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Madeleine Delattre - souvenirs de famille

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<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> DELA TTRE<br />

( 22 Juin 1905- 2 Novembre 1968)<br />

Bien que son ordre ne soit pas cloîtré, <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> <strong>Delattre</strong> ne<br />

pouvait pas quitter la Maison dans laquelle elle \)e trouvait et elle ne<br />

revoyait sa <strong>famille</strong> que lors <strong>de</strong>s visites qu'on lui ·faisait. C'est par ses<br />

visites, souvent sur le trajet <strong>de</strong>s vacances d'été à Paris-Plage que la<br />

connaissaient ses neveux et nièces ..<br />

Les quelques rares documents retrouvés permettent<br />

d'éclairer un peu mieux la personnalité <strong>de</strong> cette religieuse.<br />

C'est d'abord le "ménologe" (Livre <strong>de</strong> l'Eglise grecque qui,<br />

composé d'abord exclusivement <strong>de</strong> vies <strong>de</strong> martyrs, fut étendu plus<br />

tard aux vies <strong>de</strong> tous les saints - Littré) écrit en 1969 , c'est à dire<br />

quelques mois après sa mort par une autre religieuse du Cénacle <strong>de</strong><br />

Paray le Monial, Soeur Jeanne Dehin à partir <strong>de</strong> témoignages <strong>de</strong><br />

religieuses <strong>de</strong> l'ordre et <strong>de</strong> quelques documents fournis par les frères<br />

et soeurs <strong>de</strong> <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> <strong>Delattre</strong>. Ce document, ronéotypé, a du avoir<br />

une certaine diffusion. Bien que je le juge assez touffu, je l'ai<br />

reproduit intégralement car il n'est guère possible <strong>de</strong> le résumer. Je<br />

l'ai complété , pour plus <strong>de</strong> clarté par un résumé chronologique <strong>de</strong>s<br />

gran<strong>de</strong>s dates <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> <strong>Delattre</strong>.<br />

La soeur jeanne Dehin a axé plus spécialement son récit sur<br />

l'aspect religieux <strong>de</strong> la personnalité <strong>de</strong> <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong>. Mais il ne faut pas<br />

oublier la <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> très vivante évoquée dans la première pages et<br />

qu'on retrouve assez bien dans les quelques lettres qui ont été<br />

conservées ( voir les extraits <strong>de</strong> lettres reproduits dans "la <strong>famille</strong><br />

<strong>Delattre</strong> entre 1939 et 1943" et ceux écrits en 1918 par <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong><br />

alors agée <strong>de</strong> 13 ans à son oncle André Baur-Walther. )C'est pourquoi<br />

il m'a semblé intéressant <strong>de</strong> faire quelques extraits <strong>de</strong>s lettres que<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> <strong>Delattre</strong> a écrit à sa <strong>famille</strong> entre 1943 et sa 1968. Certes,il<br />

ne faut pas oublier que, comme le soulignait un jour sa soeur Isabelle,<br />

toutes les lettres écrites par <strong>de</strong>s religieuses sont lues par la<br />

Supérieure, <strong>de</strong> ce fait elles traduisent mal les sentiments profonds <strong>de</strong><br />

leur auteur. Néammoins il m'a semblé que certains passages étaient<br />

intéressants à retenir et j'ai choisi ceux qui montrent une <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong><br />

très au courant <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> la <strong>famille</strong> et sachant présenter non sans<br />

un certain humour les petits tracas <strong>de</strong> la vie quotidienne


Des témoignages recueillis au moment <strong>de</strong> sa mort, il résulte<br />

que la guérison miraculeuse <strong>de</strong> 1952 a permis au Pape <strong>de</strong> prendre la<br />

décision <strong>de</strong> canoniser Mère Thérèse Cou<strong>de</strong>rc, fondatrice du Cénacle:<br />

-..... Sa guérison a servi à la canonisation <strong>de</strong> la fondatrice . Grâce à <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong><br />

Delatte, il y aura une Sainte <strong>de</strong> plus dans l'Eglise.<br />

- ........ Nous ne pensions plus à la canonisation <strong>de</strong> notre fondatrice. Et, le 24<br />

Décembre ...... après le décès <strong>de</strong> M. <strong>Delattre</strong>, tout a rebondi, le Pape a décidé que les <strong>de</strong>ux<br />

miracles étaient constatés et que la bienheureuse Mère Cou<strong>de</strong>rc serait canonisée.


<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> DElA TfRE<br />

(22 Juin 1905- 2 Novembre 1968)<br />

SERVIR TOUJOURS -CAPITULER JAMAIS<br />

Ainsi se résume toute l'existence <strong>de</strong><br />

cette Fille <strong>de</strong> France et Fille du Cénacle<br />

"Je t'ai appelé par ton nom" ( Isaïe 45 , 4 )<br />

"'j'ai failli naître dans l'Ecole <strong>de</strong> cavalerie <strong>de</strong> Saumur" déclarait-elle<br />

dans une récréation du Noviciat<br />

En fait, le 22 juin 1905, il fut question, paraît-il, d'ouvrir les portes <strong>de</strong><br />

cette école, à la jeune femme du capitaine <strong>de</strong> Cavalerie Eugène DELA TIRE,<br />

qui y était instructeur.<br />

Mais celui-ci, un Amiénois vigoureux et décidé, bien vite reconduisit<br />

sa compagne, une Parisienne fine et craintive, là où ils <strong>de</strong>meuraient<br />

Il était temps. A onze heures du soir, le ciel leur donnait une petite<br />

fille, qui, le 24 juin, fut ondoyée par le curé <strong>de</strong> la paroisse. C'était notre<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong>.<br />

Son entrée dans la vie, déjà fait image, car jusqu'à sa sortie <strong>de</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong>, fille <strong>de</strong> Dieu, elle illustrera l'agere contra d'une école militaire en<br />

même temps qu'un attachement tendre et dévoué à "la maison".<br />

Elle n'était pas l'aînée, Anne-Marie, qui l'avait précédée, s'essayait<br />

à marcher toute seule.<br />

L'année suivante, les <strong>de</strong>ux petites filles, éblouies, purent<br />

contempler un petit Jean dans son berceau, et puis en 1908, ce fut un petit<br />

Jacques. Mais le berceau n'était plus dans le logis <strong>de</strong> Saumur, le<br />

Commandant <strong>Delattre</strong> était en garnison à Melun.<br />

Chez lui, un petit régiment <strong>de</strong> quatre. Nous les appellerons "les<br />

quatre grands". Plus tard, cinq autres, non moins aimés, s'échelonnèrent <strong>de</strong><br />

1914 à 1921. Celà faisait neuf!<br />

Or, Madame <strong>Delattre</strong>, dès l'âge <strong>de</strong> 30 ans, fut éprouvée dans tout<br />

son être, <strong>de</strong> sorte que le père <strong>de</strong> la <strong>famille</strong> grandissante dut assumer une<br />

bonne part dans l'éducation <strong>de</strong>s grands et <strong>de</strong>s petits, sans pour autant jeter le<br />

moindre discrédit sur le dévouement inlassable <strong>de</strong> leur mère, ni mitiger ses<br />

obligations militaires. Chef consciencieux sur tous les fronts. "Invraisemblable<br />

<strong>de</strong> foi, d'esprit chrétien et <strong>de</strong> loyauté". Tel est le témoignage <strong>de</strong> tous les siens.<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> avait <strong>de</strong> qui tenir, et nous qui l'avons connue, nous<br />

croyons pouvoir dire qu'elle avait hérité <strong>de</strong> la foi invincible <strong>de</strong> son père et <strong>de</strong><br />

la conscience délicate et un peu craintive <strong>de</strong> sa mère.


"Papa l'avait surnommée Toutouil/e (d'un mot picard: touiller qui<br />

signifie tourner), nous rapporte sa soeur Isabelle, et ce nom lui allait vraiment<br />

bien, car elle était tout le temps en train <strong>de</strong> faire quelque chose et même<br />

plusieurs choses à la fois"<br />

Anne-Marie, actuellement Directrice à l'Institut Ste Clotil<strong>de</strong>, renforce<br />

les premiers traits <strong>de</strong> la physionomie <strong>de</strong> sa ca<strong>de</strong>tte: "<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> - Toutouille<br />

dans l'intimité - était joyeuse, délurée, enjouée. Très active, courant toujours.<br />

Je me rappelle <strong>de</strong>ux <strong>souvenirs</strong> <strong>de</strong> La Tour où elle a été élève <strong>de</strong> la 11 ème à<br />

la 9ème, puis <strong>de</strong> la ?ème à la 4ème, puis <strong>de</strong> la 2ème à la fin. Papa était<br />

officier et nous avons changé souvent <strong>de</strong> garnison.<br />

Elle avait 7 ans et avait été mala<strong>de</strong> en 1912 lors <strong>de</strong> la première<br />

communion <strong>de</strong> ses compagnes. Elle n'a eu <strong>de</strong> cesse qu'on lui permette <strong>de</strong> la<br />

faire, seule, le 2 Juillet, et la mère d'une religieuse m'écrivait récemment<br />

l'émerveillement <strong>de</strong>s jeunes anciennes <strong>de</strong>vant cette petite fille qui exigeait si<br />

fort <strong>de</strong> faire sa première communion. Je la revois, revenant <strong>de</strong> l'examen <strong>de</strong><br />

catéchisme préliminaire:<br />

"Monsieur l'Aumônier m'a <strong>de</strong>mandé combien il y avait <strong>de</strong> Dieux."<br />

-Et qu'est-ce que tu as répondu?<br />

"Eh bien , trois bien sûr''<br />

Sa piété était plus éclairée que sa théologie.<br />

A la Tour, défense <strong>de</strong> courir dans les couloirs. Pas facile pour<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong>! Le couloir <strong>de</strong>s classes était en "baïonnette". Récit:<br />

··7e courais aans le couloir; au premier tournant. jài tamponné Mlle<br />

Marthe (la Supérieure) qui m'a fait un petit sermon. Naturellement. je suis<br />

repartie à fana ae train et ....... IAU secona tournant. j'ai tamponné Mlle Thérèse (la<br />

Directrice) qui m'a attrappée aussi. La plus granae et triomphale victoire a été: j'ai<br />

tamponné Jvtiss May. et je me suis sauvée tellement vite qu'elle n·a jamais su qui<br />

c'était ...<br />

- Pendant la guerre <strong>de</strong> 14, en Septembre, Maman qui attendait son<br />

numéro 5 ( Michel ) a fui avec nous à Chatel-Guyon, en Auvergne. Je me<br />

rappelle le ru<strong>de</strong> hiver où il nous fallait aller ramasser du bois mort dans la<br />

neige pour chauffer la maison (<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> avait 9 ans)<br />

- En 1916, nous avons fait ensemble notre Communion solennelle<br />

et avons été confirmées. Dieu, qu'elle était ar<strong>de</strong>nte pendant cette année <strong>de</strong><br />

préparation!<br />

Elle était intelligente et débrouillar<strong>de</strong>; pas intellectuelle; douée pour<br />

le <strong>de</strong>ssin. On ne lui a fait passer que son brevet. Puis elle a fait <strong>de</strong>s merveilles<br />

<strong>de</strong> couture, <strong>de</strong>ssin, bro<strong>de</strong>rie, etc .......... au "Cours complémentaire" et y a<br />

décroché les récompenses suprêmes, avec prix: rosette <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssin, rosette <strong>de</strong><br />

science surtout. Elle a été élue Prési<strong>de</strong>nte <strong>de</strong>s Enfants <strong>de</strong> Marie <strong>de</strong> tout le<br />

Pensionnat"<br />

l


Les <strong>souvenirs</strong> d'Isabelle - la sixième <strong>de</strong>s neufs - <strong>de</strong> onze ans plus<br />

jeune que <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong>, vont nous la montrer à la maison: "Elle s'est beaucoup<br />

occupée <strong>de</strong> la ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>s cinq petits comme on nous appelait, dont j'étais la<br />

secon<strong>de</strong>. Marna était souvent fatiguée, elle et ma soeur Anne-Marie nous<br />

prenaient en charge, mais c'est surtout d'elle que je me souviens, car je<br />

n'avais que huit ans lorsque Anne-Marie entra chez les religieuses <strong>de</strong> Sainte­<br />

Clotil<strong>de</strong>.<br />

Très dévouée, <strong>de</strong> nature dynamique, active, <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> formait<br />

notre coeur, notre âme. Je me souviens <strong>de</strong>s crèches faites avec amour dans<br />

ma chambre. Nous avions chacun notre petit mouton avec un collier <strong>de</strong><br />

couleur différente, et notre sagesse permettait <strong>de</strong> le faire avancer un peu vers<br />

la crèche ......... Pour le mois <strong>de</strong> Marie, celui <strong>de</strong> St Joseph et du Sacré Coeur,<br />

c'étaient <strong>de</strong> jolis petits autels qui se dressaient sur la commo<strong>de</strong>, avec bougies<br />

minuscules que nous allumions pour prier autour, et que nous nous<br />

disputions pour éteindre à la fin.<br />

Elle avait <strong>de</strong>s mots profonds, nous apprennant à mettre Dieu dans<br />

toute notre vie. C'est elle, la première qui m'a parlé <strong>de</strong> cette" capacité<br />

d'Amour" que nous pouvons augmenter à chaque instant et qui prépare notre<br />

bonheur au ciel; bonheur qui sera plus ou moins grand quoique complet ,<br />

selon que nous aurons acquis la capacité d'un dé à coudre ou d'un gros<br />

tonneau.<br />

onen a"<br />

Elle nous disait aussi:<br />

"'.e bonheur c'est gue/que chose ae merveilleux: tzlus on en aonne. rzlus<br />

Tout en elle avait <strong>de</strong>s résonances profon<strong>de</strong>s.<br />

Par ses soins, nos <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers frères ( Pierre né en 1919 et Henri<br />

né en 1921 ) ont été préparé à la première communion. ( Le premier le fut<br />

spécialement au Cénacle, fréquenté dès lors ...... )<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> s'occupa aussi <strong>de</strong>s louveteaux dans les <strong>de</strong>rniers mois<br />

que nous avons vécus à Paris.<br />

Je me souviens <strong>de</strong>s promena<strong>de</strong>s qu'elle nous faisait faire dans les<br />

rues <strong>de</strong> Paris. On s'aérait comme on pouvait! et ce qui me frappe lorsque j'y<br />

repense c'est qu'elle savait transformer en jeu ce qui, au départ, nous<br />

ennuyait prodigieusement. Elle avait, bien qu'encore jeune, un sens rare <strong>de</strong>s<br />

autres.<br />

Elle et ma soeur aînée, nous habillaient tous les cinq ! Les tabliers<br />

d'enfants, enveloppants, étaient moins simples à faire que ceux <strong>de</strong><br />

maintenant... .... il lui arrivait <strong>de</strong> faire jusqu'à quarante boutonnières dans une<br />

journée à la maison."<br />

Disons que déjà, elle était ingénieus et laborieuse dans tous les<br />

domaines et que son imagination réaliste la servait à souhait. Elle avait le<br />

sens <strong>de</strong> la "créativité" comme on dirait aujourd'hui. .. Jeune fille, elle restait<br />

"Toutouille" remuant toujours du nouveau (dans un verre ou une casserole)


puisque c'est l'art <strong>de</strong> touiller ......... .<br />

C'est là qu'il faut intercaler l'histoire d'une bicyclette relatée par sa<br />

soeur aînée:<br />

"Maman était très "ancien régime" et ne voulait pas que ss filles<br />

fassent <strong>de</strong> la bicyclette. Et <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> mourait d'envie d'en avoir une. En<br />

cachette elle apprit à s'en servir avec mes frères, puis a déclaré crânement un<br />

jour: "Maintenant, je puis faire <strong>de</strong>s courses à bicyclette, je sais monter'' Et, <strong>de</strong><br />

fait, elle a rendu bien <strong>de</strong>s services."<br />

Sous la même plume, relevons une remarque caractéristique: "oui,<br />

c'est vrai que <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> était "diverse" et <strong>de</strong>puis toujours. A la fois très rai<strong>de</strong><br />

et très enjouée selon qu'elle avait un rôle à jouer, ou qu'elle pouvait être<br />

simplement elle-même. Je me rapelle comment elle évinçait tous mes mots<br />

d'argot (pour faire comme Maman), alors que je les multipliais (pour faire<br />

comme Papa)<br />

Saisissons cette divergence entre les <strong>de</strong>ux soeurs, c'est normal et<br />

cela n'entamait en rien l'amour fraternel. L'aînée cependant nous avoue: "a<br />

cette époque, <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> a vainement recherché l'intimité avec moi qui étais<br />

farouchement fermée et n'ai communiqué que très tard mes désirs <strong>de</strong> vie<br />

religieuse. Son réflexe a été: "Papa et Maman en donneront-ils <strong>de</strong>ux? "<br />

Cela nous en dit long ...... et <strong>de</strong> nouveaux horizons vont s'ouvrir.<br />

"Prenez et recevez. Seigneur ....... "<br />

C'est consenti. Et le Maître va commencer par prendre celui qu'il<br />

veut reprendre. Ce fut André, né en 1917, "il mourut assez brusquement à 7<br />

ans 1/2 d'un rhumatisme au coeur".<br />

Tous en ressentirent le coup ...... Mais sa marraine, notre <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong>?<br />

"Elle s'était avisée impru<strong>de</strong>mment un jour <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r au Seigneur<br />

qu'André meure jeune s'il <strong>de</strong>vait commettre un péché mortel"<br />

Ah! mais pas comme ça! Plus sages, ses parents s'inclinèrent<br />

sachant que Dieu ne nous prend pas au mot en pareil cas. Admirons les,<br />

laissant à Dieu droits et initiatives sur les enfants qu'il leur a confiés. "Qu'on<br />

nous regar<strong>de</strong> comme <strong>de</strong>s intendants <strong>de</strong>s mystères <strong>de</strong> Dieu. Or, tout ce qu'on<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à <strong>de</strong>s intendants, c'est que chacun soit trouvé fidèle ..... " (1 Cor. IV,2)<br />

Nous sommes encore à Paris vers 1924 ou 1925.<br />

Voici que l'aînée a jugé que sa ca<strong>de</strong>tte était à la hauteur d'une<br />

tâche <strong>de</strong> collaboratrice <strong>de</strong>s parents éducateurs <strong>de</strong> la petite ban<strong>de</strong> ....... De plein<br />

gré <strong>de</strong> part et d'autre, Anne-Marie <strong>de</strong>vient Soeur Marie Saint Jacques au<br />

noviciat <strong>de</strong> l'Institut <strong>de</strong> Sainte Clotil<strong>de</strong>.<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> reste rivée à son rôle auprès d'un père et d'une mère<br />

aimants et vigilants.<br />

Entre temps, ayant appris le chemin du Cénacle, elle y allait<br />

volontiers.<br />

"Elle s'occupait <strong>de</strong> la Croisa<strong>de</strong> Eucharistique et faisait partie du


groupe qui, autour <strong>de</strong> la Mère Dufraisse, animait le Secrétariat et donna<br />

plusieurs vocations."<br />

- "J'ai connu <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> avant son entrée au Noviciat, relate notre<br />

Soeur Vaillant-Batterau. Nous suivions ensemble, en 1926, les cours du<br />

mardi <strong>de</strong> la Mère Dufraisse et nous avons souvent cheminé l'une et l'aute, soit<br />

après le cours ou la réunion <strong>de</strong>s "Ca<strong>de</strong>ttes" , soit pour faire <strong>de</strong>s courses pour<br />

les dites Ca<strong>de</strong>ttes ou pour les Croisés.<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> était alors une gran<strong>de</strong> belle fille aux joues roses - bien<br />

plantée, bien décidée aussi -. Pour elle, pas <strong>de</strong> problèmes, sa route était<br />

tracée: aller tout droit vers Dieu sans souci <strong>de</strong>s obstacles ou <strong>de</strong>s difficultés."<br />

Mais un autre <strong>de</strong>vait passer avant elle: Jacques, le 4ème <strong>de</strong>s<br />

grands (né le 2 Décembre 1908)<br />

Archives s.j. "à peine âgé <strong>de</strong> 18 ans, est accueilli au Noviciat <strong>de</strong> la Compagnie<br />

Province <strong>de</strong> <strong>de</strong> Jésus le 15 Octobe 1926, à Beaumont, où le Père Devi liers est Maître <strong>de</strong>s<br />

Paris Novices. En 1927, le Noviciat <strong>de</strong> la Compagnie est transféré à Laval<br />

(Mayenne) dont les Annales ne manquent pas d'y mentionner, au 15 Octobre,<br />

Jacques <strong>Delattre</strong>. Il dut, par conséquent, y prononcer ses premiers voeux, en<br />

Octobre 1928, et commencer alors, sur place, au "Juvénat" <strong>de</strong>ux années<br />

d'étu<strong>de</strong>s littéraires" (P.J. Dehergne, archiviste, qui connut le scolastique<br />

Jacques D.)<br />

- 1926 "Partir. c'est mourir un peu" ..... .<br />

Le général <strong>Delattre</strong> est envoyé en garnison à Lyon (par la suite, il<br />

prendra sa retraite dans cette ville) . Et c'est là que <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> réalise sa<br />

vocation après <strong>de</strong> fréquents contacts avec le Cénacle <strong>de</strong> la Mère Thérèse qui,<br />

déjà, l'ayant regardée, l'avait aimée ...... (cf Marc X,21 ), si bien qu'en<br />

s'éloignant <strong>de</strong> Paris, la jeune fille allait trouver son orientation définitive.<br />

Sa soeur Isabelle, fidèlement, relate le déménagement <strong>de</strong> la<br />

<strong>famille</strong> à Ste Foy lès Lyon:<br />

" C'est elle (<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong>) que Papa a emmenée pour préparer la<br />

maison. Lorsque, une certaine nuit <strong>de</strong> Septembre, nous y sommes tous<br />

arrivés, tout était déjà parfaitement organisé. Elle n'avait rien oublié ...... même<br />

pas, dans la chambre qu'elle <strong>de</strong>vait partager avec moi, un ravissant petit lit<br />

aux frais ri<strong>de</strong>aux, où dormait une ancienne poupée <strong>de</strong> Maman ........ Belle<br />

poupée <strong>de</strong> porcelaine qu'on n'avait pas encore voulu me confier. ... J'avais dix<br />

ans, et je croyais vivre un conte <strong>de</strong> fées.<br />

C'est elle aussi qui m'a appris à coudre. Vers 11 ans, ce fut ma<br />

première robe que je fis moi-même guidée par elle. <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> savait tout<br />

faire: tailler, coudre, repasser, faire <strong>de</strong>s chapeaux, faire la cuisine.<br />

Un <strong>de</strong> ses moyens pour obtenir <strong>de</strong>s efforts <strong>de</strong>s garçons: "']e te<br />

repasserai le pli ae ton pantalon."<br />

Mais il faut avouer que, vers cette pério<strong>de</strong> , nous commencions à<br />

accepter moins bien son autorité, surtout Michel et moi, les <strong>de</strong>ux aînés <strong>de</strong>s<br />

"petits". Je l'accompagnais souvent au Cénacle <strong>de</strong> Fourvière durant cette<br />

année qu'elle a passée à Lyon.<br />

;z


Puis. bien vite, un an après notre arrivée, elle partit. Je me souviens<br />

<strong>de</strong> ce 19 Novembre, c'était le matin, j'étais encore au lit quand elle est venue<br />

m'embrasser, m'annonçant qu'elle partait pour toujours (je l'ignorais, car nos<br />

parents ne nous avaient rien dit ). C'était le troisième départ vers la vie<br />

religieuse. et ils étaient <strong>de</strong> plus en plus douloureux, pour Papa<br />

surtout.. ... <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong>, en m'embrassant, me confiait sa "succession" surtout<br />

auprès <strong>de</strong> mes <strong>de</strong>ux petits frères. J'avais onze ans."<br />

On <strong>de</strong>vine l'émotion <strong>de</strong> tous. Essayons <strong>de</strong> mesurer l'héroïsme <strong>de</strong>s<br />

parents "<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> était le coeur <strong>de</strong> la <strong>famille</strong>" écrira plus tard son frère Henri,<br />

le benjamin.<br />

- Postulante magnanime<br />

Elle <strong>de</strong>vait entrer au postulat en Novembre 1927, à Beaumont sur<br />

Oise. Là même où était entré un an auparavant son frère Jacques. Celui-ci,<br />

nous le savons, était à Laval.<br />

Le Noviciat du Cénacle. après 25 ans d'exil à Yvoir -sur-Meuse. en<br />

Belgique, réintégrant la France, profitait du départ <strong>de</strong>s Jésuites pour occuper<br />

Beaumont. Parallèlement, <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> et Jacques s'initiaient à la vie<br />

religieuse.<br />

La Mère Louise Le Moine, en tant que Mère-Maîtresse, accueillit<br />

maternellement la Postulante.<br />

"A ce propos, nous confie-t-elle, je veux vous dire un détail que je<br />

suis seule à savoir et qui caractérise la personne. Vous savez, et beaucoup<br />

vous le diront, qu'elle avait une très riche nature, pleine <strong>de</strong> contrastes.<br />

sachant s'affirmer, même fortement (l'obéissance lui a coûté beaucoup au<br />

Noviciat), et d'autre part, assez impressionnable, ce côté là s'étant accentué<br />

avec ses épreuves <strong>de</strong> santé ...... (dont nous parlerons au moment voulu)<br />

"Quand elle est arrivée à Beaumont, elle sentait très fort les<br />

sacrifices consentis: <strong>famille</strong>, Croisa<strong>de</strong>, etc ....... Ella a passé quelques jours .<br />

comme on le faisait alors. en première probation, étudiant nos règles. Je<br />

pensais lui donner le capuce ( <strong>de</strong>s Novices ) le 8 Décembre, ou mieux,<br />

comme on le faisait alors, le 7 au soir, pour qu'elle vienne à Matines avec son<br />

nouveau voile.<br />

"Je vais chez elle dans l'après-midi et la trouve très sombre,<br />

visiblement tentée <strong>de</strong> reculer. Je ne saurais vous redire ce que nous avons<br />

dit. Certainement, j'ai du dire que c'était à elle <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r, et finalement, je<br />

l'entends s'exclamer:" Tant pis pour moi! "<br />

"La pauvre postulante avait fait le pas très vaillamment, non dans la<br />

consolation."<br />

Le 8 Décembre 1927, elle entrait au Noviciat.<br />

"Ensemble nous fîmes notre Noviciat, rapporte encore la soeur<br />

Vaillant-Battente, sans toutefois <strong>de</strong> vraies rencontres, perdues que nous<br />

étions parmi les cinquante brebis <strong>de</strong> Mère Le Moine, menées au pas par la<br />

8


jeune et vive Mère <strong>de</strong> Sainte-Marie, ayant <strong>de</strong>s emplois différents."<br />

Tout allait donc normalement et la cérémonie <strong>de</strong> prise d'habit<br />

approchait (la Vêture se faisait alors après un an <strong>de</strong> Noviciat )<br />

Et voici qu'une terrible épidémie <strong>de</strong> typhoï<strong>de</strong> éclata dans le quartier<br />

<strong>de</strong> Ste Foy-lès-Lyon. Les Lyonnais, nous dit-on n'étaient pas dupes quant à la<br />

cause: infiltration d'eaux contaminées à laquelle les responsables auraient<br />

du remédier avant les conséquences désastreuses pour les habitants <strong>de</strong> la<br />

colline.<br />

Madame Del attre et trois <strong>de</strong> ses fils furent atteints du fléau.<br />

"Papa se trouvait seul pour les soigner" explique Isabelle qui<br />

n'avait que 12 ans. " Je me souviens, complète l'aînée, que Papa .avait écrit:<br />

"Reviens, c'est une question <strong>de</strong> vie ou <strong>de</strong> mort pour les tiens" Aussitôt,<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> revint prêter main forte à la maison"<br />

Mère "Encore Novice, n'ayant pas d'engagement, elle pouvait plus facilement se<br />

Partial rendre disponible qu'Anne-Marie déjà religieuse. Il n'y avait pas à hésiter.<br />

"L'épreuve fut longue pour les uns et pour les autres. Madame<br />

<strong>Delattre</strong> qui, par ailleurs avait due être opérée, fit plusieurs rechutes, et Pierre<br />

(9 ans) était aussi gravement atteint.<br />

Quand elle le pouvait, la Novice, infirmière d'occasion, allait à<br />

Fourvière et reprenait pour quelques heures son capuce qui lui redonnait un<br />

air <strong>de</strong> Communauté et elle se sentait accueillie avec tout le coeur et la<br />

compréhension que méritait la situation du moment."<br />

La petite Isabelle souligne et témoigne que ce temps fut pour<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> une ru<strong>de</strong> épreuve:<br />

"Elle pleurait souvent. Je l'accompagnais au Cénacle où elle aimait<br />

plus que jamais se rendre. Puis tout rentra dans l'ordre, notre Maman nous fut<br />

rendue, et nos trois frères remis sur pied. <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> pouvait regagner son<br />

noviciat. ......... "<br />

De fait, Septembre 1929 marque son retour; mais c'était le<br />

déménagement du Noviciat entre Beaumont et Tigery. (Beaumont, halte<br />

provisoire, avait eu aussi quelques cas <strong>de</strong> typhoï<strong>de</strong>)<br />

Mère Partial "Les Novices <strong>de</strong> Choeur se trouvaient en transit au Cénacle <strong>de</strong><br />

Breteuil à Paris. C'est là que <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> rejoignit le groupe qui s'agrandissait<br />

par l'arrivée <strong>de</strong> futures postulantes."<br />

Enfin, le 12 Octobre suivant, toute la caravane partit pour Tigery,<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> reprenant alors sa place et son capuce définitivement.<br />

Le 1 0 décembre suivant, elle recevait enfin son habit, et, très vite,<br />

<strong>de</strong>venait Admonitrice. (Au noviciat <strong>de</strong>s jésuites, admoniteur est un titre<br />

d'office; c'est un <strong>de</strong>s plus fervents novices qui est chargé d'avertir les autres<br />

<strong>de</strong> ce qu'ils ont à faire ...... Quelques congrégations <strong>de</strong> filles ont aussi <strong>de</strong>s<br />

officières qui portent le nom d'admonitrices - extrait du Littré)


Mère Partial- "Elle remplissait ses fonctions en "gran<strong>de</strong> soeur'' simplement<br />

secourable et attentive à toutes, avec ce souci <strong>de</strong> régularité dans les petites<br />

choses qui l'a toujours caractérisée.<br />

"Elle ne manquait pas d'humour d'ailleurs! son pupitre , près <strong>de</strong> la<br />

porte du Noviciat était sous le bénitier. Les Novices, avec gran<strong>de</strong> dévotion y<br />

plongeaient leurs doigts lorsqu'elles entraient. Un jour, elles purent voir, bien<br />

en évi<strong>de</strong>nce sur le bureau <strong>de</strong> l'admonitrice, un bel écriteau: "Ce bureau n'est<br />

pas un catafalque, il est inutile <strong>de</strong> l'asperger d'eau bénite".<br />

D'après Cette <strong>de</strong>uxième année <strong>de</strong> Noviciat, à son tour, allait être marquée<br />

archives s.j. par une lour<strong>de</strong> croix: Jacques, le frère très aimé, si proche d'elle par l'âge et la<br />

communauté <strong>de</strong> vocation, scolastique ar<strong>de</strong>nt et studieux, "fut arrêté dans son<br />

élan, dans les premiers mois <strong>de</strong> 1930, par son état <strong>de</strong> santé .......... le<br />

contraignant à se soigner. ......... Hélas, soins et repos furent impuissants, et il<br />

se mourait le 24 Octobre 1930.<br />

Les "Lettres annuelles" <strong>de</strong> Paris, à cette occasion, disent combien fut<br />

regrettée la mort <strong>de</strong> ce sujet <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> espérance, très pieusement endormi<br />

dans le Seigneur après <strong>de</strong> ru<strong>de</strong>s souffrances, supportées avec une patience<br />

encore plus gran<strong>de</strong>.<br />

Isabelle "La mort <strong>de</strong> notre frère Jésuite, Jacques, que <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> aimait<br />

particulièrement lui fut encore une nouvelle épreuve. Elle en parlait dans ses<br />

lettres" , nous dit sa jeune soeur. "Son chagrin fut immense, elle le porta<br />

courageusement'' témoigne la Mère Partiot du même Noviciat.<br />

De l'inattendu<br />

Cependant, le 18 Décembre, elle prononçait ses premiers voeux.<br />

L'étape était franchie.<br />

*<br />

* *<br />

Aussitôt, elle partit pour La Louvesc, rejoindre le Juvénat.<br />

Mère Partial "Elle ne <strong>de</strong>vait rester que quelques mois sur la Sainte Montagne; dès<br />

l'été 1931, elle était rapatriée à Paris comme ai<strong>de</strong> à l'Economat Général".<br />

"Ai<strong>de</strong>", elle le fut comme elle voulait l'être dans son ar<strong>de</strong>ur et sa<br />

générosité quelque peu volontariste et assumant sans se ménager les tâches<br />

matérielles <strong>de</strong> l'emploi pour les éviter à l'Econome générale. Ayant approché<br />

et soigné ses chers mala<strong>de</strong>s sans être atteinte, se croyait-elle invulnérable?<br />

ou bien, faut-il placer à cette époque l'offran<strong>de</strong> que sa générosité aurait faite<br />

impru<strong>de</strong>mment?<br />

"Un jour, nous dit sa soeur aînée, elle m'a confié: "J'ai offert ma<br />

santé pour éviter (autre chose <strong>de</strong> plus grave à une personne ..... ) J'ai été orise<br />

au mot". Elle était si magnifiquement bâtie!<br />

"Hortus conclusus, fons signatus" (Gant, IV, 12). Ne cherchons pas


à pénétrer dans ce jardin clos, ou fontaine scellée! c'est resté "le secret du<br />

Roi".<br />

En 1931, à son tour d'être mala<strong>de</strong>, rapporte Isabelle, frappée par<br />

une phrase que la Mère Thérèse aurait fait entendre à une <strong>de</strong> ses compagnes<br />

mourante qui la priait <strong>de</strong> guérir <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong>: - "Elle ne guérira pas, mais elle<br />

sera bénie"<br />

M. Partiot "Or, la jeune professe était arrivée <strong>de</strong>puis peu à Paris qu'on<br />

apprenait qu'elle était immobilisée, suite, disait-on, d'une entorse mal<br />

soignée, faite à La Louvesc en étendant le linge ..... Mais cette étrange entorse<br />

ne voulait pas guérir. Inquiètes, ses Supérieures consultèrent le Docteur<br />

Aurousseau. Celui-ci, à l'étonnement général, plâtra la cheville mala<strong>de</strong>. On<br />

s'inquiète davantage, on fait <strong>de</strong>s neuvaines à la Mère Thérèse qui semble<br />

répondre par l'aggravation du mai. .... Une radio révèle enfin la triste vérité: l'os<br />

était atteint gravement. Le Dr Aurousseau <strong>de</strong>man<strong>de</strong> une radio pulmonaire.<br />

L'état <strong>de</strong>s poumons est si mauvais qu'on juge la mala<strong>de</strong> perdue à brève<br />

échéance et qu'il semble impossible et inutile <strong>de</strong> faire au pied la grave<br />

opération nécessaire. Cependant, les mé<strong>de</strong>cins agissent et soignent <strong>de</strong> leur<br />

mieux, selon la thérapeutique <strong>de</strong> l'époque (sels d'or) ....... Hélas, le mal avait<br />

gagné la jambe si profondément qu'on <strong>de</strong>vait penser à<br />

l'amputation ....... Quelle angoisse pour la Mère Majoux, la Supérieure<br />

Générale, qui suivait l'évolution <strong>de</strong> ce cas particulièrement douloureux."<br />

L'Assistante <strong>de</strong> la Maison <strong>de</strong> Tigery étant <strong>de</strong> passage à la Maison<br />

Mère, elle lui confia; "toute la nuit, j'ai fait et refait élection à ce sujet - et<br />

aucune élection ne m'a été si difficile. Quoi! Parler d'une amputation à micuisse<br />

à cette gran<strong>de</strong> et belle fille <strong>de</strong> 26 ans! Si le foyer du mal <strong>de</strong>meure, je<br />

ne la prolonge que <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux à trois mois .... Est-ce à faire? .......... A l'aube, j'ai<br />

solutionné: Je ne suis pas le Créateur, je n'ai pas le droit d'abréger une vie<br />

humaine <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux à trois mois."<br />

Mais, le Général n'a-t-il rien à dire sur ce point? Professe<br />

temporaire, sa fille reste toute sienne. Toutefois, l'intéressée d'abord. La<br />

Mère, tout émue, voulait la prévenir ...... Dieu permit qu'elle le <strong>de</strong>vinât, et elle se<br />

montra courageuse héroïquement... .. Son père fut alerté aussitôt. Quelques<br />

heures après, il était là. La Supérieure Générale le reçut.<br />

"L'entrevue fut pénible, confia-t-elle encore à l'Assistante <strong>de</strong> Tigery.<br />

Le coeur <strong>de</strong> ce père (ou la conscience <strong>de</strong> ce chef ) malgré son esprit <strong>de</strong> foi,<br />

n'était pas remis encore du choc produit par la mort prématurée <strong>de</strong> son fils<br />

Jacques, et on le mettait en face du danger <strong>de</strong> mort prochaine pour sa gran<strong>de</strong><br />

fille .... ll doutait <strong>de</strong> la vigilance <strong>de</strong>s supérieurs <strong>de</strong> ce couvent. ... illeur en voulait<br />

presque .... Il ne pouvait cependant que donner son assentiment à<br />

l'intervention chirurgicale prévue pour le len<strong>de</strong>main, 26 Février 1932, et il<br />

resta sur place ....<br />

Mère Partiot "L'état <strong>de</strong> la mala<strong>de</strong> ne permettant pas <strong>de</strong> l'anesthésier par voie<br />

respiratoire, on eut recours à une piqure qui insensibilise le bas du corps<br />

mais laisse toute la lucidité ...... .<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> assista donc à sa propre opération. Stoïque, héroïque<br />

11


dans le âon d'elle-même, elle se mit à chanter le Magnificat lorsqu'elle se<br />

rendit compte qu'on était en train <strong>de</strong> l'amputer, tandis que la Mère Majoux,<br />

près d'elle, fondait en larmes, et que le chirurgien dominait mal son<br />

émotion ...... "<br />

"Le docteur pleurait en sortant <strong>de</strong> la salle d'opération ..... ajoute<br />

Isabelle, et Papa en faisait autant."<br />

- Les années <strong>de</strong> Tigerv<br />

Mère Partiot " Elle se remit (relativement) vite. Après quelques mois, on<br />

l'envoya à Tigery. Elle faisait <strong>de</strong>s exercices pour s'apprendre à marcher avec<br />

son pilon, ne reculant même pas <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s exploits, comme le jour où,<br />

voulant absolument baiser la terre, on la vit, pour ce faire s'allonger <strong>de</strong> tout<br />

son long par terre. Ses soeurs en étaient interdites.<br />

"Elle allait en récréation dans le parc au bras soli<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Mère<br />

Petit (le géant <strong>de</strong> la communauté). Sa santé s'affermissait et elle guérit, peuton<br />

dire, entièrement."<br />

En 1935-36, elle fit son 3ème An avec la mère Vuillaume, et, le 25<br />

Mai 1936, elle prononçait ses voeux perpétuels.<br />

Elle fut alors chargée <strong>de</strong>s Novices Coadjutrices à titre<br />

d'Admonitrice. Ce lui fut certainement une gran<strong>de</strong> joie; C'est que, parmi ses<br />

jeunes soeurs, selon la remarque <strong>de</strong> Soeur Marie Saint-Jacques (sa soeur<br />

ainée Anne-Marie) "elle pouvait être simplement elle-même. Elle avait un rôle<br />

à jouer".<br />

C'était, en extension, la ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>s petits. Elle s'y trouvait comme<br />

jadis, un peu Maman et celles qui passèrent entre ses mains sont unanimes à<br />

témoigner <strong>de</strong> son entrain magnifique en tous les domaines.<br />

Soeur Emilienne<br />

Merglen "Quand elle nous faisait le cours d'Evangile, écrit l'une d'elles, on<br />

aurait dit qu'elle avait vécu au temps du Seigneur, tellement c'était vivanf' .<br />

"Ainsi que pour la retraite <strong>de</strong> Prise d'habit, où elle nous faisait suivre les<br />

exercices <strong>de</strong> Saint Ignace. C'était une âme <strong>de</strong> feu, qui aimait passionnément<br />

le Seigneur et ne marchandait pas avec ses exigences."<br />

D'après soeur Ecoutons encore un témoignage qui les résume tous:<br />

Augusta Roure "On se sentait en sécurité avec elle. Elle avait réponse à tout et savait<br />

tout démêler. Quand nous étions en difficulté avec la Mère Maîtresse, vite on<br />

allait vers elle, et, cela s'arrangeait.. ........ "<br />

Elle avait un don d'organisation pour nous maintenir en joie et<br />

ferveur. Elle présidait nos récréations, jamais moroses .... EIIe préparait nos<br />

petites fêtes <strong>de</strong> <strong>famille</strong>. Elle savait à merveille interpréter les petites histoires<br />

et les mettre admirablement en relief. Ainsi. "le jongleur <strong>de</strong> Notre-Dame", une<br />

autre fois, le tableau vivant <strong>de</strong> Rebeca à la fontaine, ou encore, avec Saint<br />

Tarcisius, <strong>de</strong>s catacombes au martyre. Les personnages rivalisaient<br />

d'ingéniosité avec la metteuse en scène ...... La piété <strong>de</strong> celle-ci ne lui faisait<br />

pas oublier <strong>de</strong> pieuses suggestions correspondant à la fonction <strong>de</strong> formatrice<br />

qui lui incombait. Si elle parlait <strong>de</strong> la Sainte-Vierge, on sentait qu'elle l'aimait<br />

passionément, et, tout naturellement, elle nous insinuait quelque pratique <strong>de</strong><br />

/2


silence, <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>stie, <strong>de</strong> charité .... n'ayant pas l'air d'une exhortation, mais<br />

plutôt d'un cantique nouveau composé par elle.<br />

Elle avait le culte <strong>de</strong> la Sainte Eglise.<br />

'"Jvtes petites Soeurs. nous disait-elle, lorsque vous êtes en aoute sur<br />

une Vérité ou quelque aifticulté aoctrinale. posez-vous la question: Que ait<br />

1 ,- tg l' 1se ....... / . "<br />

Elle avait composé un chant sur ce thème. Pour cette âme <strong>de</strong> feu,<br />

c'était un air <strong>de</strong> clairon et nous le chantions <strong>de</strong> façon vibrante:<br />

"Je sers l'Eglise, je l'aime ar<strong>de</strong>mment.. .........<br />

Avec ma prière et mon dévouement. Tout mon dévouement.."<br />

Pour I'Admonitrice, c'était du vécu. Elle avait soif <strong>de</strong> servir et un<br />

besoin inassouvi <strong>de</strong> se dévouer et elle garda jusqu'au bout une âme juvénile<br />

et enthousiaste, facteur <strong>de</strong> souffrance à mesure qu'elle avançait dans la vie.<br />

Ses années <strong>de</strong> Tigery furent peut-être les plus belles <strong>de</strong> sa vie.<br />

Un mot <strong>de</strong>s contacts <strong>de</strong> la religieuse avec sa <strong>famille</strong>.<br />

Sa jeune soeur nous en parle:"La note spirituelle était dominante.<br />

Cela causa bien <strong>de</strong>s déceptions à Papa ...... EIIe ne dit rien, disait-il<br />

quelquefois après la lecture <strong>de</strong> ses lettres en <strong>famille</strong>, et c'était vrai: souci sans<br />

doute <strong>de</strong> ne pas parler d'elle même, <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> ne disait rien dans ses lettres.<br />

Il fallait la visite familiale que nous lui faisions une fois par an pour être un peu<br />

au courant <strong>de</strong> ses occupations.<br />

En mars 1938, à son tour, Isabelle quittait le foyer familial pour<br />

entrer au Noviciat <strong>de</strong>s Franciscaines Missionnaires <strong>de</strong> Marie. Elle prenait le<br />

nom <strong>de</strong> Soeur Marie du Calvaire. Le Calvaire pouvait aussi projeter son<br />

ombre sur les parents qui donnaient leur troisième fille ....... Le Général et<br />

Madame <strong>Delattre</strong> n'avaient plus que quatre fils sur six!<br />

Et voici la guerre toute proche.<br />

C'est encore à Tigery<br />

Autre aspect. Aux premiers bruits <strong>de</strong> guerre, le Noviciat partit pour<br />

LaLouvesc, 1939. <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> <strong>de</strong>meurait et <strong>de</strong>vint Econome <strong>de</strong> la Maison <strong>de</strong><br />

Tigery.<br />

Ses frères allaient être l'objet <strong>de</strong> sa prière angoissée.<br />

Michel était officier <strong>de</strong> cavalerie en stage d'observateur dans<br />

l'aviation. Le 13 Octobre 1939, le <strong>de</strong>rnier jour du stage, il mourait <strong>de</strong> mort<br />

violente en Syrie (vol <strong>de</strong> nuit - l'avion a percuté une colline) . Michel avait 25<br />

ans!<br />

Vint l'exo<strong>de</strong> <strong>de</strong> 1940 ........ 1es routes <strong>de</strong> France voient passer les<br />

plus lamentables caravanes. Menacée, la banlieue <strong>de</strong> Paris se dépeuple, et<br />

c'est ainsi que la Soeur <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> <strong>Delattre</strong> fut contrainte <strong>de</strong> monter dans le<br />

<strong>de</strong>rnier train où il était possible <strong>de</strong> faire voyager une infirme. Elle échouait à<br />

13<br />

l


Mère Partial<br />

Paray-le-Monial. La halte fut courte. Dès l'armistice, par le premier train,<br />

vaillamment, elle reprenait la route avec la Mère Marie Saglio et <strong>de</strong>ux ou trois<br />

braves afin <strong>de</strong> défendre le Domaine face à l'envahisseur. Il était temps.<br />

L'occupant avait fait perquisition, mais sans grand dommage, quand les<br />

voyageuses se montrèrent, prêtes à revendiquer leurs droits, et y mettant la<br />

dignité et l'habileté voulues.<br />

Une nouvelle douleur allait fondre sur elle et sur les siens. La<br />

tragédie <strong>de</strong> Dunkerque <strong>de</strong>vait leur enlever Pierre, le cher petit frère pour<br />

lequel "elle avait une affection toute particulière du fait qu'enfant, il voulait<br />

être prêtre". Et puis, très gravement atteint par l'épidémie <strong>de</strong> Ste Foy (1928-<br />

1929) il avait été l'objet <strong>de</strong> la sollicitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa soeur "Novice" . Sauvé, en<br />

prévision d'un sacrifice inconnu, il tombait héroïquement sur la route<br />

nationale <strong>de</strong> Bourbourg à Dunkerque. Resté seul près <strong>de</strong> son canon, jusqu'au<br />

bout, il avait défendu le <strong>de</strong>rnier lambeau d'une armée décimée. Il n'avait pas<br />

21 ans. "Bon sang ne peut mentir" ..... (Né le 1919/19 mort le 4/6/40)<br />

Avec tous les membres <strong>de</strong> la <strong>famille</strong>, <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> ne pouvait pas ne<br />

pas ressentir vivement cette profon<strong>de</strong> blessure. Nous en retrouvons la trace<br />

dans une lettre qu'elle écrivait en 1941 à sa soeur <strong>de</strong> Ste Clotil<strong>de</strong>:<br />

"On n'improvise pas sa mort elle est le point final qui réponct à la<br />

péparation qu"on en a fait clans sa vie. Dans quelques clétails elu marinier (ct'une<br />

péniche française amarrée sur le canal non loin ete la scène grancliose ete la<br />

résistance ultime elu sous-lieutenant) on revoit bien Pierre. généreux. etroit. ficlèle.<br />

Lors ete sa retraite ete Ière Communion. après la méclitation sur les clifférents<br />

solctats qui suivent le K!oi ']ésus. tl avait écrit ete sa grosse écriture ete tout petit: -<br />

"Oua net je serai granet, je serai un héros, je (ne) serai jamais un lâche" D'avance. il<br />

avait mis ce qu'il ferait un jour. Précieux petit carnet où son âme. si ouverte au<br />

surnaturel. avait frappé la Mère qui le préparait. 'JI a trouvé maintenant sa vision<br />

ete 'jésus. qu'il mm ait si fort et à qui il voulait tout etonner.<br />

"'Je me remémore ce trait: en les déshabillant (Pierre et Henri) nous<br />

lisions l'Evangile elu /enctemain. C'était celui ete l'onction ete Marie-Macle/eine.<br />

Pierre interrompt:-"Ou anet on se fait prêtre. clis. on fait comme sainte Macle/eine/<br />

On casse son vase pour qu'il ne serve plus qu'au t3on Dieu tout seur K!éponse<br />

affirmative. un peu surprise ete la conclusion .... f/lors lui, pirouettant sur son lit­<br />

"lih. je sais bien ce que je ferai qua net je serai grand- ce sera beau. je etonnerai toutr<br />

Et Henri réclamant:" qu'est œ que tu feras, clis Pierre? Mais refus: C'est mon secret.<br />

mais tu verras comme ce sem beau: je ferai comme Ste Macle/eine. "<br />

En relisant ces réminiscences, on sent que le coeur <strong>de</strong> l'éducatrice<br />

fraternelle continuait à saigner. Nous avons, écrit <strong>de</strong> sa main, le récit <strong>de</strong><br />

l'épopée du 3ème groupe du 35ème Régiment d'Artillerie divisionnaire et <strong>de</strong><br />

ceux auxquels est échu l'honneur <strong>de</strong> cette mission <strong>de</strong> sacrifice- section <strong>de</strong> la<br />

3ème batterie commandée par le sous- lieutenant Pierre DELATTRE - un<br />

enfant à peine sorti <strong>de</strong>s écoles. (cf. Celtus, Figaro 13 Juin 1942)<br />

Cependant la vie conventuelle reprenait son cours à Tigery, malgré<br />

les quelques Allemands incommo<strong>de</strong>s qui allaient et venaient.<br />

L'Econome aussi avait son poste à gar<strong>de</strong>r.<br />

"On a raconté son courage et son endurance alors que, pour nour<br />

'lt


,,<br />

']e me suis fait la réflexion : "elles son bien malignes, les âmes du<br />

Purgatoire si elles savent que je suis à St ]rançois; pas 12 heures que je suis<br />

installée! et je n'ai rien répondu, mais c'était le toc joyeux, comme Michel la secon<strong>de</strong><br />

fois.<br />

Ceci pour te donner fraternellement ce que je trouve <strong>de</strong> consolation.<br />

Et Maman. que va-t-elle faire?. ...<br />

Pour moL soyez tranqutlles, tout va bien. ']e suis déjà assise dans mon<br />

lit. Merci encore, mon cher ']ean. <strong>de</strong> toute la joie qu·en ces <strong>de</strong>rnières années, toi et ta<br />

petite <strong>famille</strong>, avez donnée à Papa. ']e t'embrasse très fort et te reste très unie<br />

dans notre prière filiale.<br />

P.S. Peux-tu remettre ce mot à Maman. je lui aidéjà écr 20ft directement,<br />

mais je manque <strong>de</strong> matériel <strong>de</strong> correspondance. ..<br />

Le Seigneur a dû bien accuetllir celui qui a si bien reproduit et glorifié la<br />

Paternité divine, car il a été tellement père pour chacun <strong>de</strong> nous!<br />

N.B. En correspondance, nous rappelons ici un souvenir d'une<br />

soeur qui fut <strong>de</strong> son petit troupeau <strong>de</strong> 1936-1937. Elle me dit un jour: "Quand<br />

Papa mourut, il vint me prévenir en m'embrassant."<br />

Quant à Michel, d'après ce que nous venons <strong>de</strong> lire,<br />

l'avertissement fut double, et il y eut intervalle du 13 au 29 Septembre1939.<br />

Et, sans perdre <strong>de</strong> vue sa chère Maman, privée <strong>de</strong> son compagnon<br />

si prévenant, la Soeur <strong>Delattre</strong> avait repris le courant <strong>de</strong> sa vie religieuse,<br />

quand, nouveau coup, elle apprit le retour à Dieu <strong>de</strong> l'épouse solitaire. Lisons<br />

la surprise et l'émotion <strong>de</strong> la religieuse.:<br />

Tigery, 21 Septembre 1943<br />

Mon cher ']ean. ma chère Marguerite-Marie,<br />

Votre télégramme arrive' vous dire qu'il me surprend/ Non. d'après ce<br />

que vous me disiez jeudi <strong>de</strong>rnier. je pensais hien que (était vers le Ciel que Maman<br />

partait rapi<strong>de</strong>ment, mais mon coeur n"en sent pas moins le départ et je viens<br />

pleurer avec vous, pleurer la mère si aimante qui n·a jamais fait que se donner et<br />

nous donner- et que sa signature nous redisait à chaque lettre. Merci à tous les<br />

<strong>de</strong>ux <strong>de</strong> /"affection et du dévouement dont vous /"avez tant entourée. surtout ces<br />

<strong>de</strong>rnières semaines.<br />

Papa n·a pu la laisser seule sur la terre. 13ien vite. il a obtenu son<br />

retour, à elle aussL dans la Maison du Père.<br />

Sans doute, vous écrirez avec <strong>de</strong>s détails ...... .<br />

1'/près tant <strong>de</strong> souffrances morales. <strong>de</strong>puis si longtemps ...... et ces<br />

<strong>de</strong>rniers mois <strong>de</strong> souffrances physiques, Maman est enfin rentrée dans /"autre<br />

région où Dieu récompense, et se montre dans son 'Jnfinie J3onté aux âmes fidèles.<br />

Oh! que je veux croire au bonheur actuel <strong>de</strong> notre chère Maman. mais,<br />

pour elle, je n'ai aucune certitu<strong>de</strong>, [ai seulement le désir <strong>de</strong> mon coeur, comme celui<br />

<strong>de</strong>s vôtres.<br />

Pour nos coeurs, c'est le grand vi<strong>de</strong>, si vite les avoir vu partir tous les


<strong>de</strong>ux'·····<br />

lAn jour, nous aurons la pleine lumière, comme Maman ra aujourd'hui;<br />

Comme elle doit le remercier <strong>de</strong> tanr <strong>de</strong> souffrances purifiantes qui ont dû lui<br />

mériter plus <strong>de</strong> bonheur pour l'éternité".<br />

Que penser <strong>de</strong>s intuitions surnaturelles <strong>de</strong> notre Soeur <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong><br />

et <strong>de</strong> la simplicité avec laquelle elle exprime, non sans circonspection, ce<br />

qu'elle ressent dans ses contacts intimes avec ceux qu'elle a aimés? Elle ne<br />

s'y attar<strong>de</strong> pas plus qu'il ne faut, et gar<strong>de</strong> pour elle ces sortes <strong>de</strong><br />

prémonitions .....<br />

Nous savons cependant que tes âmes du Purgatoire sont <strong>de</strong>s:<br />

Amies avec lesquelles elle entretenait un certain commerce. En toute difficulté<br />

ou occurence pratique, l'Econome les faisait travailler à son compte ... Ellemême<br />

n'était-elle pas une travailleuse acharnée dès qu'elle considérait qu'il y<br />

avait: service du Seigneur et service du prochain à sa portée ....<br />

Elle marchait, elle allait, elle courait encore à fond <strong>de</strong> train, d'une<br />

manière ou d'une autre, comme si elle oubliait que tes conditions avaient<br />

changé et que les années <strong>de</strong> jeunesse avaient passé.<br />

En 1944 "elle fit une chute en tombant lour<strong>de</strong>ment à la renverse<br />

d'une chaise où elle était impru<strong>de</strong>mment montée, malgré son pilon, pour<br />

arranger un ri<strong>de</strong>au. Choc violent à la machoire, à la tempe et à l'arrière-cou.<br />

N'ayant rien <strong>de</strong> cassé, elle n'y fit plus attention."<br />

Active, attentive et méticuleuse, vibrante et spontanée, l'Econome<br />

ne calculait jamais sa peine et la religieuse ne transigeait jamais avec sa<br />

conscience, un peu scrupuleuse et imaginative, ce qui la rendait quelque peu<br />

exigente, parfois même irréductible pour les autres comme pour elle-même.<br />

Ne nous étonnons donc pas si elle n'était pas toujours facile à vivre, d'autant<br />

qu'elle <strong>de</strong>vait tellement prendre sur elle, non seulement pour tenir, mais<br />

encore pour aller au <strong>de</strong>là d'une certaine mesure.<br />

Idéaliste - particulièrement douée, pratiquement partant - et plutôt<br />

rigi<strong>de</strong> dans son comportement, elle était dure à elle-même, et, d'elle-même<br />

aux autres, il n'y avait qu'un pas. D'une dignité traditionnaliste, elle avait beau<br />

jeu dans l'usage <strong>de</strong>s coutumiers et directoires qui, dans une maison <strong>de</strong><br />

Noviciat et <strong>de</strong> 3ème An, nous le savons, ont force <strong>de</strong> loi. Et elle les interprétait<br />

et les expliquait <strong>de</strong> manière forte.<br />

Tant pis pour les respectables Anciennes ou les Professes toutes<br />

fraiches qui constituent honorablement la Communauté <strong>de</strong> fond d'une<br />

Maison <strong>de</strong> Probation. Elle les voulait parfaites d'une perfection à son<br />

mo<strong>de</strong> .... Notre Soeur <strong>Delattre</strong> manquait <strong>de</strong> souplesse dans ses rapports<br />

fraternels, sans même s'en douter, mais telle quelle on ne pouvait pas ne pas<br />

l'aimer, et ne pas la craindre en même temps.<br />

Et puis, par la force <strong>de</strong>s circonstances, il y avait trop longtemps<br />

qu'elle était à Tigery!. ... 18 ans! Elle y avait souffert, elle y avait travaillé, elle y<br />

avait joui. .... Vivant la vie régulière et commune, il était temps d'essayer une<br />

autre maison.<br />

llo<br />

l


C'est vers 1947 qu'elle quitta Tigery pour Versailles. Le départ lui<br />

fut dur. A une personne qui lui disait son regret, elle répondit:<br />

""}"accepte bien. mais que voulez-vous. (ai /es/armes trop près <strong>de</strong>s yeux."<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> intime<br />

Avant <strong>de</strong> reprendre la route abrupte sur laquelle Le Divin Berger<br />

menait son intrépi<strong>de</strong> brebis, arrêtons-nous un peu, afin <strong>de</strong> ne pas manquer <strong>de</strong><br />

souffle. Mais, par quelle porte entrerons-nous dans le foyer intime où elle<br />

ranimait la flamme ar<strong>de</strong>nte qui la brûlait?<br />

Très facilement, elle prenait <strong>de</strong>s notes en écoutant les conférences<br />

qui l'intéressaient et elle avait le don <strong>de</strong> les reproduire avec une fidélité<br />

étonnante. Et pourtant, elle n'a laissé à peu près aucune note personnelle.<br />

Nous ne pourrons l'étudier qu'à la faveur <strong>de</strong> quelques extraits <strong>de</strong> lettres assez<br />

rares gardées par ses soeurs. Nous y ajouterons quelques bribes, écrites <strong>de</strong><br />

sa main, qui l'aidaient sans doute dans son itinéraire spirituel.<br />

Nous ne pouvons pas remonter plus loin qu'en 1932 - autour <strong>de</strong><br />

son amputation - Deux jours avant, le 24 Février, elle écrivait à sa soeur<br />

aînée, qui sans doute avait quêté <strong>de</strong>s prières dans sa propre Communauté et<br />

auprès <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> Poitiers ....<br />

"'Je suis très touchée <strong>de</strong> /"union <strong>de</strong> prières dont (on) m'assure. et je te<br />

charge <strong>de</strong> remercier pour moi- (elle détaille et péremptoirement)- Et on est prié<br />

<strong>de</strong> ne pas s'en fmre. [e !Jan Dieu est bien libre <strong>de</strong> disposer à son gré <strong>de</strong> celles qui<br />

se sont données à f.JAi. sans se gêner avec elles. et pour nous. il y a une certaine joie<br />

- oh ! pas sensible - à lui donner <strong>de</strong> ce que /"on est. et cette joie est d'autant plus<br />

gran<strong>de</strong> que ce que /"on donne a plus <strong>de</strong> prix à nos yeux.<br />

Notre vie au Cénacle est une vie active: je dots m'employer <strong>de</strong> toutes mes<br />

forces à ramener les âmes à leur Créateur et Seigneur .... et. puisqu'il paraÎt que je<br />

ne pourrai plus me servir <strong>de</strong> mon pied. eh bien. essayons /"opération. on me fait<br />

espérer qu'avec un appareil. je pourrai reprendre plus tard une certaine activité:<br />

nous aurons fait notre possible. à Dieu <strong>de</strong> faire le reste. nous nous abandonnons à<br />

sa Provi<strong>de</strong>nce.<br />

Voilà ce que c'est d'avoir été baptisée à la Saint ']ean. Mon céleste<br />

protecteur veut que je dise comme lui: "il faut qu'il croisse et que je diminue"- et<br />

heureusement pour moi que c'est le pied et non la tête ..... c'est moins gênant.<br />

Dimanche. nous avions une réunion d"aveugles. une cinquantaine <strong>de</strong> cs<br />

pauvres femmes qui sont groupées dans une fervente association. C'est touchant<br />

<strong>de</strong> les entendre chanter: ·Nous acceptons notre souffrance... Pour les enfants.<br />

nous !"offrirons .... "<br />

Te souviens-tu aussi <strong>de</strong> /"histoire que Maman nous racontait. dans la<br />

préparation à la première communion/ [e petit Henry rencontrant à la<br />

promena<strong>de</strong> un enfant infirme et disant: ']"aimerais mieux être comme cet enfant<br />

qui ne peut ni courir ni jouer. que d'avoir commis un péché mortel! Et si cet exemple<br />

peut frapper les enfants et les gar<strong>de</strong>r/


Enfin, pour finir: ']'ai marché un quart ae siècle, c'est aéjà pas mai. .. .Si<br />

c'est tout ici-bas, je me console avec /'t"'pocalijpse: au ciel les vierges suivront<br />

/'t"'gneau partout où il va.<br />

En attenaant ces bienheureuses processions, je me recommanae<br />

encore à vos prières : l'opération aoit être venareai, et j'offrirai ma journée ae<br />

aemain, ma <strong>de</strong>rnière journée entière, pour remercier tous ceux qui m'aiaent<br />

ae leurs prières.<br />

ri Dieu, merci encore ....<br />

Et puis surtout console Papa et Maman, raconte leur tous tes exemples<br />

a·estropiés qui s'en sont tirés que tu pourras trouver .. .Dans le monae, ce/à aurait<br />

été plus aur ... 'Jci, ce/à ne me sépare pas ae ']ésus-Eucharistie, je l'ai tous les jours ...<br />

L.a Saints Vierge ne m'a pas guérie, mais je sais qu'elle m'mâe. "<br />

Ces lignes ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt pas <strong>de</strong> commentaire ...... De quelle trempe<br />

est donc cette âme?<br />

Le 26 Février 1932 avait lieu l'opération (Cf supra ) A ce sujet, la<br />

Mère Marie Saint Jacques (tante Anne-Marie) nous donne un détail inédit:<br />

"Un jour, <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> m'a raconté que lors <strong>de</strong> son amputation, elle n'a pu être<br />

endormie ..... seulement une horrible piqûre dans la maëlle qui ne l'empêchait<br />

pas - malgré le mouchoir sur ses yeux - <strong>de</strong> se rendre compte <strong>de</strong> la contraction<br />

<strong>de</strong>s muscles du dos quand on s'attaquait à sa pauvre jambe. Elle m'a raconté<br />

tout simplement:<br />

"t'tu moment ae scier l'os, te Docteur a ait à ma Mère Çénérale ae me<br />

parler, mais elle était si émue qu'elle n'a pas pu. t'tl ors, j'ai chanté ... "<br />

Après l'amputation, d'une écriture ferme, en toute lucidité et<br />

sérénité, elle revient à sa soeur, sans oublier date et adresse:<br />

Clinique St jmnçois, 36 bd St Marcel<br />

le 4 Mars 1932<br />

Chère Marie, on vient ae m'apporter ce papier et j'utilise ce moljen ae<br />

revenir à toi dune façon visible. Tu peux tout ae suite juger que "ça va bien" puisque<br />

j'écris.<br />

']'aime mieux être à aujoura'hui qu'à Venareai aerm'er r Mais on a tant<br />

et tant prié pour moi que la guérison va vite. ']e n'ai pas souffert phijsiquement<br />

comme je m'ij attenaais. Ce matin, on a enlevé les fils (pas amusant!) et on compte<br />

me ramener au Cénacle aans quelques jours. Tu aevines bien que je ne me ferai<br />

pas prier: ce/à se sent qua na on est éloigné ae sa <strong>famille</strong> religieuse, et pourtant je<br />

ne suis pas à plainare, car j'ai toutes les après-miai une bonne visite qui aiminue<br />

les aistances .......... .<br />

(le 5 Mars) Papa a au t'écrire où fétms. L.es Soeurs jranciscaines sont<br />

très attentives pour leurs ma/aaes. ']e suis ici "la soeur au 1" -la soeur au 2 est une<br />

Visitanaine ... (etc) On m'apporte tous les jours la sainte communion. C'est un<br />

privilège.<br />

Puis elle multiplie les mercis, elle remercie:<br />

"particulièrement les filles: par leur silence, elle m'ont aiaée à me taire aux<br />

moments aurs: je les remercie en offrant pour elles aussi mes pauvres souffrances,<br />

pour qu'elles sachent marcher toujours aroit au chemin au aevoir.


Mais aans cette affaire là. je crois que l'appréhension et la souffrance<br />

morale aépassent le mal physique - et c'est justement ce/à que je fais partager à<br />

ceux que j'aime le plus -1'/ussi, maintenant que c'est fait, il faut vous mettre tout à la<br />

joie et à /a paix. heureux a·avoir satisfait UY/ aésir aivin<br />

Ste ]oy a la grippe. Maman vienara plus tara. jaime mieux ce/à pour<br />

elle. Mais .... fêtais bien contente a·avoir Papa près ae moi. et ae le sentir si<br />

courageux. si bon<br />

On peut dire que l'évènement nous a valu entrée - portes ouvertes<br />

à <strong>de</strong>ux battants- dans cette âme eucharistique et apostolique.<br />

Pour revoir son écriture, il nous faudra franchir presque toute<br />

l'étape <strong>de</strong> Tigery, qui du reste nous a dévoilé pas mal <strong>de</strong> choses déjà. Ainsi, à<br />

l'occasion <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> ses parents, l'aisance avec laquelle elle faisait<br />

l'alliage du naturel et du surnaturel.<br />

A la lettre qu'elle écrivait à son frère Jean, lors justement <strong>de</strong> la mort<br />

<strong>de</strong> son père, nous ajoutons quelque chose <strong>de</strong> celle qu'elle adressait à sa<br />

soeur aînée le<br />

22 ']uin/943, 19 heures. Hopital St ]rançois<br />

C'est seulement ce soir que la lettre ae 'jean et la tienne m'ont appris la<br />

séparation ae la terre ......... .Penaant qu'ici. on m'enaormait avec aes piqûres. Papa<br />

aormait /à-bas pour toujours. L.e eon Dieu m'a menée ici peut-être pour penser<br />

plus à lui. car beaucoup ae choses y rappellent son souvenir. 9/ m'y avait tant<br />

entourée il y a onze ans .....<br />

Pour nos coeurs a'enfants. le grana aésir maintenant. c'est le bonheur<br />

ae Papa. il me semble que aéjà il aoit le goûter. Ces aerniers mois ae souffrances<br />

acceptées aans le but ae le purifier au reste ae ses fautes. m'écrivait-il. ont au<br />

solaer la justice aivine .. il a toujours été trop aroit sur terre pour que le Seigneur ne<br />

l'accueille pas .... Le Seigneur n'exige pas la même chose a·un officier et a·une<br />

religieuse. mais il me semble que- aans sa vocation- Papa a toujours excellé et agi<br />

parfaitement aroit. Et si le eon Dieu récompense les âmes aans la mesure où elles<br />

ont reproauit ses attributs. ses perfections. n'est-ce pas la Paternité aivine (à<br />

laquelle Dieu tient tant que pour rattrapper ses enfants aaoptifs. il a livré son<br />

Unique) que Papa aevait reproauire. 9/ a été tellement père pour nous. ne vivant<br />

que pour notre bonheur.<br />

L.e Pater. comme nous le airons plus intensément encore au eon Dieu<br />

maintenant. Soyez remercié. Seigneur. ae nous avoir aonné un tel père et ae ravoir<br />

rappelé à vous à l'heure que vous avez voulu t<br />

La tendresse filiale transpire <strong>de</strong> cette âme, par ailleurs si virile ....<br />

Hélas ! ses écrits personnels vont nous faire défaut. De Tigery à Vrsailles,<br />

nous ne trouvons aucune trace qui mette à nu la montée intérieure <strong>de</strong> la<br />

Soeur <strong>Delattre</strong>, sauf à intervalles incertains, percevons nous comme une<br />

traînée mariale <strong>de</strong> haute valeur ... Citons, <strong>de</strong> l'époque croyons nous, une<br />

Consécration à Notre Dame du Cénacle<br />

0 Notre Dame au Cénacle. cachez moi sous votre voile ae Vierge. sous<br />

votre manteau ae Reine. aans votre Coeur ae Mère.


! 0<br />

Sous votre voile ete Vierge- et là. séparée ete l'inutile. ete ce qui ctivise.<br />

m<strong>de</strong>z-moi à vivre comme vous. recueillie. silencieuse, pour Dieu seul. à le laisser se<br />

réfléchir en mon âme comme clans uniac très clair etes montagnes.<br />

0 Marie. reine etes vierges. par vos mains. je renouvelle mon voeu ete<br />

virginité perpétuelle.<br />

2o Sous votre manteau ete K:eine - Vous. reine ete l'Eglise. au Cénacle.<br />

comme le ctivin K:oi etes cieux Etenctarcls. vous vous teniez clans "un lieu humble"<br />

vous fmsant la srvante ete tous.<br />

L.e Seigneur m'a appelée à faire partie ete votre <strong>famille</strong> elu Cénacle. avec<br />

vous je veux servir l'Eglise, lui faisant un rempart ete ma prière et ete mon<br />

clévouement. travailler au règne ete Dieu clans les âmes. les attirer à la pauvreté<br />

spirituelle pour les entraÎner vers le Christ.<br />

Pour cette oeuvre immense. mes forces sont trop petites. Près ete vous.<br />

avec vous. à la place où m'a fixée le Cénacle, je me ctévouerai chaque jour<br />

0 )l1arie. entre vos mains. je renouvelle mon voeu ete pauvreté.<br />

3° Dans votre Coeur ete Mère. Et là. cachée à tous les regarcls. formez<br />

moi comme la mère forme son enfant. lui communiquant sa vie goutte à. goutte.<br />

Transformez moi à votre ressemblance. à la ressemblance ete votre clivin ]ils.<br />

comme cléjà, vous avez formé la première ete vos filles elu Cénacle. notre<br />

bienheureuse Mère Thérèse. 'je vous apporte ma misère mais aussi ma confiance<br />

totale en votre coeur. Dieu même 0 a versé une tenclresse inépuisable pour vos<br />

enfants.<br />

0 ma )11ère. à votre ceur.je confie mon voeu cf'obéissanœ. ...<br />

IA111ssez ma volonté à celle ete votre fils. et faÎtes moi réaliser clavantage<br />

son éternelle Pensée sur ma vie.<br />

N.B. L'appellation "à notre bienheureuse Mère Thérèse" pourrait nous faire<br />

placer cette Consécration à quelques années plus tard? Nuance? L'état<br />

d'âme <strong>de</strong> la Soeur <strong>Delattre</strong> était au beau, à coup sûr - pas un beau fixe - et<br />

nous trouvons sur un papier mo<strong>de</strong>ste, d'une écriture quelque peu tourmentée,<br />

un autre texte qui pourrait être daté du 15 Aout 1951.<br />

0 Vierge Marie. Notre Dame ete l'Ecce, Notre Dame elu ]iat. Notre Dame<br />

elu "]aites tout ce qu'il vous elira" .... je vous remets mon être et ma vie. ]aftes moi<br />

vraiment "Proxima". celle qui approche le plus l'iclée ete Dieu sur elle. ]aftes moi<br />

oublieuse ete moi. silencieuse. aux écoutes pour que l'Esprit Saint mette en moi<br />

/'iclée ete Dieu ..... ]a ft es moi clétachée. libre, pour ne chercher que cette seule iclée à<br />

réaliser. u111fiant vers elle toutes mes forces.<br />

De nouveau, aucune trace écrite avant 1959.<br />

Dans l'intervalle, à Montpellier, les échos et témoignages seront<br />

abondants et probants. <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> y vécut tout un bail pas banal. Nous allons<br />

le voir.<br />

Nice ensuite, qui sonnera sa note tranquille. Puis ce tut le retour à<br />

Versailles, un autre Versailles, une autre Soeur <strong>Delattre</strong> qui en attendait plus<br />

d'activités, plus d'apostolats.<br />

Sur papier rose, une sorte <strong>de</strong> consolation <strong>de</strong> retraite.<br />

li


JJotre Dame ae I''Jntimité. écoutez ma prière. ']'ai besoin ae votre<br />

vigilance. pour m'aiaer à vivre cette année- à aésirer. chercher cette intimité avec<br />

JJotre Seigneur qua na oeuvres et emplois me tireront .... à rester aux écoutes ae la<br />

grâce pour me laisser con au ire selon le aessein ae Dieu ..... à reprenare souvent le<br />

contact profana avec le Christ. pour me reaonner à Lui. le laisser m'envahir. être le<br />

gran a" ']e "qui voua ra en moi.<br />

à être vraiment épouse<br />

']'ai besoin ae vous. pour reprenare chaque matin" mon engagement"<br />

<strong>de</strong>xamen particulier. pour en causer simplement avec le Christ. miai et soir<br />

besoin ae vous pour aonner l'amour joyeux à toutes celles que Dieu<br />

mettra sur mon chemin pour faire granair le Christ en elles<br />

besoin ae vous. pour être tout ce qu'il veut aans tout ce que je ne connais<br />

pas encore ........ .<br />

- JJotre Dame ae I''Jntimité. aiaez-moi à vivre avec lui et à le porter aux<br />

autres ....<br />

Versailles. 8 Septembre 7959<br />

C'est du positif, du pratique. Au verso, elle note:<br />

'Jntime ( intimus, superlatif ae interior)intérieur<br />

et profana au fana ae l'âme.<br />

qui a et pour qui on a une affection très forte.<br />

mon ami le plus cher<br />

qui a toute ma confiance<br />

intimité· qualité ae ce qui est intime. essentiel.<br />

Et, sur le même papier rose:<br />

0 JJotre Dame ae la vrme Vie.<br />

parfaitement aégagée aes créatures et oublieuse ae vous-même<br />

Vous avez pu recevoir abonaamment la vie aivine et tenare vers Dieu en<br />

ligne aroite aans 1'/lmour:<br />

Venez à mon secours t l'orgueil s'arrête sur le chemin ae 1'/lmour.<br />

/liaez moi à accepter en paix tout ce que ma situation actuelle<br />

m'apporte a·ombre et ae "tais-toi " .... à le aésirer, le vouloir pour enlever l'obstacle. et<br />

pour que la Vraie Vie au Christ passe en moi et que je tenae aroit à Dieu et que<br />

j'entraÎne les autres aans ce sillage.<br />

75 //out 1961<br />

Qu'est-ce à dire ? On dirait que <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> traverse une sorte <strong>de</strong><br />

tunnel, et, <strong>de</strong> vrai, nous transcrivons une sorte <strong>de</strong> S.O.S. plus pressant:<br />

75 //out 1962<br />

0 JJotre Dame ae l'Ouverture totale à l'Esprit Saint qui avez accepté<br />

a'emblée tout ce qu'il vienarait faire en vous. et qui avez ensuite accueilli chaque<br />

manifestation ae son vouloir sur vous. venez encore à mon aiae. je n'arrive plus à<br />

nen.<br />

Tout a changé aans ma vie intérieure. Est-ce un tournant! une<br />

révision ....... a Vierge totalement ouverte à l'Esprit. prenez en main mon âme. une<br />

fois ae plus. je vous en supplie.


trop peu d'ouvrières.<br />

Celle qui arrivait était à l'âge d'une certaine maturité. Autour <strong>de</strong> la<br />

quarantaine, il arrive que notre dévouement croit savoir et pouvoir tout<br />

entreprendre. Il ne doute <strong>de</strong> rien ni <strong>de</strong> personne. Mais, assez vite, ou petit à<br />

petit, nous nous apercevons qu'il y a résistance ou réticence sur tous les<br />

fronts. <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> ne se formule pas le pourquoi: sa nature toute droite,<br />

quelque peu naïve, et combien généreuse, dut le sentir ...... Il est difficile <strong>de</strong><br />

faire du bien, rien que du bien.<br />

Pourtant, elle se fit à Versailles. Econome, elle était dans son<br />

élément. Et puis, les enfants affluent : catéchismes et premières communions<br />

n'arrêtent guère. Heureux climat pour son zèle et ses habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> catéchiste.<br />

"Elle excellait, témoigne sa Supérieure, non pas tant par sa métho<strong>de</strong> - pas<br />

très à la page - mais par sa flamme".<br />

Ici, les témoignages ne manquent pas. Retenons celui <strong>de</strong> la Mère<br />

Marie St Jean Vianney qui fut la Maîtresse <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s à Reuilly : "Je gar<strong>de</strong><br />

d'elle un souvenir exceptionnel <strong>de</strong> son courage et <strong>de</strong> sa simpicité, <strong>de</strong> sa joie<br />

lorsqu'elle nous accueillait au Cénacle <strong>de</strong> Versailles avec les retraitantes <strong>de</strong><br />

2ème et <strong>de</strong> 1ère. Elle faisait partie <strong>de</strong> ce que la retraite apportait <strong>de</strong> positif aux<br />

enfants".<br />

Et ailleurs " Sa vigilance sur nos élèves en retraite à Tigery, à<br />

Versailles ou à Nice, a été une ai<strong>de</strong> précieuse pour les Maîtresses <strong>de</strong> classe<br />

et Dieu seul sait combien d'enfants elle a conduits vers le Seigneur".<br />

Avec les plus petits, elle retrouvait tout son entrain <strong>de</strong> jeunesse.<br />

Son zèle exultait et l'on parle encore <strong>de</strong>s ravissantes consécrations que lui<br />

dictaient et sa conscience professionnelle et sa tendre dévotion et son goût<br />

raffiné pour "les pratiques".<br />

Pourtant, c'est à cette époque, 1948, qu'elle commence à souffrir<br />

<strong>de</strong> migraines fréquentes. C'est vite dit. On en fit remonter l'origine à la chute<br />

qu'elle avait faite à Tigery .... Pour elle, elle va quand même. Elle sait ce que<br />

c'est <strong>de</strong> souffrir et <strong>de</strong> tenir .... Et le temps passe à ce ru<strong>de</strong> métier.<br />

A la fin du mois d'Octobre, la Mère Partiot <strong>de</strong>vint sa Supérieure et<br />

se rend compte <strong>de</strong> l'énergie exagérée que déploie son Econome dans sa<br />

charge <strong>de</strong> catéchiste auprès <strong>de</strong>s enfants qu'elle enseigne.<br />

Mère Partiot Vers le mois <strong>de</strong> Décembre, elle se plaignit d'une douleur<br />

dans l'articulation <strong>de</strong> la mâchoire, accompagnée d'un léger craquement<br />

lorsqu'elle mastiquait. On crut d'abord à une douleur rhumatismale et on la<br />

soigna en conséquence. Mais la douleur persistant, une radio révéla la lésion<br />

<strong>de</strong> l'os. C'était une rechute.<br />

Cette révélation lui fut un ru<strong>de</strong> coup.<br />

C'est à cette occasion qu'elle revit le Dr Aurousseau, continue la<br />

Mère Partiot, et lui-même me fit le récit <strong>de</strong> la maladie <strong>de</strong> 1932 et me dit son<br />

admiration, si je puis dire, son affection paternelle, pour sa mala<strong>de</strong>.<br />

Une opération fut faite dont la conséquence fut <strong>de</strong> gêner l'ouverture<br />

normale <strong>de</strong> la bouche. Une fois encore, elle sembla guérie. Pour peu <strong>de</strong><br />

temps, hélas !


En mars 1951 (cf supra) une radio <strong>de</strong> l'articulation <strong>de</strong> la machoire<br />

révèle la tuberculose. Il faut <strong>de</strong> nouveau une opération; on remplace<br />

l'articulation par du plastique.<br />

Un peu plus tard, on découvre encore que la tuberculose osseuse<br />

dont la Soeur est atteinte s'est portée sur la 4ème et sur la Sème vertèbres<br />

qui se sont affaissées. Elle est envoyée au soleil, dans le Cénacle <strong>de</strong><br />

Montpellier, et condamnée à porter une minerve.<br />

Le 28 janvier 1952, il lui arrive un nouvel acci<strong>de</strong>nt: en entrant au<br />

Choeur pour l'Office, elle glisse et tombe lour<strong>de</strong>ment à terre, étendue <strong>de</strong> tout<br />

son long sur le dos <strong>de</strong>vant la grille, le maxillaire ayant heurté fortement contre<br />

le bas <strong>de</strong> la première stalle et la tête cogné par terre, alors qu'en principe, elle<br />

ne <strong>de</strong>vait même pas la bouger !. ... cet acci<strong>de</strong>nt mettait donc le comble à son<br />

mal.<br />

Le len<strong>de</strong>main, crise <strong>de</strong> foie pour plusieurs jours. Mais laissons ici la<br />

parole à la "sanata"<br />

Le !er février 1952. une retraitante m'ayant écrit pour <strong>de</strong>mancler /"envoi<br />

cl"une relique avec authentique. un petit reliquaire contenant un fragment dos a<br />

été porté clans ma chambre pour que. ete mon lit. je prépare le paquet. t'tva nt ete le<br />

faire. (ai posé cette vraie relique sur mon cou. en clemanclant à notre bienheureuse<br />

que cette chute ne retarcle pas mon rétablissement. "que je n'ai pas trop cassé cie<br />

choses en tombant" "je n'ai pensé qu'après que c'était l'anniversaire <strong>de</strong> sa<br />

nmssance à Sablières.<br />

Le 2. (étais à la messe au choeur. le 3 après-micli. j'ai été fatiguée et<br />

l'infirmière ne m'a pas permis daller à lïmposition etes cierges ete St !JI aise. Le


Oua na je clemanclais ma guérison, je pensais à la réussite cles elix-huit mois cie<br />

minerve prévus. et je ne l'attenclais pas avant le 'jeudi-Saint 1953. j'avais déjà<br />

cherché la date.<br />

l'l.rrivée la <strong>de</strong>rnière dans cette Maison j'avais pris pour moi toutes les<br />

prières, l'atmosphère <strong>de</strong> confiance. alors que les autres désiraient guérir.<br />

Et si je me trompais en croyant guérie par notre t3ienheureuse Mère. on<br />

me elirait qu'elle n'a pas <strong>de</strong> puissance au ciel .....<br />

l'l.lors je n'ai rien osé dire tout cie suite. L'infirmière est venue me<br />

rebloquer comme d'habitu<strong>de</strong><br />

Dix jours après. voyant que cela durait, j'ai été le dire à notre Mère.<br />

M. [apeyrie. par téléphone, a refusé <strong>de</strong> nous recevoir. c'était trop tôt, et<br />

refusé aussi <strong>de</strong> retirer la minerve. car je ne pouvais être remise. rien à regar<strong>de</strong>r<br />

avant juin.<br />

']'ai diminué le temps au repos, ne me recouchant plus en revenant <strong>de</strong> la<br />

messe jusqu'à midi. 11. la mi-mars. j'ai pris au travail <strong>de</strong> peinture dabat-jour, sans<br />

sentir ae douleur ...<br />

[e 13 juin j'ai repassé à la radio ...<br />

[e 11. le Docteur [apewie. en rgardant dans son cadre lumineux les<br />

radios récentes et les anciennes. a dit à mi-voix: "Vous êtes guérie- mais vous ne<br />

clevriez pas l'être ..... 'Jci. à l'atlas. on pouvait penser tumeur blanche. rien ne s'est<br />

développé, en six mois. elle <strong>de</strong>vait évoluer. Vous n'avez plus rien, mais en<br />

conscience, à cause <strong>de</strong> vos antécéclents. je ne peux vous laisser en liberté. continuez<br />

le repos et à porter votre minerve"<br />

[e 4 Décembre. nous sommes revenues. M. [apeyrie a affirmé la<br />

guérison, permis <strong>de</strong> retirer la minerve le jour et constaté que le cou tournait très<br />

b1en malgré les 13 mois 112 <strong>de</strong> minerve. ']e suis rentrée avec la fameuse minerve<br />

clans un sac et sans me sentir drôle. un peu froid au cou seulement.<br />

[e 2 ]évrier 7953. M. [apewie permet la séparation complète <strong>de</strong> la<br />

minerve. confirme la guérison en nous quittant: "Vous avez une invisible protection<br />

sur vous "a-t-ii elit.<br />

']'ai raconté les choses comme je crois qu'elles se sont passées. j'ai eu un<br />

mal tenaillant dans le cou- je ne l'ai plus senti <strong>de</strong>puis le 4 ]évrier 1952.<br />

']e n'ai <strong>de</strong>mandé qu'à la Mère Thérèse <strong>de</strong> me guérir. Déjà, en 1931-1932,<br />

toute la Congrégation avait fait cles neuvaines pour moi. elle me cannait bien. Elle<br />

a dû penser que ma jambe n'était pas indispensable pour vivre ma vie religieuse,<br />

mais qu'il me fallait ma tête et cette fois-ci. j'avais bien pius confiance en elle.<br />

La Soeur <strong>Delattre</strong> <strong>de</strong>vait rester encore quelques années à<br />

Montpellier, tout heureuse d'y vivre normalement Et la Soeur qui y était<br />

arrivée en même temps complète son témoignage et le renforce à sa manière<br />

: "Soeur <strong>Delattre</strong> était un flambeau montrant la route du mieux. Je bénis Dieu<br />

d'avoir vécu avec elle".<br />

Avant <strong>de</strong> revenir à Versailles, la Soeur <strong>Delattre</strong> <strong>de</strong>vait faire une<br />

longue halte à Nice, à titre d'économe, non sans participer aux "Oeuvres du<br />

Cénacle"<br />

L'Abbé Bonnet, Chapelain du Sacré-Coeur à Paray le Monial,<br />

nouis écrivait au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> sa mort : "J'ai eu à collaborer avec elle à Nice,


Mère Marie<br />

à Versailles bien plus qu'à Paray. Elle fut une très gran<strong>de</strong> religieuse, d'une<br />

volonté qui nous ramène vers les saints, très attachée à sa <strong>famille</strong> spirituelle<br />

qui l'a tant marquée"<br />

De Saint-Etienne nous parvenait la lettre désolée d'une <strong>de</strong> ses<br />

fidèles Retraitantes : "Je ne dirai jamais assez tout ce que je lui dois; Je l'ai<br />

connue au Cénacle <strong>de</strong> Nice il y a dix ans et je reste persuadée que le Bon<br />

Dieu l'a mise sur mon chemin pour m'ai<strong>de</strong>r à accepter la mort <strong>de</strong> mon fils tué<br />

en Algérie en 1959. Elle qui a tant souffert avait le don d'apaiser et je lui<br />

gar<strong>de</strong> une affection profon<strong>de</strong>."<br />

Saint Jacques "Faut-il parler <strong>de</strong> l'acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> voiture que <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> a eu à Nice?<br />

Elle ne pouvait plus ête atteinte <strong>de</strong> tuberculose, puisque la Mère Thérèse<br />

l'avait guérie: mais il fallait bien qu'elle souffrit. .... Alors qu'on la conduisait au<br />

marché en voiture. au petit matin, un conducteur s'est cru dispensé <strong>de</strong> faire<br />

contourner la place Masséna à son camion, selon le co<strong>de</strong> <strong>de</strong> la route; il a<br />

embouti la petite voiture et <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> s'est retrouvée à l'Hôpital avec sa<br />

Supérieure auprès d'elle, et quelque chose d'abîmé pour toujours dans le<br />

bras. Elle s'est réjouie d'avoir touché une prime unique d'assurance qui a<br />

quelque peu arrangé les finances <strong>de</strong> la maison; et elle a chanté victoire<br />

quand elle a pu arriver à essuyer les grosses marmites"<br />

Ce récit vaut une silhouette <strong>de</strong> la religieuse-économe tout entière<br />

au service du Maitre. A croire que la Mère Thérèse voulait qu'elle illustrât son<br />

mot :"Nous n'avons que trois choses à faire en ce mon<strong>de</strong> : prier, travailler et<br />

souffrir. Cette troisième chose ne nous manquera jamais."<br />

De fait, elle ne manqua jamais à la Soeur <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> <strong>Delattre</strong>. Mais<br />

avec la Mère Thérésa, ajoutons bien vite ; "L'action <strong>de</strong> la souffrance n'est vue<br />

que <strong>de</strong> Dieu, mais elle n'est pas moins réelle". Tel est le sens <strong>de</strong> cette vie <strong>de</strong><br />

contrastes !<br />

Versailles pour la <strong>de</strong>uxième fois.<br />

L'intervalle avait été trop long .... 8 ans ! et quelles années pour le<br />

mon<strong>de</strong> et pour la vie religieuse ?<br />

Personnes et choses avaient changé au Cénacle <strong>de</strong> "La Solitu<strong>de</strong>"<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> <strong>Delattre</strong> aussi avait changé. Son jugement avait mûri, l'expérience<br />

lui avait mo<strong>de</strong>lé une mentalité plus adulte .....<br />

Elle serait utilisée encore à <strong>de</strong>s Catéchisme et à différents<br />

apostolats, tout en entretenant à Versailles linge <strong>de</strong> maison - et vêtements<br />

pour toutes ses soeurs. Malgré son habileté, ce n'était pas peu <strong>de</strong> chose ... Sa<br />

situation actuelle la déconcerte: elle a l'impression d'être" en secon<strong>de</strong> zone"<br />

et elle pouvait se croire "machine à coudre" ( voir ses consécrations <strong>de</strong>s 15<br />

Aout 1961 et 1962) . C'est que le Seigneur la façonnait pour qu'elle renonçat<br />

"à son ancienne manière d'envisager la vie religieuse". Et, comme elle ne fait<br />

pas les choses à <strong>de</strong>mi, elle se donne et se donne tout entière au <strong>de</strong>voir du<br />

moment présent - et tout entière aussi, elle <strong>de</strong>vait se heurter à mille<br />

incompréhensions. L'adaptation et l'évolution qu'exige notre temps, lui<br />

coûtent, lui pèsent, la fatiguent bien autrement que tous ses acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong><br />

santé.


Paray le Monial<br />

La Mère Partiot qui est <strong>de</strong>venue Supérieure Provinciale cherche le<br />

moyen <strong>de</strong> remédier à tout. Elle cherche le moyen <strong>de</strong> l'intéresser, d'exploiter<br />

sa puissance <strong>de</strong> travail et <strong>de</strong> dévouement, <strong>de</strong> mâter, si l'on peut dire, une<br />

nature toujours vivace et un caractère impétueux. Avant tout, il faut qu'elle se<br />

repose <strong>de</strong> l'effort soutenu jusque là; et elle l'envoie pour quelques mois à<br />

Paray le Monial.<br />

Dans l'été 1963, elle y arrivait. Et le provisoire <strong>de</strong>viendra définitif<br />

pour l'éternité.<br />

. Tel un oiseau sur la branche, un oiseau blessé qui ne pouvait plus<br />

sautiller à son gré.-Temps <strong>de</strong> détente physique et <strong>de</strong> réflexion profon<strong>de</strong> ....<br />

Elle sondait l'horizon, tout en tirant paisiblement l'aiguille. Elle lisait pas mal,<br />

elle méditait. Mais, quel remous dans son âme ! Passé, présent, avenir la<br />

préoccupaient en s'enveloppant d'ombre ... un vrai petit oiseau inquiet.<br />

A la confi<strong>de</strong>nte qui, parfois, lui faisait une visite fraternelle, la<br />

religieuse confiait quelque chose <strong>de</strong> sa détresse. Sa discrétion n'eut pas<br />

voulu trahir qui que ce soit... et elle n'osait pas se formuler à elle-même<br />

l'abîme qui la séparait <strong>de</strong> la conception <strong>de</strong> la Vie religieuse du Tigery d'avant<br />

la guerre parmi <strong>de</strong>s Novices, et les adaptations <strong>de</strong> Versailles d'hier, où elle<br />

n'était pas arrivée à se réaccoutumer .... Crise d'âme !<br />

actuelle.<br />

Comment en sortirait-elle ? Rien ne se définissait dans sa situation<br />

Et voici qu'on recourt à elle en lui <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> bien vouloir assurer<br />

un intérim d'Economat, à un moment difficile."Adsum" C'est son affaire. Les<br />

conduites d'eau fonctionnent mal, il faut en trouver la cause et la solution. A<br />

elle <strong>de</strong> traiter avec qui <strong>de</strong> droit. Elle s'en tire bien ... Ensuite, il faut faire faire<br />

<strong>de</strong>s tranchées dans la propriété et prévoir un raccord avec les canaux <strong>de</strong> la<br />

ville. Rien ne la rebutait. Elle évolue à merveille dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s ouvriers<br />

et ceux-ci sont en admiration <strong>de</strong> cette "Econome à la jambe <strong>de</strong> bois et au bon<br />

sourire" comme ils disent. Il lui arrive <strong>de</strong> <strong>de</strong>scendre (avec eux ) et <strong>de</strong> se<br />

promener dans la galerie d'égoûts romains remarquablement construits et<br />

conservés. Elle était heureuse et elle arriva à ses fins.<br />

Jamais d'ailleurs, elle ne dédaigna une tâche domestique. Pour rien<br />

au mon<strong>de</strong>, elle ne se serait dispensée <strong>de</strong> la vaisselle faite en commun - et<br />

elle s'appliquait avec soin à tous les humbles travaux.<br />

Souvent, il lui sera <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> boucher un trou à l'occasion <strong>de</strong><br />

l'absence d'une officière ou d'une autre dans son emploi. Tantôt à la<br />

Bibliothèque qui distribuait <strong>de</strong>s livres à <strong>de</strong>s lecteurs <strong>de</strong> la ville; tantôt le<br />

réfectoire à entretenir .... pas une fois, mais à toute occasion. Elle n'était pas<br />

dupe cependant et il lui arrivait <strong>de</strong> bou<strong>de</strong>r un peu celle-ci ou celle-là qui en<br />

prenait à ses dépens. Petites étincelles ou escarmouches d'une vie <strong>de</strong><br />

communauté, qui ne duraient pas, mais qui se produisirent au long <strong>de</strong>s<br />

années que la Soeur <strong>Delattre</strong> eut à vivre dans la maison, même et surtout<br />

dans les <strong>de</strong>rnières semaines, effet <strong>de</strong> la vivacité d'un tempérament qu'attisait<br />

une souffrance aigüe qui la tenaillait.


Heureusement qu'un emploi <strong>de</strong> fond très vite vint fixer "sa situation<br />

sociale" si nous pouvons dire, en faveur <strong>de</strong> tous les Cénacles <strong>de</strong> France, la<br />

Secrétariat <strong>de</strong> la "Mutuelle Saint Martin" lui fut confié. Et c'était une marque<br />

authentique <strong>de</strong> la confiance qu'on lui faisait. Nul n'ignorait sa capacité, son<br />

dévouement intelligent, son attachement à sa <strong>famille</strong> religieuse.<br />

Il fallait s'initier, il fallait mettre tout en train. Elle était <strong>de</strong> taille.<br />

Mère Partiot La Mère Provinciale se plait à nous le dire : "Elle s'acquittait <strong>de</strong> son<br />

rôle avec une conscience remarquable, et surtout avec un coeur qui frappa<br />

tout le mon<strong>de</strong>. Elle n'épargnait jamais sa peine, dans ce travail assez ingrat<br />

<strong>de</strong> secrétariat - afin que toutes soient satisfaites -ajoutant un petit mot gentil à<br />

ses envois administratifs, cherchant pour chacune le meilleur moyen <strong>de</strong><br />

bénéficier au maximum <strong>de</strong>s avantages concédés, et toujours dans une<br />

complète dépendance , soit <strong>de</strong> l'administration centrale, soit <strong>de</strong> ses<br />

Supérieures. De part et d'autre, on pouvait compter sur elle.<br />

En ce temps-là, il lui vint en pensée que si elle avait une jambe<br />

artificielle, elle en ferait plus et mieux qu'avec son pilon... Son service y<br />

gagnerait. Un jour <strong>de</strong> 1965, elle vint poser son cas à une Conseillère <strong>de</strong> la<br />

Communauté. "Vous te savez. ili:J a longtemps que cela m·a été proposé. mais<br />

alors te pilon me paraissait plus léger à porter. et aussi plus conforme à la<br />

pauvreté. Maintenant je me sens en forme por supporter un poic1sptus toura mais<br />

(est une c1épense nouvelle?. ..... Souci <strong>de</strong> pauvreté <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> cette religieuse<br />

qui, pour son compte personnel, illustrera le mot <strong>de</strong> Jean XXIII : "Je veux<br />

mourir sans savoir si j'ai quelque chose à moi" Souci <strong>de</strong> servir toujours ....<br />

Il n'y avait pas à hésiter et elle accepta......... Ainsi fut fait.<br />

Absence <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ou trois semaines à Nice, pour l'agencement <strong>de</strong><br />

cette jambe nouvelle. Mais, une fois <strong>de</strong> retour, il fallait s'y habituer; et<br />

l'adaptation entraînait une souffrance nouvelle aussi. Courageusement, elle<br />

se plia à une rééducation à l'usage d'une jambe artificielle. Elle en faisait<br />

connaissance par <strong>de</strong> l'exercice dans un corridor proche <strong>de</strong> sa chambre, et,<br />

par intervalle, reprenait le pilon plus clément. En 1966, apparemment c'était<br />

une amélioration, non un soulagement.<br />

A cette époque, la mère Thiébaut, Maîtresse <strong>de</strong> Choeur, venait <strong>de</strong><br />

changer <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce. Son poste était à reprendre. Il avait été tenu avec une<br />

telle fidélité que tout était en ordre parfait.<br />

Mais, à l'heure où s'instaurait la réforme liturgique, ce n'était pas une<br />

sinécure. La Soeur <strong>Delattre</strong> fut désignée pour prendre la succession.<br />

Le service <strong>de</strong> Dieu par excellence ! Du Bréviaire romain latin, passer<br />

par étapes à la récitation d'un Office en langue française; faire concordance<br />

avec toutes les innovations, choisir les traductions les meilleures alors qu'on<br />

ne savait pas celle qui prévaudrait. ... la tâche n'était pas facile, d'autant moins<br />

que le zèle <strong>de</strong> la Soeur <strong>Delattre</strong> avait tendance à débor<strong>de</strong>r encore et à aller<br />

plus vite qu'il ne fallait !<br />

Quelle peine elle se donna, il est difficile <strong>de</strong> le concevoir, elle ne<br />

reculait <strong>de</strong>vant aucune difficulté .... prenant à tâche <strong>de</strong> mettre entre les mains<br />

3D


<strong>de</strong> 25 à 30 persones <strong>de</strong>s feuillets <strong>de</strong> toutes couleurs, tapés à la machine, où<br />

elle reproduisait hymnes, antiennes, répons, prières , en français, sans<br />

compter le gui<strong>de</strong> précis ou indicateur <strong>de</strong>s psaumes à réciter , aux fêtes ou aux<br />

féries, mis à la disposition <strong>de</strong> chacune. L'Office choral en <strong>de</strong>venait une<br />

performance, et le goût <strong>de</strong> la prière n'y trouvait pas toujours son profit, il faut<br />

bien le dire.<br />

A ses visites, la Mère Provinciale ne pouvait que le constater, ellemême<br />

ajoute:<br />

Mère PartiOt "Comme il était recommandé <strong>de</strong> chanter les psaumes et certaines<br />

parties <strong>de</strong> la Messe, Soeur <strong>Delattre</strong> s'y appliquait avec une ar<strong>de</strong>ur ....<br />

excessive, et plus admirable que couronnée <strong>de</strong> succès; il faut l'avouer, elle<br />

n'était guère douée pour la musique. C'est trois ou quatre fois par jour qu'elle<br />

faisait <strong>de</strong> petites répétitions pour son "choeur <strong>de</strong> chant", et, elle-même, dix fois<br />

par jour, ouvrait l'harmonium pour retrouver un air ..... ou se le remettre dans<br />

l'oreille.<br />

La Communauté, on s'en doute, en avait "plus qu'assez, mais<br />

paraissait désarmée <strong>de</strong>vant cette ar<strong>de</strong>ur inconfusible"<br />

A son tour, celle-ci pourrait dire: il est vrai que nous marchions au<br />

diapason et au chronomètre et que la Maîtresse <strong>de</strong> choeur nous inondait <strong>de</strong><br />

très belles affiches. Les lisait-on? Elle-même en doutait et en tête <strong>de</strong><br />

certaines, elle avait le soin <strong>de</strong> mettre en lettres capitales : ATTENTION ! Cela<br />

ne nous convertissait pas pour autant.<br />

Et elle-même ne se convertissait pas .... ou ne se guérissait pas d'un<br />

état nerveux inquiétant. Elle s'exacerbait à tout propos.<br />

Mère Partiot "Par tempérament, elle était facilement légaliste, et son désir <strong>de</strong><br />

perfection lui faisait attacher une importance exagérée aux petites choses.<br />

Son infirmité, d'autre part, l'avait privée <strong>de</strong> bien <strong>de</strong>s contacts élargissants et<br />

elle n'était pas toujours compréhensive pour les autres. Son ar<strong>de</strong>ur<br />

apostolique immense était sans cesse freinée par ses limites et ses<br />

souffrance physiques, <strong>de</strong> sorte qu'elle avait constamment l'impression<br />

pénible <strong>de</strong> ne pas donner sa mesure, d'être sous-employée.<br />

Ses Supérieures faisaient tout ce qu'elles pouvaient, et le Docteur<br />

spécialiste la suivait <strong>de</strong> près .... <strong>de</strong> son côté, elle savait observer ses<br />

recommandations, suivre le traitement imposé.<br />

Peine perdue, apparemment. A force <strong>de</strong> dominer sa souffrance, ellemême<br />

en <strong>de</strong>venait moralement impuissante à se dominer face à ce qui lui<br />

déplaisait chez les autres. Le moindre geste qui ne répondait pas à ses<br />

exigences idéalistes se répercutait sur son système nerveux.<br />

Ses Supérieures qui en savaient plus long que celles qu'elle<br />

foudroyait parfois par un geste ou un regard trop vif, n'osaient intervenir, ni<br />

même alléger sa tâche, lui enlever quelque chose. C'eût été pire car, plus elle<br />

souffrait, plus elle voulait en faire. Par là, se trompait-elle elle-même ? En tous<br />

cas, elle en trompait beaucoup d'autres ....<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong>, à force <strong>de</strong> déployer une énergie farouche pour ne pas se<br />

3/


plaindre, n'en était pas moins à bout .. . . . . on la voyait pleurer, tandis que ses<br />

mains se crispaient .... Même à ce moment, nulle n'aurait osé la consoler. ...<br />

Souvent aussi, ses larmes coulaient silencieusement ... et, silencieusement<br />

aussi, on pleurait avec elle et on ne l'aimait que davantage.<br />

Mère Partiot ·C'est qu'en elle, confirme la Mère Provinciale, il y avait "autre-chose"<br />

qu'on <strong>de</strong>vinait et sentait. Dieu l'avait prévenue, certainement, <strong>de</strong> grâces<br />

spéciales auxquelles elle avait correspondu. Elle en gardait le secret. Cette<br />

vie douloureuse n'avait pas seulement été passivement acceptée, mais bien<br />

offerte en oblation unie au sacrifice du Christ et, en dépit <strong>de</strong>s sursauts <strong>de</strong> la<br />

nature, n'avait jamais été reprise"<br />

Oua net on aime. écrivait-elle un jour à sa soeur Missionnaire<br />

Franciscaine <strong>de</strong> Marie, les mots ne sont rien<br />

les actes sont trop peu<br />

la souffrance seule exprime<br />

Rien pour elle d'autrement saillant que cette continuité même dans le<br />

courant d'une vie conventuelle qui partageait souffrances, inquiétu<strong>de</strong>s et<br />

angoisses universelles du temps. Les évènements <strong>de</strong>s mois <strong>de</strong> mai et juin<br />

durent la secouer comme ils en secouèrent beaucoup. A sa soeur Marie du<br />

Calvaire, au mois <strong>de</strong> mai, elle montrait un peu <strong>de</strong> nostalgie. : Ouanct le<br />

Seigneur vienctra+il enfin me chercher? lui disait-elle.<br />

Pressentiment ? Nous ne le croyons pas, encore que positivement on<br />

eut dit qu'elle sentait davantage impuissances et déceptions. Elle ne faisait<br />

pas ce qu'elle voulait et eût voulu faire, en tant que Maîtresse <strong>de</strong> choeur ou<br />

dans ses activités <strong>de</strong> Secrétaire <strong>de</strong> la Mutuelle, ni même dans ses relations<br />

fraternelles. Sa ferveur, ses dévotions, son énergie étaient les mêmes. Servir<br />

toujours ! et du beau service. La première chaque matin elle <strong>de</strong>scendait à la<br />

chapelle, prenant en passant la note <strong>de</strong> l'office à l'harmonium, et elle veillait à<br />

ses petits papiers - à la tenue et place <strong>de</strong> ses choristes. Enthousiaste encore,<br />

elle ne réalisait pas la monotonie <strong>de</strong> ses accents ou ne s'en préoccupait pas.<br />

Elle priait à sa manière et elle confondait sa manière à ce qu'elle croyait et<br />

appelait "mélodie" ... C'en était une pour le Seigneur qui n'a pas d'autre<br />

oreille que celle <strong>de</strong> sa CHARITE<br />

Dévotion eucharistique, Soeur <strong>Delattre</strong>, envers et contre tout, assurait<br />

une ou <strong>de</strong>ux adorations <strong>de</strong>vant le Saint Sacrement.<br />

Elle était très occupée cependant, ne refusant pas <strong>de</strong> venir en ai<strong>de</strong> ici<br />

ou là, alors même qu'elle s'ajoutait du travail <strong>de</strong> machine en faveur <strong>de</strong>s<br />

chants <strong>de</strong>s Lau<strong>de</strong>s ou <strong>de</strong>s Vêpres ...<br />

Quand avaient lieu <strong>de</strong>s Retraites ou <strong>de</strong>s Sessions pour Religieuses,<br />

d'office elle secondait celle qui en était chargée, et dans l'organisation, et<br />

dans l'introduction. Elle faisait <strong>de</strong> magnifiques affiches. Elle faisait la lecture<br />

ou faisait passer <strong>de</strong>s disques pendant les repas. et tout était fait avec goût et<br />

non sans une joie sensible.<br />

Ainsi, pour les retraites du mois d'octobre, qui fut pour elle le <strong>de</strong>rnier !<br />

elle rêvait <strong>de</strong> suivre elle-même la secon<strong>de</strong>. - "'fén sens tellement le besoin et


notre Mère en craint la fatigue pour moi .... " Souci d'obéissance <strong>de</strong> la part <strong>de</strong><br />

cette âme indépendante et personnelle 1/oi/à cieux ans que je n'ai pas fait ma<br />

retraite pour le même motif. .. "<br />

Et elle interrogeait encore avec une sorte d'anxiété - disons "Appel<br />

secret"<br />

Le Seigneur qui lui mettait le désir au coeur, allait tout arranger et elle<br />

put se joindre à l'auditoire peu nombreux du Père François Arminjon s.j.<br />

Jamais notre Soeur <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> n'avait paru aussi calme, tranquille et<br />

avi<strong>de</strong> ...<br />

"']e prenc/s juste quelques notes. C'est curieux: rien qu'à les relire. sous<br />

leur apparence c/épouillée. j'y trouve et y retrouve quelque chose qui me pénètre et<br />

me simplifie."<br />

C'est que le Saint-Esprit l'avait rendue docile et ouverte au large .... Le<br />

temps pressait Le carnet <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière Retraite - provi<strong>de</strong>ntiellement - va<br />

nous donner quelques indications.<br />

Depuis cinq ans ici: "Mutuelle". c/ur et ennuyeux. mais voulu cie Dieu ...<br />

Prenclre à coeur ici mon rô/e ... ëtre en liaison avec les autres et me c/onner.<br />

Seigneur. que voulez-vous cie moi. ici 7<br />

Se rene/re service- se sourire et s'aie/er (consigne sans doute donnée<br />

par le P. Prédicateur)<br />

']e pourrais essayer cie faire elu bonheur cie "ma Communauté" ma raison<br />

cie vivre Ces temps-ci ce sera cliffici/e ..... mais j'ai l'amour elu Seigneur pour<br />

m'aicler .... et j'y vois une preuve cie mon amour qu'9/ attend Ne vais-je pas m'y<br />

mettre à plein coeur?<br />

9/ me faut aussi revenir à la confiance en DAi. [e consulter. DAi c/emancler ....<br />

']e trouverai les merveilles cie Dieu encloses en lui (Plus loin, ses résolutions)<br />

Seigneur je t'ai mieux compris et j'ai smsi que tu c/emanc/es cie moi autre<br />

chose que ce que je t'offre à chaque retraite.<br />

'[u es une personne et tu attenc/s que je te traite en personne très aimée.<br />

Et notre Communauté est ta <strong>famille</strong> et tu attenc/s que je vive en personne cie la<br />

<strong>famille</strong> au lieu cie continuer cette vie truquée qui est étouffante et anormale.<br />

Comptant sur toi pour m'aie/er. je clécicle- et je t'offre. mon Seigneur mes<br />

résolutions? cru m'aie/ems à les tenir: (suivent quelques points pratiques ), et<br />

puis. unie à 'foi. chercher à être ici au service cie toutes mes soeurs cie la Maison -<br />

pour y mettre l'atmosphère cie <strong>famille</strong>. cie joie. cie travail pour Dieu. "Se rene/re<br />

servtce. se sourire et s'ai<strong>de</strong>r"<br />

9/ faut que nous soyons heureuses et qu'anie sente bien<br />

Prier- chercher- et essayer au fur et à mesure.<br />

Mon service <strong>de</strong> Mutuelle:<br />

'Joyeux pour ai<strong>de</strong>r les Mmsons et ma Communauté (aimée d'un<br />

amour divin et humain) aimée d'une charité cordiale.<br />

Mère Partiot "Cette retraite qui était, sans qu'elle le sût, l'ultime préparation, l'avait<br />

menée à une étape, semble-t-il très particulière et lui avait donné <strong>de</strong>s<br />

lumières précieuses. Dieu qui n'est jamais en reste <strong>de</strong> générosité allait la<br />

prendre à l'heure où son âme généreuse était toute prête pour la divine


encontre."<br />

- Le Samedi 26 Octobre, pleine <strong>de</strong> zele nouveau, elle aidait à<br />

l'introduction <strong>de</strong> nombreuses religieuses qui venaient suivre la retraite du<br />

Père Kayser, O.M.I. et, jusqu'au mardi 29, elle se prêta <strong>de</strong> bon coeur à rendre<br />

service, tout en préparant son voyage pour Neuville.<br />

Jamais elle ne s'était montrée si gentille avec tout le mon<strong>de</strong>. Le<br />

mercredi 30, radieuse, joyeuse comme "une gamine" elle partait pour la<br />

Session liturgique où elle retrouverait ses Soeurs <strong>de</strong> toutes les Maisons <strong>de</strong><br />

France, toute contente d'avoir cette occasion <strong>de</strong> perfectionner ce "service<br />

divin" qui lui tenait tant à coeur.<br />

Neuville et Fourvière<br />

Mère Partiot "Le soir <strong>de</strong> ce même jour, elle arrivait et ne paraissait pas fatiguée par<br />

le voyage. "La première journée se passa très bien, et elle montra beaucoup<br />

d'intérêt et même d'entrain. Au matin <strong>de</strong> la Toussaint, parmi les Sessionistes,<br />

on ne remarqua pas d'abord son abscence.<br />

Vers 9 heures, ne la voyant pas à la réunion, la Mère Croisé,<br />

Supérieure <strong>de</strong> la Maison, alla frapper à sa porte. Pas <strong>de</strong> réponse. Elle ouvre<br />

la porte et la trouve étendue par terre, sans connaissance. On s'empresse, on<br />

donne les premiers soins .... (La Mère Partiot qui participait à la Session - en<br />

tant que Provinciale, prend ses responsabilités) Devinant la gravité du cas, on<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à un prêtre présent dans la Maison d'administrer le Sacrement <strong>de</strong>s<br />

mala<strong>de</strong>s. Le mé<strong>de</strong>cin est appelé, la <strong>famille</strong> est avisée. On ne la quitte plus.<br />

(Par téléphone, Paray apprend la nouvelle en même temps que le<br />

courrier lui apportait la lettre où <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong>, enthousiaste, annonçait et son<br />

arrivée à Neuville et son retour à Paray ! )<br />

Le dimanche 2 Novembre, son frère, sa soeur, ancienne Supérieure<br />

Générale <strong>de</strong> l'Institut <strong>de</strong> Ste Clotil<strong>de</strong>, sont à son chevet. On déci<strong>de</strong> son<br />

transport à l'Hôpital <strong>de</strong> l'Antiquaille - qui se fait dans la matinée. Son second<br />

frère arrive <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux pour la revoir. Elle ne reprend pas ses sens. Elle est<br />

transportée "in extremis" à Fourvière et, là, s'éteint vers 21 heures.<br />

Cette mort dans la Maison <strong>de</strong> la Mère Thérèse n'est-elle pas<br />

provi<strong>de</strong>ntielle pour celle qui se sentait si bien sa fille et qui avait été guérie<br />

miraculeusement 17 ans plus tôt ?<br />

Provi<strong>de</strong>ntiel aussi ce passage par Lyon, permettant à ses frères et<br />

soeurs (La Missionnaire momentanément se trouvait à Fribourg) <strong>de</strong> pouvoir<br />

tous venir la revoir et l'entourer, ce qui eut été bien plus difficile à Paray.<br />

Et provi<strong>de</strong>ntiel également pour nous toutes qui l'aimions d'une<br />

affection toute spéciale, car c'était tout le cénacle <strong>de</strong> France qui était présent<br />

en la personne <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux Provinciales et <strong>de</strong> représentantes <strong>de</strong> toutes les<br />

Maisons.<br />

Les obsèques eurent quelque chose <strong>de</strong> céleste, avec cette<br />

magnifique liturgie rénovée, donnant tant <strong>de</strong> place aux chants d'espérance.<br />

Le Célébrant, ami <strong>de</strong> la <strong>famille</strong>, après l'homélie, changea sa chasuble violette<br />

contre une blanche et or. C'était une préfiguration <strong>de</strong> la gloire où nous<br />

espérons que notre chère <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> sera bientôt admise si elle ne l'est déjà.<br />

Et notre peine profon<strong>de</strong> se change en joie en pensant à sa rencontre


avec le Christ qu'elle a tant aimé.<br />

La Communauté <strong>de</strong> Paray-le-Monial avait été secouée au premier<br />

coup <strong>de</strong> téléphone .... puis au second, puis au troisième ...... Sa Mère ne<br />

pouvait pas ne pas être là pour les Funérailles à Fourvière. Le soir, elle<br />

rentrait avec la Mère Provinciale, car un service <strong>de</strong>vait avoir lieu le mardi 4<br />

dans cette chapelle où la Maîtresse <strong>de</strong> Choeur avait tant évolué ....... et prié<br />

surtout. Chapelle bien remplie. Messe touchante. Assistance émue.<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> n'est pas une absente.<br />

Pour finir, nous transcrivons le témoignage <strong>de</strong> Mère <strong>de</strong> Lassus:<br />

"A côté <strong>de</strong> ses excès, cette Soeur avait <strong>de</strong> si gran<strong>de</strong>s qualités<br />

humaines et surnaturelles, <strong>de</strong> telles ressources spirituelles, une voie <strong>de</strong><br />

sanctification si exceptionnelle, qu'en vérité elle était une gran<strong>de</strong> figure dans<br />

la province. Tant d'entre nous l'avaient connue aussi à Tigery lorsqu'elle y<br />

était économe, et qu'après avoir "déshabillé" une fois les postulantes, elle<br />

leur faisait chaque semaine, avec le Noviciat, une causerie sur la "Liturgie" si<br />

vivante et si vibrante qu'elle-même entrait dans nos amitiés définitives dans le<br />

sillage <strong>de</strong>s saints avec lesquels elle semblait vivre, rendant presque<br />

vraisemblables les "légen<strong>de</strong>s" les plus étonnantes. Je pense que tous<br />

l'auront bien accueillie là-haut après que le Seign,eur lui-même l'aura<br />

présentée à son Père, comme une fidèle et vaillante compagne <strong>de</strong> sa Croix !"<br />

A peu <strong>de</strong> temps <strong>de</strong> là, un Père Jésuite qui connaît et estime la <strong>famille</strong><br />

<strong>Delattre</strong>, nous faisait une visite. Tout naturellement, la conversation tomba sur<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> et le vi<strong>de</strong> qu'elle nous laissait....<br />

- Quoi, maintes fois, j'ai entendu telles ou telles soeurs qui se<br />

plaignaient <strong>de</strong> ne pouvoir s'entendre avec la Soeur <strong>Delattre</strong> - absolue par<br />

nature et par grâce, en quelque sorte - et, au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> sa mort, vous en<br />

faîtes une sainte !<br />

Non, mon Père, nous ne la canonisons pas, et nous ne la croyons<br />

pas canonisable, mais elle n'en a pas moins "été aimée <strong>de</strong> Dieu et <strong>de</strong>s<br />

hommes" . Et si Dieu peut, <strong>de</strong>s pierres du chemin, en un rien <strong>de</strong> temps, faire<br />

surgir <strong>de</strong>s enfants à Abraham, que n'a-t-il fait pour notre <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> qui fut<br />

une pierre précieuse aux multiples facettes , En un rien <strong>de</strong> temps, Joailler -<br />

Connaisseur, il en a fait un joyau pour le Ciel.<br />

Jeanne DEHIN<br />

Religieuse du Cénacle<br />

Paray le Monial, juin 1969


1905 22 Juin<br />

1908<br />

1910<br />

1 91 4 Septembre<br />

1926<br />

1927 19 Novembre<br />

1928<br />

8 Décembre<br />

1929 Septembre<br />

12 Novembre<br />

10 Décembre<br />

1 9 3 0 24 Octobre<br />

18 Décembre<br />

1931 Eté<br />

Automne<br />

1 9 3 2 26 Février<br />

1936 25 Mai<br />

1939 Septembre<br />

13 Octobre<br />

1940 4Juin<br />

10 Juin<br />

9 Juillet<br />

1943 17 juin<br />

19 Juin<br />

21 Septembre<br />

MADELEINE DELATTRE<br />

Principales étapes <strong>de</strong> sa vie<br />

Naissance <strong>de</strong> <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> DELATTRE à Saumur<br />

La <strong>famille</strong> est à Melun<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> entre en 11 ème à La Tour<br />

La <strong>famille</strong> part à Chatel-Guyon où elle restera quelques<br />

semaines.<br />

Déménagement à Sainte Foy<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> quitte Ste Foy pour le Postulat du Cénacle à<br />

Beaumont sur Oise<br />

Elle entre au Noviciat<br />

Retour à Ste Foy pour soigner sa mère et ses frères atteints<br />

<strong>de</strong> la typhoï<strong>de</strong><br />

Retour au Noviciat<br />

Le Noviciat est transféré à Tigery<br />

Prise d'habit<br />

Décès <strong>de</strong> son frère Jacques novice à la Compagnie <strong>de</strong> Jésus<br />

1ers voeux<br />

Départ à La Louvesc pour le Juvénat<br />

Départ à Paris comme ai<strong>de</strong> à l'Economat Général<br />

Premiers problèmes <strong>de</strong> santé<br />

Amputation d'une jambe à l'Hôpital St François à Paris<br />

Après quelque temps <strong>de</strong> convalescence, retour à Tigery<br />

Voeux perpétuels<br />

Départ du Noviciat à La Louvesc, <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> reste à Tigery<br />

comme économe.<br />

Mort <strong>de</strong> son frère Michel<br />

Mort <strong>de</strong> son frère Pierre<br />

Evacuation par le train à Paray le Monial<br />

Retour rapi<strong>de</strong> à Tigery<br />

Nouvelle opération (prévue semble-t-il ) à l'Hôpital Saint<br />

François<br />

Mort <strong>de</strong> son père le Général DELATTRE<br />

Mort <strong>de</strong> sa mère<br />

1


MADELEINE DELATTRE<br />

Quelques extraits <strong>de</strong> lettres<br />

Eté 1939 (on vient d'apprendre que Pierre et Henri sont reçus à<br />

Polytechnique)<br />

Pour Pierre et Henri<br />

Mes chers petits frères<br />

Toutes mes félicitations, <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s félicitations pour votre très<br />

beau succès qui fait tant <strong>de</strong> plaisir à toute la <strong>famille</strong>. J'en remercie le Bon<br />

Dieu- vos Anges Gardiens ..... et ceux <strong>de</strong> vos examinateurs.<br />

Alors, après les belles coiffures <strong>de</strong> Peaux Rouges que nous avions<br />

fabriquées jadis - après les beaux bonnets <strong>de</strong> pâtissiers avec lesquels on<br />

s'amusait dans le jardin <strong>de</strong> Ste Foy - comme les photos en gar<strong>de</strong>nt le<br />

souvenir, vous allez coiffer le cher bicorne (estcce son nom ? ) <strong>de</strong> l' X (Pierre<br />

ne regrette pas le casque <strong>de</strong> pompier qu'il ambitionnait jadis ? ) Vous serez<br />

fiers <strong>de</strong> le porter - et Papa très fier <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers . Mais voilà encore<br />

<strong>de</strong>ux ( ? ) gran<strong>de</strong>s années <strong>de</strong> travail pour vous, heureusement, vous serez<br />

ensemble pour vous appuyer en vous éloignant du nid <strong>de</strong> la <strong>famille</strong>.<br />

Peut-être nous reverrons nous cet hiver mais en attendant, je vous<br />

embrasse très très fort mon "petit Pierre " et mon " petit Rico" comme avant. Et<br />

je prie pour vous pour qu'au grand chemin <strong>de</strong> la vie vous alliez toujours droit<br />

et toujours vaillamment.<br />

Votre gran<strong>de</strong> soeur<br />

30 Mars 1946 à son frère Jean<br />

.... Ici tout va bien. Une visite à Paris a fait dire au Docter non revu<br />

<strong>de</strong>puis 6 ans, que la question pulmonaire était terminée. Bonne affaire car le<br />

travail abon<strong>de</strong> ici. Le Seigneur m'a ramenée <strong>de</strong> loin, et dire que j'aurais tant<br />

envie d'aller rejoindre les autres là Haut.<br />

7 Janvier 1949 à son frère Jean et à sa belle-soeur.<br />

.... quant aux petits garçons <strong>de</strong> la paroisse, on a essayé <strong>de</strong> leur<br />

faire jouer le Mystère <strong>de</strong> Noël pour la soirée <strong>de</strong>s récompenses <strong>de</strong> l'Arbre <strong>de</strong><br />

Noël. J'ai "collé" le plus remant "Sainte Vierge" dans la grotte pour qu'il ne<br />

turlupine pas les autres. Aux répétitions, ce fut laborieux ! Mais le 2 Janvier,<br />

fiers <strong>de</strong> leurs déguisements, ils ont bien fait... .. Un petit ange, du haut <strong>de</strong> son<br />

échelle faisait <strong>de</strong>s signes d'amitié à sa Maman aperçue dans la salle.<br />

Mignon?<br />

20 Février 1950 à son frère Jean<br />

.... Ginette Jourdain fait ses étu<strong>de</strong>s d'Assistante Sociale. Son<br />

diplôme précé<strong>de</strong>nt, avec les nouvelles lois ne lui permettant plus d'occuper<br />

son poste d'infirmière, elle doit "recommencer" . Bonnes nouvelles aussi <strong>de</strong>s<br />

"Eugène" - je les vois peu ... ils ont la bonne idée <strong>de</strong> venir les dimanches<br />

impossibles.<br />

17 Aout 1950 à sa soeur Marie (qui vient d'être nommée Supérieure<br />

Générale <strong>de</strong> l'Ordre <strong>de</strong> Ste Clotil<strong>de</strong>)


Ma bien chère Marie<br />

Ma très révéren<strong>de</strong> Mère<br />

Comment vais-je dire maintenant, je ne me suis jamais trouvé en<br />

pareil cas ..... et toi non plus.<br />

Depuis le coup <strong>de</strong> téléphone d'hier soir qui m'a fort émue, je crois<br />

que je n'ai pas cessé <strong>de</strong> penser à toi avec le Seigneur, et pensée égale prière<br />

pour nous religieuses! .... il va falloir que je pense encore plus à toi<br />

maintenant que tu me donnes, non comme Jean ou Henri, une nièce ou un<br />

neveu, mais, d'un seul coup, tant <strong>de</strong> nièces spirituelles.<br />

Sur le premier moment, j'avais envie <strong>de</strong> te plaindre "Oh! la pauvre<br />

Marie!" Mais non, on ne plaint pas la Sainte Vierge d'avoir reçu tous les<br />

hommes comme enfants.<br />

6 Mal 1951 à son frère Jean (elle vient d'être opérée <strong>de</strong> la machoire)<br />

..... puisque l'affaire n'tait pas dangereuse, je comptais n'écrire<br />

qu'après pour que vos n'ayiez pas vous inquiéter. . .... Mais les Supérieures<br />

ont voulu vous le dire. Après quelques jours, j'ai repris visage normal, et sans<br />

arriver à l'écartement splendi<strong>de</strong> du crocodile, j'arrive à ouvrir assez pour<br />

mettre mon pouce en m'y exerçant progressivement. Plaie ne coulant plus, le<br />

chirurgien me permet <strong>de</strong> rentrer <strong>de</strong>main à Versailles. J'ai un bout <strong>de</strong><br />

l'articulation temporo-maxillaire remplacé par un ménisque en "résine<br />

synthétique" .<br />

... . chut! c'est un secret, Marie a eu la permission <strong>de</strong> venir me voir, nos<br />

règlements n'y autorisent pas mais notre Mère Générale l'a permis à une<br />

autre Supérieure Générale, le cas n'est pas courant. Marie ne te le dira peutêtre<br />

pas, mais c'est arrivé!<br />

Oui, le microbe était revenu. Mais il y a une raison profon<strong>de</strong>; au Ciel<br />

je te raconterai et nous verrons l'enchainement merveilleux <strong>de</strong>s grâces<br />

divines sur nos vies. Et si toute la <strong>famille</strong> se retrouve Là Haut au complet, cela<br />

vaut bien qu'une <strong>de</strong> ses unités ait souffert sur la terre. A 20 ans j'ai offert ma<br />

santé pour empêcher un suici<strong>de</strong> et sauver son âme. Le Bon Dieu a du me la<br />

donner puisqu'il me fait payer par échéances. Et il m'a bien écoutée car il ne<br />

m'a pas empêchée ni d'être religieuse, ni <strong>de</strong> travailler. La prochaine fois,<br />

prendra-t-il les yeux ou les mains ? Mais, tu vois, il ne faut s'étonner <strong>de</strong> rien<br />

pour moi, c'est logique que j'ai une vie anormale pour mon corps et cela ne<br />

me retire rien <strong>de</strong> ma joie.<br />

8 Juin 1951 à son frère Jean<br />

Tu as du savoir que les élections ont retardé <strong>de</strong> 5 mois la<br />

béatification <strong>de</strong> la Mère Thérèse. C'était une fameuse déception pour nous !<br />

Elle va finir par trouver le moyen d'échapper à la gloire du Bernin (Le Bernin<br />

est l'architecte <strong>de</strong> St Pierre <strong>de</strong> Rome où ont lieu les cérémonies <strong>de</strong><br />

béatification).<br />

13 Janvier 1952 <strong>de</strong> Montpellier, à son frère Jean et à sa belle-soeur<br />

Avez-vous vu les fêtes <strong>de</strong> Lyon en l'honneur <strong>de</strong> la Béatification <strong>de</strong><br />

la Mère Thérèse Cou<strong>de</strong>rc ? Ici, nous avons eu un beau Triduum fin<br />

Novembre, notre Fondatrice ayant habité 7 ans au Cénacle <strong>de</strong> Montpellier est<br />

regardée comme "compatriote" par Ise gens <strong>de</strong> la ville. La cloture était à la<br />

cathédrale, splendi<strong>de</strong> monument gothique ! et nous avons eu l'autorisation d'y<br />

assister. J'ai bien joui <strong>de</strong> la cérémonie solennelle; il y avait longtemps que je


n'étais entrée dans une cathédrale.<br />

22 Juin 1952 à sa soeur Anne-Marie<br />

Nous avons eu enfin radios et Docteur. Il se dit content. Le danger<br />

<strong>de</strong> l'atlas n'est plus visible. Pour une autre personne, il la déclarerait guérie et<br />

lui rendrait sa liberté. Pour moi - à cause <strong>de</strong> mes <strong>de</strong>ux antécé<strong>de</strong>nts, il<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> encore six mois dans la minerve. J'ai donc humainement la joie <strong>de</strong><br />

l'espérance et, au fond du coeur, une bien plus gran<strong>de</strong> sur les détails <strong>de</strong><br />

laquelle je glisse encore et dont nous n'avons pas parlé encore. Gar<strong>de</strong> le<br />

donc aussi pour toi: La Mère Thérèse s'est occupée <strong>de</strong> moi et m'a guérie le 4<br />

Février.<br />

13 Janvier 1953 à son frère Jean et à sa belle-soeur<br />

...... <strong>de</strong>puis le 4/12/52, on a retiré <strong>de</strong> jour la minerve - sans aucun<br />

regret <strong>de</strong> ma part, je l'oublie facilement. Jusqu'au 4 Mars, je suis encore en<br />

dépendance, je ne dois pas trop remuer<br />

23 Mai 1954 à son frère Jean et à sa belle-soeur<br />

..... c'est par vous, et Lundi seulement que j'ai appris la mort <strong>de</strong><br />

Lucie ( Lucie Paillart épouse <strong>de</strong> Raymond Fabry) Quel coup pour Raymond,<br />

et pauvres petits ! Une Maman, ça ne se remplace pas!<br />

..... pour tante Marie (Marie De/attre épouse <strong>de</strong> Thomas Bailey et<br />

soeur <strong>de</strong> son père), je n'ai rien su que les 4 lignes <strong>de</strong> la lettre <strong>de</strong> Jean ..... elle<br />

était chez Jacques ? morte subitement ?<br />

28 Décembre 1954 à son frère Jean et à sa belle-soeur<br />

Noël au soleil du midi, avec du mimosa en fleurs, un beau paysage<br />

<strong>de</strong> palmiers .. . . . tout s'apprêtait bien, mais il faut que je vous raconte une<br />

petite histoire comme au temps jadis:<br />

Il était une fois une" petite fille", elle était même très gran<strong>de</strong>, et ce<br />

jour là, elle partit <strong>de</strong> grand matin pour le marché ..... les sacs, les cabas, tout<br />

était prêt et une auto amie venait la prendre pour <strong>de</strong>scendre plus facilerment !<br />

Une petite suissesse était avec elle dans la petite 4 ch. Boum! d'un côté .....<br />

Boum! <strong>de</strong> l'autre .... et voici <strong>de</strong>scendue la colline <strong>de</strong> Cimiez .... on longe<br />

l'avenue <strong>de</strong> la Victoire, admirant au passage les sapins <strong>de</strong> Noël bien éclairés,<br />

et tout à coup un grand .....<br />

Quand j'ai repris connaissance, me sentant mal, j'ai voulu avertir la<br />

Suissesse et me suis tournée, le sang coulait <strong>de</strong> son front; ce n'est qu'alors<br />

que j'ai réalisé l'acci<strong>de</strong>nt. Police Secours venait d'arriver et commençait à me<br />

dégager pour me mener à l'Hôpital St Roch où j'ai passé <strong>de</strong>ux jours. Un<br />

camion <strong>de</strong> messagerie avait cru pouvoir, à cette heure, négliger le sens<br />

giatoire <strong>de</strong> la place, et avait avalé notre petite auto bien sage. Je m'en tire<br />

avec une épaule démise que le chirurgien a vite remise en place et <strong>de</strong>s<br />

contusions. Hier, on a retiré les bandages et le masseur m'ai<strong>de</strong> à reprendre<br />

les gestes difficiles. Dans une semaine, il pense que ce sera fait.<br />

... Il ne reste qu'à remercier le Seigneur <strong>de</strong> tout ce qu'il nous donne,<br />

lorsqu'on a failli en être privé, on apprécie encore plus la vie et l'activité. Ne<br />

faîtes pas trop la grève <strong>de</strong> la plume et donnez vite <strong>de</strong>s nouvelles <strong>de</strong> votre<br />

maisonnée.


16 Mars 1957 à son frère Jean et à sa belle soeur<br />

Merci <strong>de</strong> m'avoir alertée pour m'unir à votre neuvaine. Vous aviez<br />

bien pensé comme nous nous y mettrions <strong>de</strong> tout notre coeur au Cénacle !<br />

Pour que notre Bonne Mère se penche sur votre Michel et, après l'épreuve <strong>de</strong><br />

l'arrêt d'activité, lui obtienne <strong>de</strong> retrouver la vie d'avant. Et vous pouvez être<br />

sûrs que je lui parle spécialement <strong>de</strong> votre enfant! Elle m'écoutera bien<br />

encore.<br />

Mais prier ne supprime pas soigner . La cortisone semble donner<br />

<strong>de</strong> multiples déceptions. J'ai pensé tout <strong>de</strong> suite en recevant votre lettre : si on<br />

<strong>de</strong>mandait à Roussel - celui qui a guéri Henri il y a quelques années , et<br />

Marie <strong>de</strong> sa crampe d'écrivain. Il tient un magasin <strong>de</strong> plantes à Nice Ue l'ai<br />

rencontré l'autre jour) et il est radiésthésiste. J'ai gran<strong>de</strong> confiance en ses<br />

soins, il utilise les forces <strong>de</strong>s plantes et c'est un vrai chrétien.<br />

Si la chose vous semble à essayer, il suffit d'envoyer une photo <strong>de</strong><br />

Michel. Si vous lui écrivez directement, parlez d'Henri et <strong>de</strong> Marie.<br />

Je viens <strong>de</strong> joindre Marie au téléphone, elle voit la chose possible.<br />

26 Mai 1957 à son frère Jean et à sa belle-soeur<br />

Mais qu'est-ce que vous pouvez bien <strong>de</strong>venir à Ste Foy ?????<br />

Depuis S.O.S. <strong>de</strong> Mars ...... plus rien. Est-ce que les choses sont<br />

remises? ou est-ce toujours situation angoissante ? Cinq mots sur une carte<br />

postale (la tarification <strong>de</strong>s PTT prévoyait un tarif réduit pour les cartes postales<br />

ne comportant pas plus <strong>de</strong> 5 mots) seraient les bienvenus.<br />

2 Janvier 1958 à son frère Jean et à sa belle-soeur<br />

....... pour la question : fin <strong>de</strong> succession, je suis d'accord avec toi<br />

sur la solution, c'est très bien et aucun <strong>de</strong> nous ne contestera, ce n'est pas<br />

notre genre en <strong>famille</strong>.<br />

23 Juillet 1959 à son frère Jean (<strong>de</strong> Versailles)<br />

Merci <strong>de</strong> ton mot. J'y réponds ..... en <strong>de</strong>rnière limite<br />

1 o oui l'auto trouvera place aisément à l'entrée du jardin<br />

2°L'office étant à 19 h, si tu arrives avant, je viens embrasser le<br />

conducteur<br />

3° La messe est à 7h30 et vous pouvez très bien y venir, vous ne<br />

serez pas les seuls.<br />

4° Je peux vous retrouver Lundi matin après le petit déjeuner si<br />

vous voulez le prendre ici après la communion. Et, après, vous filez sur Paris­<br />

Plage.<br />

6 Janvier 1960 à son frère Jean et à sa belle-soeur<br />

Merci <strong>de</strong> la lettre très désirée pour avoir quelques détails sur la<br />

gran<strong>de</strong> date du 9 Janvier (Mariage <strong>de</strong> Marie-<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong>) Plus la date<br />

approche et plus vos coeurs, avec la joie du bonheur <strong>de</strong> votre fille aînée -<br />

doivent sentir qu'un <strong>de</strong>s oiseaux va quitter le nid. Comme en un an et <strong>de</strong>mi -<br />

<strong>de</strong>puis votre jubilé d'argent - les évènements se succè<strong>de</strong>nt pour votre <strong>famille</strong>.<br />

Je me réjouis aussi pour Berna<strong>de</strong>tte qui "passe à l'officiel" . Quant à<br />

Jacques, tant mieux aussi si celle qu'il a choisie est dans le genre <strong>de</strong> la<br />

<strong>famille</strong>.<br />

20 Aout 1961 A son frère Jean


...... Quand viendras-tu jusqu'ici en passant? Tu venais à Nice et tu<br />

ne sais pas prendre un moyen <strong>de</strong> locomotion entre Paris et Versailles ! Tu as<br />

le choix entre Montparnasse-Chantiers, Invali<strong>de</strong>s ou le 171 au Pont <strong>de</strong><br />

Sèvres.<br />

A l'occasion, il faudra dire au Petit Oncle (André Baur-Walter, <strong>de</strong>mifrère<br />

<strong>de</strong> sa mère, né en 1895 a 10 ans <strong>de</strong> plus qu'elle) que <strong>de</strong>s nièces<br />

religieuses, ça ne se froisse pas et que s'il peut aller jusqu'à Versailles<br />

maintenant, sa visite fera plaisir.<br />

27 Décembre 1962 A son frère Jean et à sa belle-soeur<br />

Notre Chapitre - lire: le petit Conseil du Cénacle a fait aussi ses<br />

changements. Plus <strong>de</strong> "Soeurs et <strong>de</strong> Mères", un seul <strong>de</strong>gré, nous sommes<br />

toutes :Soeurs. Sauf les Supérieures qui gar<strong>de</strong>ront le nom <strong>de</strong> Mères.<br />

Les Franciscaines l'ont déjà fait l'année précé<strong>de</strong>nte. Marie l'a fait<br />

voter à son chapitre. C'est plus dans la note actuelle.<br />

Il paraît, nous a dit notre Evêque - que la suppression du latin pour<br />

la messe, le Bréviaire est décidée - Cela ai<strong>de</strong>ra à mieux prier - Les libraires<br />

vont faire <strong>de</strong>s affaires !!<br />

Si votre encre n'est pas trop gelée par cet hiver, <strong>de</strong>s détails sur<br />

vous tous feront plaisir, <strong>de</strong>puis le pélerinage <strong>de</strong> Lour<strong>de</strong>s. Où est Bernadtte?<br />

est-ce construit à Lahr? Henri vole aussi? Il se rapproche <strong>de</strong> Marie­<br />

<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> - et Paul? et les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers?<br />

29 Décembre 1963 <strong>de</strong> Paray le Monial, à son frère Jean et à sa bellesoeur.<br />

..... je suis économe ici avec <strong>de</strong>s ouvriers à surveiller car il y avait<br />

<strong>de</strong>s travaux en cours pour la cuisine, les égoûts .......... Les gens du pays sont<br />

très "pacifiques" et je crois que je les essouffle un peu en "chargeant" dans les<br />

réalisations, au lieu d'attendre calmement que "ça vienne tout seul"<br />

Le soir <strong>de</strong> Noël une pièce du brûleur a craqué et nous avons fait<br />

les "diables noirs" dans le grain flambant pour découvrir le morceau <strong>de</strong> la<br />

gran<strong>de</strong> vis brisée. Quel dommage <strong>de</strong> n'avoir pas un frère dans les chaudières<br />

<strong>de</strong> chauffage central pour avoir plus facilement la pièce .<br />

. . . .. On disait Lyon sous la neige; ici, nous n'avons qu'un peu <strong>de</strong> blanc sur le<br />

brun <strong>de</strong> la terre "sucre glace sur gâteau chocolaf'<br />

5 Février 1964 à son frère Jean et à sa belle soeur<br />

Je suis toujours économe à Paray avec une suite <strong>de</strong> difficultés à<br />

vaincre ... tout a craqué successivement: chauffe-eau <strong>de</strong>s Retraitantes, brûleur<br />

<strong>de</strong> la chaudière. Je connais à fond toutes les caves ..... j'y ai même découvert<br />

..... l'entrée d'un souterrain .... en se penchant on découvre sous une cave,<br />

une autre cave dallée. Sûrement la salle <strong>de</strong>s trésors, ce qui me rendrait bien<br />

service pour payer toutes mes réparations. un <strong>de</strong> vos fils se sent-il en humeur<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>scendre explorer en se munissant d'un pantalon soli<strong>de</strong> ? Si je n'ai pas<br />

cédé à la tentation d'aller explorer moi-même car le pendule tourne comme<br />

un fou au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l'angle <strong>de</strong> la pièce.<br />

Ne croyez pas que je passe mes journées à m'amuser à cela. C'est<br />

plus haut que je rêve . Mais je serais contente d'une découverte.<br />

31 Mal 1964 à son frère Jean<br />

Bonne idée et même très bonne <strong>de</strong> venir à Paray .... je t'attends


pour le jour où tu pourras et nous causerons comme à Nice quand les parents<br />

échappaient un peu aux enfants.<br />

Rien <strong>de</strong> Marie <strong>de</strong>puis sa retraite ici où nous avons passé une<br />

bonne journée en semble comme en .... 1 924! Cela fait une belle interruption!<br />

Je passe l'économat à une autre soeur ces jours-ci, mais je reste<br />

pour le moment sur place, la sala<strong>de</strong> <strong>de</strong>s personnes se faisant en Aout avant la<br />

rentrée <strong>de</strong>s catéchismes.<br />

28 Novembre 1964 à son frère Jean<br />

Oui, j'ai passé à Marseille et, comme notre portière m'avait donné .<br />

un renseignement d'é.té, il fallait changer <strong>de</strong> train. Et je n'ai pas vu les<br />

Heran<strong>de</strong> 11 min mais presque 3/4 d'heure. Que je suis contente d'avoir<br />

retrouvé Marie-<strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong> heureuse Maman .... Anne et Bigitte m'ont porté<br />

mon long paquet. Le petit m'a fait un beau sourire après avoir regardé avec<br />

étonnement mon bonnet. (J'ai retenu ce passage parce qu'il évoque l'une <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>ux fois où j'ai vu tante <strong>Ma<strong>de</strong>leine</strong>. nous avions été frappés et presque<br />

scandalisés <strong>de</strong> voir qu'à cette soeur infirme qui, avec son pilon montait et<br />

<strong>de</strong>scendait difficilement les marches <strong>de</strong>s wagons, et avait <strong>de</strong> toute façon sa<br />

valise à porter, on avait confié un tapis roulé <strong>de</strong> 2m à 2,5 m <strong>de</strong> long.<br />

Heureusement, nous étions là pour l'ai<strong>de</strong>r. Il est vai qu'elle était peut-être<br />

attendue à Nice et que ce transbor<strong>de</strong>ment à Marseille n'était pas prévu par la<br />

Supérieure qui s'était fiée aux horaires d'été)<br />

1 Janvier 1965 à son frère Jean et à sa belle-soeur<br />

Vous <strong>de</strong>vez - comme jadis le faisait Papa - <strong>de</strong>venir écrivains pour<br />

gar<strong>de</strong>r le lien <strong>de</strong> <strong>famille</strong> bien vivant entre vous tous.<br />

3 Octobre 1965 à son frère Jean<br />

..... voila une lettre avec le papier rose <strong>de</strong> la réunion <strong>de</strong> <strong>famille</strong> du 26<br />

Juin qui arrive (Il s'agit d'une gran<strong>de</strong> réunion <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scendants <strong>de</strong> Nicolas<br />

De/attre notaire à Amiens au XVIII ème siècle qui avait été organisée à<br />

Bovelles près d'Amiens) ...<br />

Très bonne idée que cette réunion, cela est tout à fait dans la<br />

mentalité actuelle. Aurai-je l'autorisation d'y alter ? je ne sais pas encore mais<br />

je tenterai ma chance. Pour avoir <strong>de</strong>s détails sur les générations précé<strong>de</strong>ntes<br />

..... au moins jusqu'à mon départ en 1927, tu trouveras peut-être les feuilles<br />

que Bon Papa m'avait faites, car j'aimais beaucoup les généalogies. En<br />

partant je les avais laissées dans un grand carton <strong>de</strong> papier à <strong>de</strong>ssin ,<br />

chambre <strong>de</strong>s filles, mais ..... j'avais emporté toute la <strong>famille</strong> dans ma prière.<br />

Ce que je ne sais plus, c'est <strong>de</strong>puis 1927 et ça représente la<br />

majorité <strong>de</strong>s vivants .....<br />

Au Cénacle, c'est la gran<strong>de</strong> tempête d'équinoxe sur toutes les<br />

supérieures. Changement dans toutes les Maisons ....<br />

Et Paul ? Aura-t-il sa Marie-France <strong>de</strong> retour d'Angleterre ?<br />

27 Juin 1968 A son frère Jean et à sa belte-soe.ur<br />

C'est un merci bien grand et très chaud que je viens vous dire à<br />

tous les <strong>de</strong>ux; après trente neuf ans, j'ai revu la maison, grâce à vous; vous ne<br />

vous doutez pas <strong>de</strong> ce que cela peut faire, une telle coupure et puis,<br />

subitement, y revenir.<br />

..... Merci, merci à plein coeur <strong>de</strong> ce revoir que vous m'avez rendu possible, je


vous en suis très, très reconnaissante, car, vous ne vous en ren<strong>de</strong>z pas<br />

compte, peut-être, mais je vous ai retrouvés, beaucoup plus profondément<br />

que dans les visites, et maintenant, mon coeur est bien plus près <strong>de</strong> vous.

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