194 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle FIG. 13 Maison anciennement rue Sainte-Catherine (façade remontée place Abbé-Desnoyers au 19 e siècle et détruite dans les années 1940), vers 1520-1540 relevé de l’élévation de la façade antérieure et détails des sculptures. (VERDIER, CATTOIS 1855-1857 : t. 2)
Quelques façades se distinguent par l’importance de leur programme sculpté. Sur une maison anciennement rue Sainte-Catherine (35) , la structure et une partie du décor couvrant (pinacles, accolades et arcs surbaissés s’étendant sur les panneaux pleins) restent parfaitement identiques aux habitations précédemment décrites (FIG. 13). En revanche, toutes les pièces de bois sculptées sont couvertes de motifs répétitifs : imbrications et écailles, oves, chapelets de perles, rubans torsadés (36) . Remarquons que les oves, ornements d’origine antique très en vogue en France à partir des années 1500, présentent une adaptation locale du motif puisque qu’ils sont compris dans d’épaisses coques non tronquées dépourvues de motifs de liaison (37) , interprétation que l’on observe également sur les demeures en pierre (38) . Sur l’ensemble de la façade, les bases des pinacles reposent sur vingt et un culots, représentant des personnages en buste, masculins ou féminins, parfois couverts de chaperons. Certaines de ces figures sont représentées de face ou de trois quarts avec un bras figé dans un geste didactique. Pour le surcroît du comble, les culots sont sculptés de visages stylisés représentés de face, évoquant des mascarons ou des masques feuillus. Les poteaux à têtes élargies supportant le débord de la lucarne sont également munis de culots sculptés de visages stylisés (39) . Ils portent une colonnette à base moulurée, à chapiteau et à fût orné d’imbrications. Audessus, l’élargissement du poteau est sculpté à la manière d’une niche abritant un personnage en pied, qui repose sur un petit cul-de-lampe représentant un mascaron à gauche, et une tête de putto ailé à droite. Le personnage du poteau de droite est un évêque coiffé d’une mitre, tenant sa crosse de la main gauche et bénissant de l’autre. Sur le poteau de gauche, il s’agit d’un moine encapuchonné, peut-être en position d’orant. Cette maison est donc bien caractéristique de l’art de la première Renaissance, dont le décor abondant fait la synthèse entre des motifs importés d’Italie et ceux issus du répertoire « gothique » traditionnel. Autre exemple de décor luxueux, la maison anciennement située au 29-33 rue de l’Écrevisse comportait deux unités d’habitation jointives, dont les façades à pinacles étaient couronnées chacune par une lucarne-pignon (40) . D’après les descriptions du 19 e siècle, leurs débords étaient portés par des figures dont certaines auraient représenté des moines. Dans la cour, la façade de la galerie possédait d’étroits panneaux de croix de Saint-André (entre 35 et 38 cm de large) surmontés par des entretoises sculptées d’arcs en anse de panier renfermant une frise d’oves (FIG. 14). La croisée au centre était jouxtée de chaque côté de son registre FIG. 14 Maison anciennement 29-33 rue de l’Écrevisse, milieu 16 e siècle (vers 1545 ?) façade remontée place Abbé Desnoyers en 1890, disparue dans les années 1940), élévation de l’étage de la galerie sur cour. (Orléans, Archives municipales, Sous-série 1Fi) (35) Dans la numérotation du 19 e siècle, elle était située au 14 rue Sainte-Catherine. C’est à cette époque que la maison fut détruite et que sa façade fut déplacée place Abbé-Desnoyers, où elle brûla en 1940 (ALIX 2002 : t. 2, p. 112-118 ; t. 3, p. 48-49). Certains éléments de son décor sont représentés en détail sur une planche dans VERDIER, CATTOIS 1855-1857 : t. 2, p. 118-119. (36) Les trois sablières de chambrée sont engoulées et ornées d’un corps de moulures sculpté : pour le rez-de-chaussée, d’un chapelet dont le ruban alterne avec deux perles, le tout surmonté d’une frise d’arceaux ; pour le premier étage, d’un chapelet à ruban et perle unique ; pour le deuxième étage, d’un ruban torsadé orné de pointes-de-diamant alternant avec des imbrications. (37) DAGNAS-THOMAS 1998 : t. 1, p. 150-154. (38) À Orléans, deux types d’oves sont visibles sur l’hôtel brique et pierre de François Brachet, dit de la Vieille-Intendance (24-28 rue de la Bretonnerie), construit vers 1505-1510 : ils sont de formes ovoïdes dans des coques tronquées mais séparés par de petites feuilles (sur les culs-de-lampe des échauguettes), ou à l’inverse, sphériques à l’intérieur de coques non tronquées et séparés par des dards (sur la corniche des tours d’escalier et des échauguettes). Sur la corniche de la maison de l’Ours (4 place du Châtelet), les oves sont quant à eux dépourvus de motifs de liaison. Dans un autre exemple de la ville, la corniche de la maison 24 rue Louis-Roguet (façade rue Étienne- Dolet) présente des oves à coques tronquées, séparés par des dards, qui sont plus conformes aux exemples italiens. Pour les maisons en pan-de-bois, de tels oves sphériques et sans dard ornent par exemple la maison dite de François I er à Aubigny-sur-Nère (Cher), qui pourrait dater de 1519 (TOULIER 1994 : p. 28), ou la maison de la rue de la Porte-Mouton à Gallardon (Eure-et-Loire). (39) Cette lucarne comporte un poinçon pendant sculpté à son sommet d’un petit pinacle et en pied d’une tête animale tournée vers le sol. Les planches de rives ornées de torsades à pointes-dediamant forment un arc brisé à l’intrados ponctué de redents. Elles reposent sur un entrait également torsadé et engoulé à ses extrémités. Une lucarne quasiment identique couronnait la maison anciennement 1 rue de la Vieille-Peignerie (ALIX 2008 : p. 32-33). (40) Cette maison détruite au 19 e siècle est connue par de brèves descriptions et par quelques représentations (ALIX 2002 : t. 2, p. 152-153). La façade de sa galerie sur cour fut remontée au musée historique en 1890, avant de disparaître dans les années 1940. 195