150 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains Bretonnerie (53) . Le 22 octobre 1494, Jehan Groslot reçoit 10 livres tournois du notaire Berthelemy Sevin auquel il a vendu une rente qu’il détenait sur un jardin donnant rue de la Bretonnerie (54) . Dernier exemple, en juin 1492, un boulanger achète une maison en construction « prête à couvrir », située rue de la Bretonnerie derrière les vignes de Messire Pierre Dulac, docteur régent de l’Université (55) . Une partie des nouvelles rues créées dans ce secteur lors de l’opération d’urbanisme de 1486 va venir s’appuyer contre cet axe de circulation ancien qu’est la rue de la Bretonnerie. Grâce à sa situation privilégiée, cette voie semble avoir bénéficié d’un intérêt précoce qui, comme la rue Notre- Dame-de-Recouvrance, va permettre le développement d’un habitat soigné dans la première moitié du 16 e siècle. L’hôtel de François Brachet dit de la Vieille- Intendance L’hôtel le plus ancien édifié dans ce secteur, appelé aujourd’hui « hôtel de la Vieille-Intendance », correspond à la « grande maison Brachet » mentionnée ainsi dans les textes du milieu du 16 e siècle (n° 24-28 rue de la Bretonnerie, [FIG. 5]). Son commanditaire est sans nul doute François Brachet, « commis au paiement des archers de la garde française du corps du roi ». Il était le fils de Jean Brachet, secrétaire du duc, et de Nicole Lesbahy, issue de l’une des familles de bourgeois les plus aisées d’Orléans, dont le mariage en 1440 illustre une tentative stratégique de rapprochement d’alliance entre les marchands de la ville et les officiers ducaux (56) . Leur fils François Brachet est cité, en compagnie de sa femme Françoise Ruzé, dans un acte de constitution de bail à rente en date du 1 er octobre 1491 pour « une place appartenant a ladicte eglise Saint Pierre Empont en laquelle y a dessus ung appentilz couvert d’esseaune et le surplus est en verger tout cloux a murs, ainsi qu’il se comporte et poursuit, seant es forsbours d’Orleans sur la rue de la Bretonnerie », terrain qui à cette époque était encore environné de vignes et de vergers (57) . La mention des dimensions importantes du terrain s’accorde en partie à l’emplacement de l’hôtel, tout comme l’évocation de « la nouvelle rue appellée l’Aumosne » correspondant à l’actuelle rue des Huguenots jouxtant la propriété à l’ouest. Par ailleurs, l’origine de propriété et l’histoire des terrains de cet hôtel sont bien connues grâce à une série de titres établis entre la fin du 14 e siècle et le 19 e siècle, et dans lesquels on apprend notamment que la demeure n’était pas encore élevée en octobre 1499 (58) . Cette date s’accorde assez bien avec l’analyse des élévations et du décor sculpté qui permet de penser que le début de la construction a vraisemblablement eu lieu dans les dix premières années du 16 e siècle, ce que confirme une récente analyse dendrochronologique (59) . L’hôtel, qui présente des proportions très importantes, était précédé par une cour isolée de la rue de la Bretonnerie grâce à un mur de clôture et comportait à l’arrière un imposant jardin qui s’étendait au nord jusqu’aux fortifications de la dernière enceinte. Établi sur d’importants niveaux de caves voûtées, le corps de bâtiment principal est accosté à chaque extrémité de sa façade sur cour par une grande tourelle hors-œuvre de plan quadrangulaire. Elles abritent chacune un escalier en vis surmonté d’une chambre haute à deux niveaux desservis par un escalier secondaire logé dans une échauguette en surplomb. Ces chambres hautes permettaient de prolonger en hauteur les tourelles d’escalier, dont les volumes se détachaient nettement du corps de logis, renforçant ainsi la symbolique de fief et de pouvoir attachée aux tours dans la tradition médiévale (60) . Ce corps de logis est couvert par une charpente en chêne à chevronsformant-fermes, à jambettes et aisseliers courbes, et dont certains éléments sont ornés de moulures prismatiques de tradition « gothique » : lierne de sous-faîtage, petits aisseliers, bases des poinçons (61) . (53) Orléans, Archives départementales du Loiret, 3 E 1051. (54) Orléans, Archives départementales du Loiret, 3 E 10244. « Jehan Groslot l’aisnet, bourgeois d’Orleans » était le grand-oncle de Jacques Groslot dont il est question ci-dessous. (55) MICHAUD-FRÉJAVILLE 1983 : p. 433. (56) THIBAULT 1997 : t. 2, p. 417-418. Les Brachet sont une grande famille orléanaise dans laquelle fut choisi le premier maire de la ville en 1569. Selon le chanoine R. Hubert, généalogiste de la deuxième moitié du 17 e siècle, François Brachet était le fi ls de Jean Brachet, receveur général des tailles et du domaine d’Orléans, secrétaire de Monsieur le Duc, dont les enfants se partagèrent les biens en 1497. Cet auteur indique également que François Brachet serait « seigneur de Theillay le Gaudin, de la Maison Neuve et des Brosses de Marigny, thresorier de la royne d’Arragon » (Orléans, Bibliothèque municipale, ms. 608-615 : vol. II, f° 46). (57) Orléans, Archives départementales du Loiret, 3 E 10204. (58) JOUVELLIER 1959 : p. 4. (59) Construction de la charpente de comble après 1505, à partir d’un stock de bois dont les dates d’abattage s’étalent entre 1501-1502 [d] et 1504-1505 [d] (PERRAULT, étude en cours). (60) Ces petites pièces, qui pouvaient servir de cabinet, d’étude, de trésor, d’oratoire ou de petit belvédère, étaient chauffées par une cheminée dont une, celle de la tourelle ouest, est encore visible. Le premier niveau de la chambre haute orientale est couvert par une voûte en brique formant un berceau brisé tandis que celui de la tourelle occidentale est plafonné. (61) La charpente est conservée de manière homogène comme le confi rme les marques d’assemblages gravées à la rainette sur les différentes pièces. Plusieurs fragments du voligeage originel sont conservés sur les chevrons du versant sud.
6 8 FIG. 6 Hôtel de François Brachet, dit de la Vieille-Intendance, 24-28 rue de la Bretonnerie escalier d’honneur dans la tourelle ouest (Cl. C. Thibaudin, (c) Région Centre Inventaire général, ADAGP). FIG. 7 Hôtel de François Brachet, dit de la Vieille-Intendance, 24-28 rue de la Bretonnerie noyau de l’escalier d’honneur dans la tourelle ouest (photo Laurent Mazuy) FIG. 8 7 Hôtel de François Brachet, dit de la Vieille-Intendance, 24-28 rue de la Bretonnerie voûte de l’escalier d’honneur dans la tourelle ouest (photo Laurent Mazuy) 151