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le jeu des trois figures en classes maternelles - Yapaka

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Des par<strong>en</strong>ts <strong>le</strong> remarqu<strong>en</strong>t, <strong>des</strong> pédagogues s’<strong>en</strong> plaign<strong>en</strong>t.<br />

Beaucoup d’<strong>en</strong>fants semb<strong>le</strong>nt ne plus savoir jouer. Ils<br />

s’<strong>en</strong>nui<strong>en</strong>t dès qu’on éteint la télévision ou qu’on <strong>le</strong>ur retire<br />

<strong>le</strong>ur conso<strong>le</strong> de <strong>jeu</strong>. La faute à qui ? Ils n’ont pas appris<br />

à jouer parce qu’on ne <strong>le</strong>ur <strong>en</strong> a pas laissé <strong>le</strong> temps. Dès<br />

l’âge de deux ans, ils sont <strong>en</strong> effet partagés <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s<br />

appr<strong>en</strong>tissages scolaires d’un côté et la télévision de l’autre.<br />

Or la télévision n’est pas un <strong>jeu</strong>, mais un spectac<strong>le</strong>. Et <strong>le</strong>s<br />

effets de la consommation télévisuel<strong>le</strong> du <strong>jeu</strong>ne <strong>en</strong>fant a <strong>des</strong><br />

conséqu<strong>en</strong>ces problématiques bi<strong>en</strong> au-delà de <strong>trois</strong> ans !<br />

C’est pourquoi il est urg<strong>en</strong>t de mettre <strong>en</strong> place <strong>des</strong> activités<br />

qui permett<strong>en</strong>t aux <strong>en</strong>fants de réappr<strong>en</strong>dre à jouer, et <strong>le</strong>ur<br />

permett<strong>en</strong>t de se dépr<strong>en</strong>dre <strong>des</strong> effets de la surconsommation<br />

télévisuel<strong>le</strong>. Le Jeu <strong>des</strong> Trois Figures pratiqué chaque<br />

semaine par <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants de maternel<strong>le</strong> permet aux<br />

<strong>en</strong>fants de pr<strong>en</strong>dre du recul par rapport à l’impact <strong>des</strong> images<br />

sur eux, réduit <strong>le</strong>s vio<strong>le</strong>nces scolaires et développe la t<strong>en</strong>dance<br />

à faire appel à l’adulte pour résoudre <strong>le</strong>s conflits.<br />

Serge Tisseron est psychiatre et psychanalyste, directeur<br />

de recherches de l’Université à Paris Ouest Nanterre. Il est<br />

l’auteur de nombreux ouvrages dont : Petit manuel à l’usage<br />

<strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts dont <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants regard<strong>en</strong>t trop la télévision (2004,<br />

Bayard), La résili<strong>en</strong>ce (2007, PUF), Virtuel mon amour (2008,<br />

Albin Michel), Qui a peur <strong>des</strong> <strong>jeu</strong>x vidéo ? (2008, Albin Michel),<br />

Les dangers de la télé pour <strong>le</strong>s bébés (2008, yapaka), Mets<br />

toi à ma place, l’empathie au cœur du li<strong>en</strong> social (2010, Albin<br />

Michel).<br />

Coordination de l’aide aux victimes de maltraitance<br />

Secrétariat général<br />

Ministère de la Communauté<br />

française de Belgique<br />

Bd Léopold II, 44 – 1080 Bruxel<strong>le</strong>s<br />

yapaka@yapaka.be<br />

Le Jeu <strong>des</strong> Trois Figures <strong>en</strong> cLasses maTerneLLes<br />

serge Tisseron<br />

yapaka.be<br />

46<br />

T E M P S D ’ A r r ê T L e c T u r e s<br />

Le Jeu <strong>des</strong> Trois Figures<br />

<strong>en</strong> cLasses maTerneLLes<br />

Serge Tisseron


Le Jeu <strong>des</strong> Trois<br />

Figures <strong>en</strong> <strong>classes</strong><br />

maternel<strong>le</strong>s<br />

Serge Tisseron


Temps d’Arrêt / Lectures<br />

Une col<strong>le</strong>ction de textes courts <strong>des</strong>tinés aux<br />

professionnels <strong>en</strong> li<strong>en</strong> direct avec <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s .<br />

Une invitation à marquer une pause dans la<br />

course du quotidi<strong>en</strong>, à partager <strong>des</strong> <strong>le</strong>ctures <strong>en</strong><br />

équipe, à prolonger la réf<strong>le</strong>xion par d’autres textes .<br />

– 8 parutions par an .<br />

Directeur de col<strong>le</strong>ction : Vinc<strong>en</strong>t Magos assisté de Diane<br />

Huppert ainsi que de Delphine Cordier, Nadège Depessemier,<br />

Sandrine H<strong>en</strong>nebert, Philippe Jadin, Christine Lhermitte et<br />

Claire-Anne Sevrin .<br />

Le programme yapaka<br />

Fruit de la collaboration <strong>en</strong>tre plusieurs administrations de la<br />

Communauté française de Belgique (Administration généra<strong>le</strong><br />

de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et de la recherche sci<strong>en</strong>tifique, Direction<br />

généra<strong>le</strong> de l’aide à la <strong>jeu</strong>nesse, Direction généra<strong>le</strong> de la<br />

santé et ONE), la col<strong>le</strong>ction « Temps d’Arrêt / Lectures » est<br />

un élém<strong>en</strong>t du programme de prév<strong>en</strong>tion de la maltraitance<br />

yapaka .be<br />

Comité de pilotage : Jacqueline Bourdouxhe, Deborah<br />

Dewulf, Nathalie Ferrard, Ingrid Godeau, Louis Grippa,<br />

Françoise Guillaume, Gérard Hans<strong>en</strong>, Françoise Hoornaert,<br />

Perrine Humb<strong>le</strong>t, Céline Morel, Marie Thonon, Reine Vander<br />

Lind<strong>en</strong> .<br />

Une initiative de la Communauté française de Belgique.<br />

Éditeur responsab<strong>le</strong> : Frédéric Delcor – Ministère de la Communauté<br />

française de Belgique – 44, bou<strong>le</strong>vard Léopold II – 1080 Bruxel<strong>le</strong>s .<br />

Octobre 2010 .<br />

Sommaire<br />

L’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> corps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7<br />

« Je me suis mis à sa place » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7<br />

« J’ai été choqué » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8<br />

Surmonter <strong>le</strong> choc <strong>des</strong> images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9<br />

Du stress au traumatisme et au clivage . . . . . . . . . . . . .11<br />

Trois conséqu<strong>en</strong>ces possib<strong>le</strong>s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13<br />

L’<strong>en</strong>fant empêché de jouer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17<br />

La construction du <strong>jeu</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19<br />

L’échec de la capacité de jouer . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21<br />

L’impact de la télévision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23<br />

Réappr<strong>en</strong>dre <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25<br />

La pratique du Jeu <strong>des</strong> Trois Figures<br />

<strong>en</strong> classe maternel<strong>le</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27<br />

Sept consignes pour sept mom<strong>en</strong>ts . . . . . . . . . . . . . . .27<br />

De l’importance de jouer tous <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s . . . . . . . . . . . . .37<br />

Dédramatiser l’id<strong>en</strong>tification à la victime . . . . . . . . . . . .38<br />

Les cinq questions <strong>le</strong> plus souv<strong>en</strong>t posées<br />

par <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants pratiquant<br />

<strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .41<br />

« C’est toujours pareil et je ne retrouve pas <strong>le</strong>s <strong>trois</strong><br />

<strong>figures</strong> dans <strong>le</strong>urs histoires » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .41<br />

« Et quand l’<strong>en</strong>fant ne joue plus ? » . . . . . . . . . . . . . . . .42<br />

« Il y a <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants qui semb<strong>le</strong>nt<br />

toujours faire semblant de jouer » . . . . . . . . . . . . . . . . . .44<br />

« Ne serait-il pas plus faci<strong>le</strong><br />

de partir de contes ? » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45<br />

« Et si on <strong>le</strong>s faisait plutôt <strong>des</strong>siner ? » . . . . . . . . . . . . . .47<br />

Conclusion : L’urg<strong>en</strong>ce d’agir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49


Entre la naissance et cinq ans, ce sont tous <strong>le</strong>s fondam<strong>en</strong>taux<br />

intel<strong>le</strong>ctuels et émotionnels de la personne <strong>en</strong><br />

dev<strong>en</strong>ir qui se mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> place . Le cerveau trip<strong>le</strong> de<br />

tail<strong>le</strong> et son réseautage est <strong>en</strong> expansion expon<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> .<br />

C’est aussi p<strong>en</strong>dant cette période charnière que <strong>le</strong> futur<br />

adulte pr<strong>en</strong>d ses habitu<strong>des</strong> et fixe nombre de comportem<strong>en</strong>ts<br />

et de préfér<strong>en</strong>ces . C’est pourquoi plus l’<strong>en</strong>fant<br />

multiplie <strong>le</strong>s expéri<strong>en</strong>ces, et notamm<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s expéri<strong>en</strong>ces<br />

de <strong>jeu</strong>, et plus il s’outil<strong>le</strong> à la fois physiquem<strong>en</strong>t, intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

et socia<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t . À l’inverse, plus il passe<br />

du temps à regarder passivem<strong>en</strong>t la télévision, moins il<br />

s’exerce à faire <strong>des</strong> efforts et à persévérer . La question<br />

de l’influ<strong>en</strong>ce <strong>des</strong> médias – c’est-à-dire principa<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

de la télévision pour ceux qui ont moins de six ans –<br />

n’est donc pas seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t un problème de modè<strong>le</strong>s et<br />

d’imitation . C’est d’abord <strong>le</strong> problème de la réduction du<br />

temps de <strong>jeu</strong> chez <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants qui <strong>en</strong> ont fondam<strong>en</strong>ta<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

besoin à cet âge, et qui <strong>en</strong> ont même <strong>en</strong>core plus<br />

besoin parce qu’ils regard<strong>en</strong>t la télévision . Car, comme<br />

nous <strong>le</strong> verrons, la plupart <strong>des</strong> programmes qu’ils voi<strong>en</strong>t<br />

<strong>le</strong>s stress<strong>en</strong>t et <strong>le</strong>s déstabilis<strong>en</strong>t . Les <strong>en</strong>fants d’aujourd’hui<br />

vont-ils alors moins bi<strong>en</strong> que ceux d’hier ? Ri<strong>en</strong><br />

ne permet de <strong>le</strong> dire et nous ne nous hasarderons pas<br />

à cette hypothèse, mais ce n’est pas une raison pour<br />

r<strong>en</strong>oncer à ce qu’ils ail<strong>le</strong>nt mieux !<br />

C’est pourquoi cet ouvrage n’a pas pour objectif<br />

de démontrer l’influ<strong>en</strong>ce néfaste <strong>des</strong> images sur la<br />

construction id<strong>en</strong>titaire <strong>des</strong> <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants . Nous l’avons<br />

déjà fait, notamm<strong>en</strong>t <strong>le</strong> 18 octobre 2007 – soit deux<br />

jours après <strong>le</strong> lancem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> France de la chaîne Baby<br />

– 5 –


First – lorsque nous avons installé sur notre site Internet<br />

une pétition contre la télévision pour <strong>le</strong>s moins de <strong>trois</strong><br />

ans <strong>en</strong> invoquant <strong>le</strong> fait que c’était un problème de santé<br />

publique 1 . Mais il ne faut pas trop att<strong>en</strong>dre, dans ce<br />

domaine, d’une modification <strong>des</strong> comportem<strong>en</strong>ts familiaux<br />

. La télévision est dev<strong>en</strong>ue <strong>en</strong> quelques années une<br />

nounou dont beaucoup de par<strong>en</strong>ts ne saurai<strong>en</strong>t plus se<br />

passer ! Notre but est plutôt de réfléchir à la possibilité<br />

de mettre <strong>en</strong> place <strong>des</strong> contre-feux .<br />

Mais quel <strong>le</strong>vier utiliser ? Le <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> nous a paru un<br />

outil particulièrem<strong>en</strong>t adapté . Il favorise <strong>en</strong> effet à la fois<br />

l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t corporel, la construction narrative et la<br />

capacité de faire semblant . Or c’est au croisem<strong>en</strong>t de<br />

ces <strong>trois</strong> facultés que peut s’<strong>en</strong>gager pour l’<strong>en</strong>fant un<br />

travail de symbolisation qui lui permette de dépasser<br />

<strong>le</strong>s microtraumatismes cumulatifs quotidi<strong>en</strong>s que lui<br />

impos<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s images, y compris cel<strong>le</strong>s <strong>des</strong> programmes<br />

qui lui sont soi-disant <strong>des</strong>tinés . Nous avons réfléchi aux<br />

différ<strong>en</strong>ts protoco<strong>le</strong>s possib<strong>le</strong>s de façon à obt<strong>en</strong>ir <strong>le</strong>s<br />

résultats <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>urs . Le Jeu <strong>des</strong> Trois Figures est <strong>le</strong><br />

résultat de ces recherches .<br />

1 . www .squigg<strong>le</strong> .be/tisseron . Cette pétition a reçu <strong>le</strong> souti<strong>en</strong> de près de<br />

30 000 usagers, du Col<strong>le</strong>ctif Interassociatif Enfance et Média (CIEM)<br />

et de la quasi totalité <strong>des</strong> associations de professionnels de la petite<br />

<strong>en</strong>fance . En France, nous avons <strong>en</strong>semb<strong>le</strong> obt<strong>en</strong>u du CSA et du ministère<br />

de la Santé que <strong>le</strong>s chaînes de télévision à <strong>des</strong>tination <strong>des</strong><br />

bébés comport<strong>en</strong>t un avertissem<strong>en</strong>t précisant que « regarder la télévision<br />

peut freiner <strong>le</strong> développem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants de moins de <strong>trois</strong><br />

ans, même lorsqu’il s’agit de chaînes qui s’adress<strong>en</strong>t spécifiquem<strong>en</strong>t<br />

à eux » .<br />

L’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t<br />

<strong>des</strong> corps<br />

Le <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> <strong>en</strong>gage <strong>le</strong> corps . Mais pourquoi est-ce<br />

nécessaire de l’<strong>en</strong>gager ? Parce que la réception <strong>des</strong><br />

images mobilise <strong>en</strong> profondeur <strong>le</strong> corps vécu <strong>des</strong> <strong>jeu</strong>nes<br />

<strong>en</strong>fants . C’est ce qu’a montré l’étude que nous avons<br />

réalisée <strong>en</strong>tre 1997 et 2000 à la demande <strong>des</strong> ministères<br />

de la Famil<strong>le</strong>, de la Culture et de l’Education nationa<strong>le</strong><br />

français 2 . Il s’agissait d’évaluer l’impact <strong>des</strong> images<br />

ayant un cont<strong>en</strong>u vio<strong>le</strong>nt sur <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants âgés de onze<br />

à treize ans, à la fois sur <strong>le</strong>ur subjectivité individuel<strong>le</strong> et<br />

<strong>le</strong>urs comportem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> situation de groupe . Nous avons<br />

été surpris de découvrir que la distinction <strong>en</strong>tre fiction et<br />

actualité n’avait pas d’importance pour eux et que seul<br />

importait <strong>le</strong> fait de se mettre, ou non, « à la place » <strong>des</strong><br />

protagonistes dont <strong>le</strong> corps était malm<strong>en</strong>é ou b<strong>le</strong>ssé .<br />

« Je me suis mis à sa place. »<br />

Les <strong>en</strong>fants s’intéress<strong>en</strong>t aux images pour autant<br />

qu’el<strong>le</strong>s mobilis<strong>en</strong>t <strong>le</strong>urs expéri<strong>en</strong>ces personnel<strong>le</strong>s du<br />

monde . Ils sont <strong>en</strong> cela semblab<strong>le</strong>s aux spectateurs<br />

adultes qui cherch<strong>en</strong>t <strong>des</strong> points de contact <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>ur<br />

vie et cel<strong>le</strong> <strong>des</strong> personnages qu’ils voi<strong>en</strong>t sur <strong>le</strong>s écrans 3 .<br />

Mais à la différ<strong>en</strong>ce de ceux-ci, <strong>le</strong>urs expéri<strong>en</strong>ces de la<br />

vie sont <strong>en</strong>core peu nombreuses et <strong>le</strong>s situations représ<strong>en</strong>tées<br />

souv<strong>en</strong>t sans rapport avec <strong>le</strong>ur propre vie . C’est<br />

pourquoi, chez <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants, la recherche <strong>des</strong> points de<br />

r<strong>en</strong>contre <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>ur propre vie et cel<strong>le</strong> <strong>des</strong> personnages<br />

<strong>des</strong> écrans s’organise ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t à partir <strong>des</strong> s<strong>en</strong>sations<br />

et du corps vécu .<br />

Leurs réponses aux questions <strong>des</strong> chercheurs révè<strong>le</strong>nt<br />

<strong>en</strong> effet deux sources principa<strong>le</strong>s à <strong>le</strong>ur malaise : <strong>le</strong><br />

2 . Ce rapport a fait l’objet d’un ouvrage : Enfants sous influ<strong>en</strong>ce. Les<br />

écrans r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t-ils <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes vio<strong>le</strong>nts ? Paris, Armand Colin, 2000 .<br />

3 . Fiske J ., Te<strong>le</strong>vision Culture, Londres, Methu<strong>en</strong>, 1987 .<br />

– 7 –


éveil du souv<strong>en</strong>ir d’événem<strong>en</strong>ts qu’ils ont eux-mêmes<br />

vécus (soit à travers <strong>le</strong>s actions prés<strong>en</strong>tées, soit à travers<br />

<strong>le</strong>s lieux qui <strong>en</strong> sont <strong>le</strong> théâtre) et la référ<strong>en</strong>ce au<br />

corps b<strong>le</strong>ssé ou agressé . Les séqu<strong>en</strong>ces <strong>le</strong>s plus fréquemm<strong>en</strong>t<br />

citées sont ainsi cel<strong>le</strong>s qui mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> scène<br />

une agression directe 4 . Chez l’<strong>en</strong>fant, c’est l’adhésion<br />

du corps qui constitue <strong>le</strong> plus fiab<strong>le</strong> <strong>des</strong> repères .<br />

« J’ai été choqué. »<br />

Cet impact <strong>des</strong> images sur <strong>le</strong> corps est souv<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>té<br />

comme un « choc » . Beaucoup d’<strong>en</strong>fants nous<br />

ont dit être « choqués » par <strong>le</strong>s images de la télévision,<br />

notamm<strong>en</strong>t cel<strong>le</strong>s d’actualités . Mais que signifie<br />

ce mot ? Quand <strong>le</strong> canadi<strong>en</strong> Hans Selye 5 a étudié <strong>le</strong><br />

« choc » <strong>en</strong> 1940, il a désigné par ce mot une réaction<br />

d’alarme et de mobilisation face à une agression ou à<br />

une m<strong>en</strong>ace . Pour ce physiologiste de formation, cette<br />

réponse était indissolub<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t psychologique et somatique,<br />

et comportait, selon la gravité, pâ<strong>le</strong>ur, spasmes<br />

viscéraux, tachycardie et hypert<strong>en</strong>sion artériel<strong>le</strong> . De<br />

tel<strong>le</strong>s réactions exist<strong>en</strong>t face aux images vio<strong>le</strong>ntes, mais<br />

<strong>le</strong>s aspects psychologiques du choc <strong>en</strong>visagés par<br />

Hans Selye sont plus intéressants pour notre propos .<br />

Pour l'auteur, <strong>le</strong> choc a <strong>en</strong> effet fondam<strong>en</strong>ta<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t pour<br />

but de faire face correctem<strong>en</strong>t à la situation affrontée,<br />

que ce soit par la lutte, la fuite ou toute autre réaction .<br />

Et, pour cela, il est à la fois focalisateur d’att<strong>en</strong>tion,<br />

mobilisateur d’énergie et incitateur à l’action . Or c’est<br />

bi<strong>en</strong> ce qui se passe chez <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui assist<strong>en</strong>t à<br />

<strong>des</strong> spectac<strong>le</strong>s vio<strong>le</strong>nts .<br />

Tout d’abord, la focalisation de l'att<strong>en</strong>tion <strong>le</strong>ur permet<br />

d’abandonner <strong>le</strong>urs préoccupations et <strong>le</strong>urs rêveries <strong>en</strong><br />

cours pour conc<strong>en</strong>trer toute <strong>le</strong>ur att<strong>en</strong>tion sur la situation<br />

à laquel<strong>le</strong> ils doiv<strong>en</strong>t faire face . Cet état d’esprit est<br />

<strong>en</strong> effet indisp<strong>en</strong>sab<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>ur permettre de détecter<br />

<strong>le</strong>s signaux nécessaires à la mobilisation de déf<strong>en</strong>ses<br />

4 . Dans notre recherche, il s’agissait d’une séqu<strong>en</strong>ce d’actualités montrant<br />

une séance de bizutage sadique chez <strong>le</strong>s Marines américains et<br />

d’une séqu<strong>en</strong>ce de <strong>des</strong>sin animé tirée de K<strong>en</strong> <strong>le</strong> survivant .<br />

5 . Selye H ., The Stress of Life, New York, Mac Graw Hill, 1956 .<br />

efficaces . Ensuite, <strong>le</strong> choc est mobilisateur <strong>des</strong> énergies<br />

<strong>en</strong> exacerbant <strong>le</strong>s capacités d’éveil, de raisonnem<strong>en</strong>t<br />

et de mémoire qui permett<strong>en</strong>t une évaluation adaptée<br />

de la situation . Enfin, <strong>le</strong> choc est incitateur d’action<br />

puisque la mobilisation <strong>des</strong> capacités permet l’élaboration<br />

et la mise <strong>en</strong> œuvre d’une solution adaptée . Une<br />

personne choquée est d’ail<strong>le</strong>urs <strong>en</strong> général animée par<br />

<strong>le</strong> besoin d’agir, et d’autres travaux ont montré que <strong>des</strong><br />

singes soumis à un choc important prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t moins<br />

de troub<strong>le</strong>s physiologiques lorsqu’ils ont la possibilité<br />

d’avoir une action sur celui-ci plutôt que d’y être seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

soumis passivem<strong>en</strong>t . Dans <strong>le</strong> choc, la personne<br />

t<strong>en</strong>te de mettre <strong>en</strong> œuvre <strong>le</strong> plus rapidem<strong>en</strong>t possib<strong>le</strong><br />

la solution qui lui paraît la meil<strong>le</strong>ure afin de l’exécuter<br />

jusqu’au bout .<br />

Quand <strong>le</strong>s images vio<strong>le</strong>ntes agiss<strong>en</strong>t comme un choc<br />

surmonté, nous avons du plaisir à <strong>le</strong>s regarder car nous<br />

éprouvons notre pouvoir de ne pas nous laisser submerger<br />

par el<strong>le</strong>s . Ce processus est parfois même constitué<br />

<strong>en</strong> rituel initiatique, comme on <strong>le</strong> voit chez <strong>des</strong> <strong>jeu</strong>nes<br />

qui s’impos<strong>en</strong>t de voir <strong>des</strong> images qui <strong>le</strong>s malmèn<strong>en</strong>t,<br />

pour se convaincre qu’ils sont « grands » . Sur la voie de<br />

surmonter <strong>le</strong> choc <strong>des</strong> images, <strong>le</strong> langage est évidemm<strong>en</strong>t<br />

un moy<strong>en</strong> privilégié . D’ail<strong>le</strong>urs, dans la recherche<br />

que nous avons m<strong>en</strong>ée, <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants confrontés à <strong>des</strong><br />

images vio<strong>le</strong>ntes par<strong>le</strong>nt beaucoup plus que ceux qui<br />

ont vu <strong>des</strong> images de cont<strong>en</strong>u anodin . C’est normal,<br />

ils t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t par là d’élaborer l’impact émotionnel qu’el<strong>le</strong>s<br />

ont eu sur eux 6 . Mais <strong>le</strong> langage n’est pas <strong>le</strong> seul moy<strong>en</strong><br />

dont l’<strong>en</strong>fant dispose .<br />

Surmonter <strong>le</strong> choc <strong>des</strong> images<br />

Les moy<strong>en</strong>s que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants utilis<strong>en</strong>t pour surmonter<br />

ce qui <strong>le</strong>s malmène sont <strong>le</strong>s mêmes lorsqu’il s’agit de<br />

réalité ou d’images, et ce sont éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s mêmes<br />

que chez <strong>le</strong>s adultes . Il <strong>en</strong> existe <strong>trois</strong> . Il s’agit d’abord<br />

<strong>des</strong> gestes, <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong> et <strong>des</strong> mimiques qui relèv<strong>en</strong>t<br />

6 . Enfants sous influ<strong>en</strong>ce. Les écrans r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t-ils <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes vio<strong>le</strong>nts ?<br />

(op. cit.) .<br />

– 8 – – 9 –


de la symbolisation s<strong>en</strong>sorimotrice . Ce sont <strong>en</strong>suite<br />

<strong>le</strong>s images fabriquées ou seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t imaginées (il<br />

s’agit <strong>des</strong> rêves et <strong>des</strong> petits scénarios intérieurs<br />

que nous nous construisons sans cesse) . Ce sont<br />

<strong>en</strong>fin <strong>le</strong>s mots parlés ou écrits . Le travail psychique<br />

<strong>en</strong>gagé dans la fabrication de chacune de ces formes<br />

de symbolisation n’est pas forcém<strong>en</strong>t volontaire et<br />

il est <strong>en</strong> grande partie inconsci<strong>en</strong>t . Mais, pour être<br />

correctem<strong>en</strong>t réalisé, il nécessite toujours la prés<strong>en</strong>ce<br />

d’un tiers .<br />

Comm<strong>en</strong>çons par <strong>le</strong>s mots . Les images vio<strong>le</strong>ntes stimu<strong>le</strong>nt<br />

la construction verba<strong>le</strong> chez la plupart <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants,<br />

même si el<strong>le</strong>s ne r<strong>en</strong>forc<strong>en</strong>t pas la capacité d’y parv<strong>en</strong>ir<br />

chez ceux qui ont <strong>des</strong> difficultés <strong>en</strong> ce domaine . En<br />

outre, dans la recherche que nous avons m<strong>en</strong>ée, <strong>le</strong>s<br />

<strong>en</strong>fants confrontés à <strong>des</strong> images vio<strong>le</strong>ntes et qui <strong>en</strong><br />

par<strong>le</strong>nt plus se révè<strong>le</strong>nt moins défaitistes que ceux qui<br />

<strong>en</strong> par<strong>le</strong>nt moins . C’est pourquoi nous avons fait l’hypothèse<br />

que l’effort pour construire du s<strong>en</strong>s par <strong>le</strong> langage<br />

serait une façon de lutter contre la m<strong>en</strong>ace dépressive<br />

suscitée par <strong>le</strong>s images vio<strong>le</strong>ntes .<br />

De la même façon que <strong>le</strong>s images vio<strong>le</strong>ntes incit<strong>en</strong>t<br />

plus souv<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants à par<strong>le</strong>r que <strong>le</strong>s images<br />

neutres, el<strong>le</strong>s stimu<strong>le</strong>nt aussi chez eux la construction<br />

de petits scénarios intérieurs dans <strong>le</strong>squels ils s’imagin<strong>en</strong>t<br />

accomplir <strong>le</strong>s mêmes actions que <strong>le</strong> héros, ou <strong>des</strong><br />

actions différ<strong>en</strong>tes .<br />

Enfin, <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants confrontés à <strong>des</strong> images vio<strong>le</strong>ntes<br />

prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong>, <strong>des</strong> mimiques et <strong>des</strong> gestes<br />

beaucoup plus nombreux que ceux qui ont été confrontés<br />

à <strong>des</strong> images neutres . Ces manifestations sont<br />

cohér<strong>en</strong>tes avec <strong>le</strong> discours verbal et ne prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />

pas de différ<strong>en</strong>ce, ni <strong>en</strong> int<strong>en</strong>sité ni <strong>en</strong> qualité, chez <strong>le</strong>s<br />

<strong>en</strong>fants qui par<strong>le</strong>nt <strong>le</strong> plus et ceux qui par<strong>le</strong>nt <strong>le</strong> moins .<br />

C’est pourquoi nous avons fait l’hypothèse que <strong>le</strong>s attitu<strong>des</strong><br />

et <strong>le</strong>s mimiques de l’<strong>en</strong>fant constitu<strong>en</strong>t pour lui<br />

une façon de gérer <strong>le</strong> stress émotionnel <strong>des</strong> images au<br />

même titre que <strong>le</strong> langage et <strong>le</strong>s petits scénarios intérieurs<br />

qu’il se construit .<br />

Les manifestations corporel<strong>le</strong>s ne s’oppos<strong>en</strong>t pas à<br />

la construction verba<strong>le</strong> du s<strong>en</strong>s, comme on <strong>le</strong> croit<br />

parfois, mais au contraire, el<strong>le</strong>s l’accompagn<strong>en</strong>t et la<br />

souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong> participant à un travail psychique de<br />

transformation, à la fois du cont<strong>en</strong>u <strong>des</strong> images et<br />

<strong>des</strong> états émotionnels provoqués par el<strong>le</strong>s . Il est donc<br />

ess<strong>en</strong>tiel, non seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t de ne pas empêcher ces manifestations,<br />

mais aussi de <strong>le</strong>s favoriser . C’est évidemm<strong>en</strong>t<br />

là que <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> va trouver sa légitimité . Mais pour<br />

compr<strong>en</strong>dre l’importance qu'il y a à <strong>le</strong> favoriser et à<br />

l’<strong>en</strong>cadrer, il nous faut <strong>en</strong>core évoquer ce qui se passe<br />

lorsque <strong>le</strong> travail de symbolisation du choc <strong>des</strong> images<br />

est impossib<strong>le</strong> . Car <strong>le</strong> plus préoccupant ne se voit pas,<br />

tout au moins pas tout de suite…<br />

Du stress au traumatisme et au clivage<br />

Si <strong>le</strong> mot de traumatisme concerne à la fois <strong>le</strong>s situations<br />

vécues <strong>en</strong> réalité et cel<strong>le</strong>s qui sont vécues <strong>en</strong> images,<br />

l’impact <strong>des</strong> unes et <strong>des</strong> autres est bi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>t ! Par<br />

exemp<strong>le</strong>, ce n’est pas du tout la même chose d’être<br />

violé pour de vrai et d’être bou<strong>le</strong>versé par une scène de<br />

viol vue au cinéma ou à la télévision . Si nous ne sommes<br />

pas capab<strong>le</strong>s de faire cette distinction, c’est grave parce<br />

que cela signifie que nous mélangeons deux formes de<br />

réalité qui n’ont ri<strong>en</strong> à voir l’une avec l’autre : la réalité<br />

physique et la réalité psychique . Quand <strong>le</strong> monde réel<br />

nous malmène, il impacte à la fois notre corps et nos<br />

émotions . Mais quand ce sont <strong>le</strong>s images, seu<strong>le</strong>s nos<br />

émotions sont impliquées et notre corps est touché<br />

seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t à travers el<strong>le</strong>s . Ce peut être très grave, mais<br />

ce n’est évidemm<strong>en</strong>t pas la même chose . Il est indisp<strong>en</strong>sab<strong>le</strong><br />

de p<strong>en</strong>ser <strong>en</strong> même temps ces deux aspects<br />

complém<strong>en</strong>taires . D’un côté, <strong>le</strong>s images ont un fort<br />

impact sur <strong>le</strong>s émotions, et indirectem<strong>en</strong>t sur <strong>le</strong> corps .<br />

Mais, d’un autre côté, cet impact n’est pas comparab<strong>le</strong><br />

à celui d’un événem<strong>en</strong>t surv<strong>en</strong>ant dans la réalité .<br />

Il y a pourtant un point commun . Dans <strong>le</strong>s deux cas, <strong>le</strong><br />

choc risque bi<strong>en</strong> de surv<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> deux temps . Le premier<br />

temps est l’événem<strong>en</strong>t traumatique lui-même . Il submerge<br />

– 10 – – 11 –


<strong>le</strong> sujet de s<strong>en</strong>sations, d’émotions, d’états du corps et<br />

de fantasmes tel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t inhabituels qu’il <strong>en</strong> est bou<strong>le</strong>versé<br />

. Mais à ce premier choc s’<strong>en</strong> ajoute souv<strong>en</strong>t un<br />

second . Fréquemm<strong>en</strong>t, la personne malm<strong>en</strong>ée n’a pas<br />

d’interlocuteur pour lui permettre de pr<strong>en</strong>dre du recul <strong>en</strong><br />

l’aidant à s’<strong>en</strong> donner <strong>des</strong> représ<strong>en</strong>tations . Pire <strong>en</strong>core .<br />

Plus <strong>le</strong> choc est grave, plus sa victime a besoin d’un<br />

interlocuteur… et moins el<strong>le</strong> a de chance d’<strong>en</strong> trouver<br />

un . Dans <strong>le</strong> cas <strong>des</strong> traumatismes d’images, c’est<br />

d’abord parce l’<strong>en</strong>fant malm<strong>en</strong>é par <strong>des</strong> images va<br />

hésiter à <strong>en</strong> par<strong>le</strong>r de peur de paraître trop s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong>, voir<br />

« bébé » . J’ai r<strong>en</strong>contré cette situation avec un garçon<br />

de quatre ans qui avait regardé Saw 3 avec son père . Il<br />

ne pouvait <strong>en</strong> par<strong>le</strong>r à personne parce qu’il p<strong>en</strong>sait que,<br />

si son père l’avait autorisé à regarder ce film avec lui,<br />

c’est qu’il devait être capab<strong>le</strong> de ne pas <strong>en</strong> être affecté,<br />

et il n’osait donc pas dire que c’était <strong>le</strong> cas de peur de<br />

passer pour une « petite nature » . L’autre difficulté r<strong>en</strong>contrée<br />

par l’<strong>en</strong>fant pour trouver un interlocuteur ti<strong>en</strong>t au<br />

fait que certaines images qu’il peut voir, notamm<strong>en</strong>t sur<br />

Internet, sont tel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t inimaginab<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s adultes<br />

qui l’<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t qu’il se heurte à <strong>le</strong>ur incrédulité aussitôt<br />

qu’il t<strong>en</strong>te d’<strong>en</strong> par<strong>le</strong>r .<br />

C’est pourquoi on peut dire que <strong>le</strong> traumatisme « frappe<br />

toujours deux fois », pour repr<strong>en</strong>dre <strong>le</strong> titre d’un célèbre<br />

film américain 7 . Il frappe la victime au mom<strong>en</strong>t de la<br />

catastrophe el<strong>le</strong>-même, puis au mom<strong>en</strong>t où el<strong>le</strong> ne<br />

trouve personne pour l’aider à dépasser ce premier<br />

choc .<br />

A défaut de trouver <strong>en</strong> lui-même ou dans son <strong>en</strong>tourage<br />

<strong>le</strong>s mots et <strong>le</strong>s représ<strong>en</strong>tations personnel<strong>le</strong>s qui lui permettrai<strong>en</strong>t<br />

de p<strong>en</strong>ser ce qu’il a vu et éprouvé, l’<strong>en</strong>fant a<br />

alors recours à une mesure d’urg<strong>en</strong>ce . Il <strong>en</strong>ferme dans<br />

une sorte de « vacuo<strong>le</strong> » – ou de « placard » – psychique<br />

tout ce qui n’a pas pu être symbolisé : <strong>des</strong> s<strong>en</strong>sations,<br />

<strong>des</strong> émotions, <strong>des</strong> états du corps, <strong>des</strong> représ<strong>en</strong>tations<br />

de soi et <strong>des</strong> autres, et tous <strong>le</strong>s fantasmes angoissants<br />

7 . Le facteur sonne toujours deux fois, film de Tay Garnett (02 mai 1946,<br />

USA ; 12 novembre 1947, France) . Il <strong>en</strong> existe un remake.<br />

qui lui sont v<strong>en</strong>us à l’esprit 8 . C’est ce qu’on appel<strong>le</strong> <strong>le</strong><br />

clivage . La télévision incite l’<strong>en</strong>fant à <strong>le</strong> mettre <strong>en</strong> place<br />

pour deux raisons . D’une part, nous l’avons vu, el<strong>le</strong><br />

sature la perception d’une manière qui permet rarem<strong>en</strong>t<br />

que <strong>le</strong> travail de mise <strong>en</strong> s<strong>en</strong>s personnel puisse s’opérer .<br />

Et d’autre part, el<strong>le</strong> impose <strong>des</strong> représ<strong>en</strong>tations agressives<br />

et sexuel<strong>le</strong>s qui court-circuit<strong>en</strong>t la mise <strong>en</strong> place<br />

du refou<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>des</strong> scénarios de même nature qui habit<strong>en</strong>t<br />

l’<strong>en</strong>fant . Comm<strong>en</strong>t pourrait-il repousser dans son<br />

inconsci<strong>en</strong>t <strong>des</strong> fantasmes vio<strong>le</strong>nts qui l’<strong>en</strong>combr<strong>en</strong>t à<br />

partir du mom<strong>en</strong>t où <strong>des</strong> images équiva<strong>le</strong>ntes lui sont<br />

constamm<strong>en</strong>t mises sous <strong>le</strong>s yeux par <strong>le</strong>s médias ?<br />

Trois conséqu<strong>en</strong>ces possib<strong>le</strong>s<br />

En pratique, qu’<strong>en</strong> résulte-t-il ? Trois situations sont<br />

possib<strong>le</strong>s .<br />

Tout d’abord, certains <strong>en</strong>fants sont t<strong>en</strong>tés d’utiliser <strong>le</strong>s<br />

repères <strong>des</strong> images pour résoudre <strong>le</strong>s problèmes de <strong>le</strong>ur<br />

vie quotidi<strong>en</strong>ne . Ce sont <strong>en</strong> règ<strong>le</strong> généra<strong>le</strong> <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants<br />

qui grandiss<strong>en</strong>t dans <strong>des</strong> famil<strong>le</strong>s où ils ne trouv<strong>en</strong>t pas<br />

de repères fiab<strong>le</strong>s et sécurisants, voire <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants marqués<br />

par <strong>des</strong> traumatismes réels 9 . Si un <strong>jeu</strong>ne agresse<br />

ou humilie sans raison ses camara<strong>des</strong>, c’est souv<strong>en</strong>t<br />

pour t<strong>en</strong>ter de se débarrasser sur une victime de la<br />

figure battue et humiliée qui l’habite . Sa vio<strong>le</strong>nce est<br />

d’abord une façon de se protéger contre <strong>le</strong> risque de<br />

s’id<strong>en</strong>tifier à une posture victimaire qui <strong>le</strong> terrifie parce<br />

qu’il l’a vécue dans la réalité sur un mode catastrophique<br />

. Il lui faut à tout prix <strong>en</strong> repousser l’év<strong>en</strong>tualité,<br />

et, pour cela, il rejette loin de lui tout ce qui pourrait,<br />

de près ou de loin, ressemb<strong>le</strong>r à de la passivité . C’est<br />

8 . Une tel<strong>le</strong> inclusion constitue une forme d’inconsci<strong>en</strong>t, mais différ<strong>en</strong>t<br />

de l’inconsci<strong>en</strong>t constitué par <strong>le</strong> refou<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t dans la théorie freudi<strong>en</strong>ne<br />

. Tout <strong>le</strong> refou<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t est inconsci<strong>en</strong>t, mais tout ce qui est inconsci<strong>en</strong>t<br />

ne relève pas forcém<strong>en</strong>t du refou<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t . Ici <strong>le</strong> mécanisme<br />

<strong>en</strong> <strong>jeu</strong> est <strong>le</strong> clivage . L’inconsci<strong>en</strong>t mis <strong>en</strong> <strong>jeu</strong> par <strong>le</strong> refou<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

concerne <strong>le</strong>s désirs sexuels culpabilisés, tandis que l’inconsci<strong>en</strong>t mis<br />

<strong>en</strong> <strong>jeu</strong> par l’inclusion psychique – qui est une forme de clivage partiel<br />

localisé – est de nature traumatique (Tisseron S ., (1996), Secrets de<br />

famil<strong>le</strong>, mode d’emploi, Paris, Marabout, 1997) .<br />

9 . Berger M ., Voulons-nous <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants barbares ? Prév<strong>en</strong>ir et traiter la<br />

vio<strong>le</strong>nce extrême, Paris, Dunod, 2008 .<br />

– 12 – – 13 –


comme s’il se disait : « La passivité, c’est la mort . Je ne<br />

suis vivant que de me révolter et de combattre, <strong>en</strong>core<br />

et toujours . » C’est pourquoi <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui ont été<br />

victimes de traumatismes ou de maltraitance, et qui<br />

se sont ori<strong>en</strong>tés vers <strong>des</strong> comportem<strong>en</strong>ts agressifs, ne<br />

sont s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong>s à aucune punition . Pire <strong>en</strong>core, cel<strong>le</strong>sci<br />

semb<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s inciter à toujours plus d’agressivité .<br />

C’est parce que, pour eux, il n’y a que deux postures<br />

possib<strong>le</strong>s, et deux seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t : d’un côté, l’agressif<br />

invincib<strong>le</strong> ; et de l’autre, la victime effondrée . Du coup,<br />

ils n’ont pas d’autre choix que d’essayer de paraître<br />

toujours plus forts et agressifs . Cette attitude <strong>le</strong>s conduit<br />

malheureusem<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t dans une spira<strong>le</strong> inferna<strong>le</strong> .<br />

Chaque punition <strong>le</strong>ur donne l’impression d’être humiliés<br />

et ils y réagiss<strong>en</strong>t avec arrogance, quand ce n’est pas<br />

avec agressivité . Bref, tout semb<strong>le</strong> mis <strong>en</strong> place pour<br />

un cerc<strong>le</strong> vicieux sans fin <strong>en</strong>chaînant <strong>des</strong> agressions<br />

de plus <strong>en</strong> plus graves avec <strong>des</strong> punitions toujours<br />

aussi inefficaces . En revanche, <strong>le</strong>s pédagogies axées<br />

sur la gratification sont souv<strong>en</strong>t efficaces avec eux . Ils<br />

y trouv<strong>en</strong>t la confirmation qu’ils ne sont pas du côté de<br />

ce qu’ils redout<strong>en</strong>t .<br />

Le problème est que de tel<strong>le</strong>s pédagogies contribu<strong>en</strong>t<br />

malheureusem<strong>en</strong>t aussi à banaliser la représ<strong>en</strong>tation<br />

de la vio<strong>le</strong>nce et év<strong>en</strong>tuel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t son accomplissem<strong>en</strong>t .<br />

D’autres <strong>en</strong>fants sont plutôt craintifs, passifs, et défaitistes<br />

. Eux aussi manqu<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t de repères familiaux<br />

rassurants, et ils viv<strong>en</strong>t l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t comme une<br />

source de frustrations plutôt que de satisfactions . Du<br />

coup, la vio<strong>le</strong>nce <strong>des</strong> écrans légitime <strong>le</strong>urs angoisses<br />

de persécution . Et plus tard, ils risqu<strong>en</strong>t de dev<strong>en</strong>ir <strong>des</strong><br />

adultes qui ne voi<strong>en</strong>t <strong>le</strong>ur salut que dans une autorité<br />

forte susceptib<strong>le</strong> de <strong>le</strong>s protéger . . .<br />

Enfin, il y a aussi <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants que <strong>le</strong>ur <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t a<br />

aidé à pr<strong>en</strong>dre du recul par rapport aux images et qui<br />

ont développé <strong>des</strong> réf<strong>le</strong>xes constructifs et réparateurs .<br />

Ils s’imagin<strong>en</strong>t médecins (de préfér<strong>en</strong>ce dans une ONG),<br />

diplomates, pompiers, secouristes, travail<strong>le</strong>urs sociaux<br />

ou psychologues . Ce sont <strong>le</strong>s « <strong>en</strong>fants Zorro », parmi<br />

– 14 –<br />

<strong>le</strong>squels se recruteront plus tard <strong>le</strong>s militants <strong>des</strong><br />

gran<strong>des</strong> causes humanitaires .<br />

Nous compr<strong>en</strong>ons mieux maint<strong>en</strong>ant pourquoi la moitié<br />

<strong>des</strong> étu<strong>des</strong> consacrées à l’impact <strong>des</strong> images vio<strong>le</strong>ntes<br />

chez <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes conclut qu’el<strong>le</strong>s n’ont aucun effet 10 ,<br />

alors que l’autre moitié conclut qu’el<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t plus<br />

vio<strong>le</strong>nts 11 . C’est qu’el<strong>le</strong>s ne pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong> compte<br />

<strong>le</strong>s mêmes <strong>en</strong>fants ! Mais nous voyons aussi l’erreur<br />

qu’il y aurait à p<strong>en</strong>ser l’influ<strong>en</strong>ce <strong>des</strong> images uniquem<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> termes de comportem<strong>en</strong>ts vio<strong>le</strong>nts . C’est la<br />

grande insuffisance de la plupart <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> nord-américaines<br />

12 . El<strong>le</strong>s n’<strong>en</strong>visag<strong>en</strong>t pas <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s mêmes<br />

images vio<strong>le</strong>ntes peuv<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>dre certains <strong>en</strong>fants plus<br />

vio<strong>le</strong>nts, d’autres plus insécurisés, et même r<strong>en</strong>forcer<br />

<strong>le</strong> désir de réduire la vio<strong>le</strong>nce chez ceux que <strong>le</strong>ur milieu<br />

familial ou <strong>le</strong>ur éducation incite à cette attitude . Or, si <strong>le</strong>s<br />

<strong>en</strong>fants de ce <strong>trois</strong>ième groupe ne pos<strong>en</strong>t évidemm<strong>en</strong>t<br />

pas de problème – sauf à considérer que se dévouer aux<br />

autres <strong>en</strong> soit un –, <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui s’id<strong>en</strong>tifi<strong>en</strong>t précocem<strong>en</strong>t<br />

à <strong>des</strong> victimes ne sont pas moins préoccupants<br />

que ceux qui ne semb<strong>le</strong>nt pouvoir se p<strong>en</strong>ser qu’<strong>en</strong><br />

position d’agresseurs .<br />

10 . Pour une rec<strong>en</strong>sion de ces étu<strong>des</strong>, voir Bermejo Berros J ., Génération<br />

télévision, la relation controversée de l’<strong>en</strong>fant à la télévision,<br />

Bruxel<strong>le</strong>s, De Boeck, 2007 .<br />

11 . Pour une rec<strong>en</strong>sion de ces étu<strong>des</strong>, voir Tremblay R ., . Prév<strong>en</strong>ir la<br />

vio<strong>le</strong>nce dès la petite <strong>en</strong>fance, Paris, Odi<strong>le</strong> Jacob, 2008 .<br />

12 . Notamm<strong>en</strong>t la célèbre étude de Johnson J . G . et alii, « Te<strong>le</strong>vision<br />

viewing and aggressive behaviour during ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce and adulthood<br />

», Sci<strong>en</strong>ce, 295, pp . 2468-2471, 2002 .


L’<strong>en</strong>fant empêché<br />

de jouer<br />

Depuis 1999, l’Académie américaine de Pédiatrie<br />

déconseil<strong>le</strong> de mettre <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants de moins de deux ans<br />

devant la télévision et demande que <strong>le</strong>s plus grands n’y<br />

soi<strong>en</strong>t pas exposés plus de deux heures par jour 13 . Et<br />

pour cause ! La télévision retarde <strong>le</strong> langage 14 , réduit la<br />

capacité d’att<strong>en</strong>tion et favorise <strong>le</strong> surpoids <strong>le</strong>s années<br />

suivantes 15 .<br />

Pourtant, jusqu’à cette année, <strong>le</strong>s chercheurs imaginai<strong>en</strong>t<br />

que ces effets s’estompai<strong>en</strong>t par la suite et que<br />

<strong>le</strong>s effets constatés à l’âge de <strong>trois</strong> ou quatre ans chez<br />

<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants gros consommateurs d’écran ne laissai<strong>en</strong>t<br />

pas de trace . Les impacts négatifs de l’exposition précoce<br />

à la télévision étai<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>sés disparaître avec <strong>le</strong><br />

temps . C’est cette illusion qu’une réc<strong>en</strong>te étude vi<strong>en</strong>t de<br />

mettre à mal 16 . Ces impacts persist<strong>en</strong>t au moins jusqu’à<br />

l’âge de dix ans et sont même mesurab<strong>le</strong>s . Des chercheurs<br />

québécois et américains ont <strong>en</strong> effet démontré<br />

qu’une exposition précoce <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants à la télévision, y<br />

compris aux programmes soi-disant conçus pour eux,<br />

<strong>le</strong>s prive d’appr<strong>en</strong>tissages fondam<strong>en</strong>taux et ont une<br />

incid<strong>en</strong>ce directe sur <strong>le</strong> type d’écoliers qu’ils devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t .<br />

Le suivi de 1314 petits Québécois à deux ans et demi,<br />

quatre ans et demi et dix ans, a permis de chiffrer <strong>le</strong>s<br />

pertes subies . L’étude confirme d’abord ce que d’autres<br />

recherches avai<strong>en</strong>t montré, à savoir que la forme physique<br />

est affectée à long terme . Au-delà de deux<br />

13 . American Academy of Pediatrics, « Media education », Pediatrics,<br />

104 (2 pt 1), pp . 341–343,1999 .<br />

14 . Zimmerman FJ, Christakis DA, « Childr<strong>en</strong>’s te<strong>le</strong>vision viewing and<br />

cognitive outcomes : a longitudinal analysis of national data », Arch .<br />

Pediatr . Ado<strong>le</strong>sc . Med ., 159 (7), pp . 619–625, 2005 .<br />

15 . Demison Barbara A ., Tara A . Erb and Paul L . J<strong>en</strong>kins, « Te<strong>le</strong>vision<br />

Viewing and Te<strong>le</strong>vision in Bedroom Associated With Overweigt<br />

Risk Among Low-Income Preschool Childr<strong>en</strong> », Pediatrics, 109,<br />

pp . 1028-1035, 2002 .<br />

16 . Pagani Linds S ., Archives of Pediatrics and Ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>t Medicine,<br />

164(5), pp . 425-431, 2010 .<br />

– 17 –


heures par jour, chaque heure de plus passée devant<br />

un téléviseur se traduit <strong>en</strong> effet à l’âge de dix ans par<br />

une diminution de 9% de l’activité physique généra<strong>le</strong>,<br />

une augm<strong>en</strong>tation de 10% du grignotage et de 5% de<br />

l’Indice de Masse Corporel<strong>le</strong> (IMC) qui mesure l’obésité<br />

. Au-delà de deux heures de télévision par jour, <strong>le</strong>s<br />

chercheurs ont éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t constaté <strong>des</strong> pertes durab<strong>le</strong>s<br />

dans <strong>le</strong> domaine <strong>des</strong> comportem<strong>en</strong>ts sociaux . Les<br />

bébés <strong>le</strong>s plus exposés à la télévision devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t « <strong>des</strong><br />

<strong>en</strong>fants moins autonomes, moins persévérants et moins<br />

habi<strong>le</strong>s socia<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t » . Plus précisém<strong>en</strong>t, pour chaque<br />

heure supplém<strong>en</strong>taire passée devant <strong>le</strong> petit écran par<br />

un <strong>en</strong>fant <strong>en</strong> bas âge, ils ont noté une diminution de<br />

7% de l’intérêt <strong>en</strong> classe à l’âge de dix ans, et de 6%<br />

sur <strong>le</strong>s capacités mathématiques . Aucun impact n’a <strong>en</strong><br />

revanche été noté sur <strong>le</strong>s facultés <strong>en</strong> <strong>le</strong>cture . Mais <strong>le</strong><br />

plus impressionnant est l’influ<strong>en</strong>ce de la consommation<br />

télévisuel<strong>le</strong> précoce sur la sociabilité . Chaque heure <strong>en</strong><br />

surplus s’est traduite plus tard par une augm<strong>en</strong>tation de<br />

10% du risque d’être constitué <strong>en</strong> victime ou <strong>en</strong> bouc<br />

émissaire par <strong>le</strong>s camara<strong>des</strong> de classe .<br />

Comm<strong>en</strong>t expliquer ces chiffres ? À notre avis parce que<br />

cette consommation se fait au détrim<strong>en</strong>t <strong>des</strong> activités de<br />

<strong>jeu</strong> et d’interaction qui sont fondam<strong>en</strong>ta<strong>le</strong>s à cet âge . Le<br />

danger principal <strong>des</strong> images, pour <strong>le</strong> tout-petit, consiste<br />

d’abord dans la réduction de son temps d’interaction<br />

et de <strong>jeu</strong> . Non seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t il est <strong>le</strong> plus souv<strong>en</strong>t face à<br />

l’écran, mais même lorsqu’il ne l’est pas, il reste malgré<br />

tout seul avec ses émotions . Et quand il semb<strong>le</strong> jouer<br />

dans une pièce où la télévision est allumée sans qu’il la<br />

regarde, ses pério<strong>des</strong> de <strong>jeu</strong> sont beaucoup plus courtes<br />

que si la télévision est éteinte 17 . Or <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> est à la fois un<br />

lieu privilégié de construction id<strong>en</strong>titaire et d’ancrage<br />

dans <strong>le</strong> réel . Bi<strong>en</strong> sûr, de nombreux autres élém<strong>en</strong>ts<br />

intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dans la construction psychique de l’<strong>en</strong>fant,<br />

mais il est impossib<strong>le</strong> de sous-estimer <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de la télévision<br />

quand on sait qu’<strong>en</strong> France, <strong>le</strong> temps moy<strong>en</strong> passé<br />

par un <strong>en</strong>fant devant un écran est de 3H24 par jour 18 .<br />

17 . Pempeck, Tiffany A ., Georgetown University, « The effects of background<br />

te<strong>le</strong>vision on the toy play behaviour of very young childr<strong>en</strong> »,<br />

Journal Child Dev ., 79 (4), pp . 1137-51, 2008 .<br />

18 . Source Médiamétrie, 2008 .<br />

D’ail<strong>le</strong>urs, beaucoup d’<strong>en</strong>fants semb<strong>le</strong>nt ne plus savoir<br />

jouer . Ils s’<strong>en</strong>nui<strong>en</strong>t dès qu’on éteint la télévision ou<br />

qu’on <strong>le</strong>ur retire <strong>le</strong>ur conso<strong>le</strong> de <strong>jeu</strong> . La faute à qui ?<br />

Ils n’ont pas appris à jouer parce qu’on ne <strong>le</strong>ur <strong>en</strong> a<br />

pas laissé <strong>le</strong> temps . Tous <strong>le</strong>s spécialistes de la petite<br />

<strong>en</strong>fance s’accord<strong>en</strong>t sur ce point : <strong>le</strong> bébé a besoin de<br />

temps pour jouer, ou plus précisém<strong>en</strong>t pour appr<strong>en</strong>dre<br />

à jouer . Les appr<strong>en</strong>tissages cruciaux à cet âge se<br />

font principa<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>en</strong> jouant et interagissant avec<br />

<strong>le</strong> monde . Et jouer demande <strong>des</strong> efforts . Il faut de la<br />

persistance, de l’autorégulation… exactem<strong>en</strong>t comme<br />

pour <strong>le</strong>s tâches intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>s . Car si l’<strong>en</strong>fant est naturel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

porté au <strong>jeu</strong>, cette capacité a besoin, comme<br />

beaucoup d’autres, d’être exploitée au bon mom<strong>en</strong>t<br />

pour se mettre <strong>en</strong> place correctem<strong>en</strong>t . Il y a un temps<br />

pour appr<strong>en</strong>dre à jouer, de la même façon qu’il y <strong>en</strong> a un<br />

pour appr<strong>en</strong>dre à marcher et un autre pour appr<strong>en</strong>dre à<br />

par<strong>le</strong>r . À défaut, <strong>le</strong>s capacités d’inv<strong>en</strong>tion, de création,<br />

d’humour et d’imagination risqu<strong>en</strong>t d’être durab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

réduites .<br />

La construction du <strong>jeu</strong><br />

Pour compr<strong>en</strong>dre l’importance du <strong>jeu</strong> chez l’<strong>en</strong>fant, rappelons<br />

brièvem<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t il se constitue . Winnicott<br />

distingue quatre épiso<strong>des</strong> successifs <strong>en</strong> relation avec <strong>le</strong><br />

processus de développem<strong>en</strong>t 19 .<br />

Dans un premier temps, <strong>le</strong> bébé ne distingue pas de<br />

lui-même <strong>le</strong>s objets qui l’<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t . C’est alors <strong>le</strong> rô<strong>le</strong><br />

de la mère de lui <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ter certains qui devi<strong>en</strong>dront<br />

privilégiés – à comm<strong>en</strong>cer par <strong>le</strong> sein ou <strong>le</strong> biberon – au<br />

mom<strong>en</strong>t où il est <strong>le</strong> plus susceptib<strong>le</strong> de <strong>le</strong>s accueillir<br />

dans son monde perceptif . C’est la fonction maternel<strong>le</strong><br />

de « prés<strong>en</strong>tation de l’objet », dont ce même auteur fait,<br />

avec <strong>le</strong> « handling » et <strong>le</strong> « holding », un <strong>des</strong> <strong>trois</strong> piliers<br />

de l’activité maternante à cet âge .<br />

Dans un second temps, l’objet est peu à peu objectivem<strong>en</strong>t<br />

perçu . Cela implique que la mère soit capab<strong>le</strong> d’être<br />

19 . Winnicott D .W . (1973), Jeu et réalité, Paris, Payot, 1978 .<br />

– 18 – – 19 –


impliquée dans un mouvem<strong>en</strong>t par <strong>le</strong>quel <strong>le</strong> bébé trouve<br />

ce qu’il désire au mom<strong>en</strong>t où il <strong>le</strong> désire, c'est-à-dire<br />

sans avoir besoin de l’att<strong>en</strong>dre trop longtemps . Si<br />

la mère est capab<strong>le</strong> de jouer ce rô<strong>le</strong>, <strong>le</strong> bébé vit une<br />

expéri<strong>en</strong>ce de contrô<strong>le</strong> magique de son <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />

qui participe à un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’omnipot<strong>en</strong>ce . Cette illusion<br />

est ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> à son développem<strong>en</strong>t ultérieur . El<strong>le</strong><br />

permet au bébé de pr<strong>en</strong>dre confiance dans <strong>le</strong> monde<br />

de façon à pouvoir r<strong>en</strong>oncer <strong>en</strong>suite à <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong>r<br />

absolum<strong>en</strong>t et à accepter de dép<strong>en</strong>dre d’un autre . Pour<br />

Winnicott, c’est là que <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> comm<strong>en</strong>ce : dans l’espace<br />

intermédiaire qui unit l’un à l’autre l’<strong>en</strong>fant et sa mère . Et<br />

il ajoute que cette r<strong>en</strong>contre de deux mon<strong>des</strong> – celui de<br />

la mère et celui de l’<strong>en</strong>fant – est ce qui r<strong>en</strong>d <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> particulièrem<strong>en</strong>t<br />

excitant . Bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> excite parce<br />

que <strong>le</strong>s instincts y sont à l’œuvre, mais aussi parce que<br />

<strong>le</strong> joueur y fait l’expéri<strong>en</strong>ce d’une r<strong>en</strong>contre magique : il<br />

lui est possib<strong>le</strong>, sous certaines conditions, de vivre l’illusion<br />

de contrô<strong>le</strong>r l’objet – la mère – ou d’être contrôlé<br />

par el<strong>le</strong> sans <strong>en</strong> être m<strong>en</strong>acé .<br />

Si l’<strong>en</strong>fant a pu correctem<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>oncer à l’illusion de<br />

toute-puissance, il accède, vers sa seconde année, à<br />

ce que Winnicott appel<strong>le</strong> la « capacité de jouer seul<br />

<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce de quelqu’un » . Il a alors développé une<br />

confiance dans <strong>le</strong> monde et une dép<strong>en</strong>dance à l’autre<br />

suffisantes pour imaginer que la personne proche de lui<br />

sera disponib<strong>le</strong> sans chercher à <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong>r au cas où<br />

il se tournerait vers el<strong>le</strong> . Il n’utilise pas forcém<strong>en</strong>t cette<br />

capacité – autrem<strong>en</strong>t dit, il ne dérange pas l’adulte –<br />

mais la prés<strong>en</strong>ce de celui-ci lui est ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> .<br />

L’<strong>en</strong>fant est alors prêt à développer <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> partagé . Il n’a<br />

plus besoin d’être dans un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’omnipot<strong>en</strong>ce<br />

pour accepter de jouer avec quelqu’un – c’est-à-dire,<br />

dans un premier temps, avec sa mère . Il accepte<br />

que son part<strong>en</strong>aire de <strong>jeu</strong> ait une part active dans la<br />

construction commune et il s’y adapte . La voie est<br />

tracée pour qu’un <strong>jeu</strong> <strong>en</strong> commun puisse s’instaurer au<br />

sein d’une relation .<br />

L’échec de la capacité de jouer<br />

Rev<strong>en</strong>ons à la seconde phase décrite par Winnicott,<br />

cel<strong>le</strong> où <strong>le</strong> bébé vit une illusion d’omnipot<strong>en</strong>ce . El<strong>le</strong><br />

est ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> développem<strong>en</strong>t de la capacité<br />

de jouer . Si el<strong>le</strong> n’est pas vécue de façon satisfaisante<br />

– par exemp<strong>le</strong> parce que la mère n’y est pas disponib<strong>le</strong><br />

– ou si el<strong>le</strong> est interrompue trop bruta<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t, <strong>le</strong><br />

danger est que l’<strong>en</strong>fant ne parvi<strong>en</strong>ne pas à construire<br />

une confiance suffisante dans <strong>le</strong> monde <strong>des</strong> relations<br />

réel<strong>le</strong>s . Il désespère de pouvoir dép<strong>en</strong>dre de quelqu’un<br />

dans la réalité sans se s<strong>en</strong>tir m<strong>en</strong>acé . Du coup, il ne sait<br />

pas jouer <strong>en</strong> acceptant d’<strong>en</strong>trer dans <strong>le</strong>s propositions de<br />

l’autre et que l’autre <strong>en</strong>tre dans <strong>le</strong>s si<strong>en</strong>nes, c’est-à-dire<br />

qu’il s’immisce dans son monde intérieur . Mais au delà<br />

de ce fait observab<strong>le</strong>, un tel <strong>en</strong>fant est m<strong>en</strong>acé par deux<br />

dangers : <strong>le</strong> premier est de t<strong>en</strong>ter de préserver dans<br />

<strong>le</strong> fantasme l’illusion de toute-puissance à laquel<strong>le</strong> il<br />

ne parvi<strong>en</strong>t pas à r<strong>en</strong>oncer, au risque de désinvestir <strong>le</strong><br />

monde réel ; et <strong>le</strong> second est d’essayer de la satisfaire<br />

<strong>en</strong> contrôlant et <strong>en</strong> manipulant ses interlocuteurs .<br />

Comm<strong>en</strong>çons par <strong>le</strong> premier de ces deux dangers, <strong>le</strong><br />

développem<strong>en</strong>t d’une activité fantasmatique coupée<br />

de la réalité . Pour compr<strong>en</strong>dre son <strong>en</strong><strong>jeu</strong>, il faut avoir<br />

à l’esprit que <strong>le</strong> fantasme est à la fois différ<strong>en</strong>t du <strong>jeu</strong><br />

et de l’imagination . Dans <strong>le</strong> <strong>jeu</strong>, on agit – jouer, c’est<br />

toujours faire –, mais dans <strong>le</strong> fantasme, on ne fait ri<strong>en</strong>,<br />

sauf « révasser » . Et <strong>en</strong> imagination, on construit <strong>des</strong><br />

représ<strong>en</strong>tations – textes, images, musiques . . . – qu’on<br />

peut partager avec d’autres, mais dans <strong>le</strong> fantasme, on<br />

ne partage ri<strong>en</strong> . Tout y est faci<strong>le</strong> et on y accomplit <strong>des</strong><br />

choses extraordinaires, mais tout s’y passe <strong>en</strong> p<strong>en</strong>sée<br />

sans aucune relation avec la vie réel<strong>le</strong> . Le fantasme<br />

pr<strong>en</strong>d du temps et de l’énergie, mais ne participe ni à la<br />

vie réel<strong>le</strong> ni à la vie imaginaire . Il est tota<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t dissociée<br />

à la fois de l’une et de l’autre . Son seul but est de t<strong>en</strong>ter<br />

de préserver dans la vie intérieure l’illusion d’omnipot<strong>en</strong>ce<br />

à laquel<strong>le</strong> l’<strong>en</strong>fant a dû r<strong>en</strong>oncer trop bruta<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

aux a<strong>le</strong>ntours de sa seconde année . Celui qui est dans<br />

cette situation organise donc sa vie <strong>en</strong> fuyant <strong>le</strong>s relations<br />

réel<strong>le</strong>s et <strong>en</strong> développant une vie fantasmatique<br />

– 20 – – 21 –


qui lui permet de « ne ri<strong>en</strong> faire » tout <strong>en</strong> ayant l’illusion<br />

que sa vie est toujours p<strong>le</strong>ine . Ce « ne ri<strong>en</strong> faire » peut<br />

être caché par la pratique de <strong>jeu</strong>x compulsifs et obsessionnels<br />

solitaires, comme <strong>des</strong> mots croisés, <strong>des</strong> « réussites<br />

» aux cartes ou certains <strong>jeu</strong>x vidéo .<br />

Le second danger qui guette celui qui n’a pas pu vivre<br />

correctem<strong>en</strong>t l’illusion de toute-puissance aux a<strong>le</strong>ntours<br />

de sa seconde année consiste dans <strong>le</strong> désir d’établir<br />

une tel<strong>le</strong> relation dans la réalité 20 . Les <strong>en</strong>fants qui sont<br />

dans cette situation se désespèr<strong>en</strong>t eux aussi de pouvoir<br />

dép<strong>en</strong>dre de quelqu’un sans <strong>en</strong> être m<strong>en</strong>acés, mais ils<br />

réagiss<strong>en</strong>t à cette détresse de façon différ<strong>en</strong>te . Ils ne<br />

désinvestiss<strong>en</strong>t pas <strong>le</strong> monde réel au profit d’une activité<br />

m<strong>en</strong>ta<strong>le</strong> dissociée, év<strong>en</strong>tuel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t sout<strong>en</strong>ue par une<br />

activité solitaire et stéréotypée . Ils t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t de vivre cette<br />

illusion dans la réalité <strong>en</strong> imposant <strong>le</strong>urs att<strong>en</strong>tes à ceux<br />

qui <strong>le</strong>s <strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t . Ces personnes partag<strong>en</strong>t un trait commun<br />

avec cel<strong>le</strong>s qui s’<strong>en</strong>ferm<strong>en</strong>t dans une vie fantasmatique<br />

coupée de <strong>le</strong>urs rêves et de <strong>le</strong>ur vie concrète : el<strong>le</strong>s<br />

ne sav<strong>en</strong>t pas jouer au s<strong>en</strong>s créatif et partagé du terme .<br />

El<strong>le</strong>s ne peuv<strong>en</strong>t pas accepter un recouvrem<strong>en</strong>t partiel<br />

de <strong>le</strong>ur monde intérieur avec celui de <strong>le</strong>ur interlocuteur,<br />

ni de lui faire confiance . Cela suscite chez el<strong>le</strong>s <strong>des</strong><br />

angoisses trop importantes pour être assumées .<br />

Pourtant, dans l’<strong>en</strong>fance, il est souv<strong>en</strong>t nécessaire de<br />

jouer pour établir une relation avec ses camara<strong>des</strong> .<br />

Ces <strong>en</strong>fants font alors semblant de jouer . Mais ils sont<br />

incapab<strong>le</strong>s d’apporter au <strong>jeu</strong> une contribution active .<br />

Pour que <strong>le</strong>s autres ne ress<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t pas que quelque<br />

chose <strong>le</strong>ur manque, ils peuv<strong>en</strong>t faire <strong>des</strong> efforts considérab<strong>le</strong>s<br />

pour « paraître » jouer . Mais ils s’adapt<strong>en</strong>t<br />

sur la base de la complaisance, <strong>en</strong> restant fondam<strong>en</strong>ta<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

abs<strong>en</strong>ts à <strong>le</strong>ur <strong>jeu</strong> . En fait, ils sont dans ces<br />

mom<strong>en</strong>ts-là dans un état m<strong>en</strong>tal dissocié . Ils s’observ<strong>en</strong>t<br />

et observ<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s autres . Quant à ceux qui rêv<strong>en</strong>t<br />

d’omnipot<strong>en</strong>ce, ils peuv<strong>en</strong>t faire semblant de jouer<br />

avec <strong>le</strong>s autres dans <strong>le</strong> but d’établir avec eux, dans un<br />

20 . Tisseron S, « Les effets de la télévision sur <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants : prév<strong>en</strong>tion<br />

de la vio<strong>le</strong>nce par <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> <strong>trois</strong> <strong>figures</strong> », Dev<strong>en</strong>ir, Volume<br />

22, Numéro 1, pp . 73-93, 2010 .<br />

second temps, une relation d’emprise qui <strong>le</strong>ur permette<br />

de vivre <strong>le</strong> s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’omnipot<strong>en</strong>ce qui <strong>le</strong>ur a fait<br />

défaut dans la petite <strong>en</strong>fance .<br />

L’impact de la télévision<br />

Rev<strong>en</strong>ons maint<strong>en</strong>ant à la télévision et à son impact sur<br />

<strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants . Bi<strong>en</strong> sûr, <strong>le</strong> temps passé par l’<strong>en</strong>fant<br />

à regarder la télévision n’est plus disponib<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> <strong>jeu</strong>,<br />

mais cet aspect « quantitatif » (plus de télévision éga<strong>le</strong><br />

moins de <strong>jeu</strong>) risque de cacher l’ess<strong>en</strong>tiel . L’<strong>en</strong>fant<br />

placé devant la télévision manque d’abord de temps et<br />

d’espace pour développer un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t normal d’omnipot<strong>en</strong>ce<br />

. Trop de choses imprévisib<strong>le</strong>s et non contrôlab<strong>le</strong>s<br />

se succèd<strong>en</strong>t sur l’écran . Le risque est alors que<br />

la détresse qu’il éprouve l’incite à développer <strong>le</strong>s deux<br />

réactions que nous avons évoquées . Soit il se retranche<br />

de la relation <strong>en</strong> cultivant un monde fantasmatique coupé<br />

de la réalité ; soit il t<strong>en</strong>te de contrô<strong>le</strong>r ses camara<strong>des</strong> et<br />

<strong>le</strong>s adultes qui l’<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t de façon omnipot<strong>en</strong>te . Au<br />

risque de dev<strong>en</strong>ir dans <strong>le</strong> premier cas un <strong>en</strong>fant victime<br />

qui subit tout parce que ce qui lui arrive dans la réalité lui<br />

paraît sans importance, et dans <strong>le</strong> second cas un <strong>en</strong>fant<br />

tyran incapab<strong>le</strong> d’accepter une punition .<br />

Mais la télévision a <strong>en</strong>core un autre impact . El<strong>le</strong><br />

n’<strong>en</strong>trave pas seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t la construction de l’illusion<br />

d’omnipot<strong>en</strong>ce ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> <strong>jeu</strong>ne âge . El<strong>le</strong> invite<br />

aussi <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants plus grands à construire <strong>le</strong>urs premiers<br />

repères <strong>en</strong> s’id<strong>en</strong>tifiant à celui <strong>des</strong> personnages qui<br />

<strong>le</strong>ur paraît <strong>le</strong> plus proche d’eux-mêmes par ses réactions<br />

. Et comme <strong>le</strong>s héros <strong>des</strong> programmes télévisés<br />

sont <strong>en</strong> général assez stéréotypés, l’<strong>en</strong>fant s’id<strong>en</strong>tifie<br />

fina<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t toujours à un même modè<strong>le</strong> qui exclut tous<br />

<strong>le</strong>s autres . Il est celui qui commande ou bi<strong>en</strong> celui qui<br />

est commandé, celui qui cherche ou bi<strong>en</strong> celui qui est<br />

cherché, ou <strong>en</strong>core celui qui frappe ou bi<strong>en</strong> celui qui<br />

est frappé . En s’id<strong>en</strong>tifiant toujours au même profil de<br />

héros, <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants cour<strong>en</strong>t alors <strong>le</strong> risque de r<strong>en</strong>forcer<br />

une id<strong>en</strong>tification aux dép<strong>en</strong>s de toutes <strong>le</strong>s autres . C’est<br />

ainsi qu’un <strong>en</strong>fant qui a t<strong>en</strong>dance à se percevoir plutôt<br />

– 22 – – 23 –


comme m<strong>en</strong>eur ou agressif sous l’effet de son milieu<br />

familial, sera incité à r<strong>en</strong>forcer ce rô<strong>le</strong> de manière à se<br />

rassurer face à un monde audiovisuel qui l’angoisse .<br />

Tandis que celui qui se s<strong>en</strong>t plutôt suiveur ou victime<br />

sous l’influ<strong>en</strong>ce de son milieu familial aura t<strong>en</strong>dance à se<br />

s<strong>en</strong>tir de plus <strong>en</strong> plus m<strong>en</strong>acé, avec <strong>le</strong> risque d’accepter<br />

d’év<strong>en</strong>tuel<strong>le</strong>s agressions comme une fatalité .<br />

Les <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t l’habitude de s’imaginer toujours<br />

dans <strong>le</strong> même rô<strong>le</strong> . Non seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t la consommation<br />

télévisuel<strong>le</strong> ne permet pas de développer la confiance <strong>en</strong><br />

soi et dans <strong>le</strong> monde, mais <strong>en</strong> plus, el<strong>le</strong> fige <strong>le</strong>s premières<br />

id<strong>en</strong>tifications proposées par <strong>le</strong> milieu familial . La boîte à<br />

outils <strong>des</strong> id<strong>en</strong>tifications précoces se réduit et <strong>le</strong>s possibilités<br />

du bricolage id<strong>en</strong>titaire s’appauvriss<strong>en</strong>t . Les <strong>en</strong>fants<br />

ont t<strong>en</strong>dance à s’<strong>en</strong>fermer dans <strong>des</strong> schémas m<strong>en</strong>taux<br />

rigi<strong>des</strong> où ils ne se perçoiv<strong>en</strong>t que dans un seul rô<strong>le</strong> : toujours<br />

agresseur, toujours victime ou toujours redresseur<br />

de torts 21 . Et <strong>le</strong> danger est qu’ils adopt<strong>en</strong>t systématiquem<strong>en</strong>t<br />

la même attitude dans la réalité . Ils s’<strong>en</strong>ferm<strong>en</strong>t alors<br />

dans la prison de comportem<strong>en</strong>ts qui s’autor<strong>en</strong>forc<strong>en</strong>t .<br />

Les modè<strong>le</strong>s internes opérants mis <strong>en</strong> place sous l’effet<br />

<strong>des</strong> premières interactions familia<strong>le</strong>s sont gelés . La capacité<br />

de se mettre à une autre place que la si<strong>en</strong>ne – autrem<strong>en</strong>t<br />

dit, la capacité d’empathie – est inhibée .<br />

Bi<strong>en</strong> sûr, ri<strong>en</strong> n’est joué à cinq ans – ni à soixante-dix<br />

non plus d’ail<strong>le</strong>urs ! – et avec <strong>le</strong> mouvem<strong>en</strong>t « Pas de<br />

0 de conduite », nous condamnons <strong>le</strong> discours actuel<br />

<strong>des</strong> pouvoirs publics qui ne par<strong>le</strong>nt que de « dépistage<br />

précoce » et de traitem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> « sujets à risque » . Mais<br />

cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir aux moy<strong>en</strong>s<br />

à mettre <strong>en</strong> œuvre pour remédier aux vio<strong>le</strong>nces qui<br />

règn<strong>en</strong>t dans <strong>le</strong> monde scolaire, sans jamais oublier que<br />

<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui s’id<strong>en</strong>tifi<strong>en</strong>t exclusivem<strong>en</strong>t aux victimes<br />

ne sont pas moins préoccupants que ceux qui s’id<strong>en</strong>tifi<strong>en</strong>t<br />

précocem<strong>en</strong>t aux agresseurs . Il faut permettre aux<br />

uns et aux autres d’évoluer, sans stigmatiser personne .<br />

21 . Un docum<strong>en</strong>t audiovisuel existe sur cette méthode . Il est consultab<strong>le</strong><br />

gratuitem<strong>en</strong>t : « Aïe ! Mets-toi à ma place », La prév<strong>en</strong>tion de la<br />

vio<strong>le</strong>nce à l’éco<strong>le</strong> maternel<strong>le</strong>, docum<strong>en</strong>taire de 26 minutes de Philippe<br />

Meyrieu, www .capcanal .com .<br />

Réappr<strong>en</strong>dre <strong>le</strong> <strong>jeu</strong><br />

On peut rêver d’une campagne d’information à <strong>des</strong>tination<br />

<strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts et <strong>des</strong> pédagogues pour limiter la<br />

consommation d’écrans par <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants . L’Institut<br />

national pour l’Education et la Santé – INPES – pourrait<br />

même <strong>en</strong> être l’instigateur . Mais la télévision est bi<strong>en</strong><br />

installée dans <strong>le</strong>s foyers… C’est pourquoi il est ess<strong>en</strong>tiel,<br />

parallè<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t, de redonner aux <strong>en</strong>fants <strong>le</strong> s<strong>en</strong>s et <strong>le</strong> goût<br />

du <strong>jeu</strong>, et cela aussi bi<strong>en</strong> pour ceux qui ont t<strong>en</strong>dance à<br />

se réfugier dans un monde fantasmatique dissocié de<br />

<strong>le</strong>ur vie réel<strong>le</strong> que pour ceux qui t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t constamm<strong>en</strong>t<br />

d’établir une relation d’emprise sur <strong>le</strong>urs camara<strong>des</strong> .<br />

D’autant plus que ceux qui apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t au premier<br />

groupe ont une tel<strong>le</strong> prop<strong>en</strong>sion à p<strong>en</strong>ser que ce qui <strong>le</strong>ur<br />

arrive n’a pas d’importance qu’ils se laiss<strong>en</strong>t faci<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

agresser, humilier et fina<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t assujettir par ceux du<br />

second groupe sans réagir . Leur activité fantasmatique<br />

dissociée <strong>le</strong>ur donne l’illusion de pouvoir tout vivre sans<br />

<strong>en</strong> être affecté pour de vrai .<br />

S’agit-il pour autant de vouloir instaurer avec ces<br />

<strong>en</strong>fants un <strong>jeu</strong> qui ait une va<strong>le</strong>ur thérapeutique ? Bi<strong>en</strong><br />

sûr que non ! La thérapie s’attache à écarter <strong>le</strong>s obstac<strong>le</strong>s<br />

particuliers à chaque <strong>en</strong>fant et qui <strong>en</strong>trav<strong>en</strong>t son<br />

développem<strong>en</strong>t . L’activité que nous proposons a un<br />

objectif différ<strong>en</strong>t : permettre à tous <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants de vivre<br />

<strong>des</strong> expéri<strong>en</strong>ces d’<strong>en</strong>richissem<strong>en</strong>t mutuel par chevauchem<strong>en</strong>t<br />

de <strong>le</strong>urs aires de <strong>jeu</strong> respectives . Et t<strong>en</strong>ter, pour<br />

ceux chez <strong>le</strong>squels la capacité de <strong>jeu</strong> n’est pas installée,<br />

de pouvoir <strong>en</strong>visager de <strong>le</strong> faire . Bref, nous avons<br />

réfléchi aux moy<strong>en</strong>s de r<strong>en</strong>dre aux <strong>en</strong>fants <strong>le</strong> temps et<br />

<strong>le</strong> goût du <strong>jeu</strong> structurant, celui qui invite à construire<br />

une situation narrative et à s’imaginer occuper successivem<strong>en</strong>t<br />

plusieurs places . Pour cela, nous avons mis<br />

au point, puis expérim<strong>en</strong>té avec succès p<strong>en</strong>dant une<br />

année, un protoco<strong>le</strong> de <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> susceptib<strong>le</strong> d’être<br />

pratiqué par <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants <strong>des</strong> <strong>classes</strong> maternel<strong>le</strong>s<br />

après une formation de <strong>trois</strong> journées réparties sur l’année<br />

. Sa nécessité s’est imposée à nous comme la seu<strong>le</strong><br />

alternative au plan de prév<strong>en</strong>tion de la vio<strong>le</strong>nce précoce<br />

proposé par l’INSERM <strong>en</strong> 2007, une sorte de « Plan B<br />

– 24 – – 25 –


<strong>des</strong> Maternel<strong>le</strong>s » . À la politique de dépistage et de prise<br />

<strong>en</strong> charge individualisée <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants supposés à risque,<br />

nous voulions <strong>en</strong> opposer une autre : non plus repérer<br />

certains d’<strong>en</strong>tre eux, mais <strong>le</strong>s aider tous . Nous avons<br />

fina<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t appelé ce protoco<strong>le</strong> <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures<br />

par allusion aux <strong>trois</strong> personnages prés<strong>en</strong>ts dans la<br />

plupart <strong>des</strong> histoires regardées et racontées par <strong>le</strong>s<br />

<strong>en</strong>fants : l’agresseur, la victime et <strong>le</strong> redresseur de torts .<br />

Ce <strong>jeu</strong> a lieu une fois par semaine, plutôt <strong>en</strong> début<br />

d’après-midi – il s’agit d’un mom<strong>en</strong>t moins propice aux<br />

appr<strong>en</strong>tissages proprem<strong>en</strong>t dits –, p<strong>en</strong>dant une petite<br />

heure, idéa<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t par demi classe pour que <strong>le</strong> nombre<br />

d’<strong>en</strong>fants ne soit pas trop important . Cette dernière<br />

condition est évidemm<strong>en</strong>t considérab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t facilitée<br />

quand deux <strong>en</strong>seignants d’un même établissem<strong>en</strong>t ont<br />

chacun suivi la formation et sont d’accord pour avoir,<br />

une fois par semaine, p<strong>en</strong>dant une heure, une classe<br />

et demie afin de permettre à <strong>le</strong>ur collègue de n’<strong>en</strong> avoir<br />

qu’une demie .<br />

Enfin, <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures est plus faci<strong>le</strong> à mettre<br />

<strong>en</strong> place <strong>en</strong> grande section du fait de la maturité <strong>des</strong><br />

<strong>en</strong>fants, mais il peut l’être aussi <strong>en</strong> moy<strong>en</strong>ne section . Il<br />

est <strong>en</strong> revanche impossib<strong>le</strong> <strong>en</strong> petite section du fait de<br />

la grande difficulté où sont <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants de construire une<br />

histoire et de mémoriser <strong>des</strong> dialogues . Bi<strong>en</strong> qu’il ait<br />

été conçu pour être pratiqué par <strong>des</strong> <strong>en</strong>seignants <strong>des</strong><br />

Maternel<strong>le</strong>s, il peut aussi être utilisé par <strong>des</strong> éducateurs<br />

de <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants . Il a éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t été utilisé avec succès<br />

dans <strong>des</strong> <strong>classes</strong> de CP . Au-delà, il semb<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s<br />

contraintes scolaires ne soi<strong>en</strong>t plus compatib<strong>le</strong>s avec<br />

l’organisation, par l’<strong>en</strong>seignant lui-même, du Jeu <strong>des</strong><br />

Trois Figures . Tous <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> revanche<br />

continuer à <strong>en</strong> bénéficier, à condition qu’il soit pratiqué<br />

par un animateur spécia<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t formé et au cours d'une<br />

tranche horaire distincte de la vie scolaire .<br />

La pratique du Jeu <strong>des</strong><br />

Trois Figures <strong>en</strong> classe<br />

maternel<strong>le</strong><br />

L’organisation d’une séance du Jeu <strong>des</strong> Trois Figures<br />

comporte plusieurs mom<strong>en</strong>ts successifs qu’il convi<strong>en</strong>t<br />

de respecter absolum<strong>en</strong>t . Ce sont : <strong>le</strong> rappel <strong>des</strong><br />

consignes de <strong>jeu</strong>, la construction de l’histoire – nous<br />

préférons ce mot à celui de scénario, diffici<strong>le</strong> à compr<strong>en</strong>dre<br />

pour <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants –, la mise <strong>en</strong> place <strong>des</strong> actions<br />

et <strong>des</strong> dialogues, <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> proprem<strong>en</strong>t dit qui est évidemm<strong>en</strong>t<br />

<strong>le</strong> cœur du dispositif, une év<strong>en</strong>tuel<strong>le</strong> régulation<br />

intermédiaire proposée par l’<strong>en</strong>seignant, et <strong>en</strong>fin la<br />

gratification <strong>des</strong> interv<strong>en</strong>ants .<br />

Sept consignes pour sept mom<strong>en</strong>ts<br />

Premier mom<strong>en</strong>t : « On va jouer comme au<br />

théâtre… »<br />

L’<strong>en</strong>seignant évoque <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> théâtral et fixe <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s . Il<br />

devra <strong>le</strong> faire à chaque nouvel<strong>le</strong> séance de <strong>jeu</strong>, jusqu’à<br />

ce qu’el<strong>le</strong>s soi<strong>en</strong>t parfaitem<strong>en</strong>t intériorisées par <strong>le</strong>s<br />

<strong>en</strong>fants . « On fait comme au théâtre, c’est-à-dire qu’on<br />

fait semblant de se frapper, de s’embrasser ou de se<br />

battre . » « On évite de se toucher et on ne se fait pas<br />

mal . » « On peut faire semblant d’être une fil<strong>le</strong> quand<br />

on est un garçon et on peut faire semblant d’être un<br />

garçon quand on est une fil<strong>le</strong> . »<br />

Second mom<strong>en</strong>t : « Est-ce qu’il y a <strong>des</strong> images<br />

que vous avez vues, et dont vous avez <strong>en</strong>vie<br />

de par<strong>le</strong>r ? »<br />

Il semb<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t davantage dans<br />

<strong>le</strong>s situations naturel<strong>le</strong>s qui se produis<strong>en</strong>t <strong>en</strong> classe et<br />

où <strong>des</strong> émotions int<strong>en</strong>ses sont mobilisées, que dans <strong>le</strong>s<br />

situations fictives où on <strong>le</strong>s place 22 . Il est donc préférab<strong>le</strong><br />

22 . Voir Giampino S ., Vidal C ., Nos <strong>en</strong>fants sous haute surveillance, Paris,<br />

Albin Michel, 2009 .<br />

– 27 –


que <strong>le</strong>s histoires proposées au <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> ai<strong>en</strong>t un point<br />

de départ dans la réalité vécue par <strong>le</strong>s élèves . Le problème<br />

est qu’aussitôt qu’on aborde <strong>le</strong>s vio<strong>le</strong>nces et <strong>le</strong>s<br />

humiliations, on risque de provoquer chez <strong>le</strong>s victimes<br />

<strong>des</strong> réactions de honte et d’inhibition . C’est pourquoi<br />

nous avons fait <strong>le</strong> choix de proposer aux <strong>en</strong>fants de<br />

partir de situations qu’ils ont vécues, mais par procuration,<br />

c’est-à-dire de situations d’images . Le propre <strong>des</strong><br />

images est <strong>en</strong> effet de mobiliser <strong>des</strong> charges s<strong>en</strong>soriel<strong>le</strong>s<br />

et émotionnel<strong>le</strong>s semblab<strong>le</strong>s à cel<strong>le</strong>s de la « vraie vie »,<br />

mais <strong>en</strong> bénéficiant du pare-excitation de l’écran 23 , et <strong>en</strong><br />

même temps avec la possibilité de s’id<strong>en</strong>tifier à plusieurs<br />

rô<strong>le</strong>s . Or c’est exactem<strong>en</strong>t ce qui est recherché . En<br />

outre, ce recours au paysage audiovisuel est largem<strong>en</strong>t<br />

justifié par <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants y font allusion même<br />

si on ne <strong>le</strong> <strong>le</strong>ur propose pas . Enfin, inviter <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants à<br />

partir <strong>des</strong> images qu’ils ont vues a un dernier avantage :<br />

c’est celui d’éviter qu’ils abord<strong>en</strong>t <strong>des</strong> situations de <strong>le</strong>ur<br />

vie familia<strong>le</strong> dont l’évocation publique, dans <strong>le</strong> cadre<br />

scolaire, contribuerait à brouil<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s repères et à embarrasser<br />

autant <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants .<br />

Troisième mom<strong>en</strong>t : « On va inv<strong>en</strong>ter une petite<br />

histoire <strong>en</strong>semb<strong>le</strong>. »<br />

Le point de départ peut concerner un <strong>des</strong>sin animé, une<br />

série américaine, un long métrage passé <strong>en</strong> prime time,<br />

un DVD regardé <strong>en</strong> famil<strong>le</strong> ou <strong>en</strong>core une séqu<strong>en</strong>ce <strong>des</strong><br />

actualités télévisées . Car <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants regard<strong>en</strong>t beaucoup<br />

de programmes qui ne <strong>le</strong>ur sont pas spécia<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

<strong>des</strong>tinés !<br />

Lorsque <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants propos<strong>en</strong>t trop de sujets différ<strong>en</strong>ts,<br />

l’<strong>en</strong>seignant <strong>le</strong>s fait voter . Lorsque l’histoire est trop longue,<br />

il <strong>le</strong>ur dit : « Dans cette histoire, quel<strong>le</strong> est l’action<br />

simp<strong>le</strong> que vous avez <strong>le</strong> plus <strong>en</strong>vie de jouer ? »<br />

Et lorsque <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants se bloqu<strong>en</strong>t sur une scène ou<br />

une situation sans pouvoir imaginer une histoire, l’<strong>en</strong>seignant<br />

peut <strong>le</strong>s aider <strong>en</strong> <strong>le</strong>ur demandant « Qu’est-ce<br />

qui pourrait se passer après ? » ou : « Qu’est-ce qui<br />

aurait pu se passer avant ? » Il peut aussi s’appuyer<br />

23 . Tisseron S ., Y a-t-il un pilote dans l’image ? Paris, Aubier, 1997 .<br />

sur <strong>le</strong>s quatre questions traditionnel<strong>le</strong>s : « Où ? Quand ?<br />

Comm<strong>en</strong>t ? Pourquoi ? »<br />

De façon généra<strong>le</strong>, l’<strong>en</strong>seignant doit influ<strong>en</strong>cer <strong>le</strong> moins<br />

possib<strong>le</strong> <strong>le</strong> thème choisi et <strong>le</strong>s actions évoquées . Son<br />

rô<strong>le</strong> à ce stade est de s’assurer que l’histoire puisse être<br />

jouée, c’est-à-dire qu’el<strong>le</strong> ne soit pas trop longue et que<br />

sa narration soit cohér<strong>en</strong>te . Quand l’histoire proposée<br />

n’est pas mora<strong>le</strong> (par exemp<strong>le</strong> un bandit qui tue, vo<strong>le</strong> et<br />

s’<strong>en</strong>fuit), l’<strong>en</strong>seignant doit s’<strong>en</strong> étonner, poser <strong>des</strong> questions<br />

(« Et la police ne fait ri<strong>en</strong> ? »), mais ne pas imposer<br />

de modification . Il y a un mom<strong>en</strong>t où <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants ont<br />

besoin de cette liberté pour s’approprier l’espace du <strong>jeu</strong> .<br />

Ce mom<strong>en</strong>t stimu<strong>le</strong> évidemm<strong>en</strong>t la capacité d’expression<br />

ora<strong>le</strong> <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants et <strong>le</strong>ur socialisation puisque<br />

chacun intervi<strong>en</strong>t à son tour, après avoir <strong>le</strong>vé <strong>le</strong> doigt<br />

et écouté <strong>le</strong>s propositions <strong>des</strong> autres . Mais il stimu<strong>le</strong><br />

éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t l’imagination puisque la séqu<strong>en</strong>ce d’image<br />

télévisuel<strong>le</strong> n’est qu’un point de départ qu’ils peuv<strong>en</strong>t,<br />

<strong>en</strong>semb<strong>le</strong>, faire évoluer comme bon <strong>le</strong>ur semb<strong>le</strong> .<br />

Il ne s’agit pas de jouer ce qui a été vu, mais de<br />

construire <strong>en</strong>semb<strong>le</strong> une histoire à partir d’une expéri<strong>en</strong>ce<br />

d’images partagée par plusieurs <strong>en</strong>fants . C’est<br />

pourquoi, quand un <strong>en</strong>fant dit avoir vu quelque chose à<br />

la télévision, peu importe qu’il l’ait vu ou imaginé : seul<br />

compte <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s autres <strong>en</strong>fants p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t, ou non,<br />

que c’est un point de départ pour l’histoire .<br />

Quatrième mom<strong>en</strong>t : mise <strong>en</strong> place <strong>des</strong> actions et<br />

<strong>des</strong> dialogues<br />

Il est impératif que l’histoire que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants ont construite<br />

comporte la désignation <strong>des</strong> actions à accomplir et <strong>des</strong><br />

paro<strong>le</strong>s qui <strong>le</strong>s accompagn<strong>en</strong>t .<br />

Exemp<strong>le</strong> 1<br />

L’histoire proposée par <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants est la suivante : « Un<br />

bébé dinosaure est attaqué par un crocodi<strong>le</strong>, puis sauvé<br />

par un dinosaure adulte qui lui vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> aide. »<br />

Les actions sont précisées : <strong>le</strong> bébé dinosaure marche<br />

sur <strong>des</strong> pierres pour traverser une rivière, l’une d’<strong>en</strong>tre<br />

– 28 – – 29 –


el<strong>le</strong>s est un crocodi<strong>le</strong> qui m<strong>en</strong>ace de <strong>le</strong> manger, mais<br />

un dinosaure adulte <strong>le</strong> soulève du sol avec sa bouche<br />

et <strong>le</strong> sauve.<br />

Les textes sont précisés de la façon suivante. Le crocodi<strong>le</strong><br />

dirait : « Je vais te manger. » Le bébé dinosaure<br />

dirait : « À l’aide ! » Le dinosaure adulte dirait : « N’aie<br />

pas peur, je vais te sauver. »<br />

Exemp<strong>le</strong> 2<br />

Les élèves propos<strong>en</strong>t de jouer une agression au collège<br />

<strong>en</strong> référ<strong>en</strong>ce à une séqu<strong>en</strong>ce vue au journal télévisé.<br />

L’histoire est précisée de la façon suivante : un élève<br />

donne un coup de couteau dans <strong>le</strong> v<strong>en</strong>tre d’un autre<br />

élève et un <strong>trois</strong>ième vi<strong>en</strong>t lui porter secours. Puis <strong>le</strong>s<br />

actions et <strong>le</strong>s dialogues sont précisés comme ceci.<br />

L’agresseur dirait : « Je vais te donner un coup de<br />

couteau. » La victime dirait : « Aïe, aïe, aïe, j’ai mal au<br />

v<strong>en</strong>tre ! » Le sauveteur dirait : « Oh là, là, qui a fait cela ?<br />

Ne t’inquiète pas, je vais t’aider. »<br />

L’utilisation du conditionnel à ce stade est très importante<br />

. Il crée un temps de la fiction distinct du réel . Il<br />

est d’autant plus important aujourd’hui que beaucoup<br />

d’<strong>en</strong>fants accèd<strong>en</strong>t précocem<strong>en</strong>t à <strong>des</strong> <strong>jeu</strong>x vidéo qui<br />

effac<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s distinctions <strong>en</strong>tre passé, prés<strong>en</strong>t et av<strong>en</strong>ir,<br />

et <strong>en</strong>tre indicatif et conditionnel .<br />

Dans tous <strong>le</strong>s cas, aucun rô<strong>le</strong> ne doit être muet, et certainem<strong>en</strong>t<br />

pas ceux de la victime et de l’agresseur ! Nous<br />

ne nous r<strong>en</strong>dons <strong>en</strong> effet pas compte dans quel état<br />

clivé se trouv<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> situations d’agresseur<br />

ou de victime : ils inflig<strong>en</strong>t ou subiss<strong>en</strong>t <strong>des</strong> vio<strong>le</strong>nces<br />

sans ri<strong>en</strong> pouvoir <strong>en</strong> dire . Dans son roman Voyage au<br />

bout de la nuit, Céline évoque l’histoire d’une fil<strong>le</strong>tte de<br />

dix ans que sa mère attache pour la battre alors qu’el<strong>le</strong><br />

n’a ri<strong>en</strong> fait de mal, tout <strong>en</strong> accompagnant ses coups<br />

de comm<strong>en</strong>taires et d’insultes . La fil<strong>le</strong>tte crie alors :<br />

« Tape, maman, tape, mais tais-toi, surtout, tais-toi . »<br />

Subir la vio<strong>le</strong>nce est plus faci<strong>le</strong> quand l’esprit peut<br />

s’évader du corps, et il <strong>le</strong> peut d’autant mieux qu’aucun<br />

mot n’accompagne <strong>le</strong>s coups . L’oubli <strong>des</strong> mom<strong>en</strong>ts de<br />

vio<strong>le</strong>nce subie est aussi plus faci<strong>le</strong>… C’est pourquoi l’un<br />

<strong>des</strong> moy<strong>en</strong>s principaux de lutter contre la vio<strong>le</strong>nce est<br />

que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à la par<strong>le</strong>r . Cela ne r<strong>en</strong>dra<br />

peut-être pas <strong>le</strong>s agresseurs plus loquaces au mom<strong>en</strong>t<br />

de <strong>le</strong>urs agressions, mais <strong>le</strong>s agressés auront plus de<br />

facilité pour s’<strong>en</strong> plaindre, et c’est déjà considérab<strong>le</strong> !<br />

Et qu’on ne me dise pas que <strong>le</strong> problème ne se pose<br />

pas <strong>en</strong> classe maternel<strong>le</strong> . À quatre ans, il existe déjà<br />

<strong>des</strong> ban<strong>des</strong>, <strong>des</strong> caïds et <strong>des</strong> boucs émissaires . Un<br />

<strong>en</strong>fant <strong>en</strong> harcè<strong>le</strong> un autre, puis lui promet de <strong>le</strong> laisser<br />

tranquil<strong>le</strong> s’il l’aide à <strong>en</strong> attaquer un <strong>trois</strong>ième… qui se<br />

voit à son tour proposer de rejoindre la « bande » pour<br />

prix de sa tranquillité . Ce phénomène est incontestab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

amplifié aujourd’hui par de nombreux feuil<strong>le</strong>tons<br />

télévisuels qui mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> scène la même logique, et<br />

que <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants regard<strong>en</strong>t, bi<strong>en</strong> qu’ils ne soi<strong>en</strong>t<br />

évidemm<strong>en</strong>t pas conçus pour eux . Les petits caïds sont<br />

parfois découverts par <strong>le</strong>s maîtresses à l’occasion du<br />

Jeu <strong>des</strong> Trois Figures . C’est lorsqu’à l’occasion d’un<br />

changem<strong>en</strong>t de rô<strong>le</strong>, un <strong>en</strong>fant manifestem<strong>en</strong>t très à<br />

l’aise pour jouer <strong>le</strong>s agresseurs dit : « Maint<strong>en</strong>ant, je<br />

joue la victime » et que tous <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants de la classe<br />

éclat<strong>en</strong>t de rire ! Le rô<strong>le</strong> que cet élève s’apprête à interpréter<br />

est manifestem<strong>en</strong>t tel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t à contre-emploi de<br />

ses comportem<strong>en</strong>ts habituels que ses camara<strong>des</strong> ne<br />

peuv<strong>en</strong>t pas s’empêcher de manifester <strong>le</strong>ur jubilation !<br />

Enfin, p<strong>en</strong>dant la phase d’expérim<strong>en</strong>tation, <strong>en</strong> 2007 et<br />

2008, nous avions réfléchi à la possibilité d’un protoco<strong>le</strong><br />

particulier au cas où un <strong>en</strong>fant dirait avoir vu <strong>des</strong><br />

images à cont<strong>en</strong>u sexuel et demanderait de <strong>le</strong>s jouer .<br />

L’<strong>en</strong>seignant devait d’abord reconnaître que de tel<strong>le</strong>s<br />

images sont bou<strong>le</strong>versantes, et ne pas condamner<br />

l’<strong>en</strong>fant qui <strong>le</strong>s avait vues . Puis il devait demander aux<br />

autres <strong>en</strong>fants s’ils avai<strong>en</strong>t vu eux aussi de tel<strong>le</strong>s images .<br />

Si l’<strong>en</strong>fant demandeur était isolé, l’<strong>en</strong>seignant devait<br />

lui conseil<strong>le</strong>r de voir <strong>le</strong> psychologue scolaire pour <strong>en</strong><br />

par<strong>le</strong>r . Si <strong>des</strong> camara<strong>des</strong> s’associai<strong>en</strong>t à sa demande,<br />

nous avions d’abord imaginé que l’<strong>en</strong>seignant puisse<br />

avoir à sa disposition deux marionnettes de personnages<br />

adultes qui lui permettrai<strong>en</strong>t d’interagir avec<br />

<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants . Mais nous n’étions pas du tout satisfaits<br />

– 30 – – 31 –


de ce protoco<strong>le</strong> et nous avions fina<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t décidé que<br />

l’<strong>en</strong>seignant confronté à une tel<strong>le</strong> situation rappel<strong>le</strong> que<br />

la sexualité ne concerne que <strong>le</strong>s adultes, et dise qu’il<br />

allait réfléchir pour la fois suivante à ce que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants<br />

avai<strong>en</strong>t évoqué… Entre temps, il avait évidem<strong>en</strong>t pour<br />

consigne de nous appe<strong>le</strong>r ! Mais <strong>en</strong> pratique, nous<br />

n’avons jamais été confrontés à une tel<strong>le</strong> situation,<br />

ni p<strong>en</strong>dant l’expérim<strong>en</strong>tation initia<strong>le</strong>, ni dans aucune<br />

classe où <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> a été proposé depuis deux ans . Cela<br />

ne prouve pas qu’aucun <strong>en</strong>fant ne voit jamais de tel<strong>le</strong>s<br />

images, mais que ceux qui <strong>le</strong>s voi<strong>en</strong>t ont tel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>le</strong><br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’avoir fait quelque chose d’interdit qu’ils<br />

s’empêch<strong>en</strong>t de <strong>le</strong>s évoquer (rappelons que nous avons<br />

affaire à <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants de quatre à six ans) .<br />

Cinquième mom<strong>en</strong>t : demande <strong>des</strong> volontaires<br />

et rappel <strong>des</strong> consignes « Chaque volontaire<br />

s’<strong>en</strong>gage à jouer tous <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s successivem<strong>en</strong>t. »<br />

Une fois l’histoire construite, l’<strong>en</strong>seignant demande quels<br />

<strong>en</strong>fants sont volontaires pour jouer . Il est impératif d’insister<br />

sur <strong>le</strong> fait que chaque volontaire devra obligatoirem<strong>en</strong>t<br />

jouer successivem<strong>en</strong>t tous <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s . Cette consigne<br />

constitue même <strong>le</strong> cœur du protoco<strong>le</strong> expérim<strong>en</strong>tal . C’est<br />

dans <strong>le</strong> changem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> places que s’expérim<strong>en</strong>tera<br />

pour chaque <strong>en</strong>fant la possibilité de développer une s<strong>en</strong>sibilité<br />

à <strong>des</strong> postures qu’il redoutait jusque là dans sa vie,<br />

ou qui ne lui étai<strong>en</strong>t pas psychiquem<strong>en</strong>t accessib<strong>le</strong>s . Puis<br />

l’<strong>en</strong>seignant demande aux <strong>en</strong>fants de résumer l’histoire,<br />

<strong>le</strong>s actions et <strong>le</strong>s dialogues, <strong>en</strong> <strong>le</strong>s aidant si nécessaire .<br />

Le <strong>jeu</strong> proprem<strong>en</strong>t dit ne vi<strong>en</strong>t qu’après .<br />

Chaque <strong>en</strong>fant doit désigner son rô<strong>le</strong> avant de jouer :<br />

« Moi, je serais la dame par terre », « Moi, je serais <strong>le</strong><br />

monsieur avec un pisto<strong>le</strong>t », etc . Cette désignation<br />

doit se refaire à chaque changem<strong>en</strong>t de rô<strong>le</strong> . Puis la<br />

séqu<strong>en</strong>ce est jouée, et l’<strong>en</strong>seignant doit veil<strong>le</strong>r à ce que<br />

<strong>le</strong>s actions et <strong>le</strong>s textes décidés à l’étape précéd<strong>en</strong>te<br />

soi<strong>en</strong>t joués <strong>en</strong> même temps, au prix de recomm<strong>en</strong>cer<br />

si un <strong>en</strong>fant a de la peine pour y arriver . En effet,<br />

certains <strong>en</strong>fants sont capab<strong>le</strong>s de résumer un scénario<br />

avant <strong>le</strong> <strong>jeu</strong>, puis de comm<strong>en</strong>ter ce qu’ils ont fait après<br />

<strong>le</strong> <strong>jeu</strong>, mais sont <strong>en</strong> grande difficulté pour mettre <strong>des</strong><br />

mots sur <strong>le</strong>urs actions p<strong>en</strong>dant <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> . Tout se passe<br />

comme si <strong>le</strong>ur corps suivait une logique indép<strong>en</strong>dante<br />

de cel<strong>le</strong> de <strong>le</strong>ur discours . Ils par<strong>le</strong>nt très bi<strong>en</strong> quand ils<br />

sont assis, mais aussitôt qu’ils s’<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t dans une<br />

action, <strong>le</strong>ur corps semb<strong>le</strong> être seul prés<strong>en</strong>t, comme s’ils<br />

étai<strong>en</strong>t dans un état m<strong>en</strong>tal dissocié . C’est pourquoi il<br />

est important de <strong>le</strong>s obliger à mettre <strong>des</strong> mots sur <strong>le</strong>s<br />

actions qu’ils accompliss<strong>en</strong>t afin que <strong>le</strong>ur s<strong>en</strong>sorimotricité<br />

et <strong>le</strong>ur discours soi<strong>en</strong>t réunis . À défaut d’y parv<strong>en</strong>ir,<br />

ces <strong>en</strong>fants risqu<strong>en</strong>t de dev<strong>en</strong>ir <strong>des</strong> adultes capab<strong>le</strong>s de<br />

juxtaposer <strong>en</strong> toute bonne foi <strong>des</strong> vio<strong>le</strong>nces agies et un<br />

discours condamnant la vio<strong>le</strong>nce . Ils seront « clivés » .<br />

Le <strong>jeu</strong> corporel accompagné d’un texte qui dit <strong>le</strong> corps<br />

et l’accompagne peut contribuer à réduire ce fossé .<br />

Enfin, aucun <strong>en</strong>fant ne doit jamais être invité à jouer .<br />

Même s’il reste si<strong>le</strong>ncieux toute l’année, il <strong>en</strong> tire bénéfice<br />

. L’inviter à jouer pourrait au contraire <strong>le</strong> confronter<br />

à <strong>des</strong> traumatismes personnels <strong>en</strong>core impossib<strong>le</strong>s à<br />

aborder, au risque de provoquer une crise d’angoisse ou<br />

un repli sur soi <strong>en</strong>core plus grand . D’autant plus qu’inviter<br />

un <strong>jeu</strong>ne <strong>en</strong>fant à faire quelque chose quand on<br />

est <strong>en</strong> position d’<strong>en</strong>seignant, et qui plus est devant ses<br />

camara<strong>des</strong>, devi<strong>en</strong>t faci<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t synonyme de l’obliger . Il<br />

est parfois diffici<strong>le</strong> aux <strong>en</strong>seignants de se souv<strong>en</strong>ir de<br />

cette consigne parce que <strong>le</strong>ur rô<strong>le</strong>, par ail<strong>le</strong>urs, nécessite<br />

qu’ils sach<strong>en</strong>t inciter <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants à s’investir dans<br />

<strong>le</strong>s activités qu’ils <strong>le</strong>ur propos<strong>en</strong>t . Mais <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois<br />

Figures n’est pas une situation d’appr<strong>en</strong>tissage . C’est<br />

l’opportunité de mobiliser <strong>des</strong> vécus profonds afin de<br />

provoquer <strong>des</strong> changem<strong>en</strong>ts durab<strong>le</strong>s . C’est d’ail<strong>le</strong>urs la<br />

raison pour laquel<strong>le</strong> nous déconseillons aux <strong>en</strong>seignants<br />

de s’y <strong>en</strong>gager sans la formation préalab<strong>le</strong> de <strong>trois</strong> jours<br />

que nous proposons . Cette formation comporte <strong>en</strong><br />

effet <strong>des</strong> mom<strong>en</strong>ts de <strong>jeu</strong>x de rô<strong>le</strong> p<strong>en</strong>dant <strong>le</strong>squels ils<br />

découvr<strong>en</strong>t – parfois avec surprise ! – l’int<strong>en</strong>sité de l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t<br />

émotionnel mobilisé par cette activité .<br />

Sixième mom<strong>en</strong>t : mise <strong>en</strong> place du <strong>jeu</strong>, régulation<br />

intermédiaire<br />

Pour éviter que <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants jou<strong>en</strong>t certains rô<strong>le</strong>s sans<br />

s’y investir, il est parfois uti<strong>le</strong> de rappe<strong>le</strong>r que <strong>le</strong> théâtre<br />

– 32 – – 33 –


comporte non seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>des</strong> actions et <strong>des</strong> textes, mais<br />

aussi <strong>des</strong> mimiques . C’est particulièrem<strong>en</strong>t important<br />

quand un <strong>en</strong>fant manifeste de la difficulté à assumer<br />

un rô<strong>le</strong> de victime ou d’agresseur alors qu’il est parfaitem<strong>en</strong>t<br />

à son aise dans <strong>le</strong>s autres rô<strong>le</strong>s . L’<strong>en</strong>seignant<br />

doit alors avoir recours à <strong>des</strong> consignes secondaires,<br />

relatives à l’importance <strong>des</strong> mimiques dans <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> .<br />

Par exemp<strong>le</strong>, il peut dire <strong>des</strong> choses comme : « Ça<br />

serait bi<strong>en</strong> que l’agresseur ait l’air méchant . » Ou bi<strong>en</strong> :<br />

« La victime a peur, il faut qu’on voit qu’el<strong>le</strong> a peur . »<br />

Mais une fois suffit, car comme nous <strong>le</strong> verrons 24 ,<br />

<strong>le</strong>s difficultés r<strong>en</strong>contrées sur ce chemin par certains<br />

<strong>en</strong>fants s’<strong>en</strong>racin<strong>en</strong>t dans <strong>des</strong> problèmes psychiques<br />

graves . La réf<strong>le</strong>xion de l’<strong>en</strong>seignant doit avoir pour but<br />

de rappe<strong>le</strong>r à tous <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants que <strong>le</strong>s mimiques font<br />

partie du <strong>jeu</strong>, et pas du tout de pointer à un <strong>en</strong>fant particulier<br />

<strong>des</strong> difficultés qu’il pourrait r<strong>en</strong>contrer… Car <strong>le</strong><br />

risque serait alors qu’il ne soit plus volontaire pour jouer,<br />

alors que ses difficultés à s’<strong>en</strong>gager dans tous <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s<br />

montr<strong>en</strong>t justem<strong>en</strong>t qu’il <strong>en</strong> a absolum<strong>en</strong>t besoin .<br />

Septième mom<strong>en</strong>t : « Bravo à tous. »<br />

Après chaque séqu<strong>en</strong>ce, <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants sont invités à<br />

applaudir <strong>le</strong>urs camara<strong>des</strong> et à s’applaudir eux-mêmes .<br />

Ce mom<strong>en</strong>t de gratification est très important . D’ail<strong>le</strong>urs,<br />

de façon généra<strong>le</strong>, il serait très important que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants<br />

<strong>en</strong> situation de difficultés – quel<strong>le</strong> que soit la nature de<br />

cel<strong>le</strong>-ci – soi<strong>en</strong>t gratifiés plus que punis . En revanche,<br />

il n’est pas uti<strong>le</strong> de <strong>le</strong>ur demander ce qu’ils p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t de<br />

ce qui a été joué, et <strong>en</strong>core moins à chacun ce qu’il a<br />

ress<strong>en</strong>ti <strong>en</strong> jouant . « Ne jamais inviter personnel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

aucun <strong>en</strong>fant à jouer » et « Ne jamais inviter personnel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

aucun <strong>en</strong>fant à par<strong>le</strong>r de ce qu’il a ress<strong>en</strong>ti <strong>en</strong><br />

jouant » constitu<strong>en</strong>t d’ail<strong>le</strong>urs deux consignes fondam<strong>en</strong>ta<strong>le</strong>s<br />

du Jeu <strong>des</strong> Trois Figures . Mais <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui<br />

souhait<strong>en</strong>t dire quelques mots sur <strong>le</strong>ur plaisir à jouer ou<br />

<strong>le</strong>s difficultés r<strong>en</strong>contrées ne doiv<strong>en</strong>t pas non plus <strong>en</strong><br />

être empêchés .<br />

24 . Voir supra, chapitre 4 .<br />

ExEmpLE 1 DE DéRouLEmEnT DE SéancE<br />

(classe de GS de Mme P. Huc-Treins, Maternel<strong>le</strong> Le Village, 17/06/2010)<br />

1. La maîtresse rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s<br />

2. Thèmes proposés par <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants : Une pluie de boue<br />

et <strong>des</strong> voitures r<strong>en</strong>versées, <strong>des</strong> disparus et treize personnes<br />

décédées ; <strong>des</strong> vo<strong>le</strong>urs ont essayé de vo<strong>le</strong>r la voiture de ma<br />

maman (thème non ret<strong>en</strong>u car il s’agit d’une situation réel<strong>le</strong>) ;<br />

une agression au couteau dans un collège avec un <strong>en</strong>fant<br />

b<strong>le</strong>ssé ; un homme <strong>en</strong>lève plusieurs <strong>en</strong>fants qu’il met dans<br />

un camion.<br />

Il n’y a pas de cons<strong>en</strong>sus <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants sur un thème : la maîtresse<br />

demande aux <strong>en</strong>fants de voter sur l’une <strong>des</strong> histoires<br />

possib<strong>le</strong>s. Le <strong>trois</strong>ième thème est ret<strong>en</strong>u.<br />

3. construction de l’histoire<br />

« Un homme (un vo<strong>le</strong>ur) <strong>en</strong>lève deux <strong>en</strong>fants et il <strong>le</strong>s met dans<br />

un camion ; <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants tap<strong>en</strong>t sur la carrosserie du camion et<br />

deux policiers <strong>le</strong>s délivr<strong>en</strong>t. »<br />

La maîtresse rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s personnages (un vo<strong>le</strong>ur, deux<br />

<strong>en</strong>fants et deux policiers) et résume l’histoire.<br />

4. mise <strong>en</strong> place <strong>des</strong> actions et <strong>des</strong> dialogues<br />

Le vo<strong>le</strong>ur : « Hein, hein, hein, je vais vo<strong>le</strong>r <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants ! ». Il<br />

conduit un camion.<br />

Les <strong>en</strong>fants : « Au secours, à l’aide, on est prisonnier dans <strong>le</strong><br />

camion » (ils tap<strong>en</strong>t dans la porte).<br />

Les policiers arriv<strong>en</strong>t : « Ne vous inquiétez pas on va vous<br />

sauver. »<br />

5. La maîtresse demande <strong>des</strong> élèves volontaires, distribue<br />

<strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s, puis rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s consignes et <strong>le</strong>s dialogues<br />

6. mise <strong>en</strong> place du <strong>jeu</strong> et régulation intermédiaire par la<br />

maîtresse<br />

Les <strong>en</strong>fants rican<strong>en</strong>t, et <strong>le</strong>s volontaires n’ont pas <strong>des</strong> intonations<br />

cohér<strong>en</strong>tes avec <strong>le</strong>urs rô<strong>le</strong>s... En revanche, la gestuel<strong>le</strong><br />

est intéressante.<br />

La maîtresse propose de rajouter une phrase de dialogue<br />

qui permette une meil<strong>le</strong>ure implication affective, rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s<br />

textes à prononcer et <strong>le</strong>s gestes à accomplir, puis propose<br />

de faire <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> une seconde fois avec de nouveaux <strong>en</strong>fants.<br />

7. Félicitations <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants<br />

– 34 – – 35 –


ExEmpLE 2 DE DéRouLEmEnT DE SéancE<br />

(classe de GS de Mme Fabiani, 05-01-2010)<br />

1. La maîtresse rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s<br />

2. Thèmes proposés par <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants : un chi<strong>en</strong> <strong>en</strong>fermé<br />

dans une cage et qui est délivré par un monsieur ; un drô<strong>le</strong> de<br />

policier qui n'est pas un policier et qui est r<strong>en</strong>versé ; un pirate<br />

qui jouait sur un bateau et après il est tombé dans l’eau ; un<br />

chi<strong>en</strong> qui se transforme <strong>en</strong> grand garçon méchant.<br />

Il n’y a pas de cons<strong>en</strong>sus <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants sur un thème : la maîtresse<br />

demande aux <strong>en</strong>fants de voter sur l’une <strong>des</strong> histoires<br />

possib<strong>le</strong>s. Le scénario avec un chi<strong>en</strong> est ret<strong>en</strong>u.<br />

3. construction de l’histoire<br />

Le scénario est diffici<strong>le</strong> à construire et il est sans cesse modifié.<br />

La maîtresse rappel<strong>le</strong> que l’action à jouer doit être simp<strong>le</strong> et<br />

propose de repartir de la proposition initia<strong>le</strong> d’une élève : « Il<br />

y a une dame qui capture un chi<strong>en</strong> et qui l’<strong>en</strong>ferme dans une<br />

cage. Un monsieur arrive et veut délivrer <strong>le</strong> chi<strong>en</strong> ; il casse la<br />

cage avec un marteau pour faire sortir <strong>le</strong> chi<strong>en</strong>. La dame revi<strong>en</strong>t<br />

(el<strong>le</strong> était au téléphone) et el<strong>le</strong> dit : « Où est passé mon chi<strong>en</strong> ? »<br />

4. mise <strong>en</strong> place <strong>des</strong> actions et <strong>des</strong> dialogues<br />

- La dame dirait à son chi<strong>en</strong> : « Tu restes ici sinon je vais te<br />

faire mal ! »<br />

- Le chi<strong>en</strong> aboierait.<br />

- La dame partirait téléphoner : « Allo bonjour… »<br />

- Le monsieur arriverait et casserait la cage du chi<strong>en</strong>.<br />

Il dirait : « Je vais te sauver, <strong>le</strong> chi<strong>en</strong>. »<br />

- Le monsieur se sauverait avec <strong>le</strong> chi<strong>en</strong>.<br />

- La dame revi<strong>en</strong>drait et dirait :<br />

« Où est mon chi<strong>en</strong>, r<strong>en</strong>dez-moi mon chi<strong>en</strong> ! »<br />

5. La maîtresse demande <strong>des</strong> élèves volontaires, distribue<br />

<strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s, puis rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s consignes et <strong>le</strong>s dialogues<br />

6. mise <strong>en</strong> place du <strong>jeu</strong> et régulation intermédiaire par la<br />

maîtresse<br />

Les <strong>en</strong>fants ont du mal à se rappe<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s dialogues, <strong>le</strong>ur <strong>jeu</strong><br />

ressemb<strong>le</strong> plus à du mime qu’à du théâtre. Du coup, <strong>le</strong>s<br />

élèves spectateurs sont t<strong>en</strong>tés d’interv<strong>en</strong>ir.<br />

La maîtresse rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s dialogues, et <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s élèves<br />

qui ne jou<strong>en</strong>t pas ne doiv<strong>en</strong>t pas interv<strong>en</strong>ir. Puis el<strong>le</strong> propose<br />

de recomm<strong>en</strong>cer <strong>le</strong> <strong>jeu</strong>.<br />

7. Félicitations à tous<br />

De l’importance de jouer tous <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s<br />

Parfois, <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui refus<strong>en</strong>t de jouer <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de<br />

victime finiss<strong>en</strong>t par accepter de <strong>le</strong> faire, mais <strong>en</strong><br />

dénonçant aussitôt la vio<strong>le</strong>nce dont ils serai<strong>en</strong>t l’objet<br />

de la part de l’<strong>en</strong>fant qui joue à ce mom<strong>en</strong>t <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de<br />

l’agresseur . Par exemp<strong>le</strong>, un <strong>en</strong>fant qui refuse obstiném<strong>en</strong>t<br />

de jouer <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> d’une victime l’accepte <strong>en</strong>fin .<br />

Dans l’improvisation concernée, la victime est <strong>en</strong>traînée<br />

malgré el<strong>le</strong> par l’agresseur dans un lieu où el<strong>le</strong> ne veut<br />

pas al<strong>le</strong>r . L’<strong>en</strong>fant qui a d’abord joué <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> d’agresseur,<br />

et qui a fina<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t accepté de jouer celui de victime,<br />

crie : « Aïe ! tu me fais mal ! » aussitôt que son camarade<br />

anci<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t « victime » – et maint<strong>en</strong>ant « agresseur<br />

» – touche son bras ! Que cet <strong>en</strong>fant perçu comme<br />

agressif dans son éco<strong>le</strong> dénonce comme agression<br />

<strong>le</strong> simp<strong>le</strong> fait d’être eff<strong>le</strong>uré dans un <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> révè<strong>le</strong><br />

une difficulté psychique ma<strong>jeu</strong>re : cet <strong>en</strong>fant est dans<br />

l’angoisse d’être effectivem<strong>en</strong>t malm<strong>en</strong>é aussitôt qu’il<br />

quitte son rô<strong>le</strong> d’agresseur . Il est agresseur par peur<br />

d’être agressé . Le <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> lui permet peu à peu d’apprivoiser<br />

cette év<strong>en</strong>tualité .<br />

Quant aux <strong>en</strong>fants qui choisiss<strong>en</strong>t spontaném<strong>en</strong>t de<br />

jouer d’abord <strong>le</strong>s victimes, il n’est pas rare qu’ils ne<br />

puiss<strong>en</strong>t jouer <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s d’agresseurs qu’<strong>en</strong> riant, comme<br />

s’ils ne pouvai<strong>en</strong>t pas y croire… C’est pourquoi il est<br />

aussi important de <strong>le</strong>s faire changer de rô<strong>le</strong> . Et ça l’est<br />

d’autant plus que ces positions d’agresseurs et de<br />

victimes redoub<strong>le</strong>nt fréquemm<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s places sexuel<strong>le</strong>s .<br />

Les garçons se propos<strong>en</strong>t régulièrem<strong>en</strong>t dans <strong>le</strong> rô<strong>le</strong><br />

d'agresseurs tandis que <strong>le</strong>s fil<strong>le</strong>s se positionn<strong>en</strong>t plutôt<br />

dans <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> d'agressées . Ce n’est guère étonnant : dans<br />

un grand nombre de feuil<strong>le</strong>tons et de films vus par <strong>le</strong>s<br />

<strong>en</strong>fants – bi<strong>en</strong> qu’ils ne <strong>le</strong>ur soi<strong>en</strong>t pas particulièrem<strong>en</strong>t<br />

<strong>des</strong>tinés –, l’agresseur est un homme et la victime<br />

une femme . Du coup, pour un garçon, <strong>le</strong> passage du<br />

rô<strong>le</strong> d’agresseur à celui de victime se complique par<br />

l’obligation qui lui est faite de jouer un rô<strong>le</strong> t<strong>en</strong>u par une<br />

personne de l’autre sexe dans la séqu<strong>en</strong>ce audiovisuel<strong>le</strong><br />

qui a servi de point de départ .<br />

– 36 – – 37 –


Dédramatiser l’id<strong>en</strong>tification à la victime<br />

En invitant <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants agressifs à jouer <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de<br />

victimes, notre but est <strong>en</strong> fait de dédramatiser <strong>le</strong>ur<br />

id<strong>en</strong>tification à la figure problématique de victime dont<br />

ils sont très souv<strong>en</strong>t porteurs . Le <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> <strong>le</strong>ur est<br />

proposé comme l’occasion de se réconcilier avec la<br />

moitié d’eux-mêmes qu’ils ont décidé d’ignorer, et qu’ils<br />

ne cess<strong>en</strong>t d’attaquer à l’extérieur – sous la forme de<br />

diverses victimes désignées – pour mieux se rassurer<br />

sur <strong>le</strong> fait qu’ils n’<strong>en</strong> feront jamais partie . Tout se passe<br />

<strong>en</strong> effet chez ces <strong>en</strong>fants comme s’ils craignai<strong>en</strong>t de<br />

mourir s’ils r<strong>en</strong>onçai<strong>en</strong>t à être actifs-battants-agressifs<br />

25 . Lorsqu’on <strong>le</strong>s oblige à jouer successivem<strong>en</strong>t<br />

tous <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s, c’est fina<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t un peu comme si on <strong>le</strong>ur<br />

disait : « Allons, c’est possib<strong>le</strong> d’imaginer qu’on puisse<br />

être agressé, humilié, ou contraint à faire ce qu’on n’a<br />

pas <strong>en</strong>vie de faire . C’est possib<strong>le</strong> de l’imaginer, on n’<strong>en</strong><br />

meurt pas ! » . Et c’est là toute la différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre <strong>le</strong> <strong>jeu</strong><br />

de rô<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s procédures de punition <strong>des</strong> comportem<strong>en</strong>ts<br />

agressifs et/ou de r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> comportem<strong>en</strong>ts<br />

pacifiques par <strong>des</strong> récomp<strong>en</strong>ses judicieusem<strong>en</strong>t<br />

choisies . À la différ<strong>en</strong>ce <strong>des</strong> stratégies axées sur <strong>le</strong>s<br />

comportem<strong>en</strong>ts, <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> prét<strong>en</strong>d agir sur <strong>le</strong>s<br />

représ<strong>en</strong>tations psychiques . Mais <strong>en</strong> même temps, il<br />

est ess<strong>en</strong>tiel de compr<strong>en</strong>dre que son objectif n’est pas<br />

thérapeutique .<br />

Si tel était son ambition – et il serait alors pratiqué par<br />

<strong>des</strong> thérapeutes –, <strong>le</strong> même protoco<strong>le</strong> s’accompagnerait<br />

de deux questions que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants ne doiv<strong>en</strong>t évidemm<strong>en</strong>t<br />

jamais poser aux <strong>en</strong>fants : « Qu’est-ce que tu<br />

as ress<strong>en</strong>ti <strong>en</strong> jouant ce rô<strong>le</strong> ? » et/ou « Qu’est-ce que tu<br />

cherches à fuir <strong>en</strong> évitant de <strong>le</strong> jouer ? » Leur but serait<br />

de permettre à celui qui refuse une posture de compr<strong>en</strong>dre<br />

que c’est parce qu’il la vit comme désorganisatrice<br />

. Mais ici, dans <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> proposé par <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants<br />

25 . Les <strong>jeu</strong>x vidéo qui invit<strong>en</strong>t sans cesse <strong>le</strong> joueur à s’id<strong>en</strong>tifier à <strong>des</strong><br />

héros combatifs ont d’ail<strong>le</strong>urs <strong>des</strong> conséqu<strong>en</strong>ces dramatiques sur<br />

eux <strong>en</strong> r<strong>en</strong>forçant <strong>le</strong>ur évitem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> postures passives ou victimaires<br />

. Il est vrai qu’ils ont <strong>en</strong> revanche un effet positif sur <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes<br />

qui adopt<strong>en</strong>t spontaném<strong>en</strong>t une posture victimaire, <strong>en</strong> <strong>le</strong>ur permettant<br />

de s’imaginer recevoir et donner <strong>des</strong> coups .<br />

– 38 –<br />

aux <strong>en</strong>fants <strong>des</strong> maternel<strong>le</strong>s, l’objectif est différ<strong>en</strong>t . Il<br />

s’agit de dédramatiser <strong>le</strong>s postures vécues comme<br />

dangereuses et de permettre à l’<strong>en</strong>fant de <strong>le</strong>s <strong>en</strong>visager<br />

toutes afin de pouvoir à chaque fois choisir cel<strong>le</strong> qui est<br />

<strong>le</strong> mieux adaptée à la situation réel<strong>le</strong> qu’il traverse .<br />

Distincte d’un projet thérapeutique, l’activité de <strong>jeu</strong> de<br />

rô<strong>le</strong> tel<strong>le</strong> que nous la proposons est éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t aux antipo<strong>des</strong><br />

d’activités « expressives » ou « créatives » . Il ne<br />

s’agit pas d’<strong>en</strong>courager <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> libre, mais au contraire de<br />

poser <strong>des</strong> repères pour inciter <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants à explorer <strong>des</strong><br />

postures id<strong>en</strong>tificatoires qu’ils avai<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>dance à abandonner<br />

. Mais cet accomplissem<strong>en</strong>t sous la direction de<br />

l’<strong>en</strong>seignant habituel fait plus . Il invite <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants à <strong>le</strong><br />

considérer comme un régulateur auquel ils peuv<strong>en</strong>t faire<br />

appel <strong>en</strong> cas de t<strong>en</strong>sions, voire, pour certains d'<strong>en</strong>tre<br />

eux, à s'id<strong>en</strong>tifier à lui et à se constituer eux mêmes <strong>en</strong><br />

médiateur <strong>des</strong> conflits .


Les cinq questions <strong>le</strong> plus<br />

souv<strong>en</strong>t posées par <strong>le</strong>s<br />

<strong>en</strong>seignants pratiquants <strong>le</strong><br />

Jeu <strong>des</strong> Trois Figures<br />

Les <strong>en</strong>seignants qui mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> place <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois<br />

Figures décriv<strong>en</strong>t plusieurs difficultés . Certains se plaign<strong>en</strong>t<br />

du fait que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants veu<strong>le</strong>nt toujours rejouer<br />

la même histoire, empruntée <strong>en</strong> général aux <strong>des</strong>sins<br />

animés . D’autres sont gênés par l’évocation de scènes<br />

qui <strong>le</strong>s choqu<strong>en</strong>t . Enfin, quelques-uns se dis<strong>en</strong>t irrités<br />

<strong>en</strong> voyant <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants minauder plus que jouer, et cela<br />

concerne autant ceux qui pein<strong>en</strong>t à jouer <strong>le</strong>s agresseurs<br />

que <strong>le</strong>s victimes . De toutes <strong>le</strong>s difficultés r<strong>en</strong>contrées,<br />

cel<strong>le</strong>-ci est incontestab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t la plus préoccupante . Les<br />

<strong>en</strong>fants qui sont dans cette situation ne profit<strong>en</strong>t plus du<br />

<strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> alors que c’est manifestem<strong>en</strong>t ceux qui <strong>en</strong><br />

aurai<strong>en</strong>t <strong>le</strong> plus besoin .<br />

Du coup, certains <strong>en</strong>seignants suggèr<strong>en</strong>t de partir de<br />

contes traditionnels comme Le Petit Chaperon Rouge,<br />

qu’ils raconterai<strong>en</strong>t aux <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> début de séance,<br />

tandis que d’autres se demand<strong>en</strong>t s’il ne serait pas<br />

plus faci<strong>le</strong> et tout aussi efficace d’inviter <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants à<br />

<strong>des</strong>siner plutôt que de <strong>le</strong>ur proposer de construire une<br />

histoire…<br />

« c’est toujours pareil et je ne<br />

retrouve pas <strong>le</strong>s <strong>trois</strong> <strong>figures</strong> dans<br />

<strong>le</strong>urs histoires. »<br />

Il arrive que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants soi<strong>en</strong>t rétic<strong>en</strong>ts à par<strong>le</strong>r <strong>des</strong><br />

images qui <strong>le</strong>s bou<strong>le</strong>vers<strong>en</strong>t <strong>le</strong> plus et qu’ils se cantonn<strong>en</strong>t<br />

à cel<strong>le</strong>s qu’il <strong>le</strong>ur semb<strong>le</strong> conv<strong>en</strong>ab<strong>le</strong> d’évoquer .<br />

Ils s’<strong>en</strong>ferm<strong>en</strong>t alors vite dans l’évocation de <strong>des</strong>sins<br />

animés tournant autour <strong>des</strong> mêmes situations anodines .<br />

Mais il suffit souv<strong>en</strong>t que l’<strong>en</strong>seignant demande aux<br />

– 41 –


<strong>en</strong>fants s’ils regard<strong>en</strong>t <strong>le</strong> Journal télévisé ou <strong>des</strong> séries<br />

américaines pour que tout change . En effet, tous <strong>le</strong>s<br />

<strong>en</strong>fants ou presque sont dans cette situation, et rares<br />

sont ceux qui assist<strong>en</strong>t à ces images sans ress<strong>en</strong>tir <strong>des</strong><br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts de transgression et de culpabilité . Même<br />

si un <strong>en</strong>fant regarde <strong>le</strong> Journal télévisé <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce<br />

de ses par<strong>en</strong>ts, il ne peut <strong>en</strong> effet pas s’empêcher<br />

d’imaginer que ses par<strong>en</strong>ts l’empêcherai<strong>en</strong>t de regarder<br />

s’ils savai<strong>en</strong>t à quel point cela <strong>le</strong> bou<strong>le</strong>verse, l’excite<br />

ou <strong>le</strong> déprime . Et cette culpabilité est prés<strong>en</strong>te dans<br />

la relation avec la maîtresse puisque cel<strong>le</strong>-ci prolonge<br />

l’autorité <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts . Du coup, <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants font comme<br />

si <strong>le</strong>ur <strong>en</strong>seignant avait tacitem<strong>en</strong>t interdit d’aborder <strong>le</strong>s<br />

sujets du Journal télévisé ou <strong>des</strong> séries américaines<br />

alors qu’il n’a évidemm<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> évoqué de tel . Pour <strong>en</strong><br />

sortir, il faut évidemm<strong>en</strong>t que l’initiative soit prise par<br />

l’adulte . C’est pourquoi, si <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants s’<strong>en</strong>ferme<br />

de manière trop répétitive dans l’évocation de <strong>des</strong>sins<br />

animés bi<strong>en</strong> p<strong>en</strong>sants, l’<strong>en</strong>seignant ne doit pas hésiter<br />

à aborder avec eux <strong>le</strong> fait qu’ils regard<strong>en</strong>t certainem<strong>en</strong>t<br />

d’autres choses à la télévision ! La situation se débloque<br />

<strong>en</strong> général, et <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants se mett<strong>en</strong>t à par<strong>le</strong>r de tous <strong>le</strong>s<br />

programmes qu’ils regard<strong>en</strong>t .<br />

« Et quand l’<strong>en</strong>fant ne joue plus ? »<br />

Une <strong>en</strong>seignante me raconta un jour la situation suivante<br />

. Au cours d’un <strong>jeu</strong>, l’un <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants qui s’était<br />

porté volontaire se mit soudain à frapper vio<strong>le</strong>mm<strong>en</strong>t<br />

un camarade qui était à terre et jouait <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de victime .<br />

Puis il sortit <strong>en</strong> courant de la classe et la maîtresse affolée<br />

dut lui courir après pour <strong>le</strong> rattraper et <strong>le</strong> maîtriser .<br />

Les choses s’éclaircir<strong>en</strong>t <strong>le</strong> soir lorsque la maîtresse put<br />

par<strong>le</strong>r de la situation à la directrice et à la famil<strong>le</strong> . Le<br />

week-<strong>en</strong>d précéd<strong>en</strong>t, cet <strong>en</strong>fant habituel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t calme<br />

et sociab<strong>le</strong> avait assisté à une scène d’agression dans<br />

<strong>le</strong> RER . Il n’avait pu par<strong>le</strong>r de cet événem<strong>en</strong>t à personne<br />

et il l’avait donc <strong>en</strong>fermé tout au fond de lui . Le <strong>jeu</strong><br />

de rô<strong>le</strong> avait ouvert sa b<strong>le</strong>ssure cachée de tel<strong>le</strong> façon<br />

qu’il avait confondu <strong>le</strong> passé et <strong>le</strong> prés<strong>en</strong>t, et sa propre<br />

personnalité avec cel<strong>le</strong> de l’agresseur dans la scène à<br />

laquel<strong>le</strong> il avait assisté . Ce g<strong>en</strong>re de situation est par<br />

définition imprévisib<strong>le</strong>, mais el<strong>le</strong> est évidemm<strong>en</strong>t et<br />

heureusem<strong>en</strong>t exceptionnel<strong>le</strong> . Avec <strong>le</strong>s deux années de<br />

recul que j’ai actuel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t et la petite c<strong>en</strong>taine d’<strong>en</strong>seignants<br />

que j’ai formés à ce jour, cela ne s’est prés<strong>en</strong>té<br />

qu’une seu<strong>le</strong> fois . Mais c’est assez important pour que<br />

<strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants soi<strong>en</strong>t avertis de cette év<strong>en</strong>tualité . Il est<br />

bi<strong>en</strong> évid<strong>en</strong>t qu’il n’aurait servi à ri<strong>en</strong> de faire la mora<strong>le</strong> à<br />

un tel <strong>en</strong>fant . Cela nous montre une fois de plus comme<br />

il est important de partir <strong>des</strong> traumatismes d’image . Ils<br />

sont <strong>en</strong> effet bi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>ts <strong>des</strong> traumatismes réels .<br />

Dans <strong>le</strong> traumatisme réel, <strong>le</strong> corps est beaucoup plus<br />

directem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>gagé et <strong>le</strong> bou<strong>le</strong>versem<strong>en</strong>t émotionnel<br />

est plus profond . Les images constitu<strong>en</strong>t une forme de<br />

pare-excitation même quand el<strong>le</strong>s nous confront<strong>en</strong>t à<br />

<strong>des</strong> situations à pot<strong>en</strong>tiel traumatique 26 .<br />

Parfois, <strong>le</strong> danger peut être anticipé . Je p<strong>en</strong>se à cette<br />

maîtresse qui invita <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants à se détourner de la<br />

première histoire qu’ils avai<strong>en</strong>t évoquée parce qu’il y<br />

était question d’un <strong>en</strong>fant qui avait fait une bêtise et<br />

que ses par<strong>en</strong>ts punissai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> lui donnant <strong>des</strong> coups<br />

de ceinture . La maîtresse, choquée par cette évocation,<br />

dit alors : « Non, ce n’est pas acceptab<strong>le</strong>, cette punition<br />

n’est pas possib<strong>le</strong> », ce à quoi un élève de la classe lui<br />

répondit : « Mais si Madame, c’est comme cela que mon<br />

père me punit quand j’ai fait une bêtise » . Evidemm<strong>en</strong>t<br />

cela confirma la maîtresse dans l’idée qu’el<strong>le</strong> ne devait<br />

pas permettre aux <strong>en</strong>fants de jouer cette séqu<strong>en</strong>ce . El<strong>le</strong><br />

eut à la fois tort et raison . El<strong>le</strong> eut raison, puisqu’ici nous<br />

sommes confrontés à une situation qui ne relève pas<br />

seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>des</strong> images que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants voi<strong>en</strong>t, mais d’un<br />

événem<strong>en</strong>t réel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t vécu par l’un d’<strong>en</strong>tre eux . Or nous<br />

avons bi<strong>en</strong> dit que <strong>le</strong> recours aux images est justem<strong>en</strong>t<br />

<strong>des</strong>tiné à éviter l’évocation de situations réel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

vécues susceptib<strong>le</strong>s d’<strong>en</strong>traîner <strong>des</strong> réactions excessives<br />

et incontrôlées de la part de certains <strong>en</strong>fants .<br />

Mais cette maîtresse a eu tort parce que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui<br />

avai<strong>en</strong>t proposé cette histoire ne savai<strong>en</strong>t pas forcém<strong>en</strong>t<br />

que l’un d’<strong>en</strong>tre eux la vivait « pour de vrai » . Il aurait<br />

26 . On peut consulter à ce sujet mon ouvrage Comm<strong>en</strong>t Hitchcock m’a<br />

guéri, Paris, Albin Michel, 2003 .<br />

– 42 – – 43 –


donc mieux valu que la maîtresse propose aux <strong>en</strong>fants<br />

de jouer l’histoire qu’ils avai<strong>en</strong>t ret<strong>en</strong>ue, mais <strong>en</strong> demandant<br />

à l’<strong>en</strong>fant qui recevait <strong>des</strong> coups de ceinture chez<br />

lui de ne pas pr<strong>en</strong>dre part au <strong>jeu</strong> cette fois-là .<br />

« Il y a <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants qui semb<strong>le</strong>nt<br />

toujours faire semblant de jouer. »<br />

Il y a deux manières pour un <strong>en</strong>fant de perdre <strong>le</strong> bénéfice<br />

du Jeu <strong>des</strong> Trois Figures. La première est d’être<br />

débordé par ce qu’il joue et de s’impliquer dans <strong>des</strong><br />

affrontem<strong>en</strong>ts réels sans <strong>le</strong> recul de la mise <strong>en</strong> scène .<br />

La seconde, moins spectaculaire mais tout aussi problématique,<br />

se repère au fait qu’un <strong>en</strong>fant fait semblant<br />

de jouer plutôt que de jouer vraim<strong>en</strong>t . Le <strong>jeu</strong> peut <strong>en</strong><br />

effet être détruit de ces deux côtés . Trop d’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t<br />

émotionnel et corporel immerge dans une réalité qui n’a<br />

plus ri<strong>en</strong> de ludique . Mais inversem<strong>en</strong>t, trop de distance<br />

par rapport au <strong>jeu</strong> tue aussi celui-ci : l’<strong>en</strong>fant ne fait plus<br />

semblant d’agir, mais fait semblant de faire semblant !<br />

Cette manière de jouer serait désignée chez un acteur<br />

professionnel par l’expression « surjouer » . Un bon<br />

acteur donne l’impression d’être plongé pour de vrai<br />

dans la situation . Un mauvais semb<strong>le</strong> ne pas y être plongé<br />

du tout, mais $faire comme si c’était <strong>le</strong> cas… Avec<br />

<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants, <strong>le</strong> problème est exactem<strong>en</strong>t <strong>le</strong> même . D’un<br />

côté, il faut éviter qu’ils oubli<strong>en</strong>t <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> et s’<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t<br />

dans une confrontation réel<strong>le</strong> . C’est pour cela qu’il <strong>le</strong>ur<br />

est demandé de rev<strong>en</strong>ir toujours au « faire-semblant » et<br />

qu’il est rappelé au début de chaque séance que « on<br />

ne se frappe pas pour de vrai », « on ne s’embrasse pas<br />

pour de vrai », et surtout « on ne se fait jamais mal » .<br />

Mais il est éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t important de veil<strong>le</strong>r tout au long du<br />

<strong>jeu</strong> à ce que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants ne rest<strong>en</strong>t pas trop extérieurs à<br />

ce qu’ils mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> scène, car <strong>le</strong> bénéfice du <strong>jeu</strong> serait<br />

complètem<strong>en</strong>t perdu . Cela concerne <strong>en</strong> particulier <strong>le</strong>s<br />

<strong>en</strong>fants agressifs qui ne peuv<strong>en</strong>t jouer <strong>le</strong>s victimes qu’<strong>en</strong><br />

restant tota<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t extérieurs aux <strong>en</strong><strong>jeu</strong>x de la situation .<br />

N’oublions pas <strong>en</strong> effet que ce qui reti<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants<br />

habituel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t agresseurs de jouer <strong>le</strong>s victimes, c’est la<br />

figure de victime qu’ils port<strong>en</strong>t à l’intérieur d’eux-même .<br />

Ils font tout pour éviter d’y être confrontés et c'est<br />

notamm<strong>en</strong>t <strong>le</strong> cas p<strong>en</strong>dant <strong>le</strong>s séances de <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> .<br />

C’est pourquoi ils jou<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s victimes comme pourrai<strong>en</strong>t<br />

<strong>le</strong> faire <strong>des</strong> clowns, avec <strong>des</strong> pitreries et <strong>des</strong> simagrées,<br />

<strong>en</strong> essayant d’amuser <strong>le</strong>urs camara<strong>des</strong> . Dans de tel<strong>le</strong>s<br />

situations, il est ess<strong>en</strong>tiel que la maîtresse rappel<strong>le</strong> que<br />

la victime doit donner vraim<strong>en</strong>t l’impression d’être victime,<br />

qu’el<strong>le</strong> doit avoir <strong>le</strong>s gestes de la victime, et aussi<br />

ses mimiques . Et c’est exactem<strong>en</strong>t la même chose pour<br />

<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui se port<strong>en</strong>t toujours candidat pour jouer<br />

<strong>le</strong>s victimes . De la même manière que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants agressifs<br />

port<strong>en</strong>t <strong>en</strong> eux une figure de victime dramatisée,<br />

ces <strong>en</strong>fants port<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> eux une figure d’<strong>en</strong>fant<br />

agressif tout-puissant, et pour cette raison interdit de<br />

prés<strong>en</strong>ce . L’<strong>en</strong>fant toujours agressif craint de mourir s’il<br />

s’id<strong>en</strong>tifie à la victime dont il porte l’image . De la même<br />

manière, l’<strong>en</strong>fant victime porte à l’intérieur de lui l’image<br />

d’un agresseur capab<strong>le</strong> de tuer, et c’est pour cela qu’il<br />

l’inhibe . L’<strong>en</strong>fant victime a donc éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t besoin qu’on<br />

lui demande de jouer <strong>le</strong>s mimiques de l’agression . Jouer<br />

est une manière de faire semblant, et certainem<strong>en</strong>t pas<br />

une manière de faire semblant de faire semblant . Ne<br />

pas préciser <strong>en</strong> début de <strong>jeu</strong> <strong>le</strong>s actes et <strong>le</strong>s paro<strong>le</strong>s<br />

peut conduire certains <strong>en</strong>fants à se laisser déborder .<br />

Mais ne pas préciser suffisamm<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s mimiques peut<br />

<strong>en</strong> conduire d’autres, et parfois <strong>le</strong>s mêmes, à se t<strong>en</strong>ir<br />

suffisamm<strong>en</strong>t éloignés intérieurem<strong>en</strong>t de ce qu’ils jou<strong>en</strong>t<br />

pour <strong>en</strong> perdre tout bénéfice . Ces deux obstac<strong>le</strong>s sont<br />

<strong>le</strong>s limites du Jeu <strong>des</strong> Trois Figures, et ils nécessit<strong>en</strong>t<br />

une vigilance toute particulière de la part <strong>des</strong> <strong>en</strong>seignants<br />

qui <strong>le</strong> pratiqu<strong>en</strong>t .<br />

« ne serait-il pas plus faci<strong>le</strong><br />

de partir de contes ? »<br />

Face à ces difficultés, certains <strong>en</strong>seignants suggèr<strong>en</strong>t<br />

<strong>des</strong> aménagem<strong>en</strong>ts . La proposition la plus souv<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>due consisterait à partir de contes avec <strong>le</strong>squels<br />

<strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants ont l’habitude de travail<strong>le</strong>r . En effet, il est<br />

possib<strong>le</strong> de lire aux <strong>en</strong>fants Le Petit Chaperon Rouge ou<br />

– 44 – – 45 –


Les Trois Bandits, puis de <strong>le</strong>ur demander de construire<br />

une histoire et de jouer cel<strong>le</strong>-ci <strong>en</strong> se répartissant <strong>le</strong>s<br />

rô<strong>le</strong>s . Il est même possib<strong>le</strong> de demander aux <strong>en</strong>fants<br />

de jouer tous <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s successivem<strong>en</strong>t, exactem<strong>en</strong>t de<br />

la même manière que dans <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures . Le<br />

problème est que cet aménagem<strong>en</strong>t peut faire plaisir à<br />

l’<strong>en</strong>seignant, mais qu’il risque de n’être guère uti<strong>le</strong> aux<br />

<strong>en</strong>fants . Pourquoi ? Parce <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants ne sont pas ce que<br />

nous voudrions qu’ils soi<strong>en</strong>t .<br />

Nous nous plaisons à imaginer qu’il existe un monde<br />

de l’<strong>en</strong>fance protégé du bruit, <strong>des</strong> fureurs et <strong>des</strong> perturbations<br />

passionnel<strong>le</strong>s du monde adulte, mais ce n’est<br />

qu’une illusion . Le vert paradis de l’<strong>en</strong>fance existe moins<br />

que jamais car <strong>le</strong> nouveau paysage audiovisuel <strong>en</strong> prive<br />

de plus <strong>en</strong> plus tôt <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants . L’<strong>en</strong>fance est morte 27 et<br />

<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants sont habités de scénarios intérieurs de plus<br />

<strong>en</strong> plus semblab<strong>le</strong>s à ceux qui peup<strong>le</strong>nt <strong>le</strong> monde psychique<br />

de <strong>le</strong>urs par<strong>en</strong>ts et de <strong>le</strong>urs pédagogues .<br />

Le problème est que cette situation est déstabilisante<br />

pour eux parce qu’ils n’ont pas <strong>le</strong>s repères qui permett<strong>en</strong>t<br />

aux adultes d’iso<strong>le</strong>r certaines situations comme<br />

re<strong>le</strong>vant du fantasme et d’autres comme re<strong>le</strong>vant de<br />

la réalité . Et nous ne parlons pas ici <strong>des</strong> scénarios<br />

sexuels que certains <strong>en</strong>fants de dix ou onze ans t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />

aujourd’hui de mettre <strong>en</strong> scène . Les <strong>en</strong>seignants sont<br />

aujourd’hui confrontés, tout comme <strong>le</strong>s par<strong>en</strong>ts, à la<br />

nécessité de reconnaître que <strong>le</strong> monde <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants<br />

actuels n’est plus celui <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants qu’ils ont été, et<br />

même pas celui <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants qui avai<strong>en</strong>t quatre ou cinq<br />

ans il y a dix ans . Qu’est-ce qui a changé ? La télévision<br />

bi<strong>en</strong> sûr, mais surtout <strong>le</strong> fait que beaucoup d’<strong>en</strong>fants de<br />

classe maternel<strong>le</strong> ont aujourd’hui un récepteur dans <strong>le</strong>ur<br />

chambre et la possibilité de choisir <strong>le</strong>ur chaîne parmi<br />

une cinquantaine ou plus .<br />

Des <strong>en</strong>fants de maternel<strong>le</strong> âgés de quatre ans dis<strong>en</strong>t<br />

déjà être capab<strong>le</strong>s de sé<strong>le</strong>ctionner la chaîne de catch<br />

américain lorsqu’ils sont seuls devant <strong>le</strong> récepteur<br />

27 . Buckingham D . (2000), La Mort de l’<strong>en</strong>fance, grandir à l’âge <strong>des</strong><br />

médias, Paris, Armand Colin, 2010 .<br />

que <strong>le</strong>urs par<strong>en</strong>ts ont installé dans <strong>le</strong>ur chambre . Et<br />

ces <strong>en</strong>fants-là t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t évidemm<strong>en</strong>t d’imiter <strong>en</strong> cour de<br />

récréation ce qu’ils ont vu, mais sans compr<strong>en</strong>dre que<br />

<strong>le</strong> catch est affaire de simulation ! Autant dire que ces<br />

<strong>en</strong>fants risqu<strong>en</strong>t de se faire très mal sans même avoir<br />

une idée <strong>des</strong> dommages qu’ils peuv<strong>en</strong>t imposer à <strong>le</strong>urs<br />

camara<strong>des</strong> ou même parfois s’imposer à eux-mêmes .<br />

C’est pourquoi il faut partir <strong>des</strong> images que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants<br />

voi<strong>en</strong>t … même si nous préférerions partir <strong>des</strong> contes .<br />

« Et si on <strong>le</strong>s faisait plutôt <strong>des</strong>siner ? »<br />

Un autre aménagem<strong>en</strong>t est parfois proposé . Pourquoi ne<br />

pas demander tout simp<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t aux <strong>en</strong>fants de <strong>des</strong>siner<br />

<strong>le</strong>s images qui <strong>le</strong>s ont bou<strong>le</strong>versés ? En effet, <strong>le</strong> <strong>des</strong>sin<br />

est traditionnel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t un moy<strong>en</strong> privilégié par <strong>le</strong>quel<br />

<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t du recul par rapport à <strong>le</strong>urs émotions<br />

et <strong>le</strong>urs craintes . Le problème est que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants<br />

d’aujourd’hui sont souv<strong>en</strong>t construits autour du clivage .<br />

Autrem<strong>en</strong>t dit, ils ont la possibilité de <strong>des</strong>siner ou même<br />

de jouer de tel<strong>le</strong> façon que <strong>le</strong>s couches profon<strong>des</strong>,<br />

notamm<strong>en</strong>t émotionnel<strong>le</strong>s, mais aussi fantasmatiques,<br />

de <strong>le</strong>ur personnalité ne soi<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>gagées . Chacun sait<br />

bi<strong>en</strong> que <strong>le</strong> <strong>des</strong>sin à l’ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce est inuti<strong>le</strong> : l’ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>t<br />

nous mène <strong>en</strong> bateau aussitôt qu’il <strong>des</strong>sine . Il nous<br />

met sous <strong>le</strong>s yeux <strong>des</strong> images qui correspond<strong>en</strong>t à cel<strong>le</strong>s<br />

qu’il voit autour de lui sans du tout y <strong>en</strong>gager son monde<br />

intérieur, ou tout au moins <strong>en</strong> l’<strong>en</strong>gageant <strong>le</strong> moins<br />

possib<strong>le</strong> . Mais cette caractéristique, qui était traditionnel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

cel<strong>le</strong> de l’ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce, est aujourd’hui de plus<br />

<strong>en</strong> plus tôt cel<strong>le</strong> <strong>des</strong> <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants . Le <strong>des</strong>sin devi<strong>en</strong>t<br />

pour certains, comme pour <strong>le</strong>s adultes et nombre d’ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ts,<br />

une façon de se cacher et pas de se montrer .<br />

C’est pourquoi nous devons utiliser avec eux <strong>le</strong> moy<strong>en</strong><br />

de symbolisation avec <strong>le</strong>quel il est <strong>le</strong> plus diffici<strong>le</strong> de<br />

tricher, à savoir l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t du corps avec <strong>le</strong>s gestes,<br />

<strong>le</strong>s mimiques et <strong>le</strong>s intonations qui <strong>le</strong> mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> scène .<br />

En effet, si <strong>le</strong> langage, <strong>le</strong> <strong>des</strong>sin et <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> corporel sont<br />

chacun <strong>des</strong> moy<strong>en</strong>s de symbolisation à part <strong>en</strong>tière,<br />

ils ne mobilis<strong>en</strong>t pas de la même manière <strong>le</strong>s couches<br />

– 46 – – 47 –


profon<strong>des</strong> de la personnalité . Le langage est <strong>le</strong> moy<strong>en</strong><br />

qui a <strong>le</strong> plus grand pouvoir de distanciation et c’est<br />

évidemm<strong>en</strong>t pour cela qu’il est privilégié chez l’adulte .<br />

Inversem<strong>en</strong>t, l’expression corporel<strong>le</strong> est <strong>le</strong> moy<strong>en</strong> de<br />

symbolisation qui a <strong>le</strong> plus grand pouvoir d’instanciation,<br />

c’est-à-dire de r<strong>en</strong>dre prés<strong>en</strong>tes <strong>le</strong>s émotions et <strong>le</strong>s<br />

s<strong>en</strong>sations vécues . Quant aux images, el<strong>le</strong>s se trouv<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s deux, plus ou moins proches de l’un ou l’autre<br />

de ces deux pô<strong>le</strong>s selon <strong>le</strong>s situations et <strong>le</strong>s acteurs qui<br />

y sont <strong>en</strong>gagés .<br />

C’est ce pouvoir du corps d’instancier <strong>le</strong>s émotions et<br />

<strong>le</strong>s représ<strong>en</strong>tations qui a am<strong>en</strong>é à développer, dans <strong>le</strong>s<br />

années 1980, <strong>le</strong>s thérapies qu’on a appelées « corporel<strong>le</strong>s<br />

» parce qu’el<strong>le</strong>s utilis<strong>en</strong>t l’implication corporel<strong>le</strong><br />

pour faire remonter <strong>des</strong> expéri<strong>en</strong>ces vécues <strong>en</strong>fouies .<br />

Ces thérapies c<strong>en</strong>trées sur l’expression ont d’abord été<br />

p<strong>en</strong>sées contre la psychanalyse, mais on s’est rapidem<strong>en</strong>t<br />

r<strong>en</strong>du compte qu’el<strong>le</strong>s lui sont complém<strong>en</strong>taires,<br />

notamm<strong>en</strong>t pour <strong>le</strong>s pati<strong>en</strong>ts dont <strong>le</strong> discours est coupé<br />

<strong>des</strong> couches profon<strong>des</strong> de la personnalité . El<strong>le</strong>s ne sont<br />

pas sans risque . Le danger existe toujours que celui qui<br />

s’<strong>en</strong>gage dans l’expression émotionnel<strong>le</strong> de son vécu<br />

<strong>le</strong> plus profond soit soudain submergé par ce qui sort<br />

de lui, qu’il ne reconnaît pas, qu’il a r<strong>en</strong>oncé à contrô<strong>le</strong>r<br />

et qui peut l’angoisser terrib<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t . C’est pourquoi ces<br />

thérapies ont provoqué quelques catastrophes dans<br />

<strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s postulants n’avai<strong>en</strong>t pas été cadrés,<br />

<strong>en</strong>tourés et accompagnés de manière satisfaisante .<br />

Et c’est pour cette raison-là que <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures<br />

doit comporter un balisage sous la forme d’un cahier <strong>des</strong><br />

charges : <strong>le</strong>s paro<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s actions doiv<strong>en</strong>t y être fixées<br />

à l’avance pour éviter que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants se retrouv<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

situation d’improvisation et que <strong>des</strong> mots ou <strong>des</strong> actes<br />

liés à <strong>le</strong>ur histoire ou à cel<strong>le</strong> de <strong>le</strong>urs par<strong>en</strong>ts <strong>le</strong>ur échapp<strong>en</strong>t<br />

soudain et <strong>le</strong>s plong<strong>en</strong>t dans l’angoisse . Mais <strong>le</strong><br />

bénéfice <strong>en</strong> vaut la peine . Ce mode de symbolisation est<br />

<strong>en</strong> effet celui qui a <strong>le</strong> plus grand pouvoir de mobiliser <strong>le</strong>s<br />

expéri<strong>en</strong>ces émotionnel<strong>le</strong>s de l’<strong>en</strong>fant au service d’un<br />

changem<strong>en</strong>t durab<strong>le</strong> de ses comportem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> société .<br />

conclusion :<br />

L’urg<strong>en</strong>ce d’agir<br />

La consommation télévisuel<strong>le</strong> de plus <strong>en</strong> plus précoce<br />

réduit aujourd’hui dramatiquem<strong>en</strong>t <strong>le</strong> temps de <strong>jeu</strong> <strong>des</strong><br />

<strong>en</strong>fants, avec deux conséqu<strong>en</strong>ces ma<strong>jeu</strong>res : ils sont<br />

incités à se constituer <strong>en</strong> spectateurs plutôt qu’<strong>en</strong><br />

acteurs du monde, et, pour certains, à se replier sur<br />

une posture id<strong>en</strong>tificatoire exclusive qui réduit <strong>le</strong>ur<br />

soup<strong>le</strong>sse d’adaptation aux situations nouvel<strong>le</strong>s . Bi<strong>en</strong><br />

sûr, nous ne sous-estimons pas <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s<br />

technologies propos<strong>en</strong>t aussi aux <strong>en</strong>fants plus grands<br />

de r<strong>en</strong>ouer avec <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>x dont ils ont été privés quand<br />

ils étai<strong>en</strong>t petits, notamm<strong>en</strong>t par la possibilité d’incarner<br />

de multip<strong>le</strong>s personnages dans <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>x vidéo <strong>en</strong> réseau<br />

ou dans <strong>le</strong>s espaces virtuels . Mais nous ne pouvons pas<br />

oublier pour autant que <strong>le</strong>s premières années sont une<br />

période ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> au développem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> possibilités<br />

psychiques . C’est pourquoi il est capital de mettre <strong>en</strong><br />

place <strong>des</strong> activités qui souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants<br />

sur <strong>le</strong> chemin d’une id<strong>en</strong>tité riche et nuancée . Cela ne<br />

peut se faire qu’<strong>en</strong> <strong>en</strong>gageant à la fois <strong>le</strong> corps et <strong>le</strong><br />

discours, et <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures correspond parfaitem<strong>en</strong>t<br />

à ces exig<strong>en</strong>ces .<br />

Tout d’abord, il remplit quatre <strong>des</strong> six objectifs que<br />

<strong>le</strong>s programmes français fix<strong>en</strong>t à l’éco<strong>le</strong> maternel<strong>le</strong> :<br />

l’appr<strong>en</strong>tissage de la langue parlée, la socialisation,<br />

l’imagination et l’expression corporel<strong>le</strong> . C’est considérab<strong>le</strong><br />

quand on a à l’esprit que <strong>le</strong>s activités qui réalis<strong>en</strong>t<br />

quatre objectifs sur six sont rares .<br />

En second lieu, il offre un temps dédié à l’appr<strong>en</strong>tissage<br />

de la gestion <strong>des</strong> émotions . Les <strong>en</strong>fants y trouv<strong>en</strong>t<br />

un cadre cont<strong>en</strong>ant dans <strong>le</strong>quel ils peuv<strong>en</strong>t digérer et<br />

assimi<strong>le</strong>r ou à <strong>le</strong>ur rythme <strong>le</strong>s images qui ont pu <strong>le</strong>s<br />

bou<strong>le</strong>verser, que ce soit par <strong>le</strong>urs cont<strong>en</strong>us ou par <strong>le</strong>ur<br />

rythme . Il constitue ainsi une forme de pré-éducation<br />

aux images .<br />

– 49 –


Il permet éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t aux <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants d’appr<strong>en</strong>dre à<br />

« faire semblant » et, au-delà, de poser la distinction<br />

<strong>en</strong>tre <strong>le</strong> « pour de vrai » et <strong>le</strong> « pour de faux » . C’est<br />

d’autant plus important que cette distinction a disparu<br />

du paysage audiovisuel avec la télé réalité et <strong>le</strong>s docus<br />

fictions . Or el<strong>le</strong> est ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> à la construction id<strong>en</strong>titaire<br />

. Il existe <strong>en</strong> effet une corrélation directe <strong>en</strong>tre la<br />

capacité de « faire semblant » et <strong>le</strong> pouvoir de surmonter<br />

la frustration <strong>des</strong> situations décevantes . Mieux cette<br />

capacité est établie et plus l’<strong>en</strong>fant est à même de gérer<br />

<strong>le</strong>s situations pénib<strong>le</strong>s sur un mode indirect, celui du<br />

<strong>jeu</strong>, <strong>en</strong> évitant de s’<strong>en</strong>gager dans <strong>des</strong> processus d’autodéception<br />

. Autrem<strong>en</strong>t dit, plus <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants sont invités<br />

à « imiter pour de faux » – dans un cadre qui soit garant<br />

de <strong>le</strong>ur <strong>jeu</strong> – et moins ils sont m<strong>en</strong>acés par la t<strong>en</strong>tation<br />

d’imiter « pour de vrai », notamm<strong>en</strong>t dans <strong>des</strong> agressions<br />

– ou <strong>des</strong> soumissions ! – bi<strong>en</strong> réel<strong>le</strong>s .<br />

Enfin, <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures permet l’appr<strong>en</strong>tissage<br />

de compét<strong>en</strong>ces relationnel<strong>le</strong>s . Le résultat <strong>le</strong> plus<br />

spectaculaire est l’amélioration de la vie de classe et la<br />

réduction <strong>des</strong> t<strong>en</strong>sions . Les maîtresses <strong>des</strong> <strong>classes</strong> où<br />

cette activité est mise <strong>en</strong> place signa<strong>le</strong>nt une atmosphère<br />

plus sereine, la réapparition de <strong>jeu</strong>x col<strong>le</strong>ctifs<br />

qui avai<strong>en</strong>t disparu <strong>des</strong> cours de récréation (comme<br />

celui de la marchande) et une meil<strong>le</strong>ure gestion par<br />

<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>des</strong> conflits pouvant apparaître <strong>en</strong>tre eux .<br />

Ces résultats qualitatifs ont été confirmés par une<br />

recherche quantitative : <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures favorise<br />

<strong>le</strong> changem<strong>en</strong>t de posture id<strong>en</strong>tificatoire, tout particulièrem<strong>en</strong>t<br />

chez <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui ont t<strong>en</strong>dance à se<br />

p<strong>en</strong>ser comme agresseurs ou victimes, et développe<br />

la capacité de faire appel à l’adulte pour résoudre <strong>le</strong>s<br />

conflits 28 . Mais il ne s’agit là que de la partie visib<strong>le</strong><br />

de changem<strong>en</strong>ts beaucoup plus profonds . En effet,<br />

l’ess<strong>en</strong>tiel est que <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures augm<strong>en</strong>te la<br />

plasticité psychique et donne plus de liberté intérieure<br />

aux <strong>en</strong>fants .<br />

28 . Recherche m<strong>en</strong>ée <strong>en</strong> 2007 et 2008 avec <strong>le</strong> souti<strong>en</strong> de la Fondation<br />

de France dans <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s maternel<strong>le</strong>s Langevin 1 (Arg<strong>en</strong>teuil, 95),<br />

R<strong>en</strong>é Coty (Gonesse, 95) et St Pierre (Paris, 75008) . Les résultats<br />

comp<strong>le</strong>ts sont consultab<strong>le</strong>s sur yapaka .be .<br />

– 50 –<br />

Son efficacité est d’abord liée au fait que <strong>le</strong>s <strong>trois</strong><br />

dim<strong>en</strong>sions complém<strong>en</strong>taires de la symbolisation y sont<br />

<strong>en</strong>gagées . L’<strong>en</strong>fant est invité à imaginer une situation<br />

– c’est la symbolisation imagée –, à la jouer – c’est la<br />

symbolisation s<strong>en</strong>sorimotrice – et à par<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s situations<br />

– c’est la symbolisation verba<strong>le</strong> . Et pour réaliser<br />

ce trip<strong>le</strong> objectif, il doit mobiliser à la fois <strong>des</strong> élém<strong>en</strong>ts<br />

cognitifs, relationnels et affectifs . Les premiers sont plus<br />

particulièrem<strong>en</strong>t mis <strong>en</strong> <strong>jeu</strong> lors de la phase préalab<strong>le</strong> de<br />

construction de l’histoire . Les seconds sont facilités par<br />

l’exist<strong>en</strong>ce d’un m<strong>en</strong>eur de <strong>jeu</strong> (l’<strong>en</strong>seignant) qui aide<br />

à la construction du scénario, introduit <strong>des</strong> relances<br />

pour stimu<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s participants, et garantit l’exist<strong>en</strong>ce<br />

d’un cadre sécurisant . Enfin, l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t émotionnel<br />

<strong>des</strong> participants nécessite qu’ils accept<strong>en</strong>t de remettre<br />

sur <strong>le</strong> métier <strong>le</strong>urs id<strong>en</strong>tifications . À l’inverse, l’abs<strong>en</strong>ce<br />

d’émotions lors du <strong>jeu</strong>, ou <strong>des</strong> émotions feintes, traduit<br />

<strong>le</strong> risque d’un processus de clivage <strong>des</strong> expéri<strong>en</strong>ces<br />

vécues . C’est pourquoi il est si important que l’<strong>en</strong>seignant<br />

soit att<strong>en</strong>tif à cet <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t . Et c’est aussi pour<br />

cela qu’une formation préalab<strong>le</strong> <strong>des</strong> <strong>en</strong>seignants (de<br />

<strong>trois</strong> jours répartis sur l’année) est indisp<strong>en</strong>sab<strong>le</strong> avant<br />

qu’ils mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> place cette activité .<br />

Bi<strong>en</strong> sûr, tous <strong>le</strong>s élèves ne bénéfici<strong>en</strong>t pas du Jeu<br />

<strong>des</strong> Trois Figures de la même façon . Ceux qui <strong>en</strong> tir<strong>en</strong>t<br />

<strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur profit sont probab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t ceux qui ont une<br />

bonne base sécuritaire, mais qui sont m<strong>en</strong>acés de<br />

s’id<strong>en</strong>tifier à un modè<strong>le</strong> exclusif du fait d’expéri<strong>en</strong>ces<br />

audiovisuel<strong>le</strong>s solitaires trop nombreuses, voire traumatisantes<br />

. À l’inverse, ceux qui <strong>en</strong> bénéfici<strong>en</strong>t <strong>le</strong> moins<br />

sont certainem<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s plus car<strong>en</strong>cés qui ont t<strong>en</strong>dance à<br />

réagir à toutes <strong>le</strong>s situations d’insécurité par la vio<strong>le</strong>nce .<br />

Autrem<strong>en</strong>t dit, <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures ne résout pas<br />

tout, mais il <strong>en</strong>courage <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui ont une aptitude<br />

à la fluidité id<strong>en</strong>titaire à résoudre <strong>le</strong>urs conflits de façon<br />

non vio<strong>le</strong>nte, et il t<strong>en</strong>te de greffer cette capacité chez<br />

ceux qui <strong>en</strong> sont dépourvus .<br />

Autant d’argum<strong>en</strong>ts qui justifi<strong>en</strong>t de l’intégrer au plus<br />

vite dans <strong>le</strong> temps scolaire .


Bibliographie<br />

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1978 .<br />

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Viewing and Te<strong>le</strong>vision in Bedroom Associated With Overweigt<br />

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pp . 1028-1035, 2002 .<br />

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Child. Dev., 45 (6–7), pp . 1–115, 1980 .<br />

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de l’hôpital pour <strong>en</strong>fants de Seatt<strong>le</strong> (Washington), publiée dans la<br />

revue américaine Journal of Pediatrics, 4, vol 113, pp . 708-713,<br />

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médias, Paris, Armand Colin, 2010 .<br />

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Marabout, 1997 .<br />

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childr<strong>en</strong> . », Journal Child Dev., 79 (4), pp . 1137-51, 2008 .<br />

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<strong>jeu</strong>nes vio<strong>le</strong>nts ?, Paris, Armand Colin, 2000 .<br />

- Tisseron S ., Y a-t-il un pilote dans l’image ?, Paris, Aubier, 1997 .<br />

- Tisseron S ., Comm<strong>en</strong>t Hitchcock m’a guéri, Paris, Albin Michel,<br />

2003 .<br />

- Tisseron S, « Les effets de la télévision sur <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants :<br />

prév<strong>en</strong>tion de la vio<strong>le</strong>nce par <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> <strong>trois</strong> <strong>figures</strong> », Dev<strong>en</strong>ir,<br />

Volume 22, Numéro 1, pp . 73-93, 2010 .<br />

- Tisseron S ., Virtuel, mon amour ; p<strong>en</strong>ser, aimer, souffrir à l’ère <strong>des</strong><br />

nouvel<strong>le</strong>s technologies, Paris, Albin Michel, 2008 .<br />

- Tisseron S ., Qui a peur <strong>des</strong> <strong>jeu</strong>x vidéo ?, Paris, Albin Michel<br />

(<strong>en</strong> collaboration avec Isabel<strong>le</strong> Gravillon), 2008 .<br />

- Tisseron S ., Les dangers de la télé pour <strong>le</strong>s bébés, Bruxel<strong>le</strong>s,<br />

yapaka, 2009 .<br />

- Tisseron S ., L’empathie au cœur du <strong>jeu</strong> social, Paris, Albin Michel,<br />

2010 .<br />

- Tremblay R ., Prév<strong>en</strong>ir la vio<strong>le</strong>nce dès la petite <strong>en</strong>fance, Paris,<br />

Odi<strong>le</strong> Jacob, 2008 .<br />

- Winnicott D .W ., (1973), Jeu et réalité, Paris, Payot, 1978 .<br />

- Zimmerman FJ, Christakis DA, « Childr<strong>en</strong>’s te<strong>le</strong>vision viewing and<br />

cognitive outcomes : a longitudinal analysis of national data . »,<br />

Arch . Pediatr . Ado<strong>le</strong>sc . Med ., 159 (7), pp . 619–625, 2005 .<br />

Ressources<br />

- Serge Tisseron – Jeux de rô<strong>le</strong> <strong>en</strong> maternel<strong>le</strong>s :<br />

rapport de recherche : www .yapaka .be<br />

- Serge Tisseron – Vidéo – durée 6 :15<br />

www .yapaka .be/professionnels/video/<br />

faire-<strong>des</strong>-<strong>jeu</strong>x-de-ro<strong>le</strong>-<strong>des</strong>-<strong>le</strong>co<strong>le</strong>-maternel<strong>le</strong><br />

- « Aïe ! mets-toi à ma place – La prév<strong>en</strong>tion de la vio<strong>le</strong>nce<br />

à l’éco<strong>le</strong> maternel<strong>le</strong> »,<br />

un docum<strong>en</strong>taire de Philippe Meirieu – 26 min –<br />

www .capcanal .com/capcanal/sections/fr/videos/<br />

cap_infos_primaire/maternel<strong>le</strong>/vio<strong>le</strong>nce_maternel<strong>le</strong>


Remerciem<strong>en</strong>ts<br />

Je remercie d’abord l’Académie <strong>des</strong> Sci<strong>en</strong>ces mora<strong>le</strong>s et politiques,<br />

qui m’a sout<strong>en</strong>u dans mes recherches sur <strong>le</strong>s images et<br />

la vio<strong>le</strong>nce depuis 2003, après m’avoir honoré du Prix Stassart,<br />

ainsi que <strong>le</strong>s participants à mon groupe de travail dans <strong>le</strong> cadre<br />

de l’Institut, à comm<strong>en</strong>cer par Madame Hélène Gouingu<strong>en</strong>et<br />

sans laquel<strong>le</strong> ce groupe n’aurait pas été possib<strong>le</strong>.<br />

Je remercie <strong>en</strong>suite la Fondation de France qui a r<strong>en</strong>du possib<strong>le</strong><br />

l’expérim<strong>en</strong>tation du Jeu <strong>des</strong> Trois Figures <strong>en</strong> 2007 et 2008 ;<br />

Madame Corinne Le<strong>en</strong>hardt qui m’a guidé et conseillé dans<br />

mes démarches auprès de l’Éducation nationa<strong>le</strong> ; l’Académie du<br />

Val d’Oise et <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s qui ont accepté de se lancer dans l’expérim<strong>en</strong>tation<br />

<strong>en</strong>tre septembre 2007 et juin 2008 : Maternel<strong>le</strong><br />

Langevin 1 (Arg<strong>en</strong>teuil, 95), Maternel<strong>le</strong> R<strong>en</strong>é Coty (Gonesse,<br />

95) et Maternel<strong>le</strong> St Pierre (Paris, 75008) ; et <strong>en</strong>fin l’ENSANS<br />

(Environnem<strong>en</strong>t, Santé et Société) qui <strong>en</strong> a géré <strong>le</strong> vo<strong>le</strong>t matériel.<br />

Je remercie éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignantes qui ont participé<br />

à l’expérim<strong>en</strong>tation (Mesdames Hélène Arditti, Juliette Bour,<br />

Caroline Chambonneau, Isabel<strong>le</strong> Hamon, Laur<strong>en</strong>ce Savary,<br />

Élodie Varalda, Sylvie Vodungbo), Madame Claire Badoc qui<br />

nous a apporté ses compét<strong>en</strong>ces sur la pratique du test du<br />

« Patte Noire », et <strong>le</strong>s chercheurs qui ont contribué sous ma<br />

direction à la réussite de cette <strong>en</strong>treprise (Mesdames Marie<br />

Noël<strong>le</strong> Clém<strong>en</strong>t, Sandrine Imart, Christel Fernandez, Maeva<br />

Mazeiras, Marion, Saly, Cyriel<strong>le</strong> Thomas, Estel<strong>le</strong> Trumeau ainsi<br />

que Monsieur B<strong>en</strong>oît Ceroux)<br />

Mes remerciem<strong>en</strong>ts vont aussi à Philippe Meirieu, qui a réalisé<br />

un premier film sur mon travail <strong>en</strong> maternel<strong>le</strong>s à Lyon <strong>en</strong> 2009,<br />

et tous <strong>le</strong>s membres de l’équipe cinématographique du CRDP<br />

de l’Académie de Versail<strong>le</strong>s qui ont mis <strong>le</strong>urs compét<strong>en</strong>ces au<br />

service de la fabrication d’un DVD <strong>des</strong>tiné à servir de support<br />

pédagogique pour la formation.<br />

Je remercie tout particulièrem<strong>en</strong>t Madame Évelyne Collin, dont<br />

<strong>le</strong> souti<strong>en</strong> a permis de dépasser la phase d’expérim<strong>en</strong>tation<br />

pour débuter une mise <strong>en</strong> place plus systématique du Jeu <strong>des</strong><br />

Trois Figures sur <strong>le</strong> Val d’Oise, ainsi que ses collègues qui ont<br />

accompagné <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignantes dans la mise <strong>en</strong> place de cette<br />

activité.<br />

Je remercie <strong>en</strong>fin Vinc<strong>en</strong>t Magos qui m’a <strong>en</strong>couragé à la rédaction<br />

du prés<strong>en</strong>t ouvrage, afin de faciliter la mise <strong>en</strong> place du Jeu<br />

<strong>des</strong> Trois <strong>figures</strong>.<br />

Des formations au<br />

Jeu <strong>des</strong> Trois Figures<br />

sont organisées :<br />

Formation<br />

En BElgiquE :<br />

voyez <strong>le</strong>s conditions sur yapaka.be/formations.<br />

En FrancE :<br />

r<strong>en</strong>seignez-vous auprès de votre académie.


Temps d’Arrêt / Lectures – Déjà parus<br />

• L’aide aux <strong>en</strong>fants<br />

victimes de maltraitance –<br />

Guide à l’usage <strong>des</strong> interv<strong>en</strong>ants<br />

auprès <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants et ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ts.<br />

Col<strong>le</strong>ctif.<br />

• Avatars et désarrois de l’<strong>en</strong>fant-roi.<br />

Laur<strong>en</strong>ce Gavarini, Jean-Pierre Lebrun<br />

et Françoise Petitot.<br />

• Confid<strong>en</strong>tialité et secret professionnel :<br />

<strong>en</strong><strong>jeu</strong>x pour une société démocratique.<br />

Edwige Barthé<strong>le</strong>mi, Claire Meersseman<br />

et Jean-François Servais.<br />

• Prév<strong>en</strong>ir <strong>le</strong>s troub<strong>le</strong>s de la relation<br />

autour de la naissance.<br />

Reine Vander Lind<strong>en</strong> et Luc Rœgiers.<br />

• Procès Dutroux ; P<strong>en</strong>ser l’émotion.<br />

Vinc<strong>en</strong>t Magos (dir).<br />

• Handicap et maltraitance.<br />

Nadine C<strong>le</strong>rebaut, Véronique Ponce<strong>le</strong>t<br />

et Violaine Van Cutsem.<br />

• Malaise dans la protection de l’<strong>en</strong>fance :<br />

La vio<strong>le</strong>nce <strong>des</strong> interv<strong>en</strong>ants.<br />

Catherine Marneffe.<br />

• Maltraitance et cultures.<br />

Ali Aouattah, Georges Devereux,<br />

Christian Dubois, Kouakou Kouassi,<br />

Patrick Lurquin, Vinc<strong>en</strong>t Magos,<br />

Marie-Rose Moro.<br />

• Le délinquant sexuel –<br />

<strong>en</strong><strong>jeu</strong>x cliniques et sociétaux.<br />

Francis Mart<strong>en</strong>s, André Ciavaldini,<br />

Roland Coutanceau, Loïc Wacqant.<br />

• Ces désirs qui nous font honte.<br />

Désirer, souhaiter, agir : <strong>le</strong> risque de la<br />

confusion. Serge Tisseron.<br />

• Engagem<strong>en</strong>t, décision et acte dans <strong>le</strong><br />

travail avec <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s.<br />

Yves Cartuyvels, Françoise Collin,<br />

Jean-Pierre Lebrun, Jean De Munck,<br />

Jean-Paul Mugnier, Marie-Jean Sauret.<br />

• Le professionnel, <strong>le</strong>s par<strong>en</strong>ts et<br />

l’<strong>en</strong>fant face au remue-ménage de la<br />

séparation conjuga<strong>le</strong>.<br />

G<strong>en</strong>eviève Monnoye avec la participation<br />

de Bénédicte G<strong>en</strong>nart, Philippe Kinoo,<br />

Patricia Laloire, Françoise Mulkay,<br />

Gaël<strong>le</strong> R<strong>en</strong>ault.<br />

• L’<strong>en</strong>fant face aux médias. Quel<strong>le</strong><br />

responsabilité socia<strong>le</strong> et familia<strong>le</strong> ?<br />

Dominique Ottavi, Dany-Robert Dufour.<br />

• Voyage à travers la honte.<br />

Serge Tisseron.<br />

• L’av<strong>en</strong>ir de la haine.<br />

Jean-Pierre Lebrun.<br />

• Des dinosaures au pays du Net.<br />

Pasca<strong>le</strong> Gustin.*<br />

• L’<strong>en</strong>fant hyperactif, son développem<strong>en</strong>t<br />

et la prédiction de la délinquance :<br />

qu’<strong>en</strong> p<strong>en</strong>ser aujourd’hui ?<br />

Pierre Delion.<br />

• Choux, cigognes, « zizi sexuel »,<br />

sexe <strong>des</strong> anges…<br />

Par<strong>le</strong>r sexe avec <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants ?<br />

Martine Gayda, Monique Meyfrœt,<br />

Reine Vander Lind<strong>en</strong>, Francis Mart<strong>en</strong>s –<br />

avant-propos de Catherine Marneffe.<br />

• Le traumatisme psychique.<br />

François Lebigot.<br />

• Pour une éthique clinique dans <strong>le</strong> cadre<br />

judiciaire.<br />

Daniè<strong>le</strong> Epstein.<br />

• À l’écoute <strong>des</strong> fantômes.<br />

Claude Nachin.<br />

• La protection de l’<strong>en</strong>fance.<br />

Maurice Berger, Emmanuel<strong>le</strong> Bonnevil<strong>le</strong>.<br />

• Les vio<strong>le</strong>nces <strong>des</strong> ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ts sont<br />

<strong>le</strong>s symptômes de la logique<br />

du monde actuel.<br />

Jean-Marie Forget.<br />

• Le déni de grossesse.<br />

Sophie Marinopoulos.<br />

• La fonction par<strong>en</strong>ta<strong>le</strong>.<br />

Pierre Delion.<br />

• L’impossib<strong>le</strong> <strong>en</strong>trée dans la vie.<br />

Marcel Gauchet.<br />

• L’<strong>en</strong>fant n’est pas une « personne ».<br />

Jean-Claude Qu<strong>en</strong>tel.<br />

• L’éducation est-el<strong>le</strong> possib<strong>le</strong><br />

sans <strong>le</strong> concours de la famil<strong>le</strong> ?<br />

Marie-Claude Blais.<br />

• Les dangers de la télé pour <strong>le</strong>s<br />

bébés.<br />

Serge Tisseron.<br />

• La clinique de l’<strong>en</strong>fant :<br />

un regard psychiatrique sur la<br />

condition <strong>en</strong>fantine actuel<strong>le</strong>.<br />

Michè<strong>le</strong> Brian.<br />

• Qu’est-ce qu’appr<strong>en</strong>dre ?<br />

Le rapport au savoir et la crise de la<br />

transmission.<br />

Dominique Ottavi.<br />

• Points de repère pour prév<strong>en</strong>ir la<br />

maltraitance.<br />

Col<strong>le</strong>ctif.<br />

• Traiter <strong>le</strong>s agresseurs sexuels ?<br />

Amal Hachet.<br />

• Ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce et insécurité.<br />

Didier Robin.<br />

• Le deuil périnatal.<br />

Marie-José Soubieux.<br />

• Loyautés et famil<strong>le</strong>s.<br />

L. Couloubaritsis,<br />

E. de Becker, C. Ducommun-Nagy,<br />

N. Stryckman.<br />

• Paradoxes et dép<strong>en</strong>dance<br />

à l’ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce.<br />

Philippe Jeammet.<br />

• L’<strong>en</strong>fant et la séparation par<strong>en</strong>ta<strong>le</strong>.<br />

Diane Drory.<br />

• L’expéri<strong>en</strong>ce quotidi<strong>en</strong>ne de l’<strong>en</strong>fant.<br />

Dominique Ottavi.<br />

• Ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce et risques.<br />

Pascal Hachet.<br />

• La souffrance <strong>des</strong> marâtres.<br />

Susann He<strong>en</strong><strong>en</strong>-Wolff.<br />

• Grandir <strong>en</strong> situation transculturel<strong>le</strong>.<br />

Marie-Rose Moro.<br />

• Qu’est-ce que la distinction de sexe ?<br />

Irène Théry.<br />

• L’observation du bébé.<br />

Annette Watillon.<br />

• Par<strong>en</strong>ts défaillants, professionnels<br />

<strong>en</strong> souffrance.<br />

Martine Lamour.<br />

• Infantici<strong>des</strong> et néonatici<strong>des</strong>.<br />

Sophie Marinopoulos.<br />

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