Le dernier voyage du Karl Marx

Le dernier voyage du Karl Marx Le dernier voyage du Karl Marx

13.04.2013 Views

© H.J. Krysmanski – Proposition Marx-Comic – 1.1.2007 4 exiguë, avec un pont noir de monde et un vacarme assourdissant venant de la salle des machines, est exténuante. Marx ne peut pas dormir et se rappelle dans un cauchemar les époques auxquelles, tête pensante du mouvement ouvrier naissant, membre d’une famille aux nombreuses ramifications, affectueux père de trois filles ou encore comme malade en quête de guérison, il faisait de fréquentes traversées entre Calais et Douvres. Mais dans ce rêve confus, ce sont surtout les années de l’agitation politique accompagnant les événements de 1848, années de la rédaction, avec Engels, du Manifeste du Parti communiste, qui émergent et qui secouent le plus sa mémoire. Réveillé, il ne peut se débarrasser de l’idée qu’il est en train de déserter des tâches importantes qu’il aurait à assumer. Il peine à se concentrer, la lecture lui demande beaucoup d’efforts, et il est hors de question d’écrire quelque chose de sensé dans ce vacarme. Sur le pont. Marx sympathise avec le capitaine du Saïd, un homme très affable, comme il l’écrira plus tard, qui se fait accompagner de sa famille pour ce voyage à Alger. Marx raconte au capitaine Macé qu’il est attendu par un ami de ses deux beaux-frères Charles Longuet (marié à sa fille Jenny) et Paul Lafargue (marié à Laura), un certain Albert Fermé. Ce juriste français, expulsé à Alger une douzaine d’années auparavant pour raisons politiques, va s’occuper de Marx pendant son séjour de repos. A l’arrivée à Alger, en plus de sa grave bronchite, Marx a attrapé un fort refroidissement. Mais ce qui le désespère plus encore, ce qui lui inflige une véritable déchirure a une autre cause, que Sigmund Freud décrira plus tard par ces mots: «Quoi que le moi puisse accomplir au cours d’une vie, le surmoi ne s’en satisfera jamais».

© H.J. Krysmanski – Proposition Marx-Comic – 1.1.2007 5 20 Février – 3 Mai 1882 à Alger Alger et le grouillement de sa baie. Fermé, un individu sympathique, la quarantaine, reconnait Marx tout de suite, car la physionomie du dirigeant de l’Internationale socialiste est partout connue. Fermé amène tout d’abord Marx dans le luxueux „Grand Hôtel d’Orient“, la meilleure adresse de la ville, mais très cher. A la réception, on propose au vénérable professeur allemand un forfait de pension mensuel, mais, sur les conseils de Fermé, Marx n’y restera que quelques jours et optera pour une pension se trouvant en hauteur dans une villa du quartier résidentiel de Mustapha Supérieur, au climat plus clément. Comme il va l’expliquer sans ambages à Fermé, Marx ne peut pas faire de folies, même s’il peut compter sur le soutien généreux de Engels. Pendant son séjour, il sera souvent chez les Fermé, route Mustapha Supérieur. On y parlera des journées de la Commune de Paris qui a conduit au bannissement de Fermé, et de l’évolution des événements politiques sur le continent, notamment en Russie. Pour sa part, Marx passera les deux mois qui viendront à la Pension Victoria. Il pourra souvent oublier ses douleurs et ses doutes. «Ici, situation magnifique, devant ma chambre la baie de la mer Méditerranée, le port d’Alger, des villas disposées en amphithéâtre escaladant les collines ... plus loin, des montagnes, entre autres les sommets neigeux derrière Matifou, sur les montagnes de Kabylie, des points culminants du Djurdjura … Le matin vers 8 heures, rien de plus exaltant que le panorama, l’air, la végétation, ce mélange merveilleux européo-africain. Chaque matin, de 10 ou 9 heures à 11 heures my promenade.» 2 Et la toux de Marx va empirant. 2 Marx à Engels, 1 Mars 1882

© H.J. Krysmanski – Proposition <strong>Marx</strong>-Comic – 1.1.2007 4<br />

exiguë, avec un pont noir de monde et un vacarme assourdissant venant de la salle des<br />

machines, est exténuante.<br />

<strong>Marx</strong> ne peut pas dormir et se rappelle dans un cauchemar les époques auxquelles,<br />

tête pensante <strong>du</strong> mouvement ouvrier naissant, membre d’une famille aux nombreuses<br />

ramifications, affectueux père de trois filles ou encore comme<br />

malade en quête de guérison, il faisait de fréquentes traversées<br />

entre Calais et Douvres. Mais dans ce rêve confus, ce sont<br />

surtout les années de l’agitation politique accompagnant les<br />

événements de 1848, années de la rédaction, avec Engels, <strong>du</strong><br />

Manifeste <strong>du</strong> Parti communiste, qui émergent et qui secouent le<br />

plus sa mémoire.<br />

Réveillé, il ne peut se débarrasser de l’idée qu’il est en train de<br />

déserter des tâches importantes qu’il aurait à assumer. Il peine à se<br />

concentrer, la lecture lui demande beaucoup d’efforts, et il est hors<br />

de question d’écrire quelque chose de sensé dans ce vacarme.<br />

Sur le pont. <strong>Marx</strong> sympathise avec le capitaine <strong>du</strong> Saïd, un homme<br />

très affable, comme il l’écrira plus tard, qui se fait accompagner de<br />

sa famille pour ce <strong>voyage</strong> à Alger. <strong>Marx</strong> raconte au capitaine Macé<br />

qu’il est atten<strong>du</strong> par un ami de ses deux beaux-frères Charles<br />

Longuet (marié à sa fille Jenny) et Paul Lafargue (marié à Laura),<br />

un certain Albert Fermé. Ce juriste français, expulsé à Alger une<br />

douzaine d’années auparavant pour raisons<br />

politiques, va s’occuper de <strong>Marx</strong> pendant<br />

son séjour de repos.<br />

A l’arrivée à Alger, en plus de sa grave<br />

bronchite, <strong>Marx</strong> a attrapé un fort<br />

refroidissement. Mais ce qui le désespère<br />

plus encore, ce qui lui inflige une véritable<br />

déchirure a une autre cause, que Sigmund<br />

Freud décrira plus tard par ces mots: «Quoi<br />

que le moi puisse accomplir au cours d’une<br />

vie, le surmoi ne s’en satisfera jamais».

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!