24.04.2013 Views

134 EMPREINTE URBAINE

134 EMPREINTE URBAINE

134 EMPREINTE URBAINE

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

L’accès latéral nord de l’église Notre-Dame-de-<br />

Recouvrance, à l’inverse des trois portails précédents,<br />

illustre pour la première fois la volonté du maître<br />

d’œuvre d’appliquer à l’ensemble de la façade, et non<br />

au seul encadrement de la porte, le système des ordres<br />

d’architecture (FIG. 4). Ainsi, cette composition, délimitée<br />

par deux puissants contreforts - sur lesquels se greffent des<br />

niches à édicule - et un entablement très saillant, superpose<br />

colonnes corinthiennes, pilastres ioniques et colonnes<br />

adossées composites : l’enchaînement des ordres n’est donc<br />

pas canonique. Selon les règles de l’architecture, dont la<br />

connaissance et la diffusion ne cessent de s’amplifier en<br />

France à partir des années 1530 (22) , l’ordre ionique aurait<br />

dû occuper le registre inférieur. Ce dernier comporte de<br />

part et d’autre de l’accès deux colonnes jumelées juchées<br />

sur de hauts piédestaux et portant un entablement à<br />

la frise laissée lisse (23) . L’ouverture, en arc plein-cintre<br />

repose, par l’intermédiaire d’impostes, sur des colonnes<br />

corinthiennes créant un jeu entre ordre mineur et ordre<br />

majeur des supports. La présence des ornements est plus<br />

discrète : des palmettes recouvrent la bande de l’arc, des<br />

têtes de chérubins émergeant d’une rosace ornent les<br />

écoinçons (motif que l’on retrouve à la porte du Cimetière<br />

de Boiscommun, Loiret). Pour le registre intermédiaire,<br />

les pilastres - sur les fûts desquels sont placés des motifs<br />

losangés, réminiscences de la première Renaissance - assez<br />

trapus, sont mal proportionnés par rapport à la hauteur<br />

de l’entablement qui les surmonte (24) . Par ailleurs, cette<br />

construction délimite une zone très étirée en largeur,<br />

aujourd’hui vide mais peut-être initialement destinée<br />

à recevoir des sculptures. Quant au troisième niveau, il<br />

s’organise autour de la baie mise en valeur par la paire<br />

de colonnes composites dont le fût, comme au registre<br />

inférieur, est cannelé et même rudenté dans sa partie<br />

basse.<br />

L’analyse de ce portail, édifié dans les années 1540, laisse à<br />

penser que le maître d’œuvre disposait vraisemblablement<br />

d’un modèle pour le premier niveau, alors qu’il a dû<br />

faire preuve d’inventivité pour les registres suivants.<br />

Soucieux d’utiliser la nouvelle syntaxe architecturale, il<br />

a décidé d’employer les ordres d’architecture. En dépit<br />

des maladresses recensées, inhérentes au fait qu’il s’agit<br />

de la première tentative orléanaise pour adapter à une<br />

façade d’église le système des ordres, cet exemple atteste la<br />

diffusion des traités d’architecture, qui permet désormais<br />

de construire des œuvres qui proposent une mise en place<br />

de plus en plus correcte de la syntaxe « à l’antique ».<br />

Ainsi, à la différence de la première moitié du 16 e siècle<br />

où la bonne utilisation du répertoire d’outre-monts ne<br />

dépendait que du degré d’assimilation par les architectes<br />

et les sculpteurs des nouvelles règles, la circulation de<br />

planches extraites de traités d’architecture, puis la diffusion<br />

des traités vont permettre, à partir des années 1540, la<br />

réalisation d’œuvres de plus en plus conformes aux modèles<br />

italiens tant dans l’architecture religieuse que civile. !<br />

FIG. 9<br />

Saint-Éloi :<br />

« Plan et vue du<br />

portail de l’église<br />

Saint-Eloi »<br />

lithographie de<br />

C. Pensée.<br />

(Histoire architecturale<br />

d’Orléans, 1843 -<br />

MHAO, inv. 998.47.1)<br />

(22) Le premier grand théoricien de l’architecture de la Renaissance au 15 e siècle est L. B. Alberti<br />

(1404-1472) qui écrit le De re aedifi catoria (édition posthume en 1486) : dépourvu d’illustration,<br />

cet ouvrage ne peut directement servir de modèles aux architectes. Ensuite, des humanistes vont<br />

éditer dès la fi n du 15 e siècle le traité de Vitruve, qui n’est toujours pas illustré. Le peintre Fra<br />

Giocondo est le premier à exécuter en 1511 des fi gures destinées à accompagner le discours vitruvien.<br />

Il revient à Cesariano d’avoir commenté et traduit Vitruve en italien en 1521 : certains exemplaires<br />

de son ouvrage ont dû circuler en France. Témoignant de la diffusion de la connaissance<br />

architecturale, l’ouvrage de Diego de Sagredo, Medidas del Romano, décrivant assez précisément<br />

les ordres d’architecture, est publié en 1526 à Tolède avant d’être traduit en français à Paris la<br />

décennie suivante. Quant à la diffusion du Livre IV de Serlio, elle est attestée peu après 1540. Sur<br />

l’infl uence de cet auteur en France, GLOTON 1988.<br />

(23) Sur laquelle se lit l’inscription : L’EGLISE DE NOSTRE DAME DE RECOUVRÃCE.<br />

(24) À la collégiale d’Oiron (Deux-Sèvres), si la superposition des ordres est correcte, on retrouve le manque<br />

de proportions entre chaque niveau. Datée des années 1538-1542, cette tentative de maniement<br />

des ordres pour organiser l’ensemble d’une façade précède les premières expériences parisiennes.<br />

207

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!