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© MEDDE-DICOM<br />

Delphine Batho<br />

ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie<br />

Face aux défis climatiques et à l’épuisement des<br />

ressources naturelles, l’heure est au changement<br />

et à l’innovation. La transition énergétique est un<br />

projet fédérateur pour notre pays qui doit embrasser<br />

tous les aspects sociaux, économiques, écologiques, des<br />

changements à engager. L’enjeu du développement<br />

de la chaleur renouvelable est décisif. Le grand débat<br />

national (1) organisé par le Gouvernement doit être<br />

l’occasion pour la Nation de redécouvrir toutes les<br />

potentialités de la géothermie et de prendre les décisions<br />

nécessaires pour lever les obstacles qui freinent son développement.<br />

La <strong>revue</strong> Géosciences y contribue utilement<br />

en mettant la géothermie, le stockage de dioxyde de<br />

carbone et le stockage de l’énergie à l’honneur de son<br />

seizième numéro.<br />

La géothermie, véritable trésor national, doit prendre<br />

toute sa place dans notre mix énergétique. Extrêmement<br />

diverse dans ses formes et ses applications, elle présente<br />

l’avantage considérable d’une production d’énergie renouvelable<br />

non-intermittente qui peut être développée sur<br />

la majeure partie de notre territoire. C’est aussi une filière<br />

à fort potentiel pour l’industrie française. Rappelons qu’un<br />

tiers de l’énergie en France est destiné au chauffage et<br />

à la production d’eau chaude.<br />

Le développement des différentes formes de géothermie<br />

a pris du retard. Une analyse plus précise des trois<br />

principaux segments de marché permet de quantifier ce<br />

constat. Si le développement du marché de la très basse<br />

énergie (pompes à chaleur aérothermiques et géothermiques)<br />

est globalement en phase avec les objectifs fixés<br />

(production de 1 143 000 tonnes équivalent pétrole en<br />

2011, légèrement au-delà de l’objectif de 1 090 000 tonnes<br />

équivalent pétrole), le marché des pompes à chaleur<br />

géothermiques (qui devait contribuer pour 280 000<br />

tonnes équivalent pétrole) reste largement en deçà de<br />

la trajectoire cible. Après avoir atteint un pic de presque<br />

20 000 unités de pompes à chaleur vendues en 2008, il<br />

atteint aujourd’hui une taille de moins de 8 000 unités<br />

par an, après quatre années consécutives de baisse. Les<br />

raisons sont multiples : crise économique, compétition<br />

d’autres technologies, baisse des constructions neuves,<br />

mais aussi inadaptation du cadre réglementaire. Pourtant,<br />

l’intérêt énergétique, écologique et économique des<br />

pompes à chaleur est incontestable : ce n’est pas un hasard<br />

si 70 % de l’habitat neuf en Suède et 50 % en Suisse<br />

sont équipés de pompes à chaleur géothermiques. En<br />

France, la part de l’habitat équipé est seulement de 3 %.<br />

(1) Toutes les informations sur : www.transition-energétique.gouv.fr<br />

édito<br />

« La géothermie<br />

doit prendre toute sa place<br />

dans la transition énergétique »<br />

La géothermie basse et moyenne énergie (notamment<br />

pour des réseaux de chaleur géothermique) est<br />

également en retard : la production en 2011 s’est élevée<br />

à 94 000 tonnes équivalent pétrole, par rapport à un<br />

objectif de 175 000 tonnes équivalent pétrole. Leader<br />

dans les années 70, la France n’a plus développé cette<br />

géothermie entre 1996 et 2006 alors que la technologie<br />

a fait la preuve de sa durabilité et de son adaptation au<br />

milieu urbain.<br />

La production d’électricité à partir de la géothermie de<br />

haute énergie, quant à elle, s’élève en 2011 à 48 000 tonnes<br />

équivalent pétrole, et reste très en retard par rapport à<br />

un objectif de 159 000 tonnes équivalent pétrole. Nous<br />

devons accélérer son développement.<br />

Il est temps de donner une nouvelle impulsion à la filière<br />

géothermique, dans le cadre de la transition énergétique.<br />

J’ai annoncé mon intention d’élaborer une stratégie<br />

nationale pour le développement de la géothermie. Le<br />

débat national sur la transition énergétique est une<br />

chance que tous les acteurs de ces technologies doivent<br />

saisir pour y contribuer.<br />

Il sera aussi nécessaire de poursuivre nos efforts de<br />

recherche et de développement des technologies<br />

de séquestration et de stockage de CO2 et de stockage<br />

d’énergie, notamment via le financement de projets<br />

et de centres d’excellence par l’Agence nationale de la<br />

recherche (ANR) et le programme Investissements<br />

d’avenir. L’effondrement du prix du carbone dans le cadre<br />

du marché européen de quotas d’émission ne favorise<br />

pas actuellement l’émergence de projets économiquement<br />

viables. Tout se passe comme si la crise économique<br />

repoussait à plus tard les enjeux de la lutte contre<br />

le réchauffement climatique alors même que le développement<br />

des énergies du futur est riche de promesses<br />

de nouveaux développements industriels qui peuvent<br />

contribuer à la sortie de crise.<br />

Les sciences de la Terre peuvent apporter une contribution<br />

déterminante au développement des énergies renouvelables.<br />

Face à la raréfaction des ressources et aux<br />

conséquences de l’exploitation des énergies fossiles, il<br />

ne faut plus prendre de retard. Valoriser les ressources<br />

renouvelables des sous-sols est assurément porteur<br />

d’avenir et d’espoir. Merci aux chercheurs, ingénieurs,<br />

techniciens et personnels qui ont contribué à l’élaboration<br />

de ce numéro qui rappelle une évidence : les<br />

géosciences sont un allié du développement durable.<br />

01<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


La Terre, source<br />

d'énergies durables<br />

N°16<br />

La centrale géothermique<br />

de Nesjavellir (Islande)<br />

dans son environnement<br />

naturel.<br />

The Nesjavellir geothermal<br />

station (Iceland) in its<br />

natural environment.<br />

sommaire<br />

© Gretar Ivarsson<br />

01 Édito<br />

« La géothermie doit prendre toute sa place dans la transition énergétique »<br />

Delpine Batho, Ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie<br />

04 Le mot du rédacteur en chef<br />

La Terre est aussi une source d’énergies durables !<br />

Jacques Varet<br />

06 Les nouvelles technologies et la transformation du système énergétique<br />

Didier Houssin, Directeur, Direction des politiques et des technologies énergétiques<br />

durables, Agence internationale de l'énergie (AIE)<br />

08<br />

16<br />

26<br />

36<br />

44<br />

54<br />

Géologie et énergie<br />

Jacques Varet<br />

Géothermie : source<br />

d’indépendance énergétique<br />

et de développement durable<br />

Erwan Bourdon, Dominique Tournaye<br />

Développement de la géothermie<br />

dans la Caraïbe<br />

Philippe Laplaige, Harry Durimel,<br />

Jean-Marc Mompelat<br />

Des projets géothermiques<br />

industriels en Auvergne…<br />

innover ensemble, agir local<br />

Mélissa Sanciaut, Lionel Bouchet, Olivier Bouttes,<br />

Vincent Bouchot<br />

Géothermie et planifi cation<br />

énergétique territoriale :<br />

l’exemple du schéma régional<br />

de l’Île-de-France<br />

Adeline Poux, Alexandra Bel<br />

Les EGS : une méthode d’exploitation<br />

géothermique généralisée<br />

pour les températures de 130 à 180 °C<br />

Sylvie Gentier


70<br />

78<br />

100<br />

A worldwide overview<br />

of carbon dioxide storage<br />

Angeline Kneppers, Steve Whittaker, Ernie Perkins,<br />

Derek Taylor, Daniel Rennie<br />

État des lieux du stockage de CO2<br />

en Europe<br />

Isabelle Czernichowski-Lauriol<br />

Le stockage souterrain<br />

de l’énergie<br />

Louis-Marie Jacquelin, Anne-Gaëlle Bader<br />

108 Tribune<br />

Géodénergies : l’utilisation rationnelle du sous-sol<br />

pour décarboner le secteur de l’énergie<br />

Laurent Jammes, Gabriel Marquette<br />

110 Éclairage<br />

Les géotechnologies, un enjeu de recherche<br />

Philippe Freyssinet<br />

112 Chiffres clés<br />

64<br />

86<br />

94<br />

ImPAC Lyon : évaluer l’impact<br />

de l’exploitation des aquifères superfi ciels<br />

pour la climatisation<br />

Sophie Bézèlgues-Courtade, Pierre Durst,<br />

Frédéric Garnier, Ioannis Ignatiadis<br />

Renvoyer le carbone dans le charbon.<br />

Le projet Carbolab<br />

Aurélien Leynet<br />

Biomasse et stockage géologique,<br />

un couplage tourné vers l’avenir<br />

Sébastien Dupraz, Antonin Fabbri<br />

Mars 2013 • numéro 16<br />

Direction de la Communication<br />

et des Éditions du BRGM<br />

3, av. Claude. Guillemin<br />

45060 Orléans Cedex 2<br />

Tél. : 02 38 64 37 84<br />

communication@brgm.fr<br />

Directeur de la rédaction : Jacques Varet<br />

Responsables du numéro<br />

« La Terre, source d'énergies durables » :<br />

Didier Bonijoly, Romain Vernier<br />

Directeur de la publication : Pierre Vassal<br />

Comité de rédaction :<br />

Philippe Dutartre (Service Public),<br />

Catherine Truffert (Recherche),<br />

Jean-Claude Guillaneau (International),<br />

Hervé Gaboriau (Pollution, déchets),<br />

Nathalie Dorfl iger (Eau),<br />

Hormoz Modaressi (Risques naturels),<br />

Pierre Nehlig (Géologie, cartographie),<br />

Patrice Christmann (Ressources minérales),<br />

Fabrice Deverly (Actions régionales).<br />

Coordination et secrétariat de rédaction :<br />

Françoise Trifi gny<br />

Révision : Olivier Legendre, Françoise Trifi gny,<br />

MZ Editions – 06 33 61 37 02<br />

Traduction : Robin's Wood Consulting –<br />

02 37 82 76 23<br />

Responsable d’édition : Pierre Vassal<br />

Maquette et réalisation :<br />

Chromatiques éditions – 01 43 45 45 10<br />

Impression : Imprimerie Nouvelle<br />

Saint-Jean-de-Braye<br />

Imprimerie certifi ée Imprim’Vert<br />

Régie publicitaire : Aria Communication –<br />

01 43 70 98 88<br />

ISSN 1772-094X – ISBN 978-2-7159-2547-2<br />

Dépôt légal à parution.<br />

Toute reproduction de ce document,<br />

des schémas et des infographies, devra<br />

mentionner la source Géosciences,<br />

la <strong>revue</strong> du BRGM pour une Terre durable.<br />

Le comité de rédaction remercie les auteurs<br />

et les relecteurs pour leur contribution.<br />

Les propositions d’articles sont à envoyer à :<br />

f.trifi gny@brgm.fr<br />

Liste des annonceurs : BRGM éditions c.3 •<br />

CFG Services p. 107 • COFOR p. 35 • Cryostar<br />

p. 21 • ENAG p. 93 • Grenoble Sciences p. 61 •<br />

LaSalle-Beauvais p. 13 • Priser p. 49 • Région<br />

Guadeloupe c.2 • SDEC p. 69


04<br />

Jacques Varet<br />

BRGM<br />

j.varet@brgm.fr<br />

le mot du rédacteur en chef le mot du rédacteur en chef<br />

La Terre est aussi<br />

une source<br />

d’énergies durables !<br />

Les sciences de la Terre<br />

au service de l’humanité<br />

Rappelons-nous que la <strong>revue</strong> Géosciences a<br />

pour objectif de montrer en quoi les<br />

sciences de la Terre répondent aux besoins<br />

de l’humanité. Ainsi, au fil des numéros<br />

précédents, différents sujets cruciaux ont pu<br />

être abordés : l’eau (n° 2, n° 13), le changement<br />

climatique (n° 3), les risques telluriques (n° 4),<br />

les ressources minérales (n° 1, n° 15)… Soucieux<br />

d’inscrire nos priorités dans celles de la société,<br />

et plus notamment dans la réflexion concernant<br />

la transition énergétique, nous ne pouvions que<br />

nous associer à la résolution de l'Assemblée<br />

générale des Nations unies (n° 65/151) qui,<br />

reconnaissant l'importance de l'énergie pour<br />

le développement durable, a proclamé 2012<br />

« Année internationale de l'énergie durable pour<br />

tous ». Tel est l’objectif de ce n° 16, consacré à<br />

« La Terre, source d’énergies durables ».<br />

Il est un fait que les sciences de la Terre sont,<br />

depuis un bon siècle, le principal pourvoyeur de<br />

l’énergie consommée dans le monde. En effet,<br />

le pétrole, le gaz naturel ou le charbon sont<br />

aujourd’hui encore les principales sources<br />

d’énergie pour l’essentiel de la population de<br />

la planète, directement issues des processus<br />

et des sciences et techniques géologiques.<br />

L’énergie nucléaire aussi, qui puise dans les<br />

gisements d’uranium, est le fruit du travail des<br />

géologues. Ce sont les mêmes que l’on retrouve<br />

à l’aval du cycle du combustible pour rechercher<br />

les sites les plus appropriés pour la gestion des<br />

déchets nucléaires. Ainsi, le métier de géologue<br />

est-il fortement associé à cette image de<br />

producteur d’énergies fossiles, voire d’énergies<br />

polluantes. Ce numéro de Géosciences est<br />

l’occasion de sensibiliser le public sur les diverses<br />

techniques qu’ont les géologues pour mobiliser<br />

le sous-sol, dans un usage durable de l'énergie,<br />

pour contribuer à l'efficience énergétique<br />

et prendre part à la production d'énergie<br />

renouvelable aux niveaux local, régional et<br />

international.<br />

Des fossiles aux renouvelables<br />

Les modes actuels de production et de consommation<br />

d'énergie non durable menacent<br />

l'environnement à l'échelle locale et mondiale.<br />

Les émissions de la combustion fossile<br />

représentent aujourd’hui environ 60 % des<br />

gaz à effet de serre totaux (GES) et sont la cause<br />

principale du changement climatique, de la<br />

pollution de l'air urbain et de l'acidification des<br />

sols et de l'eau. Si la réduction des émissions<br />

de carbone liées à la consommation d'énergie<br />

est une priorité, elle est aussi rendue nécessaire<br />

par l’épuisement progressif des ressources<br />

fossiles, dont on commence à percevoir la<br />

réalité concernant le pétrole conventionnel.<br />

L'économie mondiale étant appelée à doubler<br />

de taille au cours des vingt prochaines années,<br />

la consommation mondiale d'énergie devrait<br />

également augmenter de manière significative ;<br />

il est donc essentiel de recourir aux sources<br />

d’énergies renouvelables et de développer<br />

des technologies faiblement émettrices de<br />

carbone.<br />

Trois champs d’activité du BRGM sont concernés :<br />

la géothermie, le stockage géologique du CO2<br />

et le stockage d’énergie dans le sous-sol.


Eau chaude et vapeur au voisinage de la centrale géothermique de Nga Awa Purua à Rotokawa, Nouvelle Zélande.<br />

Hot water and steam near the Nga Awa Purua geothermal plant, Rotokawa, New Zealand.<br />

© BRGM – V. Bouchot.<br />

Pour le BRGM, le moment est venu de rendre<br />

plus visible sa présence, active depuis de<br />

nombreuses années, dans ces domaines.<br />

Trois champs d’activités sont principalement<br />

concernés : celui de la géothermie, celui du<br />

stockage géologique du CO2 et, plus généralement,<br />

celui du stockage de l’énergie dans<br />

le sous-sol. Ce sont des cas dans lesquels<br />

l’ensemble du champ de compétences et<br />

d’expertises scientifiques de l’établissement est<br />

mobilisé, depuis la R&D et l’appui aux politiques<br />

publiques jusqu’à la contribution à l’ingénierie<br />

des systèmes et à leur bonne insertion sociale<br />

et environnementale. Et ce, aussi bien en France<br />

continentale, dans les DROM qu’à l’international,<br />

notamment dans les pays en développement,<br />

qui sont souvent les premiers concernés. Outre<br />

ces trois grands champs, le sous-sol offre une<br />

multitude d’autres applications possibles en<br />

matière d’utilisation rationnelle de l’énergie,<br />

notamment pour les besoins thermiques,<br />

mais aussi plus généralement pour la gestion<br />

des énergies renouvelables, qui nécessitent des<br />

capacités de stockage.<br />

La géothermie, énergie<br />

renouvelable terrestre<br />

par excellence<br />

Dans ce numéro, une place de choix revient<br />

naturellement à la géothermie, puisqu’il s’agit<br />

par excellence de la forme d’énergie renouvelable<br />

produite par la planète Terre elle-même.<br />

En effet, si la géodynamique terrestre nous<br />

signale quelquefois brutalement l’énergie<br />

dissipée, de l’intérieur vers la surface de la Terre<br />

(séismes, volcans, tsunamis…), elle nous rappelle<br />

aussi, par le flux de chaleur terrestre, l’immense<br />

potentiel énergétique renouvelable mis à notre<br />

disposition. À la différence des autres énergies<br />

renouvelables, celui-là est constant et<br />

disponible 24/24h, 7/7j. Il permet en outre un<br />

stockage naturel sur le site de production et de<br />

développer des exploitations de puissance<br />

supérieure à celle du seul flux géothermique.<br />

Nous sommes loin d’avoir entamé cet immense<br />

potentiel, notamment dans les nombreux pays<br />

du sud particulièrement bien dotés en la matière,<br />

qu’il s’agisse de l’Asie de Sud-Est (Indonésie),<br />

de l’Afrique de l’Est (Éthiopie et Djibouti), de<br />

l’Amérique centrale ou des Caraïbes.<br />

Les géosciences peuvent aussi<br />

contribuer à l’usage rationnel<br />

de l’énergie<br />

Avec ce n° 16 de la <strong>revue</strong> Géosciences, nous<br />

espérons ainsi avoir apporté notre pierre aux<br />

grands enjeux de l’« Énergie durable pour<br />

tous », qui s’est fixé trois objectifs principaux<br />

à l’horizon 2030 : l’accès universel à des services<br />

énergétiques modernes, une réduction des<br />

émissions mondiales de GES et une augmentation<br />

de 30 % de l’utilisation des énergies<br />

renouvelables dans le monde. Cet ouvrage<br />

devrait également être utile à tous ceux qui<br />

– en France notamment – s’engagent dans la<br />

réflexion concernant la transition énergétique<br />

et écologique. Souhaitons qu’il aidera les<br />

acteurs concernés – établissements de<br />

recherche, entreprises, pouvoirs publics et<br />

ONG – à concourir plus efficacement à cet<br />

objectif global. n<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />

05


06<br />

Didier Houssin<br />

Directeur,<br />

Direction des politiques<br />

et des technologies<br />

énergétiques durables,<br />

Agence internationale<br />

de l'énergie (AIE)<br />

Didier.HOUSSIN@iea.org<br />

La priorité du scénario 2DS<br />

est de réduire drastiquement<br />

les émissions de gaz à effet<br />

de serre à l’horizon 2050<br />

afin de ne pas dépasser<br />

les 2 °C d’augmentation<br />

de température globale.<br />

The priority of 2DS scenario<br />

is to reduce drastically<br />

the CO2 emissions at<br />

the horizon 2020, in order not<br />

to exceed 2°C global warming.<br />

© Graphic Obsession<br />

intro scientifique intro scientifique<br />

Les nouvelles<br />

technologies et<br />

la transformation du<br />

système énergétique<br />

2012 de l’étude de l’AIE sur les perspectives<br />

des technologies énergétiques<br />

L’édition (1)<br />

montre clairement qu’une transformation<br />

profonde du système énergétique est possible,<br />

même si les tendances ne vont pas dans la<br />

bonne direction. L’utilisation intégrée des<br />

nouvelles technologies permettrait de réduire la<br />

dépendance à l’égard des combustibles fossiles<br />

en développant les énergies renouvelables, de<br />

décarboner la production d’électricité, d’améliorer<br />

l’efficacité énergétique et de réduire les<br />

émissions de CO2. Elle aiderait à ralentir la hausse<br />

de la demande d’énergie induite par la croissance<br />

économique des pays émergents, réduirait<br />

les besoins d’importations, renforcerait les<br />

économies nationales et à plus long terme<br />

entraînerait une baisse significative des<br />

émissions de gaz à effet de serre.<br />

Éviter une augmentation<br />

de température de + 2 °C :<br />

le scénario 2DS<br />

Le scénario 2 °C (appelé 2DS) identifie un<br />

portefeuille de technologies et de politiques ayant<br />

80 % de chances d’éviter que l’augmentation de<br />

la température mondiale ne dépasse 2 °C.<br />

Investir dans les énergies propres est économiquement<br />

rationnel – chaque dollar<br />

supplémentaire investi peut générer trois<br />

dollars d’économies d’énergie à l’horizon 2050.<br />

Pour que le scénario 2DS devienne réalité, il<br />

faudrait que les investissements additionnels<br />

d’ici 2050 atteignent 36 000 milliards USD, soit<br />

35 % de plus que dans un scénario business<br />

as usual. Cependant, investir n’est pas la même<br />

chose que dépenser. D’ici à 2025, les économies<br />

(1) “Energy Technology Perspectives (ETP) 2012 – Pathways to a<br />

Clean Energy System” : nouvelle édition de juin 2012 du rapport<br />

publié par l’Agence internationale de l’énergie tous les deux ans<br />

depuis 2006. http://www.iea.org/etp/ Ce rapport présente en<br />

près de 700 pages des scénarios et des stratégies énergétiques<br />

détaillés jusqu’en 2050 afin de limiter le réchauffement climatique<br />

à 2° C.<br />

d’énergie réalisées feraient plus que compenser<br />

les sommes investies et d’ici à 2050, elles<br />

dépasseraient 100 000 milliards USD dans le<br />

scénario 2DS.<br />

Sécurité énergétique et atténuation du<br />

changement climatique vont de pair. La baisse<br />

de l’intensité énergétique ainsi que la diversification<br />

géographique et technologique des<br />

sources d’énergie sont bénéfiques pour la<br />

sécurité d’approvisionnement et la croissance<br />

économique.<br />

Ainsi, dans le scénario 2DS, les économies<br />

d’énergie atteindraient d’ici à 2020 un total de<br />

450 exajoules (EJ soit 10 18 J) de combustibles<br />

fossiles et 9 000 EJ à l’horizon 2050, soit l’équivalent<br />

de plus de quinze années de demande<br />

mondiale actuelle d’énergie primaire.<br />

Pourtant, les perspectives actuelles sont peu<br />

encourageantes. Sur les dix technologies les<br />

plus prometteuses en termes d’économies<br />

d’énergie et d’émissions de CO2, neuf ne satisfont<br />

pas aux objectifs permettant de réaliser<br />

la transition vers un système énergétique à bas<br />

carbone. Les progrès sont à la hauteur des enjeux<br />

uniquement pour les énergies renouvelables<br />

les plus matures comme l’énergie hydraulique,<br />

la biomasse, l’éolien terrestre et le solaire<br />

photovoltaïque. Il est particulièrement préoccupant<br />

de constater le peu de progrès dans<br />

la diffusion des technologies améliorant<br />

l’efficacité énergétique, le captage et le<br />

stockage du carbone (CCS) ainsi que l’éolien<br />

en mer et le solaire à concentration.<br />

Or, l’importance du captage et du stockage du<br />

carbone reste cruciale à long terme. Le CCS est<br />

aujourd’hui la seule technologie permettant<br />

au secteur électrique à base de combustibles<br />

fossiles et aux industries lourdes de respecter<br />

des objectifs ambitieux de réduction des émissions<br />

à l’horizon 2050. L’abandon du CCS


TWh<br />

Gt CO2<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

45 000<br />

40 000<br />

35 000<br />

30 000<br />

25 000<br />

20 000<br />

15 000<br />

10 000<br />

5 000<br />

2009 2020 2030<br />

2040<br />

2050<br />

0<br />

alourdirait considérablement le coût du<br />

scénario 2DS puisque les investissements<br />

supplémentaires seraient accrus de 40 % dans<br />

le secteur de l’électricité, le surcoût total<br />

s’élevant à 2 000 milliards USD sur quarante ans.<br />

Selon le scénario 2DS, le CCS permettrait de<br />

réaliser jusqu’à 20 % des réductions cumulées<br />

d’émissions de CO2 d’ici à 2050. À cet effet, un<br />

déploiement rapide de la filière s’impose :<br />

c’est un considérable défi à relever dès lors<br />

qu’il n’existe pas d’installation à grande échelle<br />

dans la production d’électricité et qu’il y en a<br />

très peu dans l’industrie (voir l'article d’Isabelle<br />

Czernichowski, ce numéro).<br />

Les conditions de mise en œuvre<br />

Des exemples concrets montrent toutefois<br />

que l’action résolue des pouvoirs publics est<br />

■ Efficacité<br />

énergétique<br />

et changement<br />

des systèmes<br />

de production 3 %<br />

■ Nucléaire 8 %<br />

■ Changement<br />

d’usage final 12 %<br />

■ Efficacité<br />

énergétique 42 %<br />

■ Énergies<br />

renouvelables 21 %<br />

■ Captage et<br />

stockage du CO2<br />

(CCS) 14 %<br />

Évolution de la part des différentes technologies jusqu’en 2050 dans la réduction<br />

des émissions de CO2 pour passer du scénario 6DS (BAU) au scénario 2DS.<br />

Technology contributions departing from BAU (6DS scenario) necessary to reach the 2DS scenario.<br />

Source : IAE ETP 2012 report.<br />

2009 2020 2030<br />

2040<br />

2050<br />

■ Autres renouvelables<br />

dont géothermie<br />

■ Éolien<br />

■ Solaire<br />

■ Hydro-électricité<br />

■ Nucléaire<br />

■ Biomasse et déchets<br />

■ Pétrole<br />

■ Gaz avec CCS<br />

■ Gaz<br />

■ Charbon avec CCS<br />

■ Charbon sans CCS<br />

Production globale d’électricité dans le scénario 2DS (en TWh/an) :<br />

les renouvelables produiront la moitié de l’énergie en 2050 au niveau mondial.<br />

Global electricity generation in the 2DS scenario (in TWh/year): Renewables will generate<br />

more than half the world’s electricity in 2050 in the 2DS scenario.<br />

Source : IAE ETP 2012 report.<br />

un catalyseur de progrès. Certaines sources<br />

d’énergies renouvelables ont enregistré des<br />

succès remarquables leur permettant de percer<br />

sur le marché et de devenir concurrentielles. La<br />

filière solaire photovoltaïque (PV) a connu une<br />

croissance annuelle de 42 % en moyenne au<br />

cours de la décennie écoulée et l’éolien terrestre<br />

de 27 %. Le coût des systèmes PV a chuté de<br />

75 % en trois ans dans certains pays. Le soutien<br />

public à la recherche et au développement a<br />

permis à ces technologies de parvenir à un stade<br />

où le secteur privé a pris le relais, ce qui a<br />

permis de réduire les subventions. Or, la décarbonisation<br />

du secteur électrique est la clé de<br />

voûte d’un système énergétique durable.<br />

Mais globalement, la part de l’investissement<br />

en recherche et développement (R&D) du<br />

secteur public dans le secteur de l’énergie a chuté<br />

intro scientifique<br />

des deux tiers. Le soutien public à la R&D concernant<br />

les technologies est décisif et permet de<br />

stimuler la croissance économique et de réduire<br />

le coût des technologies à bas carbone. Dans ce<br />

contexte, il est préoccupant que la part de la<br />

R&D publique dans le domaine de l’énergie<br />

soit tombée à moins de 4 % en 2010, contre<br />

12 % en 1980 (et 20 % pour les seuls pays de<br />

l’AIE). Il faut inverser cette tendance et mettre<br />

l’accent sur les perspectives de commercialisation<br />

des nouvelles technologies. L’anticipation<br />

de nouveaux débouchés constitue en effet l’un<br />

des facteurs déterminants de l’investissement<br />

privé dans la R&D et l’innovation technologique.<br />

Il faut utiliser pleinement le potentiel d’efficacité<br />

énergétique. L’efficacité énergétique doit<br />

permettre de réduire de deux tiers, d’ici à 2050,<br />

l’intensité énergétique de l’économie mondiale<br />

(consommation d’énergie rapportée au PIB).<br />

L’amélioration de l’intensité énergétique doit<br />

doubler pour passer de 1,2 % par an durant les<br />

40 dernières années à 2,4 % par an d’ici 2050<br />

en mobilisant davantage de financements<br />

privés et en venant à bout des obstacles non<br />

économiques.<br />

Les technologies énergétiques sont interdépendantes,<br />

aussi leur développement et leur<br />

déploiement doivent-ils se dérouler parallèlement.<br />

Un système énergétique efficace et<br />

à faible intensité en carbone doit reposer sur<br />

des sources d’énergie diversifiées et s’appuyer<br />

davantage sur la production d’électricité décentralisée.<br />

L’enjeu de la prochaine décennie sera<br />

de passer d’une approche centrée sur l’offre<br />

à une approche qui privilégie une meilleure<br />

intégration des systèmes énergétiques plutôt<br />

que le déploiement isolé de technologies<br />

spécifiques.<br />

La contribution des géosciences sera essentielle<br />

dans une telle révolution énergétique,<br />

qu’il s’agisse de la séquestration et du captage<br />

de CO2, du déploiement de la géothermie<br />

superficielle et profonde qui peut jouer un rôle<br />

important pour l’efficacité énergétique des<br />

pompes à chaleur dans le bâtiment et pour<br />

décarboner la production d’électricité dans les<br />

pays qui disposent du potentiel géologique<br />

idoine ou à plus long terme du stockage<br />

de l’énergie. L’étude ETP 2012 de l’AIE est un<br />

encouragement pour tous les chercheurs<br />

en géosciences quant à l’importance des<br />

enjeux énergétiques à long terme de leurs<br />

disciplines. ó<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />

07


08<br />

géologie<br />

géologie et énergie<br />

Bien que les avancées<br />

technologiques permettent<br />

d’exploiter des ressources<br />

en énergies fossiles toujours plus<br />

difficiles d’accès, celles-ci n’en<br />

demeurent pas moins épuisables :<br />

la société devra recourir à court<br />

terme aux énergies renouvelables<br />

et décarbonées.<br />

Les géosciences joueront<br />

un rôle majeur dans<br />

la « transition énergétique ».<br />

Elles seront à nouveau convoquées<br />

pour la recherche de nouveaux<br />

gisements, pour le développement<br />

des ressources géothermiques<br />

et pour mettre en œuvre<br />

des procédés innovants d’utilisation<br />

du sous-sol, comme les solutions<br />

de stockage.<br />

Jacques Varet<br />

BRGM<br />

j.varet@brgm.fr<br />

Lagon Bleu, Islande. Ce site de balnéothérapie<br />

et récréatif a été développé à partir des eaux<br />

de rejet de la centrale géothermique<br />

thermoélectrique voisine.<br />

Blue Lagoon, Iceland. This balneotherapy and<br />

recreational site was developped from waste waters<br />

from the nearby geothermal thermoelectric plant.<br />

© J. Varet<br />

Géologie<br />

et énergie<br />

En partant de la structure de la Terre, de ses enveloppes gazeuse, liquide et solide,<br />

puis de son évolution géologique (notamment géodynamique), nous resituerons les<br />

diverses catégories de ressources énergétiques dans leur cadre physique d’origine.<br />

Cela permettra de distinguer les sources « externes » (non géologiques), essentiellement<br />

le solaire, l’éolien et l’énergie des mers, des autres ressources géologiques. Dans l’intervalle,<br />

on évoquera l’hydraulique qui, bien que ressource externe, n’est pas sans rapport avec<br />

la géologie : perméabilité des terrains, construction de barrages, impact du changement<br />

climatique… Parmi les ressources énergétiques à proprement parler géologiques, nous<br />

distinguerons les catégories suivantes :<br />

– les énergies fossiles diverses (exogènes) ;<br />

– les substances minières endogènes (U, Th, H, C, méthane…) ;<br />

– la géothermie ;<br />

– l’espace souterrain pour l’énergie (stockages divers).<br />

On les classera alors en terme de durabilité : celles qui disparaissent par combustion,<br />

qui polluent (air, déchets), et celles qui sont recyclables, voire renouvelables. On montrera<br />

que les fossiles ne sont en rien durables, que les substances minières endogènes le<br />

sont davantage (réutilisation possible, pas de limite en profondeur pour les gisements…),<br />

voire localement renouvelables (H, C, CH 4 volcaniques). Puis on reprendra les grands


types de géothermie, leur répartition spatiale,<br />

pour conclure sur leurs perspectives dans le bilan des<br />

renouvelables.<br />

On tentera enfin de traiter de la contribution possible<br />

de la géologie pour le traitement des énergies non<br />

durables, ou potentiellement catastrophiques, comme<br />

les hydrates de méthane et leurs effets climatiques, et<br />

de la nécessité de les connaître, voire de les exploiter<br />

par mesure de prévention ou de précaution… On placera<br />

là les questions de stockage (énergie, CO2, déchets<br />

nucléaires…), questions clés pour le développement des<br />

renouvelables, souvent intermittentes.<br />

Rappels sur la structure de la planète<br />

et les ressources énergétiques<br />

qui en découlent<br />

La planète Terre présente la caractéristique – unique<br />

semble-t-il, au moins dans le système solaire – d’être<br />

constituée d’« enveloppes » concentriques solides,<br />

liquides et gazeuses, toutes mobiles et interagissant les<br />

unes avec les autres, que nous avions décrites en détail<br />

Production en Mtep<br />

12 000<br />

10 000<br />

8 000<br />

6 000<br />

4 000<br />

2 000<br />

0<br />

geology and energy<br />

dans Pour une Terre durable, collection Les Enjeux des<br />

Géosciences, 2 e édition (BRGM, 2005).<br />

Pendant les premiers millions d’années de son existence,<br />

l’homme a essentiellement utilisé les énergies offertes<br />

par ces milieux : biomasse, traction animale…. Les<br />

ressources du sous-sol (tourbe, lignite, charbon, puis<br />

pétrole et gaz naturel) ont ensuite apporté, notamment<br />

depuis les deux derniers siècles, les contributions déterminantes<br />

à un développement de tous les secteurs de<br />

l’économie et à une croissance démographique sans<br />

précédent (figure 1).<br />

Néanmoins, si l’on considère les diverses sources<br />

d’énergie naturelle actuellement disponibles et qu’on<br />

les compare aux besoins énergétiques de l’humanité,<br />

force est de constater que d’autres équilibres énergétiques<br />

sont possibles, par un recours accru aux énergies<br />

de flux de nature renouvelable et durable : solaire, éolien,<br />

hydraulique, énergie des mers et biomasse. Ce qui est<br />

heureux dans la mesure où, jusqu’ici, la croissance démographique<br />

est allée de pair avec celle de l’usage des<br />

énergies fossiles.<br />

1800 1820 1840 1860 1880 1900 1920 1940 1960 1980 2000<br />

Ó Charbon Ó Pétrole Ó Gaz<br />

Fig.1 : Production<br />

globale d’énergie<br />

fossile depuis 1800<br />

jusqu’en 2010.<br />

D’après Höök et al., 2012.<br />

Fig. 1: Global<br />

production of<br />

fossil energy from<br />

1800 to 2010.<br />

Adapted from Höök et al.,<br />

2012.<br />

09<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


10<br />

géologie et énergie<br />

Ó Charbon<br />

Ó Pétrole<br />

Ó Gaz<br />

Amérique<br />

du Nord<br />

Amérique centrale<br />

Amérique du Sud<br />

Après avoir exploité les roches<br />

réservoirs des combustibles fossiles,<br />

les recherches s’orientent<br />

aujourd’hui vers les roches-mères.<br />

Les énergies fossiles, leurs succès actuels<br />

et leurs limites « des deux bouts »<br />

Les énergies fossiles résultent de l’accumulation de la<br />

biomasse au sein de formations géologiques. Elles<br />

se trouvent donc essentiellement dans les bassins<br />

sédimentaires (figure 2) et peuvent se situer dans les<br />

dépôts eux-mêmes, directement fossilisées (c’est le cas<br />

du charbon ou des lignites), ou dans d’autres formations<br />

perméables sus-jacentes vers lesquelles les hydrocarbures<br />

fluides (liquides et/ou gazeux) ont pu migrer<br />

(figure 3). Après avoir exploité ces roches réservoirs par<br />

forages, les recherches s’orientent aujourd’hui vers les<br />

roches mères, avec les débats que l’on sait concernant<br />

les risques liés à ces exploitations qui nécessitent la<br />

fracturation de la roche peu perméable contenant les<br />

hydrocarbures. Les hydrates de méthane appartiennent<br />

aussi à la catégorie des ressources fossiles non exploitées<br />

actuellement, mais dont il convient de se soucier<br />

du fait du risque climatique qu’induirait leur libération<br />

en cas de dégel du permafrost [Bard (2006)].<br />

Europe Afrique Moyen-Orient Moyen Orient Inde<br />

Ex-URSS Ex URSS Chine<br />

Asie Pacifique<br />

Les énergies fossiles occupent toujours – malgré les<br />

politiques de maîtrise de l’énergie, de développement<br />

des énergies renouvelables et l’effort considérable mis<br />

sur l’énergie nucléaire ces quarante dernières années –<br />

une place largement prédominante dans le bilan<br />

énergétique de la planète (figure 1). Globalement, même<br />

si leur proportion décroît, elles n’ont cessé de croître<br />

en quantité totale produite (figure 4). Il ne fait pas de<br />

doute que le développement des pays de l’OCDE depuis<br />

la seconde guerre mondiale, notamment pendant<br />

les « trente glorieuses », découle très directement de<br />

cette énergie devenue abondante et bon marché. Les<br />

avertissements visionnaires du « club de Rome » et les<br />

chocs pétroliers des années 1970 ont entraîné la mise<br />

en place de politiques publiques souvent volontaristes,<br />

mais celles-ci ont pour l’essentiel été abandonnées<br />

dès le premier « contre-choc » de 1986. Seuls quelques<br />

pays ont continué à investir dans d’autres domaines<br />

d’énergie au cours des vingt années suivantes : notamment<br />

les Scandinaves dans les énergies renouvelables<br />

et les Français dans l’énergie nucléaire.<br />

Dès 1992 pourtant, le sommet de la Terre à Rio de Janeiro<br />

a été l’occasion, en reprenant les conclusions du premier<br />

rapport du GIEC, d’une prise de conscience des chefs<br />

d’États et des organisations internationales concernant<br />

les limites à imposer aux émissions de gaz à effet de<br />

serre (GES) issus pour l’essentiel de la combustion<br />

des énergies fossiles (tableau 1). La convention Climat,<br />

puis le protocole de Kyoto, offrirent l’occasion de mettre<br />

Fig. 2 : Carte<br />

des principales<br />

ressources<br />

en énergies fossiles<br />

de la planète.<br />

Fig. 2: Map of<br />

the planet’s main<br />

fossil energy<br />

resources.<br />

© BRGM


Roche<br />

couverture<br />

Roche<br />

couverture<br />

Roche<br />

réservoir<br />

Roche mère<br />

Fig. 3 : Coupe géologique schématique présentant les réservoirs<br />

conventionnels de pétrole et de gaz issus des roches mères sous-jacentes<br />

aujourd’hui visées également pour la production d’énergie fossile.<br />

Selon la température atteinte par la couche de roche-mère (qui dépend<br />

essentiellement de la profondeur de l’enfouissement), les hydrocarbures<br />

produits pourront être essentiellement liquides (pétrole) ou gazeux.<br />

Production mondiale de charbon, pétrole et gaz<br />

(Gtep/an)<br />

5<br />

4,5<br />

4<br />

3,5<br />

3<br />

2,5<br />

2<br />

1,5<br />

1<br />

0,5<br />

Charbon<br />

Prévision<br />

Évolution de<br />

la concentration<br />

atmosphérique<br />

en CO2 selon<br />

les scénarios<br />

du GIEC<br />

Trente Glorieuses<br />

Pétrole<br />

Prévision<br />

Suintement<br />

de pétrole<br />

Gaz<br />

Prévision<br />

Immaturité<br />

thermique<br />

Fenêtre<br />

à huile<br />

Fenêtre<br />

à gaz<br />

Valeur moyenne de cette évolution<br />

0<br />

0<br />

1850 1900 1950<br />

2000<br />

2050<br />

2100<br />

Mt Tcf Gbep<br />

Facteur de<br />

conversion<br />

CO2<br />

(Mt C)<br />

Profondeur (m)<br />

0<br />

1 000<br />

2 000<br />

3 000<br />

4 000<br />

huile<br />

Matière organique c-h-o-n<br />

Dégradation biochimique o-n<br />

Dégradation thermique<br />

gaz<br />

h-c<br />

kérogène<br />

Carbonisation<br />

Résidu de<br />

carbone<br />

+c<br />

0 20 40 60 80 100<br />

Hydrocarbures générés (%)<br />

Fig. 3: Schematic geological section depicting the conventional reservoirs<br />

of oil and gas from the underlying bedrock which today are targeted for fossil<br />

energy production. Depending on the temperature prevailing in the bedrock layer<br />

(determined essentially by the depth at which it is buried), the hydrocarbons<br />

produced could be essentially liquid (oil) or gaseous.<br />

© D’après IFP Energies Nouvelles, France – Université de Laval, Canada.<br />

CO2<br />

(Mt)<br />

1 000<br />

900<br />

800<br />

700<br />

600<br />

500<br />

400<br />

300<br />

200<br />

100<br />

Concentration atmosphérique de CO2 (ppm)<br />

CO2<br />

(Mt/Gbep)<br />

Charbon 860 938 3 300 0,7326 630 700 2 315 000 700<br />

Gaz 6 609 1 172 14,56 96 200 353 200 300<br />

Pétrole 1 383 106,1 146 700 538 500 390<br />

Fig. 4 : Schéma illustrant le bilan du carbone<br />

fossile dans la période 1850-2100.<br />

On observe les pics successifs de production<br />

des énergies fossiles : pétrole (bleu foncé),<br />

gaz naturel (bleu clair) puis charbon (noir),<br />

et la croissance des émissions de CO2<br />

résultant de leur combustion dans l’enveloppe<br />

(en jaune) des divers scénarios du GIEC.<br />

Fig. 4: Graph illustrating the total amount<br />

of fossil carbon over the period 1850-2100.<br />

We note the successive production peaks<br />

for fossil fuel productions: oil (dark blue),<br />

natural gas (light blue), and coal (black),<br />

then, in the yellow envelope, the increase<br />

in CO2 emissions from their combustion<br />

following various IPCC scenarios.<br />

Source : J. Varet/Futuribles, 2005.<br />

Tableau.1 : Les réserves en énergie fossiles<br />

de la planète, leur contenu énergétique et<br />

les émissions de GES résultant de leurs combustions<br />

respectives.<br />

Table 1: The planet’s fossil energy reserves,<br />

their energy content and the GHG resulting<br />

from their respective combustion.<br />

Source: BP Statistical Review of World Energy, 2010.<br />

11<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


12<br />

géologie et énergie<br />

Dès 1992, le sommet de la Terre<br />

à Rio de Janeiro a été l’occasion d’une<br />

prise de conscience<br />

des chefs d’États et<br />

des organisations internationales.<br />

en place une nouvelle forme de solidarité planétaire,<br />

selon laquelle les pays les plus émetteurs s’engageaient<br />

dans une politique de réduction permettant aux pays<br />

émergents et en développement de bénéficier d’une<br />

croissance tout en plafonnant les émissions globales<br />

(voir aussi article de D. Houssin en introduction scientifique,<br />

ce numéro). Mais la mise en œuvre concrète de ces mesures<br />

a été battue en brèche par les intérêts nationaux de<br />

quelques pays clés, notamment les États-Unis, les états<br />

du Golfe et la Russie.<br />

Dans le même temps, les géologues de l’ASPO (1)<br />

rappelaient qu’en tout état de cause les ressources<br />

fossiles étaient limitées et que les « pics » de production<br />

de pétrole, puis de gaz, puis de charbon seraient successivement<br />

atteints dans la même période (2020-2050 ;<br />

figure 4). Et, de fait, la production mondiale ne répondant<br />

plus à la demande croissante des pays émergents<br />

(la Chine notamment), le constat de la rareté a été<br />

progressivement reconnu par les producteurs eux-mêmes.<br />

La croissance des prix des énergies fossiles qui en résulte<br />

est venue jouer le rôle régulateur que les politiques<br />

publiques climatiques ne parvenaient pas à mettre<br />

en œuvre (figure 5).<br />

Ainsi, les énergies fossiles sont « coincées aux deux<br />

bouts ». Qu’il s’agisse de la production initiale ou des<br />

émissions finales, elles devront inéluctablement faire<br />

place aux énergies renouvelables. La géologie présentant<br />

des disparités considérables, l’Europe, du fait de la<br />

faiblesse de ses propres ressources fossiles, se retrouve<br />

à viser une position de leader dans cette recherche<br />

d’énergies alternatives. (figure 6).<br />

(1) Association for the study of Peak Oil&Gas. http://aspofrance.org/<br />

La croissance des prix des énergies fossiles<br />

est venue jouer le rôle régulateur<br />

que les politiques publiques climatiques<br />

ne parvenaient pas à mettre en œuvre.<br />

90<br />

Gtec<br />

80<br />

70<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

€/Baril constant<br />

base 2009<br />

€/Baril courant<br />

0<br />

1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009<br />

250<br />

200<br />

Fig. 5 : Évolution des cours du pétrole en euros par baril, prix constants<br />

et courants base 2009.<br />

Fig. 5: Evolution of oil prices in euros per barrel, constant prices and current,<br />

base 2009.<br />

Source : UFIP, 2012.<br />

150<br />

100<br />

50<br />

0<br />

225<br />

USA<br />

189<br />

Russie<br />

94<br />

Inde<br />

92<br />

Chine<br />

92<br />

Australie<br />

58<br />

Arabie<br />

Saoudite<br />

Ó Uranium<br />

Ó Charbon<br />

57<br />

Iran<br />

54<br />

Canada<br />

31<br />

Qatar<br />

Ó Pétrole<br />

Ó Gaz<br />

Fig. 6 : La grande dépendance énergétique de l’Europe s’observe sur<br />

ce diagramme figurant, par importance décroissante, les réserves en pétrole,<br />

en gaz naturel, en charbon et en uranium des dix premiers pays producteurs<br />

de la planète. Toutes énergies ramenées en équivalent gigatonne de charbon.<br />

Fig. 6: Europe’s massive energy dependence is seen on this diagram, depicted,<br />

by decreasing order of importance, oil, natural gas, coal and uranium reserves<br />

for the planet’s ten largest producers. All the energies are expressed in equivalent<br />

gigatonne of coal.<br />

Source : BGR, Allemagne.<br />

31<br />

Venezuela


Publicité<br />

Près de 500 géologues en<br />

formation<br />

L’Institut Polytechnique LaSalle Beauvais a pour<br />

objectif de former des ingénieurs et des techniciens<br />

reconnus et appréciés par les professionnels dans<br />

les domaines des Sciences de la Terre et de<br />

l’Environnement. Chaque année, LaSalle Beauvais<br />

diplôme 25 à 30 Techniciens Supérieurs (Bac+3)<br />

et 80 Ingénieurs (Bac+5), soit près de 500 jeunes<br />

en formation. Ces diplômes présentent des débouchés<br />

dans des domaines variés : ressources énergétiques,<br />

ressources minérales, eau, environnement,<br />

géotechnique et enseignement-recherche.<br />

Le terrain, une marque de<br />

fabrique !<br />

L’enseignement repose sur une pédagogie originale<br />

avec une grande variété de mises en situation<br />

concrètes et d’expérimentations par le groupe<br />

avec des stages de terrain, des projets de recherche,<br />

des projets d’innovation et d’entreprenariat,<br />

des projets d’application industrielle, des stages<br />

en entreprise. Les apprentissages sur le terrain<br />

dépassent 20 semaines d’enseignement dont 14 de<br />

cartographie géologique dans des contextes<br />

géologiques variés.<br />

Les ressources énergétiques minières<br />

endogènes<br />

La nature même de l’enveloppe solide de la planète,<br />

essentiellement silicatée, recèle elle aussi des ressources<br />

énergétiques intéressantes. Il s’agit d’une part des<br />

substances radioactives, comme l’uranium, dont les<br />

filières de production ont été développées ces dernières<br />

années, ou le thorium, plus abondant encore, mais non<br />

encore exploité industriellement.<br />

Présent en traces dans la lithosphère continentale, avec<br />

une concentration moyenne de 1,7 ppm (et 0,003 mg/l<br />

dans l’eau de mer), les teneurs en uranium nécessaires à<br />

une bonne rentabilité minière dépassent généralement<br />

le gramme par tonne, mais des teneurs aussi basses que<br />

150 à 250 ppm sont néanmoins exploitées. Les besoins<br />

dans les années 2020 sont évalués à 80 000 tonnes<br />

d’uranium par an, ce qui nécessite la découverte et la mise<br />

en exploitation de nouvelles mines, la production actuelle<br />

étant de 65 000 tonnes. Au plan géologique, si l’origine<br />

de l’uranium est endogène (magmatique et hydrothermale),<br />

les meilleurs gisements se trouvent dans les<br />

formations sédimentaires détritiques (grès et conglomérats)<br />

ou résultent d’altérations supergènes.<br />

geology and energy<br />

LaSalle Beauvais, apprendre la Terre en grand<br />

Une ouverture aux enjeux<br />

industriels<br />

Au-delà des bases scientifiques et techniques,<br />

l’enseignement des 3 premières années intègre<br />

des disciplines utiles à la résolution des<br />

problématiques industrielles comme l’économie,<br />

la gestion financière, le droit, la communication<br />

mais aussi l’apprentissage de plusieurs langues<br />

étrangères. Lors des 2 dernières années, la<br />

gestion de projet prend alors en compte les<br />

dimensions économiques, environnementales et<br />

sociétales, en plus de la faisabilité technique et du<br />

suivi managerial.<br />

4 prix à des concours<br />

internationaux<br />

Fait remarquable, nos élèves ont participé à 4<br />

concours internationaux réunissant les principaux<br />

masters des universités d’Europe, voire du<br />

monde. Ils ont été systématiquement primés<br />

dans des domaines aussi variés que les<br />

nouvelles énergies (3 ème à l’Energia Challenge<br />

en 2012), la géologie pétrolière (3 ème à l’Imperial<br />

Barell Award en 2012), la géophysique marine<br />

(2 ème au SEG Challenge Bowl en 2011) et la<br />

géologie minière (1 er au travail en équipe au<br />

Déposer une offre de stage : stage@lasalle-beauvais.fr<br />

Recruter un collaborateur : emploi@lasalle-beauvais.fr<br />

Le cycle de la production d’énergie nucléaire se caractérise<br />

aussi par la génération de déchets radioactifs à<br />

vie longue, pour lesquels à ce jour seule la solution du<br />

stockage géologique s’avère possible. Les géosciences<br />

sont, ici aussi, convoquées pour une approche impliquant<br />

la recherche de sites à très faible perméabilité et le déploiement<br />

de technologies adaptées (barrières minérales,<br />

réseaux de surveillance…) présentant des garanties de<br />

stabilité à très long terme (de l’ordre du million d’années,<br />

que seul le géologue peut appréhender, bien entendu<br />

avec l’aide des sciences humaines et sociales).<br />

L’activité magmatique et hydrothermale peut aussi faire<br />

remonter vers la surface des éléments d’intérêt énergétique,<br />

comme le carbone, l’hydrogène ou le méthane.<br />

Certains gisements de méthane, notamment sibériens,<br />

sont ainsi d’origine endogène ; les zones volcaniques<br />

en extension (dorsales océaniques et rifts) peuvent<br />

renfermer des sources d’hydrogène, non exploitables à<br />

l’heure actuelle, mais vraisemblablement accessibles<br />

un jour. Des recherches engagées dans le cadre du<br />

programme international de forages profonds continentaux<br />

(DSDP) permettent d’ores et déjà d’atteindre<br />

les systèmes supercritiques permettant un accès à la<br />

production d’hydrogène (2).<br />

(2) http://www.icdp-online.org/front_content.php?idcat=709<br />

concours du jeune chercheur à St Pétersbourg<br />

en 2010).<br />

Des nouveautés ?<br />

Dernière nouveauté : le dispositif de l’alternance<br />

pour la formation des Techniciens supérieurs<br />

est opérationnel depuis 2012.<br />

D’autre part, pour être diplômé à partir de<br />

2015, les Ingénieurs devront avoir validé une<br />

période de 14 semaines à l’étranger.<br />

Hervé Leyrit<br />

Directeur de la Spécialité Géologie<br />

Elèves-ingénieurs LaSalle Beauvais, stage d’acquisition,<br />

traitement et interprétation sismique , Villefranche sur Mer<br />

www.lasalle-beauvais.fr<br />

Geosciences_n16_publi.indd 1 08/02/2013 17:47:56<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />

13


14<br />

géologie et énergie<br />

La géothermie<br />

Le flux géothermique terrestre serait, à lui seul, suffisant –<br />

si l’on disposait des moyens pour le capter efficacement<br />

– pour répondre aux besoins énergétiques de l’humanité.<br />

La géothermie a donc sa place parmi les énergies renouvelables<br />

auxquelles on doit faire appel pour remplacer<br />

les énergies fossiles émettrices de GES. En comparaison<br />

avec les autres énergies de flux provenant des enveloppes<br />

plus externes de la planète, elle présente l’avantage<br />

d’offrir des capacités naturelles de stockage, du fait des<br />

caractéristiques de conductivité thermique et des masses<br />

disponibles en sous-sol. Le stock énergétique disponible<br />

est immense et dépasse largement les besoins cumulés<br />

des générations futures (figure 7).<br />

Mais ici plus qu’ailleurs, la science géologique doit<br />

être mise en œuvre avec acuité car, au-delà des valeurs<br />

moyennes, les exploitations géothermiques doivent<br />

prendre en compte plusieurs éléments permettant<br />

d’identifer les gisements économiquement exploitables<br />

selon la disponibilité et la maturité des technologies :<br />

– le gradient géothermique, lui-même déterminé par le<br />

flux et la conductivité des terrains, qui peut varier de<br />

3 °C par 100 mètres dans les zones stables à des valeurs<br />

dix fois supérieures dans les zones géologiques actives ;<br />

– la perméabilité des formations géologiques, dites réservoirs<br />

lorsqu’elles permettent une production suffisante<br />

du fluide contenu, une fois atteintes par forage. Cette<br />

perméabilité peut être soit « de formation » lorsqu’elle<br />

découle des propriétés propres de la couche géologique,<br />

soit « de fracture » lorsqu’elle résulte d’un<br />

contexte tectonique favorable ;<br />

En mètres<br />

0<br />

150<br />

300<br />

450<br />

600<br />

750<br />

900<br />

1 050<br />

0<br />

50 °C/1 000 m<br />

50 100 150<br />

En °C<br />

200 250<br />

60 à 100 MW/m 2 dans les zones stables<br />

(soit 60 à 100 kW par km 2 )<br />

Jusqu’à 10 fois plus dans les zones actives<br />

(soit 1 MW ou plus par km 2 )<br />

4 000 °C<br />

5 000 °C<br />

– la qualité même du fluide géothermique, toujours<br />

chargé en éléments chimiques divers du fait de<br />

l’augmentation de la solubilité des minéraux avec<br />

la température, et éventuellement enrichi en gaz<br />

hérités des formations traversées ou des apports<br />

magmatiques.<br />

Ainsi peut-on distinguer deux grands types de géothermie<br />

dont on présente plusieurs exemples détaillés dans<br />

ce volume :<br />

– celle des bassins sédimentaires dans lesquels des<br />

aquifères peuvent être identifiés et exploités pour le<br />

chauffage, avec ou sans pompes à chaleur, avec une<br />

relative certitude du fait de la continuité des formations<br />

géologiques ;<br />

– celle des zones tectoniques ou volcaniques actives<br />

dans lesquelles une source de chaleur superficielle<br />

permet de disposer d’un fluide géothermal à une<br />

température suffisante pour produire de l’électricité<br />

(figure 8).<br />

Mais il s’agit ici d’une subdivision très schématique, dans<br />

la mesure où, d’une part la géologie offre nombre de<br />

situations intermédiaires ou différentes permettant<br />

la mise en œuvre de systèmes spécifiques (systèmes<br />

stimulés par exemple) et, d’autre part, les technologies<br />

offrent un panel élargi de solutions (échangeurs directs<br />

en sous-sol, utilisation de fluides binaires, utilisation en<br />

cascade de l’énergie, par exemple). En tout état de cause,<br />

la diversité et la créativité sont des règles en la matière,<br />

qu’il s’agisse du versant géoscientifique ou du versant<br />

technologique de la discipline.<br />

6 000 km<br />

140 millions EJ emmagasinés dans<br />

les 5 premiers kilomètres de la croûte terrestre<br />

99 % de notre planète est à plus de 1 000 °C<br />

4 000 km<br />

2 000 km<br />

Le flux<br />

géothermique<br />

terrestre serait,<br />

à lui seul,<br />

suffisant<br />

pour répondre<br />

aux besoins<br />

énergétiques<br />

de l’humanité.<br />

Fig. 7 : Flux et<br />

gradients géothermiques<br />

dans les zones stables<br />

et les zones géodynamiques<br />

actives de la planète,<br />

et énergie emmagasinée dans<br />

les cinq premiers kilomètres<br />

(accessibles par forage)<br />

de la lithosphère.<br />

Fig. 7: Geothermal flow<br />

and gradients within<br />

the planet’s stable zones<br />

and its geodynamically active<br />

ones and the energy stored<br />

within the top 5 kilometers<br />

of the lithosphere<br />

(accessible via borehole).<br />

© BRGM


Eau de pluie<br />

Le stockage géologique<br />

et ses perspectives<br />

Le développement des activités humaines à la surface<br />

de la planète aboutit à un certain encombrement de<br />

l’espace, notamment dans les mégapoles [Varet J. (2009)]<br />

ou les zones industrielles. Mêmes les zones agricoles<br />

et les espaces naturels méritent d’être préservés pour<br />

leurs fonctions spécifiques. De ce fait, le sous-sol offre<br />

des solutions attractives, compte tenu de l’espace<br />

disponible à la verticale du lieu concerné et de la diversité<br />

de ses caractéristiques géologiques selon la<br />

profondeur. Dans le domaine de l’énergie, on est encore<br />

loin d’avoir optimisé la gestion de l’espace en 3D. Or, non<br />

seulement cet espace peut être dédié à des fonctions<br />

spécifiques de stockage d’énergie, de CO2 [Varet J. (2006)]<br />

ou de déchets (nucléaires, par exemple), mais encore il<br />

est possible de développer des utilisations combinées<br />

(extraction de matière première minérale et stockage,<br />

par exemple).<br />

Les choix et formes possibles de stockage d’énergie<br />

sont très nombreuses, qu’il s’agisse de gaz (méthane,<br />

pratiqué de longue date, air comprimé, hydrogène),<br />

de liquide (hydrocarbure, eau chaude ou autre fluide<br />

Réservoir géothermal<br />

Eau chaude<br />

+ vapeur<br />

Zone supercritique<br />

Roche chaude Roche chaude<br />

Magma (800 à 1 200 °C)<br />

Fig. 8 : Coupe schématique d’un gisement géothermique<br />

de haute température classique, avec source de chaleur<br />

magmatique (800 à 1 200 °C à une profondeur de 5 à 10 km),<br />

zone supercritique dominée par des fluides salins<br />

et chargés en métaux dissous, réservoir géothermal<br />

exploitable (température de 150 à 300 °C) et couverture<br />

imperméable, avec réalimentation naturelle du gisement<br />

par des eaux météoritiques et/ou marines.<br />

Eau de pluie<br />

Fig. 8: Schematic section of a classic high-temperature<br />

geothermal deposit, having a magmatic heat source<br />

(800 to 1200 °C at a depth of 5 to 10 km), a supercritical zone<br />

dominated by saline fluids charged in dissolved metals,<br />

an exploitable geothermal reservoir (temperature between<br />

150 and 300 °C) and impermeable cover, with a natural<br />

recharge of the deposit by meteoric waters or seawater.<br />

Source : La géothermie, collection les enjeux des Géosciences, BRGM/Ademe<br />

caloporteur) ou de formes d’énergie cinétique ou<br />

thermique. Quelques exemples sont détaillés dans les<br />

articles qui suivent, au sein de ce volume.<br />

Ce tour d’horizon permet de dresser un tableau montrant<br />

la part essentielle des disciplines géologiques – qu’elles<br />

soient fondamentales ou liées à l’ingénierie et aux<br />

technologies innovantes – dans la résolution des problèmes<br />

posés par la « transition énergétique », pour passer en<br />

quelques décennies du « tout fossile » au « tout renouvelable<br />

». Même si les ressources à mobiliser proviendront<br />

plus largement des flux issus des « enveloppes externes »<br />

de la planète, les sciences de la terre continueront à<br />

apporter une contribution déterminante, qu’il s’agisse<br />

de la production ou du stockage. En définitive, les métiers<br />

des géosciences devront s’engager simultanément sur<br />

deux fronts : celui de la découverte de ressources toujours<br />

plus profondes et difficiles d’accès, nécessitant des<br />

technologies toujours plus sophistiquées, et celui des<br />

procédés d’utilisation du sous-sol pour un meilleur usage<br />

de l’énergie et au service des énergies renouvelables<br />

et décarbonées. Voilà des perspectives mobilisatrices<br />

pour la jeunesse, la formation et les entreprises<br />

innovantes. n<br />

Geology and Energy<br />

Ease of access to low-cost<br />

energy over recent decades<br />

in our self-styled “developed”<br />

countries has caused a<br />

majority of people to loose<br />

sight of the very origin of<br />

these resources that have<br />

procured such abundance and<br />

well-being. Humanity, today,<br />

relies essentially on fossil fuels<br />

discovered in the sub-surface<br />

of planet Earth, mainly in the<br />

pre-1980 years, notably thanks<br />

to conceptual leaps made<br />

possible by newly achieved<br />

discoveries of global tectonics,<br />

space imagery and applied<br />

geophysics. While continual<br />

technical advances enable<br />

ever-deeper resources to be<br />

tapped, climate constraints<br />

force us to reconsider the very<br />

bases of these delicate<br />

balances. They will necessarily<br />

need to be revised via<br />

improved adaptation of supply<br />

to demand, mastering<br />

consumption and recourse<br />

to sustainable, carbon-free<br />

energy sources. Now, while<br />

these mobilize resources in the<br />

planet’s outermost envelopes<br />

(solar and wind power, ocean<br />

energy, biomass...),<br />

the geosciences are once again<br />

called into play to devise<br />

the very infrastructures<br />

for these energy-producing<br />

systems, thereby enabling<br />

geothermal resources and<br />

underground storage solutions<br />

to be developed.<br />

And this, whether we are<br />

ensuring “clean” use of fossil<br />

fuels (and notably the most<br />

abundant of these, coal) or<br />

making available the storage<br />

solutions that are an absolute<br />

necessity for these renewable<br />

energies, essentially<br />

intermittent by nature.<br />

Bibliographie : Bard, E. (2006) – Variations climatiques naturelles et anthropiques. In BRGM Revue Géosciences n° 3 : le Changement climatique, p. 30-35. BRGM (2005) – Pour une Terre durable, collection<br />

Les enjeux des Géosciences, 2 e édition. BRGM (2009) – « 10 enjeux des Géosciences » – Dossier spécial Année internationale de la Planète Terre, 124 p. BRGM/ADEME (2008) – « La géothermie, quelles technologies<br />

pour quels usages ? » – Collection Enjeux des Géosciences, 64 p., 2 e édition. Höök, M., Li J., Johansson, K., Snowden, S. (2012) – Growth rates of global energy systems and future outlooks. Natural Resources<br />

Research, Vol. 21, No.1. Varet, J. (2005) – Les matières premières minérales : flambée spéculative ou pénurie durable ? in Futuribles, Alerte sur les Matières Premières, n° 306, p. 5-24. Varet, J. (2006) – Capture<br />

et stockage du dioxide de carbone : le rapport du GIEC. In BRGM Revue Géosciences n° 3: le Changement climatique, p. 72-78. Varet, J. (2009) – Voir la ville en 3D. In BRGM Géosciences n° 10 : Villes et géologie<br />

urbaine, p. 6-7.


16<br />

géothermie<br />

géothermie : source d’indépendance énergétique et de développement durable<br />

Déjà présente dans 78 pays,<br />

la production d’énergie<br />

géothermique (chaleur et électricité<br />

confondues) constitue<br />

une importante source<br />

de développement.<br />

Avec plus de 11 GW de capacité<br />

installée dans le monde (soit<br />

l’équivalent de douze réacteurs<br />

nucléaires), la production électrique<br />

d’origine géothermique assure<br />

déjà entre 10 et 30 % des besoins<br />

de six pays, dont les Philippines<br />

et le Costa Rica.<br />

Les autres applications de<br />

la géothermie, dans l’agriculture,<br />

l’industrie ou le chauffage urbain,<br />

se développent à cadence élevée<br />

partout dans le monde.<br />

Erwan Bourdon<br />

CFG Services<br />

e.bourdon@cfg.brgm.fr<br />

Dominique Tournaye<br />

CFG Services<br />

d.tournaye@cfg.brgm.fr<br />

Tête de puits, centrale géothermique de Fang,<br />

Thaïlande.<br />

Wellhead, Fang geothermal power plant,<br />

Thailand.<br />

© P. Eurin.<br />

Géothermie : source<br />

d’indépendance<br />

énergétique et de<br />

développement durable<br />

Une énergie accessible à tous<br />

Les ressources géothermiques sont virtuellement accessibles partout dans le monde,<br />

soit par l’utilisation directe ou indirecte de la chaleur des systèmes de moyenne à<br />

haute énergie (> 90 °C), soit par l’utilisation de pompes à chaleur pour les ressources<br />

de basse énergie.<br />

Les ressources géothermiques les plus intéressantes, situées dans des réservoirs de moyenne<br />

à haute température (> 90 °C) à faible profondeur (< 2-3 km), sont constituées d’eau chaude<br />

et/ou de vapeur d’eau et sont présentes sur l’ensemble des continents (figure 1). Elles<br />

sont donc une source d’énergie importante pour le développement, notamment dans<br />

les pays dépourvus de ressources en énergies fossiles ou dans les zones dépourvues<br />

d’infrastructures. Ces ressources de<br />

moyenne à haute énergie sont localisées<br />

essentiellement dans les zones présentant<br />

une activité volcanique et/ou tectonique<br />

récente ayant engendré une anomalie<br />

géothermique locale ou régionale (figure 2).<br />

Tous les pays bordant l’océan Pacifique<br />

présentent un fort potentiel : du Chili, à<br />

Tous les pays bordant l’océan<br />

Pacifique présentent un fort<br />

potentiel géothermal.


80 MW<br />

< 500 MW<br />

< 1 000 MW<br />

< 3 100 MW<br />

Prévisions 2015<br />

geothermal energy: a source of energy independence and sustainable development<br />

Fig. 1 : Carte mondiale des zones les plus favorables (couleur<br />

orange) pour la production d’énergie d’origine géothermique.<br />

État des capacités en production électrique d’origine<br />

géothermale installée en 2010 (ronds rouges) et prévues pour<br />

2015 (cercles en pointillés rouges).<br />

Fig. 1: World map of the most favorable zones (in orange) for<br />

geothermal energy production. Status of geothermal power<br />

generation installed capacities in 2010 and projected for 2015<br />

(red dashed circles). © BRGM, CCGM<br />

l’extrémité sud du continent sud-américain, à la<br />

Nouvelle-Zélande, en passant par l’Amérique centrale,<br />

les États-Unis, le Japon, les Philippines et la Micronésie.<br />

Dans l’océan Indien, l’Indonésie présente le plus fort potentiel<br />

géothermique en raison de sa forte activité volcanique<br />

plio-quaternaire. La plupart des îles volcaniques du<br />

globe possèdent, à des degrés divers, des ressources exploitables<br />

: il s’agit aussi bien des îles intraocéaniques comme<br />

Hawaii, l’Islande ou la Réunion, que des arcs insulaires<br />

(Petites Antilles, Sandwich, Vanuatu, etc.). Enfin, les grands<br />

domaines continentaux tectonisés aux frontières de<br />

plaques, liés ou non à du volcanisme récent, présentent<br />

aussi un grand intérêt ; de la chaîne alpine stricto sensu<br />

à l’Himalaya, en passant par la Turquie, ainsi que le rift<br />

est-africain (voir encadré page 24).<br />

Par ailleurs, bien que moins spectaculaires, les ressources<br />

de basse énergie existent dans un grand nombre de<br />

Boiling Lake<br />

sur l’île de la<br />

Dominique<br />

(Arc des Antilles).<br />

Il est situé dans<br />

un ancien cratère<br />

d’explosion de la Vallée<br />

de la Désolation.<br />

Sa température<br />

varie entre 80 et 90 °C<br />

et son pH entre 4 et 6.<br />

Boiling Lake on<br />

the Caribbean island<br />

of Dominica.<br />

It occupies an extinct<br />

explosive crater<br />

in the Desolation<br />

Valley.<br />

Water temperature<br />

ranges between<br />

80 and 90 °C<br />

and its pH between<br />

4 and 6.<br />

© CFG Services – E. Bourdon<br />

17<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


18<br />

géothermie : source d’indépendance énergétique et de développement durable<br />

Caprock imperméable<br />

(conduction thermique)<br />

Réservoir<br />

(convection thermique)<br />

Roche imperméable<br />

(conduction thermique)<br />

Puits<br />

géothermique<br />

pays et sont généralement liées à de grands bassins<br />

sédimentaires suffisamment profonds pour posséder<br />

des aquifères chauffés par un gradient géothermique<br />

« normal ». C’est le cas du Bassin parisien, en France, déjà<br />

exploité depuis plus de trente ans, et des grands aquifères<br />

continentaux du Maghreb, de Chine centrale ou<br />

d’Asie centrale (Kazakhstan, par exemple).<br />

Des ressources variées<br />

pour des applications diversifiées<br />

Fluides chauds<br />

Souvent qualifiée d’« énergie nouvelle » en raison de<br />

son application récente dans la production d’électricité<br />

décarbonée, la géothermie est en réalité utilisée depuis<br />

l’Antiquité, de façon directe, notamment dans les bains<br />

thermaux dont de nombreux sites sont encore en<br />

activité de nos jours. En puissance thermique produite,<br />

le thermalisme constitue d’ailleurs toujours aujourd’hui<br />

la deuxième application de la géothermie dans le monde.<br />

Le type d’application de la géothermie dépend essentiellement<br />

de la température de la ressource exploitée.<br />

Ainsi, on distingue les utilisations indirectes de la<br />

géothermie (principalement, la production d’électricité<br />

via le turbinage d’un fluide vaporisé) et les utilisations<br />

directes qui vont extraire du fluide géothermal les<br />

calories nécessaires (pour le chauffage ou un processus<br />

industriel, par exemple). En 2011, il existait une puissance<br />

Source chaude<br />

ou fumerolle<br />

Zone de recharge<br />

Flux de chaleur<br />

(conduction)<br />

Intrusion magmatique<br />

Eau<br />

météorique<br />

froide<br />

électrique installée de 11 000 MWe (figure 1) dans le<br />

monde et une puissance thermique de 50 600 MWth.<br />

Cette dernière permet la production de près de 122 GWh<br />

d’énergie géothermique par an pour des applications<br />

très diversifiées.<br />

La première d’entre elles est le chauffage par pompe<br />

à chaleur (figure 3). Elle tire généralement parti des<br />

ressources de très basse énergie (< 30 °C) dont elle extrait<br />

les calories pour les transférer à un fluide secondaire.<br />

Les capacités installées ont été multipliées par sept<br />

depuis l’an 2000 et, parmi les 43 pays utilisant cette<br />

technologie, elle est devenue une source significative<br />

de chauffage pour les maisons individuelles en Suède,<br />

au Danemark et en Suisse.<br />

Avec des températures supérieures, la ressource<br />

géothermale peut être utilisée, toujours directement,<br />

pour le chauffage et la production d’eau chaude,<br />

notamment de quartiers urbains entiers via des<br />

Fig. 2 : Modèle<br />

conceptuel<br />

d’un système<br />

géothermal.<br />

Fig. 2: Diagram<br />

of a geothermal<br />

system.<br />

© BRGM – Art Presse<br />

En puissance thermique produite, le thermalisme<br />

constitue aujourd’hui la deuxième application<br />

de la géothermie dans le monde.


geothermal energy: a source of energy independence and sustainable development<br />

Fig. 3 : Proportion d’utilisation de la chaleur d’origine<br />

géothermique pour les principales applications.<br />

Fig. 3: Proportion of geothermal heat use for the main<br />

applications.<br />

Source : IGA (International Geothermal Association).<br />

réseaux de chaleur. Les pays en pointe dans ce domaine<br />

sont la France (avec le Bassin parisien et le Bassin<br />

aquitain), l’Islande et la Chine. Également dans le<br />

domaine urbain, les ressources géothermales peuvent<br />

être utilisées en hiver pour le dégivrage de ponts,<br />

de trottoirs ou même de pistes d’aéroports. Par ailleurs,<br />

si la ressource est suffisamment chaude (généralement<br />

supérieure à 90 °C), elle peut aussi être utilisée pour<br />

produire du froid via une pompe à sorption.<br />

Dans le domaine industriel, la géothermie peut<br />

permettre la désalinisation de l’eau de mer, le séchage<br />

de produits, la pasteurisation, la production de ciment.<br />

La récupération de métaux dissous (lithium, par exemple)<br />

et de gaz à partir des eaux géothermales peut représenter<br />

une valorisation complémentaire. Les autres<br />

applications incluent des utilisations dans le domaine<br />

de l’agriculture : chauffage de serres et de bâtiments<br />

agricoles, aquaculture, séchage de produits agricoles.<br />

La Tunisie, par exemple, exploite depuis plusieurs années<br />

la géothermie dans le domaine agricole, notamment<br />

dans le sud du pays (zones de Kebili, Tozeur, Gabes et<br />

Gafsa). La ressource hydrothermale est puisée dans<br />

des grands aquifères continentaux d’âge mio-pliocène<br />

ou Crétacé inférieur. La température de la ressource<br />

peut monter jusqu’à 83 °C. Sa première utilisation est<br />

le chauffage et l’irrigation des serres de culture qui<br />

se développent à cadence élevée dans le sud du pays.<br />

De 111 ha en 2005, leur surface est passée à 194 hectares<br />

en 2010 avec un objectif affiché de 315 hectares en 2016.<br />

Le chauffage et l’irrigation permettent une croissance<br />

optimale des cultures maraîchères sous serres qui ne<br />

souffrent plus de la baisse sensible des températures<br />

pendant la nuit.<br />

Une réponse à la crise énergétique<br />

mondiale et au changement climatique<br />

Propre, renouvelable et la plupart du temps économique,<br />

la géothermie constitue, avec les autres énergies<br />

nouvelles, une solution de remplacement crédible face<br />

à l’épuisement des énergies fossiles et répond également<br />

aux enjeux de lutte contre le réchauffement<br />

climatique. En fonction du facteur de capacité considéré<br />

(qui est très élevé pour la géothermie, au contraire de<br />

l’éolien ou du solaire électrique qui ne peuvent pas<br />

être utilisés en moyens de production de base), le coût<br />

du kWh peut descendre jusqu’à 5 cts US$ pour les<br />

Bains et<br />

balnéologie<br />

30,4 %<br />

Usages<br />

industriels<br />

4 %<br />

Séchage de<br />

produits agricoles<br />

0,7 %<br />

Aquaculture<br />

4 %<br />

Refroidissement<br />

déneigement<br />

0,7 %<br />

Chauffage<br />

de serres<br />

7,6 %<br />

Autres<br />

0,4 %<br />

Chauffage<br />

urbain<br />

20,2 %<br />

> Yanqing : du chauffage au charbon<br />

à la géothermie<br />

Chauffage<br />

par pompe<br />

à chaleur<br />

32 %<br />

Le district de Yanqing, à proximité de Pékin (Chine), mène une politique<br />

volontariste d’utilisation des énergies renouvelables dans le cadre de sa<br />

croissance urbaine. Menée en partenariat avec CFG Services et Dalkia, une<br />

étude de faisabilité a été finalisée en 2012 sur l’utilisation de la géothermie<br />

pour le chauffage urbain et la production d’eau chaude sanitaire pour près<br />

de 1 000 000 m2 de surface de bâtiments à construire. Les résultats de l’étude<br />

montrent que quatre doublets géothermiques forés à moins de 2 000 mètres<br />

dans le réservoir géothermal présent sous la ville<br />

pourraient permettre de couvrir jusqu’à 75 % des des<br />

besoins en énergie du complexe urbain. En substituant<br />

cette ressource géothermale à 71 °C au traditionnel<br />

chauffage par centrales<br />

à charbon, Yanqing<br />

pourrait éviter le rejet<br />

de 15 à 30 000 tonnes<br />

de CO2 par an, promettant<br />

ainsi d’améliorer<br />

sensiblement la qualité<br />

de l’air de la ville. ■<br />

Forage géothermique<br />

à Yanqing, Chine.<br />

Geothermal drilling<br />

at Yanqing, China.<br />

© CFG Services –<br />

D. Tournaye<br />

19<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


20<br />

géothermie : source d’indépendance énergétique et de développement durable<br />

plus grosses unités de production, soit un coût de<br />

production bien inférieur à celui d’une turbine à combustion<br />

ou d’une turbine vapeur alimentée au charbon<br />

de même puissance (figure 4). Ces prix sont équivalents<br />

à ceux obtenus via les centrales hydrauliques, qui<br />

ont généralement un facteur de capacité plus faible<br />

(lié à la variation de disponibilité de l’eau au cours<br />

des saisons) et pour un impact environnemental sensiblement<br />

plus faible (la construction d’un barrage<br />

hydro-électrique nécessitant la neutralisation d’un<br />

espace foncier nettement plus important que pour<br />

une centrale géothermique).<br />

La géothermie émet en moyenne<br />

3 à 8 fois moins de CO2 que<br />

le charbon, le pétrole ou le gaz.<br />

Dans le contexte de lutte contre le réchauffement<br />

climatique mondial et de maîtrise des rejets en CO2<br />

qui lui est associé, la géothermie présente un avantage<br />

indéniable sur la combustion des énergies fossiles<br />

(encadré Yanqing). Ce mode de production d’électricité<br />

n’est pas exempt de rejets de CO2 puisque, lors de<br />

l’extraction de la vapeur d’eau nécessaire au fonctionnement<br />

de la turbine, un certain nombre de gaz<br />

incondensables (dont le CO2) initialement dissous<br />

dans le fluide géothermal (quelques pour cent), sont<br />

extraits du sous-sol. Ces gaz peuvent éventuellement<br />

être captés en sortie de turbine et être valorisés pour<br />

l’industrie. En règle générale, ils sont cependant rejetés<br />

directement dans l’atmosphère. Néanmoins, en termes<br />

de grammes de CO2 par kWh produit, la géothermie<br />

émet en moyenne 3 à 8 fois moins de CO2 que le<br />

charbon, le pétrole ou le gaz (figure 5). Les cycles binaires<br />

qui n’utilisent pas la vapeur d’eau pour le turbinage,<br />

mais extraient les calories du fluide géothermal total<br />

avant de le réinjecter dans le réservoir ont une émission<br />

de CO2 virtuellement nulle.<br />

La géothermie<br />

et le développement rural<br />

Si pour des raisons d’économie d’échelle, les grandes<br />

centrales géothermiques de production électrique<br />

ont été favorisées dès les premiers pas de la géothermie,<br />

le développement de la petite géothermie<br />

$ par kWh<br />

Émissions moyennes de CO2 en g/kWh<br />

0,35<br />

0,30<br />

0,25<br />

0,20<br />

0,15<br />

0,10<br />

0,05<br />

0<br />

1 000<br />

900<br />

800<br />

700<br />

600<br />

500<br />

400<br />

300<br />

200<br />

100<br />

0 20 40 60 80 100<br />

Facteur de capacité (en %)<br />

0<br />

Fig. 4 : Comparaison des coûts<br />

de production du kWh pour<br />

différents modes de production en<br />

fonction du facteur de capacité.<br />

Turbine-vapeur<br />

au gasoil lourd<br />

Turbine-vapeur<br />

au charbon<br />

Turbine<br />

à combustion<br />

au gasoil<br />

Petite<br />

hydro-électricité<br />

Grande<br />

hydro-électricité<br />

Grande<br />

géothermie<br />

Fig. 4: Comparison of production<br />

costs per kWh for different production<br />

means versus the capacity factor.<br />

Source : Banque Mondiale.<br />

Charbon Pétrole Gaz naturel Géothermie<br />

Fig. 5 : Moyenne des émissions<br />

de CO2 (g/kWh) pour différentes<br />

sources d’énergie.<br />

(puissance inférieure à 5 MWe) pour l’électrification<br />

rurale connaît un essor certain. Elle tire généralement<br />

avantage de réservoirs géothermaux de dimensions<br />

restreintes et de faibles températures (100 à 170 °C)<br />

à travers l’utilisation de cyles binaires. Les plus petites<br />

de ces centrales géothermiques (100 à 300 kWe) peuvent<br />

être construites et contenues dans un simpe container<br />

standard et donc être facilement transportables<br />

partout dans le monde. Leur conception leur permet de<br />

supporter des variations de charge instantanée (jusqu’à<br />

25 % de la puissance installée) assez fréquentes dans<br />

Fig. 5: Average CO2 emissions (g/kWh)<br />

produced by different energy sources.<br />

Source : IGA (International Geothermal<br />

Association).


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22<br />

géothermie : source d’indépendance énergétique et de développement durable<br />

Sources d’eau chaude<br />

du Parc national Mae<br />

Fang, Thaïlande.<br />

Hot springs in Mae Fang<br />

National Park, Thailand.<br />

© 123RF.


geothermal energy: a source of energy independence and sustainable development<br />

les systèmes électriques isolés. Ces centrales demandent<br />

peu d’entretien, peu de maintenance, présentent un<br />

facteur de disponibilité de près de 98 % et ne nécessitent<br />

pas d’importants systèmes de production<br />

électriques de back-up en cas d’avarie. Dans de nombreuses<br />

zones isolées et non reliées aux infrastructures<br />

de distribution d’électricité nationales (territoires insulaires,<br />

par exemple), la petite géothermie peut apporter<br />

une réponse compétitive, et adaptée, à l’absence d’électrification<br />

ou aux coûts sans cesse croissants des<br />

générateurs fonctionnant au diesel (encadré ci-contre).<br />

Ainsi, sur l’île de Flores, en Indonésie, la construction de<br />

deux unités de 2,5 MW en 2011 a permis de remplacer<br />

l’équivalent de 2 MWe de production via des générateurs<br />

diesel tout en assurant l’augmentation de la<br />

demande future estimée à 2,5 MWe. La production<br />

d’origine géothermique permet ainsi d’économiser près<br />

de 3 millions de dollars par an.<br />

Outre que cette énergie de substitution permet des<br />

économies susbstantielles, elle améliore la qualité de<br />

l’environnement en évitant la production de plusieurs<br />

milliers de tonnes de CO2. Par ailleurs, elle encourage<br />

la consommation d’électricité, qui serait restée dans le cas<br />

contraire trop chère, pour le bénéfice de la population<br />

locale : nouveaux usages, nouvelles industries, alimentation<br />

des hopitaux, etc. Au même titre que les autres<br />

énergies renouvelables, ces centres de productions<br />

décentralisés en électricité d’origine géothermique<br />

doivent faire l’objet d’une étude socio-économique<br />

relativement fine de la zone d’implantation pour<br />

s’assurer de leur compétitivité vis-à-vis des énergies<br />

fossiles. La puissance (de quelques kWe à plusieurs<br />

centaines de MWe), la technologie (vapeur sèche ou<br />

cycle binaire) d’une centrale géothermique et son<br />

environnement (contexte urbanisé, isolement,<br />

contraintes règlementaires, etc.) peuvent effectivement<br />

faire varier le coût du kWh de 1 à 4. Cependant, entre<br />

les coûts toujours croissants des carburants d’origine<br />

fossile et les coûts en baisse régulière des installations<br />

géothermiques depuis plusieurs années, l’avantage<br />

compétitif en faveur de la géothermie ne peut que<br />

s’accroître dans le futur .<br />

À Fang, en Thaïlande, la mise en place d’une unité de<br />

300 kWe en 1989 (et toujours en activité) a permis de<br />

diviser le coût de l’électricité par trois en remplaçant les<br />

générateurs diesel utilisés jusqu’alors. Mais le projet<br />

initial prévoyait également l’utilisation en cascade<br />

du fluide géothermal (à 116 °C) en sortie de turbine. Ce<br />

fluide est donc utilisé pour la production de froid pour<br />

> La Dominique : vers une électricité<br />

100 % verte grâce à la géothermie<br />

Située au cœur de l’arc des Petites Antilles, la Dominique est une île-nation de<br />

70 000 habitants. Ses besoins en électricité sont relativement modestes<br />

et couverts à l’heure actuelle à 25 % par l’hydroélectricité et à 75 % par des<br />

générateurs diesel. La Dominique possède également le potentiel géothermique<br />

le plus important des Petites Antilles. Le prospect de Wotten Waven, situé<br />

dans la vallée de Roseau, pourrait à lui seul permettre de fournir 120 MWe,<br />

soit une puissance six fois supérieure aux besoins de l’île. Les premiers<br />

forages exploratoires, terminés début 2012, ont confirmé la présence d’une<br />

ressource géothermale abondante exploitable à Wotten Waven. Deux unités<br />

de production de 2 x 5 MWe devraient bientôt voir le jour et permettre à l’île<br />

de se passer de ses générateurs diesel, devenant ainsi la première nation<br />

caribéenne dont l’électricité serait à 100 % d’origine renouvelable. Elle devrait<br />

même devenir, d’ici quelques années, exportatrice nette d’énergie en lançant la<br />

construction d’unités de plus grandes puissances, ce qui permettrait, via des<br />

câbles sous-marins, d’alimenter la Guadeloupe au nord et la Martinique au sud<br />

(soit 50 MWe pour chacune des deux îles françaises). ■<br />

La vallée de la Désolation en Dominique.<br />

Desolation Valley on Dominica Island. © BRGM.<br />

du stockage, pour le séchage de produits maraîchers et<br />

pour le fonctionnement d’un spa (figure 6). En fin de<br />

chaîne, l’eau est refroidie dans un étang à l’air libre avant<br />

d’être utilisée pour l’irrigation ou être rejetée dans<br />

le milieu naturel. Ainsi la géothermie irrigue-t-elle<br />

l’ensemble du tissu économique local.<br />

À l’heure actuelle, seule une petite fraction du<br />

potentiel géothermique de la Terre est exploitée.<br />

On s’attend à ce que, à elle seule, la capacité des<br />

centrales électriques géothermiques passe de<br />

11 GW aujourd’hui à 160 GW en 2050 (source AIE).<br />

23<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


24<br />

géothermie : source d’indépendance énergétique et de développement durable<br />

> Overview of geothermal resource exploration and development<br />

in the East African rift system<br />

Meseret Teklemariam Zemedkun – United Nations Environment Programme – Regional Office for Africa, Nairobi, Kenya –<br />

Meseret.zemedkun@unep.org<br />

The East African Rift System (EARS) is one of the Earth’s major<br />

tectonic structures where the geothermal energy escapes<br />

to the surface. This energy flow is expressed through volcanic<br />

eruptions, earthquakes and the upward transport of heat via<br />

hot springs and natural vapor emissions. The EARS extends over<br />

about 6500 km, from the Middle East (Dead Sea-Jordan Valley)<br />

in the North to Mozambique in the South, passing through<br />

Eritrea, Djibouti, Ethiopia, Kenya, Tanzania, Uganda, Rwanda,<br />

the Democratic Republic of Congo (DRC), Zambia, Malawi,<br />

Mozambique and Madagascar (figure). The estimated<br />

geothermal energy resource potential in the EARS exceeds<br />

20,000 MWe.<br />

Despite the high geothermal potential of the EARS, only<br />

Kenya and Ethiopia are actually exploiting it, with an installed<br />

capacity of about 217 MWe. Countries such as Djibouti, Eritrea,<br />

Tanzania, Uganda, Rwanda and Comoros are at various exploration<br />

stages. So far, the other countries have not progressed<br />

beyond preparing inventories of the resource potential.<br />

Geothermal development in the East African region has<br />

been hindered by risk factors: those implied in resource<br />

exploration and development, and financial risks incurred<br />

when implementing the projects. Insufficient investment and<br />

inadequate institutional structures in many countries have<br />

also contributed to the slow pace of development. To overcome<br />

these obstacles and allow geothermal development to be<br />

accelerated in EARS countries, a regional geothermal resource<br />

development approach needs to be adopted. One of the main<br />

programmes representative of this approach is the African Rift<br />

Geothermal Development Facility Project (ARGeo (1) ).<br />

The ARGeo Project is a GEF (2) funded project implemented<br />

by UNEP (3) .The project’s objective is to promote geothermal<br />

resource utilization by reducing the risks associated with<br />

resource’s exploration and development. ARGeo aims to<br />

stimulate geothermal energy investments from both the<br />

public and private sectors. It will notably promote the utilization<br />

of the resource in agriculture and industry. ■<br />

(1) http://www.worldbank.org/projects<br />

(2) GEF (Global Environment Facility) is the largest public funder of projects to<br />

improve the global environment. http://www.thegef.org/gef/home<br />

(3) UNEP (United Nations Environment Programme). http://www.unep.org<br />

East<br />

African<br />

Rift<br />

Western<br />

Branch<br />

The Great East African Rift System.<br />

Le système du grand rift est-africain.<br />

© Nasa, BRGM<br />

Nile<br />

River<br />

AFRICAN<br />

PLATE<br />

(Nubian) ‘Erta ’Ale<br />

Ethiopian Rift<br />

Eastern<br />

Branch<br />

Lake<br />

Victoria<br />

Red Sea<br />

Oldoinyo<br />

Lengai<br />

East African Rift Zone<br />

Plate Boundaries<br />

Active Volcanoes<br />

Persian Gulf<br />

ARABIAN PLATE<br />

Gulf of Aden<br />

EURASIAN<br />

PLATE<br />

INDIAN<br />

PLATE<br />

Equator<br />

AFRICAN<br />

PLATE<br />

(Somalian)


geothermal energy: a source of energy independence and sustainable development<br />

La moitié de cette puissance installée proviendra des<br />

systèmes EGS (ou systèmes géothermaux activés ; voir<br />

article de S. Gentier, ce numéro) quand cette technologie<br />

arrivera à maturité. En attendant, le développement<br />

de la géothermie « classique » ces prochaines années<br />

aura lieu principalement dans les pays en voie de<br />

développement qui possèdent la majorité du potentiel<br />

existant. Cette dernière fait face à de nombreux défis<br />

dont le principal reste le financement de ces projets qui<br />

nécessitent une dépense en capitaux importante avant<br />

même que la ressource géothermale n’ait été prouvée<br />

(c’est le « risque géologique »). La France a été pionnière<br />

dans la couverture du risque des projets géothermiques<br />

dès les années 1980, notamment dans le Bassin parisien,<br />

qui garantit un remboursement partiel des frais<br />

engagés si la ressource géothermale n’est pas présente<br />

en quantité et qualité à l’issue des forages ou durant<br />

l’exploitation. De tels fonds de couverture du risque<br />

sont à l’étude aussi bien pour la région Caraïbe que<br />

dans la zone des Grands Lacs en Afrique de l’Est. Leur<br />

mise en place devrait permettre de « libérer » les importants<br />

capitaux privés ou publics qui seront nécessaires<br />

pour le développement de la géothermie dans ces<br />

régions. ■<br />

Générateur<br />

Turbine<br />

Turbine<br />

à cycle binaire<br />

Grille électrique<br />

triphasée à 22kV<br />

Production<br />

de froid pour<br />

entrepôts<br />

Alimentation<br />

d’infrastructures<br />

touristiques<br />

Séchage<br />

de produits<br />

agricoles<br />

Transformateur<br />

Étang<br />

Silencieux<br />

Valve de<br />

contrôle<br />

Pompe<br />

d’eau<br />

chaude<br />

Fig. 6 : Exemple d’utilisation en cascade<br />

de la ressource géothermale<br />

en domaine rural à Fang (Thaïlande).<br />

Fig. 6: Example of a cascading scheme<br />

for the geothermal resource in a rural<br />

context at Fang (Thaïland).<br />

© BRGM (modifié d’après EGAT).<br />

Séparateur<br />

Pompe<br />

d’eau<br />

froide<br />

Irrigation<br />

de champs<br />

FGTE-14<br />

Puits<br />

de production<br />

Barrage<br />

FGTE-15<br />

Puits<br />

de production<br />

Tour de<br />

refroidissement<br />

Geothermal energy: a source<br />

of energy independence and<br />

sustainable development<br />

With over 11 GWe installed capacity<br />

worldwide, geothermal energy has<br />

already proved to be an economically<br />

and environmentally sound response<br />

to mounting oil and gas prices and<br />

global climate change. It already<br />

covers between 10 and 30%<br />

of electricity consumption in<br />

six countries including the Philippines<br />

and Costa Rica. Geothermal resources<br />

are found on all continents, either<br />

along tectonic plate margins (in<br />

high-enthalpy reservoirs often<br />

associated with volcanic contexts)<br />

or in large sedimentary basins<br />

(in low-enthalpy aquifer reservoirs).<br />

Geothermal heat still serves largely<br />

to heat homes via heat pumps.<br />

However, depending on the resource<br />

temperature, its applications may vary<br />

widely: urban district heating, melting<br />

snow, industrial (paper and concrete<br />

manufacture) and agricultural uses<br />

(drying crops, heating greenhouses),<br />

ice production, air conditioning...<br />

In isolated areas (islands or continental<br />

regions unconnected to the national<br />

power grid), where power is mainly<br />

or entirely generated by diesel turbines,<br />

small geothermal power plants can be<br />

cost-effective enough to significantly<br />

lower the price of electricity, while<br />

creating new agricultural, industrial<br />

or recreational activities through<br />

the utilization of waters separated<br />

from the geothermal fluid.<br />

Furthermore, by cutting CO2 emissions<br />

by a factor of 3 to 9 (as well as other<br />

pollutants) compared to fossil energy<br />

sources, geothermal power generation<br />

can substantially improve local air<br />

quality, thus helping combat global<br />

warming. By 2050, EGS (Enhanced<br />

Geothermal Systems) is expected to be<br />

a major contributor to worldwide<br />

growth in the sector. Meanwhile,<br />

unleashing the conventional<br />

geothermal potential in developing<br />

countries will necessitate a massive<br />

public and private financial effort, its<br />

related risk being minimized through<br />

Geothermal Risk Coverage Funds such<br />

as the one already existing in France’s<br />

Paris Basin since the 1980’s.


26<br />

caraïbe<br />

développement de la géothermie dans la caraïbe<br />

Les Petites Antilles constituent<br />

un arc insulaire volcanique favorable<br />

à l’existence de ressources<br />

géothermiques.<br />

La géothermie peut contribuer<br />

à diminuer la dépendance énergétique<br />

de la région tout en fournissant<br />

une électricité à relativement bon<br />

marché, facteur de développement<br />

économique.<br />

Le projet « Géothermie Caraïbe » vise<br />

à préparer les conditions nécessaires<br />

au développement local<br />

de la géothermie, dans le cadre d’une<br />

démarche de développement durable<br />

prenant en compte la fragilité<br />

des territoires concernés,<br />

à la biodiversité riche, et foncièrement<br />

contraints par leur insularité.<br />

Philippe Laplaige<br />

Ademe<br />

Ingénieur expert en charge<br />

des programmes de géothermie<br />

philippe.laplaige@ademe.fr<br />

Harry Durimel<br />

Vice-Président du Conseil régional,<br />

Président de la commission des énergies<br />

harry.durimel@cr-guadeloupe.fr<br />

Jean-Marc Mompelat<br />

Directeur interrégional Antilles-Guyane<br />

du BRGM<br />

jm.mompelat@brgm.fr<br />

La haute vallée de Roseau, la Dominique.<br />

Le potentielgéothermique de cette région<br />

est estimé au moins à 120 MWe.<br />

The upper Roseau valley, Dominica. The geothermal potential<br />

for this area is estimated to be at least 120 MWe.<br />

© Dominica Film Office.<br />

Développement<br />

de la géothermie<br />

dans la Caraïbe<br />

La géothermie dans la Caraïbe : un potentiel sous-exploité<br />

Les Petites Antilles constituent un arc insulaire où le volcanisme actif est entretenu<br />

par la subduction de la plaque océanique atlantique sous la plaque caraïbe (figure 1).<br />

Ce contexte géologique est propice à l’existence de ressources géothermiques<br />

haute énergie valorisables pour produire de l’électricité.<br />

Exploitée industriellement avec des projets jusqu’à quelques dizaines de mégawatts, la<br />

géothermie peut contribuer à diminuer la dépendance énergétique de la région. En effet,<br />

hormis Trinidad et Tobago, toutes les îles de l’arc antillais importent des combustibles<br />

fossiles pour leur production d’électricité, entraînant, sur le plan économique, des coûts<br />

de production élevés qui pénalisent leur<br />

développement. Il en est de même sur le<br />

plan environnemental, avec des émissions<br />

de gaz nocifs (oxydes d’azote et de soufre…)<br />

et de gaz à effet de serre (CO2).<br />

En tant que ressource locale, la géothermie<br />

est donc une composante importante à<br />

intégrer dans les scénarios de développement<br />

socio-économique des îles des Antilles<br />

– au moins dans les îles de Nevis, Montserrat,<br />

Un contexte géologique<br />

particulièrement favorable<br />

à l’existence de ressources<br />

géothermiques<br />

de haute énergie.


Fig. 1 : Arc insulaire des Petites Antilles<br />

et zone de subduction.<br />

Fig. 1: The Lesser Antilles archipelago<br />

and subduction zone.<br />

© ADEME<br />

la Guadeloupe, la Dominique, la Martinique, Sainte-<br />

Lucie, Saint-Vincent et Grenade – en complément<br />

d’autres ressources locales (hydraulique, photovoltaïque,<br />

éolienne, marine, biomasse).<br />

Le tableau 1 indique la situation des différentes îles de<br />

l’Arc antillais vis-à-vis des principales étapes jalonnant<br />

classiquement le développement de champs géothermiques<br />

:<br />

– la reconnaissance préliminaire, qui cible les zones a<br />

priori favorables à l’existence de gisements géothermiques<br />

;<br />

– les études de préfaisabilité, qui valident l’existence de<br />

gisements géothermiques ;<br />

– les forages d’exploration, qui confirment l’existence<br />

d’un réservoir géothermique et permettent d’en apprécier<br />

les caractéristiques (profondeur, étendue,<br />

perméabilité, propriétés du fluide géothermal) ;<br />

– l’exploitation du réservoir et la réalisation du projet<br />

de production d’électricité.<br />

Principales ressources géothermiques<br />

de la Caraïbe<br />

Nevis<br />

Située au nord de la Guadeloupe, l’île de Nevis est constituée<br />

d’un unique complexe volcanique où sept centres<br />

volcaniques principaux sont identifiés, les plus anciens<br />

étant âgés de 3,4 à 2,7 Ma. La roche la plus ancienne<br />

de l’île est un conglomérat daté de l’Éocène moyen.<br />

Contrairement à d’autres îles voisines, Nevis n’a pas<br />

connu d’activité volcanique historique. Elle possède un<br />

volcan récent (Nevis Peak Volcano) situé au centre de<br />

l’île (altitude : 985 mètres) qui s’est manifesté il y a<br />

environ 100 000 ans par la mise en place de nuées<br />

ardentes et de deux dômes de laves. La présence de<br />

trois zones de sources chaudes et fumerolles sur le flanc<br />

ouest du volcan témoigne de l’existence d’un système<br />

géothermal haute température dont l’origine serait liée<br />

à cette activité volcanique récente. La surface de la zone<br />

d’intérêt est évaluée à environ 12 km 2 . Les premiers<br />

sondages d’exploration réalisés en 2008 ont confirmé<br />

l’existence de conditions de températures élevées<br />

(250 °C) à des profondeurs inférieures à 1 000 mètres.<br />

Le potentiel est estimé entre 30 et 50 MWe.<br />

20°<br />

19°<br />

18°<br />

17°<br />

16°<br />

15°<br />

14°<br />

13°<br />

12°<br />

11°<br />

10°<br />

developing geothermal energy in the caribbean<br />

Puerto-Rico<br />

PLAQUE<br />

CARAÏBE<br />

- 4 000 m<br />

Reconnaissance<br />

préliminaire<br />

Saba oui<br />

Saint-Eustache oui<br />

Saint-Kitts oui<br />

Études de<br />

préfaisabilité<br />

- 6 000 m<br />

˚ ˚ ˚ ˚ ˚ ˚<br />

Mt. Scenery Saba<br />

St-Eustatius<br />

The Quill<br />

Saint-Kitts<br />

Mt. Liamuiga Nevis<br />

Nevis Peak<br />

Montserrat<br />

Soufrière Hills<br />

Morne Aux Diables<br />

Morne Diablotins<br />

Morne Trois Piton/Micotrin<br />

Watt Mt/Valley of Desolation<br />

Morne Anglais<br />

Grand Soufrière Hills<br />

Plat Pays Volcanic Complex<br />

Venezuela<br />

La Soufrière<br />

Soufrière<br />

Volcanic Centre<br />

The Soufrière<br />

Kick ‘em Jenny<br />

Ronde/Caille<br />

Mt. St. Catherine<br />

Montagne Pelée<br />

Fosse de Puerto-Rico<br />

Grenade<br />

Forages Capacité<br />

installée<br />

Nevis oui oui oui<br />

Montserrat oui oui<br />

Guadeloupe oui oui oui 15 MW<br />

Dominique oui oui oui<br />

Martinique oui oui oui<br />

Sainte-Lucie oui oui oui<br />

Saint-Vincent oui oui<br />

Grenade oui oui<br />

Tableau 1 : État du développement de<br />

la géothermie dans les îles de la Caraïbe.<br />

Guadeloupe<br />

˚ ˚ ˚ ˚ ˚ ˚ ˚<br />

Dominique<br />

Martinique<br />

Sainte-Lucie<br />

Saint-Vincent<br />

Trinidad et Tobago<br />

Table 1: State of the geothermal energy<br />

development in the Carribbean islands.<br />

CROÛTE<br />

OCÉANIQUE<br />

ATLANTIQUE<br />

- 4 000 m<br />

Prisme de la Barbade<br />

N<br />

0 75 km<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />

27


28<br />

développement de la géothermie dans la caraïbe<br />

Montserrat<br />

L’île de Montserrat est composée de trois centres<br />

volcaniques principaux d’âge Pléistocène à récent. Le<br />

nord de l’île est formé par le Silver Hill Complex principalement<br />

composé de laves andésitiques âgées de<br />

2,5 à 1,1 Ma. Le centre de l’île est dominé par le Centre<br />

Hills Complex, constitué de dômes péléens andésitiques<br />

très érodés et de dépôts pyroclastiques associés, datés<br />

entre 0,95 et 0,55 Ma. La partie sud de l’île est formée<br />

par le complexe Soufriere Hills et South Soufriere Hills,<br />

qui est le plus ancien des deux (environ 130 000 ans).<br />

Soufriere Hills est le centre actif du volcanisme où<br />

l’éruption, qui a débuté en 1995, se poursuit toujours.<br />

On y retrouve plusieurs dômes datés de 150 000 à<br />

24 000 ans. Certains ont été partiellement détruits par<br />

l’éruption actuelle centrée sur English Crater.<br />

Le volcan actif de Soufriere Hills recèle un système<br />

hydrothermal haute température qui était très actif<br />

mais dont le caractère exploitable est fortement remis<br />

en cause par l’éruption en cours. Plusieurs solfatares<br />

étaient présentes au pied du volcan, et des sources<br />

thermales sont répertoriées sur la côte ouest à proximité<br />

de la capitale Plymouth, aujourd’hui abandonnée. Les caractéristiques<br />

géochimiques des fluides thermaux indiquaient<br />

des températures de l’ordre de 250 °C au niveau du<br />

réservoir. Alliées à l’importance des manifestations hydrothermales<br />

de surface, elles plaidaient en faveur<br />

d’un potentiel de l’ordre de plusieurs dizaines de MWe. Ce<br />

réservoir géothermique, à l’aplomb du volcan, est<br />

aujourd’hui inaccessible, et l’éruption en cours du volcan<br />

empêche toute exploitation à court ou moyen terme.<br />

Des projets récents visent à explorer le potentiel le long<br />

de la côte ouest et en dehors de la zone menacée par le<br />

volcan via la réalisation de deux forages exploratoires<br />

prévus pour fin 2012. L’objectif est d’atteindre une zone<br />

périphérique du réservoir. Compte tenu de l’éruption en<br />

cours, le potentiel géothermique est incertain et évalué<br />

à quelques MWe.<br />

Guadeloupe<br />

En Guadeloupe, l’île de Basse-Terre est la seule à posséder<br />

une activité volcanique propice au développement<br />

de systèmes géothermaux haute température. Le<br />

volcanisme s’est développé du nord au sud, entre 2,7 Ma<br />

et l’actuel, dans cinq massifs principaux dont le plus<br />

récent est celui de la Grande Découverte où se trouve<br />

la Soufrière, le seul volcan actif de l’île. Sur la côte ouest<br />

se trouve la chaîne de Bouillante principalement<br />

constituée de centres éruptifs monogéniques, dont les<br />

plus récents ont environ 200 000 ans, à dominante<br />

hydromagmatique et présentant une différenciation<br />

particulièrement poussée. Deux zones d’intérêt principal<br />

ont été explorées sur l’île : le champ géothermique<br />

Fig. 2 : Carte synthétique<br />

montrant les principaux<br />

éléments géologiques<br />

du champ géothermique<br />

de Bouillante, Guadeloupe.<br />

D’après CFG Services.<br />

Fig. 2: Synthesis map showing<br />

the main geological elements<br />

of the Bouillante geothermal field,<br />

Guadeloupe.<br />

From CFG Services.<br />

Principale zone<br />

de manifestations<br />

de surface<br />

Source thermale<br />

Édifice volcanique<br />

récent (âge en Ma)<br />

Couloir de faille<br />

principal<br />

avec rejet supposé<br />

Puits vertical<br />

Puits dévié et incliné<br />

de Bouillante (figure 2) et la zone du volcan de la Soufrière.<br />

Cette dernière présente un intérêt limité à la fois en<br />

raison d’une possible réactivation volcanique du dôme<br />

et de l’absence d’indices de réservoir géothermique<br />

profond. La zone de Bouillante bénéficie d’un réservoir<br />

géothermique de haute température (250 °C), relativement<br />

superficiel, lié à l’activité de la chaîne de Bouillante<br />

et alimenté par de l’eau météorique et l’eau de mer. Le<br />

réservoir est partiellement exploité par deux unités<br />

industrielles totalisant environ 15 MWe. Le potentiel<br />

supplémentaire de la zone est estimé à 30-50 MWe et<br />

des projets d’exploration sont en cours. L’évaluation des<br />

zones périphériques du réservoir reste à réaliser.


La Dominique<br />

Les roches les plus anciennes de l’île sont constituées<br />

de laves et de brèches d’âge Miocène, très altérées et<br />

souvent recouvertes par des formations volcaniques<br />

plus récentes. Des roches d’âge Pliocène, constituées<br />

de matériel volcanique détritique et de calcaire, forment<br />

le soubassement du Morne Diablotins, à l’ouest de<br />

l’île. Toujours au Pliocène, un important volcanisme<br />

andésitique, partiellement sous-marin, s’est mis en place<br />

à travers toute l’île, principalement au sud et à l’ouest<br />

des formations plus anciennes. L’activité volcanique s’est<br />

prolongée au Pléistocène et à l’âge actuel avec la mise<br />

en place, au-dessus des dépôts Pliocène, d’une ligne<br />

de volcans composites dacitiques à andésitiques,<br />

tous âgés de 400 000 à 500 000 ans. Il y a 30 000 ans,<br />

une éruption majeure a produit l’ignimbrite de Roseau,<br />

représentant un volume de 60 km 3 . Par la suite, des complexes<br />

de dômes se sont mis en place dont le plus récent<br />

est celui de Morne Patates. Les dépôts volcaniques les<br />

plus récents de l’île ont 450 ans seulement.<br />

Du point de vue géothermique, la Dominique est l’île<br />

de la Caraïbe où les indices de surface de l’existence de<br />

ressources géothermiques sont les plus importants et<br />

les plus probants (figure 3). Les travaux d’exploration<br />

géothermique ont été initiés par le BRGM dans les<br />

années 1980 sur les deux zones d’intérêt principales :<br />

Wotten Waven dans la vallée de Roseau et Soufrière à<br />

l’extrémité sud de l’île. À Soufrière, la température de<br />

la ressource est estimée à environ 300 °C avec une<br />

incertitude sur son origine. Dans la vallée de Roseau,<br />

les forages d’exploration réalisés en 2012 ont confirmé<br />

la présence d’un réservoir géothermique de haute température<br />

(280 °C) à moins de 1 000 mètres de profondeur.<br />

À lui seul, le potentiel géothermique de la région de la<br />

vallée de Roseau est estimé au moins à 120 MWe.<br />

Cold rain<br />

water recharge<br />

Sea water<br />

inflow<br />

Outflowing deep<br />

geothermal fluid<br />

Shallow steam reservoir<br />

Main area<br />

of thermal<br />

manifestations<br />

Fault<br />

Caldera, crater<br />

Inferred extension of the Wotten Waven<br />

deep reservoir (210-300°C)<br />

(rain water + sea water)<br />

developing geothermal energy in the caribbean<br />

Portsmouth<br />

Canal de la Guadeloupe<br />

Morne<br />

Aux Diables<br />

Mer<br />

des Caraïbes<br />

N<br />

0 10 km<br />

Morne Diablotins<br />

Roseau<br />

Soufrière<br />

Morne Trois Pitons<br />

Micotrin<br />

Wotten<br />

Waven<br />

Marigot<br />

Mt. Anglais<br />

Mt. Plat Pays Foundland<br />

Mt Patates<br />

Océan<br />

Atlantique<br />

Boiling<br />

Lake<br />

Mt. Watt<br />

Canal de la Martinique<br />

Grande<br />

Soufrière<br />

Fig. 3a : Carte géologique<br />

de la Dominique et localisation<br />

de la zone géothermique<br />

de Wotten Waven.<br />

Fig. 3a: Geological map<br />

of Dominica and localization of<br />

the Wotten Waven geothermal<br />

area.<br />

D’après Roobol & Smith, Geology Dept.,<br />

University of Puerto Rico at Mayaguez.<br />

Fig. 3b : Modèle conceptuel<br />

du réservoir géothermique<br />

de Wotten Waven proposé<br />

par CFG Services (2009).<br />

Fig. 3b: Conceptual model<br />

of the Wotten Waven<br />

geothermal reservoir<br />

proposed by CFG Services<br />

(2009).<br />

29<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


30<br />

développement de la géothermie dans la caraïbe<br />

Martinique<br />

La Martinique connaît une activité magmatique<br />

depuis les 25 derniers millions d’années marquée<br />

par l’activité de l’axe Ancien, (au sud et à la pointe de<br />

la Caravelle à l’ouest de l’île) entre 25 et 21 Ma, puis<br />

l’Arc Intermédiaire qui s’est mis en place en milieu<br />

sous-marin puis sub-aérien entre 16 et 7 Ma (centre<br />

de l’île). Au cours du Miocène, le volcanisme actif s’est<br />

déplacé vers l’ouest avec la mise en place concomitante<br />

du bloc septentrional constitué par le volcan bouclier<br />

du Morne Jacob, le complexe du Carbet puis le<br />

Mont Conil, qui se sont édifiés successivement entre<br />

5,5 et 0,79 Ma. Un maximum d’activité volcanique<br />

se produit entre 0,5 et 0,3 Ma avec, en parallèle, les<br />

dernières phases du Mont Conil, des Pitons du Carbet<br />

et du volcanisme des Trois-Ilets à l’extrémité sud-ouest<br />

de l’île. L’activité récente est limitée à la Montagne Pelée<br />

située entre le complexe du Carbet et le mont Conil.<br />

Le potentiel géothermique de haute température de<br />

l’île est principalement situé au niveau de la Montagne<br />

Pelée (sur son flanc sud-ouest) et autour de Petite Anse<br />

(l’extrémité sud-ouest de l’île, figure 4), mais reste à<br />

confirmer par forage. Des forages d’exploration réalisés<br />

au début des années 2000 dans la plaine du Lamentin<br />

(près de Fort-de-France) ont permis de mettre en<br />

évidence une ressource de moyenne température (90 °C).<br />

Fig. 4 : La source chaude de Petite Anse, un indice du potentiel géothermique<br />

de la région sud de la Martinique.<br />

Fig. 4: The hot spring at Petite Anse, an indicator of the geothermal potential<br />

of the southern part of Martinique. © BRGM – A. Gadalia.<br />

Une phase exploratoire complémentaire est actuellement<br />

menée et pourrait s’accompagner de la réalisation<br />

de nouveaux forages d’exploration sur les prospects les<br />

plus prometteurs. Des études sont également menées<br />

sur la ressource de moyenne enthalpie pour la production<br />

de froid industriel (usage de pompes à chaleur à<br />

sorption par exemple).<br />

La baie de Saint-Pierre,<br />

au pied de la Montagne<br />

Pelée, Martinique.<br />

The Bay of Saint-Pierre<br />

at the foot of the<br />

Montagne Pelée volcano,<br />

Martinique Island.<br />

© oceandimages.com.


Failles<br />

(point indiquant<br />

le compartiment<br />

effondré)<br />

Rebords<br />

morphologiques<br />

de la dépression<br />

(Caldera) de Qualibou<br />

Sulphur Springs<br />

(site de l’éruption<br />

phréatique de 1766)<br />

Cratères<br />

phréatiques et<br />

phréatomagmatiques<br />

Sondages de<br />

reconnaissance<br />

(1 à 7) réalisés<br />

en 1974-76<br />

Zones recommandées<br />

pour les forages<br />

d’exploration<br />

profonds<br />

(LANL, 1984)<br />

Localisation<br />

de 2 forages profonds<br />

SL-1 et SL-2 (1987-88)<br />

Dôme dacitique<br />

de Belfond<br />

(21 000-34 000 ans BP)<br />

Dôme dacitique<br />

de Terre Blanche<br />

(post-caldérique)<br />

Dômes andésitiques<br />

(post-caldériques ?)<br />

Dômes dacitiques<br />

de Gros Piton,<br />

Petit Piton, Rabot,<br />

Plaisance (0,2-0,3 Ma)<br />

Zones d’intérêt<br />

retenues par GENZL<br />

pour de nouveaux<br />

forages<br />

Sainte-Lucie<br />

Les ressources géothermiques de Sainte-Lucie sont<br />

localisées à Sulphur Springs, près du village de Soufrière,<br />

au sud-ouest de l’île. Elles sont associées à un volcanisme<br />

récent dont la dernière manifestation a été la<br />

mise en place de plusieurs dômes dacitiques dont celui<br />

de Terre Blanche, il y a 30 à 40 000 ans.<br />

La région de Sulphur Springs (figure 5) est connue<br />

depuis longtemps dans la Caraïbe pour ses importantes<br />

manifestations hydrothermales, tant en ce qui concerne<br />

l’extension de la zone de manifestations (20 km 2 ) que<br />

les températures mesurées en surface au niveau d’évents<br />

de vapeur surchauffée (172 °C). Une éruption phréatique<br />

a eu lieu à Sulphur Springs en 1766. Ces indices probants<br />

de l’existence d’un réservoir géothermique haute température<br />

avaient déterminé très tôt l’exploration de<br />

ce champ pour la production d’électricité.<br />

Les campagnes d’exploration et de forages géothermiques<br />

ont mis en évidence une ressource de haute<br />

enthalpie (290 °C), constituée d’un réservoir superficiel<br />

à dominante vapeur (steam cap) développé au-dessus<br />

d’un réservoir profond à liquide dominant (saumure).<br />

developing geothermal energy in the caribbean<br />

N<br />

0 5 km<br />

Canaries<br />

Soufrière<br />

La nature acide (pH = 2,8) des fluides rencontrés rend<br />

délicate son utilisation pour une exploitation commerciale<br />

sauf, peut-être, sur les bordures du réservoir qui<br />

restent à explorer. Le potentiel géothermique, difficile<br />

à estimer dans ces conditions, n’excède pas quelques<br />

dizaines de MWe.<br />

Une valorisation de la géothermie<br />

encore balbutiante<br />

Castries<br />

Malgré le potentiel et des résultats intéressants<br />

obtenus par plusieurs campagnes exploratoires, le<br />

développement géothermique de la région se limite<br />

à Bouillante en Guadeloupe. Les raisons de cette<br />

situation sont nombreuses.<br />

– Le risque géologique. Il est lié au fait que la ressource<br />

exploitable en géothermie ne peut être connue<br />

précisément qu’après la réalisation de forages et<br />

d’études préalables. Le risque existe alors d’engager<br />

des dépenses sans que soit trouvée la ressource<br />

espérée (température ou débit exploitable insuffisants<br />

par rapport aux prévisions, fluide géothermal inexploitable<br />

car trop acide par exemple, voire absence de<br />

ressource).<br />

Gros Ilet<br />

Vieux Fort<br />

Dennery<br />

Micoud<br />

N<br />

0 5 km<br />

Fig. 5 : Carte<br />

géologique<br />

de Sainte-Lucie<br />

(modifiée d’après<br />

OAS, 1984).<br />

Schéma géologique<br />

de la caldeira<br />

de Qualibou<br />

au sein duquel<br />

se situe le site<br />

de Sulphur Springs.<br />

D’après le Los Alamos<br />

National Laboratory, 1984.<br />

Fig. 5: Geological<br />

map of Saint Lucia<br />

(modified from OAS,<br />

1984).<br />

A geological diagram<br />

of the Qualibou<br />

caldera in which<br />

the Sulphur Springs<br />

site is located<br />

From Los Alamos National<br />

Laboratory, 1984.<br />

31<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


32<br />

développement de la géothermie dans la caraïbe<br />

– L’intégration environnementale. Les projets de<br />

géothermie sur des territoires insulaires, où l’espace<br />

est limité, peut entrer en conflit avec les exigences<br />

de protection des milieux naturels ou avec l’activité<br />

touristique qui constitue parfois le moteur économique<br />

de ces îles.<br />

– Le manque de motivation économique des acteurs<br />

privés. Les puissances envisagées pour les projets géothermiques<br />

des îles sont trop faibles pour intéresser<br />

les développeurs habituels de projets de géothermie.<br />

– L’absence de politique à l’échelle des Petites Antilles (voire<br />

de la Caraïbe) pour la géothermie. Alors que les problématiques<br />

insulaires sont quasiment identiques, il<br />

n’existe pas d’approche commune de développement<br />

de la géothermie permettant de palier les contraintes<br />

et d’améliorer le cadre incitatif des projets.<br />

En dépit des travaux d’exploration en cours, il n’existe<br />

donc pas aujourd’hui de programme permettant d’apprécier<br />

le potentiel de la géothermie à l’horizon d’une<br />

quinzaine d’années sur l’ensemble de ces territoires :<br />

nombre de projets réalisables ? Contribution énergétique?<br />

Travaux complémentaires à mener ? Montants<br />

des financements à mobiliser? Ces éléments sont indispensables<br />

pour bâtir une stratégie régionale de<br />

développement de la géothermie en tenant compte de<br />

la structuration habituelle des projets (tableau 2). Cette<br />

démarche est au cœur des politiques régionales en<br />

Guadeloupe (encadrés pages 33 et 34) avec notamment<br />

le projet « Géothermie Caraïbe ».<br />

Étapes Objectifs Travaux Durée<br />

1- Reconnaissance<br />

préliminaire<br />

2- Étude de<br />

préfaisabilité<br />

3- Étude de<br />

faisabilité<br />

4- Ingénierie<br />

du projet de<br />

développement<br />

5- Développement<br />

de champ<br />

6- Construction<br />

de la centrale<br />

7- Exploitation<br />

Identifier et sélectionner des zones<br />

favorables.<br />

Confirmer l’existence ou non d’un gisement<br />

géothermique haute température et élaborer<br />

un modèle préliminaire du champ.<br />

Évaluer la préfaisabilité technico-économique<br />

d’un projet de développement.<br />

Évaluer la qualité de la ressource et la capacité<br />

du réservoir.<br />

Confirmer la faisabilité technico-économique<br />

d’un projet de développement.<br />

Concevoir et chiffrer le coût de mise en<br />

exploitation de la ressource géothermique.<br />

Concevoir et chiffrer le coût de la construction<br />

de la centrale.<br />

Élaborer le plan de financement du projet.<br />

Études de surface (géologie, géochimie<br />

des fluides).<br />

Études de surface (géologie, géochimie,<br />

géophysique).<br />

Cadrage technico-économique<br />

préliminaire.<br />

Sondages de gradient.<br />

Sondages d’exploration profonds (1 000 m)<br />

incluant une phase préalable d’ingénierie.<br />

Évaluation technico-économique.<br />

Ingénierie spécialisée sous-sol.<br />

Ingénierie spécialisée centrale.<br />

Forage des puits de production et de réinjection, essais de production (par exemple<br />

6-8 puits de production-réinjection pour une capacité de production de 20 MWe.)<br />

quelquesmois<br />

Tableau 2 :<br />

Les étapes classiques<br />

d’un projet de<br />

développement<br />

d’une ressource<br />

géothermique<br />

haute température<br />

pour la production<br />

d’électricité<br />

(durées et montants<br />

estimatifs).<br />

Table 2:<br />

The classic stages<br />

of a development<br />

project of a<br />

high-temperature<br />

geothermal resource<br />

for electrical<br />

generation<br />

(time-spans and<br />

estimated costs).<br />

Montant approx.<br />

(références<br />

mondiales)<br />

qq. 10k€<br />

à qq.100k€<br />

1 an qq.100k€<br />

à 1 M€<br />

1 à 2 ans ~ 5 M€<br />

1 à 2 ans 10-12 %<br />

du montant<br />

du projet<br />

1 à 2 ans ~ 20 M€<br />

Construction de la centrale et du système de transport des fluides. 2 ans 1,5 à 2,5 k€/kW<br />

installé


« Géothermie Caraïbe »,<br />

pour une stratégie régionale<br />

de développement de la géothermie<br />

Pour répondre à cette problématique, la région<br />

Guadeloupe, l’ADEME, l’AFD et le BRGM, associés à<br />

d’autres partenaires, ont initié en 2008 le projet<br />

« Géothermie Caraïbe » soutenu par l’Europe (FEDER)<br />

dans le cadre du programme INTERREG Caraïbes.<br />

La première phase de ce projet (2008-2011) s’est centrée<br />

sur l’île de la Dominique. Elle a permis de caractériser<br />

le fort potentiel du champ géothermique de la Vallée<br />

de Roseau, et de définir les conditions de son exploitation<br />

dans le respect de l’environnement. L’objectif est<br />

de couvrir la totalité des besoins électriques de l’île<br />

grâce à la géothermie, avec des installations totalement<br />

intégrées, et d’exporter le surplus produit par câbles<br />

sous-marins vers la Guadeloupe au nord et la Martinique<br />

au sud (figure 6).<br />

Fig. 6 : Le projet d’interconnexion électrique inter-îles<br />

Dominique-Antilles françaises par câbles sous-marins avec<br />

production d’électricité par géothermie en Dominique.<br />

Fig. 6: The inter-island electrical interconnection project<br />

between Dominica and the French Antilles via submarine<br />

cables, with the geothermal generation of electricity<br />

in Dominica. © BRGM.<br />

Synergîle, Pôle Guadeloupe (www.synergile.fr)<br />

est un pôle de compétitivité adossé au Pôle<br />

national Capénergies. Il œuvre pour l’innovation<br />

et la compétitivité dans le domaine des énergies<br />

renouvelables et des matériaux durables.<br />

Synergîle organise régulièrement des rendezvous<br />

scientifiques et techniques sur des sujets<br />

à enjeu pour la Guadeloupe, relevant de son<br />

champ de compétences.<br />

Synergîle a organisé le 11 décembre 2012, en<br />

Guadeloupe, une journée d’information et<br />

d’échanges sur la géothermie, à l’attention du<br />

developing geothermal energy in the caribbean<br />

> Synergîle soutient le développement de la géothermie aux Antilles<br />

Nathalie Chevon – Chargée de mission développement à Synergîle – secretariat@synergile.fr<br />

monde socio-économique, des collectivités<br />

et des élus locaux. Cette manifestation, qui<br />

a connu un franc succès, a permis aux acteurs<br />

guadeloupéens d’échanger avec des experts<br />

locaux et nationaux, afin d’apporter au plus<br />

grand nombre le meilleur éclairage possible<br />

sur le développement de la géothermie en<br />

Guadeloupe et dans la Caraïbe.<br />

Synergîle compte parmi ses membres tous<br />

les acteurs de la géothermie en Guadeloupe :<br />

le BRGM, Géothermie Bouillante, Teranov,<br />

CFG Services, l’université Antilles-Guyane (UAG),<br />

l’Ademe et la région Guadeloupe. Synergîle<br />

a labellisé le projet d’IEED Géodénergies,<br />

présenté par le BRGM aux investissements<br />

d’avenir, notamment pour son volet antillais<br />

pour l’essor de la géothermie (CEAGE). Le Pôle<br />

soutient le renforcement de la filière industrielle<br />

géothermique aux Antilles. ■<br />

33<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


34<br />

développement de la géothermie dans la caraïbe<br />

> La géothermie dans la politique régionale de la Guadeloupe<br />

Harry Durimel – Vice-Président du Conseil régional, Président de la commission des énergies – harry.durimel@cr-guadeloupe.fr<br />

André Bon – Directeur de l’environnement et du cadre de vie à la région Guadeloupe – andre.bon@cr-guadeloupe.fr<br />

La Guadeloupe a d’ores et déjà de bons résultats en termes<br />

d’intégration des énergies renouvelables (14 % de la production<br />

électrique actuelle). Elle possède aujourd’hui, avec Bouillante,<br />

l’unique unité de production d’électricité d’origine géothermique<br />

des Antilles. La région Guadeloupe se fixe des objectifs ambi-<br />

tieux en adaptant à son territoire les engagements européens<br />

et nationaux, notamment ceux inscrits dans le cadre du Grenelle.<br />

Ainsi, en 2030, selon un scénario volontariste, il est envisagé que<br />

75 % de la production électrique soit d’origine renouvelable.<br />

Cet objectif prévoit que 35 % de la production électrique<br />

en Guadeloupe soit d’origine géothermique (contre 8 % actuel-<br />

lement), grâce au développement de Bouillante et à l’importation<br />

de l’énergie électrique d’origine géothermique de la Dominique.<br />

Pour ce faire, la région Guadeloupe pilote le projet INTERREG<br />

« Géothermie Caraïbe », soutient le projet GHEZAB d’exploration<br />

géothermique de la zone de Vieux-Habitants en Guadeloupe et<br />

appuie l’émergence d’un porteur de projet industriel capable<br />

d’assurer le nécessaire développement de Bouillante (rénovation<br />

des unités B1 et B2, mise en œuvre de B3). Elle soutient aussi différents<br />

projets de recherche et de développement technologique.<br />

La région entend ainsi faire de la Guadeloupe un pôle d’excellence<br />

caribéen en créant un climat favorable (en termes de<br />

financements, d’infrastructures…), en attirant les projets et en<br />

positionnant l’université locale, l’université des Antilles et de<br />

la Guyane, comme un partenaire incontournable pour les<br />

programmes de recherche. Elle souhaite par ailleurs identifier<br />

les métiers et les besoins en formation et surtout œuvrer pour<br />

y répondre sur place.<br />

Objectifs clairement affichés, renforcer l’autonomie énergétique<br />

de la Guadeloupe, faire du territoire une vitrine idéalement<br />

placée pour les marchés des Antilles, mais aussi pour ceux<br />

d’Amérique centrale et du Sud (avec un potentiel supérieur<br />

à 6 000 MW). ■<br />

Avec la centrale géothermique de Bouillante, la Guadeloupe<br />

a été une pionnière de la géothermie dans la Caraïbe.<br />

With the Bouillante power plant, Guadeloupe has pioneered<br />

the use of geothermal energy in the Caribbean.<br />

© BRGM – J.-M. Mompelat.


La seconde phase du projet « Géothermie Caraïbe »<br />

vient de débuter. Outre la poursuite de l’accompagnement<br />

du développement de la géothermie en Dominique,<br />

elle comprend un état des lieux détaillé du potentiel<br />

géothermique de la zone Caraïbes, la définition d’une<br />

méthodologie standard de développement de projet<br />

garantissant leur qualité environnementale, l’évaluation<br />

de la demande en électricité de la région et la<br />

définition d’un plan d’actions pour la maîtrise de cette<br />

demande. Le projet comporte aussi un important volet<br />

d’information et de communication, jugées essentielles<br />

pour répondre aux attentes des populations et faciliter<br />

l’acceptation des projets géothermiques. Enfin, le projet<br />

intègre un volet formation, pour étudier la possibilité<br />

de développer et de mettre en réseau des compétences<br />

sur la géothermie à l’échelle de la Caraïbe.<br />

La seconde phase du projet<br />

« Géothermie Caraïbe » comprend<br />

un état des lieux du potentiel<br />

géothermique de l’ensemble<br />

de la zone Caraïbes.<br />

Il est prévu la définition d’un programme détaillé<br />

d’actions à conduire dans les quinze ans à venir et<br />

l’estimation de besoins financiers correspondants.<br />

Corrélativement, la définition d’un dispositif financier<br />

pour mieux couvrir le risque géologique sera étudié.<br />

Enfin, cette seconde phase de « Géothermie Caraïbe »<br />

se terminera par la tenue, en Guadeloupe en 2014, d’un<br />

séminaire international de restitution qui réunira des<br />

responsables politiques, des techniciens et administratifs<br />

de l’espace caraïbe et d’Amérique Centrale ainsi que<br />

des industriels et des porteurs de projets. « Géothermie<br />

Caraïbe – Phase 2 » est porté par la région Guadeloupe<br />

et l’ADEME. Il associe également la région Martinique,<br />

le BRGM, l’AFD, la CDC, Électricité de Strasbourg et<br />

les États de l’Arc Caraïbe intéressés. Il est cofinancé par<br />

l’Europe au titre du programme INTERREG IV « Espace<br />

Caraïbe », son budget est de 3,8 M€ et sa réalisation<br />

courra sur 2013 et 2014. ■<br />

Les auteurs remercient Erwan Bourdon et Alain Gadalia,<br />

géologues du BRGM, pour leur collaboration.<br />

C<br />

M<br />

J<br />

CM<br />

MJ<br />

CJ<br />

CMJ<br />

N<br />

Publicité<br />

developing geothermal energy in the caribbean<br />

Leader du forage géothermique profond<br />

en France, avec 30 ans d’expérience.<br />

Developing geothermal energy in the Caribbean<br />

Despite the many geothermal prospecting<br />

operations conducted in the Caribbean<br />

region over the past thirty years and<br />

the existence of potentially exploitable<br />

resources, the development of electricity<br />

generation from this source is so far<br />

limited to Guadeloupe’s Bouillante<br />

facilities.<br />

Several possible causes can be cited to<br />

explain this paucity of implementations:<br />

– mining risk, and difficulty in obtaining<br />

public funding to exclude it;<br />

– lack of a development strategy for<br />

geothermal energy at a regional scale,<br />

which has not allowed a sufficient<br />

market to be created to attract private<br />

investors;<br />

– natural constraints inherent to<br />

the territories involved, which render<br />

the installations particularly difficult<br />

to integrate into the environment.<br />

To resolve this issue, the second phase<br />

of the “Géothermie Caraïbe” program,<br />

just launched, has set itself the objective<br />

of implementing a real Caribbean policy<br />

to develop the geothermal sector.<br />

This project, integrated in the framework<br />

www.cofor.com<br />

of an exemplary sustainable development<br />

approach, is spearheaded by the<br />

Guadeloupe region and ADEME.<br />

It also federates inputs from the<br />

Martinique region, BRGM, AFD, CDC<br />

and Électricité de Strasbourg.<br />

With participation from interested<br />

Caribbean Islands states, it aims to lay<br />

the groundwork for local development<br />

of geothermal projects. It comprises five<br />

aspects addressing the following themes:<br />

environmental excellence and successful<br />

integration of the facilities, policies<br />

to control electricity consumption needed<br />

for the development of projects,<br />

the establishment of a fund covering<br />

mining risk and financing for<br />

the upstream phase of the projects,<br />

communication to and enhancing<br />

awareness of populations to geothermal<br />

energy, and training in view to developing<br />

geothermal know-how on a regional<br />

basis. “Géothermie Caraïbe – Phase 2”<br />

is co-funded by Europe under the program<br />

INTERREG IV “Espace Caraïbe”; its budget<br />

is 3.8 M€ and it will continue over 2013<br />

and 2014.


36<br />

géothermie<br />

des projets géothermiques industriels en auvergne... innover ensemble, agir local<br />

Le Massif central présente<br />

un potentiel géothermique<br />

haute température non négligeable.<br />

Pour le valoriser, un rassemblement<br />

d’acteurs aux compétences<br />

multiples, fédéré et dirigé par<br />

un maître d’ouvrage, a été constitué<br />

afin de réaliser les sauts<br />

de connaissances géoscientifiques<br />

et technologiques nécessaires.<br />

L’exploitation de centrales<br />

électriques géothermiques avec des<br />

technologies éprouvées est un outil<br />

d’aménagement du territoire<br />

bénéfique aux populations<br />

et respectueux de l’environnement.<br />

La source du Par (82 °C) à Chaudes-Aigues, Cantal.<br />

The Par spring (82 °C) in Chaudes-Aigues,<br />

Cantal Department..<br />

© BRGM – P. Chèvremont.<br />

Mélissa Sanciaut<br />

Electerre de France<br />

Communication<br />

contact@electerre.fr<br />

www.electerre.fr<br />

Lionel Bouchet<br />

Electerre de France<br />

Directeur délégué et technique<br />

Olivier Bouttes<br />

Electerre de France<br />

Président directeur général<br />

Vincent Bouchot<br />

BRGM<br />

Géologue géothermal<br />

v.bouchot@brgm.fr<br />

Des projets géothermiques<br />

industriels en Auvergne…<br />

innover ensemble,<br />

agir local<br />

Des richesses énergétiques sont enfouies sous terre, c’est une certitude. Encore<br />

faut-il arriver à mettre en place les études géoscientifiques nécessaires pour connaître,<br />

démontrer et prouver leur capacité à être exploitées, puis apporter les compétences<br />

et les techniques performantes pour une exploitation industrielle des ressources<br />

géothermales. Et enfin, apprendre à<br />

penser « développement durable » et<br />

à travailler en créant un cercle vertueux,<br />

propice à un développement économique<br />

et sociétal dans le respect de l’environnement.<br />

C’est le défi que les projets<br />

de la société Electerre de France (EtF)<br />

visent à relever (encadré ci-contre).<br />

Nous n’héritons pas de la terre<br />

de nos ancêtres, nous l’empruntons<br />

à nos enfants. Antoine de Saint-Exupéry<br />

Les quatre piliers du développement durable de la géothermie<br />

dans le Massif central<br />

Le développement durable raisonné a pour objectif de permettre aux acteurs de ces<br />

projets – entreprises, collectivités et populations – d’être gagnants et garants du<br />

respect de l’environnement pour les générations futures.


industrial geothermal energy projects in the auvergne region... innovate together, act on a local level<br />

Efficacité économique<br />

Le but est de constituer une filière française en contextes<br />

volcaniques complexes et méconnus, tels que les rifts<br />

intracontinentaux.<br />

Ce savoir-faire, exportable, s’identifie à son territoire<br />

d’origine : l’Auvergne, terre de volcans. Elle vise à atteindre<br />

un coût du kWh permettant d’améliorer la compétitivité,<br />

par une diminution et une maîtrise de l’ensemble<br />

des coûts liés à la production énergétique (chaleur<br />

et/ou électricité).<br />

Pour ce faire, les enjeux géoscientifiques, techniques<br />

et économiques des projets sont les suivants :<br />

– développer des méthodes d’exploration géothermique<br />

de sites potentiels limitant les coûts et les risques<br />

propres à cette énergie ;<br />

– maîtriser la gestion des réservoirs géothermiques et<br />

les impacts de leur exploitation sur l’environnement ;<br />

– construire, exploiter et optimiser des centrales<br />

géothermiques avec des démonstrateurs éprouvés et<br />

reproductibles utilisant des technologies innovantes ;<br />

– s’appuyer sur des partenaires favorisant l’emploi<br />

et la création de richesses dans nos territoires, et<br />

initialement en Auvergne.<br />

> Electerre de France, intégrateur de savoir-faire<br />

La jeune société auvergnate travaille à réunir toutes les compétences nécessaires à<br />

la réussite de ses projets :<br />

– acteurs des géosciences dont les recherches permettent d’identifier plus rapidement<br />

la ressource (maîtrise des risques) ;<br />

– bureaux d’études d’ingénierie spécialisés dans le développement durable, pour une<br />

gestion de projet exemplaire ;<br />

– spécialistes du forage aux équipements et aux pratiques sans cesse améliorés (forages<br />

de plus en plus précis, fiables, coûts maîtrisés) ;<br />

– fabricants développant des technologies de surface (échangeur, turbine, aéroréfrigérant)<br />

à haute valeur ajoutée permettant de maximiser la production énergétique ;<br />

– acteurs de l’aménagement du territoire (collectivités territoriales, entrepreneurs<br />

privés, population), informés et associés aux projets, contribuant à leur intégration<br />

environnementale, économique et sociale. n<br />

Respect de l’environnement<br />

L’exploitation durable de la ressource passe par un<br />

investissement fort dans la mise en place d’outils et<br />

de méthodes permettant le contrôle et la vérification<br />

des impacts sur l’environnement.<br />

À chaque étape, la recherche et des techniques<br />

éprouvées doivent permettre de mieux comprendre<br />

le fonctionnement du réservoir géothermique et ainsi<br />

de déterminer comment l’exploiter efficacement et<br />

durablement en évitant des impacts sur l’environnement<br />

et sur les ressources connexes comme les eaux<br />

thermales (figure 1).<br />

Fig. 1 : Esquisse d’une future<br />

centrale Electerre de France,<br />

productrice d’électricité et<br />

de chaleur.<br />

Fig. 1: Sketch of a future<br />

Electerre-de-France power plant,<br />

producer of heat and electricity.<br />

© Electerre de France, www.electerre.fr<br />

37<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


38<br />

des projets géothermiques industriels en auvergne... innover ensemble, agir local<br />

L’exploitation de la ressource<br />

géothermique favorise la création<br />

de richesses dans les territoires.<br />

Dynamique sociétale<br />

En s’appuyant sur des partenaires nationaux et<br />

régionaux pour développer les centrales, en créant<br />

des sites de production localement et en valorisant<br />

la chaleur résiduelle, l’exploitation de la ressource<br />

géothermique favorise la création de richesses dans<br />

les territoires.<br />

En complément des emplois dits directs, l’élaboration<br />

des scénarios de développement économique autour<br />

des centrales en lien avec les collectivités, les acteurs<br />

économiques locaux et les populations favorise l’ acceptabilité<br />

de l’exploitation de la ressource.<br />

Nous pouvons citer des exemples de domaines<br />

d’activités présentant des débouchés « chaleur »<br />

potentiels sur les zones concernées : le tourisme<br />

(centre d’hébergement et d’activités ludiques), la<br />

filière bois (séchage), l’industrie agroalimentaire<br />

(laiterie, maraîchage…).<br />

Gouvernance<br />

En fédérant tous ces acteurs, institutions (parcs<br />

naturels, communautés de communes, départements<br />

et régions), associations, investisseurs publics et<br />

privés, afin de travailler en étroite collaboration avec<br />

les équipes locales, un double objectif est visé : faire que<br />

les centrales électriques géothermiques soient un<br />

exemple d’intégration tant en termes de respect de<br />

l’environnement et des populations que de développement<br />

de richesses sur le territoire. Cette démarche,<br />

profitable pour tous, n’est autre que la gouvernance<br />

mise en place par le maître d’ouvrage de ces projets,<br />

à savoir la société Electerre de France.<br />

Fig. 2 : Géothermométrie des sources<br />

thermominérales du Massif central français<br />

situées dans l’emprise du rift ouest-européen<br />

et indiquant des températures de réservoirs<br />

de plus de 200 °C localement le long d’un axe<br />

subméridien (voir Bouchot et al., Géosciences<br />

n° 12, déc 2010, pp. 88-99).<br />

Fig. 2: The geothermometric conditions of<br />

the hot mineral springs in the French<br />

Massif Central situated within the Western<br />

European rift zone, indicating reservoir<br />

temperatures locally exceeding 200 °C<br />

along a shear zone axis (see Bouchot et al.,<br />

Géosciences 12, Dec. 2010, pp. 88-99).<br />

© BRGM.<br />

Géothermométrie des sources (sur la base<br />

des géothermomètres SiO2, Na/K et Na/Li)<br />

Température, Certitude<br />

(concordance des géothermomètres)<br />

200 °C, Haute<br />

200 °C, Moyenne<br />

200 °C, Basse<br />

160-200 °C, Haute<br />

160-200 °C, Basse<br />

120-160 °C, Haute<br />

120-160 °C, Moyenne<br />

120-160 °C, Basse<br />

100-120 °C, Haute<br />

100-120 °C, Basse<br />

Source


industrial geothermal energy projects in the auvergne region... innovate together, act on a local level<br />

Monts-<br />

Dore<br />

Cantal<br />

Paris<br />

Limagne<br />

Bruxelles<br />

Bresse<br />

Lyon<br />

Marseille<br />

Jura<br />

Eifel<br />

Cologne<br />

Rift du Rhin<br />

Le potentiel géothermique<br />

haute température du Massif central<br />

Vogelsberg<br />

Kaiserstuhl<br />

Hegau<br />

Berne<br />

Alpes occidentales<br />

Urach<br />

Une province géothermique complexe<br />

L’existence d’un volcanisme récent, d’un flux de<br />

chaleur anormalement élevé (jusqu’à 110 mW/m2 ) et<br />

de multiples sources thermominérales (jusqu’à 82 °C)<br />

suggère que la partie du Massif central comprise entre<br />

Néris-les-Bains au nord et Bagnols-les-Bains au sud<br />

constitue une province géothermique sous-explorée<br />

car méconnue (figure 2) [Varet et al. (1977) ; Genter et al.<br />

(2003)]. Du point de vue géodynamique, cette partie<br />

du Massif central constitue un tronçon du rift<br />

ouest-européen [Ziegler (1992)], siège de processus<br />

magmatiques (volcanisme alcalin), tectono-sédimentaires<br />

(multiples fossés d’effondrement, flambage<br />

lithosphérique) et thermiques complexes (figure 3). À<br />

l’échelle de l’Europe, ce rift s’étend sur plus de 1 000 km,<br />

en générant au Tertiaire un système de grabens (Rift du<br />

Rhin, Alsace, Bresse, Limagne) disposés concentriquement<br />

autour de l’arc alpin.<br />

À part les nombreuses sources thermominérales et<br />

leur travertin (1) , les expressions de surface des réservoirs<br />

(1) Travertin : dépôt de calcaire précipité à l’émergence de sources thermominérales.<br />

Röhn<br />

Erfurt<br />

Munich<br />

Doupov<br />

Eger<br />

Bohême<br />

Dresde<br />

Prague<br />

Vienne<br />

Volcanisme alcalin<br />

tertiaire péri-alpin<br />

Principales failles<br />

des zones du rift<br />

péri-alpin<br />

Principaux<br />

décrochements<br />

Zone orogénique<br />

alpine<br />

Volcanisme<br />

calco-alcalin tertiaire<br />

des Alpes<br />

occidentales<br />

0 100 200 km<br />

Fig. 3 :<br />

Localisation du rift<br />

ouest-européen,<br />

montrant le système<br />

de failles cénozoïques,<br />

les fossés<br />

d’effondrement et<br />

les zones volcaniques<br />

récentes.<br />

Fig. 3: Location map<br />

of the European<br />

Cenozoic rift system,<br />

showing Cenozoic<br />

fault systems<br />

(black lines),<br />

rift-related<br />

sedimentary basins<br />

(yellow) and volcanic<br />

fields (dark blue).<br />

© BRGM<br />

(modifié par P. Nehlig d’après<br />

Brousse et Bellon, 1983).<br />

situés en profondeur sont rares dans le Massif central :<br />

absence de fumerolle, de geyser et rareté des dépôts<br />

siliceux de surface (sinter) typiques de fluides de<br />

haute température en profondeur. Pourtant, d’après<br />

les géothermomètres acquis à partir de ces eaux de<br />

sources thermominérales, la province dispose de<br />

ressources géothermales comprises entre 150 °C et 220 °C<br />

(figure 2) , qui sont des températures adaptées à la<br />

production d’électricité, notamment par cycle binaire.<br />

En revanche, la profondeur à laquelle ces fluides<br />

géothermaux sont à cette température d’équilibre<br />

dans les réservoirs est inconnue, en raison de l’absence<br />

de forage et de campagnes d’exploration géophysique<br />

adaptée à ces cibles. En l’état des connaissances,<br />

trois hypothèses peuvent être avancées : 1) les réservoirs<br />

géothermiques sont très profonds (5-6 km), handicapant<br />

sérieusement une exploitation ; 2) ils sont à<br />

de grandes profondeurs mais accessibles (~2-3 km) ; 3)<br />

ils sont à la profondeur idéale (< 2 km), mais masqués<br />

par des roches de couverture (caprocks) « efficaces »<br />

(notion de blind geothermal field des Anglo-saxons).<br />

Dans tous les cas, il s’agit de systèmes difficiles à<br />

prospecter qui nécessitent des méthodes adaptées<br />

au contexte géologique.<br />

39<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


40<br />

des projets géothermiques industriels en auvergne... innover ensemble, agir local<br />

Couverture argileuse<br />

illite<br />

Chaleur et gaz<br />

issus de magma<br />

Réservoir<br />

fracturé<br />

250 °C<br />

Smectite<br />

Deux modèles complémentaires<br />

300 °C<br />

> 200 °C (chambre magmatique)<br />

Source chaude<br />

Dans cette partie du Massif central anormalement<br />

chaude, les sources de chaleur restent encore à caractériser,<br />

qu’elles soient magmatiques ou amagmatiques<br />

(sans recours au magmatisme superficiel) (figure 4). Dans<br />

le premier cas, il pourrait s’agir de sources magmatiques<br />

associées au volcanisme récent du Massif central (< 1 Ma) :<br />

la source de chaleur correspond à une chambre superficielle<br />

(< 10 km de profondeur) de magma en cours de<br />

refroidissement. Mais cette hypothèse paraît improbable<br />

dans les secteurs du Massif central où le volcanisme<br />

récent est inconnu en surface. C’est pourquoi l’hypothèse<br />

de circulation de fluides profonds et chauds<br />

(convection hydrothermale pure) mérite d’être étudiée<br />

avec attention : c’est le modèle parfois dénommé<br />

« balayage de la chaleur » ou heat sweep through<br />

deep-reaching fractures. Enfin, la présence en profondeur<br />

de granites pourrait expliquer certaines anomalies<br />

thermiques locales.<br />

Réduire le risque géologique par un saut<br />

de connaissances géoscientifiques<br />

et technologiques<br />

En l’absence de forages d’exploration géothermique,<br />

ce tronçon anormalement chaud du Massif central<br />

constitue un système géothermique de type « haute<br />

température » dont l’exploitabilité reste à prouver.<br />

Réduire au maximum le risque géologique impose un<br />

saut de connaissance géoscientifique.<br />

En termes d’innovation, des modèles conceptuels<br />

évolutifs, spécifiques au Massif central, doivent être<br />

élaborés afin d’en tirer des guides d’exploration, que<br />

200 °C<br />

150 °C<br />

100 °C<br />

Manifestations<br />

de surface<br />

(source)<br />

°C Isothermes<br />

0 1 km<br />

Couverture Couverture Couverture Couverture Couverture argileuse argileuse argileuse argileuse argileuse<br />

illite – smectite<br />

Chaleur issue<br />

de circulation hydrothermale<br />

profonde<br />

Source chaude<br />

Faille<br />

ce soit à l’échelle régionale de reconnaissance du<br />

Massif central ou à l’échelle locale d’un permis exclusif<br />

de recherche (PER). En parallèle, le développement<br />

couplé de méthodes géophysiques tels que la MT<br />

(magnéto-tellurique) et la sismique réflexion doit<br />

permettre de visualiser au mieux la géométrie des<br />

réservoirs potentiellement exploitables.<br />

En termes de prospection de surface, les campagnes<br />

d’exploration 3D combinant géologie, géochimie et<br />

géophysique devront s’adapter au maximum aux<br />

spécificités des PER et amplifier l’interdisciplinarité<br />

garante d’une haute qualité d’interprétation des données<br />

acquises. En effet, seule une forte interdisciplinarité<br />

permet de réduire le champ des possibles lors des interprétations<br />

et ainsi de diminuer les risques géologiques<br />

lors de l’implantation des forages d’exploration.<br />

Au final, l’expérience acquise sur ce tronçon de rift<br />

ouest-européen, particulièrement difficile à explorer,<br />

pourrait être appliquée sur d’autres tronçons de ce<br />

même rift (figure 4) et sur d’autres rifts intracontinentaux<br />

dans le monde, comme par exemple le rift du<br />

Cameroun, large d’une centaine de kilomètres et long<br />

de 1 600 kilomètres. Elle pourrait également être<br />

exportée vers d’autres provinces géologiques sous-explorées<br />

car complexes (réservoirs profonds…) comme sur<br />

l’île de la Réunion (encadré ci-contre).<br />

Plus globalement, elle permettra d’asseoir des capacités<br />

démontrées sur tout autre champ géothermal de haute<br />

température dans le monde et notamment dans les<br />

Antilles, généralement plus facile à explorer.<br />

Source chaude<br />

Smectite<br />

Lithologie favorable<br />

250 °C<br />

200 °C<br />

150 °C<br />

Réservoir<br />

faille<br />

150-200 °C (circulation hydrothermale profonde)<br />

100 °C<br />

Manifestations<br />

de surface<br />

(source)<br />

°C Isothermes<br />

0 1 km<br />

Fig. 4 : Modèles<br />

conceptuels possibles<br />

pour des systèmes<br />

géothermaux de<br />

hautes températures<br />

dans le Massif central<br />

français.<br />

D’après Cumming, 2009.<br />

Fig. 4: Possible<br />

conceptual models<br />

for high-energy<br />

geothermal systems<br />

in the French Massif<br />

central.<br />

From Cumming, 2009.


industrial geothermal energy projects in the auvergne region... innovate together, act on a local level<br />

> L’exploration géothermique à la Réunion<br />

Chrystel Dezayes – BRGM, Direction des Géoressources – c.dezayes@brgm.fr<br />

Malgré la présence de deux volcans sur l’île de la Réunion, son potentiel<br />

géothermique n’est toujours pas totalement avéré. Le Piton des Neiges,<br />

dont la dernière activité remonte à 12 000 ans seulement, montre un<br />

gradient de température élevé, qui peut atteindre de 18 à 20 °C par<br />

100 mètres dans certaines zones (le gradient moyen de la croûte<br />

continentale étant de 3 °C/100 mètres). Des manifestations hydrothermales<br />

et des émanations gazeuses d’origine mantellique existent<br />

au niveau des cirques de Salazie ou de Cilaos, indiquant la présence<br />

d’une ressource géothermale potentielle.<br />

À la suite des premières investigations, il a été décidé de réaliser deux forages<br />

d’exploration en 1985 et 1986 dans le Cirque de Salazie (Piton des Neiges) et<br />

à Grand Brûlé, sur le flanc est du Piton de la Fournaise. Bien que ce dernier<br />

constitue l’un des volcans les plus actifs au monde, le gradient thermique<br />

mesuré dans le forage de 3 000 mètres s’est révélé faible et aucun fluide<br />

représentatif d’une ressource géothermale n’a été trouvé. À Salazie, le forage<br />

a montré une température élevée de 185 °C à 2 100 mètres de profondeur,<br />

mais ne s’est pas révélé suffisamment productif. Quoi qu’il en soit, plusieurs<br />

zones présentent un intérêt géothermique potentiel, comme les cirques de<br />

Salazie et de Cilaos, ainsi que le secteur de Bras Cabot.<br />

Au Piton de la Fournaise, les conditions propices au développement<br />

d’un système géothermal ont été mises en évidence au début des années<br />

2000 à l’aplomb des cratères sommitaux. Plusieurs synthèses des<br />

données existantes, ainsi qu’une campagne d’acquisition de données<br />

géologiques et géophysiques, ont été réalisées entre 2000 et 2003<br />

pour aboutir à la sélection d’une zone d’intérêt géothermique potentielle<br />

au niveau de la Plaine des Sables. Cependant, cette zone étant située au<br />

cœur du parc national, qui plus est classée au patrimoine de l’Unesco, le<br />

projet de forages d’exploration géothermique a été abandonné en 2009.<br />

L’exploration géothermique de l’île de la Réunion est au point mort,<br />

alors que d’autres zones pourraient présenter des contextes favorables,<br />

comme les secteurs de Rivière Langevin ou Rivière des Remparts. La relance<br />

de la géothermie sur le territoire de l’île de la Réunion ne s’effectuera<br />

que par un travail préalable de concertation dans le cadre d’un objectif<br />

de développement durable. n<br />

64<br />

62<br />

60<br />

58<br />

56<br />

54<br />

52<br />

50<br />

48<br />

46<br />

44<br />

42<br />

Les cirques de Salazie et de Cilaos<br />

sur l’île de la Réunion présentent<br />

un intérêt géothermique potentiel.<br />

The Salazie and Cilaos cirques<br />

on Réunion Island show a potential<br />

geothermal interest.<br />

© BRGM.<br />

Morne de Fourche<br />

Col<br />

du Taïbit<br />

Grand-<br />

Benare<br />

La Roche-Écrite<br />

Mare-à-Martin<br />

Le Cimendef<br />

Grand-<br />

Îlet<br />

R. Platte<br />

SLZ1<br />

Piton d’Enchain<br />

Cirque de Mafate<br />

Gros-Morne<br />

Mafate<br />

Cirque<br />

de Cilaos<br />

Piton<br />

des Neiges<br />

Bois-Rouge<br />

Cilaos<br />

Piton de Sucre<br />

La-Chapelle<br />

Petit-Benare<br />

Îlet-à-Cordes<br />

Les-Trois-Bras<br />

Le-Grand-Sable<br />

Bras-Sec<br />

Gueule-<br />

Rouge<br />

Palmiste-<br />

Rouge<br />

Hellbourg<br />

Îlet-à-<br />

Vidot<br />

N<br />

Plateau<br />

Wickers<br />

Salazie<br />

Plateau<br />

de Belouve<br />

0 2 km<br />

Sondage<br />

géothermique<br />

Limite supposée<br />

de la caldera récente<br />

Complexe intrusif et<br />

intrusions syénitiques<br />

Source<br />

thermominérale<br />

Profil de la section<br />

146 148 150 152 154 156 158 160 162 164 166<br />

Source d’eau chaude à Cilaos.<br />

Hot spring at Cilaos.<br />

© BRGM – P. Calcagno.<br />

Forage à Salazie.<br />

Well being drilled at Salazie.<br />

© BRGM – J.-C. Chiron.<br />

64<br />

62<br />

60<br />

58<br />

56<br />

54<br />

52<br />

50<br />

48<br />

46<br />

44<br />

42<br />

41<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


42<br />

des projets géothermiques industriels en auvergne... innover ensemble, agir local<br />

Le développement de l’électricité<br />

géothermique dans le Massif central<br />

Les besoins exprimés (électricité, chaleur)<br />

Lors de rencontres avec les acteurs locaux tels que le<br />

Parc naturel régional des volcans d’Auvergne (PNRVA),<br />

des besoins ont été clairement exprimés. « La recherche<br />

d’un bouquet de productions énergétiques renouvelables,<br />

créées localement et de façon raisonnée, combinées à une<br />

réduction significative des consommations est un enjeu<br />

fort identifié dans le projet du parc 2012-2024 » (Roger<br />

Garde, président du PNRVA).<br />

Le débouché « chaleur » pourrait participer à la réduction<br />

des consommations en favorisant l’implantation de<br />

nouvelles activités.<br />

Les centrales géothermiques :<br />

ressource et exploitation<br />

Les projets consistent en la construction de centrales<br />

géothermiques sur des gisements de haute température<br />

entre 150 °C et 220 °C.<br />

Pour la géothermie, un enjeu est de maximiser<br />

l’énergie produite à partir d’une source chaude dont<br />

la température est fixe.<br />

La puissance recherchée varie, selon les sites, de 5 à<br />

10 MW électriques. Plusieurs démonstrateurs de<br />

2,5 MWe peuvent être installés successivement et<br />

combinés, en fonction de la localisation définitive<br />

des sites. Une utilisation secondaire de la chaleur,<br />

avant réinjection du fluide géothermal dans le réservoir,<br />

permet d’améliorer le rendement de l’installation<br />

(fonctionnement en cogénération).<br />

Les technologies adaptées<br />

La centrale électrique géothermique est construite<br />

sur la base de technologies éprouvées. À ce niveau de<br />

Pour la géothermie, un enjeu<br />

est de maximiser l’énergie produite<br />

à partir d’une source chaude<br />

dont la température est fixe.<br />

température, l’eau chaude produit trop peu de vapeur<br />

sèche pour actionner une turbine. Aussi est-il préférable<br />

d’employer le fluide chaud pour réchauffer et vaporiser<br />

un autre fluide, et d’employer la vapeur de ce fluide<br />

secondaire pour faire tourner une turbine et un<br />

générateur.<br />

La technologie du cycle binaire (figure 5) a été choisie<br />

afin de convertir le fluide géothermal en électricité. En<br />

thermodynamique, ce système est appelé cycle de<br />

Rankine.<br />

Fluide organique<br />

Turbine<br />

Échangeur de chaleur<br />

Pompe<br />

Puits<br />

de production<br />

Fig. 5 : Schéma de principe du cycle<br />

binaire. Le fluide géothermal circule<br />

d’abord dans un échangeur de chaleur<br />

où elle réchauffe et vaporise le fluide<br />

secondaire. Celui-ci fait tourner alors<br />

une turbine couplée à un générateur<br />

électrique. Il est ensuite refroidi<br />

dans un condenseur grâce au fluide<br />

de refroidissement, reconvertissant<br />

la vapeur en eau pour réemploi dans<br />

le cycle. La redistribution de la chaleur,<br />

dite fonctionnement en cogénération,<br />

permet d’améliorer le rendement<br />

de l’installation.<br />

Générateur<br />

Condenseur<br />

Eau de<br />

refroidissement<br />

Puits<br />

d’injection<br />

Électricité<br />

Rejet de vapeur<br />

dans l’atmosphère<br />

Air Air<br />

Tour de<br />

réfrigération<br />

Eau<br />

Fig. 5: Flow diagram for a binary cycle.<br />

The geothermal fluid initially transits<br />

through a heat exchanger, where it<br />

heats the secondary fluid, converting it<br />

to steam. This is then runs a turbine<br />

coupled with an electric generator .<br />

Next, it is cooled in a condenser by<br />

a coolant fluid, returning the steam<br />

to a liquid state for reuse in the cycle.<br />

Heat redistribution, known as<br />

the cogeneration process, enhances<br />

the plant’s efficiency.<br />

© ADEME/BRGM. In La géothermie.<br />

Quelles technologies pour quels usages ?,<br />

collection Les enjeux des Géosciences.


Massif volcanique du Sancy : le sommet vu du nord. Au premier plan, un affleurement de pyroclastites.<br />

The Sancy volcanic Massif and its summit viewed from the North. In the foreground, an outcrop of pyroclasts. © J. Varet.<br />

La chaleur résiduelle comme facteur<br />

du développement du territoire<br />

Le système en cogénération, bénéfique techniquement,<br />

est également intéressant économiquement. En<br />

effet, la production d’électricité fournit une chaleur<br />

résiduelle en base, à un coût particulièrement<br />

attractif (l’électricité produite assurant la part du<br />

revenu principal de la centrale) et stable. Orientée<br />

vers des activités exploitant cette chaleur avec des<br />

procédés adaptés, elle constitue ainsi un outil de<br />

compétitivité économique pour les territoires, comme<br />

par exemple dans (2) :<br />

– l’agriculture avec le maraîchage, la pisciculture, la<br />

floriculture, l’arboriculture ;<br />

– l’industrie avec la filière bois (séchage, etc.) ;<br />

– les activités de loisirs (bains ludiques « Blue Lagoon »,<br />

serres des jardins tropicaux, etc.).<br />

(2) En Nouvelle Zélande : http://www.hanmersprings.co.nz ; http://www.<br />

hukaprawnpark.co.nz ; http://www.tuaropaki.com/horticulture.asp<br />

En Islande : http://www.bluelagoon.com/ ; http://www.photovoyage.org/<br />

islande/economie.php (cultures bananes et ananas)<br />

Au Kenya : culture de roses.<br />

La géothermie : outil d’aménagement<br />

du territoire<br />

Devant un défi d’intégration environnementale et<br />

économique exemplaire, la société Electerre de France<br />

travaille sur ces sujets fondamentaux avec les acteurs<br />

locaux. Les activités consommatrices des débouchés<br />

« chaleur » de centrale géothermique favoriseront le<br />

maintien ou le développement d’un bassin d’emploi.<br />

En travaillant sur l’intégration territoriale et culturelle,<br />

en contrôlant et limitant les impacts environnementaux<br />

des installations, on favorisera l’acceptabilité des<br />

installations géothermiques dans le territoire.<br />

L’acquisition de connaissances dans des provinces<br />

géothermales complexes et inexploitées, la création<br />

d’un savoir-faire innovant, la construction et l’exploitation<br />

de centrales menées en adéquation avec les<br />

acteurs locaux et propices à l’aménagement du territoire<br />

constitue une offre nouvelle.<br />

Valorisant pour son territoire d’origine, l’Auvergne, ce<br />

savoir-faire ouvre des perspectives de développement<br />

dans le monde entier. n<br />

Industrial geothermal<br />

energy projects in<br />

the Auvergne region...<br />

innovate together,<br />

act on a local level<br />

The French Massif central,<br />

and more particularly<br />

the Auvergne district, displays<br />

several surficial expressions<br />

that would indicate<br />

potentially favorable<br />

conditions for the<br />

development of high-enthalpy<br />

geothermal energy. These<br />

include hydrothermal springs<br />

with geothermometers<br />

revealing reservoir conditions<br />

above 150 °C and up to 200 °C,<br />

which could relate to recent<br />

volcanic activity. Volcanism is<br />

characterized by differentiated<br />

products, evidence of<br />

the possible existence of<br />

a shallow magma chamber<br />

as a heat source.<br />

A multidisciplinary approach<br />

is presently being developed<br />

under the leadership of<br />

a local industrial entity and<br />

associating the necessary<br />

socio-economic, geo-scientific<br />

and industrial partners.<br />

The project has achieved<br />

the exploration stage and<br />

will be pursued in a spirit of<br />

sustainable development, with<br />

the involvement of all local<br />

stake-holders including civil<br />

authorities and other local<br />

players. In this context, the<br />

development of geothermal<br />

energy for electricity<br />

production is also seen as<br />

a tool promoting territorial<br />

development including<br />

a cascade use of the heat and<br />

possibly of geothermal fluid.<br />

Bibliographie : Bouchot V., Calcagno P., Genter A. (2010) – Les atouts énergétiques du bassin de la Loire, Géosciences n° 12, dec. 2010, pp. 88-99. Brousse R. et Bellon H. (1983) – Réflexions chronologiques et<br />

pétrologiques sur le volcanisme associé au développement des rifts de France, Bull. Centres Rech. Explor.-Prod. Elf-Aquitaine, 7, 1, 409-424. Cumming W. (2009) – Geothermal resource conceptual models<br />

using surface exploration data. PROCEEDINGS, Thirty-Fourth Workshop on Geothermal Reservoir Engineering Stanford University, Stanford, California, February 9-11, 2009, 6 p. Genter A., Giot D., Lieutenant N.,<br />

Nehlig P., Rocher Ph., Roig J.-Y., Chevremont Ph., Guillou-Frottier L., Martelet G., Bitri A., Perrin J., Serrano O., Courtois N., Vigouroux Ph., Negrel Ph., Serra H., Petelet-Giraud E., (2003) – Méthodologie de l’inventaire<br />

géothermique des Limagnes : Projet COPGEN, Compilation des données, Rapport BRGM/RP-52644-FR, 122 p. Varet J., Stieltjes L., Gadalia A., Demange J., Lopoukhine M., (1977) – Évaluation du potentiel géothermique<br />

du Massif central français. Rapport interne BRGM 77 SGN 594 GTH, 367 p. Ziegler P.A. (1992) – European Cenozoic rift system. In: P.A. ZIEGLER (Eds) Geodynamics of Rifting, Volume I. Case History Studies<br />

on Rifts: Europe and Asia. Tectonophysics, 208, 91-111.


44<br />

planification<br />

géothermie et planification énergétique territoriale : l’exemple du schéma régional de l’île-de-france<br />

Géothermie et<br />

planification<br />

énergétique<br />

territoriale :<br />

l’exemple<br />

du schéma<br />

régional de<br />

l’Île-de-France<br />

Intégration de la géothermie à différentes<br />

échelles de territoires.<br />

Integrating geothermal energy within<br />

the framework of different territorial scales.<br />

© BRGM/Vertigo.<br />

Adeline Poux<br />

Ingénieur-chef de projets<br />

BRGM/DGR/Division Géothermie<br />

a.poux@brgm.fr<br />

Alexandra Bel<br />

Hydrogéologue-chef de projets<br />

BRGM Île-de-France<br />

a.bel@brgm.fr<br />

L’exploitation des ressources géothermiques est un atout<br />

pour les territoires. Leurs caractéristiques et les besoins<br />

qu’elles peuvent satisfaire doivent être analysés dans le contexte<br />

territorial afin de promouvoir efficacement leur développement.<br />

Cette « territorialisation » a été mise en avant dans les lois<br />

« Grenelle » qui ont impulsé le Schéma régional du climat, de<br />

l’air et de l’énergie (SRCAE) et le Plan climat-énergie territorial<br />

(PCET). Le premier doit permettre de fixer des orientations<br />

pour le développement de la géothermie ; le second, de définir<br />

un plan d’actions à l’échelle infrarégionale.<br />

Le Grenelle de l’environnement a renforcé le rôle des collectivités territoriales dans<br />

la lutte contre le changement climatique et la maîtrise de la demande d’énergie. Les<br />

collectivités ont en effet un rôle clé à jouer. Non seulement parce qu’elles consomment<br />

elles-mêmes de l’énergie et qu’elles ont la compétence pour développer des réseaux de<br />

chaleur, mais aussi dans le cadre de leur politique d’aménagement et d’urbanisme.<br />

La géothermie est une énergie locale qui demande à être valorisée sous une forme<br />

adaptée au cas par cas. En effet, les ressources géothermiques varient géographiquement,<br />

d’une région à une autre, voire d’une ville à une autre, que ce soit en termes de propriétés<br />

des réservoirs aquifères ou de conditions d’accès (figure 1). En fonction de ses caractéristiques,<br />

la ressource pourra être valorisée pour différentes applications : production de<br />

chaleur via des pompes à chaleur (PAC), usage direct pour les réseaux de chaleur, voire production<br />

d’électricité notamment dans les DOM.


geothermal energy into territorial energy planning: the example of the ile-de-france region.<br />

L’intégration de la compétence « énergie » par les<br />

collectivités est donc essentielle au développement de<br />

la filière géothermique, car ses spécificités entraînent<br />

une évaluation préalable de la ressource à l’échelle du<br />

territoire. Une connaissance géolocalisée de la ressource<br />

est nécessaire, car une ressource non utilisée au droit<br />

d’un site ne pourra être mobilisée pour un projet situé<br />

en dehors de ce site. Il est important d’avoir une vision<br />

prospective du potentiel de développement de la géothermie<br />

pour mettre en œuvre les politiques adaptées.<br />

Des outils ont été mis en place par le Grenelle dans<br />

ce sens. Le SRCAE comprend notamment « une évaluation<br />

du potentiel de développement de chaque filière<br />

d’énergie renouvelable terrestre et de récupération, compte<br />

tenu de la disponibilité et des priorités d’affectation des<br />

ressources, des exigences techniques et physiques propres<br />

à chaque filière et des impératifs de préservation de l’environnement<br />

et du patrimoine ».<br />

Les PCET rendus obligatoires pour toutes les collectivités<br />

de plus de 50 000 habitants, proposent des actions<br />

locales à mettre en place, qui doivent être compatibles<br />

avec les orientations données dans les SRCAE [Poux<br />

et al. (2012)]. Ces outils visent à définir un objectif en<br />

étudiant le potentiel local. Des études de potentiel de<br />

développement de la géothermie ont été réalisées pour<br />

plusieurs régions afin de donner des éléments aux<br />

conseils régionaux et aux services de l’État pour alimenter<br />

le volet Énergies renouvelables de leur SRCAE.<br />

Cet article présente l’étude préalable à l’élaboration<br />

du schéma de développement de la géothermie en<br />

Île-de-France (1) . Cette région est remarquable à plusieurs<br />

titres : elle est dotée de ressources géothermales<br />

aquifères superficielles, intermédiaires et profondes<br />

(1) D’autres études régionales ont été réalisées en France : en Midi-Pyrénées<br />

[Bardeau et al. (2011)], en région Centre [Poux et al. (2012)], en Rhône-Alpes<br />

[Chartier et al. (2012)].<br />

Fig 1 : Variabilité des<br />

ressources géothermiques<br />

en France métropole et en<br />

outre-mer français.<br />

Fig. 1: Variability of<br />

geothermal resources<br />

in metropolitan and<br />

overseas France.<br />

© BRGM.<br />

L’intégration de<br />

la compétence<br />

« énergie » par<br />

les collectivités<br />

est essentielle au<br />

développement<br />

de la filière<br />

géothermique.<br />

45<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


46<br />

géothermie et planification énergétique territoriale : l’exemple du schéma régional de l’île-de-france<br />

conséquentes, permettant le déploiement de l’ensemble<br />

des techniques de production de chaleur. En outre, la<br />

demande énergétique est importante et concentrée.<br />

L’ensemble des techniques de production de chaleur,<br />

présentées dans la figure 2, peuvent donc être déployées.<br />

État des lieux de la filière géothermie<br />

en Île-de-France<br />

Les ressources en eau souterraine de l’Île-de-France<br />

présentent globalement (figure 3) :<br />

– des aquifères superficiels, assez bien connus. Il peut<br />

exister jusqu’à trois aquifères superposés entre 0<br />

et 120 mètres de profondeur dans certaines zones ;<br />

– des aquifères intermédiaires (Albien, Néocomien,<br />

Lusitanien), situés à 700 mètres de profondeur en<br />

moyenne ;<br />

– des aquifères profonds (Dogger, Trias), situés à plus<br />

de 1 000 mètres de profondeur.<br />

L’accès à ces ressources est limité par différentes<br />

contraintes, réglementaires ou techniques. Il s’agit<br />

principalement de mesures régionales de protection de<br />

la ressource en eau, comme les schémas d’aménagement<br />

et de gestion des eaux (SAGE), les zones de<br />

répartition des eaux (ZRE) et les mesures de protection<br />

des milieux naturels. Des contraintes plus restrictives<br />

(interdiction de forer dans des périmètres de protection<br />

des captages d’eau potable, présence d’une cavité,<br />

risque de dissolution du gypse, présence d’opérations<br />

de géothermie existantes) sont également prises<br />

en compte.<br />

Concernant les opérations de PAC sur aquifères et<br />

sur champs de sondes dans le résidentiel collectif et<br />

tertiaire (ne concerne pas la géothermie pour le<br />

particulier), 77 opérations en fonctionnement ont<br />

été recensées à fin septembre 2010 en Île-de-France<br />

(figure 4).<br />

Il n’y a eu que trois opérations sur aquifères intermédiaires<br />

avec PAC en 2010. Celle de la Maison de la Radio,<br />

qui a changé en 2011 pour s’alimenter à partir d’aquifères<br />

plus superficiels, et deux opérations toujours en<br />

cours, pour exploiter ces aquifères moins bien connus<br />

et surtout, en ce qui concerne notamment l’aquifère<br />

de l’Albien, identifiés comme réservoirs stratégiques<br />

d’accès à l’eau potable.<br />

Les opérations sur aquifères profonds, et notamment<br />

sur l’aquifère du Dogger, dont la majeure partie a<br />

été mise en service il y a une trentaine d’années, et<br />

en renouveau depuis 2007 (voir encadré page 50),<br />

sont mieux connues (29 opérations en fonctionnement<br />

en 2010).<br />

Fig. 2 : Les différentes<br />

filières de production<br />

de chaleur géothermique<br />

fonctionnant<br />

en Île-de-France.<br />

Fig. 2: The various<br />

production chains<br />

for geothermal heat<br />

in operation in<br />

the Ile-de-France region.<br />

© BRGM.


geothermal energy into territorial energy planning: the example of the ile-de-france region.<br />

Fig. 3 :<br />

Coupe géologique<br />

des aquifères<br />

du Bassin de Paris.<br />

Fig. 3:<br />

Geological section<br />

of the aquifers<br />

in the Paris basin.<br />

© BRGM.<br />

ó PAC sur aquifère<br />

superficiel<br />

ó PAC sur sondes<br />

ó Indéterminé<br />

N<br />

˚<br />

0 20 km<br />

Champs de sondes<br />

géothermiques<br />

Pieux<br />

géothermiques<br />

Doublets<br />

sur aquifère<br />

superficiel<br />

Fig. 4 : Cartographie<br />

du nombre<br />

d’opérations de<br />

PAC par commune<br />

francilienne.<br />

Fig. 4: Map of<br />

the number of<br />

heat-pump<br />

operations per<br />

Ile-de-France<br />

township.<br />

Source : Rapport BRGM/<br />

RP-60615-FR<br />

47<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


48<br />

géothermie et planification énergétique territoriale : l’exemple du schéma régional de l’île-de-france<br />

> La géothermie au service de l’éco-quartier du fort d’Issy-les-Moulineaux<br />

Cécile Chery – Direction des Géoressources – Division Géothermie – c.chery@brgm.fr – http://www.geothermie-perspectives.fr<br />

Dès 2013, le site historique du fort d’Issy-les-Moulineaux accueillera<br />

1 600 logements, dont 330 logements sociaux regroupés dans 18 immeubles,<br />

des commerces et divers équipements. Le chauffage des bâtiments<br />

et la fourniture d’eau chaude sanitaire (ECS) seront assurés par un réseau<br />

de chaleur basse température alimenté à partir de l’aquifère de l’Albien.<br />

Le forage de production permet de pomper une eau à 28 °C à 650 mètres<br />

de profondeur avec un débit annuel moyen de 65 m3 /h. Le fluide cède<br />

ses calories au réseau avant d’être réinjecté à une température de 13 °C<br />

via un forage de 635 mètres de profondeur. En fond de puits, 580 mètres<br />

séparent les deux forages.<br />

Afin de minimiser les déperditions thermiques et séparer les usages,<br />

deux PAC sont installées dans chaque immeuble. L’une est dédiée au<br />

Le futur<br />

éco-quartier<br />

du fort d’Issyles-Moulineaux.<br />

The future Issyles-Moulineaux<br />

fort eco-district.<br />

© AS Architecture Studio.<br />

Ce travail d’inventaire a permis la réalisation d’un bilan<br />

énergétique et climatique en 2005 et 2010. La filière<br />

géothermique en Île-de-France (hors PAC individuelles)<br />

a permis de substituer, en 2010, plus de 100 000 tep<br />

et d’éviter le rejet annuel de plus de 240 000 tonnes<br />

de CO2.<br />

Étude du potentiel de développement<br />

de la géothermie à l’horizon 2020<br />

L’étude du potentiel de développement de la géothermie<br />

s’effectue en comparant, de manière géolocalisée,<br />

les ressources géothermales aux besoins thermiques<br />

des utilisateurs en surface. Le potentiel correspond<br />

à l’énergie thermique pouvant être substituée par la<br />

géothermie, en prenant en compte les caractéristiques<br />

de la ressource, ses conditions d’accès et ses possibilités<br />

de valorisation.<br />

chauffage, l’autre à la production d’ECS. Résultat : la géothermie assure<br />

78 % des besoins en eau chaude, évitant ainsi l’émission de 2 000 tonnes<br />

de CO2 chaque année.<br />

« Même avec des taux de couverture inférieurs à ceux obtenus à partir de<br />

l’aquifère du Dogger, des nappes moins profondes peuvent alimenter des<br />

réseaux basse température. Grâce aux politiques d’efficacité énergétique<br />

développées et la réglementation thermique sur les bâtiments basse consommation<br />

(BBC), un projet géothermique a un effet levier vertueux sur son<br />

environnement, puisque le besoin en chaleur sera moindre et le forage<br />

géothermique pourra alimenter les zones périphériques », déclare S. Louillat,<br />

responsable du pôle énergie de l’ADEME Île-de-France. n<br />

La filière géothermique en Île-de-France<br />

(hors PAC individuelles) a permis de substituer,<br />

en 2010, plus de 100 000 tep.<br />

L’étude Center (IAU/Airparif) (2) a cartographié, avec une<br />

maille carrée de 250 sur 250 mètres, les consommations<br />

énergétiques (MWh) en 2005 et a développé des<br />

scénarios pour 2020 (figure 5) et 2030 à l’échelle de<br />

l’Île-de-France.<br />

(2) IAU-Idf (Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France)<br />

Airparif, réseau de mesure de la qualité de l’air en Île-de-France.


geothermal energy into territorial energy planning: the example of the ile-de-france region.<br />

Potentiel de développement d’opérations<br />

de PAC sur aquifères superficiels<br />

Le potentiel correspond aux consommations pouvant<br />

être substituées par de l’énergie géothermique, lorsque :<br />

– il y a adéquation entre la puissance géothermique<br />

disponible (fonction du débit moyen disponible) et la<br />

puissance nécessaire (besoins au niveau de la maille<br />

Center) et ce pour au moins un des aquifères ;<br />

– il n’y a pas de contraintes restrictives.<br />

Le potentiel technique de développement est ainsi<br />

estimé à 3 200 ktep/an (avec le scénario de consommations<br />

2020). Les valeurs sont cartographiées à l’échelle<br />

de la commune, comme le montre la figure 6.<br />

Dans un second temps, une contrainte économique est<br />

établie : la profondeur maximale de forage (principal<br />

poste de l’investissement), définie en fonction des<br />

besoins énergétiques, représente la profondeur limite<br />

au-delà de laquelle la mise en place de l’opération de<br />

géothermie n’est plus rentable.<br />

Au final, le potentiel technico-économique prenant<br />

en compte les contraintes techniques et économiques<br />

est de 1 918 ktep/an.<br />

Potentiel de développement de PAC<br />

sur sondes géothermiques<br />

Il n’y a pas eu d’analyse spécifique thermique des terrains<br />

pour l’étude du potentiel de développement des systèmes<br />

en « boucle fermée » (principalement sondes géothermiques<br />

verticales). Dans le cadre de cette étude, il a été<br />

considéré que le potentiel est déterminé lorsque :<br />

– les besoins de surface ne peuvent être couverts par<br />

les aquifères superficiels ;<br />

– l’espace disponible en surface est suffisant pour<br />

l’implantation de sondes espacées de 10 mètres. Le<br />

potentiel d’implantation de sondes ainsi obtenu, à<br />

partir duscénario 2020, est de 37 ktep.<br />

Si une « priorité » a été donnée aux aquifères superficiels,<br />

les valeurs de potentiel, déterminées à partir de besoins,<br />

peuvent basculer entre les différentes technologies.<br />

Potentiel de développement de réseaux<br />

de chaleur alimentés par géothermie<br />

profonde (aquifère du Dogger)<br />

Le potentiel d’extension des réseaux de chaleur géothermiques<br />

existants a été étudié en prenant en compte<br />

les possibilités de la ressource, ainsi que les évolutions<br />

Publicité<br />

de consommations énergétiques en surface. Selon une<br />

évolution linéaire, on obtiendrait ainsi, en 2020, une<br />

production supplémentaire de 37 ktep.<br />

La « géothermisation » de réseaux de chaleur existants<br />

est une deuxième voie. Il existe, à l’heure actuelle plus<br />

de 110 réseaux de chaleur en Île-de-France, dont une part<br />

non négligeable alimentée par des énergies fossiles.<br />

Une dizaine de réseaux de chaleur franciliens ont été<br />

identifiés comme pouvant faire l’objet d’un changement<br />

de système. Cela permettrait de substituer 35 ktep.<br />

Enfin, la création de nouveaux réseaux de chaleur a<br />

été identifiée pour une cinquantaine de communes.<br />

Ces nouveaux réseaux permettraient de substituer<br />

185 ktep en 2020.<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />

49


50<br />

géothermie et planification énergétique territoriale : l’exemple du schéma régional de l’île-de-france<br />

> Le renouveau des opérations de géothermie en Île-de-France<br />

Frédérik Bugarel – Responsable Direction Technique Utilisation de la Chaleur – CFG Services – f.bugarel@cfg.brgm.fr<br />

Villiers-le-Bel<br />

Gonnesse<br />

La Courneuve<br />

Nord et Sud<br />

Blanc-Mesnil<br />

Tremblay<br />

Paris Nord-Est (2009)<br />

Clichy-sous-Bois<br />

Chelles (2012)<br />

PARIS<br />

Maisons-Alfort<br />

1 & 2<br />

Val-Maubuée (2011)<br />

Cachan 1 & 2<br />

Champigny (2012)<br />

L’Hay-les-Roses Alfortville Créteil<br />

Chevilly-Larue Thiais Sucy-en-Brie (2008)<br />

Fresnes (2013) Orly 1 & 2 Bonneuil-sur-Marne<br />

ADP Orly (2010)<br />

Villeneuve-Saint-Georges<br />

Montgeron<br />

Vigneux<br />

Épinay-sous-Senart<br />

Ris-Orangis<br />

Le Mée-sur-Seine Melun l’Almont<br />

Nouveaux<br />

forages<br />

Meaux<br />

Hôpital et Collinet<br />

(2013)<br />

Meaux<br />

Beauval 1 & 2<br />

(2013)<br />

Coulommiers (2011)<br />

Réhabilitations Abandons<br />

Réalisé<br />

2008 Triplet de Sucy-en-Brie 1 1<br />

2009 Doublet de Paris-Nord-Est (PNE) 2<br />

2010 Doublet Orly ADP 2<br />

2011<br />

Doublet SAN Val-Maubuée<br />

Doublet Coulommiers<br />

2<br />

2 2<br />

Total réalisé<br />

Prévisionnel<br />

9 1 2<br />

Triplet de Champigny-sur-Marne 1 1<br />

2012 Doublet de Chelles 2 2<br />

Triplet de Bonneuil-sur-Marne 1<br />

Triplet de Fresnes 1 2<br />

2013<br />

Triplet de Meaux Hôpital<br />

Triplet de Meaux Beauval 1<br />

1<br />

1<br />

2<br />

2<br />

Triplet de Meaux Beauval 2 1 2<br />

Total prévisionnel 8 9 2<br />

Total réalisé + prévisionnel 17 10 4<br />

Nouvelles opérations<br />

réalisées depuis 2008 et<br />

programmées jusqu’en 2013<br />

sous maîtrise d’œuvre CFG<br />

Services.<br />

New operations conducted<br />

since 2008 and scheduled to<br />

continue on through to 2013<br />

with CFG Services as master<br />

builder.<br />

© CFG Services<br />

25<br />

20<br />

15<br />

10<br />

5<br />

0<br />

1969<br />

1975<br />

1976<br />

1977<br />

1978<br />

Depuis 2007, la relance de la géothermie basse<br />

température, initiée par le Grenelle de l’environ-<br />

nement, permet la réalisation de nouvelles<br />

opérations de géothermie profonde en Île-de-<br />

France. Dans cette région, l’aquifère du Dogger,<br />

situé entre 1 600 et 1 800 mètres de profondeur,<br />

est le réservoir géothermal cible privilégié depuis<br />

plus de trente ans en raison de son potentiel<br />

(température comprise entre 57 et 84 °C, débit<br />

d’exploitation atteignant 300 m3 /h) permettant<br />

d’alimenter des réseaux de chaleur conséquents<br />

(de l’ordre de 5 000 équivalent-logements)<br />

pour le chauffage et la production d’eau chaude<br />

sanitaire (ECS).<br />

Après deux décennies au cours desquelles<br />

l’activité s’est principalement concentrée<br />

sur la maintenance des dispositifs créés dans<br />

les années 1970-1980, sept nouvelles opérations<br />

ont été réalisées entre 2007 et 2011, parmi<br />

lesquelles quatre correspondent au renouvellement<br />

de dispositifs existants (nouveaux doublets<br />

d’Orly-Nouvelet et de Coulommiers, triplets de<br />

Sucy-en-Brie et de La Courneuve) et trois à la<br />

réalisation de nouveaux doublets géothermiques<br />

sur les sites de Paris-Nord-Est (porte d’Aubervilliers),<br />

de l’aéroport d’Orly et de Lognes. Au total,<br />

douze nouveaux forages ont été réalisés, dont<br />

cinq au cours de l’année 2011 qui marque une<br />

accélération nette du rythme des opérations.<br />

1980<br />

1981<br />

1982<br />

1983<br />

1984<br />

1985<br />

1986<br />

1989<br />

1995<br />

2007<br />

2008<br />

2009<br />

2010<br />

2011<br />

2012<br />

2013<br />

Activité de forage géothermique relatif à l’aquifère<br />

du Dogger.<br />

Geothermal drilling activity concerning the Dogger<br />

aquifer. © BRGM/ADEME.


geothermal energy into territorial energy planning: the example of the ile-de-france region.<br />

Cette tendance se poursuit en 2012 avec les<br />

opérations de renouvellement en cours sur les<br />

sites de Champigny-sur-Marne et de Bonneuil-<br />

sur-Marne (deux triplets) et programmées<br />

à Chelles (nouveau doublet), puis en 2013 avec<br />

le renouvellement notamment des dispositifs<br />

de Fresnes et de Meaux (quatre triplets), soit huit<br />

nouveaux forages en deux ans.<br />

Ce rythme soutenu devrait se prolonger au<br />

moins jusqu’en 2015 au regard des projets<br />

en cours d’étude de faisabilité ou d’instruction<br />

réglementaire.<br />

La forte densité des dispositifs au Dogger, notamment<br />

dans les départements du Val-de-Marne<br />

et de Seine-Saint-Denis, limite l’espace disponible<br />

pour la réalisation de nouveaux projets,<br />

en raison des permis d’exploitation et de la<br />

propagation des bulles froides créées par les<br />

dispositifs existants. En outre, le développement<br />

des technologies liées aux pompes à chaleur et<br />

aux réseaux de chaleur basse température<br />

permet aujourd’hui d’envisager l’exploitation<br />

des ressources géothermales potentielles<br />

moins profondes que le Dogger, telles que<br />

l’Albien et le Lusitanien (Oxfordien).<br />

La maturité technologique atteinte grâce à<br />

l’exploitation du Dogger permet d’envisager<br />

le développement de la géothermie basse température<br />

dans d’autres secteurs favorables, en<br />

particulier dans l’est de la région parisienne.<br />

De même, des perspectives de développement<br />

sont envisagées dans d’autres régions (Alsace,<br />

Aquitaine et Picardie notamment), ainsi qu’à<br />

l’international (Belgique, Chine, Russie…). n<br />

Forage géothermique dans le Bassin<br />

parisien (Coulommiers).<br />

A geothermal well in the Paris Basin<br />

(Coulommiers).<br />

© CFG Services.<br />

51<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


52<br />

géothermie et planification énergétique territoriale : l’exemple du schéma régional de l’île-de-france<br />

Bilan de l’étude du potentiel<br />

Si l’on considère l’ensemble de ces potentiels, et en<br />

donnant une priorité aux opérations de réseaux de<br />

chaleur au Dogger lorsque plusieurs solutions sont<br />

possibles, la géothermie pourrait permettre de substituer<br />

plus de 2 000 ktep annuellement et d’éviter l’émission de<br />

plus de 3,9 millions de tonnes de CO2, comme le montre<br />

le tableau (figure 7).<br />

Ces chiffres montrent la part que la géothermie<br />

pourrait couvrir en 2020, à savoir plus de 30 % des<br />

consommations accessibles à la géothermie (qui,<br />

rappelons-le, représentent la consommation des bâtiments<br />

dont le système de chauffage et de production<br />

d’eau chaude sanitaire actuel permet une substitution<br />

par la géothermie).<br />

Conclusion et enjeux<br />

L’état des lieux, ainsi que les valeurs de potentiels<br />

doivent permettre d’alimenter le volet énergies renouvelables<br />

du SRCAE francilien. Ce dernier fixe « des<br />

objectifs quantitatifs de développement de la production<br />

d’énergie renouvelable, à l’échelle de la région et par<br />

zones infrarégionales favorables à ce développement […]<br />

et assortis d’objectifs qualitatifs visant à prendre en compte<br />

la préservation de l’environnement et du patrimoine ainsi<br />

qu’à limiter les conflits d’usage. »<br />

De manière générale, il ressort de ces études que le<br />

potentiel de développement de la géothermie est très<br />

significatif, en particulier pour la géothermie assistée<br />

par pompes à chaleur. Ces évaluations sont corroborées<br />

par la pénétration très forte de la géothermie chez<br />

nos voisins européens comme l’Allemagne, la Suisse ou<br />

la Suède. Les conditions de développement en France<br />

sont progressivement réunies : compétence des acteurs,<br />

soutien public, promotion de cette énergie… La réglementation<br />

thermique des bâtiments pourrait cependant<br />

lui être plus favorable et la réglementation de l’opération<br />

géothermique à proprement parler mérite quant<br />

à elle d’être rénovée. La géothermie profonde, dont les<br />

performances énergétiques sont encore meilleures, est<br />

quant à elle assez conditionnée au développement de<br />

réseaux de chaleur. C’est une tendance de fond qui ne<br />

peut se faire que dans la durée.<br />

La fin de l’année 2012 est également la date limite de<br />

réalisation des PCET aux différentes échelles (régionale,<br />

départementale, intercommunale, communale). Pour<br />

la géothermie, cette échelle territoriale permet d’étudier<br />

Consommation<br />

totale de surface<br />

à la maille (MWh)<br />

ó Pas de besoin<br />

de surface<br />

ó < 1 000<br />

ó 1 000 - 5 000<br />

ó 5 000 - 10 000<br />

ó 10 000 - 50 000<br />

ó > 50 000<br />

Potentiel<br />

technique<br />

(MWh)<br />

ó Pas de potentiel<br />

identifié<br />

ó < 1 000<br />

ó 1 000 - 5 000<br />

ó 5 000 - 10 000<br />

ó 10 000 - 50 000<br />

ó 50 000 - 100 000<br />

ó 100 000 - 500 000<br />

ó > 500 000<br />

N<br />

˚<br />

0 20 km<br />

Fig. 5 : Cartographie du scénario de consommation énergétique en 2020<br />

(d’après l’étude Center).<br />

Fig. 5: Map of the energy consumption scenario for 2020 (according<br />

to the Center study). Source : Rapport BRGM/RP-60615-FR<br />

N<br />

˚<br />

0 20 km<br />

Fig. 6 : Cartographie du potentiel technique des aquifères superficiels<br />

par commune pour le scénario 2020.<br />

Fig. 6: Map of the technical potential of superficial aquifers on a<br />

town-by-town basis for the 2020 scenario. Source : Rapport BRGM/RP-60615-FR


geothermal energy into territorial energy planning: the example of the ile-de-france region.<br />

Opérations<br />

très basse énergie<br />

Opérations sur les aquifères<br />

intermédiaires<br />

(Albien et Néocomien)<br />

Tep<br />

substituées<br />

annuellement<br />

plus spécifiquement les potentiels, en intégrant des<br />

connaissances et contraintes qui n’auraient pu être<br />

considérées à l’échelle régionale. De telles études<br />

ont été menées ou sont planifiées pour des zones<br />

d’aménagement comme celle gérée par l’EPA (Etablis-<br />

sement Public d’Aménagement) Défense Seine-Arche<br />

[Analy et al. (2012)].<br />

Des démarches similaires peuvent être menées par<br />

les collectivités qui veulent prendre en main le volet<br />

énergétique de l’aménagement de leur territoire. Les<br />

enjeux sont forts à cette échelle. Il s’agit en effet de<br />

promouvoir le développement de la géothermie tout<br />

en préservant les ressources. C’est-à-dire limiter les<br />

impacts négatifs et les conflits d’usages, particulièrement<br />

en milieu urbain. Ces éléments vont également<br />

dans le sens d’une nécessaire planification du développement<br />

de la géothermie.<br />

L’identification d’actions locales pour soutenir le<br />

développement de la géothermie est une nécessité<br />

pour combler l’écart entre le potentiel de cette énergie<br />

et les capacités installées. Ces actions se mettront<br />

en place en fonction des compétences des différentes<br />

autorités locales et doivent permettre :<br />

– d’inciter les maîtres d’ouvrage à la réalisation des<br />

opérations de géothermie ;<br />

– d’animer et de structurer la filière ;<br />

– de mener des travaux d’amélioration de la connaissance<br />

de la ressource géothermale.<br />

Idéalement, il s’agit pour les collectivités de développer<br />

une stratégie cohérente de développement de l’énergie<br />

géothermique ou des énergies renouvelables, dans<br />

laquelle les autres acteurs vont pouvoir développer<br />

leur activité. n<br />

Bilan<br />

en énergie primaire<br />

(MWh ep)<br />

Tonnes de CO2<br />

évitées<br />

annuellement<br />

1 682 057 5 768 820 3 057 642<br />

4 684 24 606 9 083<br />

Opérations au Dogger 356 000 4 060 500 839 200<br />

Total 2 042 741 9 853 926 3 905 925<br />

Fig. 7 : Bilan chiffré du potentiel<br />

bilan énergétique et climatique<br />

de la géothermie en 2020.<br />

Fig. 7: Statistical assessment<br />

of the energy and climate<br />

situation of the geothermal sector<br />

in 2020.<br />

Source : Rapport BRGM/RP-60615-FR<br />

Geothermal energy<br />

into territorial energy planning:<br />

the example of the Ile-de-France<br />

region<br />

One of the outgrowths of the French<br />

“Grenelle process” is the elaboration of<br />

regional climate, air-quality and energy<br />

plans (SRCAE). These plans aim to help<br />

areas achieve the objectives assigned them<br />

in terms of greenhouse-gas emissions<br />

reductions, development of local, renewable<br />

energy sources and air-quality<br />

improvement. In this context, the regional<br />

state representative,<br />

the Regional Council President and the<br />

French energy agency have funded a BRGM<br />

study in “Ile-de-France” to assess<br />

itsgeothermal energy potential (for both<br />

direct district-heating uses and heat-pump<br />

assisted ones) on the scale of that region.<br />

The properties of aquifer resources there<br />

differ from one location to another. Once<br />

spatialized, these proprieties yielded the<br />

low geothermal potential aquifer atlas<br />

available on www.geothermie-perspectives.fr.<br />

Geothermal energy has been tapped in this<br />

region for over 30 years, mostly in<br />

connection with district heating, thanks to<br />

the good balance between the Dogger<br />

aquifer’s potential and the built<br />

environment’s energy needs. Thus<br />

geothermal energy provides heat to over<br />

187,000 housing-equivalents, thereby<br />

avoiding more than 240,000 tons of CO2 in<br />

2010. This requisite balance is one of the<br />

bases of the methodology for defining the<br />

region’s geothermal potential, comparing<br />

the geothermal resources, however low or<br />

deep they may be, to the energy needs (for<br />

heating, cooling and domestic hot water<br />

production). Taking into account technical,<br />

legislative and economic constraints, the<br />

potential for 2020 has been estimated to<br />

exceed 2,000,000 toe, corresponding to<br />

over 2.5 million housing-equivalents.<br />

Actions for developing geothermal energy<br />

will be implemented by the individual<br />

communities within their Action Plans for<br />

Climate and Energy (PCET), which<br />

is mandatory for each community of more<br />

than 50,000 inhabitants. The development<br />

of this huge potential must be managed<br />

responsibly so as to limit resource-use<br />

conflicts.<br />

Bibliographie : Analy M., Bel A., Bouzit M., Poux A., Le Brun M. (2012) – Évaluation des possibilités de développement de la géothermie sur le territoire de l’opération d’intérêt national de l’EPADESA. Rapport final<br />

BRGM/RP-60953-FR. Bardeau M., Poux A., Monod B. (2011) – Participation GÉOTHERMIE à l’étude technique du volet Énergies Renouvelables du Schéma Régional Climat Air Énergie de Midi-Pyrénées.<br />

Rapport BRGM/RP-60114-FR. Bel A., Poux A., Goyénèche O., Allier D., Darricau G., Lemale J. (2012) – Étude préalable à l’élaboration du schéma de développement de la géothermie en Île-de-France. Rapport<br />

BRGM/RP-60615-FR. Chartier R., Jouanneau J., Saint Martin M., Brun J., Poux A. (2012) – Inventaire du potentiel géothermique en région Rhône-Alpes, État des lieux et étude du potentiel – Rapport final<br />

BRGM RP-60684-FR Poux A., Philippe M., Chery C. (2012) – La géothermie dans les documents de planification énergétique territoriale - Rapport final BRGM/RP-60967-FR. Poux A., Goyénèche O., Le Brun M.,<br />

Martin J.C., Noel S., Zammit C., Salquebre D., Lecomte A., Fillacier S., Marre D. (2012) – Prospectives de développement de la géothermie en région Centre (GÉOPOREC). Rapport final BRGM RP/60336-FR.


54<br />

géothermie profonde<br />

les egs : une méthode d’exploitation géothermique généralisée pour les températures de 130 à 180 °c<br />

Sylvie Gentier<br />

Responsable du programme « Géothermie<br />

profonde de nouvelle génération »<br />

BRGM<br />

s.gentier@brgm.fr<br />

Tête du puits d’injection de la centrale<br />

géothermique de Landau (Allemagne).<br />

Head of the injection well, Landau geothermal<br />

power plant, Germany.<br />

© GEOX Geothermische Energie.<br />

Les EGS : une méthode<br />

d’exploitation<br />

géothermique généralisée<br />

pour les températures<br />

de 130 à 180 °C<br />

L’exploitation généralisée des températures supérieures<br />

à 130 °C à des fins de production d’électricité et/ou d’usage<br />

direct de la chaleur géothermique constitue un enjeu majeur<br />

pour le futur mix énergétique. Elle nécessite le développement<br />

de méthodes d’exploitation permettant de rendre accessibles<br />

des ressources hors des zones privilégiées comme les arcs<br />

volcaniques et des niveaux naturellement très perméables.<br />

Cette approche, qualifiée d’EGS [Enhanced (ou Engineered)<br />

Geothermal System], est présentée dans cet article,<br />

qui en expose les concepts, les contextes d’application<br />

et les liens avec la géothermie plus conventionnelle.<br />

À<br />

ce jour, la production d’énergie électrique d’origine géothermique est essentiellement<br />

développée dans des zones géographiques limitées, en lien avec des contextes<br />

volcaniques actifs. En matière de chaleur géothermique profonde s’ajoute la<br />

contribution des aquifères sédimentaires actuellement exploités, d’une température<br />

typiquement comprise entre 60 et 80 °C en France, pour l’alimentation principalement<br />

des réseaux de chaleur. Aujourd’hui, les objectifs ambitieux de réduction des émissions des<br />

gaz à effet de serre nécessitent tout au moins une maîtrise des consommations d’énergies<br />

d’origine carbonée, aussi bien en termes de production électrique que de production de<br />

chaleur, et une augmentation de la production énergétique à partir d’énergies renouvelables.<br />

Dans cette perspective, une contribution<br />

très significative de l’énergie géothermique<br />

n’est possible que si une exploitation<br />

plus généralisée de la chaleur terrestre est<br />

développée, incluant les zones a priori<br />

moins favorables en termes de ressources.<br />

L’exploitation de températures plus élevées<br />

dans ces zones géographiques permettra<br />

de rapprocher la production correspondante<br />

des lieux de consommation et<br />

L’exploitation des températures<br />

du sous-sol comprises<br />

entre 130 °C et 180 °C<br />

est un enjeu majeur<br />

pour la décennie à venir.


egs: a generalized method to exploit geothermal energy for temperatures ranging from 130 to 180 °C<br />

Héritier des différentes<br />

expériences menées dans<br />

le monde, le pilote scientifique<br />

de Soultz-sous-Forêts est<br />

le premier site au monde<br />

dit EGS à avoir été raccordé<br />

au réseau électrique.<br />

d’insérer la chaleur géothermique dans des réseaux<br />

de chaleur fonctionnant à température élevée (eau<br />

surchauffée, vapeur) et dans les procédés industriels.<br />

Pour toutes ces raisons, l’exploitation généralisée des<br />

températures du sous-sol comprises entre 130 °C et 180 °C<br />

est un enjeu majeur pour la décennie à venir.<br />

D’une manière générale, les températures visées ici<br />

sont localisées à des profondeurs importantes : entre<br />

4 et 6 km pour un gradient géothermique moyen de<br />

0,03 °C/m. Cependant, l’existence d’anomalies thermiques<br />

positives, liées à des contextes géologiques spécifiques,<br />

permet d’envisager leur exploitation à des profondeurs<br />

inférieures et en conséquence à des coûts de forage moins<br />

importants et des risques moindres.<br />

Les capacités à développer cette exploitation reposent<br />

notamment sur les concepts créés depuis une trentaine<br />

d’années et sur les expériences qui ont été menées avec<br />

plus ou moins de succès en Europe et dans le monde<br />

(figure 1).<br />

Le pilote scientifique de<br />

Soultz-sous-Forêts : contexte géologique<br />

et développement de l’échangeur<br />

Héritier des différentes expériences menées dans le<br />

monde (Fenton Hill, Rosemanowes…) suite au développement<br />

initial du concept Hot Dry Rock (HDR), le pilote<br />

scientifique de Soultz-sous-Forêts (Alsace, France) est le<br />

premier site au monde dit EGS (Enhanced Geothermal<br />

System) à avoir été raccordé au réseau électrique (septembre<br />

2010). Lancé au début des années 1990 avec la<br />

perspective de développer une production massive d’électricité,<br />

le site pilote a permis de mieux comprendre les<br />

conditions géologiques et hydrauliques profondes en<br />

contexte de socle et les méthodes à mettre en œuvre<br />

pour le développement de tels sites.<br />

Centrale<br />

électrique<br />

Puits<br />

d’injection Puits<br />

de production<br />

Sédiments<br />

et/ou roches<br />

volcaniques<br />

Fig. 1 : Représentation schématique du concept<br />

« Enhanced Geothermal System ».<br />

Fig. 1: Block diagram of the “Enhanced<br />

Geothermal System” concept.<br />

© BRGM – Art presse<br />

D’après MIT « The future of Geothermal energy » 2006.<br />

Schlumberger Water Resources.<br />

Socle à faible<br />

perméabilité<br />

150 à 400 °C<br />

3 000 à 7 000 mètres de profondeur


56<br />

les egs : une méthode d’exploitation géothermique généralisée pour les températures de 130 à 180 °c<br />

Quatre forages profonds (entre 3 600 et 5 000 mètres)<br />

ont été réalisés dans un bâti granitique sous couverture<br />

dans le fossé rhénan. Ils interceptent, dans leurs parties<br />

ouvertes, un réseau de failles et de fractures pour la<br />

plupart héritées d’une histoire tectonique complexe,<br />

antérieures à la phase de rifting et ayant rejoué au cours<br />

de la mise en place du rift. Les fractures naturelles sont<br />

à l’origine d’une perméabilité du bâti profond qui<br />

permet la circulation d’un fluide (saumure à 100 g/l) dont<br />

la température est comprise entre 180 °C et 200 °C pour<br />

les profondeurs explorées. L’existence de fluides chauds<br />

dans les structures tectoniques du socle, non anticipée<br />

dans l’approche initiale (HDR), constitue un « réservoir<br />

géothermique faillé/fracturé ». La structure du réservoir<br />

présente une hétérogénéité des circulations de fluide qui<br />

limite, dans les conditions naturelles, l’injectivité et la<br />

productivité initiales des puits, globalement inférieures<br />

à celles nécessaires pour une exploitation économique.<br />

Celles-ci sont de plus variables d’un puits à l’autre et<br />

fortement dépendantes de l’aléa « géologique » [Gentier<br />

et al. (2012)].<br />

L’exploitation géothermique de ces fluides nécessitant des<br />

débits plus conséquents, une phase de développement du<br />

site a été nécessaire en vue d’améliorer la perméabilité<br />

locale autour des puits et leur connectivité aux réseaux<br />

de failles/fractures naturels. Les méthodes développées<br />

au cours des différentes phases du projet reposent sur le<br />

principe de la stimulation hydraulique et/ou chimique.<br />

Appliquées dans un milieu faillé/fracturé, elles visent deux<br />

objectifs : rouvrir les structures existantes par l’injection<br />

sous pression d’un fluide de stimulation (eau douce), puis<br />

« élargir » ces ouvertures par dissolution des remplissages<br />

et altérations hydrothermales (injection de stimulants<br />

chimiques). À la suite de ces opérations de stimulation,<br />

les gains de productivité et d’injectivité restent variables<br />

d’un puits à l’autre et dépendantes du schéma de<br />

fracturation au puits et dans son voisinage.<br />

La centrale<br />

géothermique<br />

de Soultz-sous-Forêts<br />

exploite la chaleur<br />

profonde<br />

des granites sous<br />

le graben du Rhin ;<br />

cette chaleur<br />

est apportée<br />

par les fluides chauds<br />

circulant dans<br />

le granite fracturé.<br />

The Soultz<br />

geothermal plant<br />

taps the heat from<br />

granite deep beneath<br />

the Rhine graben;<br />

this heat is drawn<br />

from hot fluids<br />

flowing through<br />

the fractured granite.<br />

© GEIE Exploitation<br />

de la chaleur.


Concentration [µg/l]<br />

egs: a generalized method to exploit geothermal energy for temperatures ranging from 130 to 180 °C<br />

1 500<br />

1 200<br />

900<br />

600<br />

300<br />

Contribution<br />

des structures faillées<br />

NS<br />

Points expérimentaux<br />

Modèle de transport préliminaire<br />

Modèle de transport final<br />

Contribution<br />

des structures faillées<br />

NE-SW<br />

Contribution<br />

des structures faillées<br />

NW-SE<br />

0<br />

0 30 60<br />

90<br />

120 150<br />

Temps [jours] (depuis l’injection du traceur)<br />

Le pilote scientifique<br />

de Soultz-sous-Forêts : de la faisabilité<br />

à la démonstration<br />

À l’issue des différentes phases de stimulation des<br />

puits, les tests de circulation entre puits ont montré la<br />

faisabilité d’une boucle continue entre des puits de<br />

production (1 à 2) et un puits d’injection distants de<br />

600 à 700 m au niveau de leurs parties ouvertes. Entre<br />

3 500 m et 3 900 m de profondeur, les débits obtenus<br />

(250 m 3 /h) et la température en tête de puits (160 °C) ont<br />

confirmé la faisabilité d’un tel système. À plus grande<br />

profondeur (entre 4 500 m et 5 000 m), les débits<br />

exploitables (60 m 3 /h) à une température de 165 °C<br />

sont limités par l’injectivité du puits d’injection. Bien<br />

que le débit imposé lors des circulations ne soit pas au<br />

niveau espéré, il a pu être maintenu en boucle fermée<br />

sans perte, c’est-à-dire sans recharge externe. Seuls<br />

25 à 30 % du fluide réinjecté a été produit, mettant<br />

en évidence la connexion à un « réservoir naturel ». La<br />

circulation en continu la plus longue jamais réalisée a<br />

pu être maintenue durant 324 jours.<br />

La recherche de traceurs adaptés au contexte géothermique<br />

(résistants à la température) et la mise au point<br />

de méthodes analytiques ont permis d’élaborer un modèle<br />

hydraulique du réservoir faillé cohérent avec l’ensemble<br />

GPK2<br />

Concentration [µg/l]<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

Points expérimentaux<br />

Contribution<br />

des structures faillées<br />

NE-SW<br />

des données acquises (figure 2) et de comprendre les<br />

chemins de circulation des fluides naturels profonds<br />

[Gentier et al. (2010)].<br />

Sur la base de ces résultats, un premier module de<br />

conversion de 1,5 MWe est installé fin 2007 et la<br />

production électrique débute en avril 2008. La chaleur<br />

produite est transférée dans un circuit secondaire. La<br />

technologie retenue est celle de l’ORC (Organic Rankine<br />

Cycle), avec un fluide organique de type isobutane et un<br />

système de refroidissement par air.<br />

La pérennité d’un tel système est en cours de démonstration,<br />

mais se heurte encore à des problèmes technologiques<br />

(pompes). Sur la base des essais réalisés à<br />

des profondeurs de 3 500 mètres à 3 900 mètres (1997),<br />

les premiers calculs montrent que la chute de température<br />

associée à une circulation de longue durée (environ<br />

vingt ans) serait extrêmement lente pour les débits<br />

considérés (de l’ordre de 2 °C en douze ans) pour devenir<br />

ensuite quasi linéaire avec une perte de 0,1 °C par an.<br />

Modèle de transport final<br />

Contribution<br />

des structures faillées<br />

NW-SE<br />

GPK4<br />

0<br />

0 30 60<br />

90<br />

120 150<br />

Temps [jours] (depuis l’injection du traceur)<br />

Fig. 2 : Courbes<br />

de restitution du traceur<br />

au cours du test de 2005<br />

GPK2 et GPK4 :<br />

données expérimentales<br />

et modèles de transport.<br />

Fig. 2: Restitution curves<br />

for the tracer during<br />

tests 2005 GPK2 and<br />

GPK4: experimental data<br />

and transport models.<br />

© BRGM.<br />

Un premier module de 1,5 MWe a été installé fin 2007<br />

et la production électrique a débuté en avril 2008.<br />

57<br />

Géosciences • numéro 16 • février 2013<br />

57<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


58<br />

les egs : une méthode d’exploitation géothermique généralisée pour les températures de 130 à 180 °C<br />

a<br />

Les risques et les avantages<br />

Les mécanismes mis en jeu lors des stimulations<br />

hydrauliques modifient localement les contraintes<br />

pouvant être à l’origine de déformations/glissements<br />

qui, dans leur plus grande majorité, correspondent à une<br />

libération locale d’énergie très faible. La microsismicité<br />

associée [Cuenot et al. (2011)] est inhérente à ces techniques<br />

de stimulations (figures 3a et 3b). À un degré moindre,<br />

notamment en nombre d’événements, une microsismicité<br />

peut être rencontrée pendant la phase d’exploitation,<br />

en lien avec les pressions de réinjection, les changements<br />

brutaux de débits d’exploitation, l’évolution des contraintes<br />

thermiques ou l’évolution des propriétés des fractures.<br />

Tous ces événements sont si faibles que les populations<br />

ne peuvent en général pas les ressentir : à Soultz, sur<br />

45 000 microséismes localisés, seulement 0,3 % de<br />

ceux-ci présentait une magnitude comprise entre<br />

1,8 et 2,0, et 0,02 % une magnitude comprise entre 2,0<br />

et 2,9. Parmi ceux-ci, seuls quelques-uns ont été ressentis<br />

Fig. 3 : (a) Schéma de principe du déclenchement<br />

d’un événement microsismique.<br />

(b) Représentation des nuages microsismiques<br />

associés aux stimulations sur le site de Soultz.<br />

Fig. 3: (a) Schematic diagram of the trigger<br />

mechanism of a microseismic event.<br />

(b) Representation of the microseismic swarms<br />

associated with stimulations on the Soultz site.<br />

© BRGM.<br />

Les microséismes induits<br />

sont si faibles que les populations<br />

ne peuvent en général pas les ressentir.<br />

très localement (en raison, sans doute, d’amplification par<br />

effet de site), sans provoquer de dommages. Cependant,<br />

le projet de géothermie profonde de Bâle (Suisse) a été<br />

arrêté en raison d’un événement sismique de magnitude<br />

3,4 ayant provoqué quelques dommages (fissures) sur des<br />

bâtiments en décembre 2006.<br />

Les séismes induits par l’activité humaine ne sont<br />

pas spécifiques à la technologie EGS, ils surviennent<br />

également dans le domaine pétrolier conventionnel,<br />

la construction de barrages, les opérations minières et<br />

le stockage souterrain de CO2. Un projet de recherche<br />

européen est d’ailleurs actuellement dédié à l’étude de<br />

cette microsismicité afin d’éviter autant que possible<br />

l’apparition d’événements majeurs lors de l’exploitation<br />

des futurs sites. La question est de savoir s’ils peuvent<br />

être évités tout en garantissant une amélioration<br />

suffisante de la perméabilité.<br />

b


egs: a generalized method to exploit geothermal energy for temperatures ranging from 130 to 180 °c<br />

L’injection associée à la production et la circulation en<br />

boucle fermée en surface réduisent considérablement<br />

les impacts environnementaux des exploitations<br />

géothermiques conventionnelles (rejet des fluides<br />

géothermaux). Restent de possibles nuisances sonores<br />

et la concentration d’éléments chimiques dans les filtres<br />

de la boucle de surface qui peut nécessiter des traitements<br />

spécifiques. La partie ORC peut être refroidie<br />

par air, ce qui limite l’impact sur l’environnement en<br />

évitant le recours au refroidissement par eau.<br />

Les EGS : vers une méthode<br />

de développement et d’exploitation<br />

généralisée de la chaleur<br />

Les EGS recouvrent tous les systèmes géothermiques<br />

où le développement du site repose sur des techniques<br />

visant à augmenter la perméabilité d’un volume de<br />

sous-sol par l’injection et la récupération de fluides<br />

afin d’améliorer la récupération de l’énergie d’une<br />

source de chaleur profonde. Ceci peut être atteint<br />

par diverses approches, comme la stimulation thermique,<br />

la stimulation hydraulique et ou chimique, voire la<br />

fracturation hydraulique.<br />

Ces développements s’adressent à des contextes<br />

géologiques spécifiques (perméabilité naturelle initiale<br />

insuffisante ou partiellement insuffisante pour une<br />

exploitation économique) que l’on rencontre à des<br />

profondeurs « économiquement raisonnables » et pour<br />

des gammes de température de 130 °C à 180 °C (figure 4).<br />

Sur la base des résultats acquis à Soultz-sous-Forêts,<br />

des projets industriels ont vu le jour depuis quelques<br />

années et sont en cours de développement dans le<br />

fossé rhénan : Landau (Allemagne) vise une production<br />

combinée d’électricité et de chaleur et ECOGI (France)<br />

vise la production de chaleur industrielle. Ces deux<br />

projets prévoient d’exploiter la chaleur (températures<br />

de 140 °C à 160 °C) de fluides chauds présents au toit<br />

du socle granitique et/ou et dans les grès du<br />

Bundsandstein, à l’interface socle-couverture. Il s’agit,<br />

comme à Soultz-sous-Forêts, d’exploiter des réservoirs<br />

géothermiques faillés/fracturés, mais à des profondeurs<br />

plus faibles (2 000 à 3 500 mètres). À Landau, les deux<br />

puits forés atteignent des débits de 230 à 290 m 3 /h,<br />

à une température de 158 °C. Pour l’un des puits,<br />

le débit a été atteint sans développement local de la<br />

perméabilité, alors que pour l’autre, une stimulation<br />

hydraulique et chimique a été nécessaire.<br />

Fig. 4 : Positionnement des potentialités d’application des EGS<br />

dans une représentation schématique de l’évolution de la température<br />

en fonction de la profondeur pour les ressources géothermiques.<br />

Fig. 4: Plotting application potentialities for EGS against the background<br />

of a diagram of temperature evolution versus depth for geothermal resources.<br />

© EGS, Inc.<br />

En Allemagne, des contextes sédimentaires sont<br />

également en cours de développement au moyen de<br />

méthodes de stimulation hydraulique. Près de Berlin<br />

(Groß Schönebeck), les puits atteignent un réservoir<br />

sédimentaire hétérogène (grès, conglomérats et roches<br />

volcaniques) caractérisé par une porosité de matrice<br />

et de fractures élevée (jusqu’à 10 %) et une température<br />

de 150 °C. En raison de sa représentativité à l’échelle de<br />

l’Europe de l’Ouest et de l’Europe centrale, il constitue un<br />

site expérimental intéressant. Dans un autre contexte,<br />

pour la première fois, il est prévu de stimuler un réservoir<br />

à 4 000 mètres de profondeur dans les carbonates imperméables<br />

du Malm (Jurassique supérieur) situé dans le<br />

bassin molassique (Mauerstetten, Bavière).<br />

Des projets visant la production massive d’électricité<br />

à partir de l’exploitation de la chaleur du socle ont également<br />

vu le jour en Australie depuis une dizaine d’années.<br />

Les températures sont de 200 °C à des profondeurs<br />

de 4 000 à 5 000 mètres (jusqu’à 270 °C à 4 900 mètres<br />

dans le Copper Basin). Ces systèmes géothermiques,<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />

59


60<br />

les egs : une méthode d’exploitation géothermique généralisée pour les températures de 130 à 180 °c<br />

qualifiés de HDR, de HFR (Hot Fractured Rocks) et au final<br />

de « roches chaudes » en général (sans préjuger de<br />

leur perméabilité initiale) nécessitent le recours à<br />

des méthodes de création et/ou d’amélioration de la<br />

perméabilité.<br />

En parallèle depuis quelques années, des études sont<br />

menées aux États-Unis pour développer cette technologie<br />

dans différents contextes géologiques, principalement<br />

à la périphérie de champs géothermiques conventionnels<br />

(Coso, Desert Peak, Geysers), avec diverses finalités :<br />

production complémentaire, recharge d’un réservoir<br />

en exploitation…<br />

Fig. 5 : Des premières<br />

expériences (HDR)<br />

aux pilotes actuels (EGS) :<br />

une base pour<br />

les développements<br />

futurs.<br />

Fig. 5: Initial experiments<br />

(HDR) to current<br />

pilot facilities (EGS):<br />

groundwork for<br />

the developments<br />

of the future.<br />

© BRGM.<br />

Les perspectives<br />

L’expérience issue des pilotes scientifiques menés depuis<br />

une trentaine d’années porte essentiellement sur<br />

la connaissance du sous-sol profond peu perméable,<br />

jusque-là peu exploré, et sur la compréhension de<br />

mécanismes physiques en lien avec les circulations des<br />

fluides et l’amélioration locale de la perméabilité dans<br />

ces milieux. Cette expérience, associée à l’amélioration<br />

du rendement de conversion thermoélectrique,<br />

ouvre une perspective raisonnable quant à l’exploitation<br />

généralisée des températures comprises entre 130 °C et<br />

180 °C, soit pour un usage direct de la chaleur, soit pour<br />

une cogénération électricité/chaleur (figure 5).<br />

Vue panoramique<br />

du projet Eden<br />

en Cornouaille,<br />

Royaume-Uni.<br />

Panoramic view<br />

of the Eden Project<br />

in Cornwall, UK.<br />

© Ennor.


Aux États-Unis, les premières cibles « haute température<br />

» visées sont des sites d’opportunité à la périphérie<br />

des systèmes hydrothermaux existants et dans les<br />

champs pétroliers présentant des anomalies thermiques.<br />

En complément, des méthodes de stimulation sont<br />

envisagées dans d’autres contextes géologiques :<br />

profondeur plus grande, bassins sédimentaires<br />

chauds (Louisiane, Texas et Oklahoma). En Australie,<br />

en l’absence de géothermie conventionnelle haute<br />

température et compte tenu des contextes géologiques<br />

les plus fréquents (socles sous couverture et grands<br />

bassins sédimentaires flexuraux), les cibles visées<br />

sont, conjointement, les socles sous couverture et<br />

les aquifères sédimentaires chauds et profonds (Hot<br />

Sedminentary Aquifers : HSA).<br />

En France, les perspectives<br />

de développement<br />

de cette technologie reposent<br />

sur les démonstrateurs<br />

qui devraient voir le jour dès 2013.<br />

En Allemagne, les projets se caractérisent par une<br />

grande variété des contextes géologiques et un<br />

objectif d’adaptation des techniques à ces contextes.<br />

En Espagne, les EGS constituent un des deux objectifs<br />

à moyen terme pour la future génération d’électricité<br />

d’origine géothermique et la production industrielle<br />

de chaleur, en complément de celle exploitée à partir<br />

des aquifères sédimentaires profonds,en lien notamment<br />

avec des investissements australiens.<br />

En France, les perspectives de développement de<br />

cette technologie dans un but de production d’énergie<br />

combinée électricité-chaleur et d’usage direct de la<br />

chaleur reposent pour beaucoup sur les démonstrateurs<br />

qui devraient voir le jour dès 2013. Leurs cibles privilégiées<br />

sont le fossé rhénan (toit de socle et fond de<br />

bassin) et les réservoirs sédimentaires profonds (Bassin<br />

aquitain).<br />

Publicité


62<br />

les egs : une méthode d’exploitation géothermique généralisée pour les températures de 130 à 180 °c<br />

Des Enhanced Geothermal Systems<br />

aux Engineered Geothermal Systems<br />

L’évolution actuelle et à venir des concepts et technologies<br />

développés depuis une trentaine d’années sous<br />

les différents vocables de HDR, HFR et EGS conduit à<br />

définir de façon beaucoup plus large les EGS, tant en<br />

termes de finalité que de cibles géologiques. Si les<br />

ressources hydrothermales « haute température » conventionnelles<br />

présentent un gradient thermique moyen élevé,<br />

une perméabilité et une porosité des roches élevées, des<br />

fluides en place en quantité suffisante et une recharge<br />

en fluide adéquate, les ressources EGS présentent au moins<br />

une lacune dans ces caractéristiques. En conséquence, leurs<br />

développements nécessitent des technologies adaptées<br />

[MIT led interdisciplinary panel, (2006)] au niveau :<br />

– du réservoir : stratégies de stimulation, réduction de<br />

l’énergie nécessaire pour réinjecter le fluide produit,<br />

modèles permettant l’exploitation et le suivi du<br />

réservoir ;<br />

– du forage : complétion des forages, optimisation de la<br />

profondeur de forage, nouvelles technologies de forage ;<br />

Application de<br />

technologies<br />

issues du génie<br />

géothermique<br />

Systèmes géothermiques<br />

conventionnels<br />

Enhanced<br />

Geothermal<br />

Systems<br />

Engineered<br />

Geothermal<br />

Systems<br />

Systèmes<br />

géothermiques<br />

améliorés<br />

Systèmes<br />

géothermiques<br />

stimulés<br />

Systèmes<br />

géothermiques<br />

aménagés<br />

– de la conversion thermodynamique : optimisation de<br />

la technologie de conversion pour la production<br />

d’électricité, le but principal étant de parvenir à une<br />

plus grande efficacité avec des températures plus<br />

basses ;<br />

– des impacts environnementaux : limitation des impacts<br />

et risques associés.<br />

Les projets en cours ou à venir, en couvrant des contextes<br />

géologiques variés, vont amener à considérer une fenêtre<br />

de températures exploitables indépendamment de la<br />

nature même des « réservoirs » (de la partie supérieure<br />

du socle aux séries sédimentaires de la partie inférieure<br />

des bassins) et en réduisant le risque pris sur le couple<br />

température-perméabilité grâce au relâchement de la<br />

contrainte sur la perméabilité initiale. Cette nouvelle<br />

approche conduira à repenser la notion de ressource<br />

géothermique et à redéfinir l’exploration à mener, en la<br />

basant sur la compréhension globale des systèmes<br />

et l’identification des structures géologiques les plus<br />

favorables pour atteindre les températures visées aux<br />

profondeurs optimales.<br />

Chaleur Fluide Perméabilité Solutions<br />

Acceptable Acceptable Acceptable Pas nécessaires<br />

Trop basse Acceptable Acceptable<br />

Fig. 6: Des « Enhanced<br />

Geothermal Systems »<br />

aux « Engineered<br />

Geothermal Systems ».<br />

Fig. 6: Moving ahead<br />

from “Enhanced<br />

Geothermal Systems”<br />

to “Engineered<br />

Geothermal Systems”.<br />

Adapté d’après MIT, After MIT.<br />

Développement de technologies de conversion<br />

énergétique basse température<br />

ou approfondissement des forages<br />

Acceptable Insuffisant Acceptable Réinjection et/ou injection de fluide externe<br />

Acceptable Acceptable Trop basse Stimulation des fractures de la formation rocheuse<br />

Acceptable Insuffisant Trop basse<br />

Introduction d’un fluide « de travail »<br />

et stimulation des fractures de la formation<br />

Acceptable Insuffisant Trop haute Scellement des fractures<br />

Trop haute Insuffisant Trop basse<br />

Trop basse Insuffisant Trop basse<br />

Développement d’outils haute température,<br />

introduction d’un fluide de « travail »<br />

et stimulation des fractures de la formation<br />

Développement de technologies de conversion<br />

énergétique basse température, introduction<br />

d’un fluide de « travail » et stimulation des fractures


egs: a generalized method to exploit geothermal energy for temperatures ranging from 130 to 180 °C<br />

conventionnels<br />

Technologie adaptée<br />

EGS Réservoirs<br />

Réservoirs<br />

non-conventionnels<br />

Au-delà de l’amélioration locale des conditions<br />

naturelles, l’intégration des développements au niveau<br />

des puits et de systèmes de conversion conduit à des<br />

systèmes géothermiques qui ne sont plus seulement<br />

« stimulés » (enhanced) mais plutôt « aménagés »<br />

(engineered) (figures 6 et 7). On peut d’ailleurs noter que<br />

les deux significations coexistent dans le sigle EGS,<br />

suivant les auteurs, ce qui est révélateur.<br />

Après les événements microsismiques à Bâle (2006)<br />

et à Landau (2009), l’amélioration de la perception sociale<br />

de la production d’énergie sur la base de technologie<br />

EGS est indispensable et incontournable. De nouvelles<br />

stratégies de stimulation et de gestion avancée des<br />

réservoirs géothermiques apporteront des solutions<br />

techniques à la maîtrise du risque sismique ; l’acceptation<br />

des projets nécessitera par ailleurs des actions<br />

approfondies d’information et de concertation, chacun<br />

ayant sa propre représentation du sous-sol et ses propres<br />

sensibilités en matière d’environnement et de risques.<br />

La mise en perspective de ces projets avec les inconvénients<br />

des autres techniques de production d’énergie<br />

est nécessairement à prendre en compte.ó<br />

Aquifères<br />

peu profonds et chauds<br />

de forte perméabilité<br />

Aquifères profonds chauds<br />

et peu perméables<br />

Socle fracturé<br />

Roches chaudes plus ou moins perméables<br />

Roches chaudes et sèches<br />

Fig. 7 : Un continuum<br />

pour une exploitation optimisée<br />

de l’ensemble des ressources<br />

géothermiques.<br />

Fig. 7: A continuum for optimized<br />

exploitation of all geothermal<br />

resources.<br />

© BRGM.<br />

EGS: a generalized method to<br />

exploit geothermal energy<br />

for temperatures ranging<br />

from 130 to 180 °C<br />

An outgrowth of experiments<br />

conducted in various parts of<br />

the world, the scientific pilot at<br />

Soultz-sous-Forêts (Alsace, France) is<br />

the very first Enhanced Geothermal<br />

System facility ever connected<br />

to a power grid (September 2010).<br />

The development of this site,<br />

launched in the early 1990’s with<br />

the aim to produce large quantities<br />

of electricity, has afforded a better<br />

understanding of the geological<br />

and hydraulic conditions prevailing<br />

at significant depths in a basement<br />

context, thereby allowing methods<br />

to be devised to develop such sites.<br />

Scientific and technical insights<br />

gained via the first generation of<br />

experimental sites henceforth open<br />

up the perspective of transitioning<br />

from the current concept of<br />

Enhanced Geothermal System to an<br />

expanded exploitation of the earth’s<br />

heat over wider geographical zones<br />

and shallower depths (with<br />

temperatures ranging between<br />

130 and 180 °C) and accommodating<br />

a variety of geological contexts<br />

(basement and sedimentary) and<br />

a lower initial natural permeability<br />

than that currently required<br />

for conventional exploitation.<br />

This evolution is already in progress,<br />

with a new generation of projects<br />

springing up in Europe, Australia<br />

and the United States. Adapting<br />

existing technologies and achieving<br />

the additional developments needed<br />

to contend with the different<br />

contexts encountered whilst<br />

ensuring economic viability will lead<br />

on into a more general concept,<br />

that of the “Engineered Geothermal<br />

System”. Furthermore, these new<br />

types of exploitation, which aim at<br />

producing not only electricity but<br />

also heat for industrial purposes<br />

(a process known as<br />

“co-generation”), will be able to be<br />

sited in closer proximity to potential<br />

consumers.<br />

Bibliographie : Cuenot N., Dorbath C. and L. Dorbath (2011) – Analysis of the Microseismicity Induced by Fluid Injections at the EGS Site of Soultz-sous-Forêts (Alsace, France): Implications for the Characterization<br />

of the Geothermal Reservoir Properties. (2008) – In Pure and Applied Geophysics, 165 (2008) 797–828, Birkha¨user Verlag, Basel. Gentier S., Rachez X., Blaisonneau A., Peter-Borie M. (2012) – « Influence de l’aléa<br />

géologique sur la stimulation hydraulique de puits géothermiques » dans Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur- JNGG2012, Université de Bordeaux 1, Bordeaux, 4-6 juillet, Vol.2.<br />

pp. 821-828. Gentier S., Genter A. (2010) – « Le pilote scientifique de Soultz-Sous-Forêts (Bas-Rhin), enjeux et perspectives » dans Géochronique, La Géothermie, coéd. SGF-BRGM, juin 2010, chap. 3-2, pp. 40-44.<br />

The Future of Geothermal Energy, Impact of Enhanced Geothermal Systems (EGS) on the United States in the 21st Century, MIT led interdisciplinary panel, Massachusetts Institute of Technology, Boston (2006).<br />

http://www1.eere.energy.gov/geothermal/egs_technology.html


64<br />

climatisation<br />

impac lyon: évaluer l’impact de l’exploitation des aquifères superficiels pour la climatisation<br />

Sophie Bézèlgues-Courtade<br />

Hydrogéologue<br />

BRGM, Division géothermie<br />

s.bezelgues@brgm.fr<br />

Pierre Durst<br />

Hydrogéologue<br />

BRGM, Division géothermie<br />

p.durst@brgm.fr<br />

Frédéric Garnier<br />

Microbiologiste<br />

BRGM, Division géothermie<br />

f.garnier@brgm.fr<br />

Ioannis Ignatiadis<br />

Microbiologiste<br />

BRGM, Direction Eau,<br />

Environnement et Ecotechnologies<br />

i.ignatiadis@brgm.fr<br />

ImPAC Lyon : évaluer<br />

l’impact environnemental<br />

et thermique de l’exploitation<br />

des aquifères superficiels<br />

pour la climatisation<br />

Face au fort développement de la géothermie de très basse<br />

énergie, des questions sont posées quant à son influence<br />

sur l’intégrité des aquifères exploités. La présente étude<br />

a eu pour objectif d’appréhender les incidences thermiques,<br />

physico-chimiques et microbiologiques d’une exploitation<br />

de très basse énergie, destinée à la climatisation, sur<br />

l’aquifère des alluvions du Rhône, à Lyon. Il s’agit d’une étude<br />

expérimentale qui repose sur un volet d’observations in situ<br />

et sur un ensemble de simulations en laboratoire.<br />

Implantation d’un piézomètre d’observation devant la Maison de la Danse, Lyon.<br />

An observation piezometer being installed in front of the “Maison de la Danse”, Lyon. © BRGM.<br />

En Europe, nombre de grandes agglomérations sont implantées sur de larges<br />

vallées alluviales aux caractéristiques hydrauliques intéressantes, sur lesquelles les<br />

installations géothermiques à usage de chauffage et de climatisation se multiplient<br />

de façon intensive, contribuant ainsi à la transition énergétique vers des énergies<br />

renouvelables. Néanmoins, les impacts environnementaux dus aux modifications<br />

thermiques liées au développement de ces installations géothermiques sont insuffisamment<br />

connus faute d’expérience en termes de caractérisation et de compréhension<br />

des mécanismes hydrogéologiques, géochimiques et microbiologiques associés. En<br />

particulier, s’il permet de s’affranchir des<br />

nuisances engendrées par les systèmes<br />

aérothermiques (bruit, rejet d’air chaud, risque<br />

de légionelles…) et propose un meilleur<br />

rendement énergétique, le développement<br />

des systèmes de climatisation sur aquifère est<br />

susceptible de provoquer le réchauffement<br />

des eaux souterraines. Les effets de ce réchauffement<br />

sur la qualité physico-chimique et<br />

microbiologique des eaux doivent être<br />

évalués afin d’être pris en compte lors de<br />

Le développement des<br />

systèmes de climatisation<br />

sur aquifère est susceptible<br />

de provoquer<br />

le réchauffement<br />

des eaux souterraines.


impac lyon: Evaluating the impacts of shallow aquifers exploitation for air conditioning<br />

l’élaboration de règles de gestion de la ressource en eau<br />

souterraine et de la ressource énergétique du sous-sol.<br />

Les agglomérations, comme celles de Paris, Strasbourg,<br />

Toulouse et Lyon, sont confrontées au développement<br />

des climatisations sur nappes d’eau souterraines.<br />

Cela est d’autant plus vrai pour ces deux dernières, où<br />

l’utilisation de la nappe pour le chauffage urbain, très<br />

peu développée, ne saurait compenser le réchauffement<br />

induit par la climatisation. Elles sont des cibles d’études<br />

privilégiées des phénomènes physiques, chimiques et<br />

microbiologiques induits dans les aquifères superficiels<br />

en contexte de développement de leur exploitation<br />

thermique. La ville de Lyon, en particulier, s’intéresse<br />

aux moyens de gestion pérenne de la ressource que<br />

constituent les eaux de nappe et pose la question des<br />

éventuels risques sanitaires susceptibles d’être induits<br />

par leur exploitation.<br />

En effet, la nappe superficielle des alluvions du Rhône,<br />

au droit de l’agglomération lyonnaise, est l’objet depuis<br />

les années 1960 d’une exploitation géothermique<br />

qui s’est fortement développée depuis les années 1990.<br />

À partir de 2000, les premières interrogations concernant<br />

l’augmentation de la température de l’eau émergent<br />

suite à l’apparition de dysfonctionnements et de conflits<br />

d’usages : certaines installations montrent une hausse<br />

de la température des eaux pompées, une installation<br />

municipale est perturbée par un fort développement<br />

de bactéries filamenteuses, etc.<br />

Des variations saisonnières de température ont été mises<br />

en évidence, avec des amplitudes de 1 à 2 °C, les secteurs<br />

à proximité du Rhône indiquant des températures<br />

globalement plus élevées (autour de 17 °C, jusqu’à<br />

environ 20 °C) que sur les secteurs est ou nord (entre<br />

15 et 16 °C). En fin de saison de climatisation, des<br />

températures atteignant 30 °C sont relevées ponctuellement<br />

[(Murzilli et Galia (2010)].<br />

Le projet ImPAC Lyon : une première<br />

évaluation de l’impact d’une exploitation<br />

Le projet ImPAC Lyon, cofinancé par l’ADEME sur la période<br />

2010-2011, a permis d’évaluer les impacts des variations<br />

de températures liées à l’exploitation géothermique<br />

des aquifères (à usage de climatisation) sur la qualité<br />

physico-chimique et microbiologique des eaux<br />

souterraines[Bézelgues (2011) ; Durst et al. (2012)].<br />

Les paramètres recherchés étaient : les teneurs en<br />

éléments majeurs et traces ; les teneurs en micropolluants<br />

organiques ; l’abondance, la diversité et l’activité de la<br />

microflore non pathogène ; l’abondance de la microflore<br />

pathogène.<br />

Le projet comprend des travaux expérimentaux<br />

réalisés in situ et en laboratoire.<br />

Volet in situ<br />

Après une première phase (en 2010) de sélection et<br />

d’équipement d’un site expérimental, l’action a été<br />

centrée sur l’acquisition de données et sur leur interprétation.<br />

Le site retenu est celui de la mairie du 8 e arrondissement<br />

de Lyon. Une installation de géothermie sur nappe y est<br />

implantée. Il s’agit d’un doublet de forages fonctionnant<br />

uniquement en mode climatisation, à un débit de<br />

40 m 3 /h pendant la moitié de l’année (mai-octobre).<br />

L’équipement du site (figure 1) a consisté à implanter<br />

quatre piézomètres d’observation de la nappe, répartis<br />

entre l’amont et l’aval du doublet, et à les instrumenter,<br />

ainsi que les forages de pompage et d’injection, pour<br />

un suivi en continu des paramètres physico-chimiques<br />

(conductivité, température, oxygène dissous, potentiel<br />

redox et niveau d’eau).<br />

Figure 1 : Géométrie<br />

du dispositif expérimental<br />

in situ.<br />

Figure 1: Geometry<br />

of the in-situ<br />

experimental rig.<br />

Source : Google map.<br />

65<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


66<br />

66<br />

impac lyon: évaluer l’impact de l’exploitation des aquifères superficiels pour la climatisation<br />

Réservoir d’eau<br />

Les observations ont été complétées par neuf campagnes<br />

de prélèvements et d’analyses permettant de caractériser<br />

l’évolution des paramètres physico-chimiques (teneurs<br />

en éléments majeurs et traces, teneurs en micropolluants<br />

organiques) et microbiologiques dans les six points de<br />

mesure. L’interprétation des données physicochimiques<br />

a été accompagnée d’une modélisation géochimique.<br />

Volet de laboratoire<br />

Étuve<br />

Zone de simulation du terrain étudié<br />

Colonne de percolation<br />

En parallèle au suivi in situ, et dans le cadre de la thèse<br />

de F. Garnier [Garnier (2012)], appuyée par le projet<br />

BIOTHERMEX (1) , un dispositif expérimental a été élaboré<br />

(figure 2). Il vise à reproduire, dans des conditions<br />

maîtrisées, les fluctuations de température et de<br />

qualité d’un fluide induites lors des cycles saisonniers<br />

de fonctionnement d’une installation géothermique.<br />

L’approche retenue, en condition dynamique (fluide en<br />

circulation dans une matrice rocheuse reconstituée),<br />

est essentielle, car elle permet d’intégrer les paramètres<br />

hydrodynamiques et de se rapprocher au mieux des<br />

conditions réelles d’aquifères superficiels [Garnier et al.<br />

(2011)]. Les fluides utilisés pour les expérimentations sur<br />

le pilote sont des eaux souterraines prélevées sur le site<br />

expérimental de Lyon ou sur d’autres sites (CTIFL à<br />

Balandran dans le Gard et BRGM à Orléans). Les matrices<br />

rocheuses de percolation ont été reconstituées à<br />

partir de matériaux rocheux issus des mêmes sites.<br />

(1) BIOTHERMEX : évaluation BIOlogique de l’exploitation THERMique d’un<br />

aquifère : EXpérimentation en laboratoire. Projet de recherche lancé en 2009<br />

par le BRGM, en partenariat avec la région Centre et l’Institut des Sciences<br />

de la Terre d’Orléans (ISTO).<br />

Analyse<br />

microbiologique<br />

Zone<br />

de prélèvement<br />

Analyse des<br />

paramètres<br />

in situ<br />

Porte sonde<br />

Dispositif amont Dispositif central Dispositif aval<br />

Analyse<br />

physio-chimique<br />

Prélèvement<br />

automatique<br />

Calcul du débit<br />

Balance<br />

Fig. 2 : Le pilote<br />

BIOTHERMEX<br />

et son principe<br />

de fonctionnement.<br />

Fig. 2: Underlying<br />

principle of the<br />

BIOTHERMEX pilot rig.<br />

© BRGM (schéma),<br />

MEDDE – L. Mignaux (photo).


Le suivi des paramètres<br />

physico-chimiques du site ne fait<br />

pas apparaître de perturbations<br />

géochimiques significatives.<br />

Résultats : un impact<br />

essentiellement thermique<br />

Le suivi des paramètres physico-chimiques du site ne<br />

fait pas apparaître de perturbations géochimiques<br />

significatives. Ces constatations sont confirmées par<br />

les résultats de modélisation montrant que, tant pour<br />

les indices de saturation des minéraux que pour les<br />

potentiels d’oxydo-réduction, des variations thermiques<br />

autour de 14-24 °C dans l’aquifère n’entraînent pas de<br />

changement significatif.<br />

Les teneurs initiales de l’eau souterraine en polluants<br />

organiques, trop faibles, n’ont pas permis d’émettre de<br />

conclusion quant à l’influence de la température sur ces<br />

composés dans les eaux souterraines. Du point de vue<br />

bactériologique, et pour des températures variant de 15 à<br />

25 °C, une influence significative des rejets thermiques<br />

a été décelée sur l’ensemble des paramètres microbiologiques<br />

étudiés de la microflore non pathogène :<br />

– la concentration bactérienne augmente avec la<br />

température ;<br />

– certaines activités biologiques sont corrélées à la<br />

température :<br />

• l’activité « dégradation de la matière organique »<br />

(figure 3) est stimulée pour des températures de<br />

5 à 28 °C et inhibée pour des températures inférieures<br />

à 5 °C et supérieures à 28 °C ;<br />

• l’activité « dénitrification » est stimulée pour des<br />

températures de 15 à 25 °C, mais reprend les mêmes<br />

valeurs qu’à 15 °C, lorsque la température monte à<br />

35 °C ;<br />

– la diversité biologique montre une variabilité spatiotemporelle,<br />

y compris hors zone d’influence thermique<br />

de l’installation (figures 4 et 5).<br />

Globalement, les phénomènes observés sur la base de<br />

l’approche déployée dans cette étude indiquent une<br />

influence certaine de la température sur la microflore<br />

bactérienne autochtone, mais qui ne semble pas<br />

entraver le bon fonctionnement de l’écosystème. Une<br />

augmentation de température (dans la gamme 16-24 °C)<br />

est susceptible de stimuler certaines activités microbiologiques<br />

et donc les phénomènes d’atténuation<br />

naturelle (autoépuration) en milieu souterrain aquifère.<br />

Cependant, tous les types d’activités n’ont pu être<br />

étudiés, pas plus que les phénomènes d’adaptation à<br />

long terme.<br />

Densité optique (DMCP)<br />

Abondance relative<br />

Abondance relative<br />

0,5<br />

0,4<br />

0,3<br />

0,2<br />

0,1<br />

1,4E-02<br />

1,2E-02<br />

1,0E-02<br />

8,0E-03<br />

6,0E-03<br />

4,0E-03<br />

2,0E-03<br />

0,0E-00<br />

P3 Février 2011<br />

P4 Février 2011<br />

Fig. 4 : Exemple de variabilité spatiale des profils de diversités microbiologiques (obtenus sur<br />

des piézomètres non impactés thermiquement par l’installation géothermique : février 2011).<br />

Fig. 4: An example of the spatial variability of the profiles for microbiological diversities (obtained<br />

from piezometers not thermally impacted by the geothermal system: February 2011). © BRGM.<br />

2,5E-02<br />

2,0E-02<br />

1,5E-02<br />

1,0E-02<br />

5,0E-03<br />

0,0E+03<br />

0<br />

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45<br />

Température (°C)<br />

Fig. 3 : Activité métabolique mesurée sur l’eau du site expérimental de Lyon incubée<br />

à différentes températures (DMCP = Développement moyen de la coloration ; indicateur<br />

de l’activité métabolique).<br />

Fig. 3: Metabolic activity measured on water from the Lyon experimental site incubated<br />

at various temperatures (DMCP is the mean development of coloring, an indicator<br />

of metabolic activity). © BRGM.<br />

P3 Février 2011<br />

P4 Octobre 2011<br />

Fig. 5 : Exemple de variabilité temporelle des profils de diversités microbiologiques (obtenus sur<br />

des piézomètres non impactés thermiquement par l’installation géothermique : février 2011)<br />

Fig. 5: An example of the temporal variability of the profiles for microbiological diversities (obtained<br />

from piezometers not thermally impacted by the geothermal system: February 2011). © BRGM.<br />

67<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


68<br />

impac lyon: évaluer l’impact de l’exploitation des aquifères superficiels pour la climatisation<br />

Concernant les bactéries pathogènes, la bonne qualité<br />

microbiologique de l’eau du site de Lyon n’a pas permis<br />

de suivre une évolution de ces organismes quasiment<br />

absents du site. La littérature fait état de travaux<br />

indiquant que, dans les cas étudiés, le potentiel de<br />

survie de ces organismes, lors de leur transit dans les<br />

eaux souterraines, est faible. Néanmoins, ces travaux<br />

ne couvrent pas de cas particulièrement favorables<br />

au développement des pathogènes et devraient être<br />

complétés par des études supplémentaires.<br />

Les impacts bactériologiques<br />

restent limités, mais des<br />

perturbations thermiques notables<br />

ont été mises en évidence.<br />

Si les impacts bactériologiques constatés sur le site<br />

d’étude restent limités, des perturbations thermiques<br />

notables ont été mises en évidence (figure 6) :<br />

– la température de la nappe observée hors influence du<br />

fonctionnement du doublet indique une température<br />

moyenne annuelle relativement élevée, de l’ordre de<br />

16,5 °C, qui traduit une influence du milieu urbain, sans<br />

qu’il soit possible de déterminer si elle est due ou non<br />

à d’autres installations de géothermie ;<br />

– l’influence thermique de l’injection estivale d’eau<br />

chaude dans l’aquifère, dans les conditions actuelles<br />

d’exploitation (débit,∆T), reste marquée sur toute la<br />

durée d’un cycle hydrologique à l’intérieur d’une aire<br />

d’influence correspondant à un panache orienté en<br />

direction de l’écoulement souterrain et limité à moins<br />

de 50 mètres à l’amont et 150 mètres à l’aval du forage<br />

de rejet. Au cours de l’étude, la température des deux<br />

piézomètres concernés s’est élevée (de +1 °C pour P2)<br />

d’une année sur l’autre. La poursuite de l’acquisition<br />

de données sur plusieurs cycles hydrologiques supplémentaires<br />

permettrait de déterminer si cette<br />

augmentation thermique inter-annuelle est continue<br />

ou résulte d’autres facteurs ponctuels ;<br />

– en dehors de ce périmètre, il semble que la température<br />

de l’aquifère revienne à sa valeur « naturelle »<br />

hors période de fonctionnement de l’installation<br />

géothermique ;<br />

– un phénomène de recyclage thermique est également<br />

mis en évidence : l’eau pompée au niveau du puits<br />

de production voit sa température influencée par la<br />

réinjection de l’eau réchauffée par la pompe à chaleur.<br />

Ce phénomène est lié à un dimensionnement défaillant<br />

de l’installation (mauvais écartement des deux puits).<br />

Ces perturbations observées à l’échelle d’un doublet<br />

géothermique sont révélatrices de dysfonctionnements<br />

certainement très courants sur les installations de<br />

climatisation exploitant l’aquifère, en particulier dans<br />

les secteurs où leur densité est élevée. La première<br />

conséquence est une dégradation des performances<br />

énergétiques de l’installation. La seconde est une<br />

augmentation progressive de la température de rejet<br />

au cours de la période de fonctionnement et donc une<br />

augmentation progressive de la température de la nappe,<br />

susceptible d’entraîner des conséquences environnementales<br />

sur l’aquifère considéré.<br />

Les résultats obtenus sur le site expérimental de la<br />

mairie du 8 e arrondissement, à Lyon, et sur le pilote<br />

BIOTHERMEX ne permettent pas de mettre en évidence<br />

de perturbations physico-chimiques ou micro-biologiques<br />

significatives et nuisibles à l’équilibre de l’aquifère.<br />

Toutefois, les problématiques de la réponse des organismes<br />

Température de la nappe (°C)<br />

28<br />

26<br />

24<br />

22<br />

20<br />

18<br />

16<br />

14<br />

01/10<br />

01/11<br />

02/11<br />

03/11<br />

04/11<br />

05/11<br />

06/11<br />

07/11<br />

08/11<br />

09/11<br />

10/11<br />

11/11<br />

12/11<br />

01/12<br />

02/12<br />

P1<br />

P2<br />

P3<br />

P4<br />

Rejet<br />

(moyenne<br />

journalière)<br />

Fig. 6 : Régime thermique de l’aquifère au droit de la mairie du 8e arrondissement.<br />

Déc. 2010 - mai 2012.<br />

Fig. 6: The thermal regime of the aquifer vertically beneath the 8th district municipal<br />

office. Dec. 2010–May 2012. © BRGM.<br />

03/12<br />

04/12<br />

05/12


Publicité<br />

impac lyon: Evaluating the impacts of shallow aquifers exploitation for air conditioning<br />

pathogènes et du comportement de polluants organiques<br />

face à des sollicitations thermiques n’ont pas pu être<br />

appréhendées à Lyon en raison de l’absence de pollution<br />

aux pathogènes et de polluants organiques.<br />

Le cas étudié (un seul site sans influence directe<br />

d’une autre installation) se caractérise par un défaut<br />

de dimensionnement susceptible d’induire un réchauffement<br />

de l’aquifère à l’échelle interannuelle, qui est<br />

probablement significatif des pratiques en matière de<br />

dimensionnement d’installations en milieu urbain<br />

(fortes contraintes d’espace). Dans ces conditions, il<br />

apparaît d’autant plus nécessaire de poursuivre les<br />

travaux entamés à Lyon, d’une part en étendant la gamme<br />

de températures étudiées pour l’impact bactériologique,<br />

d’autre part en généralisant l’étude thermique de la<br />

nappe à l’ensemble de l’agglomération et en prenant<br />

en compte son écoulement. L’objectif est d’assurer le<br />

bon état de la nappe et la pérennité de la ressource,<br />

grâce au bon dimensionnement des installations, en<br />

évitant une trop forte concentration et/ou en favorisant<br />

l’utilisation de la nappe pour le chauffage de manière<br />

à contrebalancer les effets de la climatisation.<br />

Partenaires : BRGM, ADEME (Agence de l’Environnement<br />

et de la Maîtrise de l’Energie)<br />

ImPAC Lyon: Evaluating environmental and thermal impacts<br />

caused by exploiting shallow aquifers for air conditioning<br />

The objective addressed by the ImPAC<br />

Lyon project was to assess thermal,<br />

physico-chemical and microbiological<br />

impacts that might ensue when a<br />

ground water heat pump is installed.<br />

The experiment design was twofold,<br />

entailing a segment in the field at<br />

the 8th district municipal office (Lyon)<br />

and a laboratory segment where soil<br />

and water samples taken in the Lyon<br />

area were tested for a variety of<br />

temperatures.Regarding findings<br />

in the field, where temperatures<br />

ranged from 16 to 24 °C, only thermal<br />

disturbances, as opposed to physical<br />

and microbiological ones, were<br />

observed. Indeed, improper doublet<br />

design (which seems to be common<br />

practice in highly constrained urban<br />

environments) leads to the progressive<br />

warming of the aquifer from year<br />

to year. Thus, the work undertaken<br />

in Lyon would need to be extended to<br />

deal with other temperature ranges.<br />

Concerning the laboratory<br />

experiments for this study (over a<br />

temperature range of 15 to 25 °C),<br />

while a detectable influence of<br />

temperature on the native bacterial<br />

microflora is noted, this does not<br />

appear to be liable to have a negative<br />

influence on the proper operation<br />

of the ecosystem. However, other<br />

environmental conditions have yet<br />

to be examined, notably to ascertain<br />

behavior under the impact of higher<br />

temperatures, which can be expected<br />

in the context of a high density<br />

of geothermal systems.With respect<br />

to pathogenic bacteria and organic<br />

pollutants, the good microbiological<br />

quality of groundwater in Lyon did<br />

not allow us to monitor the evolution<br />

of these organisms, which are virtually<br />

absent on the site. New projects would<br />

be needed to deal with this aspect.<br />

Bibliographie : Bézèlgues-Courtade S. (2011) – ImPAC Lyon : évaluation de l’Impact environnemental dû aux modifications thermiques induites par les PAC sur aquifères superficiels – 2010. Rapport final, BRGM/<br />

RP-59730-FR. Durst P., Garnier F., Parmentier F., Bézèlgues-Courtade S., Ignatiadis I., avec la collaboration de Orofino S. et Levillon F. (2012) – ImPAC Lyon : Évaluation de l’impact environnemental dû aux modifications<br />

thermiques induites par les PAC sur aquifères superficiels – Année 2. Rapport final. BRGM/RP-60786-FR, 152 p., 50 fig., 17 tab., 8 ann. Garnier F., Daniel K., Despres M., Motelica-Heino M., Ignatiadis I. (2011)<br />

– Étude d’un dispositif expérimental dédié à l’évaluation des impacts biogéochimiques induits par les PAC géothermiques sur les nappes d’eaux superficielles : élaboration de plans de synthèse et simulations<br />

géochimiques. Rapport BRGM/RP-60161-FR, 71 p., 20 fig., 5 ann. Garnier F. (2012) – Contribution à l’évaluation biogéochimique des impacts liés à l’exploitation géothermique des aquifères superficiels :<br />

Expérimentations et simulations à l’échelle d’un pilote et d’installations réelles. Thèse de doctorat soutenue à l’université d’Orléans. 313 p, 255 fig, 30 tab. Murzilli O. et Galia H. (2010) – Exploitation géothermique<br />

des eaux souterraines en milieu urbain. Bilan et perspectives issus du retour d’expérience lyonnais. Géologues 167, pp 85-91.


a worldwide overview of carbon dioxide storage<br />

Carbon dioxide capture and storage (CCS)<br />

is to play an essential role in limiting global<br />

average temperature rises to no more<br />

than 2°C above pre-industrial values.<br />

Pilots and large scale integrated projects<br />

have already stored over 23 million tonnes<br />

of anthropogenic carbon dioxide in deep<br />

saline formations and over approximately<br />

80 million tonnes when including<br />

enhanced oil recovery and are providing<br />

sufficient technical and operational<br />

knowledge to inform on the safety<br />

and feasibility of this technology. While<br />

research and development need to<br />

continue, the number of commercial-scale<br />

projects needs to increase significantly<br />

to reach climate mitigation targets.<br />

Strong political support and appropriate<br />

incentives appear to be necessary for CCS<br />

to become a robust technology.<br />

70<br />

co2 emissions reduction<br />

The Schwarze Pumpe pilot plant for CO2 capture by<br />

oxycombustion run by Vattenfall (Germany).<br />

Usine pilote de captage de CO2 par oxycombustion à Schwarze<br />

Pumpe (Allemagne), conduite par Vattenfall<br />

© BRGM – Vattenfall.<br />

Angeline Kneppers<br />

Senior Advisor Storage<br />

Global CCS Institute,<br />

based in France<br />

angeline.kneppers@globalccsinstitute.com<br />

Steve Whittaker<br />

Principal Manager Storage<br />

Global CCS Institute,<br />

based in Australia<br />

Ernie Perkins<br />

Senior Advisor Storage<br />

Global CCS Institute,<br />

based in Canada<br />

Derek Taylor<br />

Regional Representative<br />

Global CCS Institute,<br />

based in Belgium<br />

Daniel Rennie<br />

Project Manager<br />

Global CCS Institute,<br />

based in France<br />

A worldwide overview<br />

of carbon dioxide<br />

storage<br />

As one of the strategies for reducing carbon dioxide (CO2) emissions, carbon<br />

capture and storage (CCS) is a developing technology that aims to prevent<br />

large quantities of CO2 from being emitted into the atmosphere mainly from<br />

burning fossil fuels. It is currently the only effective carbon abatement option for many<br />

industrial operations.<br />

The safe and permanent storage of CO2 is among the most important factors in<br />

ensuring CCS can achieve its potential as a key climate change mitigating technology.<br />

A number of large-scale geological storage sites have been developed, requiring<br />

extensive subsurface characterisation, monitoring and assurance processes.<br />

These current projects are now providing<br />

sufficient technical and operational knowledge<br />

on the safety and feasibility of CO2 injection<br />

into deep saline formations and depleted<br />

oil and gas reservoirs.<br />

However, the current number of CCS projects<br />

in various stages of development is not<br />

sufficient (1) to achieve the climate change mitigation objectives. This can partially be<br />

explained by the long lead times and the significant long-term commitment that are<br />

(1) Global CCS Institute, The Global Status of CCS: 2012<br />

CCS, a key climate change<br />

mitigating technology.


equired since these projects will be operational<br />

for decades, satisfying all regulatory reporting. The<br />

insufficient number of projects is also due to the low<br />

income from the sale of carbon or carbon credits and a<br />

legal and regulatory framework that is considered<br />

inadequate by some projects. It is urgent that public<br />

policies be reviewed so that viable projects can develop.<br />

Storing CO2 is part of a portfolio of<br />

solutions to mitigate climate change<br />

By 2050, global energy consumption and CO2 emissions<br />

are expected to be almost double 2008 levels, due<br />

primarily to the increasing growth in energy demand.<br />

If there are no changes in global policies, and current<br />

trends persist, this would lead to an average global<br />

warming of 6 °C (2) . As the negative effects of climate<br />

change become better understood, and human-induced<br />

CO2 concentrations in the atmosphere are globally<br />

accepted as one of the major causes, high CO2 emitting<br />

industries must continue to adopt near-zero emission<br />

technologies.<br />

There are a number of scenarios, for achieving the<br />

required goal of limiting global warming to 2 °C, but<br />

in all cases a portfolio of technologies needs to be<br />

deployed as quickly as possible. The Intergovernmental<br />

Panel on Climate Change (3) highlights that CCS will<br />

need to contribute 15-55 % of the cumulative mitigation<br />

effort until 2100, with the IEA’s detailed scenarios<br />

expecting CCS to contribute one fifth of the total<br />

emissions reductions by 2050 (cf. IEA 2012 Energy<br />

related CO2 emission reductions by technology, figure<br />

presented in D. Houssin’s introduction).<br />

In all of the scenarios, the costs of achieving global<br />

emissions targets in the power sector without CCS<br />

increase dramatically, and land-use would substantially<br />

have to change to accommodate for renewable<br />

sources of energy such as wind.<br />

It should be noted that CCS is currently the only<br />

available technology that allows industrial sectors (such<br />

as natural gas processing, iron and steel, cement or<br />

paper) to significantly decarbonise. As such, CCS is not<br />

a ‘transition’ technology, but is to become fully part<br />

of the production technology in these areas. When<br />

sustainable bio-energy is used with CCS, this can result<br />

in a net removal of CO2 from the atmosphere.<br />

(2) International Energy Agency, Energy Technology Perspectives 2012:<br />

Pathways to a Clean Energy System, OECD/IEA, France.<br />

(3) Intergovernmental Panel on Climate Change, 2005. Carbon Capture and<br />

Storage, special report.<br />

un panorama mondial du stockage géologique de dioxyde de carbone<br />

CCS works as part of this portfolio of solutions, permanently<br />

isolating the CO2 that would otherwise have<br />

been released into the atmosphere, by:<br />

– capturing and compressing the CO2 produced at<br />

high CO2 emitting industrial plants;<br />

– transporting the CO2 to suitable, well-characterised<br />

geological formations that will serve as the storage<br />

site; and<br />

– injecting the CO2 into the assessed storage formation<br />

such as depleted oil and gas bearing formations or<br />

deep brine-filled formations.<br />

A CCS system may be constituted of a single ‘point-topoint’<br />

scheme, where a capture source is linked directly<br />

to a storage site (figure 1), or designate a shared infrastructure<br />

for the collection of CO2 from multiple sources<br />

and distribution to individual or multiple injection sites.<br />

Fig. 1: CO2 capture<br />

and geological storage<br />

in the subsurface.<br />

Fig.1 : Captage et<br />

stockage géologique<br />

du CO2<br />

en profondeur.<br />

© BLCom.<br />

71<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


72<br />

a worldwide overview of carbon dioxide storage<br />

Injecting and storing CO2<br />

into deep geological formations<br />

Injection of CO2 into the Utsira Formation in the<br />

North Sea began in 1996 as part of Statoil’s Sleipner<br />

Project (Norway) and has now stored over 16 Mt CO2.<br />

In Algeria, the In Salah project has been injecting CO2<br />

since 2004 with over 4 Mt CO2 stored. The Snøhvit<br />

project in Norway started injection in 2008 and has<br />

stored 1.6 Mt of CO2 to date. These projects have used<br />

various monitoring techniques and have demonstrated<br />

that it is possible to safely manage the injection<br />

of CO2 into geological reservoirs. Oil companies have<br />

been injecting CO2 into depleting oil fields to enhance<br />

oil recovery (CO2 EOR) since the 1970s and there are<br />

now about 130 such operations, counting active projects<br />

in the United States alone. On a smaller scale, acid gas<br />

(mixtures of CO2 and H2S separated from natural gas<br />

production facilities) has been injected in depleted oil<br />

and gas reservoirs and in aquifers since the mid 1980’s.<br />

Similar in process to CO2 storage, there have been no<br />

issues with the safe injection of these fluids [Wichert<br />

& Royan (1997); Davidson et al. (1999)].<br />

Optimal operation of CO2 EOR fields results in the<br />

production of a significant amount of the injected<br />

CO2, which is then re-injected as part of the injection<br />

stream. During this process, a significant amount of<br />

CO2 is trapped in the reservoir and is stored. The Weyburn<br />

Oil Field in Canada, for example, has now stored in<br />

excess of 20 Mt CO2. Because of the vast experience<br />

in CO2 EOR, the technologies and operational aspects<br />

of injecting and storing CO2 in geological formations<br />

are well established (figure 2). However, storing CO2<br />

captured from industrial processes in geological<br />

formations is also the component in the CCS chain that<br />

presents some of the greatest project uncertainties.<br />

Each geological storage site is unique and must be<br />

screened and extensively characterised, taking years<br />

and millions of dollars before a decision can be made<br />

to proceed with a commercial project. Geological<br />

storage can also represent the most important public<br />

perception challenge and will be the greatest long-term<br />

liability associated with a CCS project.<br />

A brief review of CO2 behaviour<br />

Depending on pressure and temperature, CO2 can<br />

exist as a gas, liquid, solid or a supercritical fluid (a<br />

supercritical phase refers to the physical state of the<br />

phase at conditions above the critical temperature<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

Storage<br />

Overview<br />

Site Options<br />

1 Saline<br />

formations<br />

2 Injection<br />

into deep<br />

unmineable<br />

coal seams<br />

or ECBM<br />

3 Use of CO2<br />

in enhanced<br />

oil recovery<br />

4 Depleted oil<br />

and gas<br />

reservoirs<br />

Fig. 2: Geological storage options for CO2. Several types of rock formations<br />

can be suitable for CO2 storage, including depleted oil and gas fields, deep<br />

saline formations and deep unmineable coal seams. Other types of<br />

formations such as basalts and oil shales are being examined by scientists<br />

for possible future use.<br />

Fig. 2: Options de stockage géologique du CO2. Plusieurs types de formations<br />

rocheuses peuvent être favorables au stockage de CO2, y compris des<br />

réservoirs pétroliers épuisés, des formations salines profondes et des veines de<br />

charbon profondes inexploitables. D’autres types de formations telles que les<br />

basaltes et les schistes bitumineux sont examinées par des scientifiques pour<br />

une utilisation future éventuelle. © GCCSI.<br />

and critical pressure), as shown in the phase diagram<br />

presented in figure 3. As pressure and temperature<br />

increase with depth of burial due to hydrostatic<br />

pressures and geothermal gradients, the state of<br />

CO2 will be a function of its depth in the subsurface.<br />

Below about 800 m, pressures and temperatures in<br />

reservoirs will generally exceed the critical point of<br />

CO2 [Bachu (2000)] so that CO2 will be maintained<br />

in a liquid or supercritical state. This makes it desirable<br />

to target or screen reservoirs for storage sites where<br />

depths generally exceed 800 m.


Pressure (bar)<br />

1000.0<br />

100.0<br />

10.0<br />

1.0<br />

0.1<br />

-100<br />

Sublimation Line<br />

Solid<br />

Phase<br />

Melting Line<br />

The densities of liquid or supercritical CO2 are less<br />

than that of water at the depths of interest, but its<br />

viscosities and diffusivities are closer to gases: CO2 can<br />

be partially or totally miscible in oil, depending on the<br />

pressure, temperature and oil composition, and thus<br />

its injection can result in a very viable method of<br />

secondary or enhanced oil recovery.<br />

In most projects, CO2 is injected into either a depleted<br />

hydrocarbon reservoir or a deep saline formation or<br />

‘saline aquifer’ – a term used in this context to refer to<br />

a permeable rock formation saturated with brackish,<br />

saline, brine or hypersaline water.<br />

The dominant physical processes and the trapping<br />

mechanisms during and after the injection of CO2 vary<br />

significantly over time. Several physical and chemical<br />

trapping mechanisms can occur from structural and<br />

capillary/residual to dissolution and mineralisation.<br />

The solubility of pure CO2 in the ambient water will<br />

vary with salinity, pressure and temperature. Since CO2 is<br />

less dense than the ambient reservoir water in which it<br />

is injected, it tends to move upwards through buoyancy.<br />

As the CO2 dissolves partially in water to form<br />

carbonic acid, the CO2-enriched water becomes slightly<br />

denser than the ambient water and tends to sink. The<br />

dissolution process however can be slow, in the order of a<br />

few thousand years for some injection scenarios [Ennis-<br />

King and Paterson (2001)], and reservoir geometry and<br />

internal petrophysical heterogeneities will largely influence<br />

whether substantial density stratification will develop.<br />

The extent to which mineral trapping will occur depends<br />

largely on water chemistry, reservoir mineralogy and<br />

un panorama mondial du stockage géologique de dioxyde de carbone<br />

Triple<br />

Point<br />

Typical Ship or Buffer<br />

Storage Conditions<br />

Liquid<br />

Phase<br />

Saturation<br />

Line<br />

Vapour/Gaseous<br />

Phase<br />

Typical Pipeline<br />

Operating conditions<br />

Fluid inventory<br />

Vapour inventory<br />

-90 -80 -70 -60 -50 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 40 50<br />

Temperature (°C)<br />

length of the migration path [Czernichowski-Lauriol et al.<br />

(2006)]. Minerals such as carbonate may precipitate,<br />

effectively trapping the injected CO2. Evidence of such<br />

CO2-rock-water interaction has been observed at EOR<br />

sites such as Weyburn and at CO2 storage pilots such as<br />

Frio and Otway. In most scenarios, significant mineral<br />

trapping is considered to occur only over thousands<br />

of years, but would result in immobilising the CO2.<br />

Overall, the timing and proportion of each trapping<br />

mechanism depends on the formation type and<br />

fluid properties [Ide et al. (2007)]. Current evaluations<br />

of CO2 trapping effectiveness estimate that more<br />

than 99.9 % of injected CO2 can be stored reliably<br />

for 100 years, and probably 99 % for 1 000 years.<br />

Projects around the world<br />

Super-<br />

Critical<br />

Phase<br />

Critical<br />

point<br />

There are currently a significant number of research<br />

projects, as well as pilots or injection demonstration<br />

projects at various scales, and some larger-scale<br />

commercial projects. The Global CCS Institute identified<br />

72 Large Scale Integrated CCS projects (LSIPs) across<br />

the world as per January 2013 in various stages of<br />

development (figure 4).<br />

LSIP thresholds are intended to correspond to the typical<br />

minimum volumes of CO2 emitted by power-plants<br />

and industrial facilities, i.e. those that involve capture,<br />

transport and storage of CO2 of at least 800,000 tonnes<br />

of CO2 annually from coal-based power or at least<br />

400,000 tonnes of CO2 annually from other industrial<br />

facilities.<br />

Fig. 3:<br />

CO2 phase diagram<br />

with typical<br />

transportation<br />

conditions.<br />

Fig. 3: Diagramme<br />

de phase du CO2<br />

avec conditions de<br />

transport typiques.<br />

© DNV CO2RISKMAN JIP<br />

(Guidance on Effective Risk<br />

Management of Safety and<br />

Environmental Major<br />

Accident Hazards from CCS<br />

CO2 Handling Systems,<br />

Det Norske Veritas, 2012).<br />

73<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


74<br />

a worldwide overview of carbon dioxide storage<br />

Assest lifecycle stage<br />

Identify<br />

Evaluate<br />

Define<br />

Execute<br />

Operate<br />

Seventeen LSIPs in operation or about to become<br />

operational, demonstrate the capture, transport and<br />

permanent storage of CO2 utilising measurement,<br />

monitoring and verification systems. Only a few CO2<br />

EOR projects that utilise anthropogenic CO2 are included<br />

in the count since there is currently no clear standard<br />

or regulatory guidance on monitoring requirements<br />

involving CO2 storage associated with EOR.<br />

Until recently all commercial operations were associated<br />

with hydrocarbon production, natural gas processing<br />

or enhanced oil recovery (EOR); however, a project<br />

capturing CO2 from an ethanol production plant<br />

with storage in a deep saline formation is now being<br />

developed in the Illinois Basin; importantly two coalfired<br />

power plants are now being constructed (Kemper<br />

County in the USA and Boundary Dam in Canada) associated<br />

with EOR, as well as the Alberta Carbon Trunk<br />

Line (ACTL) project, sourcing CO2 from the Agrium fertiliser<br />

plant for CCS associated with EOR operations.<br />

Geographic Bias of Storage Activities<br />

The geographical distribution of LSIPs and storage<br />

types is currently still mainly driven by historical oil<br />

& gas activities and most often located where capture<br />

is part of an industrial process (figure 4).<br />

EOR is currently the primary storage option for a vast<br />

majority of LSIPs in North America, where this technique<br />

has been applied for the last 40 years, infrastructures<br />

are in place and it presents a viable business case. In<br />

Europe and Australia, operational and planned storage<br />

of CO2 is essentially in offshore and onshore deep saline<br />

United States<br />

Europe<br />

China<br />

Canada<br />

Australia<br />

and New Zealand<br />

Middle East<br />

Other Asia<br />

Africa<br />

Storage type<br />

Deep saline formations<br />

Enhanced oil recovery (EOR)<br />

Depleted oil and gas reservoirs<br />

Various options considered,<br />

not specified<br />

Enhanced oil recovery (EOR)<br />

Depleted oil and gas reservoirs<br />

Deep saline formations<br />

Various options considered,<br />

not specified<br />

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70<br />

Potential volume of CO2 (Mtpa)<br />

Fig. 4: LSIPs by location, asset lifecycle and storage type.<br />

The final investment decision occurs at the end of the Define phase.<br />

Active stages include Execute (construction) and Operate;<br />

(Closure not shown).<br />

Volumes: only anthropogenic or captured CO2<br />

is considered for CO2 EOR projects.<br />

Fig. 4 : Grands projets intégrés (LSIPs) par position géographique,<br />

stade de développement et type de stockage.<br />

Les stades actifs sont les stades Exécution (construction) et Opération ;<br />

le stade de Fermeture n’est pas représenté.<br />

Volumes: seul le CO2 anthropogénique ou capturé est pris en compte<br />

pour les projets de récupération assistée des hydrocarbures (CO2 EOR).<br />

© GCCSI.


un panorama mondial du stockage géologique de dioxyde de carbone<br />

CO2 capture at the Technology<br />

Centre Mongstad (TCM) Norway,<br />

using two capture technologies –<br />

one amine process and one<br />

chilled ammonia process.<br />

Captage du CO2 au Centre de<br />

Technologie de Mongstad (TCM)<br />

Norvège, avec utilisation de<br />

deux technologies de captage –<br />

un processus amine et un<br />

processus à l’ammoniaque<br />

réfrigérée. © TCM.


76<br />

formations and in a few depleted oil and gas reservoirs.<br />

It is to be noted that EOR with the use of CO2 isn’t<br />

applicable to all types of hydrocarbon fields.<br />

Current Progress in CO2 Storage<br />

Overall, progress is being made in the deployment of<br />

large-scale geological storage of CO2. For example,<br />

injection of CO2 commenced late 2011 into a deep saline<br />

reservoir at the Illinois Basin - Decatur Project (IBDP),<br />

the first one in the United States (figure 5), injecting<br />

ca. 300,000 tpa for 3 years, while the Illinois CCS<br />

project is under construction, planning to inject 1 Mtpa.<br />

Shell’s Quest project, targeting a deep saline reservoir<br />

in Alberta, Canada, was approved by Alberta’s<br />

Government, and Shell made the final decision to<br />

go ahead with the project, in September 2012. Site<br />

preparation has began. An injection well has been<br />

drilled for the SaskPower Boundary Dam project with<br />

construction of the capture unit well underway.<br />

Construction of capture, pipeline and wells are also well<br />

advanced at the Australian Gorgon project.<br />

In Europe, the ROAD project received a favorable opinion<br />

from the European Commission concerning its planned<br />

storage site in an offshore depleted gas field. Additionally,<br />

the Peterhead CCS project was granted a lease agreement<br />

for Goldeneye, a depleted gas field 65 miles northeast<br />

of the Scottish coast.<br />

Equally notable are the high-profile project cancellations<br />

or postponements such as Longannet (UK), Jänschwalde<br />

(Germany), Pioneer (Canada), and ZeroGen (Australia).<br />

These and other cancelled projects cite lack of government<br />

support, insufficient price of emissions reductions<br />

and potential revenue, project scale-up issues and adverse<br />

public opinion as factors in decisions not to proceed.<br />

But overall, government funding and support for<br />

demonstration projects is available and advanced<br />

evaluation programs are ongoing – although too slowly<br />

to reach the 2˚C target – to identify storage targets.<br />

Storage capacity atlases assist with informing and<br />

developing confidence for CCS by politicians, the public<br />

and potential future project proponents.<br />

The potential of storing CO2 through EOR as a means<br />

of advancing CCS is gaining in interest outside the traditional<br />

regions in North America.<br />

Besides the work going on around the CCS Directive<br />

in Europe (4) , standards regarding geologic storage have<br />

(4) Directive 2009/31/EC of the European Parliament and of the council of<br />

23 April 2009 on the geological storage of carbon dioxide.<br />

MMV07UG<br />

MMV07S<br />

MMV04P<br />

MMV04S<br />

MMV04US<br />

ö Soil flux rings<br />

ö Soil gas nests<br />

ö USDW wells<br />

ö EC Tower<br />

InSAR reflectors<br />

Geophone well<br />

Project Area<br />

Verification well<br />

MMV-01<br />

Injection<br />

well<br />

been developed in North America and have undergone<br />

the first steps in transitioning to the International<br />

Standards Organisation (ISO International Standards<br />

development for CCS through technical committee<br />

TC 265). Regional assessments that may help accelerate<br />

storage demonstration are in progress globally.<br />

Challenges encountered in CO2 storage<br />

projects deployment<br />

CO2 Pipeline<br />

In most respects, the technical procedures around<br />

geologic storage of CO2 can be regarded as mature<br />

technologies performed for decades. However, further<br />

multi-scale modelling and injection testing pilots are<br />

required to correlate results, since the review of the<br />

properties of current projects shows that ones with<br />

poor permeability and injectivity such as Weyburn<br />

can still achieve a good daily rate of injection.<br />

Risk assessments and uncertainty management plans<br />

developed for oil and gas exploration are being<br />

adapted to commercial-scale CO2 storage projects.<br />

MMV05S<br />

MMV08UG<br />

MMV08S<br />

Compression/<br />

dehydration<br />

facility<br />

Fig. 5: Aerial view<br />

of the Illinois Basin -<br />

Decatur Project (IBDP),<br />

a pioneering storage<br />

pilot in a deep saline<br />

reservoir, Decatur,<br />

Illinois USA.<br />

Vue aérienne du projet<br />

Decatur – Bassin<br />

de l’Illinois (IBDP),<br />

un pilote pionnier<br />

de stockage en réservoir<br />

salin profond, Decatur,<br />

Illinois, États-Unis.<br />

© The Illinois State Geological<br />

Survey (ISGS).


While geological uncertainties and risks are highly<br />

site specific, the main perceived risks are of potential<br />

leakage, induced seismicity and ground displacement<br />

and their potential impact on health, environment,<br />

resources and value.<br />

Current projects in operation or under development have<br />

the obligation of implementing extensive monitoring<br />

measurements over the long period of injection of<br />

the project and after closure. Further work is ongoing<br />

on project performance and risk control.<br />

Commercial scale CO2 storage requires significant<br />

timelines for large-scale storage systems development,<br />

particularly in regions where little data has been<br />

acquired previously. It also requires the willingness<br />

to accept the level of uncertainties involved as much<br />

technically as financially and in project approval processes<br />

where further work must be undertaken with the<br />

regulatory agencies.<br />

Further research is required in several aspects of CO2<br />

storage, especially at large scale, such as:<br />

– kinetics of trapping mechanisms and their long-term<br />

efficiencies,<br />

– brine withdrawal wells for pressure management, plume<br />

direction control, improved containment capacity,<br />

– geomechanical effects of CO2 injection on wells, reservoirs<br />

and seals in different geological environments<br />

and injection scenarios,<br />

– CO2 stream composition - accompanying elements:<br />

fate and transport,<br />

– development of coupled multi-physics models and<br />

benchmarking to predict the long-term fate of injected<br />

CO2 in the subsurface,<br />

– mitigation and remediation techniques in case of<br />

unexpected behaviour,<br />

– project performance management and risk control<br />

indicators to compare actual and predicted storage<br />

behavior, optimize monitoring and remediation plans,<br />

and address public safety concerns.<br />

At a broader scale, a robust long-term investment<br />

environment must be established.<br />

Outlook<br />

While research needs to continue to increase regulatory<br />

confidence in the long-term safety of storage, there are<br />

no overarching technical barriers to implementing<br />

geologic storage of CO2 in deep saline formations or<br />

depleted oil or gas reservoirs.<br />

un panorama mondial du stockage géologique de dioxyde de carbone<br />

Un panorama mondial du stockage géologique<br />

de dioxyde de carbone<br />

Le captage et stockage<br />

géologique du dioxyde de<br />

carbone (CSC) est une solution<br />

qui peut contribuer de<br />

manière significative à<br />

la réduction des émissions<br />

de dioxyde de carbone (CO2)<br />

dans l’atmosphère, l’une<br />

des causes majeures du<br />

changement climatique.<br />

C’est actuellement l’option<br />

de réduction des émissions<br />

la plus efficace pour<br />

de nombreuses opérations<br />

industrielles.<br />

The identification and evaluation of secure storage sites<br />

is nevertheless a lengthy process and requires significant<br />

investments in time, skilled workforce and finances.<br />

Advancing the characterization of a storage system takes<br />

years before a financial investment decision can be made.<br />

Activities in this area must be accelerated now so that<br />

sufficient proven storage will be available to meet future<br />

demand.<br />

LSIPs will require that decisions be made while a number<br />

of uncertainties regarding storage remain at various stages<br />

of the project lifecycle. Assumptions need to be made<br />

when calculating initial storage capacity, anticipating<br />

the technology that will be available ten years after<br />

the project start, predicting the evolution of legal and<br />

regulatory frameworks, tariffs, fiscal policy, or economic<br />

constraints.<br />

Oil and gas companies have developed frameworks for<br />

dealing with technical and non-technical uncertainties<br />

and risks associated with subsurface development. There<br />

is a critical need to manage these uncertainties in all<br />

aspects of the project, particularly when dealing with<br />

changes in project scope in order to reach milestones<br />

and decision gates.<br />

Finally, stakeholder engagement needs to be fully part<br />

of the project management process, as communicating<br />

the details of storage in an accurate way, as part of a<br />

full communications plan, has proven to be important<br />

for the social feasibility of a project and probably<br />

essential for success.ó<br />

Prouver que le CO2 restera<br />

stocké en toute sécurité et<br />

de façon permanente fait<br />

partie des facteurs les plus<br />

importants pour assurer le<br />

potentiel de cette technologie.<br />

Pour cela, un certain nombre<br />

de sites de stockage<br />

géologiques ont été<br />

développés depuis les années<br />

1990, ce qui demande<br />

une caractérisation avancée<br />

du sous-sol et des processus<br />

de surveillance et d’assurance<br />

élaborés.<br />

Les projets existants apportent<br />

maintenant des connaissances<br />

techniques et opérationnelles<br />

suffisantes au regard de<br />

la sécurité et de la faisabilité<br />

de l’injection de CO2 dans<br />

des aquifères salins profonds<br />

et des réservoirs de pétrole<br />

ou de gaz naturel épuisés.<br />

Cependant, le nombre actuel<br />

de projets CSC à divers stades<br />

de développement est<br />

insuffisant pour limiter<br />

l’augmentation globale<br />

moyenne des températures.<br />

Ceci peut en partie être<br />

expliqué par la longueur<br />

des délais nécessaires au<br />

développement de ces projets<br />

et par l’engagement<br />

significatif que doivent<br />

prendre les porteurs de projet<br />

étant donné que ces sites de<br />

stockage seront opérationnels<br />

pendant des décennies<br />

et doivent remplir nombre<br />

d’obligations réglementaires.<br />

Le nombre insuffisant<br />

de projets résulte aussi<br />

de la faiblesse des revenus<br />

provenant de la vente de CO2<br />

ou de crédits carbone et<br />

d’un cadre juridique et<br />

réglementaire considéré<br />

inadéquat par des porteurs<br />

de projet. Il est urgent que<br />

les politiques publiques<br />

soient réexaminées pour<br />

que des projets viables<br />

puissent se développer.<br />

Bibliography: Bachu, S. (2000) – Sequestration of CO2 in geological media: Criteria and approach for site selection in response to climate change. Energy Conversion and Management 41: 953-970. Czernichowski-<br />

Lauriol, I., Rochelle, C., Gaus I., Azaroual, M., Pearce, J., Durst, P. (2006) – Geochemical interactions between CO2, pore-waters and reservoir rocks: lessons learned from laboratory experiments, field studies and<br />

computer simulations. In: Advances in the Geological Storage of Carbon Dioxide. NATO Science Series IV, pp.157-174. Davidson, R.J., Mayder, A., Hladiuk, D.W., Jarrell, J. (1999) – Zama acid gas disposal/miscible<br />

flood implementation and results. Journal of Canadian Petroleum Technology, v38, no2, pp 45-54. Ennis-King, J. and Paterson, L. (2001) – Reservoir engineering issues in the geological disposal of carbon dioxide.<br />

Proceedings of the 5th International Conference on GreenhouseGasControlTechnologies. Ide, S.T., Jessen, K., Orr Jr, F.M. (2007) – Storage of CO2 in saline aquifers: effects of gravity, viscous, and capillary forces on<br />

amount and timing of trapping. Int. J. Greenhouse Gas Control. Wichert, E., Royan, T. (1997) – Acid gas injection estimates sulfur recovery expense. Oil & gas Journal, v.95, pp 67-72.


78<br />

gaz à effet de serre<br />

état des lieux du stockage de co2 en europe<br />

La technologie de captage et<br />

de stockage de CO2 fait naître<br />

beaucoup d’espoir.<br />

Elle s’insère à des degrés divers<br />

dans tous les scénarios énergétiques<br />

à 2050 permettant une réduction<br />

massive des émissions de gaz<br />

à effet de serre afin de limiter<br />

le réchauffement climatique à 2 °C.<br />

Depuis 1993, beaucoup de progrès<br />

sur les plans scientifiques,<br />

réglementaires, économiques<br />

et sociétaux ont été réalisés.<br />

Où en est-on en Europe et en France,<br />

en particulier sur le stockage<br />

qui en constitue la clé de voûte ?<br />

Sera-t-on prêt pour un déploiement<br />

à grande échelle à partir<br />

des années 2020 ?<br />

Isabelle Czernichowski-Lauriol<br />

Présidente de l’Association CO2GeoNet<br />

Coordinatrice du projet 7 e PCRD CGS Europe<br />

(Pan-European coordination action on CO2<br />

Geological Storage)<br />

BRGM<br />

Direction de la Recherche<br />

i.czernichowski@brgm.fr<br />

État des lieux du<br />

stockage de CO2<br />

en Europe<br />

Les dates clés en Europe et dans le monde pour le développement de la technologie<br />

de captage et stockage de CO2 sont indiquées en figure 1. Cette frise chronologique va<br />

nous servir de guide pour analyser les avancées accomplies au niveau des politiques<br />

énergie-climat, de la recherche, de la préparation de démonstrateurs, de la réglementation,<br />

des aspects socio-économiques, tout en portant un éclairage sur la situation française (1) .<br />

Nous dresserons aussi les perspectives et soulignerons les efforts de la communauté<br />

de recherche européenne, mobilisée autour du réseau d’excellence CO2GeoNet, pour<br />

permettre le déploiement du stockage de CO2.<br />

La place du CSC dans les stratégies énergie-climat à 2050<br />

Le rapport spécial du Groupement intergouvernemental sur l’évolution du climat<br />

(GIEC, ou IPCC en anglais) paru en 2005 sur la technologie de captage et de stockage<br />

du CO2 (CSC, CCS en anglais) a reconnu cette technologie naissante comme moyen de<br />

(1) Pour plus de détails sur l’émergence de cette nouvelle technologie, le lecteur pourra se référer à l’ouvrage « Capter et<br />

stocker le CO2 dans le sous-sol : une filière technologique pour lutter contre le changement climatique », paru en 2007 aux<br />

Éditions du BRGM, ainsi qu’à l’article de I. Czernichowski dans Géosciences, n° 3, mars 2006, p. 78-85.


3 e PCRD<br />

projet de<br />

recherche<br />

pionnier<br />

1993<br />

Première<br />

opération<br />

industrielle<br />

de stockage<br />

de CO2<br />

à Sleipner<br />

(Norvège)<br />

1996<br />

1997<br />

Protocole<br />

de Kyoto<br />

Marché<br />

européen<br />

du carbone<br />

(EU-ETS)<br />

2005<br />

2005<br />

Rapport Spécial<br />

du GIEC sur le CSC<br />

réduction des émissions de gaz à effet de serre (2) . Le<br />

scénario énergétique prospectif Blue Map de l’AIE<br />

établi en 2008 montre qu’à l’horizon 2050, le CSC devra<br />

contribuer à hauteur de 19 % aux efforts de réduction<br />

de moitié des émissions de CO2 dans le monde pour y<br />

parvenir à moindre coût. Soit une contribution équivalente<br />

à celle des énergies renouvelables.<br />

Au plan européen, le CSC est l’une des sept technologies<br />

phares ciblées par le Plan stratégique pour les<br />

technologies énergétiques (SET Plan) établi en 2009,<br />

décliné en une initiative industrielle européenne<br />

(EII CCS) et un programme spécifique au sein de<br />

l’Alliance européenne de recherche sur l’énergie (EERA<br />

CCS). La feuille de route européenne sur l’énergie à<br />

vision 2050 adoptée en 2011 (EU Energy Roadmap to<br />

2050) donne une place significative au CSC, avec des<br />

modulations selon les scénarios envisagés.<br />

(2) Voir synthèse du rapport du GIEC faite par J. Varet – « Capture et stockage<br />

du dioxyde de carbone – le rapport du GIEC » – dans Géosciences, la <strong>revue</strong><br />

du BRGM pour une Terre durable, n° 3, mars 2006, p. 72-77.<br />

À l’horizon 2050,<br />

le CSC devra contribuer à hauteur<br />

de 19 % aux efforts de réduction<br />

de moitié des émissions de CO2<br />

dans le monde.<br />

Paquet<br />

Énergie<br />

Climat<br />

(20/20/20)<br />

2008<br />

Directive européenne<br />

sur le stockage<br />

géologique de CO2<br />

Décision de financer<br />

6 démonstrateurs<br />

CSC via le Plan<br />

de relance<br />

économique<br />

européen<br />

2009<br />

state of play of co2 storage in europe<br />

Appel à projets<br />

NER300 pour<br />

le financement<br />

de démonstrateurs<br />

CSC et d'énergies<br />

renouvelables<br />

innovantes<br />

2010<br />

Au plan français, la loi « Grenelle 1 » en 2009 a inscrit le<br />

CSC parmi les options de réduction des émissions à<br />

développer. L’ADEME, qui a établi en 2008 une feuille de<br />

route nationale sur le CSC à vision 2020, l’a révisée en<br />

2011 en lui donnant une perspective à 2050 et en y<br />

incluant les technologies de valorisation du CO2. En 2010,<br />

le ministère de l’Écologie a identifié le CSCV comme une<br />

filière industrielle stratégique de l’économie verte, visant<br />

un marché à la fois français et mondial. Le rapport<br />

« Énergies 2050 » paru début 2012 confirme l’intérêt<br />

du CSC dans les divers scénarios et prône un effort accru<br />

de R & D, ainsi que la mise en place d’incitations financières<br />

pour favoriser son développement.<br />

D’importantes avancées en R & D<br />

sur le stockage de CO2<br />

Feuille<br />

de route<br />

Énergie<br />

à 2050<br />

2011<br />

Depuis 1993, année de démarrage du projet européen<br />

pionnier établissant la faisabilité du concept de captage<br />

et de stockage de CO2 pour lutter contre le réchauffement<br />

climatique [Projet Joule II du 3 e Programme<br />

cadre de recherche et développement (PCRD)], d’importantes<br />

avancées scientifiques ont été réalisées par<br />

le biais de :<br />

– programmes de recherche collaboratifs sur le stockage<br />

géologique de CO2 : projets PCRD européens (depuis<br />

1993), projets nationaux ADEME (depuis 2003) et<br />

ANR (depuis sa création en 2005), etc. ;<br />

– études d’accumulations naturelles de CO2 dans le<br />

sous-sol ;<br />

– transfert de savoir-faire de pratiques industrielles :<br />

récupération assistée de pétrole par injection de CO2<br />

(CO2-EOR), stockage saisonnier de gaz naturel (CH4) ;<br />

Démonstrateurs<br />

CSC en<br />

opération<br />

2015-2020<br />

2011<br />

CSC éligible<br />

au titre du mécanisme<br />

de développement propre<br />

du protocole de Kyoto<br />

Déploiement<br />

industriel ?<br />

À partir<br />

de 2020<br />

Fig. 1 : Quelques<br />

dates clés au niveau<br />

européen (bleu)<br />

et mondial (noir) pour<br />

le développement<br />

du captage et<br />

stockage<br />

du CO2.<br />

Fig. 1: Some key dates<br />

at European (blue)<br />

and global levels (black)<br />

for the development<br />

of CO2 capture<br />

and storage.<br />

79<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


80<br />

état des lieux du stockage de co2 en europe<br />

– opérations industrielles pionnières (injection de 1 Mt<br />

CO2/an) : Sleipner (Norvège) depuis 1996, Weyburn<br />

(Canada) depuis 2000, In Salah (Algérie) depuis 2004 ;<br />

– pilotes de stockage (injection de quelques milliers ou<br />

dizaines de milliers de tonnes de CO2 sur une durée<br />

limitée) : Frio (États-Unis), Nagaoka (Japon), Otway<br />

(Australie), Ketzin (Allemagne), Lacq-Rousse (France) ;<br />

– élaboration de manuels de bonnes pratiques ;<br />

– réseaux et échanges d’information à différents<br />

niveaux : français (Club CO2), européen (ZEP,<br />

CO2GeoNet, CO2NET (3) …), international (IEAGHG (4) ,<br />

CSLF (5) , GCCSI (6) ).<br />

Il est nécessaire de passer<br />

à une phase de démonstration<br />

de grande envergure pour tester<br />

la technologie sur le terrain.<br />

Grâce aux opérations pionnières et aux importants<br />

programmes de recherche sur le CSC menés en Europe,<br />

aux États-Unis, au Canada, en Australie et au Japon<br />

depuis les années 1990, les chercheurs et les industriels<br />

ont déjà acquis une grande quantité de connaissances<br />

et de savoir-faire : critères de sélection des sites de<br />

stockage, méthodes et outils de caractérisation, de modélisation,<br />

de surveillance, de maîtrise des risques et des<br />

impacts environnementaux, d’évaluation des capacités<br />

de stockage… Il est nécessaire de passer maintenant<br />

à une phase de démonstration de grande envergure<br />

pour tester sur le terrain la technologie afin de s’assurer<br />

que le CSC puisse être commercialisé à partir de 2020<br />

et déployé à temps sur des centaines ou des milliers<br />

de sites dans le monde.<br />

En route pour une série<br />

de démonstrateurs<br />

En Europe, l’objectif fixé par le Conseil européen en<br />

2007 était d’avoir une douzaine de démonstrateurs<br />

opérationnels en 2015 pour valider, optimiser et réduire<br />

les coûts de l’ensemble de la chaîne du CSC, dans<br />

(3) CO2NET - Carbon Dioxide Knowledge Sharing Network.<br />

(4) International Energy Agency Greenhouse Gas R&D Programme.<br />

(5) Carbon Sequestration Leadership Forum.<br />

(6) Global Carbon Capture and Storage Institute.<br />

différents contextes géologiques, géographiques<br />

et industriels (voir article G. Sweeney dans le dossier<br />

spécial « 10 Enjeux des Géosciences » publié par le BRGM<br />

en 2009, p. 28-35).<br />

Des démonstrateurs intégrés captage-transport-<br />

stockage grandeur nature, portés par des industriels,<br />

sont en préparation dans certains pays (figure 2) avec<br />

le soutien des États membres et de l’Europe. Six sont<br />

financés dans le cadre du Plan de relance économique<br />

européen établi en 2009 (EEPR) et treize projets ont été<br />

soumis en 2010 à l’appel à projets NER300, dédié au<br />

financement de projets de démonstration de CSC et<br />

d’énergies renouvelables via une réserve de 300 millions<br />

de quotas du Système européen d’échange de quotas<br />

d’émissions de CO2 (EU ETS). La sélection NER300 faite<br />

fin 2012 par la Commission européenne n’a retenu aucun<br />

projets CSC, pour des raisons diverses. Mais ils pourront<br />

re-candidater lors du 2 e appel NER300 qui sera publié<br />

courant 2013. Dans un contexte de faible coût de la tonne<br />

de CO2 sur le marché européen (moins de 8 €/t) et de<br />

L NEG<br />

Instituts de CGS Europe<br />

Pays avec :<br />

Projets EEPR<br />

Candidat(s) au NER300<br />

HWU<br />

IRIS<br />

SINTEF<br />

NIVA<br />

GEUS<br />

SGU<br />

GTK<br />

TTUGI<br />

LEGMC<br />

GTC<br />

GSI<br />

BGS<br />

TNO<br />

BGR<br />

PGI-NRI<br />

Imperial RBINS-GSB<br />

CzGs<br />

IFPEN<br />

GBA SGUDS<br />

BRGM<br />

ELGI<br />

GEO-INZ<br />

UNIZG-RGNF<br />

OGS<br />

UB<br />

GEOECOMAR<br />

SU<br />

S-IGME<br />

URS<br />

Fig. 2 : Carte d’Europe<br />

indiquant les pays<br />

où des projets de<br />

démonstration EEPR<br />

ou NER300 sont<br />

en préparation et<br />

les 34 instituts<br />

de recherche répartis<br />

sur 28 pays participant<br />

au projet CGS Europe.<br />

© BGR (fond de carte<br />

géologique européenne).<br />

Fig. 2: Map of Europe<br />

showing the countries<br />

where EEPR or NER300<br />

demonstration projects<br />

are being prepared, as<br />

well as the 34 research<br />

institutes over 28<br />

countries involved in<br />

the CGS Europe project.<br />

© BGR (background: geological<br />

map of Europe).<br />

G-IGME<br />

METU-PAL


crise économique, seuls quelques démonstrateurs<br />

verront sans doute le jour en 2015. Il est donc important<br />

que d’autres types de financements se mettent en<br />

place pour pouvoir réaliser la série de démonstrateurs<br />

attendue.<br />

La directive européenne<br />

sur le stockage géologique du CO2<br />

Une directive européenne sur le stockage géologique<br />

du CO2 a été adoptée en 2009 et a déjà été transposée<br />

en droit français. Elle établit un cadre juridique pour que<br />

le stockage géologique du CO2 puisse être effectué en<br />

toute sécurité pour l’environnement et la santé humaine,<br />

afin de contribuer à la lutte contre le changement<br />

climatique. Elle précise notamment les critères à<br />

respecter pour la caractérisation et la surveillance des<br />

sites de stockage et requiert des permis d’exploration<br />

et des permis de stockage.<br />

La France a transposé la directive au travers de :<br />

– la loi Grenelle 2 (article 80) du 12 juillet 2010, modifiant<br />

les Codes minier et de l’environnement, pour la recherche<br />

de formations géologiques aptes au stockage de CO2<br />

(exploration) ;<br />

– l’ordonnance du 21 octobre 2010 (articles 5 à 9) pour<br />

l’exploitation des sites de stockage, l’accès des tiers<br />

aux infrastructures de transport et de stockage, la mise<br />

à l’arrêt définitif des installations et le transfert de<br />

responsabilité à l’État ;<br />

– trois décrets précisant les dispositifs réglementaires.<br />

Les aspects socio-économiques<br />

Les coûts de stockage du CO2 sont de l’ordre de 1 à 20 € par<br />

tonne de CO2 ; ils varient selon les caractéristiques des sites<br />

et les quantités stockées. Ils ne représentent que 10 à 20 %<br />

des coûts de la chaîne CSC complète, puisque les coûts du<br />

captage et du transport sont largement supérieurs. Tous<br />

ces coûts sont appelés à baisser au fur et à mesure de la<br />

démonstration de la technologie et des avancées de la<br />

R&D, mais force est de constater que le faible cours actuel<br />

du CO2 sur le marché (moins de 8 €/t) ne donne pas<br />

aujourd’hui aux industriels les gages attendus pour leur<br />

permettre de décider d’investissements à long terme<br />

pour la mise en œuvre d’opérations de CSC. Après la<br />

phase de démonstration en cours qui bénéficie de<br />

soutiens publics, le CSC ne pourra se déployer que si le<br />

prix du CO2 sur le marché est renforcé, ce qui passe<br />

par une révision du système EU ETS, et probablement<br />

que si d’autres types d’incitations financières ou<br />

state of play of co2 storage in europe<br />

La mise en œuvre d’un stockage nécessite<br />

une approche individualisée, car chaque site<br />

est contraint par la géologie locale.<br />

réglementaires sont introduits, telles que des normes<br />

de performance en matière d’émissions ou une taxe<br />

carbone.<br />

L’adhésion des populations est essentielle pour la mise<br />

en œuvre d’un programme de démonstration puis de<br />

déploiement réussi. Un gros effort d’information,<br />

d’explication et de dialogue doit être fait pour faire comprendre<br />

les enjeux du CSC, les bénéfices pour la société<br />

et les moyens mis en œuvre pour assurer que les<br />

stockages ne font pas courir de risques aux riverains et<br />

à leur environnement. Au niveau local, il est important<br />

de mener une concertation très en amont et de faire<br />

participer les citoyens aux décisions, pour qu’ils<br />

contribuent à l’élaboration de solutions pour un<br />

développement durable de leur territoire.<br />

Fig. 3 : Schéma<br />

du stockage de CO2<br />

en couches géologiques<br />

profondes.<br />

Fig. 3: The principles<br />

of CO2 storage in deep<br />

geological formations.<br />

© BRGM.<br />

Terrains de<br />

couverture récents<br />

Aquifères<br />

(carbonates, grès)<br />

Formations étanches<br />

(argile, sel)<br />

Stockage du CO2<br />

Gisement de gaz<br />

épuisé<br />

81<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


82<br />

état des lieux du stockage de co2 en europe<br />

CO2GeoNet et CGS Europe :<br />

la mobilisation de la communauté<br />

de recherche européenne<br />

Les recherches doivent s’intensifier côté stockage.<br />

Contrairement aux procédés de captage qui, une fois mis<br />

au point pour une installation industrielle, peuvent se<br />

déployer immédiatement sur tous types d’industries similaires<br />

n’importe où dans le monde, la mise en œuvre d’un<br />

stockage nécessite une approche individualisée, puisque<br />

le comportement de chaque site est contraint par la<br />

géologie locale (figure 3). Des outils et méthodologies ont<br />

été développés pour pouvoir identifier les sites favorables<br />

à un stockage, caractériser leur état initial, simuler leur<br />

comportement pendant la phase d’injection (40 ans)<br />

et, sur le long terme (1 000 ans), surveiller leur évolution<br />

et remédier à tout comportement anormal qui compromettrait<br />

l’efficacité et la sécurité du stockage. Ils ont<br />

maintenant besoin d’être testés sur le terrain dans<br />

une grande variété de configurations géologiques<br />

afin de les rendre les plus performants et les plus fiables<br />

possibles et de mutualiser les retours d’expérience<br />

acquis sur plusieurs sites pour faciliter l’essaimage<br />

sur d’autres sites.<br />

Les deux priorités actuelles pour faire avancer la<br />

recherche et préparer le déploiement du stockage de<br />

CO2 sont donc de réaliser :<br />

– des pilotes de recherche sur le stockage de CO2, portés<br />

par la communauté scientifique, qui viendraient<br />

complémenter les quelques démonstrateurs intégrés<br />

grandeur nature portés par les industriels, en permettant<br />

un plus grand nombre d’investigations et de tests<br />

de formations géologiques ;<br />

– un atlas des lieux et des capacités des zones favorables<br />

au stockage en Europe, comme cela a déjà été réalisé<br />

en Amérique du Nord, mais jusqu’à présent de manière<br />

très préliminaire et parcellaire en Europe (figure 4).<br />

Il est également important d’étudier les interactions<br />

possibles avec les autres exploitations du sous-sol,<br />

afin d’éviter les conflits d’usage, voire de rechercher des<br />

synergies, de manière à permettre une utilisation<br />

raisonnée, efficace et propre, des ressources du sous-sol<br />

(voir encadré ci-contre).<br />

La centrale géothermique<br />

islandaise de Hellisheidi<br />

qui abrite un pilote de<br />

réinjection dans le soussol<br />

de CO2 sous forme<br />

dissoute (voir encadré).<br />

The Hellisheidi geothermal<br />

power plant (Iceland)<br />

that harbours a reinjection<br />

pilot for dissolved CO2<br />

into the subsurface<br />

(see boxed text).<br />

© Kelly Reed, University of Virginia,<br />

School of Architecture.


Usages multiples du sous-sol : conflits ou synergies ?<br />

Arnaud Réveillère – BRGM – Direction Risques et Prévention – Unité Risques des stockages et des exploitations du sous-sol – a.reveillere@brgm.fr<br />

Romain Vernier – BRGM – Direction des Géoressources – r.vernier@brgm.fr<br />

Exploitation de l’eau potable, des hydrocarbures, de la chaleur, stockage de<br />

CO2, de gaz naturel, de dihydrogène et de chaleur : l’espace constitué par<br />

les pores du sous-sol dans les bassins sédimentaires pourrait rapidement<br />

devenir précieux et convoité. Pour permettre les différents développements<br />

industriels, il convient d’identifier les possibles conflits d’usage entre les<br />

utilisations présentes ou futures du sous-sol, de les anticiper ou, le cas échéant,<br />

de les arbitrer.<br />

Les conflits d’usage ne doivent pas être estimés par une simple superposition<br />

de cartes, la structure 3D du milieu géologique devant être prise<br />

en compte : des usages distincts, séparés par une couche imperméable,<br />

sont couramment réalisés. Par exemple, l’exploitation de la chaleur<br />

géothermique du Dogger et l’utilisation des aquifères supérieurs comme<br />

réserves d’eau potable coexistent dans le Bassin parisien. L’accès au Dogger<br />

est isolé des réserves d’eau potable par un double cuvelage des puits<br />

géothermiques afin de réduire drastiquement tout risque de pollution des<br />

nappes d’eau potable par de la saumure du Dogger.<br />

La dimension temporelle est également importante : à court terme,<br />

l’injection ou l’extraction du réservoir créent un impact en pression durant<br />

la phase opératoire, avant une stabilisation vers une valeur d’équilibre<br />

quelques dizaines d’années après la fin des opérations. Cet impact<br />

transitoire peut affecter les applications voisines, y compris celles séparées<br />

par des couches peu perméables. Dans certains cas comme les doublets<br />

géothermiques, cet impact peut être minimisé : les puits injecteur et<br />

producteur étant situés à proximité et dans le même réservoir (1 à 2 km),<br />

les perturbations de pression restent très locales. À long terme,<br />

Unité de<br />

cogénération<br />

Environ<br />

2 km<br />

2<br />

1<br />

2 km à 2,5 km<br />

CO2<br />

CO2<br />

Schéma de principe du projet pilote de couplage CO2 – géothermie<br />

de Aardwarmte à Delft, Pays-Bas. Un doublet géothermique de 5 MW th (1)<br />

et une centrale à cogénération (2) alimentent un réseau de chaleur (3).<br />

Le CO2 est capté à partir des émissions de la centrale et est dissous<br />

dans le fluide géothermal qui est réinjecté dans l’aquifère.<br />

l’extraction d’hydrocarbures ou le stockage géologique de CO2 modifie<br />

le fluide qui était présent dans le milieu depuis des temps géologiques<br />

pour des périodes de temps comparables, en l’absence de fuite. De<br />

façon similaire, l’extraction de chaleur du sous-sol des aquifères engendre<br />

la création d’une bulle froide durable. Ces exploitations modifient donc le<br />

fluide présent dans le réservoir ou ses caractéristiques thermiques pour<br />

de longues durées, ce qui justifie de possibles conflits avec d’autres utilisations,<br />

présentes ou futures. Une gestion du sous-sol sur le long terme<br />

permet néanmoins d’anticiper ce risque. Par exemple, la modélisation<br />

de l’évolution thermique et spatiale des bulles de réinjection froides<br />

créées par l’exploitation passée du Dogger permet d’estimer la ressource<br />

géothermique future et donc d’éviter des déconvenues dans les développements<br />

à venir.<br />

Des synergies peuvent aussi exister entre ces usages. Par exemple, le CO2<br />

stocké dans un but de limitation des émissions de gaz à effet de serre pourra<br />

être en partie extrait et utilisé pour de la récupération assistée d’hydrocarbures<br />

dans des champs voisins. Ou encore, stockage du CO2 et géothermie<br />

pourraient coexister : dans le cadre du pilote CarbFix (www.carbfix.is)<br />

enservice en juin 2012, 1 500 tonnes/an de CO2 dissous sont réinjectées sur<br />

la centrale géothermique islandaise de Hellisheidi dans un but de piégeage<br />

du CO2 sous forme de minéral par carbonatation du basalte. Le principe<br />

du projet à Aardwarmte (figure) est assez similaire. De manière plus<br />

prospective, le CO2 supercritique, peu visqueux, pourrait aussi être utilisé<br />

comme fluide caloporteur en géothermie des roches fracturées. ■<br />

Couverture<br />

rocheuse<br />

3<br />

Chauffage<br />

urbain<br />

Principle of the Aaedwarmte pilot project of geothermal site combined with<br />

CO2 storage at Deft, NL. A 5 MWth geothermal doublet (1) and a cogeneration<br />

plant (2) are used on a heating network (3). CO2 is captured from the plant<br />

gas emissions and dissolved in the geothermal brine reinjected in the aquifer.<br />

© BRGM – Art Presse.<br />

83<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


84<br />

état des lieux du stockage de co2 en europe<br />

CO2GeoNet apporte les fondements<br />

scientifiques requis pour un stockage<br />

géologique de CO2 efficace et sûr.<br />

Rassemblés au sein du réseau d’excellence européen<br />

CO2GeoNet sur le stockage géologique de CO2 et<br />

autour de l’action de coordination CGS Europe, les<br />

chercheurs européens unissent leurs efforts. Fondé en<br />

2004 avec le soutien de l’Union européenne dans le cadre<br />

du 6 e PCRD, CO2GeoNet est devenu une association<br />

à but non lucratif de droit français (loi 1901) en 2008.<br />

Ses membres fondateurs sont treize instituts de<br />

recherche répartis dans sept pays européens, dont le<br />

BRGM et IFP Énergies nouvelles pour la France. Grâce<br />

au projet du 7 e PCRD CGS Europe en cours (2010-2013),<br />

regroupant autour de CO2GeoNet trente-quatre<br />

instituts de recherche sur vingt-huit pays (figure 2),<br />

CO2GeoNet est en train d’acquérir une envergure<br />

pan-européenne. Actif non seulement dans le domaine<br />

de la recherche mais aussi de la formation, de l’expertise<br />

scientifique, de l’information et de la communication<br />

(figure 5), CO2GeoNet apporte, grâce à son indépendance,<br />

sa multidisciplinarité et sa rigueur scientifique, les<br />

fondements requis pour un stockage géologique de<br />

CO2 efficace et sûr.<br />

Perspectives de déploiement<br />

au-delà de 2020<br />

Par le piégeage dans le sous-sol, à l’abri de l’atmosphère,<br />

du CO2 capté au niveau de tous types d’installations<br />

industrielles (centrales thermiques, complexes<br />

sidérurgiques, cimenteries, usines de fabrication de<br />

biocarburants…), le stockage de CO2 offre une des<br />

rares opportunités de réduction massive des émissions<br />

de CO2. Il doit pouvoir jouer un rôle d’accélérateur de<br />

la transition énergétique, car il permet notamment de<br />

décarboner le parc de centrales thermiques existantes,<br />

ainsi que certaines industries comme la sidérurgie<br />

pour lesquelles il n’existe pas d’autres solutions. Il<br />

permet même d’envisager des scénarios à émissions<br />

négatives (« épuration » de l’atmosphère), si par exemple<br />

l’utilisation de la biomasse comme source d’énergie<br />

se développe (voir article S. Dupraz et al. ce numéro).<br />

Mais sa maîtrise nécessite encore des efforts de R&D<br />

importants qui soient soutenus par les instances<br />

publiques européennes et nationales. Chaque site de<br />

ö Sources industrielles de CO2<br />

Ó Bassins sédimentaires propices au stockage de CO2<br />

stockage doit par ailleurs faire l’objet d’un long processus<br />

d’exploration, de caractérisation et de demande de<br />

permis de stockage, ce qui peut prendre plusieurs années.<br />

Il faut aussi raccorder ce site aux sources d’émissions<br />

voisines par un réseau de canalisations approprié pour<br />

transporter le CO2 jusqu’à son lieu de stockage.<br />

On comprend que les décisions d’investissements<br />

pour des projets de CSC doivent reposer avant tout sur<br />

l’assurance quant aux choix et aux performances<br />

des sites de stockage. Elles nécessitent aussi un cadre<br />

économique incitatif, avec un marché du CO2 solide et<br />

d’éventuels instruments financiers complémentaires,<br />

qui ne pourra résulter que d’une politique forte de lutte<br />

contre le changement climatique. Ce n’est que dans<br />

ces conditions qu’un réel déploiement du CSC pourra<br />

s’initier à partir des années 2020, harmonieusement<br />

intégré aux solutions de mix énergétiques qui verront<br />

le jour pour permettre un accès à une énergie durable,<br />

propre et décarbonée. L’éligibilité du CSC aux Mécanismes<br />

pour un développement propre (MDP) du protocole<br />

de Kyoto, acquise fin 2011, est un pas important pour<br />

faciliter les investissements dans les pays tiers. Cela<br />

permettra notamment aux pays développés d’obtenir<br />

des crédits carbone en effectuant des réductions<br />

d’émissions de CO2 hors de leurs frontières, et aux pays<br />

émergents, très fortement dépendants des énergies<br />

carbonées, de bénéficier de technologies performantes<br />

contribuant à leur développement durable.<br />

Fig. 4 : Cartographie<br />

européenne des<br />

principales sources<br />

d’émission de CO2<br />

industrielles et<br />

des bassins<br />

sédimentaires<br />

contenant<br />

des formations<br />

géologiques profondes<br />

propices au stockage<br />

de CO2.<br />

Fig. 4: Map of Europe<br />

showing main CO2<br />

industrial sources and<br />

sedimentary basins<br />

with deep geological<br />

formations suitable<br />

to CO2 storage.<br />

Source : Projet européen<br />

6e PCRD EU GeoCapacity /<br />

FP6 EU Geocapacity project.


Le stockage de CO2 pourrait même ouvrir la porte à<br />

une valorisation ultérieure d’une partie du CO2 stocké.<br />

Si les usages industriels du CO2 sont actuellement<br />

minimes par rapport aux quantités émises (0,5 %), l’idée<br />

de recourir à du CO2 pour trouver une solution au stockage<br />

des surplus d’électricité produits de manière<br />

intermittente par les énergies renouvelables est en train<br />

de germer. Cela permettrait aussi de réduire davantage<br />

les émissions de CO2. Il s’agirait d’utiliser les surplus<br />

d’énergie non carbonée (renouvelable mais aussi<br />

nucléaire) pour transformer le CO2 en hydrocarbures<br />

gazeux ou liquides (méthane, méthanol, gazoline,<br />

diméthyléther...) facilement transportables, distribuables<br />

et stockables, en utilisant la plupart du temps les infrastructures<br />

existantes, et substituables aux ressources<br />

fossiles primaires. Ceci via l’électrolyse de l’eau pour<br />

produire de l’hydrogène qui pourra alors être combiné<br />

au CO2. Dans ce schéma, les stockages réversibles de<br />

CO2 seront une pièce maîtresse du dispositif. ■<br />

Fig. 5 : Brochure<br />

CO2GeoNet expliquant<br />

le stockage géologique<br />

de CO2, traduite<br />

en 25 langues,<br />

20 pages.<br />

Fig. 5: CO2GeoNet<br />

brochure explaining<br />

what CO2 geological<br />

storage really means,<br />

translated into<br />

25 languages, 20 p.<br />

© CO2GeoNet.<br />

state of play of co2 storage in europe<br />

State of play of CO2 storage<br />

in Europe<br />

CO2 capture and storage is a promising<br />

emerging technology. It forms part of<br />

all energy scenarios to 2050 that enable<br />

the massive CO2 emissions reduction<br />

needed for limiting global warming to 2°C.<br />

Since 1993, much progress has been made<br />

on the scientific, economic, regulatory and<br />

societal aspects. So, where do we stand<br />

now in Europe and in France, especially on<br />

storage, which is the current cornerstone?<br />

Will we be ready for progressive<br />

commercial deployment from 2020?<br />

The first CCS demonstration projects are<br />

emerging under the leadership of major<br />

power and industrial companies and with<br />

financial support from the Member States,<br />

the European Economic Plan for Recovery<br />

(EEPR), and the NER300 mechanism<br />

for the co-financing of CCS and innovative<br />

renewables in the framework of the EU<br />

Emissions Trading System (EU-ETS).<br />

However, the current very low price of CO2<br />

in the EU-ETS (


86<br />

carbolab<br />

renvoyer le carbone dans le charbon – le projet carbolab<br />

Plus gros émetteur de CO2<br />

avec 43 % (1), en croissance,<br />

du total mondial, la combustion<br />

du charbon pulvérise<br />

les bonnes volontés de limiter<br />

l’ampleur du réchauffement<br />

climatique. Peut-on endiguer<br />

ces émissions ? Le captage du CO2<br />

et son stockage en veine de charbon<br />

sont une solution à l’étude.<br />

Le projet européen Carbolab vise<br />

à réaliser un laboratoire souterrain<br />

d’injection et de suivi du CO2<br />

dans le charbon, afin de mieux<br />

comprendre les processus à l’œuvre.<br />

(1) Source : International Energy Agency Statistics “CO2 Emissions<br />

from fuel combustion - 2011 highlights” http://data.iea.org<br />

Aurélien Leynet<br />

BRGM<br />

Direction des Géoressources<br />

Unité Géologie de l’aménagement des<br />

territoires, stockage géologique du CO2<br />

a.leynet@brgm.fr<br />

Le puits de la mine de charbon de Monsacro,<br />

Asturies, Espagne.<br />

The shaft of the Monsacro coal mine,<br />

Asturias, Spain.<br />

© Hunosa.<br />

Renvoyer le carbone<br />

dans le charbon.<br />

Le projet Carbolab<br />

Confrontés à un épuisement des ressources fossiles et à une nécessité de réduire leurs<br />

émissions de gaz à effet de serre (GES), la plupart des pays affichent des politiques<br />

de développement des énergies renouvelables. La production énergétique mondiale<br />

continue pourtant d’être fortement dépendante des ressources fossiles et au premier<br />

chef du charbon. À peu près stable entre 1990 et 2000, la production mondiale de<br />

charbon est passée de 2,34 Gtep en 2000 à 3,96 Gtep en 2011, avec des augmentations<br />

annuelles de 6 % lors des deux dernières années (1). Selon l’AIE (2), la demande de charbon<br />

primaire augmenterait tendanciellement encore de 138 % entre 2007 et 2050. Le scénario<br />

volontariste Blue Map de l’AIE évoque, lui, un recul de cette demande de seulement<br />

36 % sur la même période, preuve que le charbon restera une ressource substantielle<br />

pour les prochaines décennies.<br />

Le charbon cumule les défauts environnementaux. Gros émetteur de CO2 (deux fois plus<br />

que le gaz naturel), il est largement disponible (on estime ses réserves prouvées à 112 ans<br />

de production), et bien réparti géographiquement, et les techniques de son exploitation,<br />

quoique meurtrières, sont bien connues. En utilisation habituelle, l’extraction et<br />

(1) Source : BP www.bp.com/sectiongenericarticle800.do?categoryId=9037183&contentId=7068609<br />

(2) Perspectives des technologies de l’énergie 2010, Scénarios et stratégies à l’horizon 2050.<br />

Agence internationale de l’énergie (AIE).


l’exploitation du charbon sont des activités risquées et<br />

délétères (3) : poussières, coups de grisou, effondrements<br />

et chutes de roches tuent deux à dix mineurs par 100 Mt<br />

extraites ; les effluents des centrales thermiques au<br />

charbon provoqueraient trente morts au TWh et une<br />

morbidité dix fois supérieure ; les rejets radioactifs<br />

peuvent également dépasser ceux d’une centrale<br />

nucléaire de même puissance ! Et cela ne concerne que<br />

5 % des ressources charbonnières jugées économiques<br />

car suffisamment peu profondes (4).<br />

Le tableau attribué au charbon n’est donc pas des<br />

plus agréables. Pourtant, certains voient la possibilité<br />

d’utiliser le charbon, ou plutôt ses gisements, pour<br />

réduire les émissions de GES. C’est la technologie du<br />

captage et stockage géologique du CO2 (CSC) en veine<br />

de charbon, l’une des techniques regroupées sous le<br />

vocable commun de « charbon propre » (4). Comme pour<br />

le CSC classique (5), en aquifère salin ou en gisement<br />

(3) Jean-Marie Martin-Amouroux – Charbon, les métamorphoses d’une<br />

industrie, p. 344 et suiv.<br />

(4) Pour plus d’information sur ces techniques, voir l’article Charbon propre<br />

dans Les 10 Enjeux des Géosciences, 2009, p. 28, dossier spécial, BRGM,<br />

2009, p.28.<br />

(5) Voir Géosciences n° 3, Le changement climatique, en particulier les<br />

articles de Jacques Varet (p. 72-77) et d’Isabelle Czernichowski-Lauriol<br />

(p. 78-85).<br />

Fig. 1 : Principe<br />

du stockage de CO2<br />

en veine de charbon<br />

avec récupération<br />

de méthane.<br />

Fig. 1: The principle behind<br />

CO2 storage in coal seams<br />

with methane recovery.<br />

© BRGM.<br />

Veine de charbon<br />

returning carbon into coal – the carbolab project<br />

épuisé d’hydrocarbures, la technique consiste à capter<br />

le CO2 produit par une centrale thermique ou une<br />

aciérie, souvent présentes dans les bassins charbonniers.<br />

Ce CO2 est transporté par gazoduc jusqu’au droit<br />

d’une couche réservoir pour y être injecté. Dans ce cas,<br />

le réservoir est une veine de charbon inexploitée, à<br />

cause d’une profondeur trop importante et/ou d’une<br />

puissance (épaisseur) trop faible. La matrice charbonneuse<br />

possède la propriété remarquable d’adsorber le<br />

CO2 qui, en outre, provoque la désorption du méthane<br />

présent dans la veine. Il est admis qu’il faut deux à<br />

cinq moles de CO2 pour chasser une mole de CH 4. Si<br />

l’on arrivait aussi à récupérer ce méthane, il pourrait<br />

être valorisé énergétiquement et couvrir une partie des<br />

investissements (conséquents) du stockage (figure 1).<br />

En ce sens, le CSC en veine de charbon, malgré des<br />

capacités en volume faibles face aux enjeux, pourrait<br />

s’avérer intéressant à moyen terme.<br />

Adsorption<br />

du CO2<br />

CO2<br />

CO2<br />

Captage de CO2<br />

Captage<br />

de CO2<br />

CH 4<br />

Production<br />

du CH 4<br />

Désorption<br />

du CH 4<br />

La matrice<br />

charbonneuse<br />

possède<br />

la propriété<br />

remarquable<br />

d’adsorber<br />

le CO2.<br />

Roche<br />

encaissante<br />

87<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


88<br />

renvoyer le carbone dans le charbon – le projet carbolab<br />

Pozo Monsacro<br />

N<br />

30 km<br />

Mais les incertitudes et verrous technologiques ne<br />

manquent pas. On manque de connaissance sur les<br />

comportements des fluides dans le milieu, notamment<br />

sur la perméabilité très variable du charbon, sous l’effet<br />

de la sorption de gaz. Peu d’essais ont été réalisés sur ce<br />

sujet en Europe. Citons seulement Recopol (6), un projet<br />

européen mené de fin 2001 à mi 2005, qui consista<br />

à injecter du CO2 dans une veine de charbon à plus<br />

de 1 000 mètres de profondeur dans un bassin houiller<br />

en Pologne. Face à une diminution drastique de la<br />

perméabilité, il a fallu recourir à la fracturation hydraulique<br />

pour injecter au final 800 tonnes de CO2. Le projet<br />

aura révélé le problème de la perméabilité du charbon<br />

diminuant au contact du CO2. En effet, en réponse à<br />

l’adsorption du CO2, la matrice de charbon tend à<br />

gonfler. L’effet est extrêmement variable d’un échantillon<br />

à l’autre et est son étude est rendue plus complexe<br />

par la présence dans le charbon d’une double perméabilité,<br />

de matrice et de fracture, qui induit une double<br />

propagation des gaz dans la veine, en diffusion et en<br />

écoulement.<br />

Le projet ANR Charco, dirigé par le BRGM de 2006 à 2010,<br />

a dressé un panorama de vingt-six charbons, principalement<br />

européens, analysés selon seize protocoles.<br />

Cela a permis d’esquisser une « fenêtre à CO2 »,<br />

c’est-à-dire un ensemble de paramètres physicochimiques<br />

définissant les charbons favorables pour<br />

le stockage de CO2.<br />

(6) http://recopol.nitg.tno.nl<br />

Cantabrian Sea<br />

Faille<br />

Chevauchement<br />

Mésozoïque - Tertiaire<br />

Paléozoïque<br />

Précambrien<br />

Au plus près des processus<br />

Charbons de<br />

diverses qualités<br />

Anthracites de<br />

diverses qualités<br />

Après ces études, un saut d’échelle semblait nécessaire<br />

afin de vérifier les résultats de laboratoire. C’est<br />

l’idée de base du projet Carbolab. Financé par le fonds<br />

européen du charbon et de l’acier (Research Fund for Coal<br />

and Steel), le projet vise à étudier le comportement<br />

du charbon in situ. Afin de permettre un suivi optimal<br />

des processus, la décision fut prise de procéder à une<br />

injection dans une veine de charbon « en place » et<br />

d’installer des capteurs et des instruments de mesure<br />

autour du point d’injection. Une veine de la mine de<br />

Monsacro, dans les Asturies, en Espagne (figures 2 et 3)<br />

fut mise à disposition par le coordinateur du projet,<br />

la compagnie d’État Hunosa (7). Les autres partenaires<br />

du projet sont : Aitemin (8), association sans but lucratif<br />

pour le développement des ressources naturelles ;<br />

le BRGM ; l’Inéris ; le GIG (institut central des mines<br />

de Pologne) et Total sur participation propre.<br />

(7) Hulleras del Norte SA (Houillères du Nord SA).<br />

(8) Asociación para la Investigación y Desarrollo Industrial de los Recursos<br />

Naturales (Association pour la recherche et le développement industriel des<br />

ressources naturelles).<br />

Fig. 2 : Localisation<br />

de la mine de Monsacro<br />

sur carte géologique<br />

simplifiée des Asturies.<br />

Fig. 2: The position<br />

of the Monsacro mine<br />

plotted on a simplified<br />

geological map<br />

of Asturias.<br />

© BRGM.<br />

Le but principal de Carbolab est de tracer<br />

le comportement des fluides et du charbon in situ.


Le projet Carbolab s’articule<br />

en trois grandes phases<br />

La première est de caractériser le site retenu pour le<br />

test d’injection ; puis de définir le protocole de suivi<br />

géophysique et géochimique. La deuxième correspond<br />

au test d’injection, au monitoring associé et aux<br />

analyses des prélèvements en laboratoire. Enfin, la<br />

dernière permet d’analyser l’ensemble des éléments<br />

observés ou mesurés afin de conceptualiser les<br />

processus mis en œuvre et de les formaliser grâce<br />

à la modélisation. L’analyse de ces processus doit<br />

également permettre d’évaluer les impacts potentiels<br />

dans le cadre d’une étude de risques à long terme.<br />

Un environnement atypique<br />

La veine choisie pour le projet se situe à 464 mètres<br />

sous le carreau de la mine. Fortement tectonisée,<br />

elle se présente avec un pendage d’environ 70° et sa<br />

puissance est d’environ deux mètres. Le charbon, d’âge<br />

moscovien inférieur, est un anthracite. L’environnement<br />

est humide et poussiéreux, peu favorable à la mise en<br />

œuvre des instruments. Il est surtout celui – toujours<br />

légèrement grisouteux – d’une mine en activité.<br />

L’exploitant Hunosa s’attache à assurer la sécurité<br />

des intervenants. À cet effet, il a percé un puits de<br />

ventilation supplémentaire dans la galerie d’étude<br />

et renforcé l’équipement de détection de gaz.<br />

returning carbon into coal – the carbolab project<br />

Caractériser le milieu<br />

Il s’avère que le charbon en place est trop friable pour<br />

être carotté. Cette difficulté complique les possibilités<br />

de réaliser les analyses prévues en laboratoire, en<br />

particulier la mesure de la perméabilité et celle de la<br />

distribution des fractures. Ces aspects n’ont toujours<br />

pas trouvé de solution technique.<br />

Dès les premières études de caractérisation du site, la<br />

veine et son environnement ont montré une grande<br />

hétérogénéité. De fait, la caractérisation apportera<br />

son lot de découvertes.<br />

L’établissement de logs géologiques le long de la<br />

galerie et d’un forage dans le massif a affiné la compréhension<br />

de la stratigraphie locale. Des analyses<br />

d’échantillons prélevés en galerie et sur carotte ont<br />

apporté les paramètres de base (humidité, densité,<br />

porosité, perméabilité, vitesse sismique) qui permettront<br />

de contraindre les modèles numériques. Des<br />

caractérisations mécaniques des matériaux ont également<br />

été menées, des lames minces ont été réalisées<br />

et étudiées. La réalisation de diagraphies dans le forage<br />

de caractérisation a de plus permis d’enregistrer huit<br />

paramètres en continu (contribution Total).<br />

L’université d’Oviedo (Espagne), sur demande d’Hunosa,<br />

a procédé à des profils gravimétriques. Deux venues<br />

d’eau majeures traversant la galerie ont été repérées.<br />

Elles sont situées de part et d’autre de la veine d’étude,<br />

Fig. 3 : La veine du Carbolab,<br />

mine de charbon<br />

de Monsacro, Asturies,<br />

Espagne.<br />

Fig. 3: The Carbolab seam,<br />

Monsacro coal mine,<br />

Asturias, Spain.<br />

© Hunosa.<br />

89<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


90<br />

renvoyer le carbone dans le charbon – le projet carbolab<br />

leur géochimie (pH, conductivité électrique, composition,<br />

rapports isotopiques en 2H et 18O, microscopie<br />

électronique à balayage) a été caractérisée par<br />

Aitemin. À notre grand étonnement, tout le massif<br />

s’est révélé partiellement saturé en eau. Un modèle<br />

hydrogéochimique de la zone a été monté. L’université<br />

d’Oviedo a procédé à des analyses géomécaniques.<br />

Le tenseur des contraintes mesuré par la technique de<br />

surcarottage par l’Ineris et Total a rappelé le contexte<br />

tectonique particulier des Asturies, indiquant des<br />

contraintes principales fortement anisotropes.<br />

Quinze forages pour une injection<br />

Le but principal de Carbolab étant de tracer le comportement<br />

des fluides et du charbon, un soin particulier<br />

a été porté aux méthodes de suivi. Pas moins de quinze<br />

forages ont été pratiqués pour l’injection et le suivi<br />

des gaz (figure 4). Un forage d’injection du CO2 atteint<br />

la veine de charbon à 26 mètres derrière la paroi.<br />

Un forage d’extraction du CH 4 sert à la fois à la mise<br />

en sécurité de l’installation et à des tests éventuels<br />

de récupération assistée du méthane.<br />

Fig. 4 : Schéma en plan des forages<br />

entourant la veine de charbon,<br />

et le travers-banc (en orange).<br />

D’après Hunosa.<br />

Fig. 4: A two-dimensional diagram<br />

of the boreholes surrounding the coal<br />

seam, and the cross-cut (in orange).<br />

From Hunosa.<br />

Pas moins de quinze forages ont été pratiqués<br />

pour l’injection et le suivi des gaz.<br />

Trois forages dédiés à la sismique passive encadrent<br />

la veine dans les épontes à 10 mètres de part et d’autre.<br />

Deux éventails de trois forages, situés dans les épontes<br />

à cinq mètres de chaque côté de la veine, permettent<br />

de réaliser les mesures électriques (méthodes passive<br />

et active), de sismique active et de radar. Deux forages<br />

géochimiques longent également la veine, à quelques<br />

mètres ; ils doivent détecter les éventuelles fuites<br />

de CO2 ou de CH 4 par les épontes. Enfin, deux<br />

autres forages géochimiques aboutissent dans la<br />

veine de charbon ; ils doivent permettre de repérer<br />

les différents fronts de propagation des fluides par<br />

des mesures de pH, chimie, isotopie des gaz et gaz<br />

dissous. Un suivi microgravimétrique est entrepris<br />

depuis la galerie, ainsi qu’une surveillance des gaz<br />

(figures 5).<br />

0 20 m<br />

Veine de charbon<br />

Suivi géophysique (méthodes électriques)<br />

Suivi géophysique (sismique passive)<br />

Caractérisation des contraintes in-situ<br />

Injection<br />

Suivi géochimique<br />

Extraction<br />

Caractérisation (reconnaissance)<br />

Caractérisation (tests de perméabilité)<br />

Fig. 5 :<br />

a : Le puits de la mine<br />

de Monsacro.<br />

a: The Monsacro<br />

mine shaft.<br />

© BRGM – E. Proust.<br />

b : Opération de forage<br />

dans la galerie.<br />

b: Drilling operation<br />

in the gallery.<br />

© Hunosa.<br />

c : Installation du<br />

matériel de géophysique<br />

en armoire étanche<br />

au fond de la mine.<br />

c: Installation<br />

of geophyscial equipment<br />

in a watertight cabinet at<br />

the bottom of the mine.<br />

d : Emplacement futur<br />

des flûtes géophysiques.<br />

d: Future position<br />

of the geophysical<br />

streamers.<br />

© BRGM – P. Wawrzyniak.


a b<br />

c d


92<br />

renvoyer le carbone dans le charbon – le projet carbolab<br />

Le projet retardé par la crise espagnole<br />

Comme fréquemment, ce projet a connu des retards,<br />

dus notamment à des difficultés de foration. Mais<br />

depuis mi-2012, il souffre surtout de la conjoncture<br />

économique espagnole. En effet, les plans de l’Union<br />

européenne prévoient un arrêt des aides à l’exploitation<br />

charbonnière d’ici 2018. Or, les mines ne peuvent<br />

être rentables sans aide. Face à la crise, le gouvernement<br />

espagnol a décidé d’anticiper la décroissance de la<br />

production charbonnière et de réduire ses aides dès 2012<br />

(111 M€ contre 301 M€ en 2011, soit – 63 %). Le 31 mai 2012,<br />

les syndicats ont appelé à la grève illimitée. Elle s’est<br />

poursuivie durant 67 jours, mais les syndicats n’ont<br />

pu obtenir d’assouplissement du gouvernement.<br />

Depuis le début du bras de fer, nos partenaires<br />

espagnols ne sont plus en mesure d’encadrer le travail<br />

en mine. L’injection a dû être reportée, et aura lieu au<br />

tout début de mars 2013.<br />

Modélisation et long terme<br />

Toute l’activité du projet n’est pas tributaire d’opérations<br />

en mine. Les enregistrements de suivi d’injection<br />

devaient permettre de caler un modèle dynamique<br />

créé pour l’occasion. Celui-ci a été développé. Il inclut<br />

l’adsorption, les déformations mécaniques (gonflement,<br />

retrait) et les variations de porosité et de perméabilité<br />

liées aux contraintes mécaniques et aux sorptions<br />

différentielles des gaz. Notons cependant qu’il se limite<br />

à un traitement isotherme et surtout néglige les réseaux<br />

de fractures.<br />

La modélisation a pris le parti d’associer deux codes<br />

sous l’ordonnancement d’un superviseur. Tough2 est<br />

largement utilisé dans les études de stockage de CO2<br />

en aquifères. Son module EOS7C a été modifié dans<br />

le cadre du projet en un EOS7CS prenant en compte<br />

l’adsorption, sous la forme d’un modèle de sorption<br />

selon Langmuir étendue. Cependant, il ne comprend<br />

pas les effets mécaniques (gonflement et fluage) induits<br />

par la sorption et l’échange avec le CH 4 adsorbé. Pour<br />

cette partie, le dialogue est établi avec un solveur<br />

mécanique développé par le BRGM sous Code_Aster,<br />

fourni par EDF. Un superviseur écrit en langage Python<br />

mène le calcul en parallèle sur les deux codes.<br />

Un jeu de paramètres a été choisi de manière à représenter<br />

le charbon tel que nous l’imaginons après les<br />

travaux de caractérisation. Une simulation de test a<br />

consisté en l’injection numérique, dans un charbon<br />

2D-axisymétrique d’un rayon de 25 mètres, de CO2<br />

sous 4,5 MPa pendant 24 heures, suivi de 96 heures<br />

de relaxation. Un premier résultat prédit l’absence<br />

de réponse mécanique notable des épontes.<br />

Une résolution se calcule en 6 heures sur un ordinateur<br />

courant. Les simulations ont montré une surpression<br />

(+0,5 MPa) limitée aux premiers mètres et de faibles<br />

variations de porosité. Durant ces simulations, près<br />

de 700 kg de CO2 ont été injectés en 24 heures. Comme<br />

attendu, on observe une montée en CH 4, chassé par<br />

le gaz injecté, suivie d’une baisse abrupte à l’arrivée<br />

du front de CO2. Les études montrent également une<br />

forte sensibilité aux paramètres de déformation<br />

volumique des gaz. Cela peut expliquer les différences<br />

de comportements entre plusieurs injections in situ.<br />

Une fois étalonné, ce modèle devra permettre également<br />

d’explorer numériquement les conditions de<br />

sécurité à long terme d’un stockage de taille industrielle.<br />

L’objectif consiste à abaisser le plus possible les risques<br />

associés à cette technique pour l’homme et l’environnement.<br />

Le laboratoire souterrain du Carbolab est prêt à être<br />

utilisé. L’environnement de la veine est équipé pour<br />

le suivi de l’injection de CO2, de même que les outils<br />

Carottes provenant<br />

du fond du puits<br />

d’injection,<br />

mine de Monsacro.<br />

Drilling cores<br />

extracted from<br />

the base of<br />

the injection well,<br />

Monsacro mine.<br />

© BRGM – H. Bauer.


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de modélisation permettant des premières estimations<br />

de comportement sont opérationnels.<br />

L’injection réelle dans la veine, prévue en mars 2013,<br />

apportera sa moisson d’informations. Il restera aux<br />

équipes à interpréter les observations géophysiques<br />

et géochimiques, étalonner et valider les modèles<br />

de simulation, déterminer et encadrer les risques à<br />

long terme.<br />

Une fois achevé, ce projet aura permis de lever plusieurs<br />

des verrous majeurs qui bloquent l’utilisation des<br />

gisements de charbon, non économiquement exploitables,<br />

comme puits de CO2. Il aura en tout cas fait<br />

avancer la connaissance sur ce milieu et sur les interactions<br />

complexes dont il est le siège.<br />

Dans l’hypothèse d’une remontée des prix du carbone,<br />

les résultats accumulés pourront ouvrir la voie à<br />

l’établissement de pilotes de stockage de CO2 en veine<br />

de charbon, avant le déploiement de projets à l’échelle<br />

industrielle.ó<br />

Pour plus d’informations, consulter le site web<br />

du projet : www.carbolab.eu<br />

Returning carbon into coal – The Carbolab Project<br />

CO2 injection into deep, unmineable coal<br />

seams is one means to reduce greenhouse<br />

gas emissions whilst recovering methane,<br />

a valuable gas. However, this storage<br />

option entails considerable uncertainties<br />

and technical difficulties.<br />

Its potential feasibility and economic<br />

interest depend essentially on the coal’s<br />

permeability and the quantity of the<br />

recoverable methane. The methane<br />

content of coal generally ranges from 5<br />

to 25 m 3/t, and CO2 injection<br />

conventionally allows 1 mole of methane<br />

to be replaced by 2 to 5 moles of CO2<br />

(the CO2 adsorption rate increases with<br />

the pressure). Tests to date involved highly<br />

permeable coal like that mined in<br />

the United States under conditions<br />

quite unlike those in European deposits.<br />

The only European tests are those of<br />

the EC-supported RECOPOL project.<br />

Yet none have proven the controllability<br />

of the actual CO2 storage process.<br />

What percentage of CO2 is absorbed,<br />

what percentage stored in the coal’s<br />

permeability, what percentage diffused<br />

into adjacent strata, often with higher<br />

permeability than coal? These unknowns<br />

remain and are a serious obstacle to<br />

demonstrating this technique’s feasibility<br />

and its reliability and safety as a storage<br />

option.<br />

The Carbolab project will address these<br />

issues by performing underground CO2<br />

injection and CBM production tests<br />

in a panel of a Spanish coal mine<br />

conditioned for the purpose. Tests will be<br />

run from below ground to save cost and<br />

improve experiment control by reducing<br />

size. Data obtained should be of higher<br />

quality and density than in tests piloted<br />

from the surface (i.e., RECOPOL) and,<br />

together with laboratory tests, will enable<br />

the behaviour of the injected gases and of<br />

the methane initially contained in the coal<br />

bed to be observed in detail and yield clear<br />

parameters for the processes at work.<br />

This information will help model these<br />

phenomena and contribute to our<br />

understanding of the ECBM process and<br />

the long-term safety of CO2 storage.<br />

Bibliographie : Garnier C., Finqueneisel G., Zimny T., Pokryszka Z., Lafortune S., Défossez P., Gaucher E. C. (2011) – Selection of coals of different maturities for CO2 storage by modelling of CH4 and CO2 adsorption<br />

isotherms. International Journal of Coal Geology 87, 1 (2011) 80-86. Gaucher E. C., Défossez P., Bizi M., Bonijoly D., Disnar J.-R., Laggoun-Défarge F., Garnier C., Finqueneisel G., Zimny T., Grgic D. et al (2011) – Energy<br />

Procedia 4, pp. 3147-3154- 10th International Conference on Greenhouse Gas Control Technologies, France (2010). Loschetter A., Smai F., Sy S., Burnol A., Leynet A., Lafortune S. and Thoraval A. (2012) – Simulation<br />

of CO2 storage in coal seams: coupling of Tough2 with the solver for mechanics Code_aster®. Proceedings, Tough symposium 2012. Lawrence Berkeley National Laboratory, Berkeley, California, September 17-19.<br />

Vidal-Gilbert, S., Lahaie, F., Canto, N. (2011) – Geomechanical assessment of the CARBOLAB project, in situ CO2-ECBM laboratory, Oviedo, Asturias, Spain. CO2CRC Research Symposium, 29/11/2011 – 01/12/2011,<br />

Adelaide, Australie.<br />

Publicité


94<br />

biomasse<br />

biomasse et stockage géologique, un couplage tourné vers l’avenir<br />

La biomasse et le stockage<br />

géologique du carbone (CCS) sont<br />

deux méthodes ayant un grand<br />

potentiel dans la réduction des<br />

émissions de CO2.<br />

Leur bilan carbone respectif tend<br />

vers la neutralité et évite<br />

une contribution à l’augmentation<br />

du CO2 dans l’atmosphère.<br />

En revanche, le couplage<br />

de ces deux techniques conduit<br />

à pomper activement le carbone<br />

de l’atmosphère et engendrer<br />

des bilans négatifs.<br />

De plus, la spécificité des gaz<br />

de biomasse capturés ouvre<br />

des perspectives sur de nouveaux<br />

moyens de sécurisation<br />

des sites de stockage.<br />

Sébastien Dupraz<br />

BRGM<br />

Ingénieur en biogéochimie<br />

s.dupraz@brgm.fr<br />

Antonin Fabbri<br />

École nationale des travaux publics<br />

de l’État (ENTPE)<br />

Chargé de recherche<br />

antonin.fabbri@entpe.fr<br />

Centrale de co-combustion charbon/bois<br />

(copeaux de bois au premier plan).<br />

Biomass co-firing boilers using coal and wood (wood<br />

chips in the foreground).<br />

© Alstom.com<br />

Biomasse et<br />

stockage géologique,<br />

un couplage<br />

tourné vers l’avenir<br />

Qu’appelle-t-on biomasse ?<br />

Le terme « biomasse » peut avoir différentes significations selon le domaine dans lequel<br />

il est utilisé. En biologie, il désigne la quantité de masse organique constituée par<br />

les êtres vivants. Dans le domaine de l’énergie, ce terme fait plus largement référence<br />

aux technologies qui associent une production d’énergie électrique ou de chaleur avec<br />

la combustion d’un matériel d’origine biologique. Ce combustible peut provenir du secteur<br />

agricole (cultures dédiées ou non, résidus de culture), forestier (bois, déchets de scierie et<br />

d’élagage, sols de forêt) ou des filières de retraitement des déchets organiques (eaux usées,<br />

déchets alimentaires). Ces matières premières sont ensuite traitées (homogénéisation,<br />

densification) afin d’être utilisées de façon rentable dans le procédé de combustion choisi<br />

(figure 1). À l’heure actuelle, la filière biomasse est principalement constituée d’unités de<br />

combustion lignocellulosique (bois et déchets végétaux) qui produisent de l’électricité.<br />

Toutefois, cette combustion n’a pas forcément lieu sur un site industriel ; elle peut être<br />

réalisée directement par les consommateurs, comme c’est le cas pour les biocarburants<br />

(bioéthanol, biodiesel).<br />

Dans le cadre des approches respectueuses de l’environnement et des énergies dites<br />

renouvelables, la biomasse est largement citée. Cependant, son caractère renouvelable<br />

est attaché à la condition stricte que les ressources consommées soient renouvelées ou


Fig. 1 : Trois grandes filières sont identifiées<br />

en fonction du type de procédé utilisé :<br />

la fermentation par les micro-organismes,<br />

les systèmes de combustion directe<br />

et les transformations en gaz<br />

ou liquides combustibles.<br />

Fig. 1: Three major sectors are identified<br />

according to with the chosen process:<br />

fermentation by microorganisms, direct<br />

combustion systems and transformations<br />

into gas or liquid fuels.<br />

© S. Dupraz.<br />

produites en quantités équivalentes. Ainsi, une centrale<br />

thermique, qui consomme le bois d’une exploitation<br />

forestière qui en vend autant qu’elle en fait pousser,<br />

est à l’équilibre. Ce qui n’est évidemment pas le cas des<br />

systèmes tirant parti de zones non replantées.<br />

C’est ce caractère unique qui joue à la fois le rôle d’atout<br />

et de faiblesse de la biomasse. En effet, la biomasse est<br />

foncièrement limitée par ses ressources en matières<br />

biologiques renouvelables dont la production est<br />

restreinte. Les raisons sont diverses mais tiennent<br />

principalement à la pression imposée par l’occupation<br />

des sols cultivables (compétition avec l’industrie<br />

alimentaire, ressources en eaux, transport). Par ailleurs,<br />

l’exploitation de surfaces cultivables supplémentaires<br />

est elle-même assez réduite. Des études récentes ont<br />

notamment démontré que, sur des projections en 2050<br />

et avec les scénarios les plus optimistes, des pays tels<br />

que l’Angleterre ne pouvaient espérer atteindre 10 % de<br />

leurs besoins énergétiques avec ces seules technologies<br />

(Bioenergy CCC report, 2011). D’un autre côté, cette filière,<br />

même si aujourd’hui sa production demeure modeste,<br />

possède un avantage unique lié à la spécificité de sa<br />

ressource. La biomasse n’est pas seulement renouvelable,<br />

elle est aussi théoriquement neutre en termes<br />

d’émissions de CO2. Sa combustion conduit naturellement<br />

à une émission de CO2, mais ce dernier provient<br />

en totalité d’un matériau qui s’est construit en puisant<br />

le CO2 atmosphérique (photosynthèse)… On ne rejette<br />

donc que ce que l’on avait préalablement prélevé<br />

(figure 3 - cas 1). Ceci demeure vrai au regard du bilan<br />

chimique des réactions. Il faut cependant modérer ce<br />

propos en gardant à l’esprit que l’exploitation agricole<br />

ou forestière, les transports, ainsi que le conditionnement<br />

de ces matières premières ne sont pas exempts<br />

biomass and geological storage, a future-oriented tandem<br />

BIOMASSE<br />

Fermentation<br />

Gazéification<br />

Combustion<br />

d’émissions de CO2 concomitantes. Ces bilans carbones<br />

restent toutefois très attractifs [Chum et al., in IPCC<br />

bioenergy special report (2011)].<br />

Le stockage géologique du carbone,<br />

un outil performant de réduction<br />

des émissions de gaz à effet de serre<br />

Production de méthane<br />

ou d’éthanol par digestion<br />

anaérobique (Bioéthanol,<br />

Anaerobic digestion into biogas,<br />

Ad biogas).<br />

Le captage, le transport et le stockage géologique du<br />

carbone représentent une technologie développée<br />

afin de réduire les émissions atmosphériques au droit<br />

des plus gros émetteurs comme les cimenteries, les<br />

centrales énergétiques de combustion de matières<br />

fossiles (charbon, gaz, pétrole), les papeteries et la<br />

sidérurgie (hauts fourneaux) (voir Géosciences n° 3<br />

pages 72-85 et article d’I. Czernichowski, ce numéro).<br />

Sur lit fluidisé circulant<br />

(Circulating fluidized bed, CFB)<br />

ou en pulvérisation avec<br />

du charbon (Pulverized coal, PC).<br />

Conversion de la biomasse en diesel<br />

par des réactions de Fischer-Tropsch<br />

(Biomass to Liquid, BtL).<br />

Gazéification et combustion combinées<br />

(Biomass Integrated gasification<br />

combined cycle, BIGCC).<br />

Gazéification plus méthanation<br />

pour former un gaz naturel de synthèse<br />

(Bio-Synthetic Natural Gas, BioSNG).<br />

Le CCS est une technologie permettant<br />

de réduire les émissions atmosphériques<br />

au droit des plus gros émetteurs.<br />

95<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


96<br />

biomasse et stockage géologique, un couplage tourné vers l’avenir<br />

La première étape, le captage, consiste à récupérer et<br />

purifier le carbone émis. Pour ce faire, il existe trois<br />

procédés distincts :<br />

– les procédés postcombustion, qui permettent<br />

d’extraire par des solvants aminés le CO2 produit lors<br />

des phases de combustion. Cependant, ces solvants<br />

doivent être recyclés et peuvent être à l’origine de<br />

problèmes de corrosion ;<br />

– les procédés d’oxycombustion, lorsque la combustion<br />

est réalisée sous oxygène pur au lieu de l’air. Il en résulte<br />

une combustion plus complète et une isolation du<br />

CO2 facilitée ;<br />

– les procédés de précombustion, lorsque l’extraction<br />

du carbone est effectuée avant la combustion. Le<br />

combustible est chauffé à 700 °C sous atmosphère<br />

appauvrie en oxygène afin de produire un gaz de<br />

synthèse (CO + H2). Ce dernier est ensuite converti par<br />

de l’eau en CO2 et H2 facilement séparables.<br />

Le CO2 extrait doit ensuite être transporté vers le lieu<br />

de stockage sous forme liquide (transport maritime,<br />

par exemple), de gaz dense ou supercritique (transport<br />

par pipeline). L’ultime étape consiste à injecter et<br />

stocker le CO2 de façon pérenne dans le sous-sol, à une<br />

profondeur généralement supérieure à 800 mètres,<br />

CO2<br />

Unité CCS<br />

CO2<br />

afin de maintenir l’état supercritique du CO2 injecté<br />

(figure 2).<br />

Les zones de stockage doivent répondre aux exigences<br />

de sécurité vis-à-vis des risques de fuite (stabilité et<br />

imperméabilité des couches supérieures) et des performances<br />

recherchées (volume de stockage, bonne<br />

injectivité). Les sites les plus communément ciblés sont<br />

les réservoirs de gaz épuisés et les aquifères profonds<br />

salins. Ces derniers offrant l’avantage d’être géographiquement<br />

bien répartis et d’avoir une grande capacité<br />

de stockage (les experts l’estiment à plusieurs milliers<br />

de gigatonnes (1) ). D’autres voies telles que les stockages<br />

dans les veines de charbon et dans les roches basiques<br />

et ultrabasiques sont également à l’étude.<br />

Le système CCS permet, comme dans le cas de la<br />

biomasse, de réduire considérablement les émissions<br />

de CO2 sans pour autant les annuler (présence d’émissions<br />

annexes non captables). Notons également que,<br />

en raison du coût énergétique associé aux opérations<br />

de captage, de transport et d’injection, la quantité<br />

de CO2 captée est toujours supérieure à la quantité<br />

de CO2 évitée.<br />

(1) Source : www2.ademe.fr/servlet/getDoc?cid=96&m=3&id=25109&ref=1<br />

4226&p1=111 - «La capture et le stockage géologique du CO2», ADEME,<br />

BRGM, IFP, 2005.<br />

Procédés<br />

biomasse Fig. 2 : Le couplage Bio-CCS<br />

est actuellement la seule<br />

solution industrielle<br />

applicable rapidement<br />

et à grande échelle<br />

pour capter le CO2<br />

atmosphérique.<br />

Fig. 2: The Bio-CCS<br />

combination is presently<br />

the only industrial solution<br />

that can be quickly applied<br />

on a large scale to capture<br />

atmospheric CO2.<br />

Source : JTF Bio-CCS report, 2012..


Photosynthèse<br />

CO2 atmosphérique<br />

CO2 émis<br />

Cas 1 : Cycle du carbone pour un système biomasse<br />

sans captage et stockage du CO2<br />

Fig. 3 : Bilan négatif et CCS. La photosynthèse génère grâce au soleil et<br />

au CO2 la biomasse nécessaire à la production d’énergie ou de chaleur<br />

lors de la combustion. Le CO2 est ainsi renvoyé dans l’atmosphère<br />

où il est prélevé (à gauche). En cas de couplage CCS, la plupart du CO2<br />

provenant initialement de l’atmosphère est stocké dans le sol (à droite).<br />

Un couplage à bilan potentiellement<br />

négatif mais à résultat positif !<br />

En résumé, ces deux technologies, biomasse et CCS,<br />

permettent de réduire fortement les émissions de CO2.<br />

Cependant, le fait de les coupler pourrait s’avérer encore<br />

plus attractif. En effet, si les émissions d’une centrale<br />

électrique fonctionnant avec de la biomasse végétale<br />

sont captées et injectées dans un réservoir géologique,<br />

le bilan n’est plus seulement neutre, il peut devenir, sous<br />

certaines conditions, négatif (Laude et al., 2011).<br />

En d’autres termes, cela est globalement équivalent à<br />

un pompage et un stockage du carbone initialement<br />

présent dans l’atmosphère (figure 3). Il faut en outre<br />

réaliser que c’est la seule technologie de production<br />

d’énergie suffisamment mature, à ce jour, permettant<br />

une réduction nette du CO2 présent dans l’atmosphère.<br />

Il y a donc là une avancée significative par rapport<br />

aux projets qui visent uniquement une réduction des<br />

émissions de gaz à effet de serre. Nous sommes passés<br />

d’un système palliatif à un système curatif. Le bio-CCS<br />

serait ainsi capable de séquestrer 10 milliards de tonnes<br />

de CO2 par an à partir de l’atmosphère d’ici 2050<br />

(JTF Bio-CCS report, 2012).<br />

biomass and geological storage, a future-oriented tandem<br />

Photosynthèse<br />

CO2 atmosphérique<br />

Il faut cependant garder à l’esprit qu’il existe une<br />

grande diversité de technologies biomasse. En fonction<br />

de celles-ci, le couplage avec le stockage géologique peut<br />

être plus ou moins pertinent. En effet, comme<br />

dans tout système CCS, la technologie Biomasse-CCS<br />

nécessite une étape, souvent très coûteuse, de capture<br />

du CO2 émis. Cependant, certaines technologies<br />

biomasse incluent déjà dans leurs procédés des étapes<br />

semblables à des procédés de capture, permettant ainsi<br />

de réduire significativement les coûts additionnels<br />

associés à cette étape. C’est le cas notamment des<br />

productions de bioéthanol par fermentation ou des centrales<br />

de production de gaz de synthèse. Dans le premier<br />

cas, les émissions de gaz sont très enrichies en CO2 ; elles<br />

ne nécessitent généralement pas de captage supplémentaire.<br />

Dans le second cas, le processus qui permet de<br />

générer les gaz de synthèse est identique à un processus<br />

de captage par précombustion. De tels systèmes représentent<br />

une aubaine pour le couplage, puisqu’ils sont<br />

déjà entièrement adaptables à un stockage géologique.<br />

Captage<br />

CO2 émis<br />

Cas 2 : Cycle du carbone pour un système biomasse<br />

avec captage et stockage du CO2<br />

Transport<br />

et stockage<br />

du CO2<br />

Fig. 3: Negative balance and CCS. With sun, photosynthesis generates the<br />

biomass that will be used for heat and power production during combustion.<br />

CO2 is thus sent back to the atmosphere where it came from (case at left).<br />

If coupling with CCS is effected, the main CO2 flow, drawn originally from<br />

the atmosphere, is stored in the ground (case at right). © A. Fabbri.<br />

Le couplage de deux technologies, biomasse et CCS,<br />

permet de réduire fortement les émissions de CO2.<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />

97


98<br />

biomasse et stockage géologique, un couplage tourné vers l’avenir<br />

Vers un développement<br />

à grande échelle ?<br />

Un des freins majeurs au développement à grande<br />

échelle de cette technologie découle cependant de son<br />

aspect innovant : légalement, les émissions négatives<br />

ne sont pas encore comptabilisées au niveau européen.<br />

Cette lacune constitue un véritable frein pour le<br />

déploiement et la rentabilité de ces couplages.<br />

L’International Energy Agency (IEA) l’a bien compris<br />

et propose depuis peu l’utilisation d’un potentiel dit<br />

« technique » afin de qualifier plus justement ces<br />

systèmes. Ce potentiel technique comptabilise ainsi à<br />

la fois les réductions de CO2 (par rapport à un schéma<br />

initial de référence) et le CO2 négatif. Par exemple, si une<br />

centrale à charbon qui émet 5 millions de tonnes (Mt)<br />

de CO2 par an est remplacée par un couplage biomassestockage<br />

géologique qui séquestre 4 Mt par an, on<br />

obtient 5 Mt de réduction par rapport au schéma initial<br />

et 4 Mt d’émission négative. Au final, un potentiel<br />

technique de 9 Mt (4 + 5) est comptabilisé. Ainsi, l’équilibre<br />

économique de ce système, couplant deux<br />

procédés relativement onéreux, ne peut passer que<br />

par une politique environnementale stricte valorisant<br />

les procédés de production d’énergie ayant un bilan<br />

carbone négatif (JTF Bio-CCS report, 2012).<br />

Un des freins majeurs<br />

au développement de cette technologie<br />

est que les émissions négatives<br />

ne sont pas encore comptabilisées.<br />

La spécificité du couplage entre biomasse et stockage<br />

géologique du carbone ne s’arrête pas uniquement à<br />

une modification du bilan carbone. Ce couplage influence<br />

également de façon notable la composition des gaz<br />

annexes associés au CO2. Ces gaz accompagnent sous<br />

forme d’impuretés le CO2 stocké. Généralement, leur<br />

présence est contrôlée et limitée en raison des problèmes<br />

de corrosion et de perte de compressibilité qu’ils provoquent.<br />

Cependant, leur abattement lors des processus<br />

de purification est rarement total, il en subsiste toujours<br />

quelques pour cents. La composition en gaz annexes<br />

varie en fonction de la nature du combustible utilisé,<br />

de la combustion elle-même, mais également du<br />

processus de capture appliqué. Par exemple, la combustion<br />

de gaz naturel est relativement propre et ne génère<br />

pas de gaz annexes comparativement aux combustions<br />

d’autres substances fossiles. De même, les processus<br />

oxydatifs (combustion et oxycombustion) impliquent<br />

la présence de gaz oxydés (O 2, SO 2, NO), alors que les<br />

captures par précombustion induisent la présence de<br />

gaz réduits (H 2S, H 2, CO, CH 4). Dans le cas de la biomasse,<br />

hormis les variations associées au mode de capture, on<br />

observe globalement une quantité notable de carbone<br />

organique volatil ou COV (IPCC, 2001). Les COV représentent<br />

un ensemble de molécules organiques de<br />

faible poids émis lors de la combustion. Ces composés<br />

organiques, combinés aux autres gaz annexes, peuvent<br />

jouer un rôle de stimulateur pour la réactivité biogéochimique<br />

des zones de stockage. Plusieurs études ont<br />

souligné la pertinence d’étudier les réactivités biogéochimiques<br />

dans le cadre du CCS (Ménez et al., 2007 ;<br />

IEAGHG). L’activité microbiologique est contrainte par<br />

des limites de viabilité (température, pression, salinité,<br />

présence d’eau, espace poral suffisant), la présence de<br />

source d’énergie appropriée (inorganique ou organique), la<br />

disponibilité d’éléments chimiques limitants (principalement<br />

l’azote et le phosphore) et enfin l’auxotrophie<br />

(molécule organique non synthétisable, mais nécessaire à<br />

Combustion de pellets<br />

de bois dans<br />

une chaudière.<br />

Wood pellet<br />

combustion inside a<br />

boiler.<br />

© thehelpfulengineer.com


Biominéraux<br />

Carbone<br />

organique volatil<br />

CO2<br />

2- 2+ CO + M ➔ MCO3<br />

3<br />

S2- + M2+ ➔ MS<br />

Respiration<br />

et fermentation<br />

la croissance). L’injection d’un flux de CO2 issu de la<br />

biomasse, et donc enrichi en COV, permettrait de<br />

fournir une source d’énergie organique ainsi que des<br />

molécules stimulant les auxotrophes. Les populations<br />

microbiennes stimulées peuvent alors générer des<br />

minéraux sulfurés ou carbonatés (biominéralisation),<br />

ainsi que des substances polysaccharidiques formant<br />

des biofilms (figure 4). Dans les deux cas, ces processus<br />

entraînent une imperméabilisation de la zone. Le CO2<br />

supercritique étant un puissant bactéricide, il est cependant<br />

raisonnable de penser que cette stimulation<br />

biogéochimique ne serait effective qu’en périphérie<br />

de la zone de stockage. Or, l’imperméabilisation des<br />

zones périphériques pourrait représenter une sécurité<br />

supplémentaire contre le risque de fuite.<br />

biomass and geological storage, a future-oriented tandem<br />

Exopolymères<br />

cellulaires<br />

Assimilation<br />

et anabolisme<br />

SO 4 2-<br />

Fig. 4 : Exemple de biofilm<br />

de bactéries sulfatoréductrices<br />

sur interface minérale (en haut).<br />

Schématisation des interactions<br />

possibles avec la biosphère<br />

microbienne (en bas) :<br />

les COV et le SO 2-<br />

4 permettent<br />

des réactions de respiration<br />

et de fermentation qui génèrent<br />

du sulfure d’hydrogène ainsi que<br />

des carbonates. En présence de cations<br />

(e.g. Ca2+ , Mg2+ , Fe2+ /Fe3+ ), ceux-ci<br />

peuvent précipiter. Le carbone des<br />

COV et du CO2 peut être également<br />

assimilé et utilisé pour la synthèse<br />

osidique des composés (EPS)<br />

qui constituent les biofilms.<br />

Fig. 4: An example of a sulfate-reducing<br />

bacteria biofilm on a mineral substrate<br />

(above). Mapping of possible<br />

interactions with the microbial<br />

biosphere (below): VOC and SO 2-<br />

4 allow<br />

respiration and fermentation reactions<br />

to take place producing sulfide and<br />

carbonate. In the presence of cations<br />

(e.g. Ca2+ , Mg2+ , Fe2+ /Fe3+ ), they may<br />

precipitate. VOC carbon and CO2 could<br />

also be assimilated and used for osidic<br />

synthesis of components (EPS),<br />

which are constitutive of the biofilms.<br />

© S. Dupraz.<br />

Un enjeu important de la recherche actuelle est donc<br />

de mieux quantifier et comprendre l’impact de ces<br />

activations biologiques sur l’injectivité (risques de<br />

colmatage, dissolution…) et sur le comportement à long<br />

terme du stockage (impact sur les couches géologiques<br />

supérieures en cas de fuite, imperméabilisation par<br />

production de biofilms…). Ô<br />

L’imperméabilisation des zones<br />

périphériques pourrait représenter<br />

une sécurité supplémentaire<br />

contre le risque de fuite.<br />

Biomass and geological<br />

storage, a futureoriented<br />

tandem<br />

Today, biomass encompasses<br />

a set of technologies that<br />

provide energy with CO2<br />

emissions which tend to be<br />

neutral. On the other side,<br />

carbon capture and storage<br />

(CCS) is a mitigation system<br />

that allows a strong reduction<br />

of CO2 emissions when<br />

installed on emitters.<br />

These two technologies can be<br />

coupled together (Bio-CCS)<br />

and with their cumulative<br />

effect in terms of reduction<br />

thereby leading to potential<br />

negative CO2 emissions<br />

(i.e. carbon is sequestrated<br />

from the atmosphere).<br />

Nevertheless, although the<br />

expected effect is promising,<br />

European legislation still does<br />

not recognize this type of<br />

reduction and so no specific<br />

economic stimulus is provided<br />

for deploying such<br />

associations. However, with a<br />

potential negative emission of<br />

ten billion tonnes of CO2 every<br />

year by 2050, Bio-CCS is still<br />

the sole large-scale option<br />

available that directly reduces<br />

atmospheric CO2. Moreover,<br />

the CO2 originating from<br />

biomass processes contains<br />

significant amounts of volatile<br />

organic carbon that may<br />

induce a microbial reactivity<br />

during sequestration in the<br />

subsurface. Among<br />

the possible effects,<br />

biomineralization and biofilm<br />

formation may increase the<br />

security of the sites by sealing<br />

the peripheral zones<br />

surrounding them.<br />

Bibliographie : Bioenergy review. The Committee on Climate Change (CCC), December 2011. Biomass with CO2 Capture and Storage (Bio-CCS), the way forward for Europe. EBTP/ZEP Joint Taskforce Bio-CCS report<br />

(2012). Chum, H., Faaij A., Moreira J., Berndes G., Dhamija P., Dong H., Gabrielle B., Goss Eng A., Lucht W., Mapako M., Masera Cerutti O., McIntyre T., Minowa T., Pingoud K. (2011) – Bioenergy. In IPCC Special Report<br />

on Renewable Energy Sources and Climate Change Mitigation [O. Edenhofer, R. Pichs-Madruga, Y. Sokona, K. Seyboth, P. Matschoss, S. Kadner, T. Zwickel, P. Eickemeier, G. Hansen, S. Schlomer, C. von Stechow (eds)],<br />

Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA. IPCC Third Assessment Report: Climate Change (2001) –TAR Working Group I: The Scientific Basis. IEAGHG, “Microbial effects on<br />

CO2 storage”, 2012/TR3, October 2012. Laude A., Ricci O., Bureau G., Royer-Adnot J., Fabbri A. (2011) – CO2 Capture and Storage from a Bioethanol Plant: Carbon Footprint and Economic Assessment, International<br />

Journal of Greenhouse Gas Control 5, pp1220-1231. Ménez B., Dupraz S., Gérard E., Guyot F., Rommevaux-Jestin C., Libert M., Jullien M., Michel C., Delorme F., Battaglia-Brunet F., Ignatiadis I., Garcia B.,<br />

Blanchet D., Huc A. Y., Haeseler F., Oger P., Dromart G., Ollivier B. et Magot M. (2007) – Impact of the deep biosphere on CO2 storage performance. Geotechnologien Science Report, 9, 150-163.


100<br />

stockage énergie<br />

le stockage souterrain de l’énergie<br />

Louis-Marie Jacquelin<br />

Directeur du développement<br />

de l’activité innovation<br />

ENEA Consulting, cabinet de conseil<br />

en énergie pour l’industrie<br />

Louis-marie.jacquelin@enea-consulting.com<br />

Anne-Gaëlle Bader<br />

BRGM, Direction Géoressources<br />

ag.bader@brgm.fr<br />

Descente des tubes de forage sur le chantier du Reichstag,<br />

Berlin, un projet pilote de stockage d’énergie.<br />

Installation of well casings at the Reichstag (Berlin),<br />

a pilot project of energy storage.<br />

© GTN Geothermie Neubrandenburg GmbH.<br />

Le stockage<br />

souterrain<br />

de l’énergie<br />

L’objectif européen des 20 % d’énergie renouvelable,<br />

dont une large part d’énergie intermittente comme l’éolien<br />

et le solaire, soulève des problématiques tant de coûts<br />

que de gestion de l’intermittence pour garantir la stabilité<br />

des réseaux. Le stockage massif de l’énergie,<br />

qu’elle soit électrique ou thermique, est amené à jouer<br />

un rôle clef parmi le panel des solutions possibles,<br />

grâce à sa pertinence tant technologique qu’écologique.<br />

Plusieurs technologies sont envisageables pour exploiter<br />

les volumes de stockage du sous-sol et donc les quantités<br />

d’énergie nécessaires.<br />

Le réseau électrique européen est conçu pour résister à de nombreux aléas : événements<br />

climatiques (en France, une baisse de 1 °C de la température en hiver entraîne une<br />

augmentation de la puissance appelée de 2,3 GW), pertes d’ouvrages de production,<br />

etc. Plusieurs solutions sont mises en place conjointement pour assurer cette gestion : des<br />

moyens de production flexibles, l’interconnexion des réseaux de distribution, ainsi que des<br />

moyens de maîtrise de la demande en énergie (MDE). Cependant, l’équilibre offre/demande<br />

d’électricité, nécessaire au fonctionnement des réseaux électriques, est aujourd’hui<br />

fragilisé par l’accroissement des usages électriques et le recours croissant à des solutions<br />

de production intermittentes d’électricité, éolien principalement. Les fluctuations de<br />

production, dictées par les aléas météorologiques, sont indépendantes de la consommation.<br />

Il faut donc gérer des situations nouvelles : surproduction d’électricité en période<br />

creuse, moyens de production aléatoires en période de pointe.<br />

La volatilité accrue des prix de l’électricité est un indicateur de ces tensions. Le 8 février 2012,<br />

un pic de 102 GW de consommation atteint en France a porté ponctuellement à 2 000 €<br />

le prix du MWh sur les marchés. À l’inverse, des épisodes de prix négatifs à -500 €/MWh<br />

ont été observés en Allemagne en 2010 : en cas de surproduction, le gestionnaire de réseau<br />

doit trouver des moyens pour inciter à la consommation et dissiper les surplus d’énergie<br />

renouvelable ayant priorité sur le réseau.


Le stockage d’énergie est une solution d’appoint aux<br />

moyens traditionnels de production de pointe, dont<br />

on voit poindre les limites (techniques, mais surtout<br />

environnementales et géopolitiques). C’est à la fois un<br />

moyen technique et une opportunité économique de<br />

tirer parti de la volatilité du marché de l’électricité pour<br />

générer des bénéfices, ou réduire les coûts induits par<br />

la consommation d’électricité. L’ensemble des acteurs<br />

ayant la possibilité de stocker de l’énergie (industriels,<br />

collectivités ou particuliers) peut profiter de cette opportunité.<br />

Au-delà des intérêts techniques et économiques,<br />

le stockage d’énergie s’inscrit dans une stratégie globale<br />

pour parvenir à un mix-énergétique décarboné.<br />

Des objectifs tant européens que nationaux fixent<br />

un cadre ambitieux au développement des énergies<br />

renouvelables et récupérables. Leur déploiement à<br />

grande échelle ne pourra se faire sans le développement<br />

lié de solutions compensant leur caractère intermittent.<br />

Le couplage des énergies renouvelables intermittentes<br />

et du stockage trouve ainsi tout son sens dans une<br />

recherche de cohérence environnementale des<br />

politiques énergétiques. Ce constat est d’ailleurs aussi<br />

vrai pour l’électricité que pour l’énergie thermique :<br />

certaines énergies récupérables, liées à l’incinération<br />

par exemple, peuvent également dépasser les besoins<br />

à un instant donné, comme c’est fréquemment le<br />

cas en été (voir encadré sur Geostocal ci-après). L’énergie<br />

thermique a cette spécificité supplémentaire d’être<br />

peu transportable et interconnectable : la gestion doit<br />

en être encore plus locale, avec des variations tant de<br />

production que de consommation qui varient fortement<br />

aux différentes échelles de temps journalières, hebdomadaires<br />

et saisonnières. Le stockage thermique est<br />

donc tout aussi crucial que le stockage électrique.<br />

Choix de la forme de l’énergie<br />

et rôle du sous-sol<br />

La forme de stockage d’énergie la plus adaptée dépend<br />

de son usage final (électricité, chaleur, espèce chimique…).<br />

Des stockages de faible volume, pour les véhicules ou<br />

les particuliers par exemple, peuvent être intéressants.<br />

À l’inverse, dans un grand nombre de cas, il faut s’orienter<br />

vers un stockage de taille beaucoup plus importante,<br />

du même ordre de grandeur que les centrales thermiques<br />

ou que les STEP (1) (solution de stockage aujourd’hui<br />

prépondérante comme le montre la figure 1). À ces<br />

échelles, des volumes de plusieurs millions de mètres<br />

cubes sont nécessaires, avec la capacité de répondre<br />

(1) STEP : station de transfert d’énergie par pompage. Il s’agit de remonter de l’eau<br />

dans les barrages hydrauliques en heure creuse, pour la turbiner en heure de<br />

pointe.<br />

STEP<br />

140 000 MW<br />

underground energy storage<br />

à des contraintes d’étanchéité ou de maintien en<br />

température et en pression. Pour plusieurs applications,<br />

le sous-sol offre des opportunités économiquement et<br />

techniquement plus intéressantes que les équivalents<br />

en surface.<br />

Pour chacune des technologies de stockage, des<br />

recherches sont encore nécessaires avant d’aboutir à<br />

des projets industriels. C’est l’un des rôles de l’IEED<br />

Géodénergies, dont le montage a été coordonné par le<br />

BRGM et dont ENEA Consulting est également membre<br />

fondateur (voir tribune p. 108 ce numéro).<br />

10 heures<br />

Heures<br />

Minutes<br />

Secondes<br />

CAES Conventionnel : 477 MW<br />

Batteries Sodium-Soufre : 400 MW<br />

Batteries Plomb-Acide : 45 MW<br />

Batteries Lithium-Ion : 45 MW<br />

Batteries Nickel-Cadmium : 40 MW<br />

Batteries Red-Ox : 3 MW<br />

Fig. 1 : Puissances de stockage (STEP, CAES et batteries) installées dans le monde.<br />

Fig. 1: Worldwide installed storage capacities (STEP, CAES and batteries).<br />

Source : EDF R&D<br />

Temps<br />

de décharge Énergie<br />

Hydrogène<br />

et PaC<br />

Lithium-Ion<br />

Plomb-Acide<br />

Nickel-Cadmium<br />

Super<br />

condensateurs<br />

Red-Ox<br />

Zinc-<br />

Bromine<br />

Volants<br />

d’inertie<br />

CAES STEP<br />

Red-Ox<br />

Vanadium<br />

STEP<br />

Marines<br />

Stockage thermique d’électricité<br />

Sodium-Soufre<br />

SMES<br />

Puissance<br />

1 kW 10 kW 100 kW 1 MW 10 MW 100 MW 1 GW Puissance<br />

Technologies impliquant l'usage du sous-sol<br />

Fig. 2 : Cartographie<br />

des moyens de stockage<br />

stationnaire d’électricité<br />

selon leurs temps de<br />

décharge et puissance<br />

typiques.<br />

Fig. 2: Graph of<br />

the stationary means<br />

for storing electricity<br />

versus their typical<br />

discharge time<br />

and power level.<br />

© ENEA Consulting.<br />

101<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


102<br />

Charge<br />

électrique<br />

le stockage souterrain de l’énergie<br />

Convertir l’énergie stockée en électricité, pour la retransformer<br />

ensuite en une autre forme d’énergie, n’est<br />

pas toujours la solution la plus efficiente ; le choix des<br />

solutions de stockage dépendra donc des applications<br />

finales de l’énergie stockée.<br />

Selon les durées de stockage, les volumes ainsi que les<br />

usages souhaités, différents vecteurs chimiques ou<br />

mécaniques seront choisis. En particulier, pour le stockage<br />

stationnaire d’électricité, les paramètres importants<br />

sont les suivants :<br />

– la puissance disponible (en MW) et la capacité énergétique<br />

(en MWh) ;<br />

– le temps de réaction ;<br />

– l’efficacité (en MWh out/MWh in) ;<br />

– la durée de vie.<br />

La figure 2 positionne les technologies selon leurs temps<br />

de décharge et puissance typiques.<br />

Le stockage souterrain de l’électricité<br />

Les STEP souterraines<br />

Le principal vecteur de stockage de masse utilisé aujourd’hui<br />

est le transfert d’eau entre un réservoir haut et un réservoir<br />

bas, avec une capacité mondiale installée de 140 000 MW.<br />

Les nouvelles constructions sont difficiles aujourd’hui<br />

du fait de la rareté des sites adaptés et des difficultés<br />

d’acceptation sociale de nouveaux sites. L’utilisation de<br />

cavités souterraines comme réservoir bas permet de<br />

s’affranchir des impacts visuels et d’utiliser de larges cours<br />

d’eau comme réservoirs hauts possibles. Plusieurs projets<br />

ont été étudiés, notamment au Canada et au Japon, mais<br />

les coûts liés aux forages et aux excavations nécessaires<br />

ont freiné ou stoppé leur développement.<br />

Air ambiant<br />

Moteur<br />

Compresseur<br />

Cavité<br />

géologique<br />

Préchauffe<br />

Le CAES (Compressed Air Energy Storage) (2)<br />

Le principe du CAES est de stocker de l’air comprimé<br />

en heure creuse pour le délivrer en heure de pointe<br />

en s’appuyant sur le fait qu’une turbine à gaz utilise<br />

environ un tiers de sa puissance pour comprimer l’air à<br />

l’entrée, puissance qui dès lors n’est pas vendue au réseau<br />

(figure 3). Choisir de perdre cette puissance en heure<br />

creuse plutôt qu’en heure de pointe permet de faire<br />

des économies substantielles : c’est un bon exemple<br />

d’intégration d’un stockage d’énergie dans un procédé<br />

industriel, en tirant parti d’une étape de compression<br />

très coûteuse en énergie mais inévitable. Le stockage<br />

permet de décorréler la consommation électrique de<br />

son utilisation. Ici, c’est grâce à une caverne souterraine<br />

(cavité saline ou minière, par exemple) qui peut<br />

contenir une grande quantité d’air comprimé, à des<br />

coûts variant de 0,5 à 25 €/kWh.<br />

Les coûts d’investissements des CAES sont compétitifs<br />

avec les coûts des STEP ; ils varient entre 400 et<br />

1 200 €/kW. Aujourd’hui, deux unités sont en fonctionnement<br />

: une à Huntorf (Allemagne) de 290 MW et une<br />

seconde en Alabama (États-Unis) de 110 MW ; d’autres<br />

unités sont à l’étude.<br />

L’inconvénient majeur de cette solution est sa faible<br />

efficacité. Contrairement à la turbine à gaz, la chaleur<br />

des gaz post-compression est perdue. Le rendement<br />

global du système est inférieur à 50 %. Le AA-CAES<br />

(Advanced Adiabatic CAES) intègre un système de<br />

stockage thermique pour récupérer ces flux de chaleur<br />

lors de la phase de compression mais nécessite encore<br />

un effort de recherche pour diminuer les coûts du<br />

stockage thermique. Un premier pilote de 2,7 GW est<br />

prévu pour 2013 en Ohio (États-Unis).<br />

(2) Stockage d’air comprimé.<br />

Gaz<br />

Chambre<br />

de combustion<br />

Turbine Gaz brûlés<br />

Alternateur<br />

Décharge<br />

électrique<br />

Fig. 3 : Schéma<br />

de principe<br />

d’une installation<br />

CAES souterraine.<br />

Fig. 3: Outline<br />

diagram for an<br />

underground CAES<br />

installation.<br />

© ENEA Consulting.


Le stockage géologique est la technologie la plus prometteuse<br />

pour stocker de grandes quantités d’hydrogène à moindre coût.<br />

Le stockage géologique d’hydrogène<br />

L’hydrogène est considéré comme un support énergétique<br />

de haute performance capable de remplacer<br />

jusqu’à 60 % du gaz naturel utilisé pour des activités<br />

non industrielles. Et si actuellement la production<br />

d’hydrogène nécessite l’utilisation de combustibles<br />

fossiles, elle pourra, dans un futur proche, à partir de<br />

l’électrolyse de l’eau, tendre vers une production<br />

faiblement carbonée en utilisant de l’électricité<br />

d’origine renouvelable. L’hydrogène a donc le potentiel<br />

pour être un support de stockage d’énergie thermique<br />

par combustion (décarbonée) ou électrique, en utilisant<br />

des piles à combustible/électrolyseurs (figure 4).<br />

Le stockage géologique est probablement la technologie<br />

la plus prometteuse pour stocker de grandes<br />

quantités d’hydrogène à moindre coût. Le stockage<br />

souterrain présente également des garanties de sécurité<br />

en raison de l’absence de contact avec l’oxygène<br />

de l’atmosphère. Plusieurs solutions techniques sont<br />

envisageables pour un tel stockage.<br />

Le stockage en cavité saline est d’ores et déjà une<br />

solution aux États-Unis et en Grande Bretagne. Le<br />

stockage en milieu poreux (champs d’hydrocarbures<br />

déplétés ou nappes aquifères) pourrait être une<br />

alternative, à condition que le taux de récupération<br />

Solaire<br />

Hydroélectricité<br />

Solaire<br />

Photovoltaïque<br />

thermique<br />

Éolien<br />

FOURNITURE<br />

Biomasse<br />

Gaz naturel<br />

Électricité<br />

nucléaire<br />

Charbon<br />

DEMANDE<br />

TRANSPORT<br />

ÉNERGIIES RENOUVELABLES<br />

HABITA TA A<br />

ÉLECTROLY LY<br />

STOCKAGE<br />

H2<br />

PILES À COMBUSTIBLE<br />

AT<br />

T T<br />

SE L<br />

INDUSTRIE<br />

underground energy storage<br />

soit économiquement viable et que la qualité gaz soit<br />

assurée. Cette solution pourrait présenter un double<br />

avantage par rapport au stockage en cavité : les formations<br />

poreuses sont plus fréquentes et mieux réparties<br />

que les formations salines et elles présentent des<br />

volumes de stockage plus importants.<br />

Il est nécessaire, pour développer ces solutions de<br />

stockage, de mieux connaître et de mieux contraindre<br />

les phénomènes qui pourraient altérer la ressource tant<br />

en quantité qu’en qualité. Il peut s’agir de fuites liées à<br />

la petite taille et à la grande mobilité de la molécule<br />

d’hydrogène, des phénomènes diffusifs au travers des<br />

encaissants (sel, marne, argile…) ainsi que les processus<br />

de bioconsommation de l’hydrogène par les bactéries<br />

du sous-sol qui produisent du méthane ou de l’H 2S au<br />

détriment de l’hydrogène.<br />

Un certain nombre d’organismes gouvernementaux<br />

étrangers, principalement aux États-Unis, en Allemagne<br />

et en Russie, financent déjà des travaux de recherche<br />

sur la faisabilité d’un stockage géologique d’hydrogène.<br />

La Commission européenne soutient également<br />

plusieurs initiatives de recherche. En Argentine, le projet<br />

HyChico a pour but de convertir le stockage de gaz<br />

naturel Diadema en stockage d’hydrogène. Les premiers<br />

tests d’injection d’hydrogène sont prévus en 2013.<br />

H2<br />

Transport<br />

Puit A Puit B<br />

Couche salifère<br />

CAVITÉ SALINE<br />

Terrains<br />

sus-jacents<br />

Cavité saline<br />

Compression<br />

Terrains<br />

sus-jacents<br />

Couverture<br />

Injection<br />

Puit<br />

d’injection<br />

Fig. 4 : La place<br />

du stockage<br />

dans la chaîne<br />

de l’hydrogène.<br />

Fig. 4: The role<br />

of storage<br />

in the hydrogen<br />

economy.<br />

© BRGM.<br />

RÉSERVOIR DÉPLÉTÉ OU AQUIFÈRE<br />

Puit de<br />

contrôle<br />

Réservoir poreux<br />

103<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


104<br />

le stockage souterrain de l’énergie<br />

Marché et perspectives<br />

Le marché du stockage d’électricité est un marché dont<br />

le développement est assez récent. Toutes technologies<br />

confondues, il est estimé en 2010 à 4,5 G€ dans le monde.<br />

Trois pourcents de la capacité mondiale de stockage<br />

se trouve actuellement en France (4 GW) dans des<br />

sites équipés de systèmes de transfert d’énergie par<br />

pompage (DGEC, 2010).<br />

Le déploiement de la filière à grande échelle est totalement<br />

corrélé au maintien des politiques climatiques<br />

tant nationales que transnationales. Dans un scénario<br />

à 30 % de production d’électricité à partir d’énergie<br />

renouvelable, l’Europe occidentale aura besoin de près<br />

de 90 GW de stockage selon l’Agence internationale<br />

de l’énergie, soit 60 GW de plus qu’actuellement (3) .<br />

Au niveau mondial, le marché du stockage de l’énergie<br />

devrait atteindre 16 à 34 G€ (4) en 2020, essentiellement<br />

en Europe. En dehors des STEP classiques, le marché<br />

européen du stockage de l’énergie dans le sol pourrait<br />

(3) Prospects for Large-Scale Energy Storage in Decarbonised Power Grids,<br />

IEA 2009.<br />

(4) DGEC – L’industrie des énergies décarbonées en 2010.<br />

Fig. 5 : Répartition<br />

des principaux projets<br />

de stockage de chaleur<br />

et de froid en sous-sol<br />

(UTES) dans le monde.<br />

Fig. 5: Distribution<br />

of the main UTES<br />

projects worldwide for<br />

storing heat and cold.<br />

© ENEA Consulting.<br />

15 %<br />

représenter jusqu’à la moitié des nouveaux dispositifs<br />

de stockage d’ici à 2020, soit entre 6 et 16 G€ en 2020.<br />

La part française du parc éolien européen devrait<br />

atteindre 20 % en 2020. Cette industrie étant la principale<br />

source d’intermittence dans les réseaux, le marché<br />

français du stockage de l’électricité peut être estimé<br />

entre 1 et 3 G€ en 2020.<br />

Le stockage thermique<br />

Différentes solutions techniques<br />

Le stockage thermique répond aux besoins de l’industrie,<br />

du bâtiment tertiaire, et même du particulier. Le<br />

système le plus répandu aujourd’hui est sans doute<br />

le stockage diffus dans les ballons d’eau chaude pour<br />

l’habitat. Produire l’eau chaude durant les périodes<br />

creuses et la stocker permet d’éviter les surconsommations<br />

d’électricité lors des périodes de pointe. De manière<br />

similaire, des solutions de stockage de froid efficaces<br />

existent pour les besoins en climatisation des bâtiments<br />

collectifs, ou pour la production de froid industriel.<br />

74 %<br />

11 %


Des solutions centralisées existent également ou sont<br />

en cours de développement. En premier lieu, l’utilisation<br />

alternée des ressources géothermiques pour une<br />

production de chaleur l’hiver et de froid l’été s’apparente<br />

déjà à du stockage thermique, chaque phase participant<br />

à la recharge de la ressource pour la suivante. Plus<br />

spécifiquement pour les techniques dédiées, le<br />

stockage en sous-sol de chaleur et de froid (UTES (5) )<br />

peut globalement se segmenter en deux groupes<br />

principaux :<br />

– le stockage d’énergie thermique en aquifère (« système<br />

ouvert ») ou ATES (6) ;<br />

– le stockage dans des sondes géothermiques (« système<br />

fermé ») ou BTES (7) .<br />

Le marché des applications UTES, aujourd’hui dans la<br />

majorité au stade de démonstrateurs, concerne essentiellement<br />

:<br />

– les bâtiments tertiaires : bureaux, hôpitaux et centres<br />

commerciaux ;<br />

– les serres agricoles ;<br />

– les industries ;<br />

– les réseaux de chaleur, dont la densité va augmenter<br />

avec les incitations économiques et règlementaires à<br />

l’augmentation de la part renouvelable au-delà de<br />

50 % dans leur approvisionnement énergétique.<br />

Les principales régions concernées par le marché du<br />

stockage de chaleur et de froid en sous-sol sont l’Europe,<br />

la Chine et l’Amérique du Nord (figure 5). Dans les années<br />

1980, la Chine fut le précurseur du stockage d’énergie<br />

thermique en aquifère avec 492 projets de stockage<br />

de froid en 1984. C’est en Europe que l’UTES connaît<br />

aujourd’hui le plus grand développement (figure 6).<br />

Le marché actuel est estimé à environ 800 M€.<br />

Les leaders des applications UTES en Europe sont<br />

de loin les Pays-Bas et la Suède. Les Pays-Bas, grâce à<br />

une hydrogéologie propice (nombreux aquifères<br />

non circulants), dominent aujourd’hui l’essor de la<br />

filière ATES, avec plus de mille projets (dont 80 %<br />

des applications dans les bâtiments tertiaires). La Suède<br />

quant à elle, affiche principalement des projets BTES.<br />

On estime à 3 500 MWh la capacité actuelle de stockage<br />

de chaleur et de froid en Europe, correspondant à<br />

environ cinq mille emplois et un potentiel de marché<br />

de 690 M€.<br />

(5) UTES : Underground Thermal Energy Storage.<br />

(6) ATES : Aquifer Thermal Energy Storage.<br />

(7) BTES : Borehole Thermal Energy Storage.<br />

Allemagne<br />

24 %<br />

Danemark 2 %<br />

Norvège 3 %<br />

underground energy storage<br />

Belgique 1 %<br />

Pays-Bas<br />

36 %<br />

Suède<br />

34 %<br />

Le secteur du stockage thermique souterrain est encore<br />

peu développé aujourd’hui en France. Les deux projets de<br />

stockage de chaleur en aquifère (plaine de la Crau, 1978 ;<br />

les Yvelines, 1985) ont eu des résultats peu concluants,<br />

essentiellement à cause de problèmes de colmatage et<br />

de corrosion. Néanmoins, le potentiel de stockage, tant<br />

dans les filières ATES que BTES, existe bel et bien dans<br />

notre pays. Les compagnies de forages jouent un rôle<br />

important, notamment dans la filière BTES ; plusieurs<br />

centaines de puits par projet peuvent être forés à des<br />

profondeurs comprises entre 50 et 200 mètres, voire<br />

plus.<br />

Perspectives<br />

Les premières applications UTES ont connu de<br />

nombreux problèmes techniques à l’instar des deux<br />

projets ATES menés en France. Une amélioration de<br />

la fiabilité technologique est donc nécessaire à leur<br />

déploiement. Cette amélioration passe par un besoin<br />

accru en R&D, notamment en thermo-mécanique pour<br />

la durabilité de ces stockages, ainsi qu’en géochimie<br />

et en hydrogéologie pour la filière ATES ; la maîtrise<br />

des risques environnementaux associés aux deux filières<br />

est également un enjeu. La nature du sol jouera aussi<br />

un rôle clef pour l’efficacité des applications BTES.<br />

Le développement des systèmes UTES est généralement<br />

corrélé à l’évolution du prix des énergies fossiles.<br />

Les pouvoirs publics jouent un rôle important dans la<br />

maîtrise des incertitudes économiques, notamment<br />

par le biais d’objectifs en termes d’efficacité des bâtiments<br />

généralement accompagnés par la mise en<br />

place de dispositifs d’incitation. À titre d’exemple, bien<br />

qu’interrompue aujourd’hui, la mise en place d’un<br />

Fig. 6 : Répartition<br />

des principaux projets<br />

UTES répertoriés<br />

en Europe.<br />

Fig. 6: Distribution of<br />

the main UTES projects<br />

listed in Europe.<br />

© ENEA Consulting.<br />

105<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013


106<br />

le stockage souterrain de l’énergie<br />

> Le projet GEOSTOCAL, combinaison optimisée<br />

du stockage géologique d’énergie thermique et de la géothermie<br />

Hervé Lesueur – BRGM, Direction Géoressources– h.lesueur@brgm.fr<br />

Le projet ANR GEOSTOCAL, coordonné par le BRGM, a abordé<br />

le stockage thermique de puissance (10 MW) sous l’angle de<br />

l’optimisation technico-économique et environnementale ;<br />

ce qui a induit l’étude d’une conception harmonieuse<br />

des réseaux de distribution de chaleur et des ouvrages<br />

géothermiques au Dogger dont la température est de<br />

65 °C vers 1 700 mètres de profondeur. La source d’énergie<br />

excédentaire est la vapeur issue de l’incinération des<br />

ordures ménagères et la température de stockage retenue<br />

est de 95 °C.<br />

GEOSTOCAL a traité le cas d’un quartier devant être rénové<br />

sur une durée de quinze ans. Un ancien réseau de chaleur<br />

moyenne température est conservé et sera progressivement<br />

déployé un réseau basse température (70 °C/40 °C) calibré<br />

pour exploiter efficacement le stockage dont la puissance<br />

s’adaptera à la demande thermique croissante des parties<br />

rénovées.<br />

GEOSTOCAL a montré que l’optimum, qui minimise à court<br />

terme (moins de vingt ans) l’investissement et l’exploitation,<br />

devait combiner une part d’exploitation géothermique<br />

conventionnelle et une part de stockage géologique ; ce<br />

qui procure toute la souplesse nécessaire lors des phases<br />

d’apprentissage de la gestion prédictive du fonctionnement.<br />

Pour cela, il a fallu modéliser le comportement thermique<br />

du réservoir selon différents scénarios d’exploitation pour,<br />

en particulier, définir une stratégie de minimisation des pertes<br />

thermiques et des dépenses énergétiques pour le pompage ;<br />

ce qui contribue à optimiser le taux d’énergie renouvelable<br />

dans l’énergie livrée aux usagers.<br />

Deux stratégies se détachent :<br />

– La première enchaîne séquentiellement un puisage dans<br />

le stock thermique, puis une exploitation conventionnelle<br />

de la géothermie lorsque le stock est épuisé. Au début de<br />

la saison de chauffe, la température de production est<br />

supérieure à celle du départ réseau et décroît progressivement<br />

pour, finalement, nécessiter un appoint. Dans ce cas,<br />

seuls deux puits géothermiques sont nécessaires. Ils sont<br />

réversibles (inversion du sens de circulation).<br />

– La seconde mélange à la demande une part issue du stock<br />

et une part issue directement du réservoir pour produire,<br />

pratiquement durant toute la saison, un niveau de la<br />

température proche de celui du départ réseau. Dans ce<br />

cas, au moins trois puits sont nécessaires. Seul le puits de<br />

stockage doit être réversible.<br />

Dans les deux cas, le choix de sous-stocker ou sur-stocker<br />

pendant la saison estivale reste à la discrétion de l’exploitant,<br />

qui peut revoir sa stratégie chaque année. n<br />

1 • Mode de déstockage de l’énergie<br />

Réseau<br />

de chaleur<br />

Bulle chaude Bulle froide<br />

2 • Mode de stockage de l’énergie<br />

Échangeurs<br />

thermiques<br />

Aquifère salin<br />

(réservoir de stockage)<br />

Source de chaleur<br />

excédentaire<br />

Aquifères protégés<br />

(eau potable)<br />

Principe du système étudié par le projet GEOSTOCAL.<br />

The principle underlying the system studied in the GEOSTOCAL project.<br />

© IFP – BRGM.


crédit de 35 % en Belgique a abouti à une installation<br />

d’une dizaine de démonstrateurs ATES en 1998 et 2005.<br />

Les applications UTES sont en croissance régulière à<br />

travers le monde. Dans les pays affichant les conditions<br />

hydrogéologiques idéales, les applications ATES<br />

connaissent une croissance annuelle estimée à 10 %.<br />

Pour la filière BTES, grâce à des contraintes moindres<br />

tant au niveau géologique que législatif, la croissance<br />

pourrait dépasser 35 % selon les pays.<br />

Ces estimations porteraient l’Europe à un marché<br />

de 700 M€ pour la filière ATES et potentiellement<br />

à plus de 900 M€ pour les applications BTES en<br />

2020. Concernant la France, si les premiers pilotes<br />

démarrent dans les trois prochaines années, le<br />

potentiel du marché en 2020 est d’environ 200 M€,<br />

pour une création de mille quatre cents emplois.<br />

L’utilisation du sous-sol pour le stockage massif de<br />

l’énergie, qu’il s’agisse d’électricité ou de chaleur,<br />

va connaître de nouveaux développements dans les<br />

années à venir, tirés par les besoins croissants des réseaux<br />

énergétiques. Les compétences acquises pour le<br />

stockage de gaz naturel, l’extraction d’hydrocarbures<br />

et la géothermie seront nécessaires pour fournir des<br />

solutions économiquement compétitives, et offriront<br />

ainsi de nouveaux débouchés aux entreprises travaillant<br />

aujourd’hui en sub-surface. n<br />

underground energy storage<br />

Underground energy storage<br />

Energy storage is a rapidlygrowing<br />

sector. The storage<br />

of electricity is necessary<br />

for the management of the<br />

supply/demand balance of<br />

electricity; whereas heat storage<br />

aims at reducing overall energy<br />

costs while at the same time<br />

ensuring the supply of heat and<br />

cold in an optimal manner with<br />

respect to the operation of<br />

the energy system as a whole.<br />

The scales of the issues involved<br />

require integrating a wide<br />

spectrum of solutions, including<br />

centralized solutions at scales<br />

which make it difficult to solve<br />

the economic equation if surface<br />

facilities need to be depended on.<br />

Research tends to be oriented<br />

towards storing energy<br />

underground, which requires<br />

addressing a variety of vectors<br />

(mechanical, chemical and<br />

thermal). These vectors in turn<br />

depend upon elements such<br />

as characterization, boring and<br />

excavation, all disciplines<br />

Publicité<br />

mastered by traditional players<br />

concerned with the subsurface.<br />

R&D efforts must still be engaged:<br />

the meeting point between the<br />

subsurface professions and energy<br />

systems is a challenge which<br />

must be dealt with to optimize<br />

the entire system. However,<br />

concerning underground solutions,<br />

our existing know-how does<br />

provide us with a substantial lead<br />

in today’s technological<br />

competition.<br />

This competition is motivated<br />

by the size of the markets that<br />

are opening in France, mainly<br />

in the area of thermal storage,<br />

and more particularly in Europe<br />

and internationally for the storage<br />

of electricity, in countries that are<br />

less interconnected or where wind<br />

power has been developed more<br />

aggressively. Looking towards<br />

the future, however, only<br />

sustained national energy and<br />

environmental policies can ensure<br />

a generalized implementation<br />

of storage projects.


tribune<br />

tribune<br />

108<br />

tribune<br />

Laurent Jammes, Gabriel Marquette<br />

Géodénergies : l’utilisation<br />

rationnelle du sous-sol pour<br />

décarboner le secteur de l’énergie<br />

Laurent Jammes<br />

Directeur Général Actys-BEE<br />

Membre de l’équipe<br />

de conception du projet<br />

et partenaire de l’IEED<br />

Géodénergies<br />

laurent.jammes@actys-bee.com<br />

Gabriel Marquette<br />

Directeur des relations<br />

industrielles – CNRS INSU<br />

Membre de l’équipe<br />

de conception du projet<br />

et partenaire de l’IEED<br />

Géodénergies<br />

gabriel.marquette@cnrs-dir.fr<br />

Le consortium Géodénergies (Géotechnologies pour décarboner<br />

les énergies) vient d’être labélisé IEED (Institut d'excellence sur<br />

les énergies décarbonnées) par l’Agence nationale pour la recherche<br />

(ANR) et sera financé dans le cadre des Investissements d’avenir.<br />

il se présente sous la forme d'un partenariat public/privé rassemblant<br />

11 établissements publics et 21 industriels (dont 4 grands groupes,<br />

4 entreprises moyennes et 13 PME/TPE), ainsi que 2 pôles de<br />

compétitivité (S2E2 et Avenia). L’IEED Géodénergies entre<br />

maintenant dans sa phase de montage.<br />

À l’heure où les scénarios prédictifs du GIEC<br />

(Groupement d'experts intergouvernemental<br />

sur l'évolution du climat) montrent qu’une<br />

augmentation d’au moins 2 degrés de la température<br />

moyenne à l’horizon 2100 est<br />

inévitable, toutes les options de réduction<br />

des émissions atmosphériques de gaz à effet<br />

de serre doivent être déployées.<br />

Le sous-sol est une ressource clé dans cette<br />

transition vers une économie décarbonée, et<br />

plusieurs utilisations peuvent être envisagées:<br />

(1) la chaleur de la terre peut être récupérée, et<br />

> Partenaires du projet<br />

Partenaires académiques : BRGM, IFPEN, CNRS<br />

INSU, Mines Paris Tech, Université d’Orléans,<br />

Université des Antilles et de la Guyane, IPGP,<br />

Université de Lorraine, UPPA, IFSTTAR, CSTB<br />

Pôles de compétitivité : Avenia, S2E2<br />

Industriels : Total, Kappa, CGGVeritas,<br />

GDF Suez, Entrepose Contracting, Fonroche<br />

Géothermie, Électerre de France, Alcen,<br />

Geostock, Géothermie Bouillante, Geogreen,<br />

CFG Services, Hinicio, Enea Consulting,<br />

Enertime, Solexperts, Cementys, Ecogeosafe,<br />

Actys, Drillscan, Nosoco.tech<br />

Avec le soutien des pôles de compétitivité<br />

Capenergies, DREAM et des régions Centre<br />

et Guadeloupe. ■<br />

être utilisée en tant que telle ou pour produire<br />

de l’électricité (géothermie) ; (2) le stockage<br />

géologique du CO2 permet de limiter les émissions<br />

de gaz à effet de serre des filières de<br />

production d’électricité à partir des énergies<br />

fossiles ; (3) enfin les caractéristiques des roches<br />

permettent de stocker chaleur et électricité<br />

sous différentes formes, offrant la possibilité<br />

de pallier le problème de l’intermittence de<br />

certaines sources d’énergie renouvelables, pour<br />

une plus grande efficacité de la chaîne allant<br />

de la production d’énergie à sa consommation.<br />

Les enjeux spécifiques des<br />

projets d’ingénierie du sous-sol<br />

Le déploiement industriel de ces différentes<br />

filières est fortement ralenti par une série d’obstacles<br />

d’ordre technico-économique et<br />

réglementaire, ainsi que par des enjeux<br />

d’acceptabilité sociale. En effet, les projets<br />

associés à ces différentes filières ont pour point<br />

commun l’exploitation d’objets « géologiques »,<br />

dont la description et les propriétés comportent<br />

un certain niveau d’incertitude. Cette incertitude<br />

– qui varie au cours de la vie d’un projet –<br />

a des conséquences importantes en termes<br />

d’efficacité et de sécurité des opérations si elle<br />

n’est pas maîtrisée. Elle doit être prise en<br />

compte dans la réglementation, dans les


guides de bonnes pratiques, dans les analyses<br />

technico-économiques, et enfin lors des<br />

discussions avec les parties prenantes de la<br />

société civile. Enfin, la méconnaissance de<br />

l’objet « sous-sol » par le grand public est aussi<br />

un facteur de rejet des projets.<br />

Dans ce contexte, la mission principale de<br />

Géodénergies consiste à développer des technologies<br />

et des procédures pour maximiser<br />

la performance opérationnelle des projets<br />

d’ingénierie du sous-sol au service des énergies<br />

décarbonées – production de chaleur et<br />

d’électricité, stockage de CO2 et stockage<br />

d’énergie – tout en assurant une parfaite<br />

maîtrise des risques associés aux opérations.<br />

Des programmes de recherche<br />

innovants et intégrateurs,<br />

s’appuyant sur l’expertise<br />

des équipes partenaires<br />

Les différents programmes de recherche ont<br />

été établis de façon à exploiter au maximum<br />

les synergies entre filières, traitant d’abord les<br />

verrous communs puis ceux plus spécifiques<br />

aux différentes applications. Ces programmes<br />

s’organisent donc en fonction des grandes<br />

étapes de tout projet d’ingénierie du sous-sol :<br />

des phases d’exploration/caractérisation aux<br />

phases de conception et de construction, puis<br />

à celles d’exploitation et enfin de fermeture<br />

du site. Il s’agit, pour chaque phase projet,<br />

d’identifier et de développer le portfolio de<br />

technologies et de méthodologies nécessaires<br />

à l’accomplissement des objectifs de la phase<br />

en question (par exemple le contrôle de<br />

l’injectivité – stockage de CO2 – ou de la<br />

productivité – géothermie – en phase opérationnelle).<br />

Des programmes plus transverses<br />

intégreront les aspects techniques, économiques<br />

et sociétaux, éventuellement dans une<br />

perspective multi-filière, dans une tentative<br />

d’optimisation globale de l’utilisation des<br />

ressources du sous-sol.<br />

Principalement localisé sur le campus du BRGM,<br />

à Orléans, Géodénergies disposera d’une<br />

antenne aux Antilles pour la géothermie haute<br />

énergie et pourra s’appuyer sur des plateformes<br />

d’expérimentation comme Montmiral<br />

(analogue naturel d’un stockage de CO2) .<br />

Les compétences et les savoirs des équipes de<br />

l’IEED Géodénergies reposeront en particulier<br />

sur l’expertise des partenaires académiques,<br />

tous acteurs de recherche reconnus internationalement<br />

dans leurs domaines respectifs.<br />

Ces équipes intégreront de nombreux<br />

Marchés<br />

doctorants et post-doctorants (avec un objectif<br />

de vingt au bout de trois ans), participant<br />

ainsi à la formation par la recherche dans les<br />

domaines scientifiques couverts par l’institut.<br />

Géodénergies participera aussi à la définition<br />

des programmes d’enseignement universitaire<br />

destinés à la formation de techniciens, d’ingénieurs<br />

et de chercheurs, ainsi qu’aux programmes<br />

de formation permanente, de façon à accompagner<br />

la croissance des filières, tant concernant<br />

la recherche et le développement que la<br />

réalisation de projets commerciaux.<br />

Des perspectives commerciales<br />

importantes, tant en France<br />

qu’à l’international<br />

Le marché potentiel mondial associé aux trois<br />

filières portées par l’IEED (géothermie,<br />

stockage d’énergie et stockage de CO2)<br />

est estimé à près de 36 milliards d’euros à<br />

Production<br />

énergies énergies énergies<br />

hybrides hybrides<br />

Production<br />

énergie<br />

géothermique<br />

Transversalités<br />

technologies/marchés<br />

CO2<br />

Énergies<br />

décarbonées<br />

Stockage Production<br />

Chaleur<br />

Électricité<br />

Briques<br />

technologiques<br />

Chaleur<br />

Stockage<br />

Réversible<br />

Électricité Chaleur/froid<br />

Électricité Cogénération<br />

Articulation des technologies<br />

par phases d’un projet d’exploitation<br />

Modélisation<br />

statique/dynamique<br />

Mesures<br />

de caractérisation<br />

Exploration Évaluation Design Construction Opération Fermeture<br />

Transversalités marchés/phases<br />

d’un projet d’exploitation<br />

Irréversible<br />

Chaleur<br />

CO2<br />

Technologies<br />

de construction<br />

(puits, surface)<br />

Récupération<br />

Récupération<br />

Récupération<br />

chaleur chaleur<br />

(naturelle/fatale)<br />

Technologies d’intervention<br />

et de fermeture<br />

Mesures de monitoring et de surveillance<br />

Aménagement<br />

sous-sol urbain<br />

Workflow/Phases projet<br />

Positionnement R&D<br />

de l’IEED.<br />

IEED's positioning<br />

regarding R&D.<br />

© Géodénergies<br />

l’horizon 2020. Les activités des acteurs industriels<br />

français partenaires de Géodénergie<br />

couvrent la totalité des offres possibles sur<br />

les trois filières : exploitation de sites, vente<br />

d’équipements et de services, prestations<br />

de conseil. La dynamique créée par l’Institut<br />

dépassera largement le cadre de la recherche,<br />

du développement et de l’innovation, et contribuera<br />

à structurer le tissu industriel portant<br />

les différentes filières, tout en développant les<br />

synergies et en renforçant les complémentarités.<br />

Les partenaires industriels espèrent ainsi<br />

capter jusqu’à 10 % de ces marchés et créer<br />

25 000 emplois directs d’ici 2020, les deux<br />

tiers étant basés en France. Parallèlement,<br />

l’activité de l’institut devrait induire au minimum<br />

un potentiel équivalent en valeur ajoutée<br />

et en emplois locaux via la sous-traitance ou<br />

la fourniture d’équipements et de services.<br />

Les activités de l’IEED contribueront ainsi à<br />

rendre opérationnelles ces nouvelles filières<br />

industrielles et permettront aux acteurs<br />

français de renforcer leur savoir-faire et<br />

leur compétitivité tant en France qu’à<br />

l’international.<br />

Les marchés de l’IEED.<br />

Markets for IEED.<br />

© Géodénergies<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />

109


éclairage<br />

éclairage<br />

110<br />

éclairage<br />

Entretien avec Philippe Freyssinet<br />

Les géotechnologies,<br />

un enjeu de recherche<br />

Philippe Freyssinet<br />

directeur général adjoint<br />

de l’Agence nationale<br />

de la recherche<br />

Les sciences de la Terre, en particulier avec le développement<br />

des géotechnologies, ont un rôle important à jouer dans<br />

l’atteinte des objectifs français et européens en matière d’efficacité<br />

énergétique et de lutte contre le changement climatique.<br />

Quels sont aujourd’hui les grands enjeux en<br />

matière énergétique, et le contexte a-t-il évolué,<br />

notamment avec la crise économique ?<br />

Philippe Freyssinet : Jusqu’à une période récente,<br />

les scénarios énergétiques à l’échelle globale<br />

étaient assez clairs. La raréfaction des énergies<br />

fossiles et la nécessité de réduire les émissions<br />

de gaz à effet de serre avaient notamment<br />

conduit l’Europe à se fixer un objectif dit des<br />

« trois fois vingt » : 20 % de gain en efficacité<br />

énergétique, 20 % d’énergie renouvelable dans<br />

la production d’énergie et 20 % de réduction<br />

des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020.<br />

Aujourd’hui, un double phénomène conduit à<br />

une possible redistribution des cartes. C’est<br />

d’abord la crise économique qui, même si l’on<br />

ne renie pas le credo environnemental, pousse<br />

nos économies à privilégier les technologies<br />

énergétiques matures et relativement bon<br />

marché. D’autre part, l’émergence des gaz et<br />

huiles de schistes en Amérique, et bientôt dans<br />

d’autres régions du monde, contribue à nous<br />

faire entrer dans une ère nouvelle.<br />

Quelles en sont les conséquences à l’échelle<br />

mondiale ?<br />

Ph. F. : Cette nouvelle donne modifie considérablement<br />

les scénarios énergétiques selon les<br />

pays et les continents. À court terme, parce<br />

qu’ils ont fait le choix d’exploiter ces nouvelles<br />

ressources fossiles, les États-Unis vont devenir<br />

indépendants sur le plan énergétique. En<br />

Asie, la Chine, bien que premier investisseur<br />

mondial sur les technologies vertes, s’intéresse<br />

également à ses ressources en gaz et huiles<br />

de schistes.<br />

Pour sa part, la France a réaffirmé son adhésion<br />

aux objectifs du paquet climat-énergie<br />

européen. Mais que se passera-t-il demain ?<br />

On sait que certains pays européens envisagent<br />

déjà d’exploiter leurs réserves de gaz et<br />

huile de schiste. Nous entrons dans une<br />

phase plus incertaine en terme de scénarios<br />

énergétiques…<br />

Comment l’Europe réagit-elle face à<br />

ces problématiques ?<br />

Ph. F. : La crise économique a non seulement<br />

renforcé la dimension économique dans le débat<br />

énergétique, mais elle a également eu des<br />

conséquences en terme de budgets consacrés<br />

à la recherche et au développement dans le<br />

domaine de l’énergie, avec un recul sensible.<br />

La dépense publique de R & D sur l’énergie<br />

représente actuellement 4 % du total de la<br />

dépense mondiale, cela représente environ<br />

1 milliard d’euros par an en France.<br />

Il y a pourtant un immense challenge scientifique<br />

pour trouver les solutions qui permettent<br />

d’atteindre les objectifs européens dans des<br />

conditions économiquement et environnementalement<br />

acceptables.<br />

C’est l’un des enjeux majeurs du prochain<br />

programme-cadre européen « Horizon 2020 »,<br />

qui comportera un important volet consacré à<br />

l’innovation dans les technologies de l’énergie.


Quelle est la stratégie de recherche<br />

de la France sur le plan des énergies durables<br />

et renouvelables et des technologies<br />

qui leurs sont liées ?<br />

Ph. F. : Si l’on excepte la spécificité liée à la part<br />

de la recherche nucléaire, la position française<br />

est alignée sur celle de l’Europe.<br />

L’Agence nationale de la recherche, depuis sa<br />

création, s’est positionnée sur les nouvelles<br />

technologies de l’énergie. Nous achevons en<br />

2013 un cycle de programmation où le secteur<br />

des énergies bas carbone a représenté 15 % de<br />

nos financements, soit plus de 270 millions<br />

d’euros sur les cinq dernières années, dont<br />

80 % consacrés à des projets de recherche<br />

associant des laboratoires publics et des<br />

industriels. Cinq grands programmes de<br />

recherche ont permis de financer environ 130<br />

projets par an dans les domaines du cycle de<br />

production et gestion de l’électricité (PROGELEC),<br />

du vecteur chaleur et de la réduction des<br />

émissions de CO2 (SEED), de la gestion énergétique<br />

à l’échelle urbaine (Villes et bâtiments<br />

durables), des transports durables (TDM) et de<br />

la valorisation énergétique de la biomasse<br />

(BIOME).<br />

Qu’attend-on aujourd’hui des sciences<br />

de la Terre et des géotechnologies ?<br />

Ph. F. : Il s’agit pour l’ANR de soutenir des<br />

recherches très innovantes et potentiellement<br />

porteuses de sauts technologiques, voire<br />

organisationnels.<br />

La géothermie intégrée aux schémas d’écologie industrielle. Forages géothermiques avec en orange,<br />

le granite fracturé dans lequel est pompé puis réinjecté le fluide.<br />

Geothermal energy integrated into industrial ecology schemes. Geothermal wells with, shown in orange<br />

the fractured granite from which the fluid is pumped, then re-injected.<br />

© Modifié d'après GEIE Production de chaleur de Soultz-sous-Forêts<br />

philippe freyssinet<br />

On peut citer différents domaines de recherche<br />

émergents, à l’exemple du stockage souterrain<br />

de chaleur ou de froid en milieu urbain, à<br />

différentes échelles, et notamment pour des<br />

applications intersaisonnières. La géothermie<br />

intégrée à des schémas d’écologie industrielle<br />

est à fort potentiel.<br />

Le stockage de masse souterrain dans des<br />

réservoirs naturels, sous forme d’air comprimé<br />

ou d’hydrogène par exemple, est une technologie<br />

de rupture qui va requérir une forte<br />

mobilisation des sciences de la Terre. L’enjeu<br />

est important car ce type de stockage permettrait<br />

par exemple d’absorber les pics de<br />

production électrique notamment du secteur<br />

éolien.<br />

La capture et le stockage de CO2 reste un<br />

domaine de recherche important. Beaucoup de<br />

travaux ont été réalisés depuis quinze ans, mais<br />

ils sont demeurés essentiellement au stade<br />

expérimental. Pour progresser, il va falloir désormais<br />

amplifier la recherche sur les technologies<br />

d’investigation et de surveillance du sous-sol<br />

permettant de mieux évaluer ses caractéristiques<br />

et de réduire les aléas. Les schémas de<br />

stockage de CO2 en aquifères salins se sont<br />

révélés moins prometteurs qu’attendus, ce qui<br />

engendre de nouveaux besoins de recherche<br />

pour réévaluer le potentiel. Il faut également<br />

travailler sur les processus générant des risques,<br />

à grande échelle et sur le long terme, liés à la<br />

mise en œuvre des géotechnologies. Il s’agit<br />

là d’un sujet majeur pour la crédibilité de ces<br />

technologies et leur viabilité économique.<br />

Il est clair que le démarrage prochain de<br />

l’IEED Géodénergies 1 va impulser un effort<br />

très significatif pour accélérer la recherche<br />

française sur ces thématiques !<br />

www.agence-nationale-recherche.fr/<br />

programmes-de-recherche/energie-durable<br />

(1) Institut d’excellence sur les énergies décarbonées porté<br />

par le BRGM en région Centre (programme « Investissements<br />

d’avenir »).<br />

Géosciences • numéro 16 • mars 2013 111


112<br />

chiffres clés<br />

chiffres clés<br />

chiffres clés<br />

Étude de zones<br />

fumerolliennes en 2011<br />

sur White Island,<br />

Nouvelle-Zélande.<br />

Study of fumaloric<br />

activity in 2011<br />

on White Island,<br />

New Zealand.<br />

© BRGM – V. Bouchot.<br />

> 40 milliards de Terawatt/h emmagasinés<br />

dans les 5 premiers km de la croûte terrestre.<br />

> 10 000 000 MWhep/an produits<br />

et 390 000 t/an de CO2 évitées : c'est le potentiel<br />

des ressources géothermales du Bassin parisien.<br />

> En 2011, à l'échelle mondiale, la puissance<br />

électrique installée d’origine géothermique<br />

est de 11 GWe, et la puissance thermique<br />

est de 50,6 GWth.<br />

À l'horizon 2050, la puissance électrique installée<br />

sera de 160 GWe d’après l’AIE.<br />

> 3 à 8 fois moins de CO2 émis par la géothermie<br />

que par le charbon, le pétrole ou le gaz.<br />

> 130 à 180 ºC sont les températures visées<br />

en milieu non volcanique pour produire<br />

de l'électricité à partir d'un fluide géothermique.<br />

> 6 : facteur par lequel la production de chaleur<br />

géothermique doit être multipliée en France<br />

entre 2006 et 2020, pour respecter les objectifs<br />

du Grenelle de l’environnement.<br />

> 140 GW : capacités mondiales actuelles<br />

de stockage d’électricité (477 MW d’énergie<br />

électrique sont disponibles dans le monde grâce<br />

au stockage souterrain de l’air comprimé).<br />

4 à 15 : facteur par lequel ces capacités doivent<br />

être multipliées d’ici 2040.<br />

> 31 milliards de tonnes de CO2 émises en<br />

2010 pour la production d'énergie dans le monde.<br />

> La température du globe augmentera<br />

de 6 ºC d'ici 2050 si aucun changement ne survient<br />

dans les politiques énergétiques.<br />

> D'ici 30 ans, le stockage géologique<br />

du carbone devra contribuer pour 19 % à la réduction<br />

des émissions de CO2.<br />

> 36 millions de tonnes de CO2/an sont<br />

stockées dans le cadre de 16 grands projets<br />

opérationnels.<br />

> 75 projets de capture et stockage de CO2<br />

à grande échelle sont en cours d’étude et<br />

de développement dans le monde.

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