202 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les espaces religieux de la ville 1 FIG. 1 Saint-Pierre-du-Martroi détail du couronnement de la porte septentrionale. (photo Julien Noblet) FIG. 2 Notre-Dame-de- Recouvrance vue générale de l’intérieur vers l’est (photo Laurent Mazuy) 2
aucune concession au nouveau style, appartiennent au gothique flamboyant qui se caractérise par une profusion ornementale, une recherche des effets de continuité et de fluidité des lignes architecturales. Ainsi, la façade de l’église Saint-Jacques comporte deux arcades brisées très élancées, que soulignaient jadis des gâbles. Les ébrasements, animés de multiples voussures ornées de redents trilobés, abritent un profus décor sculpté (choux frisés, feuilles de vigne, animaux…) auquel se mêlent des éléments architecturés comme les niches, au couronnement très développé en hauteur, qui s’imbriquent aux nervures. Entre chaque ouverture, d’autres niches, encadrées de pinacles et surmontées d’un remplage aveugle, illustrent cette horreur du vide, la volonté de couvrir de motifs l’ensemble de la façade. À l’architecture de la première Renaissance En raison de la multiplication des chantiers à cette période, l’activité architecturale du 16 e siècle présente une moindre intensité, mais non un moindre intérêt. À l’église Saint-Pierre-du-Martroi, commencée durant la dernière décennie du 15 e siècle, s’observent des intrusions du nouveau vocabulaire datant des années 1520, époque à laquelle fut posé le voûtement. Le maître maçon responsable de cette opération, Jehan Lemerle, introduit, pour recevoir les voûtes d’ogives, des culots sculptés (4) . Destinés à porter les ogives, ces éléments créent une articulation qui s’oppose à la recherche de continuité gothique. Ainsi, les nervures ne sont plus ininterrompues du sol aux clefs de voûte. Quant à l’ornementation du culot, elle joue sur la superposition de plusieurs moulures, à la modénature atténuée, qui crée des ressauts successifs afin d’offrir une assise suffisante, démontrant ainsi l’inventivité des maîtres d’œuvre dans l’utilisation et l’adaptation de la nouvelle syntaxe architecturale à la réception du mode de voûtement gothique. Au-dessus du portail latéral rue d’Escures subsiste en partie haute le décor de l’ancienne porte : flanquée des armes de généreux bienfaiteurs, une niche, qui se substitue au traditionnel fleuron gothique, souligne l’adhésion des commanditaires comme du maître maçon au vocabulaire italianisant (FIG. 1). Ce couronnement, reproduction miniature d’un tempietto reposant sur un édicule porté par une coquille, donne une touche antiquisante au portail tout en insufflant un élan vertical à la construction (5) , preuve que si le vocabulaire change, le goût pour les effets gothiques reste présent. Un édifice construit ex nihilo : Notre-Dame-de-Recouvrance La fin du 15 e siècle, en raison de la poussée démographique, vit la construction d’une nouvelle accrue à l’ouest de la ville progressivement englobée par la quatrième enceinte (6) . Désormais sans raison d’être, les anciennes fortifications, montant de la Loire, furent progressivement démantelées : en 1514, contre ces murailles, fut lancée, pour remplacer une ancienne chapelle (7) , la construction de l’église Notre-Dame-de-Recouvrance, annexe de la paroisse Saint-Laurent. Dédiée par l’évêque orléanais Germain de Ganay en 1519 (8) , l’église n’était pas encore achevée à cette date. Victime de la fièvre destructrice huguenote, elle fut vandalisée en 1562 et 1567 puis restaurée avant d’être rendue au culte en 1594 (9) ; le monument connut une seconde vague de restaurations dans les années 1860. De plan presque rectangulaire (10) , l’église présente un chevet plat précédé d’une nef flanquée de collatéraux entre les contreforts desquels ont été élevées des chapelles. Voûté d’ogives (refaites en pierre au 17 e siècle dans les collatéraux et au 19 e siècle en plâtre dans le vaisseau principal), l’édifice était originellement contrebuté à l’extérieur par des arcs-boutants qui prenaient appui sur des culées et dont subsistent les traces d’arrachement au sommet des murs gouttereaux. Au sud-ouest s’élève un clocher, massive construction surmontée d’un beffroi. À l’intérieur, l’édifice est divisé en sept travées d’égales dimensions, à l’exception de la quatrième, plus large, matérialisant discrètement à mi-distance l’idée d’un transept. De grandes arcades, délimitées par des piliers ondulés, ouvrent sur les bas-côtés, qui eux-mêmes communiquent avec les chapelles. Chaque vaisseau est baigné d’une lumière directe, éclairage que complètent les (4) De tels culots reçoivent une voûte au rez-de-chaussée des vestiges de l’église Saint-Marceau. (5) Faisant écho aux pinacles, très effi lés, rythmant également le pourtour de l’édifi ce. (6) Au sujet de la quatrième enceinte et de l’urbanisation de ce quartier, voir infra, La dernière enceinte d’Orléans et le développement de l’habitat dans les nouveaux quartiers d’Orléans, par C. ALIX. (7) CHENESSEAU 1930 : p. 112. (8) BUZONNIERE 1849 : p. 365. (9) GAILLARD et DEBAL 1987 : p. 17. (10) Le mur nord de l’édifi ce présente une obliquité tandis qu’au sud, l’implantation du clocher a empêché la réalisation, comme au nord, d’une chapelle latérale. 203