212 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les espaces religieux de la ville FIG. 1 vue de la cathédrale (gravure sur bois - 1600 - Bibliothèque Nationale - Va.9i)
La flèche, chef-d’œuvre de charpenterie Comme plus tard à la cathédrale de Beauvais (2) , et plutôt que de poursuivre la reconstruction des transepts par de nouvelles façades ou la nef, on dressa en 1511 une flèche gigantesque à la croisée. « le clocher (la plus rare pièce qui se pust voir) estoit posé sur le milieu de ladite Eglise, Et élevé depuis l’entablement de la Charpenterie, en haut de trente sept toises, Et avoit de hauteur depuis le pavé jusqu’au faîste en tout cinquante quatre toises. Il était artistiquement travaillé Et embelli de plusieurs ornements de plomb doré Et argenté, comme aussi les enfaisteaux de toute la couverture estoient de plomb doré avec des fleurs de semblable matière qui paraissoient au dessus avec fort bonne grâce : et la Croix dudit Clocher qui estoit de cuivre doré, estoit posée sur une pomme qui avoit dix pieds de circonférance pareillement de cuivre doré fort poli et reluisant » (Annales écclesiae Aurelianensis de Charles de La Saussaye (1615) reprises par Symphorien Guyon dans son « Histoire d’Orléans » en 1647). Cette boule de plus de trois mètres de diamètre couronnant la flèche avait impressionné Rabelais qui la décrit en 1532 : « Pour cela, l’on fit dix-sept grosses boules de cuivre, plus grosses que celle qui est à Rome sur l’aiguille de Virgile (3) , agencées de telle façon qu’on les ouvrait par le milieu et qu’on les fermait avec un ressort. Dans l’une entra un de ses serviteurs portant une lanterne et un flambeau allumé, et Pantagruel l’avala comme une petite pilule. (...) De ces pilules d’airain vous en avez une à Orléans, sur le clocher de l’église Sainte-Croix… » (Pantagruel, Livre Second, chapitre 33) C’est contre cet orgueilleux ouvrage, illustré par le tableau des échevins (milieu 16 e ?) et la gravure sur bois de 1600 (4) , que se concentra la haine des réformés. Le 24 mars 1568, par l’usage simultané de la mine sur les piliers de croisée et la traction d’attelages d’hommes et de chevaux, la flèche s’effondra en emportant l’ensemble de la croisée et du chœur. Du « Grand Abatis » ne demeurèrent debout que les parties basses du chœur et les chapelles rayonnantes (fin 13 e siècle), la sacristie (début 14 e siècle) et les 4 e et 5 e travées de la nef (16 e siècle) préservées sur toute leur hauteur grâce à la présence du massif occidental roman. De la flèche disparue (FIG. 1) subsiste tout autour de la croisée du transept de la cathédrale reconstruite un système de contrebutement inégalé : des arcs boutants diagonaux stabilisent la croisée et s’enchevêtrent avec les arcs boutants perpendiculaires aux quatre vaisseaux (5) . La nef Élévations intérieures La nef centrale possède une élévation à trois niveaux : grandes arcades, triforium, fenêtres hautes. Le triforium, avec sa balustrade percée de quatre-feuilles et orné de lancettes trilobées, est suffisamment archaïsant pour citer sans doute le modèle rayonnant du chœur du 13 e siècle alors que les bases prismatiques des piliers, les moulures à nez de cochon des nervures et l’absence de chapiteaux procèdent du vocabulaire du gothique flamboyant finissant. Dans les voûtes des bas-côtés (6) , sont conservées les clefs à armoiries de chanoines décédés l’un en 1531 l’autre en 1570. Dans le premier collatéral, les portes d’accès aux escaliers de fond en comble ont conservé une sculpture flamboyante de gâbles et de figures en haut-relief qui portent les stigmates des conflits religieux. Charpente La charpente de la nef (FIG. 2 ET 3) est à chevrons formant fermes. Les quatre travées centrales, épargnées par le saccage de 1568, possèdent des poinçons richement sculptés (bagues issues du répertoire du gothique flamboyant). Par le système à deux niveaux de faux entraits et le contreventement longitudinal à deux niveaux de sousfaitières, le modèle de charpente est très proche de celui de la nef de Saint Eustache à Paris. (2) La campagne de reconstruction de la fl èche remonte à 1563-1569. Elle s’effondre de nouveau en 1573. (3) Il s’agit probablement de l’obélisque du Vatican, le seul de Rome demeuré debout au début du 16 e siècle. La boule qui le couronnait avant son déplacement du cirque de Néron en 1586 était supposée abriter les cendres de Jules César. (4) Gravure servant de frontispice à la circulaire imprimée en 1600 pour annoncer le Jubilé de Sainte- Croix (Paris, Bibliothèque nationale de France - estampes, Va.9i.) (5) La fl èche actuelle, la quatrième qu’ait connue l’édifi ce, a été érigée par Boeswildvald en 1858 sur le modèle de celle d’Amiens, datant de 1533. Elle n’a pas le gigantisme de la première. (6) Elles furent préservées de la campagne de 1793 qui marqua la suppression des « signes de la féodalité et de la superstition » grâce à la présence à cet emplacement de la loge abritant la maquette de la cathédrale. 213