversement de toute<br />
vérité!!! Veuillez me prêter un moment d'attention:<br />
Dans le mois de mars 1854, j'écrivis une lettre dans un journal dont je tairai le titre et qui ne<br />
s'imprimait pas à Marseille. Cette lettre était adressée à un poète provençal moderne des plus <strong>au</strong>torisés,<br />
homme que j'estime, que j'apprécie à sa juste valeur, écrivain aimable, fort instruit, fécond et très moral.<br />
Ayant lu une dissertation de lui sur son orthographe moderne, je lui soumis les deux table<strong>au</strong>x<br />
synoptiques suivants après le court préambule que voici:<br />
— Il est évident, pour tout homme instruit, que les idiomes italien, espagnol, catalan, français et<br />
provençal ne sont que du latin plus ou moins et diversement modifié. Or, une langue qui dérive d'une<br />
<strong>au</strong>tre doit avoir avec cette dernière des rapports orthographiques et syntaxiques plus ou moins intimes:<br />
ceci posé, veuillez voir les deux table<strong>au</strong>x suivants:<br />
VERBES<br />
Infinitif Participe passé<br />
Latin Amare Amatus<br />
Italien Amare Amato<br />
Espagnol Amar Amado<br />
Catalan Estimar Estimat<br />
Français Aimer Aimé<br />
Provençal Aimar Aimat<br />
Orthographe moderne Ama Ama<br />
— Remarquez, lui dis-je, que l'r du latin est conservée, à l'infinitif, dans toutes ces orthographes,<br />
excepté dans la vôtre, et qu'elles écrivent toutes d'une manière différente l'infinitif et le participe passé,<br />
comme leur mère, ce que vous ne faites pas.<br />
NOMS SUBSTANTIFS ET ADJECTIFS<br />
Singulier Pluriel<br />
Latin Homo bonus Homines boni<br />
Italien Uomo buone Uomini buoni<br />
Espagnol Hombre buono Hombres buenos<br />
Catalan Home bo Homens hons<br />
Français Homme bon Hommes bons<br />
Provençal Home bouen Homes bouens<br />
Orthographe moderne Ome bon Ome bon<br />
Observez, je vous prie, que toutes ces langues ont une différence orthographique entre le singulier et le<br />
pluriel et que vous seul n'en avez pas.<br />
Quant à l'orthographe d'usage, je suis tout disposé à vous faire be<strong>au</strong>coup de concessions; mais je<br />
soutiens qu'il n'est pas permis à un écrivain instruit qui prend le provençal <strong>au</strong> sérieux, et qui s'en sert<br />
<strong>au</strong>ssi bien que ce que vous le faites, de détruire de fond en comble son orthographe de règle.