134 EMPREINTE URBAINE

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144 EMPREINTE URBAINE - Les nouveaux espaces urbains qui est pres de l’eglise Notre-Dame-de-Recouvrance et la tour Roze » est adjugée pour 12 livres tournois à Jehan Bigot. De la même manière la plupart des tours du front nord sont vouées au bail, à savoir d’est en ouest : la tour de Penycou « de l’ancienne encloture (troisième enceinte) au coin des murailles vieilles et des nouvelles », le rempart du portail Saint Vincent et « une allée dans le mur de la tour du portail », les tours Saint-Avy, Saint-Esprit, Saint-Pierre « a l’opposite des jardins du couvent des Jacobins », Saint- Michel « a l’endroit de la Grande Maison Brachet » (20) , Bellemasure, « une loge et maison hors la porte Bannier sur l’arche devant le pont levys et la barriere vollant d’icelle porte », et la tour Gouvernante « entre la tour des buttes des harquebusiers et le portail de la porte Bannier ». Trois baux concernent la porte Saint-Jean car elle a été fractionnée en plusieurs unités : le haut de la tour sud (« du cousté de la ryviere ») pour Giles Tharault (4 livres 5 sols tournois), le bas de la tour sud pour les nommés Rabeuf et Doulcet (9 livres 10 sols tournois), et le bas de la tour nord (« du cousté de la porte Bannier ») pour Jacques Perdoulx (13 livres tournois). La porte de la Croix-Boisée (porte Madeleine) est également divisée en trois unités, mais le découpage est différent : un lot est formé par l’ensemble de la tour sud (ainsi que le comble au-dessus du passage d’entrée), le deuxième comprend le haut de la tour nord, et enfin le bas de cette même tour forme le dernier lot. Ainsi, dans leur perpétuel souci de trouver une source de financement destinée à l’entretien des fortifications, les propriétaires de l’enceinte s’assuraient ici un revenu fixe, au travers de la location de certains ouvrages à des particuliers, probablement avec interdiction d’y effectuer des transformations du bâti et lorsque que tout danger militaire était écarté (21) . La rue Notre-Dame-de- Recouvrance et le quartier sud-ouest L’îlot de l’église Notre-Dame-de-Recouvrance et de l’hôtel Toutin L’étude du quartier Notre-Dame-de-Recouvrance, situé au sud-ouest de la ville, fournit un exemple de développement rapide de l’habitat, illustrant le caractère attractif de ce secteur, constitué en outre de demeures de qualité. La rue Notre-Dame-de-Recouvrance suit la déclivité nord-sud du FIG. 2 coteau, et aboutissait aux quais par l’intermédiaire d’une poterne, desservant le port de Recouvrance, important lieu d’échanges économiques. Le tracé de la rue suit celui de la deuxième enceinte située à quelques mètres à l’est. Suite à la construction de la dernière enceinte, plusieurs édifices vont être bâtis sur les terrains occupés par le mur et le fossé de l’ancienne fortification désaffectée (îlot délimité par les rues Notre-Dame-de-Recouvrance à l’ouest, de la Chèvre-qui- Danse au nord, de l’Écu-d’Or à l’est et des Turcies au sud). Hôtel Toutin (26 rue Notre-Dame-de- Recouvrance) Corps de bâtiment rue Notre- Dame-de-Recouvrance (photo Laurent Mazuy) (20) Hôtel dit de la Vieille-Intendance, 24-28 rue de la Bretonnerie. Voir ci-dessous (21) De tels cas de location à des particuliers en temps de paix sont connus pour les enceintes urbaines de Rouen, de Boulogne-sur-Mer, d’Annecy ou encore de Dijon (RIGAUDIERE 1993 : p. 425).

FIG. 3 Hôtel Toutin (26 rue Notre-Dame-de-Recouvrance) Galerie sur cour et tourelles d’escalier (dessin de Léon Vaudoyer gravé par Alexandre Soudain, 19 e siècle, Orléans, Musée historique et archéologique de l’Orléanais) Le lotissement de ce secteur est d’abord lié à l’édification de l’église paroissiale Notre-Dame-de-Recouvrance, ancienne chapelle reconstruite à partir de 1514 et achevée peu après 1519 (22) . La destruction du mur de l’ancienne enceinte est alors soumise à une réglementation stricte (23) , conduisant les échevins à faire un procès aux « gagiers » de l’église en 1514, ce qui n’empêcha pas en 1516 le percement d’une brèche permettant d’apporter les matériaux de construction près du chantier (24) . L’origine des terrains utilisés pour la construction de l’église est bien établie. Le duc Louis XII concéda les terrains de l’enceinte désaffectée à ses officiers de la même manière que dans les exemples cités plus haut. Dès mars 1486, Marc Villebresme, conseiller et maître d’hôtel du duc, reçu 10 toises de murailles et de fossés « montant de la Loire vers la tour André », troisième en partant du sud. Le 13 novembre 1494, ce dernier céda ses terrains à Macé Droyneau, maçon et tailleur de pierre d’Orléans, et à Jean Mynier, maître des œuvres de maçonnerie du duché d’Orléans, pour la somme de 325 livres tournois. Après avoir racheté la part de terrain appartenant à Jean Mynier le 15 avril 1513, Macé Droyneau céda l’ensemble des terrains à l’église (25) . Ainsi, devant l’accroissement rapide de la population, il est possible que certains de ces terrains issus de l’ancienne fortification aient fait l’objet de spéculations foncières. Plusieurs auteurs ont émis l’hypothèse, qui n’est fondée sur aucune source précise, que les maçons Jean Mynier et Macé Droyneau auraient également pu conduire le chantier de construction de l’église (26) . Notons qu’il semble que Jehan Mynier se soit réservé un terrain dans la partie sud de l’îlot, puisqu’une maison appartenant à ses héritiers, et située près de la tour du Bassin, est citée dans un acte daté du 15 juin 1551. L’hôtel qui jouxte encore aujourd’hui le mur gouttereau sud de cette église (12 rue Notre-Dame-de-Recouvrance ; actuel presbytère), a probablement été bâti peu après l’achèvement de cette dernière vers 1520. Composé de deux corps de bâtiments séparés par une cour et reliés par une galerie en bois, il conserve des façades sur cour caractéristiques de la première Renaissance, dont les baies à la modénature encore gothique sont néanmoins accompagnées de moulures adoucies, tandis qu’une petite agrafe en volute, issue du vocabulaire décoratif italien, est sculptée sur la clef de leur couvrement. À l’intérieur, les pièces sont closes par des plafonds et des cloisons en pan-de-bois ornés de sculptures alliant là encore motifs d’inspiration médiévale (engoulants, frise de trilobes, accolades, pinacles, etc.) et ornements transalpins (frise d’oves, putti, médaillons, etc.) (27) . Un autre exemple révélateur est celui de l’hôtel Toutin (26 rue Notre-Dame-de-Recouvrance, [FIG. 2 ET 3]), édifice précoce de la seconde Renaissance orléanaise, daté d’entre (22) Voir infra, L’architecture religieuse de la Renaissance à Orléans, par J. NOBLET. (23) Ainsi, le 23 mai 1514, il fut payé 10 s. à Bertran Martin, sergent royal, « qui a la requeste du procureur du roi notre sire et du procureur des habitans, et es presence de Estienne Peigné, Julien Deloynes, eschevins, et Jehan Mynier, feist deffenses a ceux qui demolissoient les anciennes murailles de la ville tant a l’endroit de l’eglise Notre Dame de Recouvrance, que en une maison que Henry des Ouches faisoit faire au desdans de la ville joignant des grosses murailles de la porte de la Barre Flambert, et ainsi en une autre maison joignant de la porte neuve a aller de la vieille ville en la Grant rue St. Laurent que faisoit ediffi er Jehan Godefroy le jeune, Texier, de non plus desmolir lesdites murailles, a peine de cent livres, et leur a donné jour par devant monseigneur le bailly d’Orleans ou son lieutenant » (Orléans, Bibliothèque municipale, ms. 595, f° 225). Ce texte mentionne déjà la construction de plusieurs maisons dans l’îlot qui nous intéresse ici. (24) JARRY E. 1917 : p. 235. (25) Orléans, Archives départementales du Loiret, 2 J 2510 : 15 avril 1513 ; JARRY E. 1917 : p. 235. Dès 1511 (le 19 janvier et 13 juillet), la maître maçon Macé Droyneau est l’un « des gaigiers proviseurs de l’eglise Notre Dame de Recouvrance » présent dans les démarches menées auprès des représentants de l’église Saint-Laurent-des-Orgerils afi n de plaider la création de la nouvelle église, et d’en faire une paroisse annexe de Saint-Laurent (Orléans, Archives départementales du Loiret, 2 J 2510). Macé Droyneau est également attesté comme « maistre des euvres de l’enclousture de la ville et cité d’Orléans » (ALIX, DURANDIERE 2004 : p. 58). Quant au maître des œuvres de maçonnerie du duché d’Orléans, Jehan Mynier, nous avons vu qu’il était témoin lors de la visite du 23 mai 1514 concernant la destruction du mur d’enceinte pour édifi er l’église (voir note 23). (26) JARRY E. 1917 : p. 235 ; CHENESSEAU 1930 : p. 113 ; PEROUSE DE MONTCLOS 1988 : p. 495. (27) Sur cette demeure, monographie dans : ALIX 2002 : t. 2, p. 81-96. 145

FIG. 3<br />

Hôtel Toutin<br />

(26 rue Notre-Dame-de-Recouvrance)<br />

Galerie sur cour et tourelles d’escalier<br />

(dessin de Léon Vaudoyer gravé par Alexandre Soudain, 19 e siècle,<br />

Orléans, Musée historique et archéologique de l’Orléanais)<br />

Le lotissement de ce secteur est d’abord lié à l’édification de<br />

l’église paroissiale Notre-Dame-de-Recouvrance, ancienne<br />

chapelle reconstruite à partir de 1514 et achevée peu après<br />

1519 (22) . La destruction du mur de l’ancienne enceinte est<br />

alors soumise à une réglementation stricte (23) , conduisant<br />

les échevins à faire un procès aux « gagiers » de l’église en<br />

1514, ce qui n’empêcha pas en 1516 le percement d’une<br />

brèche permettant d’apporter les matériaux de construction<br />

près du chantier (24) . L’origine des terrains utilisés pour la<br />

construction de l’église est bien établie. Le duc Louis XII<br />

concéda les terrains de l’enceinte désaffectée à ses officiers de<br />

la même manière que dans les exemples cités plus haut. Dès<br />

mars 1486, Marc Villebresme, conseiller et maître d’hôtel<br />

du duc, reçu 10 toises de murailles et de fossés « montant<br />

de la Loire vers la tour André », troisième en partant du<br />

sud. Le 13 novembre 1494, ce dernier céda ses terrains à<br />

Macé Droyneau, maçon et tailleur de pierre d’Orléans, et<br />

à Jean Mynier, maître des œuvres de maçonnerie du duché<br />

d’Orléans, pour la somme de 325 livres tournois. Après<br />

avoir racheté la part de terrain appartenant à Jean Mynier le<br />

15 avril 1513, Macé Droyneau céda l’ensemble des terrains<br />

à l’église (25) . Ainsi, devant l’accroissement rapide de la<br />

population, il est possible que certains de ces terrains issus<br />

de l’ancienne fortification aient fait l’objet de spéculations<br />

foncières. Plusieurs auteurs ont émis l’hypothèse, qui n’est<br />

fondée sur aucune source précise, que les maçons Jean<br />

Mynier et Macé Droyneau auraient également pu conduire<br />

le chantier de construction de l’église (26) . Notons qu’il<br />

semble que Jehan Mynier se soit réservé un terrain dans<br />

la partie sud de l’îlot, puisqu’une maison appartenant à ses<br />

héritiers, et située près de la tour du Bassin, est citée dans<br />

un acte daté du 15 juin 1551.<br />

L’hôtel qui jouxte encore aujourd’hui le mur gouttereau<br />

sud de cette église (12 rue Notre-Dame-de-Recouvrance ;<br />

actuel presbytère), a probablement été bâti peu après<br />

l’achèvement de cette dernière vers 1520. Composé de<br />

deux corps de bâtiments séparés par une cour et reliés<br />

par une galerie en bois, il conserve des façades sur cour<br />

caractéristiques de la première Renaissance, dont les<br />

baies à la modénature encore gothique sont néanmoins<br />

accompagnées de moulures adoucies, tandis qu’une petite<br />

agrafe en volute, issue du vocabulaire décoratif italien,<br />

est sculptée sur la clef de leur couvrement. À l’intérieur,<br />

les pièces sont closes par des plafonds et des cloisons en<br />

pan-de-bois ornés de sculptures alliant là encore motifs<br />

d’inspiration médiévale (engoulants, frise de trilobes,<br />

accolades, pinacles, etc.) et ornements transalpins (frise<br />

d’oves, putti, médaillons, etc.) (27) .<br />

Un autre exemple révélateur est celui de l’hôtel Toutin<br />

(26 rue Notre-Dame-de-Recouvrance, [FIG. 2 ET 3]), édifice<br />

précoce de la seconde Renaissance orléanaise, daté d’entre<br />

(22) Voir infra, L’architecture religieuse de la Renaissance à Orléans, par J. NOBLET.<br />

(23) Ainsi, le 23 mai 1514, il fut payé 10 s. à Bertran Martin, sergent royal, « qui a la requeste du procureur<br />

du roi notre sire et du procureur des habitans, et es presence de Estienne Peigné, Julien<br />

Deloynes, eschevins, et Jehan Mynier, feist deffenses a ceux qui demolissoient les anciennes murailles<br />

de la ville tant a l’endroit de l’eglise Notre Dame de Recouvrance, que en une maison que<br />

Henry des Ouches faisoit faire au desdans de la ville joignant des grosses murailles de la porte<br />

de la Barre Flambert, et ainsi en une autre maison joignant de la porte neuve a aller de la vieille<br />

ville en la Grant rue St. Laurent que faisoit ediffi er Jehan Godefroy le jeune, Texier, de non plus<br />

desmolir lesdites murailles, a peine de cent livres, et leur a donné jour par devant monseigneur le<br />

bailly d’Orleans ou son lieutenant » (Orléans, Bibliothèque municipale, ms. 595, f° 225). Ce texte<br />

mentionne déjà la construction de plusieurs maisons dans l’îlot qui nous intéresse ici.<br />

(24) JARRY E. 1917 : p. 235.<br />

(25) Orléans, Archives départementales du Loiret, 2 J 2510 : 15 avril 1513 ; JARRY E. 1917 : p. 235. Dès<br />

1511 (le 19 janvier et 13 juillet), la maître maçon Macé Droyneau est l’un « des gaigiers proviseurs<br />

de l’eglise Notre Dame de Recouvrance » présent dans les démarches menées auprès des représentants<br />

de l’église Saint-Laurent-des-Orgerils afi n de plaider la création de la nouvelle église, et<br />

d’en faire une paroisse annexe de Saint-Laurent (Orléans, Archives départementales du Loiret,<br />

2 J 2510). Macé Droyneau est également attesté comme « maistre des euvres de l’enclousture<br />

de la ville et cité d’Orléans » (ALIX, DURANDIERE 2004 : p. 58). Quant au maître des œuvres de<br />

maçonnerie du duché d’Orléans, Jehan Mynier, nous avons vu qu’il était témoin lors de la visite du<br />

23 mai 1514 concernant la destruction du mur d’enceinte pour édifi er l’église (voir note 23).<br />

(26) JARRY E. 1917 : p. 235 ; CHENESSEAU 1930 : p. 113 ; PEROUSE DE MONTCLOS 1988 : p. 495.<br />

(27) Sur cette demeure, monographie dans : ALIX 2002 : t. 2, p. 81-96.<br />

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