le jeu des trois figures en classes maternelles - Yapaka
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Des par<strong>en</strong>ts <strong>le</strong> remarqu<strong>en</strong>t, <strong>des</strong> pédagogues s’<strong>en</strong> plaign<strong>en</strong>t.<br />
Beaucoup d’<strong>en</strong>fants semb<strong>le</strong>nt ne plus savoir jouer. Ils<br />
s’<strong>en</strong>nui<strong>en</strong>t dès qu’on éteint la télévision ou qu’on <strong>le</strong>ur retire<br />
<strong>le</strong>ur conso<strong>le</strong> de <strong>jeu</strong>. La faute à qui ? Ils n’ont pas appris<br />
à jouer parce qu’on ne <strong>le</strong>ur <strong>en</strong> a pas laissé <strong>le</strong> temps. Dès<br />
l’âge de deux ans, ils sont <strong>en</strong> effet partagés <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s<br />
appr<strong>en</strong>tissages scolaires d’un côté et la télévision de l’autre.<br />
Or la télévision n’est pas un <strong>jeu</strong>, mais un spectac<strong>le</strong>. Et <strong>le</strong>s<br />
effets de la consommation télévisuel<strong>le</strong> du <strong>jeu</strong>ne <strong>en</strong>fant a <strong>des</strong><br />
conséqu<strong>en</strong>ces problématiques bi<strong>en</strong> au-delà de <strong>trois</strong> ans !<br />
C’est pourquoi il est urg<strong>en</strong>t de mettre <strong>en</strong> place <strong>des</strong> activités<br />
qui permett<strong>en</strong>t aux <strong>en</strong>fants de réappr<strong>en</strong>dre à jouer, et <strong>le</strong>ur<br />
permett<strong>en</strong>t de se dépr<strong>en</strong>dre <strong>des</strong> effets de la surconsommation<br />
télévisuel<strong>le</strong>. Le Jeu <strong>des</strong> Trois Figures pratiqué chaque<br />
semaine par <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants de maternel<strong>le</strong> permet aux<br />
<strong>en</strong>fants de pr<strong>en</strong>dre du recul par rapport à l’impact <strong>des</strong> images<br />
sur eux, réduit <strong>le</strong>s vio<strong>le</strong>nces scolaires et développe la t<strong>en</strong>dance<br />
à faire appel à l’adulte pour résoudre <strong>le</strong>s conflits.<br />
Serge Tisseron est psychiatre et psychanalyste, directeur<br />
de recherches de l’Université à Paris Ouest Nanterre. Il est<br />
l’auteur de nombreux ouvrages dont : Petit manuel à l’usage<br />
<strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts dont <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants regard<strong>en</strong>t trop la télévision (2004,<br />
Bayard), La résili<strong>en</strong>ce (2007, PUF), Virtuel mon amour (2008,<br />
Albin Michel), Qui a peur <strong>des</strong> <strong>jeu</strong>x vidéo ? (2008, Albin Michel),<br />
Les dangers de la télé pour <strong>le</strong>s bébés (2008, yapaka), Mets<br />
toi à ma place, l’empathie au cœur du li<strong>en</strong> social (2010, Albin<br />
Michel).<br />
Coordination de l’aide aux victimes de maltraitance<br />
Secrétariat général<br />
Ministère de la Communauté<br />
française de Belgique<br />
Bd Léopold II, 44 – 1080 Bruxel<strong>le</strong>s<br />
yapaka@yapaka.be<br />
Le Jeu <strong>des</strong> Trois Figures <strong>en</strong> cLasses maTerneLLes<br />
serge Tisseron<br />
yapaka.be<br />
46<br />
T E M P S D ’ A r r ê T L e c T u r e s<br />
Le Jeu <strong>des</strong> Trois Figures<br />
<strong>en</strong> cLasses maTerneLLes<br />
Serge Tisseron
Le Jeu <strong>des</strong> Trois<br />
Figures <strong>en</strong> <strong>classes</strong><br />
maternel<strong>le</strong>s<br />
Serge Tisseron
Temps d’Arrêt / Lectures<br />
Une col<strong>le</strong>ction de textes courts <strong>des</strong>tinés aux<br />
professionnels <strong>en</strong> li<strong>en</strong> direct avec <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s .<br />
Une invitation à marquer une pause dans la<br />
course du quotidi<strong>en</strong>, à partager <strong>des</strong> <strong>le</strong>ctures <strong>en</strong><br />
équipe, à prolonger la réf<strong>le</strong>xion par d’autres textes .<br />
– 8 parutions par an .<br />
Directeur de col<strong>le</strong>ction : Vinc<strong>en</strong>t Magos assisté de Diane<br />
Huppert ainsi que de Delphine Cordier, Nadège Depessemier,<br />
Sandrine H<strong>en</strong>nebert, Philippe Jadin, Christine Lhermitte et<br />
Claire-Anne Sevrin .<br />
Le programme yapaka<br />
Fruit de la collaboration <strong>en</strong>tre plusieurs administrations de la<br />
Communauté française de Belgique (Administration généra<strong>le</strong><br />
de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et de la recherche sci<strong>en</strong>tifique, Direction<br />
généra<strong>le</strong> de l’aide à la <strong>jeu</strong>nesse, Direction généra<strong>le</strong> de la<br />
santé et ONE), la col<strong>le</strong>ction « Temps d’Arrêt / Lectures » est<br />
un élém<strong>en</strong>t du programme de prév<strong>en</strong>tion de la maltraitance<br />
yapaka .be<br />
Comité de pilotage : Jacqueline Bourdouxhe, Deborah<br />
Dewulf, Nathalie Ferrard, Ingrid Godeau, Louis Grippa,<br />
Françoise Guillaume, Gérard Hans<strong>en</strong>, Françoise Hoornaert,<br />
Perrine Humb<strong>le</strong>t, Céline Morel, Marie Thonon, Reine Vander<br />
Lind<strong>en</strong> .<br />
Une initiative de la Communauté française de Belgique.<br />
Éditeur responsab<strong>le</strong> : Frédéric Delcor – Ministère de la Communauté<br />
française de Belgique – 44, bou<strong>le</strong>vard Léopold II – 1080 Bruxel<strong>le</strong>s .<br />
Octobre 2010 .<br />
Sommaire<br />
L’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> corps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7<br />
« Je me suis mis à sa place » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7<br />
« J’ai été choqué » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8<br />
Surmonter <strong>le</strong> choc <strong>des</strong> images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9<br />
Du stress au traumatisme et au clivage . . . . . . . . . . . . .11<br />
Trois conséqu<strong>en</strong>ces possib<strong>le</strong>s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13<br />
L’<strong>en</strong>fant empêché de jouer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17<br />
La construction du <strong>jeu</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19<br />
L’échec de la capacité de jouer . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21<br />
L’impact de la télévision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23<br />
Réappr<strong>en</strong>dre <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25<br />
La pratique du Jeu <strong>des</strong> Trois Figures<br />
<strong>en</strong> classe maternel<strong>le</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27<br />
Sept consignes pour sept mom<strong>en</strong>ts . . . . . . . . . . . . . . .27<br />
De l’importance de jouer tous <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s . . . . . . . . . . . . .37<br />
Dédramatiser l’id<strong>en</strong>tification à la victime . . . . . . . . . . . .38<br />
Les cinq questions <strong>le</strong> plus souv<strong>en</strong>t posées<br />
par <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants pratiquant<br />
<strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .41<br />
« C’est toujours pareil et je ne retrouve pas <strong>le</strong>s <strong>trois</strong><br />
<strong>figures</strong> dans <strong>le</strong>urs histoires » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .41<br />
« Et quand l’<strong>en</strong>fant ne joue plus ? » . . . . . . . . . . . . . . . .42<br />
« Il y a <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants qui semb<strong>le</strong>nt<br />
toujours faire semblant de jouer » . . . . . . . . . . . . . . . . . .44<br />
« Ne serait-il pas plus faci<strong>le</strong><br />
de partir de contes ? » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45<br />
« Et si on <strong>le</strong>s faisait plutôt <strong>des</strong>siner ? » . . . . . . . . . . . . . .47<br />
Conclusion : L’urg<strong>en</strong>ce d’agir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49
Entre la naissance et cinq ans, ce sont tous <strong>le</strong>s fondam<strong>en</strong>taux<br />
intel<strong>le</strong>ctuels et émotionnels de la personne <strong>en</strong><br />
dev<strong>en</strong>ir qui se mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> place . Le cerveau trip<strong>le</strong> de<br />
tail<strong>le</strong> et son réseautage est <strong>en</strong> expansion expon<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> .<br />
C’est aussi p<strong>en</strong>dant cette période charnière que <strong>le</strong> futur<br />
adulte pr<strong>en</strong>d ses habitu<strong>des</strong> et fixe nombre de comportem<strong>en</strong>ts<br />
et de préfér<strong>en</strong>ces . C’est pourquoi plus l’<strong>en</strong>fant<br />
multiplie <strong>le</strong>s expéri<strong>en</strong>ces, et notamm<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s expéri<strong>en</strong>ces<br />
de <strong>jeu</strong>, et plus il s’outil<strong>le</strong> à la fois physiquem<strong>en</strong>t, intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
et socia<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t . À l’inverse, plus il passe<br />
du temps à regarder passivem<strong>en</strong>t la télévision, moins il<br />
s’exerce à faire <strong>des</strong> efforts et à persévérer . La question<br />
de l’influ<strong>en</strong>ce <strong>des</strong> médias – c’est-à-dire principa<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
de la télévision pour ceux qui ont moins de six ans –<br />
n’est donc pas seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t un problème de modè<strong>le</strong>s et<br />
d’imitation . C’est d’abord <strong>le</strong> problème de la réduction du<br />
temps de <strong>jeu</strong> chez <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants qui <strong>en</strong> ont fondam<strong>en</strong>ta<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
besoin à cet âge, et qui <strong>en</strong> ont même <strong>en</strong>core plus<br />
besoin parce qu’ils regard<strong>en</strong>t la télévision . Car, comme<br />
nous <strong>le</strong> verrons, la plupart <strong>des</strong> programmes qu’ils voi<strong>en</strong>t<br />
<strong>le</strong>s stress<strong>en</strong>t et <strong>le</strong>s déstabilis<strong>en</strong>t . Les <strong>en</strong>fants d’aujourd’hui<br />
vont-ils alors moins bi<strong>en</strong> que ceux d’hier ? Ri<strong>en</strong><br />
ne permet de <strong>le</strong> dire et nous ne nous hasarderons pas<br />
à cette hypothèse, mais ce n’est pas une raison pour<br />
r<strong>en</strong>oncer à ce qu’ils ail<strong>le</strong>nt mieux !<br />
C’est pourquoi cet ouvrage n’a pas pour objectif<br />
de démontrer l’influ<strong>en</strong>ce néfaste <strong>des</strong> images sur la<br />
construction id<strong>en</strong>titaire <strong>des</strong> <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants . Nous l’avons<br />
déjà fait, notamm<strong>en</strong>t <strong>le</strong> 18 octobre 2007 – soit deux<br />
jours après <strong>le</strong> lancem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> France de la chaîne Baby<br />
– 5 –
First – lorsque nous avons installé sur notre site Internet<br />
une pétition contre la télévision pour <strong>le</strong>s moins de <strong>trois</strong><br />
ans <strong>en</strong> invoquant <strong>le</strong> fait que c’était un problème de santé<br />
publique 1 . Mais il ne faut pas trop att<strong>en</strong>dre, dans ce<br />
domaine, d’une modification <strong>des</strong> comportem<strong>en</strong>ts familiaux<br />
. La télévision est dev<strong>en</strong>ue <strong>en</strong> quelques années une<br />
nounou dont beaucoup de par<strong>en</strong>ts ne saurai<strong>en</strong>t plus se<br />
passer ! Notre but est plutôt de réfléchir à la possibilité<br />
de mettre <strong>en</strong> place <strong>des</strong> contre-feux .<br />
Mais quel <strong>le</strong>vier utiliser ? Le <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> nous a paru un<br />
outil particulièrem<strong>en</strong>t adapté . Il favorise <strong>en</strong> effet à la fois<br />
l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t corporel, la construction narrative et la<br />
capacité de faire semblant . Or c’est au croisem<strong>en</strong>t de<br />
ces <strong>trois</strong> facultés que peut s’<strong>en</strong>gager pour l’<strong>en</strong>fant un<br />
travail de symbolisation qui lui permette de dépasser<br />
<strong>le</strong>s microtraumatismes cumulatifs quotidi<strong>en</strong>s que lui<br />
impos<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s images, y compris cel<strong>le</strong>s <strong>des</strong> programmes<br />
qui lui sont soi-disant <strong>des</strong>tinés . Nous avons réfléchi aux<br />
différ<strong>en</strong>ts protoco<strong>le</strong>s possib<strong>le</strong>s de façon à obt<strong>en</strong>ir <strong>le</strong>s<br />
résultats <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>urs . Le Jeu <strong>des</strong> Trois Figures est <strong>le</strong><br />
résultat de ces recherches .<br />
1 . www .squigg<strong>le</strong> .be/tisseron . Cette pétition a reçu <strong>le</strong> souti<strong>en</strong> de près de<br />
30 000 usagers, du Col<strong>le</strong>ctif Interassociatif Enfance et Média (CIEM)<br />
et de la quasi totalité <strong>des</strong> associations de professionnels de la petite<br />
<strong>en</strong>fance . En France, nous avons <strong>en</strong>semb<strong>le</strong> obt<strong>en</strong>u du CSA et du ministère<br />
de la Santé que <strong>le</strong>s chaînes de télévision à <strong>des</strong>tination <strong>des</strong><br />
bébés comport<strong>en</strong>t un avertissem<strong>en</strong>t précisant que « regarder la télévision<br />
peut freiner <strong>le</strong> développem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants de moins de <strong>trois</strong><br />
ans, même lorsqu’il s’agit de chaînes qui s’adress<strong>en</strong>t spécifiquem<strong>en</strong>t<br />
à eux » .<br />
L’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t<br />
<strong>des</strong> corps<br />
Le <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> <strong>en</strong>gage <strong>le</strong> corps . Mais pourquoi est-ce<br />
nécessaire de l’<strong>en</strong>gager ? Parce que la réception <strong>des</strong><br />
images mobilise <strong>en</strong> profondeur <strong>le</strong> corps vécu <strong>des</strong> <strong>jeu</strong>nes<br />
<strong>en</strong>fants . C’est ce qu’a montré l’étude que nous avons<br />
réalisée <strong>en</strong>tre 1997 et 2000 à la demande <strong>des</strong> ministères<br />
de la Famil<strong>le</strong>, de la Culture et de l’Education nationa<strong>le</strong><br />
français 2 . Il s’agissait d’évaluer l’impact <strong>des</strong> images<br />
ayant un cont<strong>en</strong>u vio<strong>le</strong>nt sur <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants âgés de onze<br />
à treize ans, à la fois sur <strong>le</strong>ur subjectivité individuel<strong>le</strong> et<br />
<strong>le</strong>urs comportem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> situation de groupe . Nous avons<br />
été surpris de découvrir que la distinction <strong>en</strong>tre fiction et<br />
actualité n’avait pas d’importance pour eux et que seul<br />
importait <strong>le</strong> fait de se mettre, ou non, « à la place » <strong>des</strong><br />
protagonistes dont <strong>le</strong> corps était malm<strong>en</strong>é ou b<strong>le</strong>ssé .<br />
« Je me suis mis à sa place. »<br />
Les <strong>en</strong>fants s’intéress<strong>en</strong>t aux images pour autant<br />
qu’el<strong>le</strong>s mobilis<strong>en</strong>t <strong>le</strong>urs expéri<strong>en</strong>ces personnel<strong>le</strong>s du<br />
monde . Ils sont <strong>en</strong> cela semblab<strong>le</strong>s aux spectateurs<br />
adultes qui cherch<strong>en</strong>t <strong>des</strong> points de contact <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>ur<br />
vie et cel<strong>le</strong> <strong>des</strong> personnages qu’ils voi<strong>en</strong>t sur <strong>le</strong>s écrans 3 .<br />
Mais à la différ<strong>en</strong>ce de ceux-ci, <strong>le</strong>urs expéri<strong>en</strong>ces de la<br />
vie sont <strong>en</strong>core peu nombreuses et <strong>le</strong>s situations représ<strong>en</strong>tées<br />
souv<strong>en</strong>t sans rapport avec <strong>le</strong>ur propre vie . C’est<br />
pourquoi, chez <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants, la recherche <strong>des</strong> points de<br />
r<strong>en</strong>contre <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>ur propre vie et cel<strong>le</strong> <strong>des</strong> personnages<br />
<strong>des</strong> écrans s’organise ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t à partir <strong>des</strong> s<strong>en</strong>sations<br />
et du corps vécu .<br />
Leurs réponses aux questions <strong>des</strong> chercheurs révè<strong>le</strong>nt<br />
<strong>en</strong> effet deux sources principa<strong>le</strong>s à <strong>le</strong>ur malaise : <strong>le</strong><br />
2 . Ce rapport a fait l’objet d’un ouvrage : Enfants sous influ<strong>en</strong>ce. Les<br />
écrans r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t-ils <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes vio<strong>le</strong>nts ? Paris, Armand Colin, 2000 .<br />
3 . Fiske J ., Te<strong>le</strong>vision Culture, Londres, Methu<strong>en</strong>, 1987 .<br />
– 7 –
éveil du souv<strong>en</strong>ir d’événem<strong>en</strong>ts qu’ils ont eux-mêmes<br />
vécus (soit à travers <strong>le</strong>s actions prés<strong>en</strong>tées, soit à travers<br />
<strong>le</strong>s lieux qui <strong>en</strong> sont <strong>le</strong> théâtre) et la référ<strong>en</strong>ce au<br />
corps b<strong>le</strong>ssé ou agressé . Les séqu<strong>en</strong>ces <strong>le</strong>s plus fréquemm<strong>en</strong>t<br />
citées sont ainsi cel<strong>le</strong>s qui mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> scène<br />
une agression directe 4 . Chez l’<strong>en</strong>fant, c’est l’adhésion<br />
du corps qui constitue <strong>le</strong> plus fiab<strong>le</strong> <strong>des</strong> repères .<br />
« J’ai été choqué. »<br />
Cet impact <strong>des</strong> images sur <strong>le</strong> corps est souv<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>té<br />
comme un « choc » . Beaucoup d’<strong>en</strong>fants nous<br />
ont dit être « choqués » par <strong>le</strong>s images de la télévision,<br />
notamm<strong>en</strong>t cel<strong>le</strong>s d’actualités . Mais que signifie<br />
ce mot ? Quand <strong>le</strong> canadi<strong>en</strong> Hans Selye 5 a étudié <strong>le</strong><br />
« choc » <strong>en</strong> 1940, il a désigné par ce mot une réaction<br />
d’alarme et de mobilisation face à une agression ou à<br />
une m<strong>en</strong>ace . Pour ce physiologiste de formation, cette<br />
réponse était indissolub<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t psychologique et somatique,<br />
et comportait, selon la gravité, pâ<strong>le</strong>ur, spasmes<br />
viscéraux, tachycardie et hypert<strong>en</strong>sion artériel<strong>le</strong> . De<br />
tel<strong>le</strong>s réactions exist<strong>en</strong>t face aux images vio<strong>le</strong>ntes, mais<br />
<strong>le</strong>s aspects psychologiques du choc <strong>en</strong>visagés par<br />
Hans Selye sont plus intéressants pour notre propos .<br />
Pour l'auteur, <strong>le</strong> choc a <strong>en</strong> effet fondam<strong>en</strong>ta<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t pour<br />
but de faire face correctem<strong>en</strong>t à la situation affrontée,<br />
que ce soit par la lutte, la fuite ou toute autre réaction .<br />
Et, pour cela, il est à la fois focalisateur d’att<strong>en</strong>tion,<br />
mobilisateur d’énergie et incitateur à l’action . Or c’est<br />
bi<strong>en</strong> ce qui se passe chez <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui assist<strong>en</strong>t à<br />
<strong>des</strong> spectac<strong>le</strong>s vio<strong>le</strong>nts .<br />
Tout d’abord, la focalisation de l'att<strong>en</strong>tion <strong>le</strong>ur permet<br />
d’abandonner <strong>le</strong>urs préoccupations et <strong>le</strong>urs rêveries <strong>en</strong><br />
cours pour conc<strong>en</strong>trer toute <strong>le</strong>ur att<strong>en</strong>tion sur la situation<br />
à laquel<strong>le</strong> ils doiv<strong>en</strong>t faire face . Cet état d’esprit est<br />
<strong>en</strong> effet indisp<strong>en</strong>sab<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>ur permettre de détecter<br />
<strong>le</strong>s signaux nécessaires à la mobilisation de déf<strong>en</strong>ses<br />
4 . Dans notre recherche, il s’agissait d’une séqu<strong>en</strong>ce d’actualités montrant<br />
une séance de bizutage sadique chez <strong>le</strong>s Marines américains et<br />
d’une séqu<strong>en</strong>ce de <strong>des</strong>sin animé tirée de K<strong>en</strong> <strong>le</strong> survivant .<br />
5 . Selye H ., The Stress of Life, New York, Mac Graw Hill, 1956 .<br />
efficaces . Ensuite, <strong>le</strong> choc est mobilisateur <strong>des</strong> énergies<br />
<strong>en</strong> exacerbant <strong>le</strong>s capacités d’éveil, de raisonnem<strong>en</strong>t<br />
et de mémoire qui permett<strong>en</strong>t une évaluation adaptée<br />
de la situation . Enfin, <strong>le</strong> choc est incitateur d’action<br />
puisque la mobilisation <strong>des</strong> capacités permet l’élaboration<br />
et la mise <strong>en</strong> œuvre d’une solution adaptée . Une<br />
personne choquée est d’ail<strong>le</strong>urs <strong>en</strong> général animée par<br />
<strong>le</strong> besoin d’agir, et d’autres travaux ont montré que <strong>des</strong><br />
singes soumis à un choc important prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t moins<br />
de troub<strong>le</strong>s physiologiques lorsqu’ils ont la possibilité<br />
d’avoir une action sur celui-ci plutôt que d’y être seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
soumis passivem<strong>en</strong>t . Dans <strong>le</strong> choc, la personne<br />
t<strong>en</strong>te de mettre <strong>en</strong> œuvre <strong>le</strong> plus rapidem<strong>en</strong>t possib<strong>le</strong><br />
la solution qui lui paraît la meil<strong>le</strong>ure afin de l’exécuter<br />
jusqu’au bout .<br />
Quand <strong>le</strong>s images vio<strong>le</strong>ntes agiss<strong>en</strong>t comme un choc<br />
surmonté, nous avons du plaisir à <strong>le</strong>s regarder car nous<br />
éprouvons notre pouvoir de ne pas nous laisser submerger<br />
par el<strong>le</strong>s . Ce processus est parfois même constitué<br />
<strong>en</strong> rituel initiatique, comme on <strong>le</strong> voit chez <strong>des</strong> <strong>jeu</strong>nes<br />
qui s’impos<strong>en</strong>t de voir <strong>des</strong> images qui <strong>le</strong>s malmèn<strong>en</strong>t,<br />
pour se convaincre qu’ils sont « grands » . Sur la voie de<br />
surmonter <strong>le</strong> choc <strong>des</strong> images, <strong>le</strong> langage est évidemm<strong>en</strong>t<br />
un moy<strong>en</strong> privilégié . D’ail<strong>le</strong>urs, dans la recherche<br />
que nous avons m<strong>en</strong>ée, <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants confrontés à <strong>des</strong><br />
images vio<strong>le</strong>ntes par<strong>le</strong>nt beaucoup plus que ceux qui<br />
ont vu <strong>des</strong> images de cont<strong>en</strong>u anodin . C’est normal,<br />
ils t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t par là d’élaborer l’impact émotionnel qu’el<strong>le</strong>s<br />
ont eu sur eux 6 . Mais <strong>le</strong> langage n’est pas <strong>le</strong> seul moy<strong>en</strong><br />
dont l’<strong>en</strong>fant dispose .<br />
Surmonter <strong>le</strong> choc <strong>des</strong> images<br />
Les moy<strong>en</strong>s que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants utilis<strong>en</strong>t pour surmonter<br />
ce qui <strong>le</strong>s malmène sont <strong>le</strong>s mêmes lorsqu’il s’agit de<br />
réalité ou d’images, et ce sont éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s mêmes<br />
que chez <strong>le</strong>s adultes . Il <strong>en</strong> existe <strong>trois</strong> . Il s’agit d’abord<br />
<strong>des</strong> gestes, <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong> et <strong>des</strong> mimiques qui relèv<strong>en</strong>t<br />
6 . Enfants sous influ<strong>en</strong>ce. Les écrans r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t-ils <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes vio<strong>le</strong>nts ?<br />
(op. cit.) .<br />
– 8 – – 9 –
de la symbolisation s<strong>en</strong>sorimotrice . Ce sont <strong>en</strong>suite<br />
<strong>le</strong>s images fabriquées ou seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t imaginées (il<br />
s’agit <strong>des</strong> rêves et <strong>des</strong> petits scénarios intérieurs<br />
que nous nous construisons sans cesse) . Ce sont<br />
<strong>en</strong>fin <strong>le</strong>s mots parlés ou écrits . Le travail psychique<br />
<strong>en</strong>gagé dans la fabrication de chacune de ces formes<br />
de symbolisation n’est pas forcém<strong>en</strong>t volontaire et<br />
il est <strong>en</strong> grande partie inconsci<strong>en</strong>t . Mais, pour être<br />
correctem<strong>en</strong>t réalisé, il nécessite toujours la prés<strong>en</strong>ce<br />
d’un tiers .<br />
Comm<strong>en</strong>çons par <strong>le</strong>s mots . Les images vio<strong>le</strong>ntes stimu<strong>le</strong>nt<br />
la construction verba<strong>le</strong> chez la plupart <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants,<br />
même si el<strong>le</strong>s ne r<strong>en</strong>forc<strong>en</strong>t pas la capacité d’y parv<strong>en</strong>ir<br />
chez ceux qui ont <strong>des</strong> difficultés <strong>en</strong> ce domaine . En<br />
outre, dans la recherche que nous avons m<strong>en</strong>ée, <strong>le</strong>s<br />
<strong>en</strong>fants confrontés à <strong>des</strong> images vio<strong>le</strong>ntes et qui <strong>en</strong><br />
par<strong>le</strong>nt plus se révè<strong>le</strong>nt moins défaitistes que ceux qui<br />
<strong>en</strong> par<strong>le</strong>nt moins . C’est pourquoi nous avons fait l’hypothèse<br />
que l’effort pour construire du s<strong>en</strong>s par <strong>le</strong> langage<br />
serait une façon de lutter contre la m<strong>en</strong>ace dépressive<br />
suscitée par <strong>le</strong>s images vio<strong>le</strong>ntes .<br />
De la même façon que <strong>le</strong>s images vio<strong>le</strong>ntes incit<strong>en</strong>t<br />
plus souv<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants à par<strong>le</strong>r que <strong>le</strong>s images<br />
neutres, el<strong>le</strong>s stimu<strong>le</strong>nt aussi chez eux la construction<br />
de petits scénarios intérieurs dans <strong>le</strong>squels ils s’imagin<strong>en</strong>t<br />
accomplir <strong>le</strong>s mêmes actions que <strong>le</strong> héros, ou <strong>des</strong><br />
actions différ<strong>en</strong>tes .<br />
Enfin, <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants confrontés à <strong>des</strong> images vio<strong>le</strong>ntes<br />
prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong>, <strong>des</strong> mimiques et <strong>des</strong> gestes<br />
beaucoup plus nombreux que ceux qui ont été confrontés<br />
à <strong>des</strong> images neutres . Ces manifestations sont<br />
cohér<strong>en</strong>tes avec <strong>le</strong> discours verbal et ne prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />
pas de différ<strong>en</strong>ce, ni <strong>en</strong> int<strong>en</strong>sité ni <strong>en</strong> qualité, chez <strong>le</strong>s<br />
<strong>en</strong>fants qui par<strong>le</strong>nt <strong>le</strong> plus et ceux qui par<strong>le</strong>nt <strong>le</strong> moins .<br />
C’est pourquoi nous avons fait l’hypothèse que <strong>le</strong>s attitu<strong>des</strong><br />
et <strong>le</strong>s mimiques de l’<strong>en</strong>fant constitu<strong>en</strong>t pour lui<br />
une façon de gérer <strong>le</strong> stress émotionnel <strong>des</strong> images au<br />
même titre que <strong>le</strong> langage et <strong>le</strong>s petits scénarios intérieurs<br />
qu’il se construit .<br />
Les manifestations corporel<strong>le</strong>s ne s’oppos<strong>en</strong>t pas à<br />
la construction verba<strong>le</strong> du s<strong>en</strong>s, comme on <strong>le</strong> croit<br />
parfois, mais au contraire, el<strong>le</strong>s l’accompagn<strong>en</strong>t et la<br />
souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong> participant à un travail psychique de<br />
transformation, à la fois du cont<strong>en</strong>u <strong>des</strong> images et<br />
<strong>des</strong> états émotionnels provoqués par el<strong>le</strong>s . Il est donc<br />
ess<strong>en</strong>tiel, non seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t de ne pas empêcher ces manifestations,<br />
mais aussi de <strong>le</strong>s favoriser . C’est évidemm<strong>en</strong>t<br />
là que <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> va trouver sa légitimité . Mais pour<br />
compr<strong>en</strong>dre l’importance qu'il y a à <strong>le</strong> favoriser et à<br />
l’<strong>en</strong>cadrer, il nous faut <strong>en</strong>core évoquer ce qui se passe<br />
lorsque <strong>le</strong> travail de symbolisation du choc <strong>des</strong> images<br />
est impossib<strong>le</strong> . Car <strong>le</strong> plus préoccupant ne se voit pas,<br />
tout au moins pas tout de suite…<br />
Du stress au traumatisme et au clivage<br />
Si <strong>le</strong> mot de traumatisme concerne à la fois <strong>le</strong>s situations<br />
vécues <strong>en</strong> réalité et cel<strong>le</strong>s qui sont vécues <strong>en</strong> images,<br />
l’impact <strong>des</strong> unes et <strong>des</strong> autres est bi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>t ! Par<br />
exemp<strong>le</strong>, ce n’est pas du tout la même chose d’être<br />
violé pour de vrai et d’être bou<strong>le</strong>versé par une scène de<br />
viol vue au cinéma ou à la télévision . Si nous ne sommes<br />
pas capab<strong>le</strong>s de faire cette distinction, c’est grave parce<br />
que cela signifie que nous mélangeons deux formes de<br />
réalité qui n’ont ri<strong>en</strong> à voir l’une avec l’autre : la réalité<br />
physique et la réalité psychique . Quand <strong>le</strong> monde réel<br />
nous malmène, il impacte à la fois notre corps et nos<br />
émotions . Mais quand ce sont <strong>le</strong>s images, seu<strong>le</strong>s nos<br />
émotions sont impliquées et notre corps est touché<br />
seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t à travers el<strong>le</strong>s . Ce peut être très grave, mais<br />
ce n’est évidemm<strong>en</strong>t pas la même chose . Il est indisp<strong>en</strong>sab<strong>le</strong><br />
de p<strong>en</strong>ser <strong>en</strong> même temps ces deux aspects<br />
complém<strong>en</strong>taires . D’un côté, <strong>le</strong>s images ont un fort<br />
impact sur <strong>le</strong>s émotions, et indirectem<strong>en</strong>t sur <strong>le</strong> corps .<br />
Mais, d’un autre côté, cet impact n’est pas comparab<strong>le</strong><br />
à celui d’un événem<strong>en</strong>t surv<strong>en</strong>ant dans la réalité .<br />
Il y a pourtant un point commun . Dans <strong>le</strong>s deux cas, <strong>le</strong><br />
choc risque bi<strong>en</strong> de surv<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> deux temps . Le premier<br />
temps est l’événem<strong>en</strong>t traumatique lui-même . Il submerge<br />
– 10 – – 11 –
<strong>le</strong> sujet de s<strong>en</strong>sations, d’émotions, d’états du corps et<br />
de fantasmes tel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t inhabituels qu’il <strong>en</strong> est bou<strong>le</strong>versé<br />
. Mais à ce premier choc s’<strong>en</strong> ajoute souv<strong>en</strong>t un<br />
second . Fréquemm<strong>en</strong>t, la personne malm<strong>en</strong>ée n’a pas<br />
d’interlocuteur pour lui permettre de pr<strong>en</strong>dre du recul <strong>en</strong><br />
l’aidant à s’<strong>en</strong> donner <strong>des</strong> représ<strong>en</strong>tations . Pire <strong>en</strong>core .<br />
Plus <strong>le</strong> choc est grave, plus sa victime a besoin d’un<br />
interlocuteur… et moins el<strong>le</strong> a de chance d’<strong>en</strong> trouver<br />
un . Dans <strong>le</strong> cas <strong>des</strong> traumatismes d’images, c’est<br />
d’abord parce l’<strong>en</strong>fant malm<strong>en</strong>é par <strong>des</strong> images va<br />
hésiter à <strong>en</strong> par<strong>le</strong>r de peur de paraître trop s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong>, voir<br />
« bébé » . J’ai r<strong>en</strong>contré cette situation avec un garçon<br />
de quatre ans qui avait regardé Saw 3 avec son père . Il<br />
ne pouvait <strong>en</strong> par<strong>le</strong>r à personne parce qu’il p<strong>en</strong>sait que,<br />
si son père l’avait autorisé à regarder ce film avec lui,<br />
c’est qu’il devait être capab<strong>le</strong> de ne pas <strong>en</strong> être affecté,<br />
et il n’osait donc pas dire que c’était <strong>le</strong> cas de peur de<br />
passer pour une « petite nature » . L’autre difficulté r<strong>en</strong>contrée<br />
par l’<strong>en</strong>fant pour trouver un interlocuteur ti<strong>en</strong>t au<br />
fait que certaines images qu’il peut voir, notamm<strong>en</strong>t sur<br />
Internet, sont tel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t inimaginab<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s adultes<br />
qui l’<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t qu’il se heurte à <strong>le</strong>ur incrédulité aussitôt<br />
qu’il t<strong>en</strong>te d’<strong>en</strong> par<strong>le</strong>r .<br />
C’est pourquoi on peut dire que <strong>le</strong> traumatisme « frappe<br />
toujours deux fois », pour repr<strong>en</strong>dre <strong>le</strong> titre d’un célèbre<br />
film américain 7 . Il frappe la victime au mom<strong>en</strong>t de la<br />
catastrophe el<strong>le</strong>-même, puis au mom<strong>en</strong>t où el<strong>le</strong> ne<br />
trouve personne pour l’aider à dépasser ce premier<br />
choc .<br />
A défaut de trouver <strong>en</strong> lui-même ou dans son <strong>en</strong>tourage<br />
<strong>le</strong>s mots et <strong>le</strong>s représ<strong>en</strong>tations personnel<strong>le</strong>s qui lui permettrai<strong>en</strong>t<br />
de p<strong>en</strong>ser ce qu’il a vu et éprouvé, l’<strong>en</strong>fant a<br />
alors recours à une mesure d’urg<strong>en</strong>ce . Il <strong>en</strong>ferme dans<br />
une sorte de « vacuo<strong>le</strong> » – ou de « placard » – psychique<br />
tout ce qui n’a pas pu être symbolisé : <strong>des</strong> s<strong>en</strong>sations,<br />
<strong>des</strong> émotions, <strong>des</strong> états du corps, <strong>des</strong> représ<strong>en</strong>tations<br />
de soi et <strong>des</strong> autres, et tous <strong>le</strong>s fantasmes angoissants<br />
7 . Le facteur sonne toujours deux fois, film de Tay Garnett (02 mai 1946,<br />
USA ; 12 novembre 1947, France) . Il <strong>en</strong> existe un remake.<br />
qui lui sont v<strong>en</strong>us à l’esprit 8 . C’est ce qu’on appel<strong>le</strong> <strong>le</strong><br />
clivage . La télévision incite l’<strong>en</strong>fant à <strong>le</strong> mettre <strong>en</strong> place<br />
pour deux raisons . D’une part, nous l’avons vu, el<strong>le</strong><br />
sature la perception d’une manière qui permet rarem<strong>en</strong>t<br />
que <strong>le</strong> travail de mise <strong>en</strong> s<strong>en</strong>s personnel puisse s’opérer .<br />
Et d’autre part, el<strong>le</strong> impose <strong>des</strong> représ<strong>en</strong>tations agressives<br />
et sexuel<strong>le</strong>s qui court-circuit<strong>en</strong>t la mise <strong>en</strong> place<br />
du refou<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>des</strong> scénarios de même nature qui habit<strong>en</strong>t<br />
l’<strong>en</strong>fant . Comm<strong>en</strong>t pourrait-il repousser dans son<br />
inconsci<strong>en</strong>t <strong>des</strong> fantasmes vio<strong>le</strong>nts qui l’<strong>en</strong>combr<strong>en</strong>t à<br />
partir du mom<strong>en</strong>t où <strong>des</strong> images équiva<strong>le</strong>ntes lui sont<br />
constamm<strong>en</strong>t mises sous <strong>le</strong>s yeux par <strong>le</strong>s médias ?<br />
Trois conséqu<strong>en</strong>ces possib<strong>le</strong>s<br />
En pratique, qu’<strong>en</strong> résulte-t-il ? Trois situations sont<br />
possib<strong>le</strong>s .<br />
Tout d’abord, certains <strong>en</strong>fants sont t<strong>en</strong>tés d’utiliser <strong>le</strong>s<br />
repères <strong>des</strong> images pour résoudre <strong>le</strong>s problèmes de <strong>le</strong>ur<br />
vie quotidi<strong>en</strong>ne . Ce sont <strong>en</strong> règ<strong>le</strong> généra<strong>le</strong> <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants<br />
qui grandiss<strong>en</strong>t dans <strong>des</strong> famil<strong>le</strong>s où ils ne trouv<strong>en</strong>t pas<br />
de repères fiab<strong>le</strong>s et sécurisants, voire <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants marqués<br />
par <strong>des</strong> traumatismes réels 9 . Si un <strong>jeu</strong>ne agresse<br />
ou humilie sans raison ses camara<strong>des</strong>, c’est souv<strong>en</strong>t<br />
pour t<strong>en</strong>ter de se débarrasser sur une victime de la<br />
figure battue et humiliée qui l’habite . Sa vio<strong>le</strong>nce est<br />
d’abord une façon de se protéger contre <strong>le</strong> risque de<br />
s’id<strong>en</strong>tifier à une posture victimaire qui <strong>le</strong> terrifie parce<br />
qu’il l’a vécue dans la réalité sur un mode catastrophique<br />
. Il lui faut à tout prix <strong>en</strong> repousser l’év<strong>en</strong>tualité,<br />
et, pour cela, il rejette loin de lui tout ce qui pourrait,<br />
de près ou de loin, ressemb<strong>le</strong>r à de la passivité . C’est<br />
8 . Une tel<strong>le</strong> inclusion constitue une forme d’inconsci<strong>en</strong>t, mais différ<strong>en</strong>t<br />
de l’inconsci<strong>en</strong>t constitué par <strong>le</strong> refou<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t dans la théorie freudi<strong>en</strong>ne<br />
. Tout <strong>le</strong> refou<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t est inconsci<strong>en</strong>t, mais tout ce qui est inconsci<strong>en</strong>t<br />
ne relève pas forcém<strong>en</strong>t du refou<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t . Ici <strong>le</strong> mécanisme<br />
<strong>en</strong> <strong>jeu</strong> est <strong>le</strong> clivage . L’inconsci<strong>en</strong>t mis <strong>en</strong> <strong>jeu</strong> par <strong>le</strong> refou<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
concerne <strong>le</strong>s désirs sexuels culpabilisés, tandis que l’inconsci<strong>en</strong>t mis<br />
<strong>en</strong> <strong>jeu</strong> par l’inclusion psychique – qui est une forme de clivage partiel<br />
localisé – est de nature traumatique (Tisseron S ., (1996), Secrets de<br />
famil<strong>le</strong>, mode d’emploi, Paris, Marabout, 1997) .<br />
9 . Berger M ., Voulons-nous <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants barbares ? Prév<strong>en</strong>ir et traiter la<br />
vio<strong>le</strong>nce extrême, Paris, Dunod, 2008 .<br />
– 12 – – 13 –
comme s’il se disait : « La passivité, c’est la mort . Je ne<br />
suis vivant que de me révolter et de combattre, <strong>en</strong>core<br />
et toujours . » C’est pourquoi <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui ont été<br />
victimes de traumatismes ou de maltraitance, et qui<br />
se sont ori<strong>en</strong>tés vers <strong>des</strong> comportem<strong>en</strong>ts agressifs, ne<br />
sont s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong>s à aucune punition . Pire <strong>en</strong>core, cel<strong>le</strong>sci<br />
semb<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s inciter à toujours plus d’agressivité .<br />
C’est parce que, pour eux, il n’y a que deux postures<br />
possib<strong>le</strong>s, et deux seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t : d’un côté, l’agressif<br />
invincib<strong>le</strong> ; et de l’autre, la victime effondrée . Du coup,<br />
ils n’ont pas d’autre choix que d’essayer de paraître<br />
toujours plus forts et agressifs . Cette attitude <strong>le</strong>s conduit<br />
malheureusem<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t dans une spira<strong>le</strong> inferna<strong>le</strong> .<br />
Chaque punition <strong>le</strong>ur donne l’impression d’être humiliés<br />
et ils y réagiss<strong>en</strong>t avec arrogance, quand ce n’est pas<br />
avec agressivité . Bref, tout semb<strong>le</strong> mis <strong>en</strong> place pour<br />
un cerc<strong>le</strong> vicieux sans fin <strong>en</strong>chaînant <strong>des</strong> agressions<br />
de plus <strong>en</strong> plus graves avec <strong>des</strong> punitions toujours<br />
aussi inefficaces . En revanche, <strong>le</strong>s pédagogies axées<br />
sur la gratification sont souv<strong>en</strong>t efficaces avec eux . Ils<br />
y trouv<strong>en</strong>t la confirmation qu’ils ne sont pas du côté de<br />
ce qu’ils redout<strong>en</strong>t .<br />
Le problème est que de tel<strong>le</strong>s pédagogies contribu<strong>en</strong>t<br />
malheureusem<strong>en</strong>t aussi à banaliser la représ<strong>en</strong>tation<br />
de la vio<strong>le</strong>nce et év<strong>en</strong>tuel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t son accomplissem<strong>en</strong>t .<br />
D’autres <strong>en</strong>fants sont plutôt craintifs, passifs, et défaitistes<br />
. Eux aussi manqu<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t de repères familiaux<br />
rassurants, et ils viv<strong>en</strong>t l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t comme une<br />
source de frustrations plutôt que de satisfactions . Du<br />
coup, la vio<strong>le</strong>nce <strong>des</strong> écrans légitime <strong>le</strong>urs angoisses<br />
de persécution . Et plus tard, ils risqu<strong>en</strong>t de dev<strong>en</strong>ir <strong>des</strong><br />
adultes qui ne voi<strong>en</strong>t <strong>le</strong>ur salut que dans une autorité<br />
forte susceptib<strong>le</strong> de <strong>le</strong>s protéger . . .<br />
Enfin, il y a aussi <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants que <strong>le</strong>ur <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t a<br />
aidé à pr<strong>en</strong>dre du recul par rapport aux images et qui<br />
ont développé <strong>des</strong> réf<strong>le</strong>xes constructifs et réparateurs .<br />
Ils s’imagin<strong>en</strong>t médecins (de préfér<strong>en</strong>ce dans une ONG),<br />
diplomates, pompiers, secouristes, travail<strong>le</strong>urs sociaux<br />
ou psychologues . Ce sont <strong>le</strong>s « <strong>en</strong>fants Zorro », parmi<br />
– 14 –<br />
<strong>le</strong>squels se recruteront plus tard <strong>le</strong>s militants <strong>des</strong><br />
gran<strong>des</strong> causes humanitaires .<br />
Nous compr<strong>en</strong>ons mieux maint<strong>en</strong>ant pourquoi la moitié<br />
<strong>des</strong> étu<strong>des</strong> consacrées à l’impact <strong>des</strong> images vio<strong>le</strong>ntes<br />
chez <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes conclut qu’el<strong>le</strong>s n’ont aucun effet 10 ,<br />
alors que l’autre moitié conclut qu’el<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t plus<br />
vio<strong>le</strong>nts 11 . C’est qu’el<strong>le</strong>s ne pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong> compte<br />
<strong>le</strong>s mêmes <strong>en</strong>fants ! Mais nous voyons aussi l’erreur<br />
qu’il y aurait à p<strong>en</strong>ser l’influ<strong>en</strong>ce <strong>des</strong> images uniquem<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong> termes de comportem<strong>en</strong>ts vio<strong>le</strong>nts . C’est la<br />
grande insuffisance de la plupart <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> nord-américaines<br />
12 . El<strong>le</strong>s n’<strong>en</strong>visag<strong>en</strong>t pas <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s mêmes<br />
images vio<strong>le</strong>ntes peuv<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>dre certains <strong>en</strong>fants plus<br />
vio<strong>le</strong>nts, d’autres plus insécurisés, et même r<strong>en</strong>forcer<br />
<strong>le</strong> désir de réduire la vio<strong>le</strong>nce chez ceux que <strong>le</strong>ur milieu<br />
familial ou <strong>le</strong>ur éducation incite à cette attitude . Or, si <strong>le</strong>s<br />
<strong>en</strong>fants de ce <strong>trois</strong>ième groupe ne pos<strong>en</strong>t évidemm<strong>en</strong>t<br />
pas de problème – sauf à considérer que se dévouer aux<br />
autres <strong>en</strong> soit un –, <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui s’id<strong>en</strong>tifi<strong>en</strong>t précocem<strong>en</strong>t<br />
à <strong>des</strong> victimes ne sont pas moins préoccupants<br />
que ceux qui ne semb<strong>le</strong>nt pouvoir se p<strong>en</strong>ser qu’<strong>en</strong><br />
position d’agresseurs .<br />
10 . Pour une rec<strong>en</strong>sion de ces étu<strong>des</strong>, voir Bermejo Berros J ., Génération<br />
télévision, la relation controversée de l’<strong>en</strong>fant à la télévision,<br />
Bruxel<strong>le</strong>s, De Boeck, 2007 .<br />
11 . Pour une rec<strong>en</strong>sion de ces étu<strong>des</strong>, voir Tremblay R ., . Prév<strong>en</strong>ir la<br />
vio<strong>le</strong>nce dès la petite <strong>en</strong>fance, Paris, Odi<strong>le</strong> Jacob, 2008 .<br />
12 . Notamm<strong>en</strong>t la célèbre étude de Johnson J . G . et alii, « Te<strong>le</strong>vision<br />
viewing and aggressive behaviour during ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce and adulthood<br />
», Sci<strong>en</strong>ce, 295, pp . 2468-2471, 2002 .
L’<strong>en</strong>fant empêché<br />
de jouer<br />
Depuis 1999, l’Académie américaine de Pédiatrie<br />
déconseil<strong>le</strong> de mettre <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants de moins de deux ans<br />
devant la télévision et demande que <strong>le</strong>s plus grands n’y<br />
soi<strong>en</strong>t pas exposés plus de deux heures par jour 13 . Et<br />
pour cause ! La télévision retarde <strong>le</strong> langage 14 , réduit la<br />
capacité d’att<strong>en</strong>tion et favorise <strong>le</strong> surpoids <strong>le</strong>s années<br />
suivantes 15 .<br />
Pourtant, jusqu’à cette année, <strong>le</strong>s chercheurs imaginai<strong>en</strong>t<br />
que ces effets s’estompai<strong>en</strong>t par la suite et que<br />
<strong>le</strong>s effets constatés à l’âge de <strong>trois</strong> ou quatre ans chez<br />
<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants gros consommateurs d’écran ne laissai<strong>en</strong>t<br />
pas de trace . Les impacts négatifs de l’exposition précoce<br />
à la télévision étai<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>sés disparaître avec <strong>le</strong><br />
temps . C’est cette illusion qu’une réc<strong>en</strong>te étude vi<strong>en</strong>t de<br />
mettre à mal 16 . Ces impacts persist<strong>en</strong>t au moins jusqu’à<br />
l’âge de dix ans et sont même mesurab<strong>le</strong>s . Des chercheurs<br />
québécois et américains ont <strong>en</strong> effet démontré<br />
qu’une exposition précoce <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants à la télévision, y<br />
compris aux programmes soi-disant conçus pour eux,<br />
<strong>le</strong>s prive d’appr<strong>en</strong>tissages fondam<strong>en</strong>taux et ont une<br />
incid<strong>en</strong>ce directe sur <strong>le</strong> type d’écoliers qu’ils devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t .<br />
Le suivi de 1314 petits Québécois à deux ans et demi,<br />
quatre ans et demi et dix ans, a permis de chiffrer <strong>le</strong>s<br />
pertes subies . L’étude confirme d’abord ce que d’autres<br />
recherches avai<strong>en</strong>t montré, à savoir que la forme physique<br />
est affectée à long terme . Au-delà de deux<br />
13 . American Academy of Pediatrics, « Media education », Pediatrics,<br />
104 (2 pt 1), pp . 341–343,1999 .<br />
14 . Zimmerman FJ, Christakis DA, « Childr<strong>en</strong>’s te<strong>le</strong>vision viewing and<br />
cognitive outcomes : a longitudinal analysis of national data », Arch .<br />
Pediatr . Ado<strong>le</strong>sc . Med ., 159 (7), pp . 619–625, 2005 .<br />
15 . Demison Barbara A ., Tara A . Erb and Paul L . J<strong>en</strong>kins, « Te<strong>le</strong>vision<br />
Viewing and Te<strong>le</strong>vision in Bedroom Associated With Overweigt<br />
Risk Among Low-Income Preschool Childr<strong>en</strong> », Pediatrics, 109,<br />
pp . 1028-1035, 2002 .<br />
16 . Pagani Linds S ., Archives of Pediatrics and Ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>t Medicine,<br />
164(5), pp . 425-431, 2010 .<br />
– 17 –
heures par jour, chaque heure de plus passée devant<br />
un téléviseur se traduit <strong>en</strong> effet à l’âge de dix ans par<br />
une diminution de 9% de l’activité physique généra<strong>le</strong>,<br />
une augm<strong>en</strong>tation de 10% du grignotage et de 5% de<br />
l’Indice de Masse Corporel<strong>le</strong> (IMC) qui mesure l’obésité<br />
. Au-delà de deux heures de télévision par jour, <strong>le</strong>s<br />
chercheurs ont éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t constaté <strong>des</strong> pertes durab<strong>le</strong>s<br />
dans <strong>le</strong> domaine <strong>des</strong> comportem<strong>en</strong>ts sociaux . Les<br />
bébés <strong>le</strong>s plus exposés à la télévision devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t « <strong>des</strong><br />
<strong>en</strong>fants moins autonomes, moins persévérants et moins<br />
habi<strong>le</strong>s socia<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t » . Plus précisém<strong>en</strong>t, pour chaque<br />
heure supplém<strong>en</strong>taire passée devant <strong>le</strong> petit écran par<br />
un <strong>en</strong>fant <strong>en</strong> bas âge, ils ont noté une diminution de<br />
7% de l’intérêt <strong>en</strong> classe à l’âge de dix ans, et de 6%<br />
sur <strong>le</strong>s capacités mathématiques . Aucun impact n’a <strong>en</strong><br />
revanche été noté sur <strong>le</strong>s facultés <strong>en</strong> <strong>le</strong>cture . Mais <strong>le</strong><br />
plus impressionnant est l’influ<strong>en</strong>ce de la consommation<br />
télévisuel<strong>le</strong> précoce sur la sociabilité . Chaque heure <strong>en</strong><br />
surplus s’est traduite plus tard par une augm<strong>en</strong>tation de<br />
10% du risque d’être constitué <strong>en</strong> victime ou <strong>en</strong> bouc<br />
émissaire par <strong>le</strong>s camara<strong>des</strong> de classe .<br />
Comm<strong>en</strong>t expliquer ces chiffres ? À notre avis parce que<br />
cette consommation se fait au détrim<strong>en</strong>t <strong>des</strong> activités de<br />
<strong>jeu</strong> et d’interaction qui sont fondam<strong>en</strong>ta<strong>le</strong>s à cet âge . Le<br />
danger principal <strong>des</strong> images, pour <strong>le</strong> tout-petit, consiste<br />
d’abord dans la réduction de son temps d’interaction<br />
et de <strong>jeu</strong> . Non seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t il est <strong>le</strong> plus souv<strong>en</strong>t face à<br />
l’écran, mais même lorsqu’il ne l’est pas, il reste malgré<br />
tout seul avec ses émotions . Et quand il semb<strong>le</strong> jouer<br />
dans une pièce où la télévision est allumée sans qu’il la<br />
regarde, ses pério<strong>des</strong> de <strong>jeu</strong> sont beaucoup plus courtes<br />
que si la télévision est éteinte 17 . Or <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> est à la fois un<br />
lieu privilégié de construction id<strong>en</strong>titaire et d’ancrage<br />
dans <strong>le</strong> réel . Bi<strong>en</strong> sûr, de nombreux autres élém<strong>en</strong>ts<br />
intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dans la construction psychique de l’<strong>en</strong>fant,<br />
mais il est impossib<strong>le</strong> de sous-estimer <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de la télévision<br />
quand on sait qu’<strong>en</strong> France, <strong>le</strong> temps moy<strong>en</strong> passé<br />
par un <strong>en</strong>fant devant un écran est de 3H24 par jour 18 .<br />
17 . Pempeck, Tiffany A ., Georgetown University, « The effects of background<br />
te<strong>le</strong>vision on the toy play behaviour of very young childr<strong>en</strong> »,<br />
Journal Child Dev ., 79 (4), pp . 1137-51, 2008 .<br />
18 . Source Médiamétrie, 2008 .<br />
D’ail<strong>le</strong>urs, beaucoup d’<strong>en</strong>fants semb<strong>le</strong>nt ne plus savoir<br />
jouer . Ils s’<strong>en</strong>nui<strong>en</strong>t dès qu’on éteint la télévision ou<br />
qu’on <strong>le</strong>ur retire <strong>le</strong>ur conso<strong>le</strong> de <strong>jeu</strong> . La faute à qui ?<br />
Ils n’ont pas appris à jouer parce qu’on ne <strong>le</strong>ur <strong>en</strong> a<br />
pas laissé <strong>le</strong> temps . Tous <strong>le</strong>s spécialistes de la petite<br />
<strong>en</strong>fance s’accord<strong>en</strong>t sur ce point : <strong>le</strong> bébé a besoin de<br />
temps pour jouer, ou plus précisém<strong>en</strong>t pour appr<strong>en</strong>dre<br />
à jouer . Les appr<strong>en</strong>tissages cruciaux à cet âge se<br />
font principa<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>en</strong> jouant et interagissant avec<br />
<strong>le</strong> monde . Et jouer demande <strong>des</strong> efforts . Il faut de la<br />
persistance, de l’autorégulation… exactem<strong>en</strong>t comme<br />
pour <strong>le</strong>s tâches intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>s . Car si l’<strong>en</strong>fant est naturel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
porté au <strong>jeu</strong>, cette capacité a besoin, comme<br />
beaucoup d’autres, d’être exploitée au bon mom<strong>en</strong>t<br />
pour se mettre <strong>en</strong> place correctem<strong>en</strong>t . Il y a un temps<br />
pour appr<strong>en</strong>dre à jouer, de la même façon qu’il y <strong>en</strong> a un<br />
pour appr<strong>en</strong>dre à marcher et un autre pour appr<strong>en</strong>dre à<br />
par<strong>le</strong>r . À défaut, <strong>le</strong>s capacités d’inv<strong>en</strong>tion, de création,<br />
d’humour et d’imagination risqu<strong>en</strong>t d’être durab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
réduites .<br />
La construction du <strong>jeu</strong><br />
Pour compr<strong>en</strong>dre l’importance du <strong>jeu</strong> chez l’<strong>en</strong>fant, rappelons<br />
brièvem<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t il se constitue . Winnicott<br />
distingue quatre épiso<strong>des</strong> successifs <strong>en</strong> relation avec <strong>le</strong><br />
processus de développem<strong>en</strong>t 19 .<br />
Dans un premier temps, <strong>le</strong> bébé ne distingue pas de<br />
lui-même <strong>le</strong>s objets qui l’<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t . C’est alors <strong>le</strong> rô<strong>le</strong><br />
de la mère de lui <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ter certains qui devi<strong>en</strong>dront<br />
privilégiés – à comm<strong>en</strong>cer par <strong>le</strong> sein ou <strong>le</strong> biberon – au<br />
mom<strong>en</strong>t où il est <strong>le</strong> plus susceptib<strong>le</strong> de <strong>le</strong>s accueillir<br />
dans son monde perceptif . C’est la fonction maternel<strong>le</strong><br />
de « prés<strong>en</strong>tation de l’objet », dont ce même auteur fait,<br />
avec <strong>le</strong> « handling » et <strong>le</strong> « holding », un <strong>des</strong> <strong>trois</strong> piliers<br />
de l’activité maternante à cet âge .<br />
Dans un second temps, l’objet est peu à peu objectivem<strong>en</strong>t<br />
perçu . Cela implique que la mère soit capab<strong>le</strong> d’être<br />
19 . Winnicott D .W . (1973), Jeu et réalité, Paris, Payot, 1978 .<br />
– 18 – – 19 –
impliquée dans un mouvem<strong>en</strong>t par <strong>le</strong>quel <strong>le</strong> bébé trouve<br />
ce qu’il désire au mom<strong>en</strong>t où il <strong>le</strong> désire, c'est-à-dire<br />
sans avoir besoin de l’att<strong>en</strong>dre trop longtemps . Si<br />
la mère est capab<strong>le</strong> de jouer ce rô<strong>le</strong>, <strong>le</strong> bébé vit une<br />
expéri<strong>en</strong>ce de contrô<strong>le</strong> magique de son <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />
qui participe à un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’omnipot<strong>en</strong>ce . Cette illusion<br />
est ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> à son développem<strong>en</strong>t ultérieur . El<strong>le</strong><br />
permet au bébé de pr<strong>en</strong>dre confiance dans <strong>le</strong> monde<br />
de façon à pouvoir r<strong>en</strong>oncer <strong>en</strong>suite à <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong>r<br />
absolum<strong>en</strong>t et à accepter de dép<strong>en</strong>dre d’un autre . Pour<br />
Winnicott, c’est là que <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> comm<strong>en</strong>ce : dans l’espace<br />
intermédiaire qui unit l’un à l’autre l’<strong>en</strong>fant et sa mère . Et<br />
il ajoute que cette r<strong>en</strong>contre de deux mon<strong>des</strong> – celui de<br />
la mère et celui de l’<strong>en</strong>fant – est ce qui r<strong>en</strong>d <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> particulièrem<strong>en</strong>t<br />
excitant . Bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> excite parce<br />
que <strong>le</strong>s instincts y sont à l’œuvre, mais aussi parce que<br />
<strong>le</strong> joueur y fait l’expéri<strong>en</strong>ce d’une r<strong>en</strong>contre magique : il<br />
lui est possib<strong>le</strong>, sous certaines conditions, de vivre l’illusion<br />
de contrô<strong>le</strong>r l’objet – la mère – ou d’être contrôlé<br />
par el<strong>le</strong> sans <strong>en</strong> être m<strong>en</strong>acé .<br />
Si l’<strong>en</strong>fant a pu correctem<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>oncer à l’illusion de<br />
toute-puissance, il accède, vers sa seconde année, à<br />
ce que Winnicott appel<strong>le</strong> la « capacité de jouer seul<br />
<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce de quelqu’un » . Il a alors développé une<br />
confiance dans <strong>le</strong> monde et une dép<strong>en</strong>dance à l’autre<br />
suffisantes pour imaginer que la personne proche de lui<br />
sera disponib<strong>le</strong> sans chercher à <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong>r au cas où<br />
il se tournerait vers el<strong>le</strong> . Il n’utilise pas forcém<strong>en</strong>t cette<br />
capacité – autrem<strong>en</strong>t dit, il ne dérange pas l’adulte –<br />
mais la prés<strong>en</strong>ce de celui-ci lui est ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> .<br />
L’<strong>en</strong>fant est alors prêt à développer <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> partagé . Il n’a<br />
plus besoin d’être dans un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’omnipot<strong>en</strong>ce<br />
pour accepter de jouer avec quelqu’un – c’est-à-dire,<br />
dans un premier temps, avec sa mère . Il accepte<br />
que son part<strong>en</strong>aire de <strong>jeu</strong> ait une part active dans la<br />
construction commune et il s’y adapte . La voie est<br />
tracée pour qu’un <strong>jeu</strong> <strong>en</strong> commun puisse s’instaurer au<br />
sein d’une relation .<br />
L’échec de la capacité de jouer<br />
Rev<strong>en</strong>ons à la seconde phase décrite par Winnicott,<br />
cel<strong>le</strong> où <strong>le</strong> bébé vit une illusion d’omnipot<strong>en</strong>ce . El<strong>le</strong><br />
est ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> développem<strong>en</strong>t de la capacité<br />
de jouer . Si el<strong>le</strong> n’est pas vécue de façon satisfaisante<br />
– par exemp<strong>le</strong> parce que la mère n’y est pas disponib<strong>le</strong><br />
– ou si el<strong>le</strong> est interrompue trop bruta<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t, <strong>le</strong><br />
danger est que l’<strong>en</strong>fant ne parvi<strong>en</strong>ne pas à construire<br />
une confiance suffisante dans <strong>le</strong> monde <strong>des</strong> relations<br />
réel<strong>le</strong>s . Il désespère de pouvoir dép<strong>en</strong>dre de quelqu’un<br />
dans la réalité sans se s<strong>en</strong>tir m<strong>en</strong>acé . Du coup, il ne sait<br />
pas jouer <strong>en</strong> acceptant d’<strong>en</strong>trer dans <strong>le</strong>s propositions de<br />
l’autre et que l’autre <strong>en</strong>tre dans <strong>le</strong>s si<strong>en</strong>nes, c’est-à-dire<br />
qu’il s’immisce dans son monde intérieur . Mais au delà<br />
de ce fait observab<strong>le</strong>, un tel <strong>en</strong>fant est m<strong>en</strong>acé par deux<br />
dangers : <strong>le</strong> premier est de t<strong>en</strong>ter de préserver dans<br />
<strong>le</strong> fantasme l’illusion de toute-puissance à laquel<strong>le</strong> il<br />
ne parvi<strong>en</strong>t pas à r<strong>en</strong>oncer, au risque de désinvestir <strong>le</strong><br />
monde réel ; et <strong>le</strong> second est d’essayer de la satisfaire<br />
<strong>en</strong> contrôlant et <strong>en</strong> manipulant ses interlocuteurs .<br />
Comm<strong>en</strong>çons par <strong>le</strong> premier de ces deux dangers, <strong>le</strong><br />
développem<strong>en</strong>t d’une activité fantasmatique coupée<br />
de la réalité . Pour compr<strong>en</strong>dre son <strong>en</strong><strong>jeu</strong>, il faut avoir<br />
à l’esprit que <strong>le</strong> fantasme est à la fois différ<strong>en</strong>t du <strong>jeu</strong><br />
et de l’imagination . Dans <strong>le</strong> <strong>jeu</strong>, on agit – jouer, c’est<br />
toujours faire –, mais dans <strong>le</strong> fantasme, on ne fait ri<strong>en</strong>,<br />
sauf « révasser » . Et <strong>en</strong> imagination, on construit <strong>des</strong><br />
représ<strong>en</strong>tations – textes, images, musiques . . . – qu’on<br />
peut partager avec d’autres, mais dans <strong>le</strong> fantasme, on<br />
ne partage ri<strong>en</strong> . Tout y est faci<strong>le</strong> et on y accomplit <strong>des</strong><br />
choses extraordinaires, mais tout s’y passe <strong>en</strong> p<strong>en</strong>sée<br />
sans aucune relation avec la vie réel<strong>le</strong> . Le fantasme<br />
pr<strong>en</strong>d du temps et de l’énergie, mais ne participe ni à la<br />
vie réel<strong>le</strong> ni à la vie imaginaire . Il est tota<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t dissociée<br />
à la fois de l’une et de l’autre . Son seul but est de t<strong>en</strong>ter<br />
de préserver dans la vie intérieure l’illusion d’omnipot<strong>en</strong>ce<br />
à laquel<strong>le</strong> l’<strong>en</strong>fant a dû r<strong>en</strong>oncer trop bruta<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
aux a<strong>le</strong>ntours de sa seconde année . Celui qui est dans<br />
cette situation organise donc sa vie <strong>en</strong> fuyant <strong>le</strong>s relations<br />
réel<strong>le</strong>s et <strong>en</strong> développant une vie fantasmatique<br />
– 20 – – 21 –
qui lui permet de « ne ri<strong>en</strong> faire » tout <strong>en</strong> ayant l’illusion<br />
que sa vie est toujours p<strong>le</strong>ine . Ce « ne ri<strong>en</strong> faire » peut<br />
être caché par la pratique de <strong>jeu</strong>x compulsifs et obsessionnels<br />
solitaires, comme <strong>des</strong> mots croisés, <strong>des</strong> « réussites<br />
» aux cartes ou certains <strong>jeu</strong>x vidéo .<br />
Le second danger qui guette celui qui n’a pas pu vivre<br />
correctem<strong>en</strong>t l’illusion de toute-puissance aux a<strong>le</strong>ntours<br />
de sa seconde année consiste dans <strong>le</strong> désir d’établir<br />
une tel<strong>le</strong> relation dans la réalité 20 . Les <strong>en</strong>fants qui sont<br />
dans cette situation se désespèr<strong>en</strong>t eux aussi de pouvoir<br />
dép<strong>en</strong>dre de quelqu’un sans <strong>en</strong> être m<strong>en</strong>acés, mais ils<br />
réagiss<strong>en</strong>t à cette détresse de façon différ<strong>en</strong>te . Ils ne<br />
désinvestiss<strong>en</strong>t pas <strong>le</strong> monde réel au profit d’une activité<br />
m<strong>en</strong>ta<strong>le</strong> dissociée, év<strong>en</strong>tuel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t sout<strong>en</strong>ue par une<br />
activité solitaire et stéréotypée . Ils t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t de vivre cette<br />
illusion dans la réalité <strong>en</strong> imposant <strong>le</strong>urs att<strong>en</strong>tes à ceux<br />
qui <strong>le</strong>s <strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t . Ces personnes partag<strong>en</strong>t un trait commun<br />
avec cel<strong>le</strong>s qui s’<strong>en</strong>ferm<strong>en</strong>t dans une vie fantasmatique<br />
coupée de <strong>le</strong>urs rêves et de <strong>le</strong>ur vie concrète : el<strong>le</strong>s<br />
ne sav<strong>en</strong>t pas jouer au s<strong>en</strong>s créatif et partagé du terme .<br />
El<strong>le</strong>s ne peuv<strong>en</strong>t pas accepter un recouvrem<strong>en</strong>t partiel<br />
de <strong>le</strong>ur monde intérieur avec celui de <strong>le</strong>ur interlocuteur,<br />
ni de lui faire confiance . Cela suscite chez el<strong>le</strong>s <strong>des</strong><br />
angoisses trop importantes pour être assumées .<br />
Pourtant, dans l’<strong>en</strong>fance, il est souv<strong>en</strong>t nécessaire de<br />
jouer pour établir une relation avec ses camara<strong>des</strong> .<br />
Ces <strong>en</strong>fants font alors semblant de jouer . Mais ils sont<br />
incapab<strong>le</strong>s d’apporter au <strong>jeu</strong> une contribution active .<br />
Pour que <strong>le</strong>s autres ne ress<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t pas que quelque<br />
chose <strong>le</strong>ur manque, ils peuv<strong>en</strong>t faire <strong>des</strong> efforts considérab<strong>le</strong>s<br />
pour « paraître » jouer . Mais ils s’adapt<strong>en</strong>t<br />
sur la base de la complaisance, <strong>en</strong> restant fondam<strong>en</strong>ta<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
abs<strong>en</strong>ts à <strong>le</strong>ur <strong>jeu</strong> . En fait, ils sont dans ces<br />
mom<strong>en</strong>ts-là dans un état m<strong>en</strong>tal dissocié . Ils s’observ<strong>en</strong>t<br />
et observ<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s autres . Quant à ceux qui rêv<strong>en</strong>t<br />
d’omnipot<strong>en</strong>ce, ils peuv<strong>en</strong>t faire semblant de jouer<br />
avec <strong>le</strong>s autres dans <strong>le</strong> but d’établir avec eux, dans un<br />
20 . Tisseron S, « Les effets de la télévision sur <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants : prév<strong>en</strong>tion<br />
de la vio<strong>le</strong>nce par <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> <strong>trois</strong> <strong>figures</strong> », Dev<strong>en</strong>ir, Volume<br />
22, Numéro 1, pp . 73-93, 2010 .<br />
second temps, une relation d’emprise qui <strong>le</strong>ur permette<br />
de vivre <strong>le</strong> s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’omnipot<strong>en</strong>ce qui <strong>le</strong>ur a fait<br />
défaut dans la petite <strong>en</strong>fance .<br />
L’impact de la télévision<br />
Rev<strong>en</strong>ons maint<strong>en</strong>ant à la télévision et à son impact sur<br />
<strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants . Bi<strong>en</strong> sûr, <strong>le</strong> temps passé par l’<strong>en</strong>fant<br />
à regarder la télévision n’est plus disponib<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> <strong>jeu</strong>,<br />
mais cet aspect « quantitatif » (plus de télévision éga<strong>le</strong><br />
moins de <strong>jeu</strong>) risque de cacher l’ess<strong>en</strong>tiel . L’<strong>en</strong>fant<br />
placé devant la télévision manque d’abord de temps et<br />
d’espace pour développer un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t normal d’omnipot<strong>en</strong>ce<br />
. Trop de choses imprévisib<strong>le</strong>s et non contrôlab<strong>le</strong>s<br />
se succèd<strong>en</strong>t sur l’écran . Le risque est alors que<br />
la détresse qu’il éprouve l’incite à développer <strong>le</strong>s deux<br />
réactions que nous avons évoquées . Soit il se retranche<br />
de la relation <strong>en</strong> cultivant un monde fantasmatique coupé<br />
de la réalité ; soit il t<strong>en</strong>te de contrô<strong>le</strong>r ses camara<strong>des</strong> et<br />
<strong>le</strong>s adultes qui l’<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t de façon omnipot<strong>en</strong>te . Au<br />
risque de dev<strong>en</strong>ir dans <strong>le</strong> premier cas un <strong>en</strong>fant victime<br />
qui subit tout parce que ce qui lui arrive dans la réalité lui<br />
paraît sans importance, et dans <strong>le</strong> second cas un <strong>en</strong>fant<br />
tyran incapab<strong>le</strong> d’accepter une punition .<br />
Mais la télévision a <strong>en</strong>core un autre impact . El<strong>le</strong><br />
n’<strong>en</strong>trave pas seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t la construction de l’illusion<br />
d’omnipot<strong>en</strong>ce ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> <strong>jeu</strong>ne âge . El<strong>le</strong> invite<br />
aussi <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants plus grands à construire <strong>le</strong>urs premiers<br />
repères <strong>en</strong> s’id<strong>en</strong>tifiant à celui <strong>des</strong> personnages qui<br />
<strong>le</strong>ur paraît <strong>le</strong> plus proche d’eux-mêmes par ses réactions<br />
. Et comme <strong>le</strong>s héros <strong>des</strong> programmes télévisés<br />
sont <strong>en</strong> général assez stéréotypés, l’<strong>en</strong>fant s’id<strong>en</strong>tifie<br />
fina<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t toujours à un même modè<strong>le</strong> qui exclut tous<br />
<strong>le</strong>s autres . Il est celui qui commande ou bi<strong>en</strong> celui qui<br />
est commandé, celui qui cherche ou bi<strong>en</strong> celui qui est<br />
cherché, ou <strong>en</strong>core celui qui frappe ou bi<strong>en</strong> celui qui<br />
est frappé . En s’id<strong>en</strong>tifiant toujours au même profil de<br />
héros, <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants cour<strong>en</strong>t alors <strong>le</strong> risque de r<strong>en</strong>forcer<br />
une id<strong>en</strong>tification aux dép<strong>en</strong>s de toutes <strong>le</strong>s autres . C’est<br />
ainsi qu’un <strong>en</strong>fant qui a t<strong>en</strong>dance à se percevoir plutôt<br />
– 22 – – 23 –
comme m<strong>en</strong>eur ou agressif sous l’effet de son milieu<br />
familial, sera incité à r<strong>en</strong>forcer ce rô<strong>le</strong> de manière à se<br />
rassurer face à un monde audiovisuel qui l’angoisse .<br />
Tandis que celui qui se s<strong>en</strong>t plutôt suiveur ou victime<br />
sous l’influ<strong>en</strong>ce de son milieu familial aura t<strong>en</strong>dance à se<br />
s<strong>en</strong>tir de plus <strong>en</strong> plus m<strong>en</strong>acé, avec <strong>le</strong> risque d’accepter<br />
d’év<strong>en</strong>tuel<strong>le</strong>s agressions comme une fatalité .<br />
Les <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t l’habitude de s’imaginer toujours<br />
dans <strong>le</strong> même rô<strong>le</strong> . Non seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t la consommation<br />
télévisuel<strong>le</strong> ne permet pas de développer la confiance <strong>en</strong><br />
soi et dans <strong>le</strong> monde, mais <strong>en</strong> plus, el<strong>le</strong> fige <strong>le</strong>s premières<br />
id<strong>en</strong>tifications proposées par <strong>le</strong> milieu familial . La boîte à<br />
outils <strong>des</strong> id<strong>en</strong>tifications précoces se réduit et <strong>le</strong>s possibilités<br />
du bricolage id<strong>en</strong>titaire s’appauvriss<strong>en</strong>t . Les <strong>en</strong>fants<br />
ont t<strong>en</strong>dance à s’<strong>en</strong>fermer dans <strong>des</strong> schémas m<strong>en</strong>taux<br />
rigi<strong>des</strong> où ils ne se perçoiv<strong>en</strong>t que dans un seul rô<strong>le</strong> : toujours<br />
agresseur, toujours victime ou toujours redresseur<br />
de torts 21 . Et <strong>le</strong> danger est qu’ils adopt<strong>en</strong>t systématiquem<strong>en</strong>t<br />
la même attitude dans la réalité . Ils s’<strong>en</strong>ferm<strong>en</strong>t alors<br />
dans la prison de comportem<strong>en</strong>ts qui s’autor<strong>en</strong>forc<strong>en</strong>t .<br />
Les modè<strong>le</strong>s internes opérants mis <strong>en</strong> place sous l’effet<br />
<strong>des</strong> premières interactions familia<strong>le</strong>s sont gelés . La capacité<br />
de se mettre à une autre place que la si<strong>en</strong>ne – autrem<strong>en</strong>t<br />
dit, la capacité d’empathie – est inhibée .<br />
Bi<strong>en</strong> sûr, ri<strong>en</strong> n’est joué à cinq ans – ni à soixante-dix<br />
non plus d’ail<strong>le</strong>urs ! – et avec <strong>le</strong> mouvem<strong>en</strong>t « Pas de<br />
0 de conduite », nous condamnons <strong>le</strong> discours actuel<br />
<strong>des</strong> pouvoirs publics qui ne par<strong>le</strong>nt que de « dépistage<br />
précoce » et de traitem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> « sujets à risque » . Mais<br />
cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir aux moy<strong>en</strong>s<br />
à mettre <strong>en</strong> œuvre pour remédier aux vio<strong>le</strong>nces qui<br />
règn<strong>en</strong>t dans <strong>le</strong> monde scolaire, sans jamais oublier que<br />
<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui s’id<strong>en</strong>tifi<strong>en</strong>t exclusivem<strong>en</strong>t aux victimes<br />
ne sont pas moins préoccupants que ceux qui s’id<strong>en</strong>tifi<strong>en</strong>t<br />
précocem<strong>en</strong>t aux agresseurs . Il faut permettre aux<br />
uns et aux autres d’évoluer, sans stigmatiser personne .<br />
21 . Un docum<strong>en</strong>t audiovisuel existe sur cette méthode . Il est consultab<strong>le</strong><br />
gratuitem<strong>en</strong>t : « Aïe ! Mets-toi à ma place », La prév<strong>en</strong>tion de la<br />
vio<strong>le</strong>nce à l’éco<strong>le</strong> maternel<strong>le</strong>, docum<strong>en</strong>taire de 26 minutes de Philippe<br />
Meyrieu, www .capcanal .com .<br />
Réappr<strong>en</strong>dre <strong>le</strong> <strong>jeu</strong><br />
On peut rêver d’une campagne d’information à <strong>des</strong>tination<br />
<strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts et <strong>des</strong> pédagogues pour limiter la<br />
consommation d’écrans par <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants . L’Institut<br />
national pour l’Education et la Santé – INPES – pourrait<br />
même <strong>en</strong> être l’instigateur . Mais la télévision est bi<strong>en</strong><br />
installée dans <strong>le</strong>s foyers… C’est pourquoi il est ess<strong>en</strong>tiel,<br />
parallè<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t, de redonner aux <strong>en</strong>fants <strong>le</strong> s<strong>en</strong>s et <strong>le</strong> goût<br />
du <strong>jeu</strong>, et cela aussi bi<strong>en</strong> pour ceux qui ont t<strong>en</strong>dance à<br />
se réfugier dans un monde fantasmatique dissocié de<br />
<strong>le</strong>ur vie réel<strong>le</strong> que pour ceux qui t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t constamm<strong>en</strong>t<br />
d’établir une relation d’emprise sur <strong>le</strong>urs camara<strong>des</strong> .<br />
D’autant plus que ceux qui apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t au premier<br />
groupe ont une tel<strong>le</strong> prop<strong>en</strong>sion à p<strong>en</strong>ser que ce qui <strong>le</strong>ur<br />
arrive n’a pas d’importance qu’ils se laiss<strong>en</strong>t faci<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
agresser, humilier et fina<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t assujettir par ceux du<br />
second groupe sans réagir . Leur activité fantasmatique<br />
dissociée <strong>le</strong>ur donne l’illusion de pouvoir tout vivre sans<br />
<strong>en</strong> être affecté pour de vrai .<br />
S’agit-il pour autant de vouloir instaurer avec ces<br />
<strong>en</strong>fants un <strong>jeu</strong> qui ait une va<strong>le</strong>ur thérapeutique ? Bi<strong>en</strong><br />
sûr que non ! La thérapie s’attache à écarter <strong>le</strong>s obstac<strong>le</strong>s<br />
particuliers à chaque <strong>en</strong>fant et qui <strong>en</strong>trav<strong>en</strong>t son<br />
développem<strong>en</strong>t . L’activité que nous proposons a un<br />
objectif différ<strong>en</strong>t : permettre à tous <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants de vivre<br />
<strong>des</strong> expéri<strong>en</strong>ces d’<strong>en</strong>richissem<strong>en</strong>t mutuel par chevauchem<strong>en</strong>t<br />
de <strong>le</strong>urs aires de <strong>jeu</strong> respectives . Et t<strong>en</strong>ter, pour<br />
ceux chez <strong>le</strong>squels la capacité de <strong>jeu</strong> n’est pas installée,<br />
de pouvoir <strong>en</strong>visager de <strong>le</strong> faire . Bref, nous avons<br />
réfléchi aux moy<strong>en</strong>s de r<strong>en</strong>dre aux <strong>en</strong>fants <strong>le</strong> temps et<br />
<strong>le</strong> goût du <strong>jeu</strong> structurant, celui qui invite à construire<br />
une situation narrative et à s’imaginer occuper successivem<strong>en</strong>t<br />
plusieurs places . Pour cela, nous avons mis<br />
au point, puis expérim<strong>en</strong>té avec succès p<strong>en</strong>dant une<br />
année, un protoco<strong>le</strong> de <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> susceptib<strong>le</strong> d’être<br />
pratiqué par <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants <strong>des</strong> <strong>classes</strong> maternel<strong>le</strong>s<br />
après une formation de <strong>trois</strong> journées réparties sur l’année<br />
. Sa nécessité s’est imposée à nous comme la seu<strong>le</strong><br />
alternative au plan de prév<strong>en</strong>tion de la vio<strong>le</strong>nce précoce<br />
proposé par l’INSERM <strong>en</strong> 2007, une sorte de « Plan B<br />
– 24 – – 25 –
<strong>des</strong> Maternel<strong>le</strong>s » . À la politique de dépistage et de prise<br />
<strong>en</strong> charge individualisée <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants supposés à risque,<br />
nous voulions <strong>en</strong> opposer une autre : non plus repérer<br />
certains d’<strong>en</strong>tre eux, mais <strong>le</strong>s aider tous . Nous avons<br />
fina<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t appelé ce protoco<strong>le</strong> <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures<br />
par allusion aux <strong>trois</strong> personnages prés<strong>en</strong>ts dans la<br />
plupart <strong>des</strong> histoires regardées et racontées par <strong>le</strong>s<br />
<strong>en</strong>fants : l’agresseur, la victime et <strong>le</strong> redresseur de torts .<br />
Ce <strong>jeu</strong> a lieu une fois par semaine, plutôt <strong>en</strong> début<br />
d’après-midi – il s’agit d’un mom<strong>en</strong>t moins propice aux<br />
appr<strong>en</strong>tissages proprem<strong>en</strong>t dits –, p<strong>en</strong>dant une petite<br />
heure, idéa<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t par demi classe pour que <strong>le</strong> nombre<br />
d’<strong>en</strong>fants ne soit pas trop important . Cette dernière<br />
condition est évidemm<strong>en</strong>t considérab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t facilitée<br />
quand deux <strong>en</strong>seignants d’un même établissem<strong>en</strong>t ont<br />
chacun suivi la formation et sont d’accord pour avoir,<br />
une fois par semaine, p<strong>en</strong>dant une heure, une classe<br />
et demie afin de permettre à <strong>le</strong>ur collègue de n’<strong>en</strong> avoir<br />
qu’une demie .<br />
Enfin, <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures est plus faci<strong>le</strong> à mettre<br />
<strong>en</strong> place <strong>en</strong> grande section du fait de la maturité <strong>des</strong><br />
<strong>en</strong>fants, mais il peut l’être aussi <strong>en</strong> moy<strong>en</strong>ne section . Il<br />
est <strong>en</strong> revanche impossib<strong>le</strong> <strong>en</strong> petite section du fait de<br />
la grande difficulté où sont <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants de construire une<br />
histoire et de mémoriser <strong>des</strong> dialogues . Bi<strong>en</strong> qu’il ait<br />
été conçu pour être pratiqué par <strong>des</strong> <strong>en</strong>seignants <strong>des</strong><br />
Maternel<strong>le</strong>s, il peut aussi être utilisé par <strong>des</strong> éducateurs<br />
de <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants . Il a éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t été utilisé avec succès<br />
dans <strong>des</strong> <strong>classes</strong> de CP . Au-delà, il semb<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s<br />
contraintes scolaires ne soi<strong>en</strong>t plus compatib<strong>le</strong>s avec<br />
l’organisation, par l’<strong>en</strong>seignant lui-même, du Jeu <strong>des</strong><br />
Trois Figures . Tous <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> revanche<br />
continuer à <strong>en</strong> bénéficier, à condition qu’il soit pratiqué<br />
par un animateur spécia<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t formé et au cours d'une<br />
tranche horaire distincte de la vie scolaire .<br />
La pratique du Jeu <strong>des</strong><br />
Trois Figures <strong>en</strong> classe<br />
maternel<strong>le</strong><br />
L’organisation d’une séance du Jeu <strong>des</strong> Trois Figures<br />
comporte plusieurs mom<strong>en</strong>ts successifs qu’il convi<strong>en</strong>t<br />
de respecter absolum<strong>en</strong>t . Ce sont : <strong>le</strong> rappel <strong>des</strong><br />
consignes de <strong>jeu</strong>, la construction de l’histoire – nous<br />
préférons ce mot à celui de scénario, diffici<strong>le</strong> à compr<strong>en</strong>dre<br />
pour <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants –, la mise <strong>en</strong> place <strong>des</strong> actions<br />
et <strong>des</strong> dialogues, <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> proprem<strong>en</strong>t dit qui est évidemm<strong>en</strong>t<br />
<strong>le</strong> cœur du dispositif, une év<strong>en</strong>tuel<strong>le</strong> régulation<br />
intermédiaire proposée par l’<strong>en</strong>seignant, et <strong>en</strong>fin la<br />
gratification <strong>des</strong> interv<strong>en</strong>ants .<br />
Sept consignes pour sept mom<strong>en</strong>ts<br />
Premier mom<strong>en</strong>t : « On va jouer comme au<br />
théâtre… »<br />
L’<strong>en</strong>seignant évoque <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> théâtral et fixe <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s . Il<br />
devra <strong>le</strong> faire à chaque nouvel<strong>le</strong> séance de <strong>jeu</strong>, jusqu’à<br />
ce qu’el<strong>le</strong>s soi<strong>en</strong>t parfaitem<strong>en</strong>t intériorisées par <strong>le</strong>s<br />
<strong>en</strong>fants . « On fait comme au théâtre, c’est-à-dire qu’on<br />
fait semblant de se frapper, de s’embrasser ou de se<br />
battre . » « On évite de se toucher et on ne se fait pas<br />
mal . » « On peut faire semblant d’être une fil<strong>le</strong> quand<br />
on est un garçon et on peut faire semblant d’être un<br />
garçon quand on est une fil<strong>le</strong> . »<br />
Second mom<strong>en</strong>t : « Est-ce qu’il y a <strong>des</strong> images<br />
que vous avez vues, et dont vous avez <strong>en</strong>vie<br />
de par<strong>le</strong>r ? »<br />
Il semb<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t davantage dans<br />
<strong>le</strong>s situations naturel<strong>le</strong>s qui se produis<strong>en</strong>t <strong>en</strong> classe et<br />
où <strong>des</strong> émotions int<strong>en</strong>ses sont mobilisées, que dans <strong>le</strong>s<br />
situations fictives où on <strong>le</strong>s place 22 . Il est donc préférab<strong>le</strong><br />
22 . Voir Giampino S ., Vidal C ., Nos <strong>en</strong>fants sous haute surveillance, Paris,<br />
Albin Michel, 2009 .<br />
– 27 –
que <strong>le</strong>s histoires proposées au <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> ai<strong>en</strong>t un point<br />
de départ dans la réalité vécue par <strong>le</strong>s élèves . Le problème<br />
est qu’aussitôt qu’on aborde <strong>le</strong>s vio<strong>le</strong>nces et <strong>le</strong>s<br />
humiliations, on risque de provoquer chez <strong>le</strong>s victimes<br />
<strong>des</strong> réactions de honte et d’inhibition . C’est pourquoi<br />
nous avons fait <strong>le</strong> choix de proposer aux <strong>en</strong>fants de<br />
partir de situations qu’ils ont vécues, mais par procuration,<br />
c’est-à-dire de situations d’images . Le propre <strong>des</strong><br />
images est <strong>en</strong> effet de mobiliser <strong>des</strong> charges s<strong>en</strong>soriel<strong>le</strong>s<br />
et émotionnel<strong>le</strong>s semblab<strong>le</strong>s à cel<strong>le</strong>s de la « vraie vie »,<br />
mais <strong>en</strong> bénéficiant du pare-excitation de l’écran 23 , et <strong>en</strong><br />
même temps avec la possibilité de s’id<strong>en</strong>tifier à plusieurs<br />
rô<strong>le</strong>s . Or c’est exactem<strong>en</strong>t ce qui est recherché . En<br />
outre, ce recours au paysage audiovisuel est largem<strong>en</strong>t<br />
justifié par <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants y font allusion même<br />
si on ne <strong>le</strong> <strong>le</strong>ur propose pas . Enfin, inviter <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants à<br />
partir <strong>des</strong> images qu’ils ont vues a un dernier avantage :<br />
c’est celui d’éviter qu’ils abord<strong>en</strong>t <strong>des</strong> situations de <strong>le</strong>ur<br />
vie familia<strong>le</strong> dont l’évocation publique, dans <strong>le</strong> cadre<br />
scolaire, contribuerait à brouil<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s repères et à embarrasser<br />
autant <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants .<br />
Troisième mom<strong>en</strong>t : « On va inv<strong>en</strong>ter une petite<br />
histoire <strong>en</strong>semb<strong>le</strong>. »<br />
Le point de départ peut concerner un <strong>des</strong>sin animé, une<br />
série américaine, un long métrage passé <strong>en</strong> prime time,<br />
un DVD regardé <strong>en</strong> famil<strong>le</strong> ou <strong>en</strong>core une séqu<strong>en</strong>ce <strong>des</strong><br />
actualités télévisées . Car <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants regard<strong>en</strong>t beaucoup<br />
de programmes qui ne <strong>le</strong>ur sont pas spécia<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
<strong>des</strong>tinés !<br />
Lorsque <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants propos<strong>en</strong>t trop de sujets différ<strong>en</strong>ts,<br />
l’<strong>en</strong>seignant <strong>le</strong>s fait voter . Lorsque l’histoire est trop longue,<br />
il <strong>le</strong>ur dit : « Dans cette histoire, quel<strong>le</strong> est l’action<br />
simp<strong>le</strong> que vous avez <strong>le</strong> plus <strong>en</strong>vie de jouer ? »<br />
Et lorsque <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants se bloqu<strong>en</strong>t sur une scène ou<br />
une situation sans pouvoir imaginer une histoire, l’<strong>en</strong>seignant<br />
peut <strong>le</strong>s aider <strong>en</strong> <strong>le</strong>ur demandant « Qu’est-ce<br />
qui pourrait se passer après ? » ou : « Qu’est-ce qui<br />
aurait pu se passer avant ? » Il peut aussi s’appuyer<br />
23 . Tisseron S ., Y a-t-il un pilote dans l’image ? Paris, Aubier, 1997 .<br />
sur <strong>le</strong>s quatre questions traditionnel<strong>le</strong>s : « Où ? Quand ?<br />
Comm<strong>en</strong>t ? Pourquoi ? »<br />
De façon généra<strong>le</strong>, l’<strong>en</strong>seignant doit influ<strong>en</strong>cer <strong>le</strong> moins<br />
possib<strong>le</strong> <strong>le</strong> thème choisi et <strong>le</strong>s actions évoquées . Son<br />
rô<strong>le</strong> à ce stade est de s’assurer que l’histoire puisse être<br />
jouée, c’est-à-dire qu’el<strong>le</strong> ne soit pas trop longue et que<br />
sa narration soit cohér<strong>en</strong>te . Quand l’histoire proposée<br />
n’est pas mora<strong>le</strong> (par exemp<strong>le</strong> un bandit qui tue, vo<strong>le</strong> et<br />
s’<strong>en</strong>fuit), l’<strong>en</strong>seignant doit s’<strong>en</strong> étonner, poser <strong>des</strong> questions<br />
(« Et la police ne fait ri<strong>en</strong> ? »), mais ne pas imposer<br />
de modification . Il y a un mom<strong>en</strong>t où <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants ont<br />
besoin de cette liberté pour s’approprier l’espace du <strong>jeu</strong> .<br />
Ce mom<strong>en</strong>t stimu<strong>le</strong> évidemm<strong>en</strong>t la capacité d’expression<br />
ora<strong>le</strong> <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants et <strong>le</strong>ur socialisation puisque<br />
chacun intervi<strong>en</strong>t à son tour, après avoir <strong>le</strong>vé <strong>le</strong> doigt<br />
et écouté <strong>le</strong>s propositions <strong>des</strong> autres . Mais il stimu<strong>le</strong><br />
éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t l’imagination puisque la séqu<strong>en</strong>ce d’image<br />
télévisuel<strong>le</strong> n’est qu’un point de départ qu’ils peuv<strong>en</strong>t,<br />
<strong>en</strong>semb<strong>le</strong>, faire évoluer comme bon <strong>le</strong>ur semb<strong>le</strong> .<br />
Il ne s’agit pas de jouer ce qui a été vu, mais de<br />
construire <strong>en</strong>semb<strong>le</strong> une histoire à partir d’une expéri<strong>en</strong>ce<br />
d’images partagée par plusieurs <strong>en</strong>fants . C’est<br />
pourquoi, quand un <strong>en</strong>fant dit avoir vu quelque chose à<br />
la télévision, peu importe qu’il l’ait vu ou imaginé : seul<br />
compte <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s autres <strong>en</strong>fants p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t, ou non,<br />
que c’est un point de départ pour l’histoire .<br />
Quatrième mom<strong>en</strong>t : mise <strong>en</strong> place <strong>des</strong> actions et<br />
<strong>des</strong> dialogues<br />
Il est impératif que l’histoire que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants ont construite<br />
comporte la désignation <strong>des</strong> actions à accomplir et <strong>des</strong><br />
paro<strong>le</strong>s qui <strong>le</strong>s accompagn<strong>en</strong>t .<br />
Exemp<strong>le</strong> 1<br />
L’histoire proposée par <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants est la suivante : « Un<br />
bébé dinosaure est attaqué par un crocodi<strong>le</strong>, puis sauvé<br />
par un dinosaure adulte qui lui vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> aide. »<br />
Les actions sont précisées : <strong>le</strong> bébé dinosaure marche<br />
sur <strong>des</strong> pierres pour traverser une rivière, l’une d’<strong>en</strong>tre<br />
– 28 – – 29 –
el<strong>le</strong>s est un crocodi<strong>le</strong> qui m<strong>en</strong>ace de <strong>le</strong> manger, mais<br />
un dinosaure adulte <strong>le</strong> soulève du sol avec sa bouche<br />
et <strong>le</strong> sauve.<br />
Les textes sont précisés de la façon suivante. Le crocodi<strong>le</strong><br />
dirait : « Je vais te manger. » Le bébé dinosaure<br />
dirait : « À l’aide ! » Le dinosaure adulte dirait : « N’aie<br />
pas peur, je vais te sauver. »<br />
Exemp<strong>le</strong> 2<br />
Les élèves propos<strong>en</strong>t de jouer une agression au collège<br />
<strong>en</strong> référ<strong>en</strong>ce à une séqu<strong>en</strong>ce vue au journal télévisé.<br />
L’histoire est précisée de la façon suivante : un élève<br />
donne un coup de couteau dans <strong>le</strong> v<strong>en</strong>tre d’un autre<br />
élève et un <strong>trois</strong>ième vi<strong>en</strong>t lui porter secours. Puis <strong>le</strong>s<br />
actions et <strong>le</strong>s dialogues sont précisés comme ceci.<br />
L’agresseur dirait : « Je vais te donner un coup de<br />
couteau. » La victime dirait : « Aïe, aïe, aïe, j’ai mal au<br />
v<strong>en</strong>tre ! » Le sauveteur dirait : « Oh là, là, qui a fait cela ?<br />
Ne t’inquiète pas, je vais t’aider. »<br />
L’utilisation du conditionnel à ce stade est très importante<br />
. Il crée un temps de la fiction distinct du réel . Il<br />
est d’autant plus important aujourd’hui que beaucoup<br />
d’<strong>en</strong>fants accèd<strong>en</strong>t précocem<strong>en</strong>t à <strong>des</strong> <strong>jeu</strong>x vidéo qui<br />
effac<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s distinctions <strong>en</strong>tre passé, prés<strong>en</strong>t et av<strong>en</strong>ir,<br />
et <strong>en</strong>tre indicatif et conditionnel .<br />
Dans tous <strong>le</strong>s cas, aucun rô<strong>le</strong> ne doit être muet, et certainem<strong>en</strong>t<br />
pas ceux de la victime et de l’agresseur ! Nous<br />
ne nous r<strong>en</strong>dons <strong>en</strong> effet pas compte dans quel état<br />
clivé se trouv<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> situations d’agresseur<br />
ou de victime : ils inflig<strong>en</strong>t ou subiss<strong>en</strong>t <strong>des</strong> vio<strong>le</strong>nces<br />
sans ri<strong>en</strong> pouvoir <strong>en</strong> dire . Dans son roman Voyage au<br />
bout de la nuit, Céline évoque l’histoire d’une fil<strong>le</strong>tte de<br />
dix ans que sa mère attache pour la battre alors qu’el<strong>le</strong><br />
n’a ri<strong>en</strong> fait de mal, tout <strong>en</strong> accompagnant ses coups<br />
de comm<strong>en</strong>taires et d’insultes . La fil<strong>le</strong>tte crie alors :<br />
« Tape, maman, tape, mais tais-toi, surtout, tais-toi . »<br />
Subir la vio<strong>le</strong>nce est plus faci<strong>le</strong> quand l’esprit peut<br />
s’évader du corps, et il <strong>le</strong> peut d’autant mieux qu’aucun<br />
mot n’accompagne <strong>le</strong>s coups . L’oubli <strong>des</strong> mom<strong>en</strong>ts de<br />
vio<strong>le</strong>nce subie est aussi plus faci<strong>le</strong>… C’est pourquoi l’un<br />
<strong>des</strong> moy<strong>en</strong>s principaux de lutter contre la vio<strong>le</strong>nce est<br />
que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à la par<strong>le</strong>r . Cela ne r<strong>en</strong>dra<br />
peut-être pas <strong>le</strong>s agresseurs plus loquaces au mom<strong>en</strong>t<br />
de <strong>le</strong>urs agressions, mais <strong>le</strong>s agressés auront plus de<br />
facilité pour s’<strong>en</strong> plaindre, et c’est déjà considérab<strong>le</strong> !<br />
Et qu’on ne me dise pas que <strong>le</strong> problème ne se pose<br />
pas <strong>en</strong> classe maternel<strong>le</strong> . À quatre ans, il existe déjà<br />
<strong>des</strong> ban<strong>des</strong>, <strong>des</strong> caïds et <strong>des</strong> boucs émissaires . Un<br />
<strong>en</strong>fant <strong>en</strong> harcè<strong>le</strong> un autre, puis lui promet de <strong>le</strong> laisser<br />
tranquil<strong>le</strong> s’il l’aide à <strong>en</strong> attaquer un <strong>trois</strong>ième… qui se<br />
voit à son tour proposer de rejoindre la « bande » pour<br />
prix de sa tranquillité . Ce phénomène est incontestab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
amplifié aujourd’hui par de nombreux feuil<strong>le</strong>tons<br />
télévisuels qui mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> scène la même logique, et<br />
que <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants regard<strong>en</strong>t, bi<strong>en</strong> qu’ils ne soi<strong>en</strong>t<br />
évidemm<strong>en</strong>t pas conçus pour eux . Les petits caïds sont<br />
parfois découverts par <strong>le</strong>s maîtresses à l’occasion du<br />
Jeu <strong>des</strong> Trois Figures . C’est lorsqu’à l’occasion d’un<br />
changem<strong>en</strong>t de rô<strong>le</strong>, un <strong>en</strong>fant manifestem<strong>en</strong>t très à<br />
l’aise pour jouer <strong>le</strong>s agresseurs dit : « Maint<strong>en</strong>ant, je<br />
joue la victime » et que tous <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants de la classe<br />
éclat<strong>en</strong>t de rire ! Le rô<strong>le</strong> que cet élève s’apprête à interpréter<br />
est manifestem<strong>en</strong>t tel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t à contre-emploi de<br />
ses comportem<strong>en</strong>ts habituels que ses camara<strong>des</strong> ne<br />
peuv<strong>en</strong>t pas s’empêcher de manifester <strong>le</strong>ur jubilation !<br />
Enfin, p<strong>en</strong>dant la phase d’expérim<strong>en</strong>tation, <strong>en</strong> 2007 et<br />
2008, nous avions réfléchi à la possibilité d’un protoco<strong>le</strong><br />
particulier au cas où un <strong>en</strong>fant dirait avoir vu <strong>des</strong><br />
images à cont<strong>en</strong>u sexuel et demanderait de <strong>le</strong>s jouer .<br />
L’<strong>en</strong>seignant devait d’abord reconnaître que de tel<strong>le</strong>s<br />
images sont bou<strong>le</strong>versantes, et ne pas condamner<br />
l’<strong>en</strong>fant qui <strong>le</strong>s avait vues . Puis il devait demander aux<br />
autres <strong>en</strong>fants s’ils avai<strong>en</strong>t vu eux aussi de tel<strong>le</strong>s images .<br />
Si l’<strong>en</strong>fant demandeur était isolé, l’<strong>en</strong>seignant devait<br />
lui conseil<strong>le</strong>r de voir <strong>le</strong> psychologue scolaire pour <strong>en</strong><br />
par<strong>le</strong>r . Si <strong>des</strong> camara<strong>des</strong> s’associai<strong>en</strong>t à sa demande,<br />
nous avions d’abord imaginé que l’<strong>en</strong>seignant puisse<br />
avoir à sa disposition deux marionnettes de personnages<br />
adultes qui lui permettrai<strong>en</strong>t d’interagir avec<br />
<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants . Mais nous n’étions pas du tout satisfaits<br />
– 30 – – 31 –
de ce protoco<strong>le</strong> et nous avions fina<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t décidé que<br />
l’<strong>en</strong>seignant confronté à une tel<strong>le</strong> situation rappel<strong>le</strong> que<br />
la sexualité ne concerne que <strong>le</strong>s adultes, et dise qu’il<br />
allait réfléchir pour la fois suivante à ce que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants<br />
avai<strong>en</strong>t évoqué… Entre temps, il avait évidem<strong>en</strong>t pour<br />
consigne de nous appe<strong>le</strong>r ! Mais <strong>en</strong> pratique, nous<br />
n’avons jamais été confrontés à une tel<strong>le</strong> situation,<br />
ni p<strong>en</strong>dant l’expérim<strong>en</strong>tation initia<strong>le</strong>, ni dans aucune<br />
classe où <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> a été proposé depuis deux ans . Cela<br />
ne prouve pas qu’aucun <strong>en</strong>fant ne voit jamais de tel<strong>le</strong>s<br />
images, mais que ceux qui <strong>le</strong>s voi<strong>en</strong>t ont tel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>le</strong><br />
s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’avoir fait quelque chose d’interdit qu’ils<br />
s’empêch<strong>en</strong>t de <strong>le</strong>s évoquer (rappelons que nous avons<br />
affaire à <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants de quatre à six ans) .<br />
Cinquième mom<strong>en</strong>t : demande <strong>des</strong> volontaires<br />
et rappel <strong>des</strong> consignes « Chaque volontaire<br />
s’<strong>en</strong>gage à jouer tous <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s successivem<strong>en</strong>t. »<br />
Une fois l’histoire construite, l’<strong>en</strong>seignant demande quels<br />
<strong>en</strong>fants sont volontaires pour jouer . Il est impératif d’insister<br />
sur <strong>le</strong> fait que chaque volontaire devra obligatoirem<strong>en</strong>t<br />
jouer successivem<strong>en</strong>t tous <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s . Cette consigne<br />
constitue même <strong>le</strong> cœur du protoco<strong>le</strong> expérim<strong>en</strong>tal . C’est<br />
dans <strong>le</strong> changem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> places que s’expérim<strong>en</strong>tera<br />
pour chaque <strong>en</strong>fant la possibilité de développer une s<strong>en</strong>sibilité<br />
à <strong>des</strong> postures qu’il redoutait jusque là dans sa vie,<br />
ou qui ne lui étai<strong>en</strong>t pas psychiquem<strong>en</strong>t accessib<strong>le</strong>s . Puis<br />
l’<strong>en</strong>seignant demande aux <strong>en</strong>fants de résumer l’histoire,<br />
<strong>le</strong>s actions et <strong>le</strong>s dialogues, <strong>en</strong> <strong>le</strong>s aidant si nécessaire .<br />
Le <strong>jeu</strong> proprem<strong>en</strong>t dit ne vi<strong>en</strong>t qu’après .<br />
Chaque <strong>en</strong>fant doit désigner son rô<strong>le</strong> avant de jouer :<br />
« Moi, je serais la dame par terre », « Moi, je serais <strong>le</strong><br />
monsieur avec un pisto<strong>le</strong>t », etc . Cette désignation<br />
doit se refaire à chaque changem<strong>en</strong>t de rô<strong>le</strong> . Puis la<br />
séqu<strong>en</strong>ce est jouée, et l’<strong>en</strong>seignant doit veil<strong>le</strong>r à ce que<br />
<strong>le</strong>s actions et <strong>le</strong>s textes décidés à l’étape précéd<strong>en</strong>te<br />
soi<strong>en</strong>t joués <strong>en</strong> même temps, au prix de recomm<strong>en</strong>cer<br />
si un <strong>en</strong>fant a de la peine pour y arriver . En effet,<br />
certains <strong>en</strong>fants sont capab<strong>le</strong>s de résumer un scénario<br />
avant <strong>le</strong> <strong>jeu</strong>, puis de comm<strong>en</strong>ter ce qu’ils ont fait après<br />
<strong>le</strong> <strong>jeu</strong>, mais sont <strong>en</strong> grande difficulté pour mettre <strong>des</strong><br />
mots sur <strong>le</strong>urs actions p<strong>en</strong>dant <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> . Tout se passe<br />
comme si <strong>le</strong>ur corps suivait une logique indép<strong>en</strong>dante<br />
de cel<strong>le</strong> de <strong>le</strong>ur discours . Ils par<strong>le</strong>nt très bi<strong>en</strong> quand ils<br />
sont assis, mais aussitôt qu’ils s’<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t dans une<br />
action, <strong>le</strong>ur corps semb<strong>le</strong> être seul prés<strong>en</strong>t, comme s’ils<br />
étai<strong>en</strong>t dans un état m<strong>en</strong>tal dissocié . C’est pourquoi il<br />
est important de <strong>le</strong>s obliger à mettre <strong>des</strong> mots sur <strong>le</strong>s<br />
actions qu’ils accompliss<strong>en</strong>t afin que <strong>le</strong>ur s<strong>en</strong>sorimotricité<br />
et <strong>le</strong>ur discours soi<strong>en</strong>t réunis . À défaut d’y parv<strong>en</strong>ir,<br />
ces <strong>en</strong>fants risqu<strong>en</strong>t de dev<strong>en</strong>ir <strong>des</strong> adultes capab<strong>le</strong>s de<br />
juxtaposer <strong>en</strong> toute bonne foi <strong>des</strong> vio<strong>le</strong>nces agies et un<br />
discours condamnant la vio<strong>le</strong>nce . Ils seront « clivés » .<br />
Le <strong>jeu</strong> corporel accompagné d’un texte qui dit <strong>le</strong> corps<br />
et l’accompagne peut contribuer à réduire ce fossé .<br />
Enfin, aucun <strong>en</strong>fant ne doit jamais être invité à jouer .<br />
Même s’il reste si<strong>le</strong>ncieux toute l’année, il <strong>en</strong> tire bénéfice<br />
. L’inviter à jouer pourrait au contraire <strong>le</strong> confronter<br />
à <strong>des</strong> traumatismes personnels <strong>en</strong>core impossib<strong>le</strong>s à<br />
aborder, au risque de provoquer une crise d’angoisse ou<br />
un repli sur soi <strong>en</strong>core plus grand . D’autant plus qu’inviter<br />
un <strong>jeu</strong>ne <strong>en</strong>fant à faire quelque chose quand on<br />
est <strong>en</strong> position d’<strong>en</strong>seignant, et qui plus est devant ses<br />
camara<strong>des</strong>, devi<strong>en</strong>t faci<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t synonyme de l’obliger . Il<br />
est parfois diffici<strong>le</strong> aux <strong>en</strong>seignants de se souv<strong>en</strong>ir de<br />
cette consigne parce que <strong>le</strong>ur rô<strong>le</strong>, par ail<strong>le</strong>urs, nécessite<br />
qu’ils sach<strong>en</strong>t inciter <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants à s’investir dans<br />
<strong>le</strong>s activités qu’ils <strong>le</strong>ur propos<strong>en</strong>t . Mais <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois<br />
Figures n’est pas une situation d’appr<strong>en</strong>tissage . C’est<br />
l’opportunité de mobiliser <strong>des</strong> vécus profonds afin de<br />
provoquer <strong>des</strong> changem<strong>en</strong>ts durab<strong>le</strong>s . C’est d’ail<strong>le</strong>urs la<br />
raison pour laquel<strong>le</strong> nous déconseillons aux <strong>en</strong>seignants<br />
de s’y <strong>en</strong>gager sans la formation préalab<strong>le</strong> de <strong>trois</strong> jours<br />
que nous proposons . Cette formation comporte <strong>en</strong><br />
effet <strong>des</strong> mom<strong>en</strong>ts de <strong>jeu</strong>x de rô<strong>le</strong> p<strong>en</strong>dant <strong>le</strong>squels ils<br />
découvr<strong>en</strong>t – parfois avec surprise ! – l’int<strong>en</strong>sité de l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t<br />
émotionnel mobilisé par cette activité .<br />
Sixième mom<strong>en</strong>t : mise <strong>en</strong> place du <strong>jeu</strong>, régulation<br />
intermédiaire<br />
Pour éviter que <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants jou<strong>en</strong>t certains rô<strong>le</strong>s sans<br />
s’y investir, il est parfois uti<strong>le</strong> de rappe<strong>le</strong>r que <strong>le</strong> théâtre<br />
– 32 – – 33 –
comporte non seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>des</strong> actions et <strong>des</strong> textes, mais<br />
aussi <strong>des</strong> mimiques . C’est particulièrem<strong>en</strong>t important<br />
quand un <strong>en</strong>fant manifeste de la difficulté à assumer<br />
un rô<strong>le</strong> de victime ou d’agresseur alors qu’il est parfaitem<strong>en</strong>t<br />
à son aise dans <strong>le</strong>s autres rô<strong>le</strong>s . L’<strong>en</strong>seignant<br />
doit alors avoir recours à <strong>des</strong> consignes secondaires,<br />
relatives à l’importance <strong>des</strong> mimiques dans <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> .<br />
Par exemp<strong>le</strong>, il peut dire <strong>des</strong> choses comme : « Ça<br />
serait bi<strong>en</strong> que l’agresseur ait l’air méchant . » Ou bi<strong>en</strong> :<br />
« La victime a peur, il faut qu’on voit qu’el<strong>le</strong> a peur . »<br />
Mais une fois suffit, car comme nous <strong>le</strong> verrons 24 ,<br />
<strong>le</strong>s difficultés r<strong>en</strong>contrées sur ce chemin par certains<br />
<strong>en</strong>fants s’<strong>en</strong>racin<strong>en</strong>t dans <strong>des</strong> problèmes psychiques<br />
graves . La réf<strong>le</strong>xion de l’<strong>en</strong>seignant doit avoir pour but<br />
de rappe<strong>le</strong>r à tous <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants que <strong>le</strong>s mimiques font<br />
partie du <strong>jeu</strong>, et pas du tout de pointer à un <strong>en</strong>fant particulier<br />
<strong>des</strong> difficultés qu’il pourrait r<strong>en</strong>contrer… Car <strong>le</strong><br />
risque serait alors qu’il ne soit plus volontaire pour jouer,<br />
alors que ses difficultés à s’<strong>en</strong>gager dans tous <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s<br />
montr<strong>en</strong>t justem<strong>en</strong>t qu’il <strong>en</strong> a absolum<strong>en</strong>t besoin .<br />
Septième mom<strong>en</strong>t : « Bravo à tous. »<br />
Après chaque séqu<strong>en</strong>ce, <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants sont invités à<br />
applaudir <strong>le</strong>urs camara<strong>des</strong> et à s’applaudir eux-mêmes .<br />
Ce mom<strong>en</strong>t de gratification est très important . D’ail<strong>le</strong>urs,<br />
de façon généra<strong>le</strong>, il serait très important que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants<br />
<strong>en</strong> situation de difficultés – quel<strong>le</strong> que soit la nature de<br />
cel<strong>le</strong>-ci – soi<strong>en</strong>t gratifiés plus que punis . En revanche,<br />
il n’est pas uti<strong>le</strong> de <strong>le</strong>ur demander ce qu’ils p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t de<br />
ce qui a été joué, et <strong>en</strong>core moins à chacun ce qu’il a<br />
ress<strong>en</strong>ti <strong>en</strong> jouant . « Ne jamais inviter personnel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
aucun <strong>en</strong>fant à jouer » et « Ne jamais inviter personnel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
aucun <strong>en</strong>fant à par<strong>le</strong>r de ce qu’il a ress<strong>en</strong>ti <strong>en</strong><br />
jouant » constitu<strong>en</strong>t d’ail<strong>le</strong>urs deux consignes fondam<strong>en</strong>ta<strong>le</strong>s<br />
du Jeu <strong>des</strong> Trois Figures . Mais <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui<br />
souhait<strong>en</strong>t dire quelques mots sur <strong>le</strong>ur plaisir à jouer ou<br />
<strong>le</strong>s difficultés r<strong>en</strong>contrées ne doiv<strong>en</strong>t pas non plus <strong>en</strong><br />
être empêchés .<br />
24 . Voir supra, chapitre 4 .<br />
ExEmpLE 1 DE DéRouLEmEnT DE SéancE<br />
(classe de GS de Mme P. Huc-Treins, Maternel<strong>le</strong> Le Village, 17/06/2010)<br />
1. La maîtresse rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s<br />
2. Thèmes proposés par <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants : Une pluie de boue<br />
et <strong>des</strong> voitures r<strong>en</strong>versées, <strong>des</strong> disparus et treize personnes<br />
décédées ; <strong>des</strong> vo<strong>le</strong>urs ont essayé de vo<strong>le</strong>r la voiture de ma<br />
maman (thème non ret<strong>en</strong>u car il s’agit d’une situation réel<strong>le</strong>) ;<br />
une agression au couteau dans un collège avec un <strong>en</strong>fant<br />
b<strong>le</strong>ssé ; un homme <strong>en</strong>lève plusieurs <strong>en</strong>fants qu’il met dans<br />
un camion.<br />
Il n’y a pas de cons<strong>en</strong>sus <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants sur un thème : la maîtresse<br />
demande aux <strong>en</strong>fants de voter sur l’une <strong>des</strong> histoires<br />
possib<strong>le</strong>s. Le <strong>trois</strong>ième thème est ret<strong>en</strong>u.<br />
3. construction de l’histoire<br />
« Un homme (un vo<strong>le</strong>ur) <strong>en</strong>lève deux <strong>en</strong>fants et il <strong>le</strong>s met dans<br />
un camion ; <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants tap<strong>en</strong>t sur la carrosserie du camion et<br />
deux policiers <strong>le</strong>s délivr<strong>en</strong>t. »<br />
La maîtresse rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s personnages (un vo<strong>le</strong>ur, deux<br />
<strong>en</strong>fants et deux policiers) et résume l’histoire.<br />
4. mise <strong>en</strong> place <strong>des</strong> actions et <strong>des</strong> dialogues<br />
Le vo<strong>le</strong>ur : « Hein, hein, hein, je vais vo<strong>le</strong>r <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants ! ». Il<br />
conduit un camion.<br />
Les <strong>en</strong>fants : « Au secours, à l’aide, on est prisonnier dans <strong>le</strong><br />
camion » (ils tap<strong>en</strong>t dans la porte).<br />
Les policiers arriv<strong>en</strong>t : « Ne vous inquiétez pas on va vous<br />
sauver. »<br />
5. La maîtresse demande <strong>des</strong> élèves volontaires, distribue<br />
<strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s, puis rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s consignes et <strong>le</strong>s dialogues<br />
6. mise <strong>en</strong> place du <strong>jeu</strong> et régulation intermédiaire par la<br />
maîtresse<br />
Les <strong>en</strong>fants rican<strong>en</strong>t, et <strong>le</strong>s volontaires n’ont pas <strong>des</strong> intonations<br />
cohér<strong>en</strong>tes avec <strong>le</strong>urs rô<strong>le</strong>s... En revanche, la gestuel<strong>le</strong><br />
est intéressante.<br />
La maîtresse propose de rajouter une phrase de dialogue<br />
qui permette une meil<strong>le</strong>ure implication affective, rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s<br />
textes à prononcer et <strong>le</strong>s gestes à accomplir, puis propose<br />
de faire <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> une seconde fois avec de nouveaux <strong>en</strong>fants.<br />
7. Félicitations <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants<br />
– 34 – – 35 –
ExEmpLE 2 DE DéRouLEmEnT DE SéancE<br />
(classe de GS de Mme Fabiani, 05-01-2010)<br />
1. La maîtresse rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s<br />
2. Thèmes proposés par <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants : un chi<strong>en</strong> <strong>en</strong>fermé<br />
dans une cage et qui est délivré par un monsieur ; un drô<strong>le</strong> de<br />
policier qui n'est pas un policier et qui est r<strong>en</strong>versé ; un pirate<br />
qui jouait sur un bateau et après il est tombé dans l’eau ; un<br />
chi<strong>en</strong> qui se transforme <strong>en</strong> grand garçon méchant.<br />
Il n’y a pas de cons<strong>en</strong>sus <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants sur un thème : la maîtresse<br />
demande aux <strong>en</strong>fants de voter sur l’une <strong>des</strong> histoires<br />
possib<strong>le</strong>s. Le scénario avec un chi<strong>en</strong> est ret<strong>en</strong>u.<br />
3. construction de l’histoire<br />
Le scénario est diffici<strong>le</strong> à construire et il est sans cesse modifié.<br />
La maîtresse rappel<strong>le</strong> que l’action à jouer doit être simp<strong>le</strong> et<br />
propose de repartir de la proposition initia<strong>le</strong> d’une élève : « Il<br />
y a une dame qui capture un chi<strong>en</strong> et qui l’<strong>en</strong>ferme dans une<br />
cage. Un monsieur arrive et veut délivrer <strong>le</strong> chi<strong>en</strong> ; il casse la<br />
cage avec un marteau pour faire sortir <strong>le</strong> chi<strong>en</strong>. La dame revi<strong>en</strong>t<br />
(el<strong>le</strong> était au téléphone) et el<strong>le</strong> dit : « Où est passé mon chi<strong>en</strong> ? »<br />
4. mise <strong>en</strong> place <strong>des</strong> actions et <strong>des</strong> dialogues<br />
- La dame dirait à son chi<strong>en</strong> : « Tu restes ici sinon je vais te<br />
faire mal ! »<br />
- Le chi<strong>en</strong> aboierait.<br />
- La dame partirait téléphoner : « Allo bonjour… »<br />
- Le monsieur arriverait et casserait la cage du chi<strong>en</strong>.<br />
Il dirait : « Je vais te sauver, <strong>le</strong> chi<strong>en</strong>. »<br />
- Le monsieur se sauverait avec <strong>le</strong> chi<strong>en</strong>.<br />
- La dame revi<strong>en</strong>drait et dirait :<br />
« Où est mon chi<strong>en</strong>, r<strong>en</strong>dez-moi mon chi<strong>en</strong> ! »<br />
5. La maîtresse demande <strong>des</strong> élèves volontaires, distribue<br />
<strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s, puis rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s consignes et <strong>le</strong>s dialogues<br />
6. mise <strong>en</strong> place du <strong>jeu</strong> et régulation intermédiaire par la<br />
maîtresse<br />
Les <strong>en</strong>fants ont du mal à se rappe<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s dialogues, <strong>le</strong>ur <strong>jeu</strong><br />
ressemb<strong>le</strong> plus à du mime qu’à du théâtre. Du coup, <strong>le</strong>s<br />
élèves spectateurs sont t<strong>en</strong>tés d’interv<strong>en</strong>ir.<br />
La maîtresse rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s dialogues, et <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s élèves<br />
qui ne jou<strong>en</strong>t pas ne doiv<strong>en</strong>t pas interv<strong>en</strong>ir. Puis el<strong>le</strong> propose<br />
de recomm<strong>en</strong>cer <strong>le</strong> <strong>jeu</strong>.<br />
7. Félicitations à tous<br />
De l’importance de jouer tous <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s<br />
Parfois, <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui refus<strong>en</strong>t de jouer <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de<br />
victime finiss<strong>en</strong>t par accepter de <strong>le</strong> faire, mais <strong>en</strong><br />
dénonçant aussitôt la vio<strong>le</strong>nce dont ils serai<strong>en</strong>t l’objet<br />
de la part de l’<strong>en</strong>fant qui joue à ce mom<strong>en</strong>t <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de<br />
l’agresseur . Par exemp<strong>le</strong>, un <strong>en</strong>fant qui refuse obstiném<strong>en</strong>t<br />
de jouer <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> d’une victime l’accepte <strong>en</strong>fin .<br />
Dans l’improvisation concernée, la victime est <strong>en</strong>traînée<br />
malgré el<strong>le</strong> par l’agresseur dans un lieu où el<strong>le</strong> ne veut<br />
pas al<strong>le</strong>r . L’<strong>en</strong>fant qui a d’abord joué <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> d’agresseur,<br />
et qui a fina<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t accepté de jouer celui de victime,<br />
crie : « Aïe ! tu me fais mal ! » aussitôt que son camarade<br />
anci<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t « victime » – et maint<strong>en</strong>ant « agresseur<br />
» – touche son bras ! Que cet <strong>en</strong>fant perçu comme<br />
agressif dans son éco<strong>le</strong> dénonce comme agression<br />
<strong>le</strong> simp<strong>le</strong> fait d’être eff<strong>le</strong>uré dans un <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> révè<strong>le</strong><br />
une difficulté psychique ma<strong>jeu</strong>re : cet <strong>en</strong>fant est dans<br />
l’angoisse d’être effectivem<strong>en</strong>t malm<strong>en</strong>é aussitôt qu’il<br />
quitte son rô<strong>le</strong> d’agresseur . Il est agresseur par peur<br />
d’être agressé . Le <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> lui permet peu à peu d’apprivoiser<br />
cette év<strong>en</strong>tualité .<br />
Quant aux <strong>en</strong>fants qui choisiss<strong>en</strong>t spontaném<strong>en</strong>t de<br />
jouer d’abord <strong>le</strong>s victimes, il n’est pas rare qu’ils ne<br />
puiss<strong>en</strong>t jouer <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s d’agresseurs qu’<strong>en</strong> riant, comme<br />
s’ils ne pouvai<strong>en</strong>t pas y croire… C’est pourquoi il est<br />
aussi important de <strong>le</strong>s faire changer de rô<strong>le</strong> . Et ça l’est<br />
d’autant plus que ces positions d’agresseurs et de<br />
victimes redoub<strong>le</strong>nt fréquemm<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s places sexuel<strong>le</strong>s .<br />
Les garçons se propos<strong>en</strong>t régulièrem<strong>en</strong>t dans <strong>le</strong> rô<strong>le</strong><br />
d'agresseurs tandis que <strong>le</strong>s fil<strong>le</strong>s se positionn<strong>en</strong>t plutôt<br />
dans <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> d'agressées . Ce n’est guère étonnant : dans<br />
un grand nombre de feuil<strong>le</strong>tons et de films vus par <strong>le</strong>s<br />
<strong>en</strong>fants – bi<strong>en</strong> qu’ils ne <strong>le</strong>ur soi<strong>en</strong>t pas particulièrem<strong>en</strong>t<br />
<strong>des</strong>tinés –, l’agresseur est un homme et la victime<br />
une femme . Du coup, pour un garçon, <strong>le</strong> passage du<br />
rô<strong>le</strong> d’agresseur à celui de victime se complique par<br />
l’obligation qui lui est faite de jouer un rô<strong>le</strong> t<strong>en</strong>u par une<br />
personne de l’autre sexe dans la séqu<strong>en</strong>ce audiovisuel<strong>le</strong><br />
qui a servi de point de départ .<br />
– 36 – – 37 –
Dédramatiser l’id<strong>en</strong>tification à la victime<br />
En invitant <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants agressifs à jouer <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de<br />
victimes, notre but est <strong>en</strong> fait de dédramatiser <strong>le</strong>ur<br />
id<strong>en</strong>tification à la figure problématique de victime dont<br />
ils sont très souv<strong>en</strong>t porteurs . Le <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> <strong>le</strong>ur est<br />
proposé comme l’occasion de se réconcilier avec la<br />
moitié d’eux-mêmes qu’ils ont décidé d’ignorer, et qu’ils<br />
ne cess<strong>en</strong>t d’attaquer à l’extérieur – sous la forme de<br />
diverses victimes désignées – pour mieux se rassurer<br />
sur <strong>le</strong> fait qu’ils n’<strong>en</strong> feront jamais partie . Tout se passe<br />
<strong>en</strong> effet chez ces <strong>en</strong>fants comme s’ils craignai<strong>en</strong>t de<br />
mourir s’ils r<strong>en</strong>onçai<strong>en</strong>t à être actifs-battants-agressifs<br />
25 . Lorsqu’on <strong>le</strong>s oblige à jouer successivem<strong>en</strong>t<br />
tous <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s, c’est fina<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t un peu comme si on <strong>le</strong>ur<br />
disait : « Allons, c’est possib<strong>le</strong> d’imaginer qu’on puisse<br />
être agressé, humilié, ou contraint à faire ce qu’on n’a<br />
pas <strong>en</strong>vie de faire . C’est possib<strong>le</strong> de l’imaginer, on n’<strong>en</strong><br />
meurt pas ! » . Et c’est là toute la différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre <strong>le</strong> <strong>jeu</strong><br />
de rô<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s procédures de punition <strong>des</strong> comportem<strong>en</strong>ts<br />
agressifs et/ou de r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> comportem<strong>en</strong>ts<br />
pacifiques par <strong>des</strong> récomp<strong>en</strong>ses judicieusem<strong>en</strong>t<br />
choisies . À la différ<strong>en</strong>ce <strong>des</strong> stratégies axées sur <strong>le</strong>s<br />
comportem<strong>en</strong>ts, <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> prét<strong>en</strong>d agir sur <strong>le</strong>s<br />
représ<strong>en</strong>tations psychiques . Mais <strong>en</strong> même temps, il<br />
est ess<strong>en</strong>tiel de compr<strong>en</strong>dre que son objectif n’est pas<br />
thérapeutique .<br />
Si tel était son ambition – et il serait alors pratiqué par<br />
<strong>des</strong> thérapeutes –, <strong>le</strong> même protoco<strong>le</strong> s’accompagnerait<br />
de deux questions que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants ne doiv<strong>en</strong>t évidemm<strong>en</strong>t<br />
jamais poser aux <strong>en</strong>fants : « Qu’est-ce que tu<br />
as ress<strong>en</strong>ti <strong>en</strong> jouant ce rô<strong>le</strong> ? » et/ou « Qu’est-ce que tu<br />
cherches à fuir <strong>en</strong> évitant de <strong>le</strong> jouer ? » Leur but serait<br />
de permettre à celui qui refuse une posture de compr<strong>en</strong>dre<br />
que c’est parce qu’il la vit comme désorganisatrice<br />
. Mais ici, dans <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> proposé par <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants<br />
25 . Les <strong>jeu</strong>x vidéo qui invit<strong>en</strong>t sans cesse <strong>le</strong> joueur à s’id<strong>en</strong>tifier à <strong>des</strong><br />
héros combatifs ont d’ail<strong>le</strong>urs <strong>des</strong> conséqu<strong>en</strong>ces dramatiques sur<br />
eux <strong>en</strong> r<strong>en</strong>forçant <strong>le</strong>ur évitem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> postures passives ou victimaires<br />
. Il est vrai qu’ils ont <strong>en</strong> revanche un effet positif sur <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes<br />
qui adopt<strong>en</strong>t spontaném<strong>en</strong>t une posture victimaire, <strong>en</strong> <strong>le</strong>ur permettant<br />
de s’imaginer recevoir et donner <strong>des</strong> coups .<br />
– 38 –<br />
aux <strong>en</strong>fants <strong>des</strong> maternel<strong>le</strong>s, l’objectif est différ<strong>en</strong>t . Il<br />
s’agit de dédramatiser <strong>le</strong>s postures vécues comme<br />
dangereuses et de permettre à l’<strong>en</strong>fant de <strong>le</strong>s <strong>en</strong>visager<br />
toutes afin de pouvoir à chaque fois choisir cel<strong>le</strong> qui est<br />
<strong>le</strong> mieux adaptée à la situation réel<strong>le</strong> qu’il traverse .<br />
Distincte d’un projet thérapeutique, l’activité de <strong>jeu</strong> de<br />
rô<strong>le</strong> tel<strong>le</strong> que nous la proposons est éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t aux antipo<strong>des</strong><br />
d’activités « expressives » ou « créatives » . Il ne<br />
s’agit pas d’<strong>en</strong>courager <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> libre, mais au contraire de<br />
poser <strong>des</strong> repères pour inciter <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants à explorer <strong>des</strong><br />
postures id<strong>en</strong>tificatoires qu’ils avai<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>dance à abandonner<br />
. Mais cet accomplissem<strong>en</strong>t sous la direction de<br />
l’<strong>en</strong>seignant habituel fait plus . Il invite <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants à <strong>le</strong><br />
considérer comme un régulateur auquel ils peuv<strong>en</strong>t faire<br />
appel <strong>en</strong> cas de t<strong>en</strong>sions, voire, pour certains d'<strong>en</strong>tre<br />
eux, à s'id<strong>en</strong>tifier à lui et à se constituer eux mêmes <strong>en</strong><br />
médiateur <strong>des</strong> conflits .
Les cinq questions <strong>le</strong> plus<br />
souv<strong>en</strong>t posées par <strong>le</strong>s<br />
<strong>en</strong>seignants pratiquants <strong>le</strong><br />
Jeu <strong>des</strong> Trois Figures<br />
Les <strong>en</strong>seignants qui mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> place <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois<br />
Figures décriv<strong>en</strong>t plusieurs difficultés . Certains se plaign<strong>en</strong>t<br />
du fait que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants veu<strong>le</strong>nt toujours rejouer<br />
la même histoire, empruntée <strong>en</strong> général aux <strong>des</strong>sins<br />
animés . D’autres sont gênés par l’évocation de scènes<br />
qui <strong>le</strong>s choqu<strong>en</strong>t . Enfin, quelques-uns se dis<strong>en</strong>t irrités<br />
<strong>en</strong> voyant <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants minauder plus que jouer, et cela<br />
concerne autant ceux qui pein<strong>en</strong>t à jouer <strong>le</strong>s agresseurs<br />
que <strong>le</strong>s victimes . De toutes <strong>le</strong>s difficultés r<strong>en</strong>contrées,<br />
cel<strong>le</strong>-ci est incontestab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t la plus préoccupante . Les<br />
<strong>en</strong>fants qui sont dans cette situation ne profit<strong>en</strong>t plus du<br />
<strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> alors que c’est manifestem<strong>en</strong>t ceux qui <strong>en</strong><br />
aurai<strong>en</strong>t <strong>le</strong> plus besoin .<br />
Du coup, certains <strong>en</strong>seignants suggèr<strong>en</strong>t de partir de<br />
contes traditionnels comme Le Petit Chaperon Rouge,<br />
qu’ils raconterai<strong>en</strong>t aux <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> début de séance,<br />
tandis que d’autres se demand<strong>en</strong>t s’il ne serait pas<br />
plus faci<strong>le</strong> et tout aussi efficace d’inviter <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants à<br />
<strong>des</strong>siner plutôt que de <strong>le</strong>ur proposer de construire une<br />
histoire…<br />
« c’est toujours pareil et je ne<br />
retrouve pas <strong>le</strong>s <strong>trois</strong> <strong>figures</strong> dans<br />
<strong>le</strong>urs histoires. »<br />
Il arrive que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants soi<strong>en</strong>t rétic<strong>en</strong>ts à par<strong>le</strong>r <strong>des</strong><br />
images qui <strong>le</strong>s bou<strong>le</strong>vers<strong>en</strong>t <strong>le</strong> plus et qu’ils se cantonn<strong>en</strong>t<br />
à cel<strong>le</strong>s qu’il <strong>le</strong>ur semb<strong>le</strong> conv<strong>en</strong>ab<strong>le</strong> d’évoquer .<br />
Ils s’<strong>en</strong>ferm<strong>en</strong>t alors vite dans l’évocation de <strong>des</strong>sins<br />
animés tournant autour <strong>des</strong> mêmes situations anodines .<br />
Mais il suffit souv<strong>en</strong>t que l’<strong>en</strong>seignant demande aux<br />
– 41 –
<strong>en</strong>fants s’ils regard<strong>en</strong>t <strong>le</strong> Journal télévisé ou <strong>des</strong> séries<br />
américaines pour que tout change . En effet, tous <strong>le</strong>s<br />
<strong>en</strong>fants ou presque sont dans cette situation, et rares<br />
sont ceux qui assist<strong>en</strong>t à ces images sans ress<strong>en</strong>tir <strong>des</strong><br />
s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts de transgression et de culpabilité . Même<br />
si un <strong>en</strong>fant regarde <strong>le</strong> Journal télévisé <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce<br />
de ses par<strong>en</strong>ts, il ne peut <strong>en</strong> effet pas s’empêcher<br />
d’imaginer que ses par<strong>en</strong>ts l’empêcherai<strong>en</strong>t de regarder<br />
s’ils savai<strong>en</strong>t à quel point cela <strong>le</strong> bou<strong>le</strong>verse, l’excite<br />
ou <strong>le</strong> déprime . Et cette culpabilité est prés<strong>en</strong>te dans<br />
la relation avec la maîtresse puisque cel<strong>le</strong>-ci prolonge<br />
l’autorité <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts . Du coup, <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants font comme<br />
si <strong>le</strong>ur <strong>en</strong>seignant avait tacitem<strong>en</strong>t interdit d’aborder <strong>le</strong>s<br />
sujets du Journal télévisé ou <strong>des</strong> séries américaines<br />
alors qu’il n’a évidemm<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> évoqué de tel . Pour <strong>en</strong><br />
sortir, il faut évidemm<strong>en</strong>t que l’initiative soit prise par<br />
l’adulte . C’est pourquoi, si <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants s’<strong>en</strong>ferme<br />
de manière trop répétitive dans l’évocation de <strong>des</strong>sins<br />
animés bi<strong>en</strong> p<strong>en</strong>sants, l’<strong>en</strong>seignant ne doit pas hésiter<br />
à aborder avec eux <strong>le</strong> fait qu’ils regard<strong>en</strong>t certainem<strong>en</strong>t<br />
d’autres choses à la télévision ! La situation se débloque<br />
<strong>en</strong> général, et <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants se mett<strong>en</strong>t à par<strong>le</strong>r de tous <strong>le</strong>s<br />
programmes qu’ils regard<strong>en</strong>t .<br />
« Et quand l’<strong>en</strong>fant ne joue plus ? »<br />
Une <strong>en</strong>seignante me raconta un jour la situation suivante<br />
. Au cours d’un <strong>jeu</strong>, l’un <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants qui s’était<br />
porté volontaire se mit soudain à frapper vio<strong>le</strong>mm<strong>en</strong>t<br />
un camarade qui était à terre et jouait <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de victime .<br />
Puis il sortit <strong>en</strong> courant de la classe et la maîtresse affolée<br />
dut lui courir après pour <strong>le</strong> rattraper et <strong>le</strong> maîtriser .<br />
Les choses s’éclaircir<strong>en</strong>t <strong>le</strong> soir lorsque la maîtresse put<br />
par<strong>le</strong>r de la situation à la directrice et à la famil<strong>le</strong> . Le<br />
week-<strong>en</strong>d précéd<strong>en</strong>t, cet <strong>en</strong>fant habituel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t calme<br />
et sociab<strong>le</strong> avait assisté à une scène d’agression dans<br />
<strong>le</strong> RER . Il n’avait pu par<strong>le</strong>r de cet événem<strong>en</strong>t à personne<br />
et il l’avait donc <strong>en</strong>fermé tout au fond de lui . Le <strong>jeu</strong><br />
de rô<strong>le</strong> avait ouvert sa b<strong>le</strong>ssure cachée de tel<strong>le</strong> façon<br />
qu’il avait confondu <strong>le</strong> passé et <strong>le</strong> prés<strong>en</strong>t, et sa propre<br />
personnalité avec cel<strong>le</strong> de l’agresseur dans la scène à<br />
laquel<strong>le</strong> il avait assisté . Ce g<strong>en</strong>re de situation est par<br />
définition imprévisib<strong>le</strong>, mais el<strong>le</strong> est évidemm<strong>en</strong>t et<br />
heureusem<strong>en</strong>t exceptionnel<strong>le</strong> . Avec <strong>le</strong>s deux années de<br />
recul que j’ai actuel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t et la petite c<strong>en</strong>taine d’<strong>en</strong>seignants<br />
que j’ai formés à ce jour, cela ne s’est prés<strong>en</strong>té<br />
qu’une seu<strong>le</strong> fois . Mais c’est assez important pour que<br />
<strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants soi<strong>en</strong>t avertis de cette év<strong>en</strong>tualité . Il est<br />
bi<strong>en</strong> évid<strong>en</strong>t qu’il n’aurait servi à ri<strong>en</strong> de faire la mora<strong>le</strong> à<br />
un tel <strong>en</strong>fant . Cela nous montre une fois de plus comme<br />
il est important de partir <strong>des</strong> traumatismes d’image . Ils<br />
sont <strong>en</strong> effet bi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>ts <strong>des</strong> traumatismes réels .<br />
Dans <strong>le</strong> traumatisme réel, <strong>le</strong> corps est beaucoup plus<br />
directem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>gagé et <strong>le</strong> bou<strong>le</strong>versem<strong>en</strong>t émotionnel<br />
est plus profond . Les images constitu<strong>en</strong>t une forme de<br />
pare-excitation même quand el<strong>le</strong>s nous confront<strong>en</strong>t à<br />
<strong>des</strong> situations à pot<strong>en</strong>tiel traumatique 26 .<br />
Parfois, <strong>le</strong> danger peut être anticipé . Je p<strong>en</strong>se à cette<br />
maîtresse qui invita <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants à se détourner de la<br />
première histoire qu’ils avai<strong>en</strong>t évoquée parce qu’il y<br />
était question d’un <strong>en</strong>fant qui avait fait une bêtise et<br />
que ses par<strong>en</strong>ts punissai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> lui donnant <strong>des</strong> coups<br />
de ceinture . La maîtresse, choquée par cette évocation,<br />
dit alors : « Non, ce n’est pas acceptab<strong>le</strong>, cette punition<br />
n’est pas possib<strong>le</strong> », ce à quoi un élève de la classe lui<br />
répondit : « Mais si Madame, c’est comme cela que mon<br />
père me punit quand j’ai fait une bêtise » . Evidemm<strong>en</strong>t<br />
cela confirma la maîtresse dans l’idée qu’el<strong>le</strong> ne devait<br />
pas permettre aux <strong>en</strong>fants de jouer cette séqu<strong>en</strong>ce . El<strong>le</strong><br />
eut à la fois tort et raison . El<strong>le</strong> eut raison, puisqu’ici nous<br />
sommes confrontés à une situation qui ne relève pas<br />
seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>des</strong> images que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants voi<strong>en</strong>t, mais d’un<br />
événem<strong>en</strong>t réel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t vécu par l’un d’<strong>en</strong>tre eux . Or nous<br />
avons bi<strong>en</strong> dit que <strong>le</strong> recours aux images est justem<strong>en</strong>t<br />
<strong>des</strong>tiné à éviter l’évocation de situations réel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
vécues susceptib<strong>le</strong>s d’<strong>en</strong>traîner <strong>des</strong> réactions excessives<br />
et incontrôlées de la part de certains <strong>en</strong>fants .<br />
Mais cette maîtresse a eu tort parce que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui<br />
avai<strong>en</strong>t proposé cette histoire ne savai<strong>en</strong>t pas forcém<strong>en</strong>t<br />
que l’un d’<strong>en</strong>tre eux la vivait « pour de vrai » . Il aurait<br />
26 . On peut consulter à ce sujet mon ouvrage Comm<strong>en</strong>t Hitchcock m’a<br />
guéri, Paris, Albin Michel, 2003 .<br />
– 42 – – 43 –
donc mieux valu que la maîtresse propose aux <strong>en</strong>fants<br />
de jouer l’histoire qu’ils avai<strong>en</strong>t ret<strong>en</strong>ue, mais <strong>en</strong> demandant<br />
à l’<strong>en</strong>fant qui recevait <strong>des</strong> coups de ceinture chez<br />
lui de ne pas pr<strong>en</strong>dre part au <strong>jeu</strong> cette fois-là .<br />
« Il y a <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants qui semb<strong>le</strong>nt<br />
toujours faire semblant de jouer. »<br />
Il y a deux manières pour un <strong>en</strong>fant de perdre <strong>le</strong> bénéfice<br />
du Jeu <strong>des</strong> Trois Figures. La première est d’être<br />
débordé par ce qu’il joue et de s’impliquer dans <strong>des</strong><br />
affrontem<strong>en</strong>ts réels sans <strong>le</strong> recul de la mise <strong>en</strong> scène .<br />
La seconde, moins spectaculaire mais tout aussi problématique,<br />
se repère au fait qu’un <strong>en</strong>fant fait semblant<br />
de jouer plutôt que de jouer vraim<strong>en</strong>t . Le <strong>jeu</strong> peut <strong>en</strong><br />
effet être détruit de ces deux côtés . Trop d’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t<br />
émotionnel et corporel immerge dans une réalité qui n’a<br />
plus ri<strong>en</strong> de ludique . Mais inversem<strong>en</strong>t, trop de distance<br />
par rapport au <strong>jeu</strong> tue aussi celui-ci : l’<strong>en</strong>fant ne fait plus<br />
semblant d’agir, mais fait semblant de faire semblant !<br />
Cette manière de jouer serait désignée chez un acteur<br />
professionnel par l’expression « surjouer » . Un bon<br />
acteur donne l’impression d’être plongé pour de vrai<br />
dans la situation . Un mauvais semb<strong>le</strong> ne pas y être plongé<br />
du tout, mais $faire comme si c’était <strong>le</strong> cas… Avec<br />
<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants, <strong>le</strong> problème est exactem<strong>en</strong>t <strong>le</strong> même . D’un<br />
côté, il faut éviter qu’ils oubli<strong>en</strong>t <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> et s’<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t<br />
dans une confrontation réel<strong>le</strong> . C’est pour cela qu’il <strong>le</strong>ur<br />
est demandé de rev<strong>en</strong>ir toujours au « faire-semblant » et<br />
qu’il est rappelé au début de chaque séance que « on<br />
ne se frappe pas pour de vrai », « on ne s’embrasse pas<br />
pour de vrai », et surtout « on ne se fait jamais mal » .<br />
Mais il est éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t important de veil<strong>le</strong>r tout au long du<br />
<strong>jeu</strong> à ce que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants ne rest<strong>en</strong>t pas trop extérieurs à<br />
ce qu’ils mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> scène, car <strong>le</strong> bénéfice du <strong>jeu</strong> serait<br />
complètem<strong>en</strong>t perdu . Cela concerne <strong>en</strong> particulier <strong>le</strong>s<br />
<strong>en</strong>fants agressifs qui ne peuv<strong>en</strong>t jouer <strong>le</strong>s victimes qu’<strong>en</strong><br />
restant tota<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t extérieurs aux <strong>en</strong><strong>jeu</strong>x de la situation .<br />
N’oublions pas <strong>en</strong> effet que ce qui reti<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants<br />
habituel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t agresseurs de jouer <strong>le</strong>s victimes, c’est la<br />
figure de victime qu’ils port<strong>en</strong>t à l’intérieur d’eux-même .<br />
Ils font tout pour éviter d’y être confrontés et c'est<br />
notamm<strong>en</strong>t <strong>le</strong> cas p<strong>en</strong>dant <strong>le</strong>s séances de <strong>jeu</strong> de rô<strong>le</strong> .<br />
C’est pourquoi ils jou<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s victimes comme pourrai<strong>en</strong>t<br />
<strong>le</strong> faire <strong>des</strong> clowns, avec <strong>des</strong> pitreries et <strong>des</strong> simagrées,<br />
<strong>en</strong> essayant d’amuser <strong>le</strong>urs camara<strong>des</strong> . Dans de tel<strong>le</strong>s<br />
situations, il est ess<strong>en</strong>tiel que la maîtresse rappel<strong>le</strong> que<br />
la victime doit donner vraim<strong>en</strong>t l’impression d’être victime,<br />
qu’el<strong>le</strong> doit avoir <strong>le</strong>s gestes de la victime, et aussi<br />
ses mimiques . Et c’est exactem<strong>en</strong>t la même chose pour<br />
<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui se port<strong>en</strong>t toujours candidat pour jouer<br />
<strong>le</strong>s victimes . De la même manière que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants agressifs<br />
port<strong>en</strong>t <strong>en</strong> eux une figure de victime dramatisée,<br />
ces <strong>en</strong>fants port<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> eux une figure d’<strong>en</strong>fant<br />
agressif tout-puissant, et pour cette raison interdit de<br />
prés<strong>en</strong>ce . L’<strong>en</strong>fant toujours agressif craint de mourir s’il<br />
s’id<strong>en</strong>tifie à la victime dont il porte l’image . De la même<br />
manière, l’<strong>en</strong>fant victime porte à l’intérieur de lui l’image<br />
d’un agresseur capab<strong>le</strong> de tuer, et c’est pour cela qu’il<br />
l’inhibe . L’<strong>en</strong>fant victime a donc éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t besoin qu’on<br />
lui demande de jouer <strong>le</strong>s mimiques de l’agression . Jouer<br />
est une manière de faire semblant, et certainem<strong>en</strong>t pas<br />
une manière de faire semblant de faire semblant . Ne<br />
pas préciser <strong>en</strong> début de <strong>jeu</strong> <strong>le</strong>s actes et <strong>le</strong>s paro<strong>le</strong>s<br />
peut conduire certains <strong>en</strong>fants à se laisser déborder .<br />
Mais ne pas préciser suffisamm<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s mimiques peut<br />
<strong>en</strong> conduire d’autres, et parfois <strong>le</strong>s mêmes, à se t<strong>en</strong>ir<br />
suffisamm<strong>en</strong>t éloignés intérieurem<strong>en</strong>t de ce qu’ils jou<strong>en</strong>t<br />
pour <strong>en</strong> perdre tout bénéfice . Ces deux obstac<strong>le</strong>s sont<br />
<strong>le</strong>s limites du Jeu <strong>des</strong> Trois Figures, et ils nécessit<strong>en</strong>t<br />
une vigilance toute particulière de la part <strong>des</strong> <strong>en</strong>seignants<br />
qui <strong>le</strong> pratiqu<strong>en</strong>t .<br />
« ne serait-il pas plus faci<strong>le</strong><br />
de partir de contes ? »<br />
Face à ces difficultés, certains <strong>en</strong>seignants suggèr<strong>en</strong>t<br />
<strong>des</strong> aménagem<strong>en</strong>ts . La proposition la plus souv<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong>t<strong>en</strong>due consisterait à partir de contes avec <strong>le</strong>squels<br />
<strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignants ont l’habitude de travail<strong>le</strong>r . En effet, il est<br />
possib<strong>le</strong> de lire aux <strong>en</strong>fants Le Petit Chaperon Rouge ou<br />
– 44 – – 45 –
Les Trois Bandits, puis de <strong>le</strong>ur demander de construire<br />
une histoire et de jouer cel<strong>le</strong>-ci <strong>en</strong> se répartissant <strong>le</strong>s<br />
rô<strong>le</strong>s . Il est même possib<strong>le</strong> de demander aux <strong>en</strong>fants<br />
de jouer tous <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s successivem<strong>en</strong>t, exactem<strong>en</strong>t de<br />
la même manière que dans <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures . Le<br />
problème est que cet aménagem<strong>en</strong>t peut faire plaisir à<br />
l’<strong>en</strong>seignant, mais qu’il risque de n’être guère uti<strong>le</strong> aux<br />
<strong>en</strong>fants . Pourquoi ? Parce <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants ne sont pas ce que<br />
nous voudrions qu’ils soi<strong>en</strong>t .<br />
Nous nous plaisons à imaginer qu’il existe un monde<br />
de l’<strong>en</strong>fance protégé du bruit, <strong>des</strong> fureurs et <strong>des</strong> perturbations<br />
passionnel<strong>le</strong>s du monde adulte, mais ce n’est<br />
qu’une illusion . Le vert paradis de l’<strong>en</strong>fance existe moins<br />
que jamais car <strong>le</strong> nouveau paysage audiovisuel <strong>en</strong> prive<br />
de plus <strong>en</strong> plus tôt <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants . L’<strong>en</strong>fance est morte 27 et<br />
<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants sont habités de scénarios intérieurs de plus<br />
<strong>en</strong> plus semblab<strong>le</strong>s à ceux qui peup<strong>le</strong>nt <strong>le</strong> monde psychique<br />
de <strong>le</strong>urs par<strong>en</strong>ts et de <strong>le</strong>urs pédagogues .<br />
Le problème est que cette situation est déstabilisante<br />
pour eux parce qu’ils n’ont pas <strong>le</strong>s repères qui permett<strong>en</strong>t<br />
aux adultes d’iso<strong>le</strong>r certaines situations comme<br />
re<strong>le</strong>vant du fantasme et d’autres comme re<strong>le</strong>vant de<br />
la réalité . Et nous ne parlons pas ici <strong>des</strong> scénarios<br />
sexuels que certains <strong>en</strong>fants de dix ou onze ans t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />
aujourd’hui de mettre <strong>en</strong> scène . Les <strong>en</strong>seignants sont<br />
aujourd’hui confrontés, tout comme <strong>le</strong>s par<strong>en</strong>ts, à la<br />
nécessité de reconnaître que <strong>le</strong> monde <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants<br />
actuels n’est plus celui <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants qu’ils ont été, et<br />
même pas celui <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants qui avai<strong>en</strong>t quatre ou cinq<br />
ans il y a dix ans . Qu’est-ce qui a changé ? La télévision<br />
bi<strong>en</strong> sûr, mais surtout <strong>le</strong> fait que beaucoup d’<strong>en</strong>fants de<br />
classe maternel<strong>le</strong> ont aujourd’hui un récepteur dans <strong>le</strong>ur<br />
chambre et la possibilité de choisir <strong>le</strong>ur chaîne parmi<br />
une cinquantaine ou plus .<br />
Des <strong>en</strong>fants de maternel<strong>le</strong> âgés de quatre ans dis<strong>en</strong>t<br />
déjà être capab<strong>le</strong>s de sé<strong>le</strong>ctionner la chaîne de catch<br />
américain lorsqu’ils sont seuls devant <strong>le</strong> récepteur<br />
27 . Buckingham D . (2000), La Mort de l’<strong>en</strong>fance, grandir à l’âge <strong>des</strong><br />
médias, Paris, Armand Colin, 2010 .<br />
que <strong>le</strong>urs par<strong>en</strong>ts ont installé dans <strong>le</strong>ur chambre . Et<br />
ces <strong>en</strong>fants-là t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t évidemm<strong>en</strong>t d’imiter <strong>en</strong> cour de<br />
récréation ce qu’ils ont vu, mais sans compr<strong>en</strong>dre que<br />
<strong>le</strong> catch est affaire de simulation ! Autant dire que ces<br />
<strong>en</strong>fants risqu<strong>en</strong>t de se faire très mal sans même avoir<br />
une idée <strong>des</strong> dommages qu’ils peuv<strong>en</strong>t imposer à <strong>le</strong>urs<br />
camara<strong>des</strong> ou même parfois s’imposer à eux-mêmes .<br />
C’est pourquoi il faut partir <strong>des</strong> images que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants<br />
voi<strong>en</strong>t … même si nous préférerions partir <strong>des</strong> contes .<br />
« Et si on <strong>le</strong>s faisait plutôt <strong>des</strong>siner ? »<br />
Un autre aménagem<strong>en</strong>t est parfois proposé . Pourquoi ne<br />
pas demander tout simp<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t aux <strong>en</strong>fants de <strong>des</strong>siner<br />
<strong>le</strong>s images qui <strong>le</strong>s ont bou<strong>le</strong>versés ? En effet, <strong>le</strong> <strong>des</strong>sin<br />
est traditionnel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t un moy<strong>en</strong> privilégié par <strong>le</strong>quel<br />
<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t du recul par rapport à <strong>le</strong>urs émotions<br />
et <strong>le</strong>urs craintes . Le problème est que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants<br />
d’aujourd’hui sont souv<strong>en</strong>t construits autour du clivage .<br />
Autrem<strong>en</strong>t dit, ils ont la possibilité de <strong>des</strong>siner ou même<br />
de jouer de tel<strong>le</strong> façon que <strong>le</strong>s couches profon<strong>des</strong>,<br />
notamm<strong>en</strong>t émotionnel<strong>le</strong>s, mais aussi fantasmatiques,<br />
de <strong>le</strong>ur personnalité ne soi<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>gagées . Chacun sait<br />
bi<strong>en</strong> que <strong>le</strong> <strong>des</strong>sin à l’ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce est inuti<strong>le</strong> : l’ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>t<br />
nous mène <strong>en</strong> bateau aussitôt qu’il <strong>des</strong>sine . Il nous<br />
met sous <strong>le</strong>s yeux <strong>des</strong> images qui correspond<strong>en</strong>t à cel<strong>le</strong>s<br />
qu’il voit autour de lui sans du tout y <strong>en</strong>gager son monde<br />
intérieur, ou tout au moins <strong>en</strong> l’<strong>en</strong>gageant <strong>le</strong> moins<br />
possib<strong>le</strong> . Mais cette caractéristique, qui était traditionnel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
cel<strong>le</strong> de l’ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce, est aujourd’hui de plus<br />
<strong>en</strong> plus tôt cel<strong>le</strong> <strong>des</strong> <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants . Le <strong>des</strong>sin devi<strong>en</strong>t<br />
pour certains, comme pour <strong>le</strong>s adultes et nombre d’ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ts,<br />
une façon de se cacher et pas de se montrer .<br />
C’est pourquoi nous devons utiliser avec eux <strong>le</strong> moy<strong>en</strong><br />
de symbolisation avec <strong>le</strong>quel il est <strong>le</strong> plus diffici<strong>le</strong> de<br />
tricher, à savoir l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t du corps avec <strong>le</strong>s gestes,<br />
<strong>le</strong>s mimiques et <strong>le</strong>s intonations qui <strong>le</strong> mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> scène .<br />
En effet, si <strong>le</strong> langage, <strong>le</strong> <strong>des</strong>sin et <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> corporel sont<br />
chacun <strong>des</strong> moy<strong>en</strong>s de symbolisation à part <strong>en</strong>tière,<br />
ils ne mobilis<strong>en</strong>t pas de la même manière <strong>le</strong>s couches<br />
– 46 – – 47 –
profon<strong>des</strong> de la personnalité . Le langage est <strong>le</strong> moy<strong>en</strong><br />
qui a <strong>le</strong> plus grand pouvoir de distanciation et c’est<br />
évidemm<strong>en</strong>t pour cela qu’il est privilégié chez l’adulte .<br />
Inversem<strong>en</strong>t, l’expression corporel<strong>le</strong> est <strong>le</strong> moy<strong>en</strong> de<br />
symbolisation qui a <strong>le</strong> plus grand pouvoir d’instanciation,<br />
c’est-à-dire de r<strong>en</strong>dre prés<strong>en</strong>tes <strong>le</strong>s émotions et <strong>le</strong>s<br />
s<strong>en</strong>sations vécues . Quant aux images, el<strong>le</strong>s se trouv<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s deux, plus ou moins proches de l’un ou l’autre<br />
de ces deux pô<strong>le</strong>s selon <strong>le</strong>s situations et <strong>le</strong>s acteurs qui<br />
y sont <strong>en</strong>gagés .<br />
C’est ce pouvoir du corps d’instancier <strong>le</strong>s émotions et<br />
<strong>le</strong>s représ<strong>en</strong>tations qui a am<strong>en</strong>é à développer, dans <strong>le</strong>s<br />
années 1980, <strong>le</strong>s thérapies qu’on a appelées « corporel<strong>le</strong>s<br />
» parce qu’el<strong>le</strong>s utilis<strong>en</strong>t l’implication corporel<strong>le</strong><br />
pour faire remonter <strong>des</strong> expéri<strong>en</strong>ces vécues <strong>en</strong>fouies .<br />
Ces thérapies c<strong>en</strong>trées sur l’expression ont d’abord été<br />
p<strong>en</strong>sées contre la psychanalyse, mais on s’est rapidem<strong>en</strong>t<br />
r<strong>en</strong>du compte qu’el<strong>le</strong>s lui sont complém<strong>en</strong>taires,<br />
notamm<strong>en</strong>t pour <strong>le</strong>s pati<strong>en</strong>ts dont <strong>le</strong> discours est coupé<br />
<strong>des</strong> couches profon<strong>des</strong> de la personnalité . El<strong>le</strong>s ne sont<br />
pas sans risque . Le danger existe toujours que celui qui<br />
s’<strong>en</strong>gage dans l’expression émotionnel<strong>le</strong> de son vécu<br />
<strong>le</strong> plus profond soit soudain submergé par ce qui sort<br />
de lui, qu’il ne reconnaît pas, qu’il a r<strong>en</strong>oncé à contrô<strong>le</strong>r<br />
et qui peut l’angoisser terrib<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t . C’est pourquoi ces<br />
thérapies ont provoqué quelques catastrophes dans<br />
<strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s postulants n’avai<strong>en</strong>t pas été cadrés,<br />
<strong>en</strong>tourés et accompagnés de manière satisfaisante .<br />
Et c’est pour cette raison-là que <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures<br />
doit comporter un balisage sous la forme d’un cahier <strong>des</strong><br />
charges : <strong>le</strong>s paro<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s actions doiv<strong>en</strong>t y être fixées<br />
à l’avance pour éviter que <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants se retrouv<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
situation d’improvisation et que <strong>des</strong> mots ou <strong>des</strong> actes<br />
liés à <strong>le</strong>ur histoire ou à cel<strong>le</strong> de <strong>le</strong>urs par<strong>en</strong>ts <strong>le</strong>ur échapp<strong>en</strong>t<br />
soudain et <strong>le</strong>s plong<strong>en</strong>t dans l’angoisse . Mais <strong>le</strong><br />
bénéfice <strong>en</strong> vaut la peine . Ce mode de symbolisation est<br />
<strong>en</strong> effet celui qui a <strong>le</strong> plus grand pouvoir de mobiliser <strong>le</strong>s<br />
expéri<strong>en</strong>ces émotionnel<strong>le</strong>s de l’<strong>en</strong>fant au service d’un<br />
changem<strong>en</strong>t durab<strong>le</strong> de ses comportem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> société .<br />
conclusion :<br />
L’urg<strong>en</strong>ce d’agir<br />
La consommation télévisuel<strong>le</strong> de plus <strong>en</strong> plus précoce<br />
réduit aujourd’hui dramatiquem<strong>en</strong>t <strong>le</strong> temps de <strong>jeu</strong> <strong>des</strong><br />
<strong>en</strong>fants, avec deux conséqu<strong>en</strong>ces ma<strong>jeu</strong>res : ils sont<br />
incités à se constituer <strong>en</strong> spectateurs plutôt qu’<strong>en</strong><br />
acteurs du monde, et, pour certains, à se replier sur<br />
une posture id<strong>en</strong>tificatoire exclusive qui réduit <strong>le</strong>ur<br />
soup<strong>le</strong>sse d’adaptation aux situations nouvel<strong>le</strong>s . Bi<strong>en</strong><br />
sûr, nous ne sous-estimons pas <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s<br />
technologies propos<strong>en</strong>t aussi aux <strong>en</strong>fants plus grands<br />
de r<strong>en</strong>ouer avec <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>x dont ils ont été privés quand<br />
ils étai<strong>en</strong>t petits, notamm<strong>en</strong>t par la possibilité d’incarner<br />
de multip<strong>le</strong>s personnages dans <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>x vidéo <strong>en</strong> réseau<br />
ou dans <strong>le</strong>s espaces virtuels . Mais nous ne pouvons pas<br />
oublier pour autant que <strong>le</strong>s premières années sont une<br />
période ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> au développem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> possibilités<br />
psychiques . C’est pourquoi il est capital de mettre <strong>en</strong><br />
place <strong>des</strong> activités qui souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants<br />
sur <strong>le</strong> chemin d’une id<strong>en</strong>tité riche et nuancée . Cela ne<br />
peut se faire qu’<strong>en</strong> <strong>en</strong>gageant à la fois <strong>le</strong> corps et <strong>le</strong><br />
discours, et <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures correspond parfaitem<strong>en</strong>t<br />
à ces exig<strong>en</strong>ces .<br />
Tout d’abord, il remplit quatre <strong>des</strong> six objectifs que<br />
<strong>le</strong>s programmes français fix<strong>en</strong>t à l’éco<strong>le</strong> maternel<strong>le</strong> :<br />
l’appr<strong>en</strong>tissage de la langue parlée, la socialisation,<br />
l’imagination et l’expression corporel<strong>le</strong> . C’est considérab<strong>le</strong><br />
quand on a à l’esprit que <strong>le</strong>s activités qui réalis<strong>en</strong>t<br />
quatre objectifs sur six sont rares .<br />
En second lieu, il offre un temps dédié à l’appr<strong>en</strong>tissage<br />
de la gestion <strong>des</strong> émotions . Les <strong>en</strong>fants y trouv<strong>en</strong>t<br />
un cadre cont<strong>en</strong>ant dans <strong>le</strong>quel ils peuv<strong>en</strong>t digérer et<br />
assimi<strong>le</strong>r ou à <strong>le</strong>ur rythme <strong>le</strong>s images qui ont pu <strong>le</strong>s<br />
bou<strong>le</strong>verser, que ce soit par <strong>le</strong>urs cont<strong>en</strong>us ou par <strong>le</strong>ur<br />
rythme . Il constitue ainsi une forme de pré-éducation<br />
aux images .<br />
– 49 –
Il permet éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t aux <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants d’appr<strong>en</strong>dre à<br />
« faire semblant » et, au-delà, de poser la distinction<br />
<strong>en</strong>tre <strong>le</strong> « pour de vrai » et <strong>le</strong> « pour de faux » . C’est<br />
d’autant plus important que cette distinction a disparu<br />
du paysage audiovisuel avec la télé réalité et <strong>le</strong>s docus<br />
fictions . Or el<strong>le</strong> est ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> à la construction id<strong>en</strong>titaire<br />
. Il existe <strong>en</strong> effet une corrélation directe <strong>en</strong>tre la<br />
capacité de « faire semblant » et <strong>le</strong> pouvoir de surmonter<br />
la frustration <strong>des</strong> situations décevantes . Mieux cette<br />
capacité est établie et plus l’<strong>en</strong>fant est à même de gérer<br />
<strong>le</strong>s situations pénib<strong>le</strong>s sur un mode indirect, celui du<br />
<strong>jeu</strong>, <strong>en</strong> évitant de s’<strong>en</strong>gager dans <strong>des</strong> processus d’autodéception<br />
. Autrem<strong>en</strong>t dit, plus <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants sont invités<br />
à « imiter pour de faux » – dans un cadre qui soit garant<br />
de <strong>le</strong>ur <strong>jeu</strong> – et moins ils sont m<strong>en</strong>acés par la t<strong>en</strong>tation<br />
d’imiter « pour de vrai », notamm<strong>en</strong>t dans <strong>des</strong> agressions<br />
– ou <strong>des</strong> soumissions ! – bi<strong>en</strong> réel<strong>le</strong>s .<br />
Enfin, <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures permet l’appr<strong>en</strong>tissage<br />
de compét<strong>en</strong>ces relationnel<strong>le</strong>s . Le résultat <strong>le</strong> plus<br />
spectaculaire est l’amélioration de la vie de classe et la<br />
réduction <strong>des</strong> t<strong>en</strong>sions . Les maîtresses <strong>des</strong> <strong>classes</strong> où<br />
cette activité est mise <strong>en</strong> place signa<strong>le</strong>nt une atmosphère<br />
plus sereine, la réapparition de <strong>jeu</strong>x col<strong>le</strong>ctifs<br />
qui avai<strong>en</strong>t disparu <strong>des</strong> cours de récréation (comme<br />
celui de la marchande) et une meil<strong>le</strong>ure gestion par<br />
<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>des</strong> conflits pouvant apparaître <strong>en</strong>tre eux .<br />
Ces résultats qualitatifs ont été confirmés par une<br />
recherche quantitative : <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures favorise<br />
<strong>le</strong> changem<strong>en</strong>t de posture id<strong>en</strong>tificatoire, tout particulièrem<strong>en</strong>t<br />
chez <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui ont t<strong>en</strong>dance à se<br />
p<strong>en</strong>ser comme agresseurs ou victimes, et développe<br />
la capacité de faire appel à l’adulte pour résoudre <strong>le</strong>s<br />
conflits 28 . Mais il ne s’agit là que de la partie visib<strong>le</strong><br />
de changem<strong>en</strong>ts beaucoup plus profonds . En effet,<br />
l’ess<strong>en</strong>tiel est que <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures augm<strong>en</strong>te la<br />
plasticité psychique et donne plus de liberté intérieure<br />
aux <strong>en</strong>fants .<br />
28 . Recherche m<strong>en</strong>ée <strong>en</strong> 2007 et 2008 avec <strong>le</strong> souti<strong>en</strong> de la Fondation<br />
de France dans <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s maternel<strong>le</strong>s Langevin 1 (Arg<strong>en</strong>teuil, 95),<br />
R<strong>en</strong>é Coty (Gonesse, 95) et St Pierre (Paris, 75008) . Les résultats<br />
comp<strong>le</strong>ts sont consultab<strong>le</strong>s sur yapaka .be .<br />
– 50 –<br />
Son efficacité est d’abord liée au fait que <strong>le</strong>s <strong>trois</strong><br />
dim<strong>en</strong>sions complém<strong>en</strong>taires de la symbolisation y sont<br />
<strong>en</strong>gagées . L’<strong>en</strong>fant est invité à imaginer une situation<br />
– c’est la symbolisation imagée –, à la jouer – c’est la<br />
symbolisation s<strong>en</strong>sorimotrice – et à par<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s situations<br />
– c’est la symbolisation verba<strong>le</strong> . Et pour réaliser<br />
ce trip<strong>le</strong> objectif, il doit mobiliser à la fois <strong>des</strong> élém<strong>en</strong>ts<br />
cognitifs, relationnels et affectifs . Les premiers sont plus<br />
particulièrem<strong>en</strong>t mis <strong>en</strong> <strong>jeu</strong> lors de la phase préalab<strong>le</strong> de<br />
construction de l’histoire . Les seconds sont facilités par<br />
l’exist<strong>en</strong>ce d’un m<strong>en</strong>eur de <strong>jeu</strong> (l’<strong>en</strong>seignant) qui aide<br />
à la construction du scénario, introduit <strong>des</strong> relances<br />
pour stimu<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s participants, et garantit l’exist<strong>en</strong>ce<br />
d’un cadre sécurisant . Enfin, l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t émotionnel<br />
<strong>des</strong> participants nécessite qu’ils accept<strong>en</strong>t de remettre<br />
sur <strong>le</strong> métier <strong>le</strong>urs id<strong>en</strong>tifications . À l’inverse, l’abs<strong>en</strong>ce<br />
d’émotions lors du <strong>jeu</strong>, ou <strong>des</strong> émotions feintes, traduit<br />
<strong>le</strong> risque d’un processus de clivage <strong>des</strong> expéri<strong>en</strong>ces<br />
vécues . C’est pourquoi il est si important que l’<strong>en</strong>seignant<br />
soit att<strong>en</strong>tif à cet <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t . Et c’est aussi pour<br />
cela qu’une formation préalab<strong>le</strong> <strong>des</strong> <strong>en</strong>seignants (de<br />
<strong>trois</strong> jours répartis sur l’année) est indisp<strong>en</strong>sab<strong>le</strong> avant<br />
qu’ils mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> place cette activité .<br />
Bi<strong>en</strong> sûr, tous <strong>le</strong>s élèves ne bénéfici<strong>en</strong>t pas du Jeu<br />
<strong>des</strong> Trois Figures de la même façon . Ceux qui <strong>en</strong> tir<strong>en</strong>t<br />
<strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur profit sont probab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t ceux qui ont une<br />
bonne base sécuritaire, mais qui sont m<strong>en</strong>acés de<br />
s’id<strong>en</strong>tifier à un modè<strong>le</strong> exclusif du fait d’expéri<strong>en</strong>ces<br />
audiovisuel<strong>le</strong>s solitaires trop nombreuses, voire traumatisantes<br />
. À l’inverse, ceux qui <strong>en</strong> bénéfici<strong>en</strong>t <strong>le</strong> moins<br />
sont certainem<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s plus car<strong>en</strong>cés qui ont t<strong>en</strong>dance à<br />
réagir à toutes <strong>le</strong>s situations d’insécurité par la vio<strong>le</strong>nce .<br />
Autrem<strong>en</strong>t dit, <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> Trois Figures ne résout pas<br />
tout, mais il <strong>en</strong>courage <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants qui ont une aptitude<br />
à la fluidité id<strong>en</strong>titaire à résoudre <strong>le</strong>urs conflits de façon<br />
non vio<strong>le</strong>nte, et il t<strong>en</strong>te de greffer cette capacité chez<br />
ceux qui <strong>en</strong> sont dépourvus .<br />
Autant d’argum<strong>en</strong>ts qui justifi<strong>en</strong>t de l’intégrer au plus<br />
vite dans <strong>le</strong> temps scolaire .
Bibliographie<br />
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1978 .<br />
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Avril 2004 .<br />
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2003 .<br />
- Tisseron S, « Les effets de la télévision sur <strong>le</strong>s <strong>jeu</strong>nes <strong>en</strong>fants :<br />
prév<strong>en</strong>tion de la vio<strong>le</strong>nce par <strong>le</strong> Jeu <strong>des</strong> <strong>trois</strong> <strong>figures</strong> », Dev<strong>en</strong>ir,<br />
Volume 22, Numéro 1, pp . 73-93, 2010 .<br />
- Tisseron S ., Virtuel, mon amour ; p<strong>en</strong>ser, aimer, souffrir à l’ère <strong>des</strong><br />
nouvel<strong>le</strong>s technologies, Paris, Albin Michel, 2008 .<br />
- Tisseron S ., Qui a peur <strong>des</strong> <strong>jeu</strong>x vidéo ?, Paris, Albin Michel<br />
(<strong>en</strong> collaboration avec Isabel<strong>le</strong> Gravillon), 2008 .<br />
- Tisseron S ., Les dangers de la télé pour <strong>le</strong>s bébés, Bruxel<strong>le</strong>s,<br />
yapaka, 2009 .<br />
- Tisseron S ., L’empathie au cœur du <strong>jeu</strong> social, Paris, Albin Michel,<br />
2010 .<br />
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Odi<strong>le</strong> Jacob, 2008 .<br />
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- Zimmerman FJ, Christakis DA, « Childr<strong>en</strong>’s te<strong>le</strong>vision viewing and<br />
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Arch . Pediatr . Ado<strong>le</strong>sc . Med ., 159 (7), pp . 619–625, 2005 .<br />
Ressources<br />
- Serge Tisseron – Jeux de rô<strong>le</strong> <strong>en</strong> maternel<strong>le</strong>s :<br />
rapport de recherche : www .yapaka .be<br />
- Serge Tisseron – Vidéo – durée 6 :15<br />
www .yapaka .be/professionnels/video/<br />
faire-<strong>des</strong>-<strong>jeu</strong>x-de-ro<strong>le</strong>-<strong>des</strong>-<strong>le</strong>co<strong>le</strong>-maternel<strong>le</strong><br />
- « Aïe ! mets-toi à ma place – La prév<strong>en</strong>tion de la vio<strong>le</strong>nce<br />
à l’éco<strong>le</strong> maternel<strong>le</strong> »,<br />
un docum<strong>en</strong>taire de Philippe Meirieu – 26 min –<br />
www .capcanal .com/capcanal/sections/fr/videos/<br />
cap_infos_primaire/maternel<strong>le</strong>/vio<strong>le</strong>nce_maternel<strong>le</strong>
Remerciem<strong>en</strong>ts<br />
Je remercie d’abord l’Académie <strong>des</strong> Sci<strong>en</strong>ces mora<strong>le</strong>s et politiques,<br />
qui m’a sout<strong>en</strong>u dans mes recherches sur <strong>le</strong>s images et<br />
la vio<strong>le</strong>nce depuis 2003, après m’avoir honoré du Prix Stassart,<br />
ainsi que <strong>le</strong>s participants à mon groupe de travail dans <strong>le</strong> cadre<br />
de l’Institut, à comm<strong>en</strong>cer par Madame Hélène Gouingu<strong>en</strong>et<br />
sans laquel<strong>le</strong> ce groupe n’aurait pas été possib<strong>le</strong>.<br />
Je remercie <strong>en</strong>suite la Fondation de France qui a r<strong>en</strong>du possib<strong>le</strong><br />
l’expérim<strong>en</strong>tation du Jeu <strong>des</strong> Trois Figures <strong>en</strong> 2007 et 2008 ;<br />
Madame Corinne Le<strong>en</strong>hardt qui m’a guidé et conseillé dans<br />
mes démarches auprès de l’Éducation nationa<strong>le</strong> ; l’Académie du<br />
Val d’Oise et <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s qui ont accepté de se lancer dans l’expérim<strong>en</strong>tation<br />
<strong>en</strong>tre septembre 2007 et juin 2008 : Maternel<strong>le</strong><br />
Langevin 1 (Arg<strong>en</strong>teuil, 95), Maternel<strong>le</strong> R<strong>en</strong>é Coty (Gonesse,<br />
95) et Maternel<strong>le</strong> St Pierre (Paris, 75008) ; et <strong>en</strong>fin l’ENSANS<br />
(Environnem<strong>en</strong>t, Santé et Société) qui <strong>en</strong> a géré <strong>le</strong> vo<strong>le</strong>t matériel.<br />
Je remercie éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignantes qui ont participé<br />
à l’expérim<strong>en</strong>tation (Mesdames Hélène Arditti, Juliette Bour,<br />
Caroline Chambonneau, Isabel<strong>le</strong> Hamon, Laur<strong>en</strong>ce Savary,<br />
Élodie Varalda, Sylvie Vodungbo), Madame Claire Badoc qui<br />
nous a apporté ses compét<strong>en</strong>ces sur la pratique du test du<br />
« Patte Noire », et <strong>le</strong>s chercheurs qui ont contribué sous ma<br />
direction à la réussite de cette <strong>en</strong>treprise (Mesdames Marie<br />
Noël<strong>le</strong> Clém<strong>en</strong>t, Sandrine Imart, Christel Fernandez, Maeva<br />
Mazeiras, Marion, Saly, Cyriel<strong>le</strong> Thomas, Estel<strong>le</strong> Trumeau ainsi<br />
que Monsieur B<strong>en</strong>oît Ceroux)<br />
Mes remerciem<strong>en</strong>ts vont aussi à Philippe Meirieu, qui a réalisé<br />
un premier film sur mon travail <strong>en</strong> maternel<strong>le</strong>s à Lyon <strong>en</strong> 2009,<br />
et tous <strong>le</strong>s membres de l’équipe cinématographique du CRDP<br />
de l’Académie de Versail<strong>le</strong>s qui ont mis <strong>le</strong>urs compét<strong>en</strong>ces au<br />
service de la fabrication d’un DVD <strong>des</strong>tiné à servir de support<br />
pédagogique pour la formation.<br />
Je remercie tout particulièrem<strong>en</strong>t Madame Évelyne Collin, dont<br />
<strong>le</strong> souti<strong>en</strong> a permis de dépasser la phase d’expérim<strong>en</strong>tation<br />
pour débuter une mise <strong>en</strong> place plus systématique du Jeu <strong>des</strong><br />
Trois Figures sur <strong>le</strong> Val d’Oise, ainsi que ses collègues qui ont<br />
accompagné <strong>le</strong>s <strong>en</strong>seignantes dans la mise <strong>en</strong> place de cette<br />
activité.<br />
Je remercie <strong>en</strong>fin Vinc<strong>en</strong>t Magos qui m’a <strong>en</strong>couragé à la rédaction<br />
du prés<strong>en</strong>t ouvrage, afin de faciliter la mise <strong>en</strong> place du Jeu<br />
<strong>des</strong> Trois <strong>figures</strong>.<br />
Des formations au<br />
Jeu <strong>des</strong> Trois Figures<br />
sont organisées :<br />
Formation<br />
En BElgiquE :<br />
voyez <strong>le</strong>s conditions sur yapaka.be/formations.<br />
En FrancE :<br />
r<strong>en</strong>seignez-vous auprès de votre académie.
Temps d’Arrêt / Lectures – Déjà parus<br />
• L’aide aux <strong>en</strong>fants<br />
victimes de maltraitance –<br />
Guide à l’usage <strong>des</strong> interv<strong>en</strong>ants<br />
auprès <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants et ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ts.<br />
Col<strong>le</strong>ctif.<br />
• Avatars et désarrois de l’<strong>en</strong>fant-roi.<br />
Laur<strong>en</strong>ce Gavarini, Jean-Pierre Lebrun<br />
et Françoise Petitot.<br />
• Confid<strong>en</strong>tialité et secret professionnel :<br />
<strong>en</strong><strong>jeu</strong>x pour une société démocratique.<br />
Edwige Barthé<strong>le</strong>mi, Claire Meersseman<br />
et Jean-François Servais.<br />
• Prév<strong>en</strong>ir <strong>le</strong>s troub<strong>le</strong>s de la relation<br />
autour de la naissance.<br />
Reine Vander Lind<strong>en</strong> et Luc Rœgiers.<br />
• Procès Dutroux ; P<strong>en</strong>ser l’émotion.<br />
Vinc<strong>en</strong>t Magos (dir).<br />
• Handicap et maltraitance.<br />
Nadine C<strong>le</strong>rebaut, Véronique Ponce<strong>le</strong>t<br />
et Violaine Van Cutsem.<br />
• Malaise dans la protection de l’<strong>en</strong>fance :<br />
La vio<strong>le</strong>nce <strong>des</strong> interv<strong>en</strong>ants.<br />
Catherine Marneffe.<br />
• Maltraitance et cultures.<br />
Ali Aouattah, Georges Devereux,<br />
Christian Dubois, Kouakou Kouassi,<br />
Patrick Lurquin, Vinc<strong>en</strong>t Magos,<br />
Marie-Rose Moro.<br />
• Le délinquant sexuel –<br />
<strong>en</strong><strong>jeu</strong>x cliniques et sociétaux.<br />
Francis Mart<strong>en</strong>s, André Ciavaldini,<br />
Roland Coutanceau, Loïc Wacqant.<br />
• Ces désirs qui nous font honte.<br />
Désirer, souhaiter, agir : <strong>le</strong> risque de la<br />
confusion. Serge Tisseron.<br />
• Engagem<strong>en</strong>t, décision et acte dans <strong>le</strong><br />
travail avec <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s.<br />
Yves Cartuyvels, Françoise Collin,<br />
Jean-Pierre Lebrun, Jean De Munck,<br />
Jean-Paul Mugnier, Marie-Jean Sauret.<br />
• Le professionnel, <strong>le</strong>s par<strong>en</strong>ts et<br />
l’<strong>en</strong>fant face au remue-ménage de la<br />
séparation conjuga<strong>le</strong>.<br />
G<strong>en</strong>eviève Monnoye avec la participation<br />
de Bénédicte G<strong>en</strong>nart, Philippe Kinoo,<br />
Patricia Laloire, Françoise Mulkay,<br />
Gaël<strong>le</strong> R<strong>en</strong>ault.<br />
• L’<strong>en</strong>fant face aux médias. Quel<strong>le</strong><br />
responsabilité socia<strong>le</strong> et familia<strong>le</strong> ?<br />
Dominique Ottavi, Dany-Robert Dufour.<br />
• Voyage à travers la honte.<br />
Serge Tisseron.<br />
• L’av<strong>en</strong>ir de la haine.<br />
Jean-Pierre Lebrun.<br />
• Des dinosaures au pays du Net.<br />
Pasca<strong>le</strong> Gustin.*<br />
• L’<strong>en</strong>fant hyperactif, son développem<strong>en</strong>t<br />
et la prédiction de la délinquance :<br />
qu’<strong>en</strong> p<strong>en</strong>ser aujourd’hui ?<br />
Pierre Delion.<br />
• Choux, cigognes, « zizi sexuel »,<br />
sexe <strong>des</strong> anges…<br />
Par<strong>le</strong>r sexe avec <strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants ?<br />
Martine Gayda, Monique Meyfrœt,<br />
Reine Vander Lind<strong>en</strong>, Francis Mart<strong>en</strong>s –<br />
avant-propos de Catherine Marneffe.<br />
• Le traumatisme psychique.<br />
François Lebigot.<br />
• Pour une éthique clinique dans <strong>le</strong> cadre<br />
judiciaire.<br />
Daniè<strong>le</strong> Epstein.<br />
• À l’écoute <strong>des</strong> fantômes.<br />
Claude Nachin.<br />
• La protection de l’<strong>en</strong>fance.<br />
Maurice Berger, Emmanuel<strong>le</strong> Bonnevil<strong>le</strong>.<br />
• Les vio<strong>le</strong>nces <strong>des</strong> ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ts sont<br />
<strong>le</strong>s symptômes de la logique<br />
du monde actuel.<br />
Jean-Marie Forget.<br />
• Le déni de grossesse.<br />
Sophie Marinopoulos.<br />
• La fonction par<strong>en</strong>ta<strong>le</strong>.<br />
Pierre Delion.<br />
• L’impossib<strong>le</strong> <strong>en</strong>trée dans la vie.<br />
Marcel Gauchet.<br />
• L’<strong>en</strong>fant n’est pas une « personne ».<br />
Jean-Claude Qu<strong>en</strong>tel.<br />
• L’éducation est-el<strong>le</strong> possib<strong>le</strong><br />
sans <strong>le</strong> concours de la famil<strong>le</strong> ?<br />
Marie-Claude Blais.<br />
• Les dangers de la télé pour <strong>le</strong>s<br />
bébés.<br />
Serge Tisseron.<br />
• La clinique de l’<strong>en</strong>fant :<br />
un regard psychiatrique sur la<br />
condition <strong>en</strong>fantine actuel<strong>le</strong>.<br />
Michè<strong>le</strong> Brian.<br />
• Qu’est-ce qu’appr<strong>en</strong>dre ?<br />
Le rapport au savoir et la crise de la<br />
transmission.<br />
Dominique Ottavi.<br />
• Points de repère pour prév<strong>en</strong>ir la<br />
maltraitance.<br />
Col<strong>le</strong>ctif.<br />
• Traiter <strong>le</strong>s agresseurs sexuels ?<br />
Amal Hachet.<br />
• Ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce et insécurité.<br />
Didier Robin.<br />
• Le deuil périnatal.<br />
Marie-José Soubieux.<br />
• Loyautés et famil<strong>le</strong>s.<br />
L. Couloubaritsis,<br />
E. de Becker, C. Ducommun-Nagy,<br />
N. Stryckman.<br />
• Paradoxes et dép<strong>en</strong>dance<br />
à l’ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce.<br />
Philippe Jeammet.<br />
• L’<strong>en</strong>fant et la séparation par<strong>en</strong>ta<strong>le</strong>.<br />
Diane Drory.<br />
• L’expéri<strong>en</strong>ce quotidi<strong>en</strong>ne de l’<strong>en</strong>fant.<br />
Dominique Ottavi.<br />
• Ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce et risques.<br />
Pascal Hachet.<br />
• La souffrance <strong>des</strong> marâtres.<br />
Susann He<strong>en</strong><strong>en</strong>-Wolff.<br />
• Grandir <strong>en</strong> situation transculturel<strong>le</strong>.<br />
Marie-Rose Moro.<br />
• Qu’est-ce que la distinction de sexe ?<br />
Irène Théry.<br />
• L’observation du bébé.<br />
Annette Watillon.<br />
• Par<strong>en</strong>ts défaillants, professionnels<br />
<strong>en</strong> souffrance.<br />
Martine Lamour.<br />
• Infantici<strong>des</strong> et néonatici<strong>des</strong>.<br />
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