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146 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />
1535-1540, et qui a fait l’objet de plusieurs campagnes<br />
successives de construction très rapprochées dans le<br />
temps (28) . La démarche d’acquisition du terrain, situé non<br />
loin de l’église et jouxtant lui aussi le mur de la deuxième<br />
enceinte, est uniquement connue par une citation peu<br />
fiable de C.-F. Vergnaud-Romagnési indiquant que cet<br />
emplacement correspondrait en partie aux « trente toises<br />
de terrain en longueur, contenant les douves, foussés et<br />
vieilles murailles situées et assises depuis une tour nommée<br />
la tour André », et données en 1492 par le duc à Huguet<br />
Bergereau, son écuyer de cuisine (29) . Pierre Bergereau (son<br />
fils ?) l’aurait cédé en 1495 à Jehan Mynier, « maistre des<br />
ouvraiges pour la maconnerie du roy a Orleans » (30) . Plus<br />
vraisemblable est l’affirmation selon laquelle ce terrain fut<br />
acheté le 16 décembre 1536 par Guillaume Toutin, valet de<br />
chambre du Dauphin, futur Henri II, greffier de l’élection<br />
d’Angers, et également commanditaire de l’hôtel (31) .<br />
Ainsi, l’essor économique de ce secteur urbain attira<br />
de hauts dignitaires et la grande bourgeoisie comme<br />
le montre également l’observation des élévations : de<br />
nombreuses parcelles conservent les vestiges de demeures<br />
édifiées dans la première moitié du 16 e siècle. À l’image<br />
des hôtels précédemment cités, plusieurs habitations<br />
de l’îlot comportent une cour avec une galerie ou une<br />
coursière desservant un corps de bâtiment postérieur<br />
situé à l’emplacement ou contre la deuxième enceinte (32) .<br />
D’autres grandes demeures occupaient également la partie<br />
occidentale de la rue Notre-Dame-de-Recouvrance, comme<br />
le prouvent les vestiges de croisées visibles sur leurs façades<br />
sur cour (par exemple : n° 35 et 37).<br />
L’habitat dans le reste du quartier sud-ouest<br />
Les rues voisines à l’ouest, situées entre la Loire et la rue<br />
des Carmes, correspondent à un quartier à forte vocation<br />
artisanale et économique liée à la Loire, comme l’indiquent<br />
les vestiges d’un habitat au caractère plus modeste, exception<br />
faite de quelques demeures, par exemple aux n° 62-64 rue<br />
des Turcies, n° 22 rue d’Angleterre, n° 4 rue Croix-de-Bois et<br />
surtout l’hôtel des n° 17-19 de la même rue. Seule la rue des<br />
Charretiers, important axe nord-sud reliant ces quartiers des<br />
bords de Loire vers un secteur plus résidentiel au nord, présente<br />
sur chacune de ses rives des habitations en pierre assez cossues<br />
datant cette époque (33) . Dans tous ces exemples, les édifices<br />
présentent des baies aux moulures encore caractéristiques du<br />
« gothique flamboyant » (34) et seules quelques maisons font<br />
figures d’exception en présentant des décors « à l’antique » (35) .<br />
C’est dans une maison de ce secteur, rue Croix-de-Bois (« la<br />
grand’rue Saint-Laurent »), qu’habitait vers 1548 l’architecte<br />
Jacques Androuet Du Cerceau, qui fut notamment chargé<br />
de la décoration de la ville lors de l’entrée du roi Henri II<br />
le 4 août 1551 (36) .<br />
Maisons à façades en pan-de-bois<br />
et habitat sériel<br />
Parmi la quinzaine de maisons à façade en pan-de-bois<br />
du 16 e siècle actuellement recensées dans l’ensemble<br />
des quartiers de la quatrième enceinte (dont six sont<br />
actuellement conservées en élévation), la plupart sont<br />
(28) DREYFUS 2005. Ainsi, l’étude de bâti montre que la construction s’est d’abord organisée autour<br />
du bâtiment donnant sur la rue Notre-Dame-de-Recouvrance et celui situé à l’angle de la rue de la<br />
Chèvre-qui-Danse, ce qu’accrédite une étude dendrochronologique indiquant que les bois de ces<br />
parties de l’édifi ce ont été abattus en 1535 et 1536 (PERRAULT, GIRARDCLOS 2007). Les datations<br />
dendrochronologiques confi rment que la construction des autres corps de bâtiments de l’hôtel<br />
s’est étalée jusqu’en 1540. Voir également infra, Les demeures de la seconde Renaissance des élites<br />
orléanaises ou le succès de l’architecture « à l’antique » (vers 1535-1560) par C. ALIX et J. NOBLET.<br />
(29) VERGNAUD-ROMAGNESI 1830 : p. 399. C.-F. Vergnaud-Romagnési ayant inventé de toutes pièces<br />
plusieurs légendes sur l’histoire de cet hôtel afi n de permettre sa sauvegarde au 19 e siècle<br />
(ROUGERIE 1998 : t. 1, p. 76), il convient donc de rester prudent face à cette affi rmation. Un terrain<br />
cédé par Louis Louis II à Huguet Bergereau, son écuyer de cuisine, est évoqué dans un bail à<br />
cens, mais s’agit-il du même emplacement ? (Orléans, Archives départementales du Loiret, A 560<br />
(détruit) dans : MAUPRE, DOINEL 1878 : p. 125).<br />
(30) VERGNAUD-ROMAGNESI 1830 : p. 399 ; repris dans : BUZONNIERE 1849 : t. 2, p. 273 ; BIEMONT 1880 :<br />
p. 445. D’autres auteurs ont cité « Jehan Meugnier, maçon du roi », tout en proposant parfois<br />
d’identifi er ce nom à celui de Jean Mynier, maître des œuvres de maçonnerie du duché d’Orléans<br />
(LEPAGE 1901 : p. 395 ; PEROUSE DE MONTCLOS 1988 : p. 504). Là encore, il est permis de douter<br />
de l’affi rmation de C.-F. Vergnaud-Romagnési : n’y a t-il pas eu confusion avec les terrains libérés<br />
pour la construction de l’église Notre-Dame-de-Recouvrance ?<br />
(31) JARRY E. 1931 : p. 159.<br />
(32) Par exemple : n° 16 (9 rue de l’Écu-d’Or) ou n° 24 rue Notre-Dame-de-Recouvrance. La galerie du<br />
n° 14 rue Notre-Dame-de-Recouvrance présente une colonne au chapiteau ionique comparable à<br />
ceux de la galerie de l’hôtel Toutin. La distribution avec galerie était semblable au n° 28 (angle avec<br />
la rue de la Chèvre-qui-Danse).<br />
(33) N °28 (angle rue Croix-de-Bois), 30, 32, 34, 40, 45, 47, 67, 79 rue des Charretiers.<br />
(34) Pour la typologie des moulures des maisons orléanaises voir : ALIX 2008 : 2 e partie, p. 4-7.<br />
(35) N° 47 rue des Charretiers : petits disques dans les angles de l’encadrement des baies. N° 32 rue<br />
des Charretiers : jour du rez-de-chaussée avec piédroits cannelés et jour plein-cintre du premier étage<br />
intégré dans une composition édiculaire (colonnes corinthiennes adossées, fronton triangulaire).<br />
N° 17-19 rue Croix-de-Bois : baies des façades sur cour des différents corps de bâtiment moulurées<br />
de doucines. N° 79 rue des Charretiers et n° 25 bis rue de l’Ange/angle 59 rue des Carmes : portes de<br />
la cage d’escalier couvertes d’un arc plein-cintre et moulurées de quart-de-rond. Dans cette dernière<br />
maison subsistent également les baies (croisées) de la façade rue des Carmes (n° 59) ainsi que les<br />
plafonds et la charpente de comble du milieu 16 e siècle.<br />
(36) Il fut notamment payé 25 écus le 29 août 1551 « pour avoir par luy vaqué par treize journees et<br />
plusieurs nuictz a la conduicte des ouvriers comme menuziers, painctres et autres qui ont dressé<br />
et faict en ladicte ville en plusieurs endroictz des arcs triumphans et autres ouvraiges pour l’entree<br />
(...) et a inventer les choses a ce requises » (Orléans, Archives départementales du Loiret,<br />
2 J 2474, f° 31-32 ; DU CERCEAU 1575-1579 : p. 5-7, 310 ; JARRY E. 1914 : p. 49). Voir aussi BEAULIEU<br />
1978, CHATENET 2008.