Pour faire face à la crise de l'interculturel Fred Dervin Il ne ... - Users
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données produites, aux coconstructions discursives entre les chercheurs et les<br />
participants <strong>à</strong> leurs ethnographies.<br />
Ce que propose, notamment, Marti<strong>ne</strong> Abdal<strong>la</strong>hPretceille (cf. sa contribution dans<br />
ce volume) s’intitule « un humanisme du divers ». Sa démarche va au<strong>de</strong>l<strong>à</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> culture<br />
et <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité soli<strong>de</strong> et unique, explicatives <strong>de</strong>s faits sociaux et <strong>de</strong>s rencontres. Ses idées<br />
semblent être rentrées dans le « patrimoi<strong>ne</strong> » <strong>de</strong> l’interculturel (du moins francopho<strong>ne</strong>). <strong>Il</strong><br />
en va <strong>de</strong> même avec les travaux <strong>de</strong> Holliday et al. (2004) et <strong>de</strong> Kumaravadivelu (2008)<br />
dans les mon<strong>de</strong>s anglosaxons. An<strong>ne</strong> Philipps, auteur <strong>de</strong> l’ouvrage au titre révé<strong>la</strong>teur<br />
« Multiculturalism without culture », publié en 2007, expliquait récemment (2010 : 7)<br />
que les théoriciens du multiculturalisme euxmêmes ont aussi absorbé l’argument les<br />
cultures sont flui<strong>de</strong>s, plurielles et qu’elles se mé<strong>la</strong>ngent entre elles.<br />
<strong>Pour</strong>tant, cette mutation, ce changement souvent brutal dans les discours, n’est<br />
pas sans poser <strong>de</strong> problèmes, voire <strong>de</strong> malentendus. Alors u<strong>ne</strong> remarque provocatrice :<br />
l’interculturel, qui semble avoir les moyens théoriques <strong>de</strong> traiter <strong>de</strong> <strong>la</strong> « vraie » diversité,<br />
et qui peut aussi emprunter aux démarches diversitaires telles que le postmo<strong>de</strong>r<strong>ne</strong>, le<br />
Queer, le postcolonialisme, etc., semble connaître actuellement u<strong>ne</strong> <strong>crise</strong>. Dans ce qui<br />
suit, je ferai le point sur certains malentendus qui entourent l’interculturel et proposerai<br />
u<strong>ne</strong> approche <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité fondée sur l’idée <strong>de</strong>s diverses diversités. Ce <strong>de</strong>rnier concept,<br />
qui peut paraître redondant, servira <strong>à</strong> soutenir l’idée que l’on <strong>de</strong>vrait s’éloig<strong>ne</strong>r d’u<strong>ne</strong><br />
vision limitée voire ségrégante <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité (<strong>de</strong> faça<strong>de</strong>) et s’intéresser aux diversités <strong>de</strong><br />
chacun. C’est l<strong>à</strong> aussi un moyen <strong>de</strong> « corriger » le constructivisme « mou » et parfois<br />
« gentillet » qui touche actuellement les étu<strong>de</strong>s interculturelles.<br />
Se débarrasser du culturel ?<br />
Tout d’abord, on se situe toujours et encore dans l’interculturel – le mot culture<br />
est in<strong>la</strong>ssablement présent. La confusion du terme se reflète souvent dans les discours <strong>de</strong><br />
chercheurs qui tentent d’approcher l’interculturel <strong>à</strong> travers <strong>de</strong>s réflexions « mouvantes »<br />
mais qui continuent <strong>à</strong> utiliser le concept sans le délimiter, sans le critiquer. Ce<strong>la</strong> conduit<br />
aussi <strong>à</strong> <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> cadres théoriques contradictoires où <strong>de</strong>s chercheurs <strong>de</strong> type<br />
culturaliste (E.T. Hall, Hofste<strong>de</strong>… ) sont associés et complètent <strong>de</strong>s chercheurs plus<br />
critiques et « postmo<strong>de</strong>r<strong>ne</strong>s » (Augé, Lap<strong>la</strong>nti<strong>ne</strong>, Maffesoli, Morin… ). Enfin, on trouve<br />
souvent un hiatus entre les réflexions théoriques proposées et les métho<strong>de</strong>s d’analyse <strong>de</strong><br />
type analyses <strong>de</strong> contenu « molles », <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s que l’on pourrait appeler « faitiches »<br />
après Latour (2009), car restent en sur<strong>face</strong> du discours <strong>de</strong>s individus, <strong>de</strong>s faits et<br />
présentent leurs paroles comme « vérités ». Ainsi, tel individu ayant vécu un an dans un<br />
pays étranger, affirme être <strong>de</strong>venu biculturel (i.e. il a acquis <strong>la</strong> « culture » <strong>de</strong> l’autre pays<br />
et est capable <strong>de</strong> jongler avec les <strong>de</strong>ux « cultures »). Ce discours est repris par certains<br />
chercheurs dans leurs analyses pour démontrer <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong> celuici… alors qu’on se<br />
trouve dans le « biculturalisme » et tous les problèmes épistémologiques et politiques que<br />
le concept contient. En effet, quelles frontières entre ces <strong>de</strong>ux cultures ? Avonsnous<br />
d’ailleurs af<strong>faire</strong> <strong>à</strong> <strong>de</strong>ux entités bien distinctes ? On fait donc toujours <strong>face</strong> ici <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />
« production artificielle d’étrangeté » (Guil<strong>la</strong>ume & Baudril<strong>la</strong>rd, 1994 : 21), qui semble<br />
aller au<strong>de</strong>l<strong>à</strong> du culturalisme mais qui s’y rapproche parfois. On aurait af<strong>faire</strong>, d’après<br />
Holliday (<strong>à</strong> paraître), <strong>à</strong> du néoessentialisme (ou néoculturalisme ?) ; en tout cas, <strong>à</strong> du<br />
positivisme.