revue_geosciences16
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© MEDDE-DICOM<br />
Delphine Batho<br />
ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie<br />
Face aux défis climatiques et à l’épuisement des<br />
ressources naturelles, l’heure est au changement<br />
et à l’innovation. La transition énergétique est un<br />
projet fédérateur pour notre pays qui doit embrasser<br />
tous les aspects sociaux, économiques, écologiques, des<br />
changements à engager. L’enjeu du développement<br />
de la chaleur renouvelable est décisif. Le grand débat<br />
national (1) organisé par le Gouvernement doit être<br />
l’occasion pour la Nation de redécouvrir toutes les<br />
potentialités de la géothermie et de prendre les décisions<br />
nécessaires pour lever les obstacles qui freinent son développement.<br />
La <strong>revue</strong> Géosciences y contribue utilement<br />
en mettant la géothermie, le stockage de dioxyde de<br />
carbone et le stockage de l’énergie à l’honneur de son<br />
seizième numéro.<br />
La géothermie, véritable trésor national, doit prendre<br />
toute sa place dans notre mix énergétique. Extrêmement<br />
diverse dans ses formes et ses applications, elle présente<br />
l’avantage considérable d’une production d’énergie renouvelable<br />
non-intermittente qui peut être développée sur<br />
la majeure partie de notre territoire. C’est aussi une filière<br />
à fort potentiel pour l’industrie française. Rappelons qu’un<br />
tiers de l’énergie en France est destiné au chauffage et<br />
à la production d’eau chaude.<br />
Le développement des différentes formes de géothermie<br />
a pris du retard. Une analyse plus précise des trois<br />
principaux segments de marché permet de quantifier ce<br />
constat. Si le développement du marché de la très basse<br />
énergie (pompes à chaleur aérothermiques et géothermiques)<br />
est globalement en phase avec les objectifs fixés<br />
(production de 1 143 000 tonnes équivalent pétrole en<br />
2011, légèrement au-delà de l’objectif de 1 090 000 tonnes<br />
équivalent pétrole), le marché des pompes à chaleur<br />
géothermiques (qui devait contribuer pour 280 000<br />
tonnes équivalent pétrole) reste largement en deçà de<br />
la trajectoire cible. Après avoir atteint un pic de presque<br />
20 000 unités de pompes à chaleur vendues en 2008, il<br />
atteint aujourd’hui une taille de moins de 8 000 unités<br />
par an, après quatre années consécutives de baisse. Les<br />
raisons sont multiples : crise économique, compétition<br />
d’autres technologies, baisse des constructions neuves,<br />
mais aussi inadaptation du cadre réglementaire. Pourtant,<br />
l’intérêt énergétique, écologique et économique des<br />
pompes à chaleur est incontestable : ce n’est pas un hasard<br />
si 70 % de l’habitat neuf en Suède et 50 % en Suisse<br />
sont équipés de pompes à chaleur géothermiques. En<br />
France, la part de l’habitat équipé est seulement de 3 %.<br />
(1) Toutes les informations sur : www.transition-energétique.gouv.fr<br />
édito<br />
« La géothermie<br />
doit prendre toute sa place<br />
dans la transition énergétique »<br />
La géothermie basse et moyenne énergie (notamment<br />
pour des réseaux de chaleur géothermique) est<br />
également en retard : la production en 2011 s’est élevée<br />
à 94 000 tonnes équivalent pétrole, par rapport à un<br />
objectif de 175 000 tonnes équivalent pétrole. Leader<br />
dans les années 70, la France n’a plus développé cette<br />
géothermie entre 1996 et 2006 alors que la technologie<br />
a fait la preuve de sa durabilité et de son adaptation au<br />
milieu urbain.<br />
La production d’électricité à partir de la géothermie de<br />
haute énergie, quant à elle, s’élève en 2011 à 48 000 tonnes<br />
équivalent pétrole, et reste très en retard par rapport à<br />
un objectif de 159 000 tonnes équivalent pétrole. Nous<br />
devons accélérer son développement.<br />
Il est temps de donner une nouvelle impulsion à la filière<br />
géothermique, dans le cadre de la transition énergétique.<br />
J’ai annoncé mon intention d’élaborer une stratégie<br />
nationale pour le développement de la géothermie. Le<br />
débat national sur la transition énergétique est une<br />
chance que tous les acteurs de ces technologies doivent<br />
saisir pour y contribuer.<br />
Il sera aussi nécessaire de poursuivre nos efforts de<br />
recherche et de développement des technologies<br />
de séquestration et de stockage de CO2 et de stockage<br />
d’énergie, notamment via le financement de projets<br />
et de centres d’excellence par l’Agence nationale de la<br />
recherche (ANR) et le programme Investissements<br />
d’avenir. L’effondrement du prix du carbone dans le cadre<br />
du marché européen de quotas d’émission ne favorise<br />
pas actuellement l’émergence de projets économiquement<br />
viables. Tout se passe comme si la crise économique<br />
repoussait à plus tard les enjeux de la lutte contre<br />
le réchauffement climatique alors même que le développement<br />
des énergies du futur est riche de promesses<br />
de nouveaux développements industriels qui peuvent<br />
contribuer à la sortie de crise.<br />
Les sciences de la Terre peuvent apporter une contribution<br />
déterminante au développement des énergies renouvelables.<br />
Face à la raréfaction des ressources et aux<br />
conséquences de l’exploitation des énergies fossiles, il<br />
ne faut plus prendre de retard. Valoriser les ressources<br />
renouvelables des sous-sols est assurément porteur<br />
d’avenir et d’espoir. Merci aux chercheurs, ingénieurs,<br />
techniciens et personnels qui ont contribué à l’élaboration<br />
de ce numéro qui rappelle une évidence : les<br />
géosciences sont un allié du développement durable.<br />
01<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
La Terre, source<br />
d'énergies durables<br />
N°16<br />
La centrale géothermique<br />
de Nesjavellir (Islande)<br />
dans son environnement<br />
naturel.<br />
The Nesjavellir geothermal<br />
station (Iceland) in its<br />
natural environment.<br />
sommaire<br />
© Gretar Ivarsson<br />
01 Édito<br />
« La géothermie doit prendre toute sa place dans la transition énergétique »<br />
Delpine Batho, Ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie<br />
04 Le mot du rédacteur en chef<br />
La Terre est aussi une source d’énergies durables !<br />
Jacques Varet<br />
06 Les nouvelles technologies et la transformation du système énergétique<br />
Didier Houssin, Directeur, Direction des politiques et des technologies énergétiques<br />
durables, Agence internationale de l'énergie (AIE)<br />
08<br />
16<br />
26<br />
36<br />
44<br />
54<br />
Géologie et énergie<br />
Jacques Varet<br />
Géothermie : source<br />
d’indépendance énergétique<br />
et de développement durable<br />
Erwan Bourdon, Dominique Tournaye<br />
Développement de la géothermie<br />
dans la Caraïbe<br />
Philippe Laplaige, Harry Durimel,<br />
Jean-Marc Mompelat<br />
Des projets géothermiques<br />
industriels en Auvergne…<br />
innover ensemble, agir local<br />
Mélissa Sanciaut, Lionel Bouchet, Olivier Bouttes,<br />
Vincent Bouchot<br />
Géothermie et planifi cation<br />
énergétique territoriale :<br />
l’exemple du schéma régional<br />
de l’Île-de-France<br />
Adeline Poux, Alexandra Bel<br />
Les EGS : une méthode d’exploitation<br />
géothermique généralisée<br />
pour les températures de 130 à 180 °C<br />
Sylvie Gentier
70<br />
78<br />
100<br />
A worldwide overview<br />
of carbon dioxide storage<br />
Angeline Kneppers, Steve Whittaker, Ernie Perkins,<br />
Derek Taylor, Daniel Rennie<br />
État des lieux du stockage de CO2<br />
en Europe<br />
Isabelle Czernichowski-Lauriol<br />
Le stockage souterrain<br />
de l’énergie<br />
Louis-Marie Jacquelin, Anne-Gaëlle Bader<br />
108 Tribune<br />
Géodénergies : l’utilisation rationnelle du sous-sol<br />
pour décarboner le secteur de l’énergie<br />
Laurent Jammes, Gabriel Marquette<br />
110 Éclairage<br />
Les géotechnologies, un enjeu de recherche<br />
Philippe Freyssinet<br />
112 Chiffres clés<br />
64<br />
86<br />
94<br />
ImPAC Lyon : évaluer l’impact<br />
de l’exploitation des aquifères superfi ciels<br />
pour la climatisation<br />
Sophie Bézèlgues-Courtade, Pierre Durst,<br />
Frédéric Garnier, Ioannis Ignatiadis<br />
Renvoyer le carbone dans le charbon.<br />
Le projet Carbolab<br />
Aurélien Leynet<br />
Biomasse et stockage géologique,<br />
un couplage tourné vers l’avenir<br />
Sébastien Dupraz, Antonin Fabbri<br />
Mars 2013 • numéro 16<br />
Direction de la Communication<br />
et des Éditions du BRGM<br />
3, av. Claude. Guillemin<br />
45060 Orléans Cedex 2<br />
Tél. : 02 38 64 37 84<br />
communication@brgm.fr<br />
Directeur de la rédaction : Jacques Varet<br />
Responsables du numéro<br />
« La Terre, source d'énergies durables » :<br />
Didier Bonijoly, Romain Vernier<br />
Directeur de la publication : Pierre Vassal<br />
Comité de rédaction :<br />
Philippe Dutartre (Service Public),<br />
Catherine Truffert (Recherche),<br />
Jean-Claude Guillaneau (International),<br />
Hervé Gaboriau (Pollution, déchets),<br />
Nathalie Dorfl iger (Eau),<br />
Hormoz Modaressi (Risques naturels),<br />
Pierre Nehlig (Géologie, cartographie),<br />
Patrice Christmann (Ressources minérales),<br />
Fabrice Deverly (Actions régionales).<br />
Coordination et secrétariat de rédaction :<br />
Françoise Trifi gny<br />
Révision : Olivier Legendre, Françoise Trifi gny,<br />
MZ Editions – 06 33 61 37 02<br />
Traduction : Robin's Wood Consulting –<br />
02 37 82 76 23<br />
Responsable d’édition : Pierre Vassal<br />
Maquette et réalisation :<br />
Chromatiques éditions – 01 43 45 45 10<br />
Impression : Imprimerie Nouvelle<br />
Saint-Jean-de-Braye<br />
Imprimerie certifi ée Imprim’Vert<br />
Régie publicitaire : Aria Communication –<br />
01 43 70 98 88<br />
ISSN 1772-094X – ISBN 978-2-7159-2547-2<br />
Dépôt légal à parution.<br />
Toute reproduction de ce document,<br />
des schémas et des infographies, devra<br />
mentionner la source Géosciences,<br />
la <strong>revue</strong> du BRGM pour une Terre durable.<br />
Le comité de rédaction remercie les auteurs<br />
et les relecteurs pour leur contribution.<br />
Les propositions d’articles sont à envoyer à :<br />
f.trifi gny@brgm.fr<br />
Liste des annonceurs : BRGM éditions c.3 •<br />
CFG Services p. 107 • COFOR p. 35 • Cryostar<br />
p. 21 • ENAG p. 93 • Grenoble Sciences p. 61 •<br />
LaSalle-Beauvais p. 13 • Priser p. 49 • Région<br />
Guadeloupe c.2 • SDEC p. 69
04<br />
Jacques Varet<br />
BRGM<br />
j.varet@brgm.fr<br />
le mot du rédacteur en chef le mot du rédacteur en chef<br />
La Terre est aussi<br />
une source<br />
d’énergies durables !<br />
Les sciences de la Terre<br />
au service de l’humanité<br />
Rappelons-nous que la <strong>revue</strong> Géosciences a<br />
pour objectif de montrer en quoi les<br />
sciences de la Terre répondent aux besoins<br />
de l’humanité. Ainsi, au fil des numéros<br />
précédents, différents sujets cruciaux ont pu<br />
être abordés : l’eau (n° 2, n° 13), le changement<br />
climatique (n° 3), les risques telluriques (n° 4),<br />
les ressources minérales (n° 1, n° 15)… Soucieux<br />
d’inscrire nos priorités dans celles de la société,<br />
et plus notamment dans la réflexion concernant<br />
la transition énergétique, nous ne pouvions que<br />
nous associer à la résolution de l'Assemblée<br />
générale des Nations unies (n° 65/151) qui,<br />
reconnaissant l'importance de l'énergie pour<br />
le développement durable, a proclamé 2012<br />
« Année internationale de l'énergie durable pour<br />
tous ». Tel est l’objectif de ce n° 16, consacré à<br />
« La Terre, source d’énergies durables ».<br />
Il est un fait que les sciences de la Terre sont,<br />
depuis un bon siècle, le principal pourvoyeur de<br />
l’énergie consommée dans le monde. En effet,<br />
le pétrole, le gaz naturel ou le charbon sont<br />
aujourd’hui encore les principales sources<br />
d’énergie pour l’essentiel de la population de<br />
la planète, directement issues des processus<br />
et des sciences et techniques géologiques.<br />
L’énergie nucléaire aussi, qui puise dans les<br />
gisements d’uranium, est le fruit du travail des<br />
géologues. Ce sont les mêmes que l’on retrouve<br />
à l’aval du cycle du combustible pour rechercher<br />
les sites les plus appropriés pour la gestion des<br />
déchets nucléaires. Ainsi, le métier de géologue<br />
est-il fortement associé à cette image de<br />
producteur d’énergies fossiles, voire d’énergies<br />
polluantes. Ce numéro de Géosciences est<br />
l’occasion de sensibiliser le public sur les diverses<br />
techniques qu’ont les géologues pour mobiliser<br />
le sous-sol, dans un usage durable de l'énergie,<br />
pour contribuer à l'efficience énergétique<br />
et prendre part à la production d'énergie<br />
renouvelable aux niveaux local, régional et<br />
international.<br />
Des fossiles aux renouvelables<br />
Les modes actuels de production et de consommation<br />
d'énergie non durable menacent<br />
l'environnement à l'échelle locale et mondiale.<br />
Les émissions de la combustion fossile<br />
représentent aujourd’hui environ 60 % des<br />
gaz à effet de serre totaux (GES) et sont la cause<br />
principale du changement climatique, de la<br />
pollution de l'air urbain et de l'acidification des<br />
sols et de l'eau. Si la réduction des émissions<br />
de carbone liées à la consommation d'énergie<br />
est une priorité, elle est aussi rendue nécessaire<br />
par l’épuisement progressif des ressources<br />
fossiles, dont on commence à percevoir la<br />
réalité concernant le pétrole conventionnel.<br />
L'économie mondiale étant appelée à doubler<br />
de taille au cours des vingt prochaines années,<br />
la consommation mondiale d'énergie devrait<br />
également augmenter de manière significative ;<br />
il est donc essentiel de recourir aux sources<br />
d’énergies renouvelables et de développer<br />
des technologies faiblement émettrices de<br />
carbone.<br />
Trois champs d’activité du BRGM sont concernés :<br />
la géothermie, le stockage géologique du CO2<br />
et le stockage d’énergie dans le sous-sol.
Eau chaude et vapeur au voisinage de la centrale géothermique de Nga Awa Purua à Rotokawa, Nouvelle Zélande.<br />
Hot water and steam near the Nga Awa Purua geothermal plant, Rotokawa, New Zealand.<br />
© BRGM – V. Bouchot.<br />
Pour le BRGM, le moment est venu de rendre<br />
plus visible sa présence, active depuis de<br />
nombreuses années, dans ces domaines.<br />
Trois champs d’activités sont principalement<br />
concernés : celui de la géothermie, celui du<br />
stockage géologique du CO2 et, plus généralement,<br />
celui du stockage de l’énergie dans<br />
le sous-sol. Ce sont des cas dans lesquels<br />
l’ensemble du champ de compétences et<br />
d’expertises scientifiques de l’établissement est<br />
mobilisé, depuis la R&D et l’appui aux politiques<br />
publiques jusqu’à la contribution à l’ingénierie<br />
des systèmes et à leur bonne insertion sociale<br />
et environnementale. Et ce, aussi bien en France<br />
continentale, dans les DROM qu’à l’international,<br />
notamment dans les pays en développement,<br />
qui sont souvent les premiers concernés. Outre<br />
ces trois grands champs, le sous-sol offre une<br />
multitude d’autres applications possibles en<br />
matière d’utilisation rationnelle de l’énergie,<br />
notamment pour les besoins thermiques,<br />
mais aussi plus généralement pour la gestion<br />
des énergies renouvelables, qui nécessitent des<br />
capacités de stockage.<br />
La géothermie, énergie<br />
renouvelable terrestre<br />
par excellence<br />
Dans ce numéro, une place de choix revient<br />
naturellement à la géothermie, puisqu’il s’agit<br />
par excellence de la forme d’énergie renouvelable<br />
produite par la planète Terre elle-même.<br />
En effet, si la géodynamique terrestre nous<br />
signale quelquefois brutalement l’énergie<br />
dissipée, de l’intérieur vers la surface de la Terre<br />
(séismes, volcans, tsunamis…), elle nous rappelle<br />
aussi, par le flux de chaleur terrestre, l’immense<br />
potentiel énergétique renouvelable mis à notre<br />
disposition. À la différence des autres énergies<br />
renouvelables, celui-là est constant et<br />
disponible 24/24h, 7/7j. Il permet en outre un<br />
stockage naturel sur le site de production et de<br />
développer des exploitations de puissance<br />
supérieure à celle du seul flux géothermique.<br />
Nous sommes loin d’avoir entamé cet immense<br />
potentiel, notamment dans les nombreux pays<br />
du sud particulièrement bien dotés en la matière,<br />
qu’il s’agisse de l’Asie de Sud-Est (Indonésie),<br />
de l’Afrique de l’Est (Éthiopie et Djibouti), de<br />
l’Amérique centrale ou des Caraïbes.<br />
Les géosciences peuvent aussi<br />
contribuer à l’usage rationnel<br />
de l’énergie<br />
Avec ce n° 16 de la <strong>revue</strong> Géosciences, nous<br />
espérons ainsi avoir apporté notre pierre aux<br />
grands enjeux de l’« Énergie durable pour<br />
tous », qui s’est fixé trois objectifs principaux<br />
à l’horizon 2030 : l’accès universel à des services<br />
énergétiques modernes, une réduction des<br />
émissions mondiales de GES et une augmentation<br />
de 30 % de l’utilisation des énergies<br />
renouvelables dans le monde. Cet ouvrage<br />
devrait également être utile à tous ceux qui<br />
– en France notamment – s’engagent dans la<br />
réflexion concernant la transition énergétique<br />
et écologique. Souhaitons qu’il aidera les<br />
acteurs concernés – établissements de<br />
recherche, entreprises, pouvoirs publics et<br />
ONG – à concourir plus efficacement à cet<br />
objectif global. n<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />
05
06<br />
Didier Houssin<br />
Directeur,<br />
Direction des politiques<br />
et des technologies<br />
énergétiques durables,<br />
Agence internationale<br />
de l'énergie (AIE)<br />
Didier.HOUSSIN@iea.org<br />
La priorité du scénario 2DS<br />
est de réduire drastiquement<br />
les émissions de gaz à effet<br />
de serre à l’horizon 2050<br />
afin de ne pas dépasser<br />
les 2 °C d’augmentation<br />
de température globale.<br />
The priority of 2DS scenario<br />
is to reduce drastically<br />
the CO2 emissions at<br />
the horizon 2020, in order not<br />
to exceed 2°C global warming.<br />
© Graphic Obsession<br />
intro scientifique intro scientifique<br />
Les nouvelles<br />
technologies et<br />
la transformation du<br />
système énergétique<br />
2012 de l’étude de l’AIE sur les perspectives<br />
des technologies énergétiques<br />
L’édition (1)<br />
montre clairement qu’une transformation<br />
profonde du système énergétique est possible,<br />
même si les tendances ne vont pas dans la<br />
bonne direction. L’utilisation intégrée des<br />
nouvelles technologies permettrait de réduire la<br />
dépendance à l’égard des combustibles fossiles<br />
en développant les énergies renouvelables, de<br />
décarboner la production d’électricité, d’améliorer<br />
l’efficacité énergétique et de réduire les<br />
émissions de CO2. Elle aiderait à ralentir la hausse<br />
de la demande d’énergie induite par la croissance<br />
économique des pays émergents, réduirait<br />
les besoins d’importations, renforcerait les<br />
économies nationales et à plus long terme<br />
entraînerait une baisse significative des<br />
émissions de gaz à effet de serre.<br />
Éviter une augmentation<br />
de température de + 2 °C :<br />
le scénario 2DS<br />
Le scénario 2 °C (appelé 2DS) identifie un<br />
portefeuille de technologies et de politiques ayant<br />
80 % de chances d’éviter que l’augmentation de<br />
la température mondiale ne dépasse 2 °C.<br />
Investir dans les énergies propres est économiquement<br />
rationnel – chaque dollar<br />
supplémentaire investi peut générer trois<br />
dollars d’économies d’énergie à l’horizon 2050.<br />
Pour que le scénario 2DS devienne réalité, il<br />
faudrait que les investissements additionnels<br />
d’ici 2050 atteignent 36 000 milliards USD, soit<br />
35 % de plus que dans un scénario business<br />
as usual. Cependant, investir n’est pas la même<br />
chose que dépenser. D’ici à 2025, les économies<br />
(1) “Energy Technology Perspectives (ETP) 2012 – Pathways to a<br />
Clean Energy System” : nouvelle édition de juin 2012 du rapport<br />
publié par l’Agence internationale de l’énergie tous les deux ans<br />
depuis 2006. http://www.iea.org/etp/ Ce rapport présente en<br />
près de 700 pages des scénarios et des stratégies énergétiques<br />
détaillés jusqu’en 2050 afin de limiter le réchauffement climatique<br />
à 2° C.<br />
d’énergie réalisées feraient plus que compenser<br />
les sommes investies et d’ici à 2050, elles<br />
dépasseraient 100 000 milliards USD dans le<br />
scénario 2DS.<br />
Sécurité énergétique et atténuation du<br />
changement climatique vont de pair. La baisse<br />
de l’intensité énergétique ainsi que la diversification<br />
géographique et technologique des<br />
sources d’énergie sont bénéfiques pour la<br />
sécurité d’approvisionnement et la croissance<br />
économique.<br />
Ainsi, dans le scénario 2DS, les économies<br />
d’énergie atteindraient d’ici à 2020 un total de<br />
450 exajoules (EJ soit 10 18 J) de combustibles<br />
fossiles et 9 000 EJ à l’horizon 2050, soit l’équivalent<br />
de plus de quinze années de demande<br />
mondiale actuelle d’énergie primaire.<br />
Pourtant, les perspectives actuelles sont peu<br />
encourageantes. Sur les dix technologies les<br />
plus prometteuses en termes d’économies<br />
d’énergie et d’émissions de CO2, neuf ne satisfont<br />
pas aux objectifs permettant de réaliser<br />
la transition vers un système énergétique à bas<br />
carbone. Les progrès sont à la hauteur des enjeux<br />
uniquement pour les énergies renouvelables<br />
les plus matures comme l’énergie hydraulique,<br />
la biomasse, l’éolien terrestre et le solaire<br />
photovoltaïque. Il est particulièrement préoccupant<br />
de constater le peu de progrès dans<br />
la diffusion des technologies améliorant<br />
l’efficacité énergétique, le captage et le<br />
stockage du carbone (CCS) ainsi que l’éolien<br />
en mer et le solaire à concentration.<br />
Or, l’importance du captage et du stockage du<br />
carbone reste cruciale à long terme. Le CCS est<br />
aujourd’hui la seule technologie permettant<br />
au secteur électrique à base de combustibles<br />
fossiles et aux industries lourdes de respecter<br />
des objectifs ambitieux de réduction des émissions<br />
à l’horizon 2050. L’abandon du CCS
TWh<br />
Gt CO2<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
0<br />
45 000<br />
40 000<br />
35 000<br />
30 000<br />
25 000<br />
20 000<br />
15 000<br />
10 000<br />
5 000<br />
2009 2020 2030<br />
2040<br />
2050<br />
0<br />
alourdirait considérablement le coût du<br />
scénario 2DS puisque les investissements<br />
supplémentaires seraient accrus de 40 % dans<br />
le secteur de l’électricité, le surcoût total<br />
s’élevant à 2 000 milliards USD sur quarante ans.<br />
Selon le scénario 2DS, le CCS permettrait de<br />
réaliser jusqu’à 20 % des réductions cumulées<br />
d’émissions de CO2 d’ici à 2050. À cet effet, un<br />
déploiement rapide de la filière s’impose :<br />
c’est un considérable défi à relever dès lors<br />
qu’il n’existe pas d’installation à grande échelle<br />
dans la production d’électricité et qu’il y en a<br />
très peu dans l’industrie (voir l'article d’Isabelle<br />
Czernichowski, ce numéro).<br />
Les conditions de mise en œuvre<br />
Des exemples concrets montrent toutefois<br />
que l’action résolue des pouvoirs publics est<br />
■ Efficacité<br />
énergétique<br />
et changement<br />
des systèmes<br />
de production 3 %<br />
■ Nucléaire 8 %<br />
■ Changement<br />
d’usage final 12 %<br />
■ Efficacité<br />
énergétique 42 %<br />
■ Énergies<br />
renouvelables 21 %<br />
■ Captage et<br />
stockage du CO2<br />
(CCS) 14 %<br />
Évolution de la part des différentes technologies jusqu’en 2050 dans la réduction<br />
des émissions de CO2 pour passer du scénario 6DS (BAU) au scénario 2DS.<br />
Technology contributions departing from BAU (6DS scenario) necessary to reach the 2DS scenario.<br />
Source : IAE ETP 2012 report.<br />
2009 2020 2030<br />
2040<br />
2050<br />
■ Autres renouvelables<br />
dont géothermie<br />
■ Éolien<br />
■ Solaire<br />
■ Hydro-électricité<br />
■ Nucléaire<br />
■ Biomasse et déchets<br />
■ Pétrole<br />
■ Gaz avec CCS<br />
■ Gaz<br />
■ Charbon avec CCS<br />
■ Charbon sans CCS<br />
Production globale d’électricité dans le scénario 2DS (en TWh/an) :<br />
les renouvelables produiront la moitié de l’énergie en 2050 au niveau mondial.<br />
Global electricity generation in the 2DS scenario (in TWh/year): Renewables will generate<br />
more than half the world’s electricity in 2050 in the 2DS scenario.<br />
Source : IAE ETP 2012 report.<br />
un catalyseur de progrès. Certaines sources<br />
d’énergies renouvelables ont enregistré des<br />
succès remarquables leur permettant de percer<br />
sur le marché et de devenir concurrentielles. La<br />
filière solaire photovoltaïque (PV) a connu une<br />
croissance annuelle de 42 % en moyenne au<br />
cours de la décennie écoulée et l’éolien terrestre<br />
de 27 %. Le coût des systèmes PV a chuté de<br />
75 % en trois ans dans certains pays. Le soutien<br />
public à la recherche et au développement a<br />
permis à ces technologies de parvenir à un stade<br />
où le secteur privé a pris le relais, ce qui a<br />
permis de réduire les subventions. Or, la décarbonisation<br />
du secteur électrique est la clé de<br />
voûte d’un système énergétique durable.<br />
Mais globalement, la part de l’investissement<br />
en recherche et développement (R&D) du<br />
secteur public dans le secteur de l’énergie a chuté<br />
intro scientifique<br />
des deux tiers. Le soutien public à la R&D concernant<br />
les technologies est décisif et permet de<br />
stimuler la croissance économique et de réduire<br />
le coût des technologies à bas carbone. Dans ce<br />
contexte, il est préoccupant que la part de la<br />
R&D publique dans le domaine de l’énergie<br />
soit tombée à moins de 4 % en 2010, contre<br />
12 % en 1980 (et 20 % pour les seuls pays de<br />
l’AIE). Il faut inverser cette tendance et mettre<br />
l’accent sur les perspectives de commercialisation<br />
des nouvelles technologies. L’anticipation<br />
de nouveaux débouchés constitue en effet l’un<br />
des facteurs déterminants de l’investissement<br />
privé dans la R&D et l’innovation technologique.<br />
Il faut utiliser pleinement le potentiel d’efficacité<br />
énergétique. L’efficacité énergétique doit<br />
permettre de réduire de deux tiers, d’ici à 2050,<br />
l’intensité énergétique de l’économie mondiale<br />
(consommation d’énergie rapportée au PIB).<br />
L’amélioration de l’intensité énergétique doit<br />
doubler pour passer de 1,2 % par an durant les<br />
40 dernières années à 2,4 % par an d’ici 2050<br />
en mobilisant davantage de financements<br />
privés et en venant à bout des obstacles non<br />
économiques.<br />
Les technologies énergétiques sont interdépendantes,<br />
aussi leur développement et leur<br />
déploiement doivent-ils se dérouler parallèlement.<br />
Un système énergétique efficace et<br />
à faible intensité en carbone doit reposer sur<br />
des sources d’énergie diversifiées et s’appuyer<br />
davantage sur la production d’électricité décentralisée.<br />
L’enjeu de la prochaine décennie sera<br />
de passer d’une approche centrée sur l’offre<br />
à une approche qui privilégie une meilleure<br />
intégration des systèmes énergétiques plutôt<br />
que le déploiement isolé de technologies<br />
spécifiques.<br />
La contribution des géosciences sera essentielle<br />
dans une telle révolution énergétique,<br />
qu’il s’agisse de la séquestration et du captage<br />
de CO2, du déploiement de la géothermie<br />
superficielle et profonde qui peut jouer un rôle<br />
important pour l’efficacité énergétique des<br />
pompes à chaleur dans le bâtiment et pour<br />
décarboner la production d’électricité dans les<br />
pays qui disposent du potentiel géologique<br />
idoine ou à plus long terme du stockage<br />
de l’énergie. L’étude ETP 2012 de l’AIE est un<br />
encouragement pour tous les chercheurs<br />
en géosciences quant à l’importance des<br />
enjeux énergétiques à long terme de leurs<br />
disciplines. ó<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />
07
08<br />
géologie<br />
géologie et énergie<br />
Bien que les avancées<br />
technologiques permettent<br />
d’exploiter des ressources<br />
en énergies fossiles toujours plus<br />
difficiles d’accès, celles-ci n’en<br />
demeurent pas moins épuisables :<br />
la société devra recourir à court<br />
terme aux énergies renouvelables<br />
et décarbonées.<br />
Les géosciences joueront<br />
un rôle majeur dans<br />
la « transition énergétique ».<br />
Elles seront à nouveau convoquées<br />
pour la recherche de nouveaux<br />
gisements, pour le développement<br />
des ressources géothermiques<br />
et pour mettre en œuvre<br />
des procédés innovants d’utilisation<br />
du sous-sol, comme les solutions<br />
de stockage.<br />
Jacques Varet<br />
BRGM<br />
j.varet@brgm.fr<br />
Lagon Bleu, Islande. Ce site de balnéothérapie<br />
et récréatif a été développé à partir des eaux<br />
de rejet de la centrale géothermique<br />
thermoélectrique voisine.<br />
Blue Lagoon, Iceland. This balneotherapy and<br />
recreational site was developped from waste waters<br />
from the nearby geothermal thermoelectric plant.<br />
© J. Varet<br />
Géologie<br />
et énergie<br />
En partant de la structure de la Terre, de ses enveloppes gazeuse, liquide et solide,<br />
puis de son évolution géologique (notamment géodynamique), nous resituerons les<br />
diverses catégories de ressources énergétiques dans leur cadre physique d’origine.<br />
Cela permettra de distinguer les sources « externes » (non géologiques), essentiellement<br />
le solaire, l’éolien et l’énergie des mers, des autres ressources géologiques. Dans l’intervalle,<br />
on évoquera l’hydraulique qui, bien que ressource externe, n’est pas sans rapport avec<br />
la géologie : perméabilité des terrains, construction de barrages, impact du changement<br />
climatique… Parmi les ressources énergétiques à proprement parler géologiques, nous<br />
distinguerons les catégories suivantes :<br />
– les énergies fossiles diverses (exogènes) ;<br />
– les substances minières endogènes (U, Th, H, C, méthane…) ;<br />
– la géothermie ;<br />
– l’espace souterrain pour l’énergie (stockages divers).<br />
On les classera alors en terme de durabilité : celles qui disparaissent par combustion,<br />
qui polluent (air, déchets), et celles qui sont recyclables, voire renouvelables. On montrera<br />
que les fossiles ne sont en rien durables, que les substances minières endogènes le<br />
sont davantage (réutilisation possible, pas de limite en profondeur pour les gisements…),<br />
voire localement renouvelables (H, C, CH 4 volcaniques). Puis on reprendra les grands
types de géothermie, leur répartition spatiale,<br />
pour conclure sur leurs perspectives dans le bilan des<br />
renouvelables.<br />
On tentera enfin de traiter de la contribution possible<br />
de la géologie pour le traitement des énergies non<br />
durables, ou potentiellement catastrophiques, comme<br />
les hydrates de méthane et leurs effets climatiques, et<br />
de la nécessité de les connaître, voire de les exploiter<br />
par mesure de prévention ou de précaution… On placera<br />
là les questions de stockage (énergie, CO2, déchets<br />
nucléaires…), questions clés pour le développement des<br />
renouvelables, souvent intermittentes.<br />
Rappels sur la structure de la planète<br />
et les ressources énergétiques<br />
qui en découlent<br />
La planète Terre présente la caractéristique – unique<br />
semble-t-il, au moins dans le système solaire – d’être<br />
constituée d’« enveloppes » concentriques solides,<br />
liquides et gazeuses, toutes mobiles et interagissant les<br />
unes avec les autres, que nous avions décrites en détail<br />
Production en Mtep<br />
12 000<br />
10 000<br />
8 000<br />
6 000<br />
4 000<br />
2 000<br />
0<br />
geology and energy<br />
dans Pour une Terre durable, collection Les Enjeux des<br />
Géosciences, 2 e édition (BRGM, 2005).<br />
Pendant les premiers millions d’années de son existence,<br />
l’homme a essentiellement utilisé les énergies offertes<br />
par ces milieux : biomasse, traction animale…. Les<br />
ressources du sous-sol (tourbe, lignite, charbon, puis<br />
pétrole et gaz naturel) ont ensuite apporté, notamment<br />
depuis les deux derniers siècles, les contributions déterminantes<br />
à un développement de tous les secteurs de<br />
l’économie et à une croissance démographique sans<br />
précédent (figure 1).<br />
Néanmoins, si l’on considère les diverses sources<br />
d’énergie naturelle actuellement disponibles et qu’on<br />
les compare aux besoins énergétiques de l’humanité,<br />
force est de constater que d’autres équilibres énergétiques<br />
sont possibles, par un recours accru aux énergies<br />
de flux de nature renouvelable et durable : solaire, éolien,<br />
hydraulique, énergie des mers et biomasse. Ce qui est<br />
heureux dans la mesure où, jusqu’ici, la croissance démographique<br />
est allée de pair avec celle de l’usage des<br />
énergies fossiles.<br />
1800 1820 1840 1860 1880 1900 1920 1940 1960 1980 2000<br />
Ó Charbon Ó Pétrole Ó Gaz<br />
Fig.1 : Production<br />
globale d’énergie<br />
fossile depuis 1800<br />
jusqu’en 2010.<br />
D’après Höök et al., 2012.<br />
Fig. 1: Global<br />
production of<br />
fossil energy from<br />
1800 to 2010.<br />
Adapted from Höök et al.,<br />
2012.<br />
09<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
10<br />
géologie et énergie<br />
Ó Charbon<br />
Ó Pétrole<br />
Ó Gaz<br />
Amérique<br />
du Nord<br />
Amérique centrale<br />
Amérique du Sud<br />
Après avoir exploité les roches<br />
réservoirs des combustibles fossiles,<br />
les recherches s’orientent<br />
aujourd’hui vers les roches-mères.<br />
Les énergies fossiles, leurs succès actuels<br />
et leurs limites « des deux bouts »<br />
Les énergies fossiles résultent de l’accumulation de la<br />
biomasse au sein de formations géologiques. Elles<br />
se trouvent donc essentiellement dans les bassins<br />
sédimentaires (figure 2) et peuvent se situer dans les<br />
dépôts eux-mêmes, directement fossilisées (c’est le cas<br />
du charbon ou des lignites), ou dans d’autres formations<br />
perméables sus-jacentes vers lesquelles les hydrocarbures<br />
fluides (liquides et/ou gazeux) ont pu migrer<br />
(figure 3). Après avoir exploité ces roches réservoirs par<br />
forages, les recherches s’orientent aujourd’hui vers les<br />
roches mères, avec les débats que l’on sait concernant<br />
les risques liés à ces exploitations qui nécessitent la<br />
fracturation de la roche peu perméable contenant les<br />
hydrocarbures. Les hydrates de méthane appartiennent<br />
aussi à la catégorie des ressources fossiles non exploitées<br />
actuellement, mais dont il convient de se soucier<br />
du fait du risque climatique qu’induirait leur libération<br />
en cas de dégel du permafrost [Bard (2006)].<br />
Europe Afrique Moyen-Orient Moyen Orient Inde<br />
Ex-URSS Ex URSS Chine<br />
Asie Pacifique<br />
Les énergies fossiles occupent toujours – malgré les<br />
politiques de maîtrise de l’énergie, de développement<br />
des énergies renouvelables et l’effort considérable mis<br />
sur l’énergie nucléaire ces quarante dernières années –<br />
une place largement prédominante dans le bilan<br />
énergétique de la planète (figure 1). Globalement, même<br />
si leur proportion décroît, elles n’ont cessé de croître<br />
en quantité totale produite (figure 4). Il ne fait pas de<br />
doute que le développement des pays de l’OCDE depuis<br />
la seconde guerre mondiale, notamment pendant<br />
les « trente glorieuses », découle très directement de<br />
cette énergie devenue abondante et bon marché. Les<br />
avertissements visionnaires du « club de Rome » et les<br />
chocs pétroliers des années 1970 ont entraîné la mise<br />
en place de politiques publiques souvent volontaristes,<br />
mais celles-ci ont pour l’essentiel été abandonnées<br />
dès le premier « contre-choc » de 1986. Seuls quelques<br />
pays ont continué à investir dans d’autres domaines<br />
d’énergie au cours des vingt années suivantes : notamment<br />
les Scandinaves dans les énergies renouvelables<br />
et les Français dans l’énergie nucléaire.<br />
Dès 1992 pourtant, le sommet de la Terre à Rio de Janeiro<br />
a été l’occasion, en reprenant les conclusions du premier<br />
rapport du GIEC, d’une prise de conscience des chefs<br />
d’États et des organisations internationales concernant<br />
les limites à imposer aux émissions de gaz à effet de<br />
serre (GES) issus pour l’essentiel de la combustion<br />
des énergies fossiles (tableau 1). La convention Climat,<br />
puis le protocole de Kyoto, offrirent l’occasion de mettre<br />
Fig. 2 : Carte<br />
des principales<br />
ressources<br />
en énergies fossiles<br />
de la planète.<br />
Fig. 2: Map of<br />
the planet’s main<br />
fossil energy<br />
resources.<br />
© BRGM
Roche<br />
couverture<br />
Roche<br />
couverture<br />
Roche<br />
réservoir<br />
Roche mère<br />
Fig. 3 : Coupe géologique schématique présentant les réservoirs<br />
conventionnels de pétrole et de gaz issus des roches mères sous-jacentes<br />
aujourd’hui visées également pour la production d’énergie fossile.<br />
Selon la température atteinte par la couche de roche-mère (qui dépend<br />
essentiellement de la profondeur de l’enfouissement), les hydrocarbures<br />
produits pourront être essentiellement liquides (pétrole) ou gazeux.<br />
Production mondiale de charbon, pétrole et gaz<br />
(Gtep/an)<br />
5<br />
4,5<br />
4<br />
3,5<br />
3<br />
2,5<br />
2<br />
1,5<br />
1<br />
0,5<br />
Charbon<br />
Prévision<br />
Évolution de<br />
la concentration<br />
atmosphérique<br />
en CO2 selon<br />
les scénarios<br />
du GIEC<br />
Trente Glorieuses<br />
Pétrole<br />
Prévision<br />
Suintement<br />
de pétrole<br />
Gaz<br />
Prévision<br />
Immaturité<br />
thermique<br />
Fenêtre<br />
à huile<br />
Fenêtre<br />
à gaz<br />
Valeur moyenne de cette évolution<br />
0<br />
0<br />
1850 1900 1950<br />
2000<br />
2050<br />
2100<br />
Mt Tcf Gbep<br />
Facteur de<br />
conversion<br />
CO2<br />
(Mt C)<br />
Profondeur (m)<br />
0<br />
1 000<br />
2 000<br />
3 000<br />
4 000<br />
huile<br />
Matière organique c-h-o-n<br />
Dégradation biochimique o-n<br />
Dégradation thermique<br />
gaz<br />
h-c<br />
kérogène<br />
Carbonisation<br />
Résidu de<br />
carbone<br />
+c<br />
0 20 40 60 80 100<br />
Hydrocarbures générés (%)<br />
Fig. 3: Schematic geological section depicting the conventional reservoirs<br />
of oil and gas from the underlying bedrock which today are targeted for fossil<br />
energy production. Depending on the temperature prevailing in the bedrock layer<br />
(determined essentially by the depth at which it is buried), the hydrocarbons<br />
produced could be essentially liquid (oil) or gaseous.<br />
© D’après IFP Energies Nouvelles, France – Université de Laval, Canada.<br />
CO2<br />
(Mt)<br />
1 000<br />
900<br />
800<br />
700<br />
600<br />
500<br />
400<br />
300<br />
200<br />
100<br />
Concentration atmosphérique de CO2 (ppm)<br />
CO2<br />
(Mt/Gbep)<br />
Charbon 860 938 3 300 0,7326 630 700 2 315 000 700<br />
Gaz 6 609 1 172 14,56 96 200 353 200 300<br />
Pétrole 1 383 106,1 146 700 538 500 390<br />
Fig. 4 : Schéma illustrant le bilan du carbone<br />
fossile dans la période 1850-2100.<br />
On observe les pics successifs de production<br />
des énergies fossiles : pétrole (bleu foncé),<br />
gaz naturel (bleu clair) puis charbon (noir),<br />
et la croissance des émissions de CO2<br />
résultant de leur combustion dans l’enveloppe<br />
(en jaune) des divers scénarios du GIEC.<br />
Fig. 4: Graph illustrating the total amount<br />
of fossil carbon over the period 1850-2100.<br />
We note the successive production peaks<br />
for fossil fuel productions: oil (dark blue),<br />
natural gas (light blue), and coal (black),<br />
then, in the yellow envelope, the increase<br />
in CO2 emissions from their combustion<br />
following various IPCC scenarios.<br />
Source : J. Varet/Futuribles, 2005.<br />
Tableau.1 : Les réserves en énergie fossiles<br />
de la planète, leur contenu énergétique et<br />
les émissions de GES résultant de leurs combustions<br />
respectives.<br />
Table 1: The planet’s fossil energy reserves,<br />
their energy content and the GHG resulting<br />
from their respective combustion.<br />
Source: BP Statistical Review of World Energy, 2010.<br />
11<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
12<br />
géologie et énergie<br />
Dès 1992, le sommet de la Terre<br />
à Rio de Janeiro a été l’occasion d’une<br />
prise de conscience<br />
des chefs d’États et<br />
des organisations internationales.<br />
en place une nouvelle forme de solidarité planétaire,<br />
selon laquelle les pays les plus émetteurs s’engageaient<br />
dans une politique de réduction permettant aux pays<br />
émergents et en développement de bénéficier d’une<br />
croissance tout en plafonnant les émissions globales<br />
(voir aussi article de D. Houssin en introduction scientifique,<br />
ce numéro). Mais la mise en œuvre concrète de ces mesures<br />
a été battue en brèche par les intérêts nationaux de<br />
quelques pays clés, notamment les États-Unis, les états<br />
du Golfe et la Russie.<br />
Dans le même temps, les géologues de l’ASPO (1)<br />
rappelaient qu’en tout état de cause les ressources<br />
fossiles étaient limitées et que les « pics » de production<br />
de pétrole, puis de gaz, puis de charbon seraient successivement<br />
atteints dans la même période (2020-2050 ;<br />
figure 4). Et, de fait, la production mondiale ne répondant<br />
plus à la demande croissante des pays émergents<br />
(la Chine notamment), le constat de la rareté a été<br />
progressivement reconnu par les producteurs eux-mêmes.<br />
La croissance des prix des énergies fossiles qui en résulte<br />
est venue jouer le rôle régulateur que les politiques<br />
publiques climatiques ne parvenaient pas à mettre<br />
en œuvre (figure 5).<br />
Ainsi, les énergies fossiles sont « coincées aux deux<br />
bouts ». Qu’il s’agisse de la production initiale ou des<br />
émissions finales, elles devront inéluctablement faire<br />
place aux énergies renouvelables. La géologie présentant<br />
des disparités considérables, l’Europe, du fait de la<br />
faiblesse de ses propres ressources fossiles, se retrouve<br />
à viser une position de leader dans cette recherche<br />
d’énergies alternatives. (figure 6).<br />
(1) Association for the study of Peak Oil&Gas. http://aspofrance.org/<br />
La croissance des prix des énergies fossiles<br />
est venue jouer le rôle régulateur<br />
que les politiques publiques climatiques<br />
ne parvenaient pas à mettre en œuvre.<br />
90<br />
Gtec<br />
80<br />
70<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
€/Baril constant<br />
base 2009<br />
€/Baril courant<br />
0<br />
1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009<br />
250<br />
200<br />
Fig. 5 : Évolution des cours du pétrole en euros par baril, prix constants<br />
et courants base 2009.<br />
Fig. 5: Evolution of oil prices in euros per barrel, constant prices and current,<br />
base 2009.<br />
Source : UFIP, 2012.<br />
150<br />
100<br />
50<br />
0<br />
225<br />
USA<br />
189<br />
Russie<br />
94<br />
Inde<br />
92<br />
Chine<br />
92<br />
Australie<br />
58<br />
Arabie<br />
Saoudite<br />
Ó Uranium<br />
Ó Charbon<br />
57<br />
Iran<br />
54<br />
Canada<br />
31<br />
Qatar<br />
Ó Pétrole<br />
Ó Gaz<br />
Fig. 6 : La grande dépendance énergétique de l’Europe s’observe sur<br />
ce diagramme figurant, par importance décroissante, les réserves en pétrole,<br />
en gaz naturel, en charbon et en uranium des dix premiers pays producteurs<br />
de la planète. Toutes énergies ramenées en équivalent gigatonne de charbon.<br />
Fig. 6: Europe’s massive energy dependence is seen on this diagram, depicted,<br />
by decreasing order of importance, oil, natural gas, coal and uranium reserves<br />
for the planet’s ten largest producers. All the energies are expressed in equivalent<br />
gigatonne of coal.<br />
Source : BGR, Allemagne.<br />
31<br />
Venezuela
Publicité<br />
Près de 500 géologues en<br />
formation<br />
L’Institut Polytechnique LaSalle Beauvais a pour<br />
objectif de former des ingénieurs et des techniciens<br />
reconnus et appréciés par les professionnels dans<br />
les domaines des Sciences de la Terre et de<br />
l’Environnement. Chaque année, LaSalle Beauvais<br />
diplôme 25 à 30 Techniciens Supérieurs (Bac+3)<br />
et 80 Ingénieurs (Bac+5), soit près de 500 jeunes<br />
en formation. Ces diplômes présentent des débouchés<br />
dans des domaines variés : ressources énergétiques,<br />
ressources minérales, eau, environnement,<br />
géotechnique et enseignement-recherche.<br />
Le terrain, une marque de<br />
fabrique !<br />
L’enseignement repose sur une pédagogie originale<br />
avec une grande variété de mises en situation<br />
concrètes et d’expérimentations par le groupe<br />
avec des stages de terrain, des projets de recherche,<br />
des projets d’innovation et d’entreprenariat,<br />
des projets d’application industrielle, des stages<br />
en entreprise. Les apprentissages sur le terrain<br />
dépassent 20 semaines d’enseignement dont 14 de<br />
cartographie géologique dans des contextes<br />
géologiques variés.<br />
Les ressources énergétiques minières<br />
endogènes<br />
La nature même de l’enveloppe solide de la planète,<br />
essentiellement silicatée, recèle elle aussi des ressources<br />
énergétiques intéressantes. Il s’agit d’une part des<br />
substances radioactives, comme l’uranium, dont les<br />
filières de production ont été développées ces dernières<br />
années, ou le thorium, plus abondant encore, mais non<br />
encore exploité industriellement.<br />
Présent en traces dans la lithosphère continentale, avec<br />
une concentration moyenne de 1,7 ppm (et 0,003 mg/l<br />
dans l’eau de mer), les teneurs en uranium nécessaires à<br />
une bonne rentabilité minière dépassent généralement<br />
le gramme par tonne, mais des teneurs aussi basses que<br />
150 à 250 ppm sont néanmoins exploitées. Les besoins<br />
dans les années 2020 sont évalués à 80 000 tonnes<br />
d’uranium par an, ce qui nécessite la découverte et la mise<br />
en exploitation de nouvelles mines, la production actuelle<br />
étant de 65 000 tonnes. Au plan géologique, si l’origine<br />
de l’uranium est endogène (magmatique et hydrothermale),<br />
les meilleurs gisements se trouvent dans les<br />
formations sédimentaires détritiques (grès et conglomérats)<br />
ou résultent d’altérations supergènes.<br />
geology and energy<br />
LaSalle Beauvais, apprendre la Terre en grand<br />
Une ouverture aux enjeux<br />
industriels<br />
Au-delà des bases scientifiques et techniques,<br />
l’enseignement des 3 premières années intègre<br />
des disciplines utiles à la résolution des<br />
problématiques industrielles comme l’économie,<br />
la gestion financière, le droit, la communication<br />
mais aussi l’apprentissage de plusieurs langues<br />
étrangères. Lors des 2 dernières années, la<br />
gestion de projet prend alors en compte les<br />
dimensions économiques, environnementales et<br />
sociétales, en plus de la faisabilité technique et du<br />
suivi managerial.<br />
4 prix à des concours<br />
internationaux<br />
Fait remarquable, nos élèves ont participé à 4<br />
concours internationaux réunissant les principaux<br />
masters des universités d’Europe, voire du<br />
monde. Ils ont été systématiquement primés<br />
dans des domaines aussi variés que les<br />
nouvelles énergies (3 ème à l’Energia Challenge<br />
en 2012), la géologie pétrolière (3 ème à l’Imperial<br />
Barell Award en 2012), la géophysique marine<br />
(2 ème au SEG Challenge Bowl en 2011) et la<br />
géologie minière (1 er au travail en équipe au<br />
Déposer une offre de stage : stage@lasalle-beauvais.fr<br />
Recruter un collaborateur : emploi@lasalle-beauvais.fr<br />
Le cycle de la production d’énergie nucléaire se caractérise<br />
aussi par la génération de déchets radioactifs à<br />
vie longue, pour lesquels à ce jour seule la solution du<br />
stockage géologique s’avère possible. Les géosciences<br />
sont, ici aussi, convoquées pour une approche impliquant<br />
la recherche de sites à très faible perméabilité et le déploiement<br />
de technologies adaptées (barrières minérales,<br />
réseaux de surveillance…) présentant des garanties de<br />
stabilité à très long terme (de l’ordre du million d’années,<br />
que seul le géologue peut appréhender, bien entendu<br />
avec l’aide des sciences humaines et sociales).<br />
L’activité magmatique et hydrothermale peut aussi faire<br />
remonter vers la surface des éléments d’intérêt énergétique,<br />
comme le carbone, l’hydrogène ou le méthane.<br />
Certains gisements de méthane, notamment sibériens,<br />
sont ainsi d’origine endogène ; les zones volcaniques<br />
en extension (dorsales océaniques et rifts) peuvent<br />
renfermer des sources d’hydrogène, non exploitables à<br />
l’heure actuelle, mais vraisemblablement accessibles<br />
un jour. Des recherches engagées dans le cadre du<br />
programme international de forages profonds continentaux<br />
(DSDP) permettent d’ores et déjà d’atteindre<br />
les systèmes supercritiques permettant un accès à la<br />
production d’hydrogène (2).<br />
(2) http://www.icdp-online.org/front_content.php?idcat=709<br />
concours du jeune chercheur à St Pétersbourg<br />
en 2010).<br />
Des nouveautés ?<br />
Dernière nouveauté : le dispositif de l’alternance<br />
pour la formation des Techniciens supérieurs<br />
est opérationnel depuis 2012.<br />
D’autre part, pour être diplômé à partir de<br />
2015, les Ingénieurs devront avoir validé une<br />
période de 14 semaines à l’étranger.<br />
Hervé Leyrit<br />
Directeur de la Spécialité Géologie<br />
Elèves-ingénieurs LaSalle Beauvais, stage d’acquisition,<br />
traitement et interprétation sismique , Villefranche sur Mer<br />
www.lasalle-beauvais.fr<br />
Geosciences_n16_publi.indd 1 08/02/2013 17:47:56<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />
13
14<br />
géologie et énergie<br />
La géothermie<br />
Le flux géothermique terrestre serait, à lui seul, suffisant –<br />
si l’on disposait des moyens pour le capter efficacement<br />
– pour répondre aux besoins énergétiques de l’humanité.<br />
La géothermie a donc sa place parmi les énergies renouvelables<br />
auxquelles on doit faire appel pour remplacer<br />
les énergies fossiles émettrices de GES. En comparaison<br />
avec les autres énergies de flux provenant des enveloppes<br />
plus externes de la planète, elle présente l’avantage<br />
d’offrir des capacités naturelles de stockage, du fait des<br />
caractéristiques de conductivité thermique et des masses<br />
disponibles en sous-sol. Le stock énergétique disponible<br />
est immense et dépasse largement les besoins cumulés<br />
des générations futures (figure 7).<br />
Mais ici plus qu’ailleurs, la science géologique doit<br />
être mise en œuvre avec acuité car, au-delà des valeurs<br />
moyennes, les exploitations géothermiques doivent<br />
prendre en compte plusieurs éléments permettant<br />
d’identifer les gisements économiquement exploitables<br />
selon la disponibilité et la maturité des technologies :<br />
– le gradient géothermique, lui-même déterminé par le<br />
flux et la conductivité des terrains, qui peut varier de<br />
3 °C par 100 mètres dans les zones stables à des valeurs<br />
dix fois supérieures dans les zones géologiques actives ;<br />
– la perméabilité des formations géologiques, dites réservoirs<br />
lorsqu’elles permettent une production suffisante<br />
du fluide contenu, une fois atteintes par forage. Cette<br />
perméabilité peut être soit « de formation » lorsqu’elle<br />
découle des propriétés propres de la couche géologique,<br />
soit « de fracture » lorsqu’elle résulte d’un<br />
contexte tectonique favorable ;<br />
En mètres<br />
0<br />
150<br />
300<br />
450<br />
600<br />
750<br />
900<br />
1 050<br />
0<br />
50 °C/1 000 m<br />
50 100 150<br />
En °C<br />
200 250<br />
60 à 100 MW/m 2 dans les zones stables<br />
(soit 60 à 100 kW par km 2 )<br />
Jusqu’à 10 fois plus dans les zones actives<br />
(soit 1 MW ou plus par km 2 )<br />
4 000 °C<br />
5 000 °C<br />
– la qualité même du fluide géothermique, toujours<br />
chargé en éléments chimiques divers du fait de<br />
l’augmentation de la solubilité des minéraux avec<br />
la température, et éventuellement enrichi en gaz<br />
hérités des formations traversées ou des apports<br />
magmatiques.<br />
Ainsi peut-on distinguer deux grands types de géothermie<br />
dont on présente plusieurs exemples détaillés dans<br />
ce volume :<br />
– celle des bassins sédimentaires dans lesquels des<br />
aquifères peuvent être identifiés et exploités pour le<br />
chauffage, avec ou sans pompes à chaleur, avec une<br />
relative certitude du fait de la continuité des formations<br />
géologiques ;<br />
– celle des zones tectoniques ou volcaniques actives<br />
dans lesquelles une source de chaleur superficielle<br />
permet de disposer d’un fluide géothermal à une<br />
température suffisante pour produire de l’électricité<br />
(figure 8).<br />
Mais il s’agit ici d’une subdivision très schématique, dans<br />
la mesure où, d’une part la géologie offre nombre de<br />
situations intermédiaires ou différentes permettant<br />
la mise en œuvre de systèmes spécifiques (systèmes<br />
stimulés par exemple) et, d’autre part, les technologies<br />
offrent un panel élargi de solutions (échangeurs directs<br />
en sous-sol, utilisation de fluides binaires, utilisation en<br />
cascade de l’énergie, par exemple). En tout état de cause,<br />
la diversité et la créativité sont des règles en la matière,<br />
qu’il s’agisse du versant géoscientifique ou du versant<br />
technologique de la discipline.<br />
6 000 km<br />
140 millions EJ emmagasinés dans<br />
les 5 premiers kilomètres de la croûte terrestre<br />
99 % de notre planète est à plus de 1 000 °C<br />
4 000 km<br />
2 000 km<br />
Le flux<br />
géothermique<br />
terrestre serait,<br />
à lui seul,<br />
suffisant<br />
pour répondre<br />
aux besoins<br />
énergétiques<br />
de l’humanité.<br />
Fig. 7 : Flux et<br />
gradients géothermiques<br />
dans les zones stables<br />
et les zones géodynamiques<br />
actives de la planète,<br />
et énergie emmagasinée dans<br />
les cinq premiers kilomètres<br />
(accessibles par forage)<br />
de la lithosphère.<br />
Fig. 7: Geothermal flow<br />
and gradients within<br />
the planet’s stable zones<br />
and its geodynamically active<br />
ones and the energy stored<br />
within the top 5 kilometers<br />
of the lithosphere<br />
(accessible via borehole).<br />
© BRGM
Eau de pluie<br />
Le stockage géologique<br />
et ses perspectives<br />
Le développement des activités humaines à la surface<br />
de la planète aboutit à un certain encombrement de<br />
l’espace, notamment dans les mégapoles [Varet J. (2009)]<br />
ou les zones industrielles. Mêmes les zones agricoles<br />
et les espaces naturels méritent d’être préservés pour<br />
leurs fonctions spécifiques. De ce fait, le sous-sol offre<br />
des solutions attractives, compte tenu de l’espace<br />
disponible à la verticale du lieu concerné et de la diversité<br />
de ses caractéristiques géologiques selon la<br />
profondeur. Dans le domaine de l’énergie, on est encore<br />
loin d’avoir optimisé la gestion de l’espace en 3D. Or, non<br />
seulement cet espace peut être dédié à des fonctions<br />
spécifiques de stockage d’énergie, de CO2 [Varet J. (2006)]<br />
ou de déchets (nucléaires, par exemple), mais encore il<br />
est possible de développer des utilisations combinées<br />
(extraction de matière première minérale et stockage,<br />
par exemple).<br />
Les choix et formes possibles de stockage d’énergie<br />
sont très nombreuses, qu’il s’agisse de gaz (méthane,<br />
pratiqué de longue date, air comprimé, hydrogène),<br />
de liquide (hydrocarbure, eau chaude ou autre fluide<br />
Réservoir géothermal<br />
Eau chaude<br />
+ vapeur<br />
Zone supercritique<br />
Roche chaude Roche chaude<br />
Magma (800 à 1 200 °C)<br />
Fig. 8 : Coupe schématique d’un gisement géothermique<br />
de haute température classique, avec source de chaleur<br />
magmatique (800 à 1 200 °C à une profondeur de 5 à 10 km),<br />
zone supercritique dominée par des fluides salins<br />
et chargés en métaux dissous, réservoir géothermal<br />
exploitable (température de 150 à 300 °C) et couverture<br />
imperméable, avec réalimentation naturelle du gisement<br />
par des eaux météoritiques et/ou marines.<br />
Eau de pluie<br />
Fig. 8: Schematic section of a classic high-temperature<br />
geothermal deposit, having a magmatic heat source<br />
(800 to 1200 °C at a depth of 5 to 10 km), a supercritical zone<br />
dominated by saline fluids charged in dissolved metals,<br />
an exploitable geothermal reservoir (temperature between<br />
150 and 300 °C) and impermeable cover, with a natural<br />
recharge of the deposit by meteoric waters or seawater.<br />
Source : La géothermie, collection les enjeux des Géosciences, BRGM/Ademe<br />
caloporteur) ou de formes d’énergie cinétique ou<br />
thermique. Quelques exemples sont détaillés dans les<br />
articles qui suivent, au sein de ce volume.<br />
Ce tour d’horizon permet de dresser un tableau montrant<br />
la part essentielle des disciplines géologiques – qu’elles<br />
soient fondamentales ou liées à l’ingénierie et aux<br />
technologies innovantes – dans la résolution des problèmes<br />
posés par la « transition énergétique », pour passer en<br />
quelques décennies du « tout fossile » au « tout renouvelable<br />
». Même si les ressources à mobiliser proviendront<br />
plus largement des flux issus des « enveloppes externes »<br />
de la planète, les sciences de la terre continueront à<br />
apporter une contribution déterminante, qu’il s’agisse<br />
de la production ou du stockage. En définitive, les métiers<br />
des géosciences devront s’engager simultanément sur<br />
deux fronts : celui de la découverte de ressources toujours<br />
plus profondes et difficiles d’accès, nécessitant des<br />
technologies toujours plus sophistiquées, et celui des<br />
procédés d’utilisation du sous-sol pour un meilleur usage<br />
de l’énergie et au service des énergies renouvelables<br />
et décarbonées. Voilà des perspectives mobilisatrices<br />
pour la jeunesse, la formation et les entreprises<br />
innovantes. n<br />
Geology and Energy<br />
Ease of access to low-cost<br />
energy over recent decades<br />
in our self-styled “developed”<br />
countries has caused a<br />
majority of people to loose<br />
sight of the very origin of<br />
these resources that have<br />
procured such abundance and<br />
well-being. Humanity, today,<br />
relies essentially on fossil fuels<br />
discovered in the sub-surface<br />
of planet Earth, mainly in the<br />
pre-1980 years, notably thanks<br />
to conceptual leaps made<br />
possible by newly achieved<br />
discoveries of global tectonics,<br />
space imagery and applied<br />
geophysics. While continual<br />
technical advances enable<br />
ever-deeper resources to be<br />
tapped, climate constraints<br />
force us to reconsider the very<br />
bases of these delicate<br />
balances. They will necessarily<br />
need to be revised via<br />
improved adaptation of supply<br />
to demand, mastering<br />
consumption and recourse<br />
to sustainable, carbon-free<br />
energy sources. Now, while<br />
these mobilize resources in the<br />
planet’s outermost envelopes<br />
(solar and wind power, ocean<br />
energy, biomass...),<br />
the geosciences are once again<br />
called into play to devise<br />
the very infrastructures<br />
for these energy-producing<br />
systems, thereby enabling<br />
geothermal resources and<br />
underground storage solutions<br />
to be developed.<br />
And this, whether we are<br />
ensuring “clean” use of fossil<br />
fuels (and notably the most<br />
abundant of these, coal) or<br />
making available the storage<br />
solutions that are an absolute<br />
necessity for these renewable<br />
energies, essentially<br />
intermittent by nature.<br />
Bibliographie : Bard, E. (2006) – Variations climatiques naturelles et anthropiques. In BRGM Revue Géosciences n° 3 : le Changement climatique, p. 30-35. BRGM (2005) – Pour une Terre durable, collection<br />
Les enjeux des Géosciences, 2 e édition. BRGM (2009) – « 10 enjeux des Géosciences » – Dossier spécial Année internationale de la Planète Terre, 124 p. BRGM/ADEME (2008) – « La géothermie, quelles technologies<br />
pour quels usages ? » – Collection Enjeux des Géosciences, 64 p., 2 e édition. Höök, M., Li J., Johansson, K., Snowden, S. (2012) – Growth rates of global energy systems and future outlooks. Natural Resources<br />
Research, Vol. 21, No.1. Varet, J. (2005) – Les matières premières minérales : flambée spéculative ou pénurie durable ? in Futuribles, Alerte sur les Matières Premières, n° 306, p. 5-24. Varet, J. (2006) – Capture<br />
et stockage du dioxide de carbone : le rapport du GIEC. In BRGM Revue Géosciences n° 3: le Changement climatique, p. 72-78. Varet, J. (2009) – Voir la ville en 3D. In BRGM Géosciences n° 10 : Villes et géologie<br />
urbaine, p. 6-7.
16<br />
géothermie<br />
géothermie : source d’indépendance énergétique et de développement durable<br />
Déjà présente dans 78 pays,<br />
la production d’énergie<br />
géothermique (chaleur et électricité<br />
confondues) constitue<br />
une importante source<br />
de développement.<br />
Avec plus de 11 GW de capacité<br />
installée dans le monde (soit<br />
l’équivalent de douze réacteurs<br />
nucléaires), la production électrique<br />
d’origine géothermique assure<br />
déjà entre 10 et 30 % des besoins<br />
de six pays, dont les Philippines<br />
et le Costa Rica.<br />
Les autres applications de<br />
la géothermie, dans l’agriculture,<br />
l’industrie ou le chauffage urbain,<br />
se développent à cadence élevée<br />
partout dans le monde.<br />
Erwan Bourdon<br />
CFG Services<br />
e.bourdon@cfg.brgm.fr<br />
Dominique Tournaye<br />
CFG Services<br />
d.tournaye@cfg.brgm.fr<br />
Tête de puits, centrale géothermique de Fang,<br />
Thaïlande.<br />
Wellhead, Fang geothermal power plant,<br />
Thailand.<br />
© P. Eurin.<br />
Géothermie : source<br />
d’indépendance<br />
énergétique et de<br />
développement durable<br />
Une énergie accessible à tous<br />
Les ressources géothermiques sont virtuellement accessibles partout dans le monde,<br />
soit par l’utilisation directe ou indirecte de la chaleur des systèmes de moyenne à<br />
haute énergie (> 90 °C), soit par l’utilisation de pompes à chaleur pour les ressources<br />
de basse énergie.<br />
Les ressources géothermiques les plus intéressantes, situées dans des réservoirs de moyenne<br />
à haute température (> 90 °C) à faible profondeur (< 2-3 km), sont constituées d’eau chaude<br />
et/ou de vapeur d’eau et sont présentes sur l’ensemble des continents (figure 1). Elles<br />
sont donc une source d’énergie importante pour le développement, notamment dans<br />
les pays dépourvus de ressources en énergies fossiles ou dans les zones dépourvues<br />
d’infrastructures. Ces ressources de<br />
moyenne à haute énergie sont localisées<br />
essentiellement dans les zones présentant<br />
une activité volcanique et/ou tectonique<br />
récente ayant engendré une anomalie<br />
géothermique locale ou régionale (figure 2).<br />
Tous les pays bordant l’océan Pacifique<br />
présentent un fort potentiel : du Chili, à<br />
Tous les pays bordant l’océan<br />
Pacifique présentent un fort<br />
potentiel géothermal.
80 MW<br />
< 500 MW<br />
< 1 000 MW<br />
< 3 100 MW<br />
Prévisions 2015<br />
geothermal energy: a source of energy independence and sustainable development<br />
Fig. 1 : Carte mondiale des zones les plus favorables (couleur<br />
orange) pour la production d’énergie d’origine géothermique.<br />
État des capacités en production électrique d’origine<br />
géothermale installée en 2010 (ronds rouges) et prévues pour<br />
2015 (cercles en pointillés rouges).<br />
Fig. 1: World map of the most favorable zones (in orange) for<br />
geothermal energy production. Status of geothermal power<br />
generation installed capacities in 2010 and projected for 2015<br />
(red dashed circles). © BRGM, CCGM<br />
l’extrémité sud du continent sud-américain, à la<br />
Nouvelle-Zélande, en passant par l’Amérique centrale,<br />
les États-Unis, le Japon, les Philippines et la Micronésie.<br />
Dans l’océan Indien, l’Indonésie présente le plus fort potentiel<br />
géothermique en raison de sa forte activité volcanique<br />
plio-quaternaire. La plupart des îles volcaniques du<br />
globe possèdent, à des degrés divers, des ressources exploitables<br />
: il s’agit aussi bien des îles intraocéaniques comme<br />
Hawaii, l’Islande ou la Réunion, que des arcs insulaires<br />
(Petites Antilles, Sandwich, Vanuatu, etc.). Enfin, les grands<br />
domaines continentaux tectonisés aux frontières de<br />
plaques, liés ou non à du volcanisme récent, présentent<br />
aussi un grand intérêt ; de la chaîne alpine stricto sensu<br />
à l’Himalaya, en passant par la Turquie, ainsi que le rift<br />
est-africain (voir encadré page 24).<br />
Par ailleurs, bien que moins spectaculaires, les ressources<br />
de basse énergie existent dans un grand nombre de<br />
Boiling Lake<br />
sur l’île de la<br />
Dominique<br />
(Arc des Antilles).<br />
Il est situé dans<br />
un ancien cratère<br />
d’explosion de la Vallée<br />
de la Désolation.<br />
Sa température<br />
varie entre 80 et 90 °C<br />
et son pH entre 4 et 6.<br />
Boiling Lake on<br />
the Caribbean island<br />
of Dominica.<br />
It occupies an extinct<br />
explosive crater<br />
in the Desolation<br />
Valley.<br />
Water temperature<br />
ranges between<br />
80 and 90 °C<br />
and its pH between<br />
4 and 6.<br />
© CFG Services – E. Bourdon<br />
17<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
18<br />
géothermie : source d’indépendance énergétique et de développement durable<br />
Caprock imperméable<br />
(conduction thermique)<br />
Réservoir<br />
(convection thermique)<br />
Roche imperméable<br />
(conduction thermique)<br />
Puits<br />
géothermique<br />
pays et sont généralement liées à de grands bassins<br />
sédimentaires suffisamment profonds pour posséder<br />
des aquifères chauffés par un gradient géothermique<br />
« normal ». C’est le cas du Bassin parisien, en France, déjà<br />
exploité depuis plus de trente ans, et des grands aquifères<br />
continentaux du Maghreb, de Chine centrale ou<br />
d’Asie centrale (Kazakhstan, par exemple).<br />
Des ressources variées<br />
pour des applications diversifiées<br />
Fluides chauds<br />
Souvent qualifiée d’« énergie nouvelle » en raison de<br />
son application récente dans la production d’électricité<br />
décarbonée, la géothermie est en réalité utilisée depuis<br />
l’Antiquité, de façon directe, notamment dans les bains<br />
thermaux dont de nombreux sites sont encore en<br />
activité de nos jours. En puissance thermique produite,<br />
le thermalisme constitue d’ailleurs toujours aujourd’hui<br />
la deuxième application de la géothermie dans le monde.<br />
Le type d’application de la géothermie dépend essentiellement<br />
de la température de la ressource exploitée.<br />
Ainsi, on distingue les utilisations indirectes de la<br />
géothermie (principalement, la production d’électricité<br />
via le turbinage d’un fluide vaporisé) et les utilisations<br />
directes qui vont extraire du fluide géothermal les<br />
calories nécessaires (pour le chauffage ou un processus<br />
industriel, par exemple). En 2011, il existait une puissance<br />
Source chaude<br />
ou fumerolle<br />
Zone de recharge<br />
Flux de chaleur<br />
(conduction)<br />
Intrusion magmatique<br />
Eau<br />
météorique<br />
froide<br />
électrique installée de 11 000 MWe (figure 1) dans le<br />
monde et une puissance thermique de 50 600 MWth.<br />
Cette dernière permet la production de près de 122 GWh<br />
d’énergie géothermique par an pour des applications<br />
très diversifiées.<br />
La première d’entre elles est le chauffage par pompe<br />
à chaleur (figure 3). Elle tire généralement parti des<br />
ressources de très basse énergie (< 30 °C) dont elle extrait<br />
les calories pour les transférer à un fluide secondaire.<br />
Les capacités installées ont été multipliées par sept<br />
depuis l’an 2000 et, parmi les 43 pays utilisant cette<br />
technologie, elle est devenue une source significative<br />
de chauffage pour les maisons individuelles en Suède,<br />
au Danemark et en Suisse.<br />
Avec des températures supérieures, la ressource<br />
géothermale peut être utilisée, toujours directement,<br />
pour le chauffage et la production d’eau chaude,<br />
notamment de quartiers urbains entiers via des<br />
Fig. 2 : Modèle<br />
conceptuel<br />
d’un système<br />
géothermal.<br />
Fig. 2: Diagram<br />
of a geothermal<br />
system.<br />
© BRGM – Art Presse<br />
En puissance thermique produite, le thermalisme<br />
constitue aujourd’hui la deuxième application<br />
de la géothermie dans le monde.
geothermal energy: a source of energy independence and sustainable development<br />
Fig. 3 : Proportion d’utilisation de la chaleur d’origine<br />
géothermique pour les principales applications.<br />
Fig. 3: Proportion of geothermal heat use for the main<br />
applications.<br />
Source : IGA (International Geothermal Association).<br />
réseaux de chaleur. Les pays en pointe dans ce domaine<br />
sont la France (avec le Bassin parisien et le Bassin<br />
aquitain), l’Islande et la Chine. Également dans le<br />
domaine urbain, les ressources géothermales peuvent<br />
être utilisées en hiver pour le dégivrage de ponts,<br />
de trottoirs ou même de pistes d’aéroports. Par ailleurs,<br />
si la ressource est suffisamment chaude (généralement<br />
supérieure à 90 °C), elle peut aussi être utilisée pour<br />
produire du froid via une pompe à sorption.<br />
Dans le domaine industriel, la géothermie peut<br />
permettre la désalinisation de l’eau de mer, le séchage<br />
de produits, la pasteurisation, la production de ciment.<br />
La récupération de métaux dissous (lithium, par exemple)<br />
et de gaz à partir des eaux géothermales peut représenter<br />
une valorisation complémentaire. Les autres<br />
applications incluent des utilisations dans le domaine<br />
de l’agriculture : chauffage de serres et de bâtiments<br />
agricoles, aquaculture, séchage de produits agricoles.<br />
La Tunisie, par exemple, exploite depuis plusieurs années<br />
la géothermie dans le domaine agricole, notamment<br />
dans le sud du pays (zones de Kebili, Tozeur, Gabes et<br />
Gafsa). La ressource hydrothermale est puisée dans<br />
des grands aquifères continentaux d’âge mio-pliocène<br />
ou Crétacé inférieur. La température de la ressource<br />
peut monter jusqu’à 83 °C. Sa première utilisation est<br />
le chauffage et l’irrigation des serres de culture qui<br />
se développent à cadence élevée dans le sud du pays.<br />
De 111 ha en 2005, leur surface est passée à 194 hectares<br />
en 2010 avec un objectif affiché de 315 hectares en 2016.<br />
Le chauffage et l’irrigation permettent une croissance<br />
optimale des cultures maraîchères sous serres qui ne<br />
souffrent plus de la baisse sensible des températures<br />
pendant la nuit.<br />
Une réponse à la crise énergétique<br />
mondiale et au changement climatique<br />
Propre, renouvelable et la plupart du temps économique,<br />
la géothermie constitue, avec les autres énergies<br />
nouvelles, une solution de remplacement crédible face<br />
à l’épuisement des énergies fossiles et répond également<br />
aux enjeux de lutte contre le réchauffement<br />
climatique. En fonction du facteur de capacité considéré<br />
(qui est très élevé pour la géothermie, au contraire de<br />
l’éolien ou du solaire électrique qui ne peuvent pas<br />
être utilisés en moyens de production de base), le coût<br />
du kWh peut descendre jusqu’à 5 cts US$ pour les<br />
Bains et<br />
balnéologie<br />
30,4 %<br />
Usages<br />
industriels<br />
4 %<br />
Séchage de<br />
produits agricoles<br />
0,7 %<br />
Aquaculture<br />
4 %<br />
Refroidissement<br />
déneigement<br />
0,7 %<br />
Chauffage<br />
de serres<br />
7,6 %<br />
Autres<br />
0,4 %<br />
Chauffage<br />
urbain<br />
20,2 %<br />
> Yanqing : du chauffage au charbon<br />
à la géothermie<br />
Chauffage<br />
par pompe<br />
à chaleur<br />
32 %<br />
Le district de Yanqing, à proximité de Pékin (Chine), mène une politique<br />
volontariste d’utilisation des énergies renouvelables dans le cadre de sa<br />
croissance urbaine. Menée en partenariat avec CFG Services et Dalkia, une<br />
étude de faisabilité a été finalisée en 2012 sur l’utilisation de la géothermie<br />
pour le chauffage urbain et la production d’eau chaude sanitaire pour près<br />
de 1 000 000 m2 de surface de bâtiments à construire. Les résultats de l’étude<br />
montrent que quatre doublets géothermiques forés à moins de 2 000 mètres<br />
dans le réservoir géothermal présent sous la ville<br />
pourraient permettre de couvrir jusqu’à 75 % des des<br />
besoins en énergie du complexe urbain. En substituant<br />
cette ressource géothermale à 71 °C au traditionnel<br />
chauffage par centrales<br />
à charbon, Yanqing<br />
pourrait éviter le rejet<br />
de 15 à 30 000 tonnes<br />
de CO2 par an, promettant<br />
ainsi d’améliorer<br />
sensiblement la qualité<br />
de l’air de la ville. ■<br />
Forage géothermique<br />
à Yanqing, Chine.<br />
Geothermal drilling<br />
at Yanqing, China.<br />
© CFG Services –<br />
D. Tournaye<br />
19<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
20<br />
géothermie : source d’indépendance énergétique et de développement durable<br />
plus grosses unités de production, soit un coût de<br />
production bien inférieur à celui d’une turbine à combustion<br />
ou d’une turbine vapeur alimentée au charbon<br />
de même puissance (figure 4). Ces prix sont équivalents<br />
à ceux obtenus via les centrales hydrauliques, qui<br />
ont généralement un facteur de capacité plus faible<br />
(lié à la variation de disponibilité de l’eau au cours<br />
des saisons) et pour un impact environnemental sensiblement<br />
plus faible (la construction d’un barrage<br />
hydro-électrique nécessitant la neutralisation d’un<br />
espace foncier nettement plus important que pour<br />
une centrale géothermique).<br />
La géothermie émet en moyenne<br />
3 à 8 fois moins de CO2 que<br />
le charbon, le pétrole ou le gaz.<br />
Dans le contexte de lutte contre le réchauffement<br />
climatique mondial et de maîtrise des rejets en CO2<br />
qui lui est associé, la géothermie présente un avantage<br />
indéniable sur la combustion des énergies fossiles<br />
(encadré Yanqing). Ce mode de production d’électricité<br />
n’est pas exempt de rejets de CO2 puisque, lors de<br />
l’extraction de la vapeur d’eau nécessaire au fonctionnement<br />
de la turbine, un certain nombre de gaz<br />
incondensables (dont le CO2) initialement dissous<br />
dans le fluide géothermal (quelques pour cent), sont<br />
extraits du sous-sol. Ces gaz peuvent éventuellement<br />
être captés en sortie de turbine et être valorisés pour<br />
l’industrie. En règle générale, ils sont cependant rejetés<br />
directement dans l’atmosphère. Néanmoins, en termes<br />
de grammes de CO2 par kWh produit, la géothermie<br />
émet en moyenne 3 à 8 fois moins de CO2 que le<br />
charbon, le pétrole ou le gaz (figure 5). Les cycles binaires<br />
qui n’utilisent pas la vapeur d’eau pour le turbinage,<br />
mais extraient les calories du fluide géothermal total<br />
avant de le réinjecter dans le réservoir ont une émission<br />
de CO2 virtuellement nulle.<br />
La géothermie<br />
et le développement rural<br />
Si pour des raisons d’économie d’échelle, les grandes<br />
centrales géothermiques de production électrique<br />
ont été favorisées dès les premiers pas de la géothermie,<br />
le développement de la petite géothermie<br />
$ par kWh<br />
Émissions moyennes de CO2 en g/kWh<br />
0,35<br />
0,30<br />
0,25<br />
0,20<br />
0,15<br />
0,10<br />
0,05<br />
0<br />
1 000<br />
900<br />
800<br />
700<br />
600<br />
500<br />
400<br />
300<br />
200<br />
100<br />
0 20 40 60 80 100<br />
Facteur de capacité (en %)<br />
0<br />
Fig. 4 : Comparaison des coûts<br />
de production du kWh pour<br />
différents modes de production en<br />
fonction du facteur de capacité.<br />
Turbine-vapeur<br />
au gasoil lourd<br />
Turbine-vapeur<br />
au charbon<br />
Turbine<br />
à combustion<br />
au gasoil<br />
Petite<br />
hydro-électricité<br />
Grande<br />
hydro-électricité<br />
Grande<br />
géothermie<br />
Fig. 4: Comparison of production<br />
costs per kWh for different production<br />
means versus the capacity factor.<br />
Source : Banque Mondiale.<br />
Charbon Pétrole Gaz naturel Géothermie<br />
Fig. 5 : Moyenne des émissions<br />
de CO2 (g/kWh) pour différentes<br />
sources d’énergie.<br />
(puissance inférieure à 5 MWe) pour l’électrification<br />
rurale connaît un essor certain. Elle tire généralement<br />
avantage de réservoirs géothermaux de dimensions<br />
restreintes et de faibles températures (100 à 170 °C)<br />
à travers l’utilisation de cyles binaires. Les plus petites<br />
de ces centrales géothermiques (100 à 300 kWe) peuvent<br />
être construites et contenues dans un simpe container<br />
standard et donc être facilement transportables<br />
partout dans le monde. Leur conception leur permet de<br />
supporter des variations de charge instantanée (jusqu’à<br />
25 % de la puissance installée) assez fréquentes dans<br />
Fig. 5: Average CO2 emissions (g/kWh)<br />
produced by different energy sources.<br />
Source : IGA (International Geothermal<br />
Association).
Publicité
22<br />
géothermie : source d’indépendance énergétique et de développement durable<br />
Sources d’eau chaude<br />
du Parc national Mae<br />
Fang, Thaïlande.<br />
Hot springs in Mae Fang<br />
National Park, Thailand.<br />
© 123RF.
geothermal energy: a source of energy independence and sustainable development<br />
les systèmes électriques isolés. Ces centrales demandent<br />
peu d’entretien, peu de maintenance, présentent un<br />
facteur de disponibilité de près de 98 % et ne nécessitent<br />
pas d’importants systèmes de production<br />
électriques de back-up en cas d’avarie. Dans de nombreuses<br />
zones isolées et non reliées aux infrastructures<br />
de distribution d’électricité nationales (territoires insulaires,<br />
par exemple), la petite géothermie peut apporter<br />
une réponse compétitive, et adaptée, à l’absence d’électrification<br />
ou aux coûts sans cesse croissants des<br />
générateurs fonctionnant au diesel (encadré ci-contre).<br />
Ainsi, sur l’île de Flores, en Indonésie, la construction de<br />
deux unités de 2,5 MW en 2011 a permis de remplacer<br />
l’équivalent de 2 MWe de production via des générateurs<br />
diesel tout en assurant l’augmentation de la<br />
demande future estimée à 2,5 MWe. La production<br />
d’origine géothermique permet ainsi d’économiser près<br />
de 3 millions de dollars par an.<br />
Outre que cette énergie de substitution permet des<br />
économies susbstantielles, elle améliore la qualité de<br />
l’environnement en évitant la production de plusieurs<br />
milliers de tonnes de CO2. Par ailleurs, elle encourage<br />
la consommation d’électricité, qui serait restée dans le cas<br />
contraire trop chère, pour le bénéfice de la population<br />
locale : nouveaux usages, nouvelles industries, alimentation<br />
des hopitaux, etc. Au même titre que les autres<br />
énergies renouvelables, ces centres de productions<br />
décentralisés en électricité d’origine géothermique<br />
doivent faire l’objet d’une étude socio-économique<br />
relativement fine de la zone d’implantation pour<br />
s’assurer de leur compétitivité vis-à-vis des énergies<br />
fossiles. La puissance (de quelques kWe à plusieurs<br />
centaines de MWe), la technologie (vapeur sèche ou<br />
cycle binaire) d’une centrale géothermique et son<br />
environnement (contexte urbanisé, isolement,<br />
contraintes règlementaires, etc.) peuvent effectivement<br />
faire varier le coût du kWh de 1 à 4. Cependant, entre<br />
les coûts toujours croissants des carburants d’origine<br />
fossile et les coûts en baisse régulière des installations<br />
géothermiques depuis plusieurs années, l’avantage<br />
compétitif en faveur de la géothermie ne peut que<br />
s’accroître dans le futur .<br />
À Fang, en Thaïlande, la mise en place d’une unité de<br />
300 kWe en 1989 (et toujours en activité) a permis de<br />
diviser le coût de l’électricité par trois en remplaçant les<br />
générateurs diesel utilisés jusqu’alors. Mais le projet<br />
initial prévoyait également l’utilisation en cascade<br />
du fluide géothermal (à 116 °C) en sortie de turbine. Ce<br />
fluide est donc utilisé pour la production de froid pour<br />
> La Dominique : vers une électricité<br />
100 % verte grâce à la géothermie<br />
Située au cœur de l’arc des Petites Antilles, la Dominique est une île-nation de<br />
70 000 habitants. Ses besoins en électricité sont relativement modestes<br />
et couverts à l’heure actuelle à 25 % par l’hydroélectricité et à 75 % par des<br />
générateurs diesel. La Dominique possède également le potentiel géothermique<br />
le plus important des Petites Antilles. Le prospect de Wotten Waven, situé<br />
dans la vallée de Roseau, pourrait à lui seul permettre de fournir 120 MWe,<br />
soit une puissance six fois supérieure aux besoins de l’île. Les premiers<br />
forages exploratoires, terminés début 2012, ont confirmé la présence d’une<br />
ressource géothermale abondante exploitable à Wotten Waven. Deux unités<br />
de production de 2 x 5 MWe devraient bientôt voir le jour et permettre à l’île<br />
de se passer de ses générateurs diesel, devenant ainsi la première nation<br />
caribéenne dont l’électricité serait à 100 % d’origine renouvelable. Elle devrait<br />
même devenir, d’ici quelques années, exportatrice nette d’énergie en lançant la<br />
construction d’unités de plus grandes puissances, ce qui permettrait, via des<br />
câbles sous-marins, d’alimenter la Guadeloupe au nord et la Martinique au sud<br />
(soit 50 MWe pour chacune des deux îles françaises). ■<br />
La vallée de la Désolation en Dominique.<br />
Desolation Valley on Dominica Island. © BRGM.<br />
du stockage, pour le séchage de produits maraîchers et<br />
pour le fonctionnement d’un spa (figure 6). En fin de<br />
chaîne, l’eau est refroidie dans un étang à l’air libre avant<br />
d’être utilisée pour l’irrigation ou être rejetée dans<br />
le milieu naturel. Ainsi la géothermie irrigue-t-elle<br />
l’ensemble du tissu économique local.<br />
À l’heure actuelle, seule une petite fraction du<br />
potentiel géothermique de la Terre est exploitée.<br />
On s’attend à ce que, à elle seule, la capacité des<br />
centrales électriques géothermiques passe de<br />
11 GW aujourd’hui à 160 GW en 2050 (source AIE).<br />
23<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
24<br />
géothermie : source d’indépendance énergétique et de développement durable<br />
> Overview of geothermal resource exploration and development<br />
in the East African rift system<br />
Meseret Teklemariam Zemedkun – United Nations Environment Programme – Regional Office for Africa, Nairobi, Kenya –<br />
Meseret.zemedkun@unep.org<br />
The East African Rift System (EARS) is one of the Earth’s major<br />
tectonic structures where the geothermal energy escapes<br />
to the surface. This energy flow is expressed through volcanic<br />
eruptions, earthquakes and the upward transport of heat via<br />
hot springs and natural vapor emissions. The EARS extends over<br />
about 6500 km, from the Middle East (Dead Sea-Jordan Valley)<br />
in the North to Mozambique in the South, passing through<br />
Eritrea, Djibouti, Ethiopia, Kenya, Tanzania, Uganda, Rwanda,<br />
the Democratic Republic of Congo (DRC), Zambia, Malawi,<br />
Mozambique and Madagascar (figure). The estimated<br />
geothermal energy resource potential in the EARS exceeds<br />
20,000 MWe.<br />
Despite the high geothermal potential of the EARS, only<br />
Kenya and Ethiopia are actually exploiting it, with an installed<br />
capacity of about 217 MWe. Countries such as Djibouti, Eritrea,<br />
Tanzania, Uganda, Rwanda and Comoros are at various exploration<br />
stages. So far, the other countries have not progressed<br />
beyond preparing inventories of the resource potential.<br />
Geothermal development in the East African region has<br />
been hindered by risk factors: those implied in resource<br />
exploration and development, and financial risks incurred<br />
when implementing the projects. Insufficient investment and<br />
inadequate institutional structures in many countries have<br />
also contributed to the slow pace of development. To overcome<br />
these obstacles and allow geothermal development to be<br />
accelerated in EARS countries, a regional geothermal resource<br />
development approach needs to be adopted. One of the main<br />
programmes representative of this approach is the African Rift<br />
Geothermal Development Facility Project (ARGeo (1) ).<br />
The ARGeo Project is a GEF (2) funded project implemented<br />
by UNEP (3) .The project’s objective is to promote geothermal<br />
resource utilization by reducing the risks associated with<br />
resource’s exploration and development. ARGeo aims to<br />
stimulate geothermal energy investments from both the<br />
public and private sectors. It will notably promote the utilization<br />
of the resource in agriculture and industry. ■<br />
(1) http://www.worldbank.org/projects<br />
(2) GEF (Global Environment Facility) is the largest public funder of projects to<br />
improve the global environment. http://www.thegef.org/gef/home<br />
(3) UNEP (United Nations Environment Programme). http://www.unep.org<br />
East<br />
African<br />
Rift<br />
Western<br />
Branch<br />
The Great East African Rift System.<br />
Le système du grand rift est-africain.<br />
© Nasa, BRGM<br />
Nile<br />
River<br />
AFRICAN<br />
PLATE<br />
(Nubian) ‘Erta ’Ale<br />
Ethiopian Rift<br />
Eastern<br />
Branch<br />
Lake<br />
Victoria<br />
Red Sea<br />
Oldoinyo<br />
Lengai<br />
East African Rift Zone<br />
Plate Boundaries<br />
Active Volcanoes<br />
Persian Gulf<br />
ARABIAN PLATE<br />
Gulf of Aden<br />
EURASIAN<br />
PLATE<br />
INDIAN<br />
PLATE<br />
Equator<br />
AFRICAN<br />
PLATE<br />
(Somalian)
geothermal energy: a source of energy independence and sustainable development<br />
La moitié de cette puissance installée proviendra des<br />
systèmes EGS (ou systèmes géothermaux activés ; voir<br />
article de S. Gentier, ce numéro) quand cette technologie<br />
arrivera à maturité. En attendant, le développement<br />
de la géothermie « classique » ces prochaines années<br />
aura lieu principalement dans les pays en voie de<br />
développement qui possèdent la majorité du potentiel<br />
existant. Cette dernière fait face à de nombreux défis<br />
dont le principal reste le financement de ces projets qui<br />
nécessitent une dépense en capitaux importante avant<br />
même que la ressource géothermale n’ait été prouvée<br />
(c’est le « risque géologique »). La France a été pionnière<br />
dans la couverture du risque des projets géothermiques<br />
dès les années 1980, notamment dans le Bassin parisien,<br />
qui garantit un remboursement partiel des frais<br />
engagés si la ressource géothermale n’est pas présente<br />
en quantité et qualité à l’issue des forages ou durant<br />
l’exploitation. De tels fonds de couverture du risque<br />
sont à l’étude aussi bien pour la région Caraïbe que<br />
dans la zone des Grands Lacs en Afrique de l’Est. Leur<br />
mise en place devrait permettre de « libérer » les importants<br />
capitaux privés ou publics qui seront nécessaires<br />
pour le développement de la géothermie dans ces<br />
régions. ■<br />
Générateur<br />
Turbine<br />
Turbine<br />
à cycle binaire<br />
Grille électrique<br />
triphasée à 22kV<br />
Production<br />
de froid pour<br />
entrepôts<br />
Alimentation<br />
d’infrastructures<br />
touristiques<br />
Séchage<br />
de produits<br />
agricoles<br />
Transformateur<br />
Étang<br />
Silencieux<br />
Valve de<br />
contrôle<br />
Pompe<br />
d’eau<br />
chaude<br />
Fig. 6 : Exemple d’utilisation en cascade<br />
de la ressource géothermale<br />
en domaine rural à Fang (Thaïlande).<br />
Fig. 6: Example of a cascading scheme<br />
for the geothermal resource in a rural<br />
context at Fang (Thaïland).<br />
© BRGM (modifié d’après EGAT).<br />
Séparateur<br />
Pompe<br />
d’eau<br />
froide<br />
Irrigation<br />
de champs<br />
FGTE-14<br />
Puits<br />
de production<br />
Barrage<br />
FGTE-15<br />
Puits<br />
de production<br />
Tour de<br />
refroidissement<br />
Geothermal energy: a source<br />
of energy independence and<br />
sustainable development<br />
With over 11 GWe installed capacity<br />
worldwide, geothermal energy has<br />
already proved to be an economically<br />
and environmentally sound response<br />
to mounting oil and gas prices and<br />
global climate change. It already<br />
covers between 10 and 30%<br />
of electricity consumption in<br />
six countries including the Philippines<br />
and Costa Rica. Geothermal resources<br />
are found on all continents, either<br />
along tectonic plate margins (in<br />
high-enthalpy reservoirs often<br />
associated with volcanic contexts)<br />
or in large sedimentary basins<br />
(in low-enthalpy aquifer reservoirs).<br />
Geothermal heat still serves largely<br />
to heat homes via heat pumps.<br />
However, depending on the resource<br />
temperature, its applications may vary<br />
widely: urban district heating, melting<br />
snow, industrial (paper and concrete<br />
manufacture) and agricultural uses<br />
(drying crops, heating greenhouses),<br />
ice production, air conditioning...<br />
In isolated areas (islands or continental<br />
regions unconnected to the national<br />
power grid), where power is mainly<br />
or entirely generated by diesel turbines,<br />
small geothermal power plants can be<br />
cost-effective enough to significantly<br />
lower the price of electricity, while<br />
creating new agricultural, industrial<br />
or recreational activities through<br />
the utilization of waters separated<br />
from the geothermal fluid.<br />
Furthermore, by cutting CO2 emissions<br />
by a factor of 3 to 9 (as well as other<br />
pollutants) compared to fossil energy<br />
sources, geothermal power generation<br />
can substantially improve local air<br />
quality, thus helping combat global<br />
warming. By 2050, EGS (Enhanced<br />
Geothermal Systems) is expected to be<br />
a major contributor to worldwide<br />
growth in the sector. Meanwhile,<br />
unleashing the conventional<br />
geothermal potential in developing<br />
countries will necessitate a massive<br />
public and private financial effort, its<br />
related risk being minimized through<br />
Geothermal Risk Coverage Funds such<br />
as the one already existing in France’s<br />
Paris Basin since the 1980’s.
26<br />
caraïbe<br />
développement de la géothermie dans la caraïbe<br />
Les Petites Antilles constituent<br />
un arc insulaire volcanique favorable<br />
à l’existence de ressources<br />
géothermiques.<br />
La géothermie peut contribuer<br />
à diminuer la dépendance énergétique<br />
de la région tout en fournissant<br />
une électricité à relativement bon<br />
marché, facteur de développement<br />
économique.<br />
Le projet « Géothermie Caraïbe » vise<br />
à préparer les conditions nécessaires<br />
au développement local<br />
de la géothermie, dans le cadre d’une<br />
démarche de développement durable<br />
prenant en compte la fragilité<br />
des territoires concernés,<br />
à la biodiversité riche, et foncièrement<br />
contraints par leur insularité.<br />
Philippe Laplaige<br />
Ademe<br />
Ingénieur expert en charge<br />
des programmes de géothermie<br />
philippe.laplaige@ademe.fr<br />
Harry Durimel<br />
Vice-Président du Conseil régional,<br />
Président de la commission des énergies<br />
harry.durimel@cr-guadeloupe.fr<br />
Jean-Marc Mompelat<br />
Directeur interrégional Antilles-Guyane<br />
du BRGM<br />
jm.mompelat@brgm.fr<br />
La haute vallée de Roseau, la Dominique.<br />
Le potentielgéothermique de cette région<br />
est estimé au moins à 120 MWe.<br />
The upper Roseau valley, Dominica. The geothermal potential<br />
for this area is estimated to be at least 120 MWe.<br />
© Dominica Film Office.<br />
Développement<br />
de la géothermie<br />
dans la Caraïbe<br />
La géothermie dans la Caraïbe : un potentiel sous-exploité<br />
Les Petites Antilles constituent un arc insulaire où le volcanisme actif est entretenu<br />
par la subduction de la plaque océanique atlantique sous la plaque caraïbe (figure 1).<br />
Ce contexte géologique est propice à l’existence de ressources géothermiques<br />
haute énergie valorisables pour produire de l’électricité.<br />
Exploitée industriellement avec des projets jusqu’à quelques dizaines de mégawatts, la<br />
géothermie peut contribuer à diminuer la dépendance énergétique de la région. En effet,<br />
hormis Trinidad et Tobago, toutes les îles de l’arc antillais importent des combustibles<br />
fossiles pour leur production d’électricité, entraînant, sur le plan économique, des coûts<br />
de production élevés qui pénalisent leur<br />
développement. Il en est de même sur le<br />
plan environnemental, avec des émissions<br />
de gaz nocifs (oxydes d’azote et de soufre…)<br />
et de gaz à effet de serre (CO2).<br />
En tant que ressource locale, la géothermie<br />
est donc une composante importante à<br />
intégrer dans les scénarios de développement<br />
socio-économique des îles des Antilles<br />
– au moins dans les îles de Nevis, Montserrat,<br />
Un contexte géologique<br />
particulièrement favorable<br />
à l’existence de ressources<br />
géothermiques<br />
de haute énergie.
Fig. 1 : Arc insulaire des Petites Antilles<br />
et zone de subduction.<br />
Fig. 1: The Lesser Antilles archipelago<br />
and subduction zone.<br />
© ADEME<br />
la Guadeloupe, la Dominique, la Martinique, Sainte-<br />
Lucie, Saint-Vincent et Grenade – en complément<br />
d’autres ressources locales (hydraulique, photovoltaïque,<br />
éolienne, marine, biomasse).<br />
Le tableau 1 indique la situation des différentes îles de<br />
l’Arc antillais vis-à-vis des principales étapes jalonnant<br />
classiquement le développement de champs géothermiques<br />
:<br />
– la reconnaissance préliminaire, qui cible les zones a<br />
priori favorables à l’existence de gisements géothermiques<br />
;<br />
– les études de préfaisabilité, qui valident l’existence de<br />
gisements géothermiques ;<br />
– les forages d’exploration, qui confirment l’existence<br />
d’un réservoir géothermique et permettent d’en apprécier<br />
les caractéristiques (profondeur, étendue,<br />
perméabilité, propriétés du fluide géothermal) ;<br />
– l’exploitation du réservoir et la réalisation du projet<br />
de production d’électricité.<br />
Principales ressources géothermiques<br />
de la Caraïbe<br />
Nevis<br />
Située au nord de la Guadeloupe, l’île de Nevis est constituée<br />
d’un unique complexe volcanique où sept centres<br />
volcaniques principaux sont identifiés, les plus anciens<br />
étant âgés de 3,4 à 2,7 Ma. La roche la plus ancienne<br />
de l’île est un conglomérat daté de l’Éocène moyen.<br />
Contrairement à d’autres îles voisines, Nevis n’a pas<br />
connu d’activité volcanique historique. Elle possède un<br />
volcan récent (Nevis Peak Volcano) situé au centre de<br />
l’île (altitude : 985 mètres) qui s’est manifesté il y a<br />
environ 100 000 ans par la mise en place de nuées<br />
ardentes et de deux dômes de laves. La présence de<br />
trois zones de sources chaudes et fumerolles sur le flanc<br />
ouest du volcan témoigne de l’existence d’un système<br />
géothermal haute température dont l’origine serait liée<br />
à cette activité volcanique récente. La surface de la zone<br />
d’intérêt est évaluée à environ 12 km 2 . Les premiers<br />
sondages d’exploration réalisés en 2008 ont confirmé<br />
l’existence de conditions de températures élevées<br />
(250 °C) à des profondeurs inférieures à 1 000 mètres.<br />
Le potentiel est estimé entre 30 et 50 MWe.<br />
20°<br />
19°<br />
18°<br />
17°<br />
16°<br />
15°<br />
14°<br />
13°<br />
12°<br />
11°<br />
10°<br />
developing geothermal energy in the caribbean<br />
Puerto-Rico<br />
PLAQUE<br />
CARAÏBE<br />
- 4 000 m<br />
Reconnaissance<br />
préliminaire<br />
Saba oui<br />
Saint-Eustache oui<br />
Saint-Kitts oui<br />
Études de<br />
préfaisabilité<br />
- 6 000 m<br />
˚ ˚ ˚ ˚ ˚ ˚<br />
Mt. Scenery Saba<br />
St-Eustatius<br />
The Quill<br />
Saint-Kitts<br />
Mt. Liamuiga Nevis<br />
Nevis Peak<br />
Montserrat<br />
Soufrière Hills<br />
Morne Aux Diables<br />
Morne Diablotins<br />
Morne Trois Piton/Micotrin<br />
Watt Mt/Valley of Desolation<br />
Morne Anglais<br />
Grand Soufrière Hills<br />
Plat Pays Volcanic Complex<br />
Venezuela<br />
La Soufrière<br />
Soufrière<br />
Volcanic Centre<br />
The Soufrière<br />
Kick ‘em Jenny<br />
Ronde/Caille<br />
Mt. St. Catherine<br />
Montagne Pelée<br />
Fosse de Puerto-Rico<br />
Grenade<br />
Forages Capacité<br />
installée<br />
Nevis oui oui oui<br />
Montserrat oui oui<br />
Guadeloupe oui oui oui 15 MW<br />
Dominique oui oui oui<br />
Martinique oui oui oui<br />
Sainte-Lucie oui oui oui<br />
Saint-Vincent oui oui<br />
Grenade oui oui<br />
Tableau 1 : État du développement de<br />
la géothermie dans les îles de la Caraïbe.<br />
Guadeloupe<br />
˚ ˚ ˚ ˚ ˚ ˚ ˚<br />
Dominique<br />
Martinique<br />
Sainte-Lucie<br />
Saint-Vincent<br />
Trinidad et Tobago<br />
Table 1: State of the geothermal energy<br />
development in the Carribbean islands.<br />
CROÛTE<br />
OCÉANIQUE<br />
ATLANTIQUE<br />
- 4 000 m<br />
Prisme de la Barbade<br />
N<br />
0 75 km<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />
27
28<br />
développement de la géothermie dans la caraïbe<br />
Montserrat<br />
L’île de Montserrat est composée de trois centres<br />
volcaniques principaux d’âge Pléistocène à récent. Le<br />
nord de l’île est formé par le Silver Hill Complex principalement<br />
composé de laves andésitiques âgées de<br />
2,5 à 1,1 Ma. Le centre de l’île est dominé par le Centre<br />
Hills Complex, constitué de dômes péléens andésitiques<br />
très érodés et de dépôts pyroclastiques associés, datés<br />
entre 0,95 et 0,55 Ma. La partie sud de l’île est formée<br />
par le complexe Soufriere Hills et South Soufriere Hills,<br />
qui est le plus ancien des deux (environ 130 000 ans).<br />
Soufriere Hills est le centre actif du volcanisme où<br />
l’éruption, qui a débuté en 1995, se poursuit toujours.<br />
On y retrouve plusieurs dômes datés de 150 000 à<br />
24 000 ans. Certains ont été partiellement détruits par<br />
l’éruption actuelle centrée sur English Crater.<br />
Le volcan actif de Soufriere Hills recèle un système<br />
hydrothermal haute température qui était très actif<br />
mais dont le caractère exploitable est fortement remis<br />
en cause par l’éruption en cours. Plusieurs solfatares<br />
étaient présentes au pied du volcan, et des sources<br />
thermales sont répertoriées sur la côte ouest à proximité<br />
de la capitale Plymouth, aujourd’hui abandonnée. Les caractéristiques<br />
géochimiques des fluides thermaux indiquaient<br />
des températures de l’ordre de 250 °C au niveau du<br />
réservoir. Alliées à l’importance des manifestations hydrothermales<br />
de surface, elles plaidaient en faveur<br />
d’un potentiel de l’ordre de plusieurs dizaines de MWe. Ce<br />
réservoir géothermique, à l’aplomb du volcan, est<br />
aujourd’hui inaccessible, et l’éruption en cours du volcan<br />
empêche toute exploitation à court ou moyen terme.<br />
Des projets récents visent à explorer le potentiel le long<br />
de la côte ouest et en dehors de la zone menacée par le<br />
volcan via la réalisation de deux forages exploratoires<br />
prévus pour fin 2012. L’objectif est d’atteindre une zone<br />
périphérique du réservoir. Compte tenu de l’éruption en<br />
cours, le potentiel géothermique est incertain et évalué<br />
à quelques MWe.<br />
Guadeloupe<br />
En Guadeloupe, l’île de Basse-Terre est la seule à posséder<br />
une activité volcanique propice au développement<br />
de systèmes géothermaux haute température. Le<br />
volcanisme s’est développé du nord au sud, entre 2,7 Ma<br />
et l’actuel, dans cinq massifs principaux dont le plus<br />
récent est celui de la Grande Découverte où se trouve<br />
la Soufrière, le seul volcan actif de l’île. Sur la côte ouest<br />
se trouve la chaîne de Bouillante principalement<br />
constituée de centres éruptifs monogéniques, dont les<br />
plus récents ont environ 200 000 ans, à dominante<br />
hydromagmatique et présentant une différenciation<br />
particulièrement poussée. Deux zones d’intérêt principal<br />
ont été explorées sur l’île : le champ géothermique<br />
Fig. 2 : Carte synthétique<br />
montrant les principaux<br />
éléments géologiques<br />
du champ géothermique<br />
de Bouillante, Guadeloupe.<br />
D’après CFG Services.<br />
Fig. 2: Synthesis map showing<br />
the main geological elements<br />
of the Bouillante geothermal field,<br />
Guadeloupe.<br />
From CFG Services.<br />
Principale zone<br />
de manifestations<br />
de surface<br />
Source thermale<br />
Édifice volcanique<br />
récent (âge en Ma)<br />
Couloir de faille<br />
principal<br />
avec rejet supposé<br />
Puits vertical<br />
Puits dévié et incliné<br />
de Bouillante (figure 2) et la zone du volcan de la Soufrière.<br />
Cette dernière présente un intérêt limité à la fois en<br />
raison d’une possible réactivation volcanique du dôme<br />
et de l’absence d’indices de réservoir géothermique<br />
profond. La zone de Bouillante bénéficie d’un réservoir<br />
géothermique de haute température (250 °C), relativement<br />
superficiel, lié à l’activité de la chaîne de Bouillante<br />
et alimenté par de l’eau météorique et l’eau de mer. Le<br />
réservoir est partiellement exploité par deux unités<br />
industrielles totalisant environ 15 MWe. Le potentiel<br />
supplémentaire de la zone est estimé à 30-50 MWe et<br />
des projets d’exploration sont en cours. L’évaluation des<br />
zones périphériques du réservoir reste à réaliser.
La Dominique<br />
Les roches les plus anciennes de l’île sont constituées<br />
de laves et de brèches d’âge Miocène, très altérées et<br />
souvent recouvertes par des formations volcaniques<br />
plus récentes. Des roches d’âge Pliocène, constituées<br />
de matériel volcanique détritique et de calcaire, forment<br />
le soubassement du Morne Diablotins, à l’ouest de<br />
l’île. Toujours au Pliocène, un important volcanisme<br />
andésitique, partiellement sous-marin, s’est mis en place<br />
à travers toute l’île, principalement au sud et à l’ouest<br />
des formations plus anciennes. L’activité volcanique s’est<br />
prolongée au Pléistocène et à l’âge actuel avec la mise<br />
en place, au-dessus des dépôts Pliocène, d’une ligne<br />
de volcans composites dacitiques à andésitiques,<br />
tous âgés de 400 000 à 500 000 ans. Il y a 30 000 ans,<br />
une éruption majeure a produit l’ignimbrite de Roseau,<br />
représentant un volume de 60 km 3 . Par la suite, des complexes<br />
de dômes se sont mis en place dont le plus récent<br />
est celui de Morne Patates. Les dépôts volcaniques les<br />
plus récents de l’île ont 450 ans seulement.<br />
Du point de vue géothermique, la Dominique est l’île<br />
de la Caraïbe où les indices de surface de l’existence de<br />
ressources géothermiques sont les plus importants et<br />
les plus probants (figure 3). Les travaux d’exploration<br />
géothermique ont été initiés par le BRGM dans les<br />
années 1980 sur les deux zones d’intérêt principales :<br />
Wotten Waven dans la vallée de Roseau et Soufrière à<br />
l’extrémité sud de l’île. À Soufrière, la température de<br />
la ressource est estimée à environ 300 °C avec une<br />
incertitude sur son origine. Dans la vallée de Roseau,<br />
les forages d’exploration réalisés en 2012 ont confirmé<br />
la présence d’un réservoir géothermique de haute température<br />
(280 °C) à moins de 1 000 mètres de profondeur.<br />
À lui seul, le potentiel géothermique de la région de la<br />
vallée de Roseau est estimé au moins à 120 MWe.<br />
Cold rain<br />
water recharge<br />
Sea water<br />
inflow<br />
Outflowing deep<br />
geothermal fluid<br />
Shallow steam reservoir<br />
Main area<br />
of thermal<br />
manifestations<br />
Fault<br />
Caldera, crater<br />
Inferred extension of the Wotten Waven<br />
deep reservoir (210-300°C)<br />
(rain water + sea water)<br />
developing geothermal energy in the caribbean<br />
Portsmouth<br />
Canal de la Guadeloupe<br />
Morne<br />
Aux Diables<br />
Mer<br />
des Caraïbes<br />
N<br />
0 10 km<br />
Morne Diablotins<br />
Roseau<br />
Soufrière<br />
Morne Trois Pitons<br />
Micotrin<br />
Wotten<br />
Waven<br />
Marigot<br />
Mt. Anglais<br />
Mt. Plat Pays Foundland<br />
Mt Patates<br />
Océan<br />
Atlantique<br />
Boiling<br />
Lake<br />
Mt. Watt<br />
Canal de la Martinique<br />
Grande<br />
Soufrière<br />
Fig. 3a : Carte géologique<br />
de la Dominique et localisation<br />
de la zone géothermique<br />
de Wotten Waven.<br />
Fig. 3a: Geological map<br />
of Dominica and localization of<br />
the Wotten Waven geothermal<br />
area.<br />
D’après Roobol & Smith, Geology Dept.,<br />
University of Puerto Rico at Mayaguez.<br />
Fig. 3b : Modèle conceptuel<br />
du réservoir géothermique<br />
de Wotten Waven proposé<br />
par CFG Services (2009).<br />
Fig. 3b: Conceptual model<br />
of the Wotten Waven<br />
geothermal reservoir<br />
proposed by CFG Services<br />
(2009).<br />
29<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
30<br />
développement de la géothermie dans la caraïbe<br />
Martinique<br />
La Martinique connaît une activité magmatique<br />
depuis les 25 derniers millions d’années marquée<br />
par l’activité de l’axe Ancien, (au sud et à la pointe de<br />
la Caravelle à l’ouest de l’île) entre 25 et 21 Ma, puis<br />
l’Arc Intermédiaire qui s’est mis en place en milieu<br />
sous-marin puis sub-aérien entre 16 et 7 Ma (centre<br />
de l’île). Au cours du Miocène, le volcanisme actif s’est<br />
déplacé vers l’ouest avec la mise en place concomitante<br />
du bloc septentrional constitué par le volcan bouclier<br />
du Morne Jacob, le complexe du Carbet puis le<br />
Mont Conil, qui se sont édifiés successivement entre<br />
5,5 et 0,79 Ma. Un maximum d’activité volcanique<br />
se produit entre 0,5 et 0,3 Ma avec, en parallèle, les<br />
dernières phases du Mont Conil, des Pitons du Carbet<br />
et du volcanisme des Trois-Ilets à l’extrémité sud-ouest<br />
de l’île. L’activité récente est limitée à la Montagne Pelée<br />
située entre le complexe du Carbet et le mont Conil.<br />
Le potentiel géothermique de haute température de<br />
l’île est principalement situé au niveau de la Montagne<br />
Pelée (sur son flanc sud-ouest) et autour de Petite Anse<br />
(l’extrémité sud-ouest de l’île, figure 4), mais reste à<br />
confirmer par forage. Des forages d’exploration réalisés<br />
au début des années 2000 dans la plaine du Lamentin<br />
(près de Fort-de-France) ont permis de mettre en<br />
évidence une ressource de moyenne température (90 °C).<br />
Fig. 4 : La source chaude de Petite Anse, un indice du potentiel géothermique<br />
de la région sud de la Martinique.<br />
Fig. 4: The hot spring at Petite Anse, an indicator of the geothermal potential<br />
of the southern part of Martinique. © BRGM – A. Gadalia.<br />
Une phase exploratoire complémentaire est actuellement<br />
menée et pourrait s’accompagner de la réalisation<br />
de nouveaux forages d’exploration sur les prospects les<br />
plus prometteurs. Des études sont également menées<br />
sur la ressource de moyenne enthalpie pour la production<br />
de froid industriel (usage de pompes à chaleur à<br />
sorption par exemple).<br />
La baie de Saint-Pierre,<br />
au pied de la Montagne<br />
Pelée, Martinique.<br />
The Bay of Saint-Pierre<br />
at the foot of the<br />
Montagne Pelée volcano,<br />
Martinique Island.<br />
© oceandimages.com.
Failles<br />
(point indiquant<br />
le compartiment<br />
effondré)<br />
Rebords<br />
morphologiques<br />
de la dépression<br />
(Caldera) de Qualibou<br />
Sulphur Springs<br />
(site de l’éruption<br />
phréatique de 1766)<br />
Cratères<br />
phréatiques et<br />
phréatomagmatiques<br />
Sondages de<br />
reconnaissance<br />
(1 à 7) réalisés<br />
en 1974-76<br />
Zones recommandées<br />
pour les forages<br />
d’exploration<br />
profonds<br />
(LANL, 1984)<br />
Localisation<br />
de 2 forages profonds<br />
SL-1 et SL-2 (1987-88)<br />
Dôme dacitique<br />
de Belfond<br />
(21 000-34 000 ans BP)<br />
Dôme dacitique<br />
de Terre Blanche<br />
(post-caldérique)<br />
Dômes andésitiques<br />
(post-caldériques ?)<br />
Dômes dacitiques<br />
de Gros Piton,<br />
Petit Piton, Rabot,<br />
Plaisance (0,2-0,3 Ma)<br />
Zones d’intérêt<br />
retenues par GENZL<br />
pour de nouveaux<br />
forages<br />
Sainte-Lucie<br />
Les ressources géothermiques de Sainte-Lucie sont<br />
localisées à Sulphur Springs, près du village de Soufrière,<br />
au sud-ouest de l’île. Elles sont associées à un volcanisme<br />
récent dont la dernière manifestation a été la<br />
mise en place de plusieurs dômes dacitiques dont celui<br />
de Terre Blanche, il y a 30 à 40 000 ans.<br />
La région de Sulphur Springs (figure 5) est connue<br />
depuis longtemps dans la Caraïbe pour ses importantes<br />
manifestations hydrothermales, tant en ce qui concerne<br />
l’extension de la zone de manifestations (20 km 2 ) que<br />
les températures mesurées en surface au niveau d’évents<br />
de vapeur surchauffée (172 °C). Une éruption phréatique<br />
a eu lieu à Sulphur Springs en 1766. Ces indices probants<br />
de l’existence d’un réservoir géothermique haute température<br />
avaient déterminé très tôt l’exploration de<br />
ce champ pour la production d’électricité.<br />
Les campagnes d’exploration et de forages géothermiques<br />
ont mis en évidence une ressource de haute<br />
enthalpie (290 °C), constituée d’un réservoir superficiel<br />
à dominante vapeur (steam cap) développé au-dessus<br />
d’un réservoir profond à liquide dominant (saumure).<br />
developing geothermal energy in the caribbean<br />
N<br />
0 5 km<br />
Canaries<br />
Soufrière<br />
La nature acide (pH = 2,8) des fluides rencontrés rend<br />
délicate son utilisation pour une exploitation commerciale<br />
sauf, peut-être, sur les bordures du réservoir qui<br />
restent à explorer. Le potentiel géothermique, difficile<br />
à estimer dans ces conditions, n’excède pas quelques<br />
dizaines de MWe.<br />
Une valorisation de la géothermie<br />
encore balbutiante<br />
Castries<br />
Malgré le potentiel et des résultats intéressants<br />
obtenus par plusieurs campagnes exploratoires, le<br />
développement géothermique de la région se limite<br />
à Bouillante en Guadeloupe. Les raisons de cette<br />
situation sont nombreuses.<br />
– Le risque géologique. Il est lié au fait que la ressource<br />
exploitable en géothermie ne peut être connue<br />
précisément qu’après la réalisation de forages et<br />
d’études préalables. Le risque existe alors d’engager<br />
des dépenses sans que soit trouvée la ressource<br />
espérée (température ou débit exploitable insuffisants<br />
par rapport aux prévisions, fluide géothermal inexploitable<br />
car trop acide par exemple, voire absence de<br />
ressource).<br />
Gros Ilet<br />
Vieux Fort<br />
Dennery<br />
Micoud<br />
N<br />
0 5 km<br />
Fig. 5 : Carte<br />
géologique<br />
de Sainte-Lucie<br />
(modifiée d’après<br />
OAS, 1984).<br />
Schéma géologique<br />
de la caldeira<br />
de Qualibou<br />
au sein duquel<br />
se situe le site<br />
de Sulphur Springs.<br />
D’après le Los Alamos<br />
National Laboratory, 1984.<br />
Fig. 5: Geological<br />
map of Saint Lucia<br />
(modified from OAS,<br />
1984).<br />
A geological diagram<br />
of the Qualibou<br />
caldera in which<br />
the Sulphur Springs<br />
site is located<br />
From Los Alamos National<br />
Laboratory, 1984.<br />
31<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
32<br />
développement de la géothermie dans la caraïbe<br />
– L’intégration environnementale. Les projets de<br />
géothermie sur des territoires insulaires, où l’espace<br />
est limité, peut entrer en conflit avec les exigences<br />
de protection des milieux naturels ou avec l’activité<br />
touristique qui constitue parfois le moteur économique<br />
de ces îles.<br />
– Le manque de motivation économique des acteurs<br />
privés. Les puissances envisagées pour les projets géothermiques<br />
des îles sont trop faibles pour intéresser<br />
les développeurs habituels de projets de géothermie.<br />
– L’absence de politique à l’échelle des Petites Antilles (voire<br />
de la Caraïbe) pour la géothermie. Alors que les problématiques<br />
insulaires sont quasiment identiques, il<br />
n’existe pas d’approche commune de développement<br />
de la géothermie permettant de palier les contraintes<br />
et d’améliorer le cadre incitatif des projets.<br />
En dépit des travaux d’exploration en cours, il n’existe<br />
donc pas aujourd’hui de programme permettant d’apprécier<br />
le potentiel de la géothermie à l’horizon d’une<br />
quinzaine d’années sur l’ensemble de ces territoires :<br />
nombre de projets réalisables ? Contribution énergétique?<br />
Travaux complémentaires à mener ? Montants<br />
des financements à mobiliser? Ces éléments sont indispensables<br />
pour bâtir une stratégie régionale de<br />
développement de la géothermie en tenant compte de<br />
la structuration habituelle des projets (tableau 2). Cette<br />
démarche est au cœur des politiques régionales en<br />
Guadeloupe (encadrés pages 33 et 34) avec notamment<br />
le projet « Géothermie Caraïbe ».<br />
Étapes Objectifs Travaux Durée<br />
1- Reconnaissance<br />
préliminaire<br />
2- Étude de<br />
préfaisabilité<br />
3- Étude de<br />
faisabilité<br />
4- Ingénierie<br />
du projet de<br />
développement<br />
5- Développement<br />
de champ<br />
6- Construction<br />
de la centrale<br />
7- Exploitation<br />
Identifier et sélectionner des zones<br />
favorables.<br />
Confirmer l’existence ou non d’un gisement<br />
géothermique haute température et élaborer<br />
un modèle préliminaire du champ.<br />
Évaluer la préfaisabilité technico-économique<br />
d’un projet de développement.<br />
Évaluer la qualité de la ressource et la capacité<br />
du réservoir.<br />
Confirmer la faisabilité technico-économique<br />
d’un projet de développement.<br />
Concevoir et chiffrer le coût de mise en<br />
exploitation de la ressource géothermique.<br />
Concevoir et chiffrer le coût de la construction<br />
de la centrale.<br />
Élaborer le plan de financement du projet.<br />
Études de surface (géologie, géochimie<br />
des fluides).<br />
Études de surface (géologie, géochimie,<br />
géophysique).<br />
Cadrage technico-économique<br />
préliminaire.<br />
Sondages de gradient.<br />
Sondages d’exploration profonds (1 000 m)<br />
incluant une phase préalable d’ingénierie.<br />
Évaluation technico-économique.<br />
Ingénierie spécialisée sous-sol.<br />
Ingénierie spécialisée centrale.<br />
Forage des puits de production et de réinjection, essais de production (par exemple<br />
6-8 puits de production-réinjection pour une capacité de production de 20 MWe.)<br />
quelquesmois<br />
Tableau 2 :<br />
Les étapes classiques<br />
d’un projet de<br />
développement<br />
d’une ressource<br />
géothermique<br />
haute température<br />
pour la production<br />
d’électricité<br />
(durées et montants<br />
estimatifs).<br />
Table 2:<br />
The classic stages<br />
of a development<br />
project of a<br />
high-temperature<br />
geothermal resource<br />
for electrical<br />
generation<br />
(time-spans and<br />
estimated costs).<br />
Montant approx.<br />
(références<br />
mondiales)<br />
qq. 10k€<br />
à qq.100k€<br />
1 an qq.100k€<br />
à 1 M€<br />
1 à 2 ans ~ 5 M€<br />
1 à 2 ans 10-12 %<br />
du montant<br />
du projet<br />
1 à 2 ans ~ 20 M€<br />
Construction de la centrale et du système de transport des fluides. 2 ans 1,5 à 2,5 k€/kW<br />
installé
« Géothermie Caraïbe »,<br />
pour une stratégie régionale<br />
de développement de la géothermie<br />
Pour répondre à cette problématique, la région<br />
Guadeloupe, l’ADEME, l’AFD et le BRGM, associés à<br />
d’autres partenaires, ont initié en 2008 le projet<br />
« Géothermie Caraïbe » soutenu par l’Europe (FEDER)<br />
dans le cadre du programme INTERREG Caraïbes.<br />
La première phase de ce projet (2008-2011) s’est centrée<br />
sur l’île de la Dominique. Elle a permis de caractériser<br />
le fort potentiel du champ géothermique de la Vallée<br />
de Roseau, et de définir les conditions de son exploitation<br />
dans le respect de l’environnement. L’objectif est<br />
de couvrir la totalité des besoins électriques de l’île<br />
grâce à la géothermie, avec des installations totalement<br />
intégrées, et d’exporter le surplus produit par câbles<br />
sous-marins vers la Guadeloupe au nord et la Martinique<br />
au sud (figure 6).<br />
Fig. 6 : Le projet d’interconnexion électrique inter-îles<br />
Dominique-Antilles françaises par câbles sous-marins avec<br />
production d’électricité par géothermie en Dominique.<br />
Fig. 6: The inter-island electrical interconnection project<br />
between Dominica and the French Antilles via submarine<br />
cables, with the geothermal generation of electricity<br />
in Dominica. © BRGM.<br />
Synergîle, Pôle Guadeloupe (www.synergile.fr)<br />
est un pôle de compétitivité adossé au Pôle<br />
national Capénergies. Il œuvre pour l’innovation<br />
et la compétitivité dans le domaine des énergies<br />
renouvelables et des matériaux durables.<br />
Synergîle organise régulièrement des rendezvous<br />
scientifiques et techniques sur des sujets<br />
à enjeu pour la Guadeloupe, relevant de son<br />
champ de compétences.<br />
Synergîle a organisé le 11 décembre 2012, en<br />
Guadeloupe, une journée d’information et<br />
d’échanges sur la géothermie, à l’attention du<br />
developing geothermal energy in the caribbean<br />
> Synergîle soutient le développement de la géothermie aux Antilles<br />
Nathalie Chevon – Chargée de mission développement à Synergîle – secretariat@synergile.fr<br />
monde socio-économique, des collectivités<br />
et des élus locaux. Cette manifestation, qui<br />
a connu un franc succès, a permis aux acteurs<br />
guadeloupéens d’échanger avec des experts<br />
locaux et nationaux, afin d’apporter au plus<br />
grand nombre le meilleur éclairage possible<br />
sur le développement de la géothermie en<br />
Guadeloupe et dans la Caraïbe.<br />
Synergîle compte parmi ses membres tous<br />
les acteurs de la géothermie en Guadeloupe :<br />
le BRGM, Géothermie Bouillante, Teranov,<br />
CFG Services, l’université Antilles-Guyane (UAG),<br />
l’Ademe et la région Guadeloupe. Synergîle<br />
a labellisé le projet d’IEED Géodénergies,<br />
présenté par le BRGM aux investissements<br />
d’avenir, notamment pour son volet antillais<br />
pour l’essor de la géothermie (CEAGE). Le Pôle<br />
soutient le renforcement de la filière industrielle<br />
géothermique aux Antilles. ■<br />
33<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
34<br />
développement de la géothermie dans la caraïbe<br />
> La géothermie dans la politique régionale de la Guadeloupe<br />
Harry Durimel – Vice-Président du Conseil régional, Président de la commission des énergies – harry.durimel@cr-guadeloupe.fr<br />
André Bon – Directeur de l’environnement et du cadre de vie à la région Guadeloupe – andre.bon@cr-guadeloupe.fr<br />
La Guadeloupe a d’ores et déjà de bons résultats en termes<br />
d’intégration des énergies renouvelables (14 % de la production<br />
électrique actuelle). Elle possède aujourd’hui, avec Bouillante,<br />
l’unique unité de production d’électricité d’origine géothermique<br />
des Antilles. La région Guadeloupe se fixe des objectifs ambi-<br />
tieux en adaptant à son territoire les engagements européens<br />
et nationaux, notamment ceux inscrits dans le cadre du Grenelle.<br />
Ainsi, en 2030, selon un scénario volontariste, il est envisagé que<br />
75 % de la production électrique soit d’origine renouvelable.<br />
Cet objectif prévoit que 35 % de la production électrique<br />
en Guadeloupe soit d’origine géothermique (contre 8 % actuel-<br />
lement), grâce au développement de Bouillante et à l’importation<br />
de l’énergie électrique d’origine géothermique de la Dominique.<br />
Pour ce faire, la région Guadeloupe pilote le projet INTERREG<br />
« Géothermie Caraïbe », soutient le projet GHEZAB d’exploration<br />
géothermique de la zone de Vieux-Habitants en Guadeloupe et<br />
appuie l’émergence d’un porteur de projet industriel capable<br />
d’assurer le nécessaire développement de Bouillante (rénovation<br />
des unités B1 et B2, mise en œuvre de B3). Elle soutient aussi différents<br />
projets de recherche et de développement technologique.<br />
La région entend ainsi faire de la Guadeloupe un pôle d’excellence<br />
caribéen en créant un climat favorable (en termes de<br />
financements, d’infrastructures…), en attirant les projets et en<br />
positionnant l’université locale, l’université des Antilles et de<br />
la Guyane, comme un partenaire incontournable pour les<br />
programmes de recherche. Elle souhaite par ailleurs identifier<br />
les métiers et les besoins en formation et surtout œuvrer pour<br />
y répondre sur place.<br />
Objectifs clairement affichés, renforcer l’autonomie énergétique<br />
de la Guadeloupe, faire du territoire une vitrine idéalement<br />
placée pour les marchés des Antilles, mais aussi pour ceux<br />
d’Amérique centrale et du Sud (avec un potentiel supérieur<br />
à 6 000 MW). ■<br />
Avec la centrale géothermique de Bouillante, la Guadeloupe<br />
a été une pionnière de la géothermie dans la Caraïbe.<br />
With the Bouillante power plant, Guadeloupe has pioneered<br />
the use of geothermal energy in the Caribbean.<br />
© BRGM – J.-M. Mompelat.
La seconde phase du projet « Géothermie Caraïbe »<br />
vient de débuter. Outre la poursuite de l’accompagnement<br />
du développement de la géothermie en Dominique,<br />
elle comprend un état des lieux détaillé du potentiel<br />
géothermique de la zone Caraïbes, la définition d’une<br />
méthodologie standard de développement de projet<br />
garantissant leur qualité environnementale, l’évaluation<br />
de la demande en électricité de la région et la<br />
définition d’un plan d’actions pour la maîtrise de cette<br />
demande. Le projet comporte aussi un important volet<br />
d’information et de communication, jugées essentielles<br />
pour répondre aux attentes des populations et faciliter<br />
l’acceptation des projets géothermiques. Enfin, le projet<br />
intègre un volet formation, pour étudier la possibilité<br />
de développer et de mettre en réseau des compétences<br />
sur la géothermie à l’échelle de la Caraïbe.<br />
La seconde phase du projet<br />
« Géothermie Caraïbe » comprend<br />
un état des lieux du potentiel<br />
géothermique de l’ensemble<br />
de la zone Caraïbes.<br />
Il est prévu la définition d’un programme détaillé<br />
d’actions à conduire dans les quinze ans à venir et<br />
l’estimation de besoins financiers correspondants.<br />
Corrélativement, la définition d’un dispositif financier<br />
pour mieux couvrir le risque géologique sera étudié.<br />
Enfin, cette seconde phase de « Géothermie Caraïbe »<br />
se terminera par la tenue, en Guadeloupe en 2014, d’un<br />
séminaire international de restitution qui réunira des<br />
responsables politiques, des techniciens et administratifs<br />
de l’espace caraïbe et d’Amérique Centrale ainsi que<br />
des industriels et des porteurs de projets. « Géothermie<br />
Caraïbe – Phase 2 » est porté par la région Guadeloupe<br />
et l’ADEME. Il associe également la région Martinique,<br />
le BRGM, l’AFD, la CDC, Électricité de Strasbourg et<br />
les États de l’Arc Caraïbe intéressés. Il est cofinancé par<br />
l’Europe au titre du programme INTERREG IV « Espace<br />
Caraïbe », son budget est de 3,8 M€ et sa réalisation<br />
courra sur 2013 et 2014. ■<br />
Les auteurs remercient Erwan Bourdon et Alain Gadalia,<br />
géologues du BRGM, pour leur collaboration.<br />
C<br />
M<br />
J<br />
CM<br />
MJ<br />
CJ<br />
CMJ<br />
N<br />
Publicité<br />
developing geothermal energy in the caribbean<br />
Leader du forage géothermique profond<br />
en France, avec 30 ans d’expérience.<br />
Developing geothermal energy in the Caribbean<br />
Despite the many geothermal prospecting<br />
operations conducted in the Caribbean<br />
region over the past thirty years and<br />
the existence of potentially exploitable<br />
resources, the development of electricity<br />
generation from this source is so far<br />
limited to Guadeloupe’s Bouillante<br />
facilities.<br />
Several possible causes can be cited to<br />
explain this paucity of implementations:<br />
– mining risk, and difficulty in obtaining<br />
public funding to exclude it;<br />
– lack of a development strategy for<br />
geothermal energy at a regional scale,<br />
which has not allowed a sufficient<br />
market to be created to attract private<br />
investors;<br />
– natural constraints inherent to<br />
the territories involved, which render<br />
the installations particularly difficult<br />
to integrate into the environment.<br />
To resolve this issue, the second phase<br />
of the “Géothermie Caraïbe” program,<br />
just launched, has set itself the objective<br />
of implementing a real Caribbean policy<br />
to develop the geothermal sector.<br />
This project, integrated in the framework<br />
www.cofor.com<br />
of an exemplary sustainable development<br />
approach, is spearheaded by the<br />
Guadeloupe region and ADEME.<br />
It also federates inputs from the<br />
Martinique region, BRGM, AFD, CDC<br />
and Électricité de Strasbourg.<br />
With participation from interested<br />
Caribbean Islands states, it aims to lay<br />
the groundwork for local development<br />
of geothermal projects. It comprises five<br />
aspects addressing the following themes:<br />
environmental excellence and successful<br />
integration of the facilities, policies<br />
to control electricity consumption needed<br />
for the development of projects,<br />
the establishment of a fund covering<br />
mining risk and financing for<br />
the upstream phase of the projects,<br />
communication to and enhancing<br />
awareness of populations to geothermal<br />
energy, and training in view to developing<br />
geothermal know-how on a regional<br />
basis. “Géothermie Caraïbe – Phase 2”<br />
is co-funded by Europe under the program<br />
INTERREG IV “Espace Caraïbe”; its budget<br />
is 3.8 M€ and it will continue over 2013<br />
and 2014.
36<br />
géothermie<br />
des projets géothermiques industriels en auvergne... innover ensemble, agir local<br />
Le Massif central présente<br />
un potentiel géothermique<br />
haute température non négligeable.<br />
Pour le valoriser, un rassemblement<br />
d’acteurs aux compétences<br />
multiples, fédéré et dirigé par<br />
un maître d’ouvrage, a été constitué<br />
afin de réaliser les sauts<br />
de connaissances géoscientifiques<br />
et technologiques nécessaires.<br />
L’exploitation de centrales<br />
électriques géothermiques avec des<br />
technologies éprouvées est un outil<br />
d’aménagement du territoire<br />
bénéfique aux populations<br />
et respectueux de l’environnement.<br />
La source du Par (82 °C) à Chaudes-Aigues, Cantal.<br />
The Par spring (82 °C) in Chaudes-Aigues,<br />
Cantal Department..<br />
© BRGM – P. Chèvremont.<br />
Mélissa Sanciaut<br />
Electerre de France<br />
Communication<br />
contact@electerre.fr<br />
www.electerre.fr<br />
Lionel Bouchet<br />
Electerre de France<br />
Directeur délégué et technique<br />
Olivier Bouttes<br />
Electerre de France<br />
Président directeur général<br />
Vincent Bouchot<br />
BRGM<br />
Géologue géothermal<br />
v.bouchot@brgm.fr<br />
Des projets géothermiques<br />
industriels en Auvergne…<br />
innover ensemble,<br />
agir local<br />
Des richesses énergétiques sont enfouies sous terre, c’est une certitude. Encore<br />
faut-il arriver à mettre en place les études géoscientifiques nécessaires pour connaître,<br />
démontrer et prouver leur capacité à être exploitées, puis apporter les compétences<br />
et les techniques performantes pour une exploitation industrielle des ressources<br />
géothermales. Et enfin, apprendre à<br />
penser « développement durable » et<br />
à travailler en créant un cercle vertueux,<br />
propice à un développement économique<br />
et sociétal dans le respect de l’environnement.<br />
C’est le défi que les projets<br />
de la société Electerre de France (EtF)<br />
visent à relever (encadré ci-contre).<br />
Nous n’héritons pas de la terre<br />
de nos ancêtres, nous l’empruntons<br />
à nos enfants. Antoine de Saint-Exupéry<br />
Les quatre piliers du développement durable de la géothermie<br />
dans le Massif central<br />
Le développement durable raisonné a pour objectif de permettre aux acteurs de ces<br />
projets – entreprises, collectivités et populations – d’être gagnants et garants du<br />
respect de l’environnement pour les générations futures.
industrial geothermal energy projects in the auvergne region... innovate together, act on a local level<br />
Efficacité économique<br />
Le but est de constituer une filière française en contextes<br />
volcaniques complexes et méconnus, tels que les rifts<br />
intracontinentaux.<br />
Ce savoir-faire, exportable, s’identifie à son territoire<br />
d’origine : l’Auvergne, terre de volcans. Elle vise à atteindre<br />
un coût du kWh permettant d’améliorer la compétitivité,<br />
par une diminution et une maîtrise de l’ensemble<br />
des coûts liés à la production énergétique (chaleur<br />
et/ou électricité).<br />
Pour ce faire, les enjeux géoscientifiques, techniques<br />
et économiques des projets sont les suivants :<br />
– développer des méthodes d’exploration géothermique<br />
de sites potentiels limitant les coûts et les risques<br />
propres à cette énergie ;<br />
– maîtriser la gestion des réservoirs géothermiques et<br />
les impacts de leur exploitation sur l’environnement ;<br />
– construire, exploiter et optimiser des centrales<br />
géothermiques avec des démonstrateurs éprouvés et<br />
reproductibles utilisant des technologies innovantes ;<br />
– s’appuyer sur des partenaires favorisant l’emploi<br />
et la création de richesses dans nos territoires, et<br />
initialement en Auvergne.<br />
> Electerre de France, intégrateur de savoir-faire<br />
La jeune société auvergnate travaille à réunir toutes les compétences nécessaires à<br />
la réussite de ses projets :<br />
– acteurs des géosciences dont les recherches permettent d’identifier plus rapidement<br />
la ressource (maîtrise des risques) ;<br />
– bureaux d’études d’ingénierie spécialisés dans le développement durable, pour une<br />
gestion de projet exemplaire ;<br />
– spécialistes du forage aux équipements et aux pratiques sans cesse améliorés (forages<br />
de plus en plus précis, fiables, coûts maîtrisés) ;<br />
– fabricants développant des technologies de surface (échangeur, turbine, aéroréfrigérant)<br />
à haute valeur ajoutée permettant de maximiser la production énergétique ;<br />
– acteurs de l’aménagement du territoire (collectivités territoriales, entrepreneurs<br />
privés, population), informés et associés aux projets, contribuant à leur intégration<br />
environnementale, économique et sociale. n<br />
Respect de l’environnement<br />
L’exploitation durable de la ressource passe par un<br />
investissement fort dans la mise en place d’outils et<br />
de méthodes permettant le contrôle et la vérification<br />
des impacts sur l’environnement.<br />
À chaque étape, la recherche et des techniques<br />
éprouvées doivent permettre de mieux comprendre<br />
le fonctionnement du réservoir géothermique et ainsi<br />
de déterminer comment l’exploiter efficacement et<br />
durablement en évitant des impacts sur l’environnement<br />
et sur les ressources connexes comme les eaux<br />
thermales (figure 1).<br />
Fig. 1 : Esquisse d’une future<br />
centrale Electerre de France,<br />
productrice d’électricité et<br />
de chaleur.<br />
Fig. 1: Sketch of a future<br />
Electerre-de-France power plant,<br />
producer of heat and electricity.<br />
© Electerre de France, www.electerre.fr<br />
37<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
38<br />
des projets géothermiques industriels en auvergne... innover ensemble, agir local<br />
L’exploitation de la ressource<br />
géothermique favorise la création<br />
de richesses dans les territoires.<br />
Dynamique sociétale<br />
En s’appuyant sur des partenaires nationaux et<br />
régionaux pour développer les centrales, en créant<br />
des sites de production localement et en valorisant<br />
la chaleur résiduelle, l’exploitation de la ressource<br />
géothermique favorise la création de richesses dans<br />
les territoires.<br />
En complément des emplois dits directs, l’élaboration<br />
des scénarios de développement économique autour<br />
des centrales en lien avec les collectivités, les acteurs<br />
économiques locaux et les populations favorise l’ acceptabilité<br />
de l’exploitation de la ressource.<br />
Nous pouvons citer des exemples de domaines<br />
d’activités présentant des débouchés « chaleur »<br />
potentiels sur les zones concernées : le tourisme<br />
(centre d’hébergement et d’activités ludiques), la<br />
filière bois (séchage), l’industrie agroalimentaire<br />
(laiterie, maraîchage…).<br />
Gouvernance<br />
En fédérant tous ces acteurs, institutions (parcs<br />
naturels, communautés de communes, départements<br />
et régions), associations, investisseurs publics et<br />
privés, afin de travailler en étroite collaboration avec<br />
les équipes locales, un double objectif est visé : faire que<br />
les centrales électriques géothermiques soient un<br />
exemple d’intégration tant en termes de respect de<br />
l’environnement et des populations que de développement<br />
de richesses sur le territoire. Cette démarche,<br />
profitable pour tous, n’est autre que la gouvernance<br />
mise en place par le maître d’ouvrage de ces projets,<br />
à savoir la société Electerre de France.<br />
Fig. 2 : Géothermométrie des sources<br />
thermominérales du Massif central français<br />
situées dans l’emprise du rift ouest-européen<br />
et indiquant des températures de réservoirs<br />
de plus de 200 °C localement le long d’un axe<br />
subméridien (voir Bouchot et al., Géosciences<br />
n° 12, déc 2010, pp. 88-99).<br />
Fig. 2: The geothermometric conditions of<br />
the hot mineral springs in the French<br />
Massif Central situated within the Western<br />
European rift zone, indicating reservoir<br />
temperatures locally exceeding 200 °C<br />
along a shear zone axis (see Bouchot et al.,<br />
Géosciences 12, Dec. 2010, pp. 88-99).<br />
© BRGM.<br />
Géothermométrie des sources (sur la base<br />
des géothermomètres SiO2, Na/K et Na/Li)<br />
Température, Certitude<br />
(concordance des géothermomètres)<br />
200 °C, Haute<br />
200 °C, Moyenne<br />
200 °C, Basse<br />
160-200 °C, Haute<br />
160-200 °C, Basse<br />
120-160 °C, Haute<br />
120-160 °C, Moyenne<br />
120-160 °C, Basse<br />
100-120 °C, Haute<br />
100-120 °C, Basse<br />
Source
industrial geothermal energy projects in the auvergne region... innovate together, act on a local level<br />
Monts-<br />
Dore<br />
Cantal<br />
Paris<br />
Limagne<br />
Bruxelles<br />
Bresse<br />
Lyon<br />
Marseille<br />
Jura<br />
Eifel<br />
Cologne<br />
Rift du Rhin<br />
Le potentiel géothermique<br />
haute température du Massif central<br />
Vogelsberg<br />
Kaiserstuhl<br />
Hegau<br />
Berne<br />
Alpes occidentales<br />
Urach<br />
Une province géothermique complexe<br />
L’existence d’un volcanisme récent, d’un flux de<br />
chaleur anormalement élevé (jusqu’à 110 mW/m2 ) et<br />
de multiples sources thermominérales (jusqu’à 82 °C)<br />
suggère que la partie du Massif central comprise entre<br />
Néris-les-Bains au nord et Bagnols-les-Bains au sud<br />
constitue une province géothermique sous-explorée<br />
car méconnue (figure 2) [Varet et al. (1977) ; Genter et al.<br />
(2003)]. Du point de vue géodynamique, cette partie<br />
du Massif central constitue un tronçon du rift<br />
ouest-européen [Ziegler (1992)], siège de processus<br />
magmatiques (volcanisme alcalin), tectono-sédimentaires<br />
(multiples fossés d’effondrement, flambage<br />
lithosphérique) et thermiques complexes (figure 3). À<br />
l’échelle de l’Europe, ce rift s’étend sur plus de 1 000 km,<br />
en générant au Tertiaire un système de grabens (Rift du<br />
Rhin, Alsace, Bresse, Limagne) disposés concentriquement<br />
autour de l’arc alpin.<br />
À part les nombreuses sources thermominérales et<br />
leur travertin (1) , les expressions de surface des réservoirs<br />
(1) Travertin : dépôt de calcaire précipité à l’émergence de sources thermominérales.<br />
Röhn<br />
Erfurt<br />
Munich<br />
Doupov<br />
Eger<br />
Bohême<br />
Dresde<br />
Prague<br />
Vienne<br />
Volcanisme alcalin<br />
tertiaire péri-alpin<br />
Principales failles<br />
des zones du rift<br />
péri-alpin<br />
Principaux<br />
décrochements<br />
Zone orogénique<br />
alpine<br />
Volcanisme<br />
calco-alcalin tertiaire<br />
des Alpes<br />
occidentales<br />
0 100 200 km<br />
Fig. 3 :<br />
Localisation du rift<br />
ouest-européen,<br />
montrant le système<br />
de failles cénozoïques,<br />
les fossés<br />
d’effondrement et<br />
les zones volcaniques<br />
récentes.<br />
Fig. 3: Location map<br />
of the European<br />
Cenozoic rift system,<br />
showing Cenozoic<br />
fault systems<br />
(black lines),<br />
rift-related<br />
sedimentary basins<br />
(yellow) and volcanic<br />
fields (dark blue).<br />
© BRGM<br />
(modifié par P. Nehlig d’après<br />
Brousse et Bellon, 1983).<br />
situés en profondeur sont rares dans le Massif central :<br />
absence de fumerolle, de geyser et rareté des dépôts<br />
siliceux de surface (sinter) typiques de fluides de<br />
haute température en profondeur. Pourtant, d’après<br />
les géothermomètres acquis à partir de ces eaux de<br />
sources thermominérales, la province dispose de<br />
ressources géothermales comprises entre 150 °C et 220 °C<br />
(figure 2) , qui sont des températures adaptées à la<br />
production d’électricité, notamment par cycle binaire.<br />
En revanche, la profondeur à laquelle ces fluides<br />
géothermaux sont à cette température d’équilibre<br />
dans les réservoirs est inconnue, en raison de l’absence<br />
de forage et de campagnes d’exploration géophysique<br />
adaptée à ces cibles. En l’état des connaissances,<br />
trois hypothèses peuvent être avancées : 1) les réservoirs<br />
géothermiques sont très profonds (5-6 km), handicapant<br />
sérieusement une exploitation ; 2) ils sont à<br />
de grandes profondeurs mais accessibles (~2-3 km) ; 3)<br />
ils sont à la profondeur idéale (< 2 km), mais masqués<br />
par des roches de couverture (caprocks) « efficaces »<br />
(notion de blind geothermal field des Anglo-saxons).<br />
Dans tous les cas, il s’agit de systèmes difficiles à<br />
prospecter qui nécessitent des méthodes adaptées<br />
au contexte géologique.<br />
39<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
40<br />
des projets géothermiques industriels en auvergne... innover ensemble, agir local<br />
Couverture argileuse<br />
illite<br />
Chaleur et gaz<br />
issus de magma<br />
Réservoir<br />
fracturé<br />
250 °C<br />
Smectite<br />
Deux modèles complémentaires<br />
300 °C<br />
> 200 °C (chambre magmatique)<br />
Source chaude<br />
Dans cette partie du Massif central anormalement<br />
chaude, les sources de chaleur restent encore à caractériser,<br />
qu’elles soient magmatiques ou amagmatiques<br />
(sans recours au magmatisme superficiel) (figure 4). Dans<br />
le premier cas, il pourrait s’agir de sources magmatiques<br />
associées au volcanisme récent du Massif central (< 1 Ma) :<br />
la source de chaleur correspond à une chambre superficielle<br />
(< 10 km de profondeur) de magma en cours de<br />
refroidissement. Mais cette hypothèse paraît improbable<br />
dans les secteurs du Massif central où le volcanisme<br />
récent est inconnu en surface. C’est pourquoi l’hypothèse<br />
de circulation de fluides profonds et chauds<br />
(convection hydrothermale pure) mérite d’être étudiée<br />
avec attention : c’est le modèle parfois dénommé<br />
« balayage de la chaleur » ou heat sweep through<br />
deep-reaching fractures. Enfin, la présence en profondeur<br />
de granites pourrait expliquer certaines anomalies<br />
thermiques locales.<br />
Réduire le risque géologique par un saut<br />
de connaissances géoscientifiques<br />
et technologiques<br />
En l’absence de forages d’exploration géothermique,<br />
ce tronçon anormalement chaud du Massif central<br />
constitue un système géothermique de type « haute<br />
température » dont l’exploitabilité reste à prouver.<br />
Réduire au maximum le risque géologique impose un<br />
saut de connaissance géoscientifique.<br />
En termes d’innovation, des modèles conceptuels<br />
évolutifs, spécifiques au Massif central, doivent être<br />
élaborés afin d’en tirer des guides d’exploration, que<br />
200 °C<br />
150 °C<br />
100 °C<br />
Manifestations<br />
de surface<br />
(source)<br />
°C Isothermes<br />
0 1 km<br />
Couverture Couverture Couverture Couverture Couverture argileuse argileuse argileuse argileuse argileuse<br />
illite – smectite<br />
Chaleur issue<br />
de circulation hydrothermale<br />
profonde<br />
Source chaude<br />
Faille<br />
ce soit à l’échelle régionale de reconnaissance du<br />
Massif central ou à l’échelle locale d’un permis exclusif<br />
de recherche (PER). En parallèle, le développement<br />
couplé de méthodes géophysiques tels que la MT<br />
(magnéto-tellurique) et la sismique réflexion doit<br />
permettre de visualiser au mieux la géométrie des<br />
réservoirs potentiellement exploitables.<br />
En termes de prospection de surface, les campagnes<br />
d’exploration 3D combinant géologie, géochimie et<br />
géophysique devront s’adapter au maximum aux<br />
spécificités des PER et amplifier l’interdisciplinarité<br />
garante d’une haute qualité d’interprétation des données<br />
acquises. En effet, seule une forte interdisciplinarité<br />
permet de réduire le champ des possibles lors des interprétations<br />
et ainsi de diminuer les risques géologiques<br />
lors de l’implantation des forages d’exploration.<br />
Au final, l’expérience acquise sur ce tronçon de rift<br />
ouest-européen, particulièrement difficile à explorer,<br />
pourrait être appliquée sur d’autres tronçons de ce<br />
même rift (figure 4) et sur d’autres rifts intracontinentaux<br />
dans le monde, comme par exemple le rift du<br />
Cameroun, large d’une centaine de kilomètres et long<br />
de 1 600 kilomètres. Elle pourrait également être<br />
exportée vers d’autres provinces géologiques sous-explorées<br />
car complexes (réservoirs profonds…) comme sur<br />
l’île de la Réunion (encadré ci-contre).<br />
Plus globalement, elle permettra d’asseoir des capacités<br />
démontrées sur tout autre champ géothermal de haute<br />
température dans le monde et notamment dans les<br />
Antilles, généralement plus facile à explorer.<br />
Source chaude<br />
Smectite<br />
Lithologie favorable<br />
250 °C<br />
200 °C<br />
150 °C<br />
Réservoir<br />
faille<br />
150-200 °C (circulation hydrothermale profonde)<br />
100 °C<br />
Manifestations<br />
de surface<br />
(source)<br />
°C Isothermes<br />
0 1 km<br />
Fig. 4 : Modèles<br />
conceptuels possibles<br />
pour des systèmes<br />
géothermaux de<br />
hautes températures<br />
dans le Massif central<br />
français.<br />
D’après Cumming, 2009.<br />
Fig. 4: Possible<br />
conceptual models<br />
for high-energy<br />
geothermal systems<br />
in the French Massif<br />
central.<br />
From Cumming, 2009.
industrial geothermal energy projects in the auvergne region... innovate together, act on a local level<br />
> L’exploration géothermique à la Réunion<br />
Chrystel Dezayes – BRGM, Direction des Géoressources – c.dezayes@brgm.fr<br />
Malgré la présence de deux volcans sur l’île de la Réunion, son potentiel<br />
géothermique n’est toujours pas totalement avéré. Le Piton des Neiges,<br />
dont la dernière activité remonte à 12 000 ans seulement, montre un<br />
gradient de température élevé, qui peut atteindre de 18 à 20 °C par<br />
100 mètres dans certaines zones (le gradient moyen de la croûte<br />
continentale étant de 3 °C/100 mètres). Des manifestations hydrothermales<br />
et des émanations gazeuses d’origine mantellique existent<br />
au niveau des cirques de Salazie ou de Cilaos, indiquant la présence<br />
d’une ressource géothermale potentielle.<br />
À la suite des premières investigations, il a été décidé de réaliser deux forages<br />
d’exploration en 1985 et 1986 dans le Cirque de Salazie (Piton des Neiges) et<br />
à Grand Brûlé, sur le flanc est du Piton de la Fournaise. Bien que ce dernier<br />
constitue l’un des volcans les plus actifs au monde, le gradient thermique<br />
mesuré dans le forage de 3 000 mètres s’est révélé faible et aucun fluide<br />
représentatif d’une ressource géothermale n’a été trouvé. À Salazie, le forage<br />
a montré une température élevée de 185 °C à 2 100 mètres de profondeur,<br />
mais ne s’est pas révélé suffisamment productif. Quoi qu’il en soit, plusieurs<br />
zones présentent un intérêt géothermique potentiel, comme les cirques de<br />
Salazie et de Cilaos, ainsi que le secteur de Bras Cabot.<br />
Au Piton de la Fournaise, les conditions propices au développement<br />
d’un système géothermal ont été mises en évidence au début des années<br />
2000 à l’aplomb des cratères sommitaux. Plusieurs synthèses des<br />
données existantes, ainsi qu’une campagne d’acquisition de données<br />
géologiques et géophysiques, ont été réalisées entre 2000 et 2003<br />
pour aboutir à la sélection d’une zone d’intérêt géothermique potentielle<br />
au niveau de la Plaine des Sables. Cependant, cette zone étant située au<br />
cœur du parc national, qui plus est classée au patrimoine de l’Unesco, le<br />
projet de forages d’exploration géothermique a été abandonné en 2009.<br />
L’exploration géothermique de l’île de la Réunion est au point mort,<br />
alors que d’autres zones pourraient présenter des contextes favorables,<br />
comme les secteurs de Rivière Langevin ou Rivière des Remparts. La relance<br />
de la géothermie sur le territoire de l’île de la Réunion ne s’effectuera<br />
que par un travail préalable de concertation dans le cadre d’un objectif<br />
de développement durable. n<br />
64<br />
62<br />
60<br />
58<br />
56<br />
54<br />
52<br />
50<br />
48<br />
46<br />
44<br />
42<br />
Les cirques de Salazie et de Cilaos<br />
sur l’île de la Réunion présentent<br />
un intérêt géothermique potentiel.<br />
The Salazie and Cilaos cirques<br />
on Réunion Island show a potential<br />
geothermal interest.<br />
© BRGM.<br />
Morne de Fourche<br />
Col<br />
du Taïbit<br />
Grand-<br />
Benare<br />
La Roche-Écrite<br />
Mare-à-Martin<br />
Le Cimendef<br />
Grand-<br />
Îlet<br />
R. Platte<br />
SLZ1<br />
Piton d’Enchain<br />
Cirque de Mafate<br />
Gros-Morne<br />
Mafate<br />
Cirque<br />
de Cilaos<br />
Piton<br />
des Neiges<br />
Bois-Rouge<br />
Cilaos<br />
Piton de Sucre<br />
La-Chapelle<br />
Petit-Benare<br />
Îlet-à-Cordes<br />
Les-Trois-Bras<br />
Le-Grand-Sable<br />
Bras-Sec<br />
Gueule-<br />
Rouge<br />
Palmiste-<br />
Rouge<br />
Hellbourg<br />
Îlet-à-<br />
Vidot<br />
N<br />
Plateau<br />
Wickers<br />
Salazie<br />
Plateau<br />
de Belouve<br />
0 2 km<br />
Sondage<br />
géothermique<br />
Limite supposée<br />
de la caldera récente<br />
Complexe intrusif et<br />
intrusions syénitiques<br />
Source<br />
thermominérale<br />
Profil de la section<br />
146 148 150 152 154 156 158 160 162 164 166<br />
Source d’eau chaude à Cilaos.<br />
Hot spring at Cilaos.<br />
© BRGM – P. Calcagno.<br />
Forage à Salazie.<br />
Well being drilled at Salazie.<br />
© BRGM – J.-C. Chiron.<br />
64<br />
62<br />
60<br />
58<br />
56<br />
54<br />
52<br />
50<br />
48<br />
46<br />
44<br />
42<br />
41<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
42<br />
des projets géothermiques industriels en auvergne... innover ensemble, agir local<br />
Le développement de l’électricité<br />
géothermique dans le Massif central<br />
Les besoins exprimés (électricité, chaleur)<br />
Lors de rencontres avec les acteurs locaux tels que le<br />
Parc naturel régional des volcans d’Auvergne (PNRVA),<br />
des besoins ont été clairement exprimés. « La recherche<br />
d’un bouquet de productions énergétiques renouvelables,<br />
créées localement et de façon raisonnée, combinées à une<br />
réduction significative des consommations est un enjeu<br />
fort identifié dans le projet du parc 2012-2024 » (Roger<br />
Garde, président du PNRVA).<br />
Le débouché « chaleur » pourrait participer à la réduction<br />
des consommations en favorisant l’implantation de<br />
nouvelles activités.<br />
Les centrales géothermiques :<br />
ressource et exploitation<br />
Les projets consistent en la construction de centrales<br />
géothermiques sur des gisements de haute température<br />
entre 150 °C et 220 °C.<br />
Pour la géothermie, un enjeu est de maximiser<br />
l’énergie produite à partir d’une source chaude dont<br />
la température est fixe.<br />
La puissance recherchée varie, selon les sites, de 5 à<br />
10 MW électriques. Plusieurs démonstrateurs de<br />
2,5 MWe peuvent être installés successivement et<br />
combinés, en fonction de la localisation définitive<br />
des sites. Une utilisation secondaire de la chaleur,<br />
avant réinjection du fluide géothermal dans le réservoir,<br />
permet d’améliorer le rendement de l’installation<br />
(fonctionnement en cogénération).<br />
Les technologies adaptées<br />
La centrale électrique géothermique est construite<br />
sur la base de technologies éprouvées. À ce niveau de<br />
Pour la géothermie, un enjeu<br />
est de maximiser l’énergie produite<br />
à partir d’une source chaude<br />
dont la température est fixe.<br />
température, l’eau chaude produit trop peu de vapeur<br />
sèche pour actionner une turbine. Aussi est-il préférable<br />
d’employer le fluide chaud pour réchauffer et vaporiser<br />
un autre fluide, et d’employer la vapeur de ce fluide<br />
secondaire pour faire tourner une turbine et un<br />
générateur.<br />
La technologie du cycle binaire (figure 5) a été choisie<br />
afin de convertir le fluide géothermal en électricité. En<br />
thermodynamique, ce système est appelé cycle de<br />
Rankine.<br />
Fluide organique<br />
Turbine<br />
Échangeur de chaleur<br />
Pompe<br />
Puits<br />
de production<br />
Fig. 5 : Schéma de principe du cycle<br />
binaire. Le fluide géothermal circule<br />
d’abord dans un échangeur de chaleur<br />
où elle réchauffe et vaporise le fluide<br />
secondaire. Celui-ci fait tourner alors<br />
une turbine couplée à un générateur<br />
électrique. Il est ensuite refroidi<br />
dans un condenseur grâce au fluide<br />
de refroidissement, reconvertissant<br />
la vapeur en eau pour réemploi dans<br />
le cycle. La redistribution de la chaleur,<br />
dite fonctionnement en cogénération,<br />
permet d’améliorer le rendement<br />
de l’installation.<br />
Générateur<br />
Condenseur<br />
Eau de<br />
refroidissement<br />
Puits<br />
d’injection<br />
Électricité<br />
Rejet de vapeur<br />
dans l’atmosphère<br />
Air Air<br />
Tour de<br />
réfrigération<br />
Eau<br />
Fig. 5: Flow diagram for a binary cycle.<br />
The geothermal fluid initially transits<br />
through a heat exchanger, where it<br />
heats the secondary fluid, converting it<br />
to steam. This is then runs a turbine<br />
coupled with an electric generator .<br />
Next, it is cooled in a condenser by<br />
a coolant fluid, returning the steam<br />
to a liquid state for reuse in the cycle.<br />
Heat redistribution, known as<br />
the cogeneration process, enhances<br />
the plant’s efficiency.<br />
© ADEME/BRGM. In La géothermie.<br />
Quelles technologies pour quels usages ?,<br />
collection Les enjeux des Géosciences.
Massif volcanique du Sancy : le sommet vu du nord. Au premier plan, un affleurement de pyroclastites.<br />
The Sancy volcanic Massif and its summit viewed from the North. In the foreground, an outcrop of pyroclasts. © J. Varet.<br />
La chaleur résiduelle comme facteur<br />
du développement du territoire<br />
Le système en cogénération, bénéfique techniquement,<br />
est également intéressant économiquement. En<br />
effet, la production d’électricité fournit une chaleur<br />
résiduelle en base, à un coût particulièrement<br />
attractif (l’électricité produite assurant la part du<br />
revenu principal de la centrale) et stable. Orientée<br />
vers des activités exploitant cette chaleur avec des<br />
procédés adaptés, elle constitue ainsi un outil de<br />
compétitivité économique pour les territoires, comme<br />
par exemple dans (2) :<br />
– l’agriculture avec le maraîchage, la pisciculture, la<br />
floriculture, l’arboriculture ;<br />
– l’industrie avec la filière bois (séchage, etc.) ;<br />
– les activités de loisirs (bains ludiques « Blue Lagoon »,<br />
serres des jardins tropicaux, etc.).<br />
(2) En Nouvelle Zélande : http://www.hanmersprings.co.nz ; http://www.<br />
hukaprawnpark.co.nz ; http://www.tuaropaki.com/horticulture.asp<br />
En Islande : http://www.bluelagoon.com/ ; http://www.photovoyage.org/<br />
islande/economie.php (cultures bananes et ananas)<br />
Au Kenya : culture de roses.<br />
La géothermie : outil d’aménagement<br />
du territoire<br />
Devant un défi d’intégration environnementale et<br />
économique exemplaire, la société Electerre de France<br />
travaille sur ces sujets fondamentaux avec les acteurs<br />
locaux. Les activités consommatrices des débouchés<br />
« chaleur » de centrale géothermique favoriseront le<br />
maintien ou le développement d’un bassin d’emploi.<br />
En travaillant sur l’intégration territoriale et culturelle,<br />
en contrôlant et limitant les impacts environnementaux<br />
des installations, on favorisera l’acceptabilité des<br />
installations géothermiques dans le territoire.<br />
L’acquisition de connaissances dans des provinces<br />
géothermales complexes et inexploitées, la création<br />
d’un savoir-faire innovant, la construction et l’exploitation<br />
de centrales menées en adéquation avec les<br />
acteurs locaux et propices à l’aménagement du territoire<br />
constitue une offre nouvelle.<br />
Valorisant pour son territoire d’origine, l’Auvergne, ce<br />
savoir-faire ouvre des perspectives de développement<br />
dans le monde entier. n<br />
Industrial geothermal<br />
energy projects in<br />
the Auvergne region...<br />
innovate together,<br />
act on a local level<br />
The French Massif central,<br />
and more particularly<br />
the Auvergne district, displays<br />
several surficial expressions<br />
that would indicate<br />
potentially favorable<br />
conditions for the<br />
development of high-enthalpy<br />
geothermal energy. These<br />
include hydrothermal springs<br />
with geothermometers<br />
revealing reservoir conditions<br />
above 150 °C and up to 200 °C,<br />
which could relate to recent<br />
volcanic activity. Volcanism is<br />
characterized by differentiated<br />
products, evidence of<br />
the possible existence of<br />
a shallow magma chamber<br />
as a heat source.<br />
A multidisciplinary approach<br />
is presently being developed<br />
under the leadership of<br />
a local industrial entity and<br />
associating the necessary<br />
socio-economic, geo-scientific<br />
and industrial partners.<br />
The project has achieved<br />
the exploration stage and<br />
will be pursued in a spirit of<br />
sustainable development, with<br />
the involvement of all local<br />
stake-holders including civil<br />
authorities and other local<br />
players. In this context, the<br />
development of geothermal<br />
energy for electricity<br />
production is also seen as<br />
a tool promoting territorial<br />
development including<br />
a cascade use of the heat and<br />
possibly of geothermal fluid.<br />
Bibliographie : Bouchot V., Calcagno P., Genter A. (2010) – Les atouts énergétiques du bassin de la Loire, Géosciences n° 12, dec. 2010, pp. 88-99. Brousse R. et Bellon H. (1983) – Réflexions chronologiques et<br />
pétrologiques sur le volcanisme associé au développement des rifts de France, Bull. Centres Rech. Explor.-Prod. Elf-Aquitaine, 7, 1, 409-424. Cumming W. (2009) – Geothermal resource conceptual models<br />
using surface exploration data. PROCEEDINGS, Thirty-Fourth Workshop on Geothermal Reservoir Engineering Stanford University, Stanford, California, February 9-11, 2009, 6 p. Genter A., Giot D., Lieutenant N.,<br />
Nehlig P., Rocher Ph., Roig J.-Y., Chevremont Ph., Guillou-Frottier L., Martelet G., Bitri A., Perrin J., Serrano O., Courtois N., Vigouroux Ph., Negrel Ph., Serra H., Petelet-Giraud E., (2003) – Méthodologie de l’inventaire<br />
géothermique des Limagnes : Projet COPGEN, Compilation des données, Rapport BRGM/RP-52644-FR, 122 p. Varet J., Stieltjes L., Gadalia A., Demange J., Lopoukhine M., (1977) – Évaluation du potentiel géothermique<br />
du Massif central français. Rapport interne BRGM 77 SGN 594 GTH, 367 p. Ziegler P.A. (1992) – European Cenozoic rift system. In: P.A. ZIEGLER (Eds) Geodynamics of Rifting, Volume I. Case History Studies<br />
on Rifts: Europe and Asia. Tectonophysics, 208, 91-111.
44<br />
planification<br />
géothermie et planification énergétique territoriale : l’exemple du schéma régional de l’île-de-france<br />
Géothermie et<br />
planification<br />
énergétique<br />
territoriale :<br />
l’exemple<br />
du schéma<br />
régional de<br />
l’Île-de-France<br />
Intégration de la géothermie à différentes<br />
échelles de territoires.<br />
Integrating geothermal energy within<br />
the framework of different territorial scales.<br />
© BRGM/Vertigo.<br />
Adeline Poux<br />
Ingénieur-chef de projets<br />
BRGM/DGR/Division Géothermie<br />
a.poux@brgm.fr<br />
Alexandra Bel<br />
Hydrogéologue-chef de projets<br />
BRGM Île-de-France<br />
a.bel@brgm.fr<br />
L’exploitation des ressources géothermiques est un atout<br />
pour les territoires. Leurs caractéristiques et les besoins<br />
qu’elles peuvent satisfaire doivent être analysés dans le contexte<br />
territorial afin de promouvoir efficacement leur développement.<br />
Cette « territorialisation » a été mise en avant dans les lois<br />
« Grenelle » qui ont impulsé le Schéma régional du climat, de<br />
l’air et de l’énergie (SRCAE) et le Plan climat-énergie territorial<br />
(PCET). Le premier doit permettre de fixer des orientations<br />
pour le développement de la géothermie ; le second, de définir<br />
un plan d’actions à l’échelle infrarégionale.<br />
Le Grenelle de l’environnement a renforcé le rôle des collectivités territoriales dans<br />
la lutte contre le changement climatique et la maîtrise de la demande d’énergie. Les<br />
collectivités ont en effet un rôle clé à jouer. Non seulement parce qu’elles consomment<br />
elles-mêmes de l’énergie et qu’elles ont la compétence pour développer des réseaux de<br />
chaleur, mais aussi dans le cadre de leur politique d’aménagement et d’urbanisme.<br />
La géothermie est une énergie locale qui demande à être valorisée sous une forme<br />
adaptée au cas par cas. En effet, les ressources géothermiques varient géographiquement,<br />
d’une région à une autre, voire d’une ville à une autre, que ce soit en termes de propriétés<br />
des réservoirs aquifères ou de conditions d’accès (figure 1). En fonction de ses caractéristiques,<br />
la ressource pourra être valorisée pour différentes applications : production de<br />
chaleur via des pompes à chaleur (PAC), usage direct pour les réseaux de chaleur, voire production<br />
d’électricité notamment dans les DOM.
geothermal energy into territorial energy planning: the example of the ile-de-france region.<br />
L’intégration de la compétence « énergie » par les<br />
collectivités est donc essentielle au développement de<br />
la filière géothermique, car ses spécificités entraînent<br />
une évaluation préalable de la ressource à l’échelle du<br />
territoire. Une connaissance géolocalisée de la ressource<br />
est nécessaire, car une ressource non utilisée au droit<br />
d’un site ne pourra être mobilisée pour un projet situé<br />
en dehors de ce site. Il est important d’avoir une vision<br />
prospective du potentiel de développement de la géothermie<br />
pour mettre en œuvre les politiques adaptées.<br />
Des outils ont été mis en place par le Grenelle dans<br />
ce sens. Le SRCAE comprend notamment « une évaluation<br />
du potentiel de développement de chaque filière<br />
d’énergie renouvelable terrestre et de récupération, compte<br />
tenu de la disponibilité et des priorités d’affectation des<br />
ressources, des exigences techniques et physiques propres<br />
à chaque filière et des impératifs de préservation de l’environnement<br />
et du patrimoine ».<br />
Les PCET rendus obligatoires pour toutes les collectivités<br />
de plus de 50 000 habitants, proposent des actions<br />
locales à mettre en place, qui doivent être compatibles<br />
avec les orientations données dans les SRCAE [Poux<br />
et al. (2012)]. Ces outils visent à définir un objectif en<br />
étudiant le potentiel local. Des études de potentiel de<br />
développement de la géothermie ont été réalisées pour<br />
plusieurs régions afin de donner des éléments aux<br />
conseils régionaux et aux services de l’État pour alimenter<br />
le volet Énergies renouvelables de leur SRCAE.<br />
Cet article présente l’étude préalable à l’élaboration<br />
du schéma de développement de la géothermie en<br />
Île-de-France (1) . Cette région est remarquable à plusieurs<br />
titres : elle est dotée de ressources géothermales<br />
aquifères superficielles, intermédiaires et profondes<br />
(1) D’autres études régionales ont été réalisées en France : en Midi-Pyrénées<br />
[Bardeau et al. (2011)], en région Centre [Poux et al. (2012)], en Rhône-Alpes<br />
[Chartier et al. (2012)].<br />
Fig 1 : Variabilité des<br />
ressources géothermiques<br />
en France métropole et en<br />
outre-mer français.<br />
Fig. 1: Variability of<br />
geothermal resources<br />
in metropolitan and<br />
overseas France.<br />
© BRGM.<br />
L’intégration de<br />
la compétence<br />
« énergie » par<br />
les collectivités<br />
est essentielle au<br />
développement<br />
de la filière<br />
géothermique.<br />
45<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
46<br />
géothermie et planification énergétique territoriale : l’exemple du schéma régional de l’île-de-france<br />
conséquentes, permettant le déploiement de l’ensemble<br />
des techniques de production de chaleur. En outre, la<br />
demande énergétique est importante et concentrée.<br />
L’ensemble des techniques de production de chaleur,<br />
présentées dans la figure 2, peuvent donc être déployées.<br />
État des lieux de la filière géothermie<br />
en Île-de-France<br />
Les ressources en eau souterraine de l’Île-de-France<br />
présentent globalement (figure 3) :<br />
– des aquifères superficiels, assez bien connus. Il peut<br />
exister jusqu’à trois aquifères superposés entre 0<br />
et 120 mètres de profondeur dans certaines zones ;<br />
– des aquifères intermédiaires (Albien, Néocomien,<br />
Lusitanien), situés à 700 mètres de profondeur en<br />
moyenne ;<br />
– des aquifères profonds (Dogger, Trias), situés à plus<br />
de 1 000 mètres de profondeur.<br />
L’accès à ces ressources est limité par différentes<br />
contraintes, réglementaires ou techniques. Il s’agit<br />
principalement de mesures régionales de protection de<br />
la ressource en eau, comme les schémas d’aménagement<br />
et de gestion des eaux (SAGE), les zones de<br />
répartition des eaux (ZRE) et les mesures de protection<br />
des milieux naturels. Des contraintes plus restrictives<br />
(interdiction de forer dans des périmètres de protection<br />
des captages d’eau potable, présence d’une cavité,<br />
risque de dissolution du gypse, présence d’opérations<br />
de géothermie existantes) sont également prises<br />
en compte.<br />
Concernant les opérations de PAC sur aquifères et<br />
sur champs de sondes dans le résidentiel collectif et<br />
tertiaire (ne concerne pas la géothermie pour le<br />
particulier), 77 opérations en fonctionnement ont<br />
été recensées à fin septembre 2010 en Île-de-France<br />
(figure 4).<br />
Il n’y a eu que trois opérations sur aquifères intermédiaires<br />
avec PAC en 2010. Celle de la Maison de la Radio,<br />
qui a changé en 2011 pour s’alimenter à partir d’aquifères<br />
plus superficiels, et deux opérations toujours en<br />
cours, pour exploiter ces aquifères moins bien connus<br />
et surtout, en ce qui concerne notamment l’aquifère<br />
de l’Albien, identifiés comme réservoirs stratégiques<br />
d’accès à l’eau potable.<br />
Les opérations sur aquifères profonds, et notamment<br />
sur l’aquifère du Dogger, dont la majeure partie a<br />
été mise en service il y a une trentaine d’années, et<br />
en renouveau depuis 2007 (voir encadré page 50),<br />
sont mieux connues (29 opérations en fonctionnement<br />
en 2010).<br />
Fig. 2 : Les différentes<br />
filières de production<br />
de chaleur géothermique<br />
fonctionnant<br />
en Île-de-France.<br />
Fig. 2: The various<br />
production chains<br />
for geothermal heat<br />
in operation in<br />
the Ile-de-France region.<br />
© BRGM.
geothermal energy into territorial energy planning: the example of the ile-de-france region.<br />
Fig. 3 :<br />
Coupe géologique<br />
des aquifères<br />
du Bassin de Paris.<br />
Fig. 3:<br />
Geological section<br />
of the aquifers<br />
in the Paris basin.<br />
© BRGM.<br />
ó PAC sur aquifère<br />
superficiel<br />
ó PAC sur sondes<br />
ó Indéterminé<br />
N<br />
˚<br />
0 20 km<br />
Champs de sondes<br />
géothermiques<br />
Pieux<br />
géothermiques<br />
Doublets<br />
sur aquifère<br />
superficiel<br />
Fig. 4 : Cartographie<br />
du nombre<br />
d’opérations de<br />
PAC par commune<br />
francilienne.<br />
Fig. 4: Map of<br />
the number of<br />
heat-pump<br />
operations per<br />
Ile-de-France<br />
township.<br />
Source : Rapport BRGM/<br />
RP-60615-FR<br />
47<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
48<br />
géothermie et planification énergétique territoriale : l’exemple du schéma régional de l’île-de-france<br />
> La géothermie au service de l’éco-quartier du fort d’Issy-les-Moulineaux<br />
Cécile Chery – Direction des Géoressources – Division Géothermie – c.chery@brgm.fr – http://www.geothermie-perspectives.fr<br />
Dès 2013, le site historique du fort d’Issy-les-Moulineaux accueillera<br />
1 600 logements, dont 330 logements sociaux regroupés dans 18 immeubles,<br />
des commerces et divers équipements. Le chauffage des bâtiments<br />
et la fourniture d’eau chaude sanitaire (ECS) seront assurés par un réseau<br />
de chaleur basse température alimenté à partir de l’aquifère de l’Albien.<br />
Le forage de production permet de pomper une eau à 28 °C à 650 mètres<br />
de profondeur avec un débit annuel moyen de 65 m3 /h. Le fluide cède<br />
ses calories au réseau avant d’être réinjecté à une température de 13 °C<br />
via un forage de 635 mètres de profondeur. En fond de puits, 580 mètres<br />
séparent les deux forages.<br />
Afin de minimiser les déperditions thermiques et séparer les usages,<br />
deux PAC sont installées dans chaque immeuble. L’une est dédiée au<br />
Le futur<br />
éco-quartier<br />
du fort d’Issyles-Moulineaux.<br />
The future Issyles-Moulineaux<br />
fort eco-district.<br />
© AS Architecture Studio.<br />
Ce travail d’inventaire a permis la réalisation d’un bilan<br />
énergétique et climatique en 2005 et 2010. La filière<br />
géothermique en Île-de-France (hors PAC individuelles)<br />
a permis de substituer, en 2010, plus de 100 000 tep<br />
et d’éviter le rejet annuel de plus de 240 000 tonnes<br />
de CO2.<br />
Étude du potentiel de développement<br />
de la géothermie à l’horizon 2020<br />
L’étude du potentiel de développement de la géothermie<br />
s’effectue en comparant, de manière géolocalisée,<br />
les ressources géothermales aux besoins thermiques<br />
des utilisateurs en surface. Le potentiel correspond<br />
à l’énergie thermique pouvant être substituée par la<br />
géothermie, en prenant en compte les caractéristiques<br />
de la ressource, ses conditions d’accès et ses possibilités<br />
de valorisation.<br />
chauffage, l’autre à la production d’ECS. Résultat : la géothermie assure<br />
78 % des besoins en eau chaude, évitant ainsi l’émission de 2 000 tonnes<br />
de CO2 chaque année.<br />
« Même avec des taux de couverture inférieurs à ceux obtenus à partir de<br />
l’aquifère du Dogger, des nappes moins profondes peuvent alimenter des<br />
réseaux basse température. Grâce aux politiques d’efficacité énergétique<br />
développées et la réglementation thermique sur les bâtiments basse consommation<br />
(BBC), un projet géothermique a un effet levier vertueux sur son<br />
environnement, puisque le besoin en chaleur sera moindre et le forage<br />
géothermique pourra alimenter les zones périphériques », déclare S. Louillat,<br />
responsable du pôle énergie de l’ADEME Île-de-France. n<br />
La filière géothermique en Île-de-France<br />
(hors PAC individuelles) a permis de substituer,<br />
en 2010, plus de 100 000 tep.<br />
L’étude Center (IAU/Airparif) (2) a cartographié, avec une<br />
maille carrée de 250 sur 250 mètres, les consommations<br />
énergétiques (MWh) en 2005 et a développé des<br />
scénarios pour 2020 (figure 5) et 2030 à l’échelle de<br />
l’Île-de-France.<br />
(2) IAU-Idf (Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France)<br />
Airparif, réseau de mesure de la qualité de l’air en Île-de-France.
geothermal energy into territorial energy planning: the example of the ile-de-france region.<br />
Potentiel de développement d’opérations<br />
de PAC sur aquifères superficiels<br />
Le potentiel correspond aux consommations pouvant<br />
être substituées par de l’énergie géothermique, lorsque :<br />
– il y a adéquation entre la puissance géothermique<br />
disponible (fonction du débit moyen disponible) et la<br />
puissance nécessaire (besoins au niveau de la maille<br />
Center) et ce pour au moins un des aquifères ;<br />
– il n’y a pas de contraintes restrictives.<br />
Le potentiel technique de développement est ainsi<br />
estimé à 3 200 ktep/an (avec le scénario de consommations<br />
2020). Les valeurs sont cartographiées à l’échelle<br />
de la commune, comme le montre la figure 6.<br />
Dans un second temps, une contrainte économique est<br />
établie : la profondeur maximale de forage (principal<br />
poste de l’investissement), définie en fonction des<br />
besoins énergétiques, représente la profondeur limite<br />
au-delà de laquelle la mise en place de l’opération de<br />
géothermie n’est plus rentable.<br />
Au final, le potentiel technico-économique prenant<br />
en compte les contraintes techniques et économiques<br />
est de 1 918 ktep/an.<br />
Potentiel de développement de PAC<br />
sur sondes géothermiques<br />
Il n’y a pas eu d’analyse spécifique thermique des terrains<br />
pour l’étude du potentiel de développement des systèmes<br />
en « boucle fermée » (principalement sondes géothermiques<br />
verticales). Dans le cadre de cette étude, il a été<br />
considéré que le potentiel est déterminé lorsque :<br />
– les besoins de surface ne peuvent être couverts par<br />
les aquifères superficiels ;<br />
– l’espace disponible en surface est suffisant pour<br />
l’implantation de sondes espacées de 10 mètres. Le<br />
potentiel d’implantation de sondes ainsi obtenu, à<br />
partir duscénario 2020, est de 37 ktep.<br />
Si une « priorité » a été donnée aux aquifères superficiels,<br />
les valeurs de potentiel, déterminées à partir de besoins,<br />
peuvent basculer entre les différentes technologies.<br />
Potentiel de développement de réseaux<br />
de chaleur alimentés par géothermie<br />
profonde (aquifère du Dogger)<br />
Le potentiel d’extension des réseaux de chaleur géothermiques<br />
existants a été étudié en prenant en compte<br />
les possibilités de la ressource, ainsi que les évolutions<br />
Publicité<br />
de consommations énergétiques en surface. Selon une<br />
évolution linéaire, on obtiendrait ainsi, en 2020, une<br />
production supplémentaire de 37 ktep.<br />
La « géothermisation » de réseaux de chaleur existants<br />
est une deuxième voie. Il existe, à l’heure actuelle plus<br />
de 110 réseaux de chaleur en Île-de-France, dont une part<br />
non négligeable alimentée par des énergies fossiles.<br />
Une dizaine de réseaux de chaleur franciliens ont été<br />
identifiés comme pouvant faire l’objet d’un changement<br />
de système. Cela permettrait de substituer 35 ktep.<br />
Enfin, la création de nouveaux réseaux de chaleur a<br />
été identifiée pour une cinquantaine de communes.<br />
Ces nouveaux réseaux permettraient de substituer<br />
185 ktep en 2020.<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />
49
50<br />
géothermie et planification énergétique territoriale : l’exemple du schéma régional de l’île-de-france<br />
> Le renouveau des opérations de géothermie en Île-de-France<br />
Frédérik Bugarel – Responsable Direction Technique Utilisation de la Chaleur – CFG Services – f.bugarel@cfg.brgm.fr<br />
Villiers-le-Bel<br />
Gonnesse<br />
La Courneuve<br />
Nord et Sud<br />
Blanc-Mesnil<br />
Tremblay<br />
Paris Nord-Est (2009)<br />
Clichy-sous-Bois<br />
Chelles (2012)<br />
PARIS<br />
Maisons-Alfort<br />
1 & 2<br />
Val-Maubuée (2011)<br />
Cachan 1 & 2<br />
Champigny (2012)<br />
L’Hay-les-Roses Alfortville Créteil<br />
Chevilly-Larue Thiais Sucy-en-Brie (2008)<br />
Fresnes (2013) Orly 1 & 2 Bonneuil-sur-Marne<br />
ADP Orly (2010)<br />
Villeneuve-Saint-Georges<br />
Montgeron<br />
Vigneux<br />
Épinay-sous-Senart<br />
Ris-Orangis<br />
Le Mée-sur-Seine Melun l’Almont<br />
Nouveaux<br />
forages<br />
Meaux<br />
Hôpital et Collinet<br />
(2013)<br />
Meaux<br />
Beauval 1 & 2<br />
(2013)<br />
Coulommiers (2011)<br />
Réhabilitations Abandons<br />
Réalisé<br />
2008 Triplet de Sucy-en-Brie 1 1<br />
2009 Doublet de Paris-Nord-Est (PNE) 2<br />
2010 Doublet Orly ADP 2<br />
2011<br />
Doublet SAN Val-Maubuée<br />
Doublet Coulommiers<br />
2<br />
2 2<br />
Total réalisé<br />
Prévisionnel<br />
9 1 2<br />
Triplet de Champigny-sur-Marne 1 1<br />
2012 Doublet de Chelles 2 2<br />
Triplet de Bonneuil-sur-Marne 1<br />
Triplet de Fresnes 1 2<br />
2013<br />
Triplet de Meaux Hôpital<br />
Triplet de Meaux Beauval 1<br />
1<br />
1<br />
2<br />
2<br />
Triplet de Meaux Beauval 2 1 2<br />
Total prévisionnel 8 9 2<br />
Total réalisé + prévisionnel 17 10 4<br />
Nouvelles opérations<br />
réalisées depuis 2008 et<br />
programmées jusqu’en 2013<br />
sous maîtrise d’œuvre CFG<br />
Services.<br />
New operations conducted<br />
since 2008 and scheduled to<br />
continue on through to 2013<br />
with CFG Services as master<br />
builder.<br />
© CFG Services<br />
25<br />
20<br />
15<br />
10<br />
5<br />
0<br />
1969<br />
1975<br />
1976<br />
1977<br />
1978<br />
Depuis 2007, la relance de la géothermie basse<br />
température, initiée par le Grenelle de l’environ-<br />
nement, permet la réalisation de nouvelles<br />
opérations de géothermie profonde en Île-de-<br />
France. Dans cette région, l’aquifère du Dogger,<br />
situé entre 1 600 et 1 800 mètres de profondeur,<br />
est le réservoir géothermal cible privilégié depuis<br />
plus de trente ans en raison de son potentiel<br />
(température comprise entre 57 et 84 °C, débit<br />
d’exploitation atteignant 300 m3 /h) permettant<br />
d’alimenter des réseaux de chaleur conséquents<br />
(de l’ordre de 5 000 équivalent-logements)<br />
pour le chauffage et la production d’eau chaude<br />
sanitaire (ECS).<br />
Après deux décennies au cours desquelles<br />
l’activité s’est principalement concentrée<br />
sur la maintenance des dispositifs créés dans<br />
les années 1970-1980, sept nouvelles opérations<br />
ont été réalisées entre 2007 et 2011, parmi<br />
lesquelles quatre correspondent au renouvellement<br />
de dispositifs existants (nouveaux doublets<br />
d’Orly-Nouvelet et de Coulommiers, triplets de<br />
Sucy-en-Brie et de La Courneuve) et trois à la<br />
réalisation de nouveaux doublets géothermiques<br />
sur les sites de Paris-Nord-Est (porte d’Aubervilliers),<br />
de l’aéroport d’Orly et de Lognes. Au total,<br />
douze nouveaux forages ont été réalisés, dont<br />
cinq au cours de l’année 2011 qui marque une<br />
accélération nette du rythme des opérations.<br />
1980<br />
1981<br />
1982<br />
1983<br />
1984<br />
1985<br />
1986<br />
1989<br />
1995<br />
2007<br />
2008<br />
2009<br />
2010<br />
2011<br />
2012<br />
2013<br />
Activité de forage géothermique relatif à l’aquifère<br />
du Dogger.<br />
Geothermal drilling activity concerning the Dogger<br />
aquifer. © BRGM/ADEME.
geothermal energy into territorial energy planning: the example of the ile-de-france region.<br />
Cette tendance se poursuit en 2012 avec les<br />
opérations de renouvellement en cours sur les<br />
sites de Champigny-sur-Marne et de Bonneuil-<br />
sur-Marne (deux triplets) et programmées<br />
à Chelles (nouveau doublet), puis en 2013 avec<br />
le renouvellement notamment des dispositifs<br />
de Fresnes et de Meaux (quatre triplets), soit huit<br />
nouveaux forages en deux ans.<br />
Ce rythme soutenu devrait se prolonger au<br />
moins jusqu’en 2015 au regard des projets<br />
en cours d’étude de faisabilité ou d’instruction<br />
réglementaire.<br />
La forte densité des dispositifs au Dogger, notamment<br />
dans les départements du Val-de-Marne<br />
et de Seine-Saint-Denis, limite l’espace disponible<br />
pour la réalisation de nouveaux projets,<br />
en raison des permis d’exploitation et de la<br />
propagation des bulles froides créées par les<br />
dispositifs existants. En outre, le développement<br />
des technologies liées aux pompes à chaleur et<br />
aux réseaux de chaleur basse température<br />
permet aujourd’hui d’envisager l’exploitation<br />
des ressources géothermales potentielles<br />
moins profondes que le Dogger, telles que<br />
l’Albien et le Lusitanien (Oxfordien).<br />
La maturité technologique atteinte grâce à<br />
l’exploitation du Dogger permet d’envisager<br />
le développement de la géothermie basse température<br />
dans d’autres secteurs favorables, en<br />
particulier dans l’est de la région parisienne.<br />
De même, des perspectives de développement<br />
sont envisagées dans d’autres régions (Alsace,<br />
Aquitaine et Picardie notamment), ainsi qu’à<br />
l’international (Belgique, Chine, Russie…). n<br />
Forage géothermique dans le Bassin<br />
parisien (Coulommiers).<br />
A geothermal well in the Paris Basin<br />
(Coulommiers).<br />
© CFG Services.<br />
51<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
52<br />
géothermie et planification énergétique territoriale : l’exemple du schéma régional de l’île-de-france<br />
Bilan de l’étude du potentiel<br />
Si l’on considère l’ensemble de ces potentiels, et en<br />
donnant une priorité aux opérations de réseaux de<br />
chaleur au Dogger lorsque plusieurs solutions sont<br />
possibles, la géothermie pourrait permettre de substituer<br />
plus de 2 000 ktep annuellement et d’éviter l’émission de<br />
plus de 3,9 millions de tonnes de CO2, comme le montre<br />
le tableau (figure 7).<br />
Ces chiffres montrent la part que la géothermie<br />
pourrait couvrir en 2020, à savoir plus de 30 % des<br />
consommations accessibles à la géothermie (qui,<br />
rappelons-le, représentent la consommation des bâtiments<br />
dont le système de chauffage et de production<br />
d’eau chaude sanitaire actuel permet une substitution<br />
par la géothermie).<br />
Conclusion et enjeux<br />
L’état des lieux, ainsi que les valeurs de potentiels<br />
doivent permettre d’alimenter le volet énergies renouvelables<br />
du SRCAE francilien. Ce dernier fixe « des<br />
objectifs quantitatifs de développement de la production<br />
d’énergie renouvelable, à l’échelle de la région et par<br />
zones infrarégionales favorables à ce développement […]<br />
et assortis d’objectifs qualitatifs visant à prendre en compte<br />
la préservation de l’environnement et du patrimoine ainsi<br />
qu’à limiter les conflits d’usage. »<br />
De manière générale, il ressort de ces études que le<br />
potentiel de développement de la géothermie est très<br />
significatif, en particulier pour la géothermie assistée<br />
par pompes à chaleur. Ces évaluations sont corroborées<br />
par la pénétration très forte de la géothermie chez<br />
nos voisins européens comme l’Allemagne, la Suisse ou<br />
la Suède. Les conditions de développement en France<br />
sont progressivement réunies : compétence des acteurs,<br />
soutien public, promotion de cette énergie… La réglementation<br />
thermique des bâtiments pourrait cependant<br />
lui être plus favorable et la réglementation de l’opération<br />
géothermique à proprement parler mérite quant<br />
à elle d’être rénovée. La géothermie profonde, dont les<br />
performances énergétiques sont encore meilleures, est<br />
quant à elle assez conditionnée au développement de<br />
réseaux de chaleur. C’est une tendance de fond qui ne<br />
peut se faire que dans la durée.<br />
La fin de l’année 2012 est également la date limite de<br />
réalisation des PCET aux différentes échelles (régionale,<br />
départementale, intercommunale, communale). Pour<br />
la géothermie, cette échelle territoriale permet d’étudier<br />
Consommation<br />
totale de surface<br />
à la maille (MWh)<br />
ó Pas de besoin<br />
de surface<br />
ó < 1 000<br />
ó 1 000 - 5 000<br />
ó 5 000 - 10 000<br />
ó 10 000 - 50 000<br />
ó > 50 000<br />
Potentiel<br />
technique<br />
(MWh)<br />
ó Pas de potentiel<br />
identifié<br />
ó < 1 000<br />
ó 1 000 - 5 000<br />
ó 5 000 - 10 000<br />
ó 10 000 - 50 000<br />
ó 50 000 - 100 000<br />
ó 100 000 - 500 000<br />
ó > 500 000<br />
N<br />
˚<br />
0 20 km<br />
Fig. 5 : Cartographie du scénario de consommation énergétique en 2020<br />
(d’après l’étude Center).<br />
Fig. 5: Map of the energy consumption scenario for 2020 (according<br />
to the Center study). Source : Rapport BRGM/RP-60615-FR<br />
N<br />
˚<br />
0 20 km<br />
Fig. 6 : Cartographie du potentiel technique des aquifères superficiels<br />
par commune pour le scénario 2020.<br />
Fig. 6: Map of the technical potential of superficial aquifers on a<br />
town-by-town basis for the 2020 scenario. Source : Rapport BRGM/RP-60615-FR
geothermal energy into territorial energy planning: the example of the ile-de-france region.<br />
Opérations<br />
très basse énergie<br />
Opérations sur les aquifères<br />
intermédiaires<br />
(Albien et Néocomien)<br />
Tep<br />
substituées<br />
annuellement<br />
plus spécifiquement les potentiels, en intégrant des<br />
connaissances et contraintes qui n’auraient pu être<br />
considérées à l’échelle régionale. De telles études<br />
ont été menées ou sont planifiées pour des zones<br />
d’aménagement comme celle gérée par l’EPA (Etablis-<br />
sement Public d’Aménagement) Défense Seine-Arche<br />
[Analy et al. (2012)].<br />
Des démarches similaires peuvent être menées par<br />
les collectivités qui veulent prendre en main le volet<br />
énergétique de l’aménagement de leur territoire. Les<br />
enjeux sont forts à cette échelle. Il s’agit en effet de<br />
promouvoir le développement de la géothermie tout<br />
en préservant les ressources. C’est-à-dire limiter les<br />
impacts négatifs et les conflits d’usages, particulièrement<br />
en milieu urbain. Ces éléments vont également<br />
dans le sens d’une nécessaire planification du développement<br />
de la géothermie.<br />
L’identification d’actions locales pour soutenir le<br />
développement de la géothermie est une nécessité<br />
pour combler l’écart entre le potentiel de cette énergie<br />
et les capacités installées. Ces actions se mettront<br />
en place en fonction des compétences des différentes<br />
autorités locales et doivent permettre :<br />
– d’inciter les maîtres d’ouvrage à la réalisation des<br />
opérations de géothermie ;<br />
– d’animer et de structurer la filière ;<br />
– de mener des travaux d’amélioration de la connaissance<br />
de la ressource géothermale.<br />
Idéalement, il s’agit pour les collectivités de développer<br />
une stratégie cohérente de développement de l’énergie<br />
géothermique ou des énergies renouvelables, dans<br />
laquelle les autres acteurs vont pouvoir développer<br />
leur activité. n<br />
Bilan<br />
en énergie primaire<br />
(MWh ep)<br />
Tonnes de CO2<br />
évitées<br />
annuellement<br />
1 682 057 5 768 820 3 057 642<br />
4 684 24 606 9 083<br />
Opérations au Dogger 356 000 4 060 500 839 200<br />
Total 2 042 741 9 853 926 3 905 925<br />
Fig. 7 : Bilan chiffré du potentiel<br />
bilan énergétique et climatique<br />
de la géothermie en 2020.<br />
Fig. 7: Statistical assessment<br />
of the energy and climate<br />
situation of the geothermal sector<br />
in 2020.<br />
Source : Rapport BRGM/RP-60615-FR<br />
Geothermal energy<br />
into territorial energy planning:<br />
the example of the Ile-de-France<br />
region<br />
One of the outgrowths of the French<br />
“Grenelle process” is the elaboration of<br />
regional climate, air-quality and energy<br />
plans (SRCAE). These plans aim to help<br />
areas achieve the objectives assigned them<br />
in terms of greenhouse-gas emissions<br />
reductions, development of local, renewable<br />
energy sources and air-quality<br />
improvement. In this context, the regional<br />
state representative,<br />
the Regional Council President and the<br />
French energy agency have funded a BRGM<br />
study in “Ile-de-France” to assess<br />
itsgeothermal energy potential (for both<br />
direct district-heating uses and heat-pump<br />
assisted ones) on the scale of that region.<br />
The properties of aquifer resources there<br />
differ from one location to another. Once<br />
spatialized, these proprieties yielded the<br />
low geothermal potential aquifer atlas<br />
available on www.geothermie-perspectives.fr.<br />
Geothermal energy has been tapped in this<br />
region for over 30 years, mostly in<br />
connection with district heating, thanks to<br />
the good balance between the Dogger<br />
aquifer’s potential and the built<br />
environment’s energy needs. Thus<br />
geothermal energy provides heat to over<br />
187,000 housing-equivalents, thereby<br />
avoiding more than 240,000 tons of CO2 in<br />
2010. This requisite balance is one of the<br />
bases of the methodology for defining the<br />
region’s geothermal potential, comparing<br />
the geothermal resources, however low or<br />
deep they may be, to the energy needs (for<br />
heating, cooling and domestic hot water<br />
production). Taking into account technical,<br />
legislative and economic constraints, the<br />
potential for 2020 has been estimated to<br />
exceed 2,000,000 toe, corresponding to<br />
over 2.5 million housing-equivalents.<br />
Actions for developing geothermal energy<br />
will be implemented by the individual<br />
communities within their Action Plans for<br />
Climate and Energy (PCET), which<br />
is mandatory for each community of more<br />
than 50,000 inhabitants. The development<br />
of this huge potential must be managed<br />
responsibly so as to limit resource-use<br />
conflicts.<br />
Bibliographie : Analy M., Bel A., Bouzit M., Poux A., Le Brun M. (2012) – Évaluation des possibilités de développement de la géothermie sur le territoire de l’opération d’intérêt national de l’EPADESA. Rapport final<br />
BRGM/RP-60953-FR. Bardeau M., Poux A., Monod B. (2011) – Participation GÉOTHERMIE à l’étude technique du volet Énergies Renouvelables du Schéma Régional Climat Air Énergie de Midi-Pyrénées.<br />
Rapport BRGM/RP-60114-FR. Bel A., Poux A., Goyénèche O., Allier D., Darricau G., Lemale J. (2012) – Étude préalable à l’élaboration du schéma de développement de la géothermie en Île-de-France. Rapport<br />
BRGM/RP-60615-FR. Chartier R., Jouanneau J., Saint Martin M., Brun J., Poux A. (2012) – Inventaire du potentiel géothermique en région Rhône-Alpes, État des lieux et étude du potentiel – Rapport final<br />
BRGM RP-60684-FR Poux A., Philippe M., Chery C. (2012) – La géothermie dans les documents de planification énergétique territoriale - Rapport final BRGM/RP-60967-FR. Poux A., Goyénèche O., Le Brun M.,<br />
Martin J.C., Noel S., Zammit C., Salquebre D., Lecomte A., Fillacier S., Marre D. (2012) – Prospectives de développement de la géothermie en région Centre (GÉOPOREC). Rapport final BRGM RP/60336-FR.
54<br />
géothermie profonde<br />
les egs : une méthode d’exploitation géothermique généralisée pour les températures de 130 à 180 °c<br />
Sylvie Gentier<br />
Responsable du programme « Géothermie<br />
profonde de nouvelle génération »<br />
BRGM<br />
s.gentier@brgm.fr<br />
Tête du puits d’injection de la centrale<br />
géothermique de Landau (Allemagne).<br />
Head of the injection well, Landau geothermal<br />
power plant, Germany.<br />
© GEOX Geothermische Energie.<br />
Les EGS : une méthode<br />
d’exploitation<br />
géothermique généralisée<br />
pour les températures<br />
de 130 à 180 °C<br />
L’exploitation généralisée des températures supérieures<br />
à 130 °C à des fins de production d’électricité et/ou d’usage<br />
direct de la chaleur géothermique constitue un enjeu majeur<br />
pour le futur mix énergétique. Elle nécessite le développement<br />
de méthodes d’exploitation permettant de rendre accessibles<br />
des ressources hors des zones privilégiées comme les arcs<br />
volcaniques et des niveaux naturellement très perméables.<br />
Cette approche, qualifiée d’EGS [Enhanced (ou Engineered)<br />
Geothermal System], est présentée dans cet article,<br />
qui en expose les concepts, les contextes d’application<br />
et les liens avec la géothermie plus conventionnelle.<br />
À<br />
ce jour, la production d’énergie électrique d’origine géothermique est essentiellement<br />
développée dans des zones géographiques limitées, en lien avec des contextes<br />
volcaniques actifs. En matière de chaleur géothermique profonde s’ajoute la<br />
contribution des aquifères sédimentaires actuellement exploités, d’une température<br />
typiquement comprise entre 60 et 80 °C en France, pour l’alimentation principalement<br />
des réseaux de chaleur. Aujourd’hui, les objectifs ambitieux de réduction des émissions des<br />
gaz à effet de serre nécessitent tout au moins une maîtrise des consommations d’énergies<br />
d’origine carbonée, aussi bien en termes de production électrique que de production de<br />
chaleur, et une augmentation de la production énergétique à partir d’énergies renouvelables.<br />
Dans cette perspective, une contribution<br />
très significative de l’énergie géothermique<br />
n’est possible que si une exploitation<br />
plus généralisée de la chaleur terrestre est<br />
développée, incluant les zones a priori<br />
moins favorables en termes de ressources.<br />
L’exploitation de températures plus élevées<br />
dans ces zones géographiques permettra<br />
de rapprocher la production correspondante<br />
des lieux de consommation et<br />
L’exploitation des températures<br />
du sous-sol comprises<br />
entre 130 °C et 180 °C<br />
est un enjeu majeur<br />
pour la décennie à venir.
egs: a generalized method to exploit geothermal energy for temperatures ranging from 130 to 180 °C<br />
Héritier des différentes<br />
expériences menées dans<br />
le monde, le pilote scientifique<br />
de Soultz-sous-Forêts est<br />
le premier site au monde<br />
dit EGS à avoir été raccordé<br />
au réseau électrique.<br />
d’insérer la chaleur géothermique dans des réseaux<br />
de chaleur fonctionnant à température élevée (eau<br />
surchauffée, vapeur) et dans les procédés industriels.<br />
Pour toutes ces raisons, l’exploitation généralisée des<br />
températures du sous-sol comprises entre 130 °C et 180 °C<br />
est un enjeu majeur pour la décennie à venir.<br />
D’une manière générale, les températures visées ici<br />
sont localisées à des profondeurs importantes : entre<br />
4 et 6 km pour un gradient géothermique moyen de<br />
0,03 °C/m. Cependant, l’existence d’anomalies thermiques<br />
positives, liées à des contextes géologiques spécifiques,<br />
permet d’envisager leur exploitation à des profondeurs<br />
inférieures et en conséquence à des coûts de forage moins<br />
importants et des risques moindres.<br />
Les capacités à développer cette exploitation reposent<br />
notamment sur les concepts créés depuis une trentaine<br />
d’années et sur les expériences qui ont été menées avec<br />
plus ou moins de succès en Europe et dans le monde<br />
(figure 1).<br />
Le pilote scientifique de<br />
Soultz-sous-Forêts : contexte géologique<br />
et développement de l’échangeur<br />
Héritier des différentes expériences menées dans le<br />
monde (Fenton Hill, Rosemanowes…) suite au développement<br />
initial du concept Hot Dry Rock (HDR), le pilote<br />
scientifique de Soultz-sous-Forêts (Alsace, France) est le<br />
premier site au monde dit EGS (Enhanced Geothermal<br />
System) à avoir été raccordé au réseau électrique (septembre<br />
2010). Lancé au début des années 1990 avec la<br />
perspective de développer une production massive d’électricité,<br />
le site pilote a permis de mieux comprendre les<br />
conditions géologiques et hydrauliques profondes en<br />
contexte de socle et les méthodes à mettre en œuvre<br />
pour le développement de tels sites.<br />
Centrale<br />
électrique<br />
Puits<br />
d’injection Puits<br />
de production<br />
Sédiments<br />
et/ou roches<br />
volcaniques<br />
Fig. 1 : Représentation schématique du concept<br />
« Enhanced Geothermal System ».<br />
Fig. 1: Block diagram of the “Enhanced<br />
Geothermal System” concept.<br />
© BRGM – Art presse<br />
D’après MIT « The future of Geothermal energy » 2006.<br />
Schlumberger Water Resources.<br />
Socle à faible<br />
perméabilité<br />
150 à 400 °C<br />
3 000 à 7 000 mètres de profondeur
56<br />
les egs : une méthode d’exploitation géothermique généralisée pour les températures de 130 à 180 °c<br />
Quatre forages profonds (entre 3 600 et 5 000 mètres)<br />
ont été réalisés dans un bâti granitique sous couverture<br />
dans le fossé rhénan. Ils interceptent, dans leurs parties<br />
ouvertes, un réseau de failles et de fractures pour la<br />
plupart héritées d’une histoire tectonique complexe,<br />
antérieures à la phase de rifting et ayant rejoué au cours<br />
de la mise en place du rift. Les fractures naturelles sont<br />
à l’origine d’une perméabilité du bâti profond qui<br />
permet la circulation d’un fluide (saumure à 100 g/l) dont<br />
la température est comprise entre 180 °C et 200 °C pour<br />
les profondeurs explorées. L’existence de fluides chauds<br />
dans les structures tectoniques du socle, non anticipée<br />
dans l’approche initiale (HDR), constitue un « réservoir<br />
géothermique faillé/fracturé ». La structure du réservoir<br />
présente une hétérogénéité des circulations de fluide qui<br />
limite, dans les conditions naturelles, l’injectivité et la<br />
productivité initiales des puits, globalement inférieures<br />
à celles nécessaires pour une exploitation économique.<br />
Celles-ci sont de plus variables d’un puits à l’autre et<br />
fortement dépendantes de l’aléa « géologique » [Gentier<br />
et al. (2012)].<br />
L’exploitation géothermique de ces fluides nécessitant des<br />
débits plus conséquents, une phase de développement du<br />
site a été nécessaire en vue d’améliorer la perméabilité<br />
locale autour des puits et leur connectivité aux réseaux<br />
de failles/fractures naturels. Les méthodes développées<br />
au cours des différentes phases du projet reposent sur le<br />
principe de la stimulation hydraulique et/ou chimique.<br />
Appliquées dans un milieu faillé/fracturé, elles visent deux<br />
objectifs : rouvrir les structures existantes par l’injection<br />
sous pression d’un fluide de stimulation (eau douce), puis<br />
« élargir » ces ouvertures par dissolution des remplissages<br />
et altérations hydrothermales (injection de stimulants<br />
chimiques). À la suite de ces opérations de stimulation,<br />
les gains de productivité et d’injectivité restent variables<br />
d’un puits à l’autre et dépendantes du schéma de<br />
fracturation au puits et dans son voisinage.<br />
La centrale<br />
géothermique<br />
de Soultz-sous-Forêts<br />
exploite la chaleur<br />
profonde<br />
des granites sous<br />
le graben du Rhin ;<br />
cette chaleur<br />
est apportée<br />
par les fluides chauds<br />
circulant dans<br />
le granite fracturé.<br />
The Soultz<br />
geothermal plant<br />
taps the heat from<br />
granite deep beneath<br />
the Rhine graben;<br />
this heat is drawn<br />
from hot fluids<br />
flowing through<br />
the fractured granite.<br />
© GEIE Exploitation<br />
de la chaleur.
Concentration [µg/l]<br />
egs: a generalized method to exploit geothermal energy for temperatures ranging from 130 to 180 °C<br />
1 500<br />
1 200<br />
900<br />
600<br />
300<br />
Contribution<br />
des structures faillées<br />
NS<br />
Points expérimentaux<br />
Modèle de transport préliminaire<br />
Modèle de transport final<br />
Contribution<br />
des structures faillées<br />
NE-SW<br />
Contribution<br />
des structures faillées<br />
NW-SE<br />
0<br />
0 30 60<br />
90<br />
120 150<br />
Temps [jours] (depuis l’injection du traceur)<br />
Le pilote scientifique<br />
de Soultz-sous-Forêts : de la faisabilité<br />
à la démonstration<br />
À l’issue des différentes phases de stimulation des<br />
puits, les tests de circulation entre puits ont montré la<br />
faisabilité d’une boucle continue entre des puits de<br />
production (1 à 2) et un puits d’injection distants de<br />
600 à 700 m au niveau de leurs parties ouvertes. Entre<br />
3 500 m et 3 900 m de profondeur, les débits obtenus<br />
(250 m 3 /h) et la température en tête de puits (160 °C) ont<br />
confirmé la faisabilité d’un tel système. À plus grande<br />
profondeur (entre 4 500 m et 5 000 m), les débits<br />
exploitables (60 m 3 /h) à une température de 165 °C<br />
sont limités par l’injectivité du puits d’injection. Bien<br />
que le débit imposé lors des circulations ne soit pas au<br />
niveau espéré, il a pu être maintenu en boucle fermée<br />
sans perte, c’est-à-dire sans recharge externe. Seuls<br />
25 à 30 % du fluide réinjecté a été produit, mettant<br />
en évidence la connexion à un « réservoir naturel ». La<br />
circulation en continu la plus longue jamais réalisée a<br />
pu être maintenue durant 324 jours.<br />
La recherche de traceurs adaptés au contexte géothermique<br />
(résistants à la température) et la mise au point<br />
de méthodes analytiques ont permis d’élaborer un modèle<br />
hydraulique du réservoir faillé cohérent avec l’ensemble<br />
GPK2<br />
Concentration [µg/l]<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
Points expérimentaux<br />
Contribution<br />
des structures faillées<br />
NE-SW<br />
des données acquises (figure 2) et de comprendre les<br />
chemins de circulation des fluides naturels profonds<br />
[Gentier et al. (2010)].<br />
Sur la base de ces résultats, un premier module de<br />
conversion de 1,5 MWe est installé fin 2007 et la<br />
production électrique débute en avril 2008. La chaleur<br />
produite est transférée dans un circuit secondaire. La<br />
technologie retenue est celle de l’ORC (Organic Rankine<br />
Cycle), avec un fluide organique de type isobutane et un<br />
système de refroidissement par air.<br />
La pérennité d’un tel système est en cours de démonstration,<br />
mais se heurte encore à des problèmes technologiques<br />
(pompes). Sur la base des essais réalisés à<br />
des profondeurs de 3 500 mètres à 3 900 mètres (1997),<br />
les premiers calculs montrent que la chute de température<br />
associée à une circulation de longue durée (environ<br />
vingt ans) serait extrêmement lente pour les débits<br />
considérés (de l’ordre de 2 °C en douze ans) pour devenir<br />
ensuite quasi linéaire avec une perte de 0,1 °C par an.<br />
Modèle de transport final<br />
Contribution<br />
des structures faillées<br />
NW-SE<br />
GPK4<br />
0<br />
0 30 60<br />
90<br />
120 150<br />
Temps [jours] (depuis l’injection du traceur)<br />
Fig. 2 : Courbes<br />
de restitution du traceur<br />
au cours du test de 2005<br />
GPK2 et GPK4 :<br />
données expérimentales<br />
et modèles de transport.<br />
Fig. 2: Restitution curves<br />
for the tracer during<br />
tests 2005 GPK2 and<br />
GPK4: experimental data<br />
and transport models.<br />
© BRGM.<br />
Un premier module de 1,5 MWe a été installé fin 2007<br />
et la production électrique a débuté en avril 2008.<br />
57<br />
Géosciences • numéro 16 • février 2013<br />
57<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
58<br />
les egs : une méthode d’exploitation géothermique généralisée pour les températures de 130 à 180 °C<br />
a<br />
Les risques et les avantages<br />
Les mécanismes mis en jeu lors des stimulations<br />
hydrauliques modifient localement les contraintes<br />
pouvant être à l’origine de déformations/glissements<br />
qui, dans leur plus grande majorité, correspondent à une<br />
libération locale d’énergie très faible. La microsismicité<br />
associée [Cuenot et al. (2011)] est inhérente à ces techniques<br />
de stimulations (figures 3a et 3b). À un degré moindre,<br />
notamment en nombre d’événements, une microsismicité<br />
peut être rencontrée pendant la phase d’exploitation,<br />
en lien avec les pressions de réinjection, les changements<br />
brutaux de débits d’exploitation, l’évolution des contraintes<br />
thermiques ou l’évolution des propriétés des fractures.<br />
Tous ces événements sont si faibles que les populations<br />
ne peuvent en général pas les ressentir : à Soultz, sur<br />
45 000 microséismes localisés, seulement 0,3 % de<br />
ceux-ci présentait une magnitude comprise entre<br />
1,8 et 2,0, et 0,02 % une magnitude comprise entre 2,0<br />
et 2,9. Parmi ceux-ci, seuls quelques-uns ont été ressentis<br />
Fig. 3 : (a) Schéma de principe du déclenchement<br />
d’un événement microsismique.<br />
(b) Représentation des nuages microsismiques<br />
associés aux stimulations sur le site de Soultz.<br />
Fig. 3: (a) Schematic diagram of the trigger<br />
mechanism of a microseismic event.<br />
(b) Representation of the microseismic swarms<br />
associated with stimulations on the Soultz site.<br />
© BRGM.<br />
Les microséismes induits<br />
sont si faibles que les populations<br />
ne peuvent en général pas les ressentir.<br />
très localement (en raison, sans doute, d’amplification par<br />
effet de site), sans provoquer de dommages. Cependant,<br />
le projet de géothermie profonde de Bâle (Suisse) a été<br />
arrêté en raison d’un événement sismique de magnitude<br />
3,4 ayant provoqué quelques dommages (fissures) sur des<br />
bâtiments en décembre 2006.<br />
Les séismes induits par l’activité humaine ne sont<br />
pas spécifiques à la technologie EGS, ils surviennent<br />
également dans le domaine pétrolier conventionnel,<br />
la construction de barrages, les opérations minières et<br />
le stockage souterrain de CO2. Un projet de recherche<br />
européen est d’ailleurs actuellement dédié à l’étude de<br />
cette microsismicité afin d’éviter autant que possible<br />
l’apparition d’événements majeurs lors de l’exploitation<br />
des futurs sites. La question est de savoir s’ils peuvent<br />
être évités tout en garantissant une amélioration<br />
suffisante de la perméabilité.<br />
b
egs: a generalized method to exploit geothermal energy for temperatures ranging from 130 to 180 °c<br />
L’injection associée à la production et la circulation en<br />
boucle fermée en surface réduisent considérablement<br />
les impacts environnementaux des exploitations<br />
géothermiques conventionnelles (rejet des fluides<br />
géothermaux). Restent de possibles nuisances sonores<br />
et la concentration d’éléments chimiques dans les filtres<br />
de la boucle de surface qui peut nécessiter des traitements<br />
spécifiques. La partie ORC peut être refroidie<br />
par air, ce qui limite l’impact sur l’environnement en<br />
évitant le recours au refroidissement par eau.<br />
Les EGS : vers une méthode<br />
de développement et d’exploitation<br />
généralisée de la chaleur<br />
Les EGS recouvrent tous les systèmes géothermiques<br />
où le développement du site repose sur des techniques<br />
visant à augmenter la perméabilité d’un volume de<br />
sous-sol par l’injection et la récupération de fluides<br />
afin d’améliorer la récupération de l’énergie d’une<br />
source de chaleur profonde. Ceci peut être atteint<br />
par diverses approches, comme la stimulation thermique,<br />
la stimulation hydraulique et ou chimique, voire la<br />
fracturation hydraulique.<br />
Ces développements s’adressent à des contextes<br />
géologiques spécifiques (perméabilité naturelle initiale<br />
insuffisante ou partiellement insuffisante pour une<br />
exploitation économique) que l’on rencontre à des<br />
profondeurs « économiquement raisonnables » et pour<br />
des gammes de température de 130 °C à 180 °C (figure 4).<br />
Sur la base des résultats acquis à Soultz-sous-Forêts,<br />
des projets industriels ont vu le jour depuis quelques<br />
années et sont en cours de développement dans le<br />
fossé rhénan : Landau (Allemagne) vise une production<br />
combinée d’électricité et de chaleur et ECOGI (France)<br />
vise la production de chaleur industrielle. Ces deux<br />
projets prévoient d’exploiter la chaleur (températures<br />
de 140 °C à 160 °C) de fluides chauds présents au toit<br />
du socle granitique et/ou et dans les grès du<br />
Bundsandstein, à l’interface socle-couverture. Il s’agit,<br />
comme à Soultz-sous-Forêts, d’exploiter des réservoirs<br />
géothermiques faillés/fracturés, mais à des profondeurs<br />
plus faibles (2 000 à 3 500 mètres). À Landau, les deux<br />
puits forés atteignent des débits de 230 à 290 m 3 /h,<br />
à une température de 158 °C. Pour l’un des puits,<br />
le débit a été atteint sans développement local de la<br />
perméabilité, alors que pour l’autre, une stimulation<br />
hydraulique et chimique a été nécessaire.<br />
Fig. 4 : Positionnement des potentialités d’application des EGS<br />
dans une représentation schématique de l’évolution de la température<br />
en fonction de la profondeur pour les ressources géothermiques.<br />
Fig. 4: Plotting application potentialities for EGS against the background<br />
of a diagram of temperature evolution versus depth for geothermal resources.<br />
© EGS, Inc.<br />
En Allemagne, des contextes sédimentaires sont<br />
également en cours de développement au moyen de<br />
méthodes de stimulation hydraulique. Près de Berlin<br />
(Groß Schönebeck), les puits atteignent un réservoir<br />
sédimentaire hétérogène (grès, conglomérats et roches<br />
volcaniques) caractérisé par une porosité de matrice<br />
et de fractures élevée (jusqu’à 10 %) et une température<br />
de 150 °C. En raison de sa représentativité à l’échelle de<br />
l’Europe de l’Ouest et de l’Europe centrale, il constitue un<br />
site expérimental intéressant. Dans un autre contexte,<br />
pour la première fois, il est prévu de stimuler un réservoir<br />
à 4 000 mètres de profondeur dans les carbonates imperméables<br />
du Malm (Jurassique supérieur) situé dans le<br />
bassin molassique (Mauerstetten, Bavière).<br />
Des projets visant la production massive d’électricité<br />
à partir de l’exploitation de la chaleur du socle ont également<br />
vu le jour en Australie depuis une dizaine d’années.<br />
Les températures sont de 200 °C à des profondeurs<br />
de 4 000 à 5 000 mètres (jusqu’à 270 °C à 4 900 mètres<br />
dans le Copper Basin). Ces systèmes géothermiques,<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />
59
60<br />
les egs : une méthode d’exploitation géothermique généralisée pour les températures de 130 à 180 °c<br />
qualifiés de HDR, de HFR (Hot Fractured Rocks) et au final<br />
de « roches chaudes » en général (sans préjuger de<br />
leur perméabilité initiale) nécessitent le recours à<br />
des méthodes de création et/ou d’amélioration de la<br />
perméabilité.<br />
En parallèle depuis quelques années, des études sont<br />
menées aux États-Unis pour développer cette technologie<br />
dans différents contextes géologiques, principalement<br />
à la périphérie de champs géothermiques conventionnels<br />
(Coso, Desert Peak, Geysers), avec diverses finalités :<br />
production complémentaire, recharge d’un réservoir<br />
en exploitation…<br />
Fig. 5 : Des premières<br />
expériences (HDR)<br />
aux pilotes actuels (EGS) :<br />
une base pour<br />
les développements<br />
futurs.<br />
Fig. 5: Initial experiments<br />
(HDR) to current<br />
pilot facilities (EGS):<br />
groundwork for<br />
the developments<br />
of the future.<br />
© BRGM.<br />
Les perspectives<br />
L’expérience issue des pilotes scientifiques menés depuis<br />
une trentaine d’années porte essentiellement sur<br />
la connaissance du sous-sol profond peu perméable,<br />
jusque-là peu exploré, et sur la compréhension de<br />
mécanismes physiques en lien avec les circulations des<br />
fluides et l’amélioration locale de la perméabilité dans<br />
ces milieux. Cette expérience, associée à l’amélioration<br />
du rendement de conversion thermoélectrique,<br />
ouvre une perspective raisonnable quant à l’exploitation<br />
généralisée des températures comprises entre 130 °C et<br />
180 °C, soit pour un usage direct de la chaleur, soit pour<br />
une cogénération électricité/chaleur (figure 5).<br />
Vue panoramique<br />
du projet Eden<br />
en Cornouaille,<br />
Royaume-Uni.<br />
Panoramic view<br />
of the Eden Project<br />
in Cornwall, UK.<br />
© Ennor.
Aux États-Unis, les premières cibles « haute température<br />
» visées sont des sites d’opportunité à la périphérie<br />
des systèmes hydrothermaux existants et dans les<br />
champs pétroliers présentant des anomalies thermiques.<br />
En complément, des méthodes de stimulation sont<br />
envisagées dans d’autres contextes géologiques :<br />
profondeur plus grande, bassins sédimentaires<br />
chauds (Louisiane, Texas et Oklahoma). En Australie,<br />
en l’absence de géothermie conventionnelle haute<br />
température et compte tenu des contextes géologiques<br />
les plus fréquents (socles sous couverture et grands<br />
bassins sédimentaires flexuraux), les cibles visées<br />
sont, conjointement, les socles sous couverture et<br />
les aquifères sédimentaires chauds et profonds (Hot<br />
Sedminentary Aquifers : HSA).<br />
En France, les perspectives<br />
de développement<br />
de cette technologie reposent<br />
sur les démonstrateurs<br />
qui devraient voir le jour dès 2013.<br />
En Allemagne, les projets se caractérisent par une<br />
grande variété des contextes géologiques et un<br />
objectif d’adaptation des techniques à ces contextes.<br />
En Espagne, les EGS constituent un des deux objectifs<br />
à moyen terme pour la future génération d’électricité<br />
d’origine géothermique et la production industrielle<br />
de chaleur, en complément de celle exploitée à partir<br />
des aquifères sédimentaires profonds,en lien notamment<br />
avec des investissements australiens.<br />
En France, les perspectives de développement de<br />
cette technologie dans un but de production d’énergie<br />
combinée électricité-chaleur et d’usage direct de la<br />
chaleur reposent pour beaucoup sur les démonstrateurs<br />
qui devraient voir le jour dès 2013. Leurs cibles privilégiées<br />
sont le fossé rhénan (toit de socle et fond de<br />
bassin) et les réservoirs sédimentaires profonds (Bassin<br />
aquitain).<br />
Publicité
62<br />
les egs : une méthode d’exploitation géothermique généralisée pour les températures de 130 à 180 °c<br />
Des Enhanced Geothermal Systems<br />
aux Engineered Geothermal Systems<br />
L’évolution actuelle et à venir des concepts et technologies<br />
développés depuis une trentaine d’années sous<br />
les différents vocables de HDR, HFR et EGS conduit à<br />
définir de façon beaucoup plus large les EGS, tant en<br />
termes de finalité que de cibles géologiques. Si les<br />
ressources hydrothermales « haute température » conventionnelles<br />
présentent un gradient thermique moyen élevé,<br />
une perméabilité et une porosité des roches élevées, des<br />
fluides en place en quantité suffisante et une recharge<br />
en fluide adéquate, les ressources EGS présentent au moins<br />
une lacune dans ces caractéristiques. En conséquence, leurs<br />
développements nécessitent des technologies adaptées<br />
[MIT led interdisciplinary panel, (2006)] au niveau :<br />
– du réservoir : stratégies de stimulation, réduction de<br />
l’énergie nécessaire pour réinjecter le fluide produit,<br />
modèles permettant l’exploitation et le suivi du<br />
réservoir ;<br />
– du forage : complétion des forages, optimisation de la<br />
profondeur de forage, nouvelles technologies de forage ;<br />
Application de<br />
technologies<br />
issues du génie<br />
géothermique<br />
Systèmes géothermiques<br />
conventionnels<br />
Enhanced<br />
Geothermal<br />
Systems<br />
Engineered<br />
Geothermal<br />
Systems<br />
Systèmes<br />
géothermiques<br />
améliorés<br />
Systèmes<br />
géothermiques<br />
stimulés<br />
Systèmes<br />
géothermiques<br />
aménagés<br />
– de la conversion thermodynamique : optimisation de<br />
la technologie de conversion pour la production<br />
d’électricité, le but principal étant de parvenir à une<br />
plus grande efficacité avec des températures plus<br />
basses ;<br />
– des impacts environnementaux : limitation des impacts<br />
et risques associés.<br />
Les projets en cours ou à venir, en couvrant des contextes<br />
géologiques variés, vont amener à considérer une fenêtre<br />
de températures exploitables indépendamment de la<br />
nature même des « réservoirs » (de la partie supérieure<br />
du socle aux séries sédimentaires de la partie inférieure<br />
des bassins) et en réduisant le risque pris sur le couple<br />
température-perméabilité grâce au relâchement de la<br />
contrainte sur la perméabilité initiale. Cette nouvelle<br />
approche conduira à repenser la notion de ressource<br />
géothermique et à redéfinir l’exploration à mener, en la<br />
basant sur la compréhension globale des systèmes<br />
et l’identification des structures géologiques les plus<br />
favorables pour atteindre les températures visées aux<br />
profondeurs optimales.<br />
Chaleur Fluide Perméabilité Solutions<br />
Acceptable Acceptable Acceptable Pas nécessaires<br />
Trop basse Acceptable Acceptable<br />
Fig. 6: Des « Enhanced<br />
Geothermal Systems »<br />
aux « Engineered<br />
Geothermal Systems ».<br />
Fig. 6: Moving ahead<br />
from “Enhanced<br />
Geothermal Systems”<br />
to “Engineered<br />
Geothermal Systems”.<br />
Adapté d’après MIT, After MIT.<br />
Développement de technologies de conversion<br />
énergétique basse température<br />
ou approfondissement des forages<br />
Acceptable Insuffisant Acceptable Réinjection et/ou injection de fluide externe<br />
Acceptable Acceptable Trop basse Stimulation des fractures de la formation rocheuse<br />
Acceptable Insuffisant Trop basse<br />
Introduction d’un fluide « de travail »<br />
et stimulation des fractures de la formation<br />
Acceptable Insuffisant Trop haute Scellement des fractures<br />
Trop haute Insuffisant Trop basse<br />
Trop basse Insuffisant Trop basse<br />
Développement d’outils haute température,<br />
introduction d’un fluide de « travail »<br />
et stimulation des fractures de la formation<br />
Développement de technologies de conversion<br />
énergétique basse température, introduction<br />
d’un fluide de « travail » et stimulation des fractures
egs: a generalized method to exploit geothermal energy for temperatures ranging from 130 to 180 °C<br />
conventionnels<br />
Technologie adaptée<br />
EGS Réservoirs<br />
Réservoirs<br />
non-conventionnels<br />
Au-delà de l’amélioration locale des conditions<br />
naturelles, l’intégration des développements au niveau<br />
des puits et de systèmes de conversion conduit à des<br />
systèmes géothermiques qui ne sont plus seulement<br />
« stimulés » (enhanced) mais plutôt « aménagés »<br />
(engineered) (figures 6 et 7). On peut d’ailleurs noter que<br />
les deux significations coexistent dans le sigle EGS,<br />
suivant les auteurs, ce qui est révélateur.<br />
Après les événements microsismiques à Bâle (2006)<br />
et à Landau (2009), l’amélioration de la perception sociale<br />
de la production d’énergie sur la base de technologie<br />
EGS est indispensable et incontournable. De nouvelles<br />
stratégies de stimulation et de gestion avancée des<br />
réservoirs géothermiques apporteront des solutions<br />
techniques à la maîtrise du risque sismique ; l’acceptation<br />
des projets nécessitera par ailleurs des actions<br />
approfondies d’information et de concertation, chacun<br />
ayant sa propre représentation du sous-sol et ses propres<br />
sensibilités en matière d’environnement et de risques.<br />
La mise en perspective de ces projets avec les inconvénients<br />
des autres techniques de production d’énergie<br />
est nécessairement à prendre en compte.ó<br />
Aquifères<br />
peu profonds et chauds<br />
de forte perméabilité<br />
Aquifères profonds chauds<br />
et peu perméables<br />
Socle fracturé<br />
Roches chaudes plus ou moins perméables<br />
Roches chaudes et sèches<br />
Fig. 7 : Un continuum<br />
pour une exploitation optimisée<br />
de l’ensemble des ressources<br />
géothermiques.<br />
Fig. 7: A continuum for optimized<br />
exploitation of all geothermal<br />
resources.<br />
© BRGM.<br />
EGS: a generalized method to<br />
exploit geothermal energy<br />
for temperatures ranging<br />
from 130 to 180 °C<br />
An outgrowth of experiments<br />
conducted in various parts of<br />
the world, the scientific pilot at<br />
Soultz-sous-Forêts (Alsace, France) is<br />
the very first Enhanced Geothermal<br />
System facility ever connected<br />
to a power grid (September 2010).<br />
The development of this site,<br />
launched in the early 1990’s with<br />
the aim to produce large quantities<br />
of electricity, has afforded a better<br />
understanding of the geological<br />
and hydraulic conditions prevailing<br />
at significant depths in a basement<br />
context, thereby allowing methods<br />
to be devised to develop such sites.<br />
Scientific and technical insights<br />
gained via the first generation of<br />
experimental sites henceforth open<br />
up the perspective of transitioning<br />
from the current concept of<br />
Enhanced Geothermal System to an<br />
expanded exploitation of the earth’s<br />
heat over wider geographical zones<br />
and shallower depths (with<br />
temperatures ranging between<br />
130 and 180 °C) and accommodating<br />
a variety of geological contexts<br />
(basement and sedimentary) and<br />
a lower initial natural permeability<br />
than that currently required<br />
for conventional exploitation.<br />
This evolution is already in progress,<br />
with a new generation of projects<br />
springing up in Europe, Australia<br />
and the United States. Adapting<br />
existing technologies and achieving<br />
the additional developments needed<br />
to contend with the different<br />
contexts encountered whilst<br />
ensuring economic viability will lead<br />
on into a more general concept,<br />
that of the “Engineered Geothermal<br />
System”. Furthermore, these new<br />
types of exploitation, which aim at<br />
producing not only electricity but<br />
also heat for industrial purposes<br />
(a process known as<br />
“co-generation”), will be able to be<br />
sited in closer proximity to potential<br />
consumers.<br />
Bibliographie : Cuenot N., Dorbath C. and L. Dorbath (2011) – Analysis of the Microseismicity Induced by Fluid Injections at the EGS Site of Soultz-sous-Forêts (Alsace, France): Implications for the Characterization<br />
of the Geothermal Reservoir Properties. (2008) – In Pure and Applied Geophysics, 165 (2008) 797–828, Birkha¨user Verlag, Basel. Gentier S., Rachez X., Blaisonneau A., Peter-Borie M. (2012) – « Influence de l’aléa<br />
géologique sur la stimulation hydraulique de puits géothermiques » dans Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur- JNGG2012, Université de Bordeaux 1, Bordeaux, 4-6 juillet, Vol.2.<br />
pp. 821-828. Gentier S., Genter A. (2010) – « Le pilote scientifique de Soultz-Sous-Forêts (Bas-Rhin), enjeux et perspectives » dans Géochronique, La Géothermie, coéd. SGF-BRGM, juin 2010, chap. 3-2, pp. 40-44.<br />
The Future of Geothermal Energy, Impact of Enhanced Geothermal Systems (EGS) on the United States in the 21st Century, MIT led interdisciplinary panel, Massachusetts Institute of Technology, Boston (2006).<br />
http://www1.eere.energy.gov/geothermal/egs_technology.html
64<br />
climatisation<br />
impac lyon: évaluer l’impact de l’exploitation des aquifères superficiels pour la climatisation<br />
Sophie Bézèlgues-Courtade<br />
Hydrogéologue<br />
BRGM, Division géothermie<br />
s.bezelgues@brgm.fr<br />
Pierre Durst<br />
Hydrogéologue<br />
BRGM, Division géothermie<br />
p.durst@brgm.fr<br />
Frédéric Garnier<br />
Microbiologiste<br />
BRGM, Division géothermie<br />
f.garnier@brgm.fr<br />
Ioannis Ignatiadis<br />
Microbiologiste<br />
BRGM, Direction Eau,<br />
Environnement et Ecotechnologies<br />
i.ignatiadis@brgm.fr<br />
ImPAC Lyon : évaluer<br />
l’impact environnemental<br />
et thermique de l’exploitation<br />
des aquifères superficiels<br />
pour la climatisation<br />
Face au fort développement de la géothermie de très basse<br />
énergie, des questions sont posées quant à son influence<br />
sur l’intégrité des aquifères exploités. La présente étude<br />
a eu pour objectif d’appréhender les incidences thermiques,<br />
physico-chimiques et microbiologiques d’une exploitation<br />
de très basse énergie, destinée à la climatisation, sur<br />
l’aquifère des alluvions du Rhône, à Lyon. Il s’agit d’une étude<br />
expérimentale qui repose sur un volet d’observations in situ<br />
et sur un ensemble de simulations en laboratoire.<br />
Implantation d’un piézomètre d’observation devant la Maison de la Danse, Lyon.<br />
An observation piezometer being installed in front of the “Maison de la Danse”, Lyon. © BRGM.<br />
En Europe, nombre de grandes agglomérations sont implantées sur de larges<br />
vallées alluviales aux caractéristiques hydrauliques intéressantes, sur lesquelles les<br />
installations géothermiques à usage de chauffage et de climatisation se multiplient<br />
de façon intensive, contribuant ainsi à la transition énergétique vers des énergies<br />
renouvelables. Néanmoins, les impacts environnementaux dus aux modifications<br />
thermiques liées au développement de ces installations géothermiques sont insuffisamment<br />
connus faute d’expérience en termes de caractérisation et de compréhension<br />
des mécanismes hydrogéologiques, géochimiques et microbiologiques associés. En<br />
particulier, s’il permet de s’affranchir des<br />
nuisances engendrées par les systèmes<br />
aérothermiques (bruit, rejet d’air chaud, risque<br />
de légionelles…) et propose un meilleur<br />
rendement énergétique, le développement<br />
des systèmes de climatisation sur aquifère est<br />
susceptible de provoquer le réchauffement<br />
des eaux souterraines. Les effets de ce réchauffement<br />
sur la qualité physico-chimique et<br />
microbiologique des eaux doivent être<br />
évalués afin d’être pris en compte lors de<br />
Le développement des<br />
systèmes de climatisation<br />
sur aquifère est susceptible<br />
de provoquer<br />
le réchauffement<br />
des eaux souterraines.
impac lyon: Evaluating the impacts of shallow aquifers exploitation for air conditioning<br />
l’élaboration de règles de gestion de la ressource en eau<br />
souterraine et de la ressource énergétique du sous-sol.<br />
Les agglomérations, comme celles de Paris, Strasbourg,<br />
Toulouse et Lyon, sont confrontées au développement<br />
des climatisations sur nappes d’eau souterraines.<br />
Cela est d’autant plus vrai pour ces deux dernières, où<br />
l’utilisation de la nappe pour le chauffage urbain, très<br />
peu développée, ne saurait compenser le réchauffement<br />
induit par la climatisation. Elles sont des cibles d’études<br />
privilégiées des phénomènes physiques, chimiques et<br />
microbiologiques induits dans les aquifères superficiels<br />
en contexte de développement de leur exploitation<br />
thermique. La ville de Lyon, en particulier, s’intéresse<br />
aux moyens de gestion pérenne de la ressource que<br />
constituent les eaux de nappe et pose la question des<br />
éventuels risques sanitaires susceptibles d’être induits<br />
par leur exploitation.<br />
En effet, la nappe superficielle des alluvions du Rhône,<br />
au droit de l’agglomération lyonnaise, est l’objet depuis<br />
les années 1960 d’une exploitation géothermique<br />
qui s’est fortement développée depuis les années 1990.<br />
À partir de 2000, les premières interrogations concernant<br />
l’augmentation de la température de l’eau émergent<br />
suite à l’apparition de dysfonctionnements et de conflits<br />
d’usages : certaines installations montrent une hausse<br />
de la température des eaux pompées, une installation<br />
municipale est perturbée par un fort développement<br />
de bactéries filamenteuses, etc.<br />
Des variations saisonnières de température ont été mises<br />
en évidence, avec des amplitudes de 1 à 2 °C, les secteurs<br />
à proximité du Rhône indiquant des températures<br />
globalement plus élevées (autour de 17 °C, jusqu’à<br />
environ 20 °C) que sur les secteurs est ou nord (entre<br />
15 et 16 °C). En fin de saison de climatisation, des<br />
températures atteignant 30 °C sont relevées ponctuellement<br />
[(Murzilli et Galia (2010)].<br />
Le projet ImPAC Lyon : une première<br />
évaluation de l’impact d’une exploitation<br />
Le projet ImPAC Lyon, cofinancé par l’ADEME sur la période<br />
2010-2011, a permis d’évaluer les impacts des variations<br />
de températures liées à l’exploitation géothermique<br />
des aquifères (à usage de climatisation) sur la qualité<br />
physico-chimique et microbiologique des eaux<br />
souterraines[Bézelgues (2011) ; Durst et al. (2012)].<br />
Les paramètres recherchés étaient : les teneurs en<br />
éléments majeurs et traces ; les teneurs en micropolluants<br />
organiques ; l’abondance, la diversité et l’activité de la<br />
microflore non pathogène ; l’abondance de la microflore<br />
pathogène.<br />
Le projet comprend des travaux expérimentaux<br />
réalisés in situ et en laboratoire.<br />
Volet in situ<br />
Après une première phase (en 2010) de sélection et<br />
d’équipement d’un site expérimental, l’action a été<br />
centrée sur l’acquisition de données et sur leur interprétation.<br />
Le site retenu est celui de la mairie du 8 e arrondissement<br />
de Lyon. Une installation de géothermie sur nappe y est<br />
implantée. Il s’agit d’un doublet de forages fonctionnant<br />
uniquement en mode climatisation, à un débit de<br />
40 m 3 /h pendant la moitié de l’année (mai-octobre).<br />
L’équipement du site (figure 1) a consisté à implanter<br />
quatre piézomètres d’observation de la nappe, répartis<br />
entre l’amont et l’aval du doublet, et à les instrumenter,<br />
ainsi que les forages de pompage et d’injection, pour<br />
un suivi en continu des paramètres physico-chimiques<br />
(conductivité, température, oxygène dissous, potentiel<br />
redox et niveau d’eau).<br />
Figure 1 : Géométrie<br />
du dispositif expérimental<br />
in situ.<br />
Figure 1: Geometry<br />
of the in-situ<br />
experimental rig.<br />
Source : Google map.<br />
65<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
66<br />
66<br />
impac lyon: évaluer l’impact de l’exploitation des aquifères superficiels pour la climatisation<br />
Réservoir d’eau<br />
Les observations ont été complétées par neuf campagnes<br />
de prélèvements et d’analyses permettant de caractériser<br />
l’évolution des paramètres physico-chimiques (teneurs<br />
en éléments majeurs et traces, teneurs en micropolluants<br />
organiques) et microbiologiques dans les six points de<br />
mesure. L’interprétation des données physicochimiques<br />
a été accompagnée d’une modélisation géochimique.<br />
Volet de laboratoire<br />
Étuve<br />
Zone de simulation du terrain étudié<br />
Colonne de percolation<br />
En parallèle au suivi in situ, et dans le cadre de la thèse<br />
de F. Garnier [Garnier (2012)], appuyée par le projet<br />
BIOTHERMEX (1) , un dispositif expérimental a été élaboré<br />
(figure 2). Il vise à reproduire, dans des conditions<br />
maîtrisées, les fluctuations de température et de<br />
qualité d’un fluide induites lors des cycles saisonniers<br />
de fonctionnement d’une installation géothermique.<br />
L’approche retenue, en condition dynamique (fluide en<br />
circulation dans une matrice rocheuse reconstituée),<br />
est essentielle, car elle permet d’intégrer les paramètres<br />
hydrodynamiques et de se rapprocher au mieux des<br />
conditions réelles d’aquifères superficiels [Garnier et al.<br />
(2011)]. Les fluides utilisés pour les expérimentations sur<br />
le pilote sont des eaux souterraines prélevées sur le site<br />
expérimental de Lyon ou sur d’autres sites (CTIFL à<br />
Balandran dans le Gard et BRGM à Orléans). Les matrices<br />
rocheuses de percolation ont été reconstituées à<br />
partir de matériaux rocheux issus des mêmes sites.<br />
(1) BIOTHERMEX : évaluation BIOlogique de l’exploitation THERMique d’un<br />
aquifère : EXpérimentation en laboratoire. Projet de recherche lancé en 2009<br />
par le BRGM, en partenariat avec la région Centre et l’Institut des Sciences<br />
de la Terre d’Orléans (ISTO).<br />
Analyse<br />
microbiologique<br />
Zone<br />
de prélèvement<br />
Analyse des<br />
paramètres<br />
in situ<br />
Porte sonde<br />
Dispositif amont Dispositif central Dispositif aval<br />
Analyse<br />
physio-chimique<br />
Prélèvement<br />
automatique<br />
Calcul du débit<br />
Balance<br />
Fig. 2 : Le pilote<br />
BIOTHERMEX<br />
et son principe<br />
de fonctionnement.<br />
Fig. 2: Underlying<br />
principle of the<br />
BIOTHERMEX pilot rig.<br />
© BRGM (schéma),<br />
MEDDE – L. Mignaux (photo).
Le suivi des paramètres<br />
physico-chimiques du site ne fait<br />
pas apparaître de perturbations<br />
géochimiques significatives.<br />
Résultats : un impact<br />
essentiellement thermique<br />
Le suivi des paramètres physico-chimiques du site ne<br />
fait pas apparaître de perturbations géochimiques<br />
significatives. Ces constatations sont confirmées par<br />
les résultats de modélisation montrant que, tant pour<br />
les indices de saturation des minéraux que pour les<br />
potentiels d’oxydo-réduction, des variations thermiques<br />
autour de 14-24 °C dans l’aquifère n’entraînent pas de<br />
changement significatif.<br />
Les teneurs initiales de l’eau souterraine en polluants<br />
organiques, trop faibles, n’ont pas permis d’émettre de<br />
conclusion quant à l’influence de la température sur ces<br />
composés dans les eaux souterraines. Du point de vue<br />
bactériologique, et pour des températures variant de 15 à<br />
25 °C, une influence significative des rejets thermiques<br />
a été décelée sur l’ensemble des paramètres microbiologiques<br />
étudiés de la microflore non pathogène :<br />
– la concentration bactérienne augmente avec la<br />
température ;<br />
– certaines activités biologiques sont corrélées à la<br />
température :<br />
• l’activité « dégradation de la matière organique »<br />
(figure 3) est stimulée pour des températures de<br />
5 à 28 °C et inhibée pour des températures inférieures<br />
à 5 °C et supérieures à 28 °C ;<br />
• l’activité « dénitrification » est stimulée pour des<br />
températures de 15 à 25 °C, mais reprend les mêmes<br />
valeurs qu’à 15 °C, lorsque la température monte à<br />
35 °C ;<br />
– la diversité biologique montre une variabilité spatiotemporelle,<br />
y compris hors zone d’influence thermique<br />
de l’installation (figures 4 et 5).<br />
Globalement, les phénomènes observés sur la base de<br />
l’approche déployée dans cette étude indiquent une<br />
influence certaine de la température sur la microflore<br />
bactérienne autochtone, mais qui ne semble pas<br />
entraver le bon fonctionnement de l’écosystème. Une<br />
augmentation de température (dans la gamme 16-24 °C)<br />
est susceptible de stimuler certaines activités microbiologiques<br />
et donc les phénomènes d’atténuation<br />
naturelle (autoépuration) en milieu souterrain aquifère.<br />
Cependant, tous les types d’activités n’ont pu être<br />
étudiés, pas plus que les phénomènes d’adaptation à<br />
long terme.<br />
Densité optique (DMCP)<br />
Abondance relative<br />
Abondance relative<br />
0,5<br />
0,4<br />
0,3<br />
0,2<br />
0,1<br />
1,4E-02<br />
1,2E-02<br />
1,0E-02<br />
8,0E-03<br />
6,0E-03<br />
4,0E-03<br />
2,0E-03<br />
0,0E-00<br />
P3 Février 2011<br />
P4 Février 2011<br />
Fig. 4 : Exemple de variabilité spatiale des profils de diversités microbiologiques (obtenus sur<br />
des piézomètres non impactés thermiquement par l’installation géothermique : février 2011).<br />
Fig. 4: An example of the spatial variability of the profiles for microbiological diversities (obtained<br />
from piezometers not thermally impacted by the geothermal system: February 2011). © BRGM.<br />
2,5E-02<br />
2,0E-02<br />
1,5E-02<br />
1,0E-02<br />
5,0E-03<br />
0,0E+03<br />
0<br />
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45<br />
Température (°C)<br />
Fig. 3 : Activité métabolique mesurée sur l’eau du site expérimental de Lyon incubée<br />
à différentes températures (DMCP = Développement moyen de la coloration ; indicateur<br />
de l’activité métabolique).<br />
Fig. 3: Metabolic activity measured on water from the Lyon experimental site incubated<br />
at various temperatures (DMCP is the mean development of coloring, an indicator<br />
of metabolic activity). © BRGM.<br />
P3 Février 2011<br />
P4 Octobre 2011<br />
Fig. 5 : Exemple de variabilité temporelle des profils de diversités microbiologiques (obtenus sur<br />
des piézomètres non impactés thermiquement par l’installation géothermique : février 2011)<br />
Fig. 5: An example of the temporal variability of the profiles for microbiological diversities (obtained<br />
from piezometers not thermally impacted by the geothermal system: February 2011). © BRGM.<br />
67<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
68<br />
impac lyon: évaluer l’impact de l’exploitation des aquifères superficiels pour la climatisation<br />
Concernant les bactéries pathogènes, la bonne qualité<br />
microbiologique de l’eau du site de Lyon n’a pas permis<br />
de suivre une évolution de ces organismes quasiment<br />
absents du site. La littérature fait état de travaux<br />
indiquant que, dans les cas étudiés, le potentiel de<br />
survie de ces organismes, lors de leur transit dans les<br />
eaux souterraines, est faible. Néanmoins, ces travaux<br />
ne couvrent pas de cas particulièrement favorables<br />
au développement des pathogènes et devraient être<br />
complétés par des études supplémentaires.<br />
Les impacts bactériologiques<br />
restent limités, mais des<br />
perturbations thermiques notables<br />
ont été mises en évidence.<br />
Si les impacts bactériologiques constatés sur le site<br />
d’étude restent limités, des perturbations thermiques<br />
notables ont été mises en évidence (figure 6) :<br />
– la température de la nappe observée hors influence du<br />
fonctionnement du doublet indique une température<br />
moyenne annuelle relativement élevée, de l’ordre de<br />
16,5 °C, qui traduit une influence du milieu urbain, sans<br />
qu’il soit possible de déterminer si elle est due ou non<br />
à d’autres installations de géothermie ;<br />
– l’influence thermique de l’injection estivale d’eau<br />
chaude dans l’aquifère, dans les conditions actuelles<br />
d’exploitation (débit,∆T), reste marquée sur toute la<br />
durée d’un cycle hydrologique à l’intérieur d’une aire<br />
d’influence correspondant à un panache orienté en<br />
direction de l’écoulement souterrain et limité à moins<br />
de 50 mètres à l’amont et 150 mètres à l’aval du forage<br />
de rejet. Au cours de l’étude, la température des deux<br />
piézomètres concernés s’est élevée (de +1 °C pour P2)<br />
d’une année sur l’autre. La poursuite de l’acquisition<br />
de données sur plusieurs cycles hydrologiques supplémentaires<br />
permettrait de déterminer si cette<br />
augmentation thermique inter-annuelle est continue<br />
ou résulte d’autres facteurs ponctuels ;<br />
– en dehors de ce périmètre, il semble que la température<br />
de l’aquifère revienne à sa valeur « naturelle »<br />
hors période de fonctionnement de l’installation<br />
géothermique ;<br />
– un phénomène de recyclage thermique est également<br />
mis en évidence : l’eau pompée au niveau du puits<br />
de production voit sa température influencée par la<br />
réinjection de l’eau réchauffée par la pompe à chaleur.<br />
Ce phénomène est lié à un dimensionnement défaillant<br />
de l’installation (mauvais écartement des deux puits).<br />
Ces perturbations observées à l’échelle d’un doublet<br />
géothermique sont révélatrices de dysfonctionnements<br />
certainement très courants sur les installations de<br />
climatisation exploitant l’aquifère, en particulier dans<br />
les secteurs où leur densité est élevée. La première<br />
conséquence est une dégradation des performances<br />
énergétiques de l’installation. La seconde est une<br />
augmentation progressive de la température de rejet<br />
au cours de la période de fonctionnement et donc une<br />
augmentation progressive de la température de la nappe,<br />
susceptible d’entraîner des conséquences environnementales<br />
sur l’aquifère considéré.<br />
Les résultats obtenus sur le site expérimental de la<br />
mairie du 8 e arrondissement, à Lyon, et sur le pilote<br />
BIOTHERMEX ne permettent pas de mettre en évidence<br />
de perturbations physico-chimiques ou micro-biologiques<br />
significatives et nuisibles à l’équilibre de l’aquifère.<br />
Toutefois, les problématiques de la réponse des organismes<br />
Température de la nappe (°C)<br />
28<br />
26<br />
24<br />
22<br />
20<br />
18<br />
16<br />
14<br />
01/10<br />
01/11<br />
02/11<br />
03/11<br />
04/11<br />
05/11<br />
06/11<br />
07/11<br />
08/11<br />
09/11<br />
10/11<br />
11/11<br />
12/11<br />
01/12<br />
02/12<br />
P1<br />
P2<br />
P3<br />
P4<br />
Rejet<br />
(moyenne<br />
journalière)<br />
Fig. 6 : Régime thermique de l’aquifère au droit de la mairie du 8e arrondissement.<br />
Déc. 2010 - mai 2012.<br />
Fig. 6: The thermal regime of the aquifer vertically beneath the 8th district municipal<br />
office. Dec. 2010–May 2012. © BRGM.<br />
03/12<br />
04/12<br />
05/12
Publicité<br />
impac lyon: Evaluating the impacts of shallow aquifers exploitation for air conditioning<br />
pathogènes et du comportement de polluants organiques<br />
face à des sollicitations thermiques n’ont pas pu être<br />
appréhendées à Lyon en raison de l’absence de pollution<br />
aux pathogènes et de polluants organiques.<br />
Le cas étudié (un seul site sans influence directe<br />
d’une autre installation) se caractérise par un défaut<br />
de dimensionnement susceptible d’induire un réchauffement<br />
de l’aquifère à l’échelle interannuelle, qui est<br />
probablement significatif des pratiques en matière de<br />
dimensionnement d’installations en milieu urbain<br />
(fortes contraintes d’espace). Dans ces conditions, il<br />
apparaît d’autant plus nécessaire de poursuivre les<br />
travaux entamés à Lyon, d’une part en étendant la gamme<br />
de températures étudiées pour l’impact bactériologique,<br />
d’autre part en généralisant l’étude thermique de la<br />
nappe à l’ensemble de l’agglomération et en prenant<br />
en compte son écoulement. L’objectif est d’assurer le<br />
bon état de la nappe et la pérennité de la ressource,<br />
grâce au bon dimensionnement des installations, en<br />
évitant une trop forte concentration et/ou en favorisant<br />
l’utilisation de la nappe pour le chauffage de manière<br />
à contrebalancer les effets de la climatisation.<br />
Partenaires : BRGM, ADEME (Agence de l’Environnement<br />
et de la Maîtrise de l’Energie)<br />
ImPAC Lyon: Evaluating environmental and thermal impacts<br />
caused by exploiting shallow aquifers for air conditioning<br />
The objective addressed by the ImPAC<br />
Lyon project was to assess thermal,<br />
physico-chemical and microbiological<br />
impacts that might ensue when a<br />
ground water heat pump is installed.<br />
The experiment design was twofold,<br />
entailing a segment in the field at<br />
the 8th district municipal office (Lyon)<br />
and a laboratory segment where soil<br />
and water samples taken in the Lyon<br />
area were tested for a variety of<br />
temperatures.Regarding findings<br />
in the field, where temperatures<br />
ranged from 16 to 24 °C, only thermal<br />
disturbances, as opposed to physical<br />
and microbiological ones, were<br />
observed. Indeed, improper doublet<br />
design (which seems to be common<br />
practice in highly constrained urban<br />
environments) leads to the progressive<br />
warming of the aquifer from year<br />
to year. Thus, the work undertaken<br />
in Lyon would need to be extended to<br />
deal with other temperature ranges.<br />
Concerning the laboratory<br />
experiments for this study (over a<br />
temperature range of 15 to 25 °C),<br />
while a detectable influence of<br />
temperature on the native bacterial<br />
microflora is noted, this does not<br />
appear to be liable to have a negative<br />
influence on the proper operation<br />
of the ecosystem. However, other<br />
environmental conditions have yet<br />
to be examined, notably to ascertain<br />
behavior under the impact of higher<br />
temperatures, which can be expected<br />
in the context of a high density<br />
of geothermal systems.With respect<br />
to pathogenic bacteria and organic<br />
pollutants, the good microbiological<br />
quality of groundwater in Lyon did<br />
not allow us to monitor the evolution<br />
of these organisms, which are virtually<br />
absent on the site. New projects would<br />
be needed to deal with this aspect.<br />
Bibliographie : Bézèlgues-Courtade S. (2011) – ImPAC Lyon : évaluation de l’Impact environnemental dû aux modifications thermiques induites par les PAC sur aquifères superficiels – 2010. Rapport final, BRGM/<br />
RP-59730-FR. Durst P., Garnier F., Parmentier F., Bézèlgues-Courtade S., Ignatiadis I., avec la collaboration de Orofino S. et Levillon F. (2012) – ImPAC Lyon : Évaluation de l’impact environnemental dû aux modifications<br />
thermiques induites par les PAC sur aquifères superficiels – Année 2. Rapport final. BRGM/RP-60786-FR, 152 p., 50 fig., 17 tab., 8 ann. Garnier F., Daniel K., Despres M., Motelica-Heino M., Ignatiadis I. (2011)<br />
– Étude d’un dispositif expérimental dédié à l’évaluation des impacts biogéochimiques induits par les PAC géothermiques sur les nappes d’eaux superficielles : élaboration de plans de synthèse et simulations<br />
géochimiques. Rapport BRGM/RP-60161-FR, 71 p., 20 fig., 5 ann. Garnier F. (2012) – Contribution à l’évaluation biogéochimique des impacts liés à l’exploitation géothermique des aquifères superficiels :<br />
Expérimentations et simulations à l’échelle d’un pilote et d’installations réelles. Thèse de doctorat soutenue à l’université d’Orléans. 313 p, 255 fig, 30 tab. Murzilli O. et Galia H. (2010) – Exploitation géothermique<br />
des eaux souterraines en milieu urbain. Bilan et perspectives issus du retour d’expérience lyonnais. Géologues 167, pp 85-91.
a worldwide overview of carbon dioxide storage<br />
Carbon dioxide capture and storage (CCS)<br />
is to play an essential role in limiting global<br />
average temperature rises to no more<br />
than 2°C above pre-industrial values.<br />
Pilots and large scale integrated projects<br />
have already stored over 23 million tonnes<br />
of anthropogenic carbon dioxide in deep<br />
saline formations and over approximately<br />
80 million tonnes when including<br />
enhanced oil recovery and are providing<br />
sufficient technical and operational<br />
knowledge to inform on the safety<br />
and feasibility of this technology. While<br />
research and development need to<br />
continue, the number of commercial-scale<br />
projects needs to increase significantly<br />
to reach climate mitigation targets.<br />
Strong political support and appropriate<br />
incentives appear to be necessary for CCS<br />
to become a robust technology.<br />
70<br />
co2 emissions reduction<br />
The Schwarze Pumpe pilot plant for CO2 capture by<br />
oxycombustion run by Vattenfall (Germany).<br />
Usine pilote de captage de CO2 par oxycombustion à Schwarze<br />
Pumpe (Allemagne), conduite par Vattenfall<br />
© BRGM – Vattenfall.<br />
Angeline Kneppers<br />
Senior Advisor Storage<br />
Global CCS Institute,<br />
based in France<br />
angeline.kneppers@globalccsinstitute.com<br />
Steve Whittaker<br />
Principal Manager Storage<br />
Global CCS Institute,<br />
based in Australia<br />
Ernie Perkins<br />
Senior Advisor Storage<br />
Global CCS Institute,<br />
based in Canada<br />
Derek Taylor<br />
Regional Representative<br />
Global CCS Institute,<br />
based in Belgium<br />
Daniel Rennie<br />
Project Manager<br />
Global CCS Institute,<br />
based in France<br />
A worldwide overview<br />
of carbon dioxide<br />
storage<br />
As one of the strategies for reducing carbon dioxide (CO2) emissions, carbon<br />
capture and storage (CCS) is a developing technology that aims to prevent<br />
large quantities of CO2 from being emitted into the atmosphere mainly from<br />
burning fossil fuels. It is currently the only effective carbon abatement option for many<br />
industrial operations.<br />
The safe and permanent storage of CO2 is among the most important factors in<br />
ensuring CCS can achieve its potential as a key climate change mitigating technology.<br />
A number of large-scale geological storage sites have been developed, requiring<br />
extensive subsurface characterisation, monitoring and assurance processes.<br />
These current projects are now providing<br />
sufficient technical and operational knowledge<br />
on the safety and feasibility of CO2 injection<br />
into deep saline formations and depleted<br />
oil and gas reservoirs.<br />
However, the current number of CCS projects<br />
in various stages of development is not<br />
sufficient (1) to achieve the climate change mitigation objectives. This can partially be<br />
explained by the long lead times and the significant long-term commitment that are<br />
(1) Global CCS Institute, The Global Status of CCS: 2012<br />
CCS, a key climate change<br />
mitigating technology.
equired since these projects will be operational<br />
for decades, satisfying all regulatory reporting. The<br />
insufficient number of projects is also due to the low<br />
income from the sale of carbon or carbon credits and a<br />
legal and regulatory framework that is considered<br />
inadequate by some projects. It is urgent that public<br />
policies be reviewed so that viable projects can develop.<br />
Storing CO2 is part of a portfolio of<br />
solutions to mitigate climate change<br />
By 2050, global energy consumption and CO2 emissions<br />
are expected to be almost double 2008 levels, due<br />
primarily to the increasing growth in energy demand.<br />
If there are no changes in global policies, and current<br />
trends persist, this would lead to an average global<br />
warming of 6 °C (2) . As the negative effects of climate<br />
change become better understood, and human-induced<br />
CO2 concentrations in the atmosphere are globally<br />
accepted as one of the major causes, high CO2 emitting<br />
industries must continue to adopt near-zero emission<br />
technologies.<br />
There are a number of scenarios, for achieving the<br />
required goal of limiting global warming to 2 °C, but<br />
in all cases a portfolio of technologies needs to be<br />
deployed as quickly as possible. The Intergovernmental<br />
Panel on Climate Change (3) highlights that CCS will<br />
need to contribute 15-55 % of the cumulative mitigation<br />
effort until 2100, with the IEA’s detailed scenarios<br />
expecting CCS to contribute one fifth of the total<br />
emissions reductions by 2050 (cf. IEA 2012 Energy<br />
related CO2 emission reductions by technology, figure<br />
presented in D. Houssin’s introduction).<br />
In all of the scenarios, the costs of achieving global<br />
emissions targets in the power sector without CCS<br />
increase dramatically, and land-use would substantially<br />
have to change to accommodate for renewable<br />
sources of energy such as wind.<br />
It should be noted that CCS is currently the only<br />
available technology that allows industrial sectors (such<br />
as natural gas processing, iron and steel, cement or<br />
paper) to significantly decarbonise. As such, CCS is not<br />
a ‘transition’ technology, but is to become fully part<br />
of the production technology in these areas. When<br />
sustainable bio-energy is used with CCS, this can result<br />
in a net removal of CO2 from the atmosphere.<br />
(2) International Energy Agency, Energy Technology Perspectives 2012:<br />
Pathways to a Clean Energy System, OECD/IEA, France.<br />
(3) Intergovernmental Panel on Climate Change, 2005. Carbon Capture and<br />
Storage, special report.<br />
un panorama mondial du stockage géologique de dioxyde de carbone<br />
CCS works as part of this portfolio of solutions, permanently<br />
isolating the CO2 that would otherwise have<br />
been released into the atmosphere, by:<br />
– capturing and compressing the CO2 produced at<br />
high CO2 emitting industrial plants;<br />
– transporting the CO2 to suitable, well-characterised<br />
geological formations that will serve as the storage<br />
site; and<br />
– injecting the CO2 into the assessed storage formation<br />
such as depleted oil and gas bearing formations or<br />
deep brine-filled formations.<br />
A CCS system may be constituted of a single ‘point-topoint’<br />
scheme, where a capture source is linked directly<br />
to a storage site (figure 1), or designate a shared infrastructure<br />
for the collection of CO2 from multiple sources<br />
and distribution to individual or multiple injection sites.<br />
Fig. 1: CO2 capture<br />
and geological storage<br />
in the subsurface.<br />
Fig.1 : Captage et<br />
stockage géologique<br />
du CO2<br />
en profondeur.<br />
© BLCom.<br />
71<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
72<br />
a worldwide overview of carbon dioxide storage<br />
Injecting and storing CO2<br />
into deep geological formations<br />
Injection of CO2 into the Utsira Formation in the<br />
North Sea began in 1996 as part of Statoil’s Sleipner<br />
Project (Norway) and has now stored over 16 Mt CO2.<br />
In Algeria, the In Salah project has been injecting CO2<br />
since 2004 with over 4 Mt CO2 stored. The Snøhvit<br />
project in Norway started injection in 2008 and has<br />
stored 1.6 Mt of CO2 to date. These projects have used<br />
various monitoring techniques and have demonstrated<br />
that it is possible to safely manage the injection<br />
of CO2 into geological reservoirs. Oil companies have<br />
been injecting CO2 into depleting oil fields to enhance<br />
oil recovery (CO2 EOR) since the 1970s and there are<br />
now about 130 such operations, counting active projects<br />
in the United States alone. On a smaller scale, acid gas<br />
(mixtures of CO2 and H2S separated from natural gas<br />
production facilities) has been injected in depleted oil<br />
and gas reservoirs and in aquifers since the mid 1980’s.<br />
Similar in process to CO2 storage, there have been no<br />
issues with the safe injection of these fluids [Wichert<br />
& Royan (1997); Davidson et al. (1999)].<br />
Optimal operation of CO2 EOR fields results in the<br />
production of a significant amount of the injected<br />
CO2, which is then re-injected as part of the injection<br />
stream. During this process, a significant amount of<br />
CO2 is trapped in the reservoir and is stored. The Weyburn<br />
Oil Field in Canada, for example, has now stored in<br />
excess of 20 Mt CO2. Because of the vast experience<br />
in CO2 EOR, the technologies and operational aspects<br />
of injecting and storing CO2 in geological formations<br />
are well established (figure 2). However, storing CO2<br />
captured from industrial processes in geological<br />
formations is also the component in the CCS chain that<br />
presents some of the greatest project uncertainties.<br />
Each geological storage site is unique and must be<br />
screened and extensively characterised, taking years<br />
and millions of dollars before a decision can be made<br />
to proceed with a commercial project. Geological<br />
storage can also represent the most important public<br />
perception challenge and will be the greatest long-term<br />
liability associated with a CCS project.<br />
A brief review of CO2 behaviour<br />
Depending on pressure and temperature, CO2 can<br />
exist as a gas, liquid, solid or a supercritical fluid (a<br />
supercritical phase refers to the physical state of the<br />
phase at conditions above the critical temperature<br />
1<br />
2<br />
3<br />
4<br />
Storage<br />
Overview<br />
Site Options<br />
1 Saline<br />
formations<br />
2 Injection<br />
into deep<br />
unmineable<br />
coal seams<br />
or ECBM<br />
3 Use of CO2<br />
in enhanced<br />
oil recovery<br />
4 Depleted oil<br />
and gas<br />
reservoirs<br />
Fig. 2: Geological storage options for CO2. Several types of rock formations<br />
can be suitable for CO2 storage, including depleted oil and gas fields, deep<br />
saline formations and deep unmineable coal seams. Other types of<br />
formations such as basalts and oil shales are being examined by scientists<br />
for possible future use.<br />
Fig. 2: Options de stockage géologique du CO2. Plusieurs types de formations<br />
rocheuses peuvent être favorables au stockage de CO2, y compris des<br />
réservoirs pétroliers épuisés, des formations salines profondes et des veines de<br />
charbon profondes inexploitables. D’autres types de formations telles que les<br />
basaltes et les schistes bitumineux sont examinées par des scientifiques pour<br />
une utilisation future éventuelle. © GCCSI.<br />
and critical pressure), as shown in the phase diagram<br />
presented in figure 3. As pressure and temperature<br />
increase with depth of burial due to hydrostatic<br />
pressures and geothermal gradients, the state of<br />
CO2 will be a function of its depth in the subsurface.<br />
Below about 800 m, pressures and temperatures in<br />
reservoirs will generally exceed the critical point of<br />
CO2 [Bachu (2000)] so that CO2 will be maintained<br />
in a liquid or supercritical state. This makes it desirable<br />
to target or screen reservoirs for storage sites where<br />
depths generally exceed 800 m.
Pressure (bar)<br />
1000.0<br />
100.0<br />
10.0<br />
1.0<br />
0.1<br />
-100<br />
Sublimation Line<br />
Solid<br />
Phase<br />
Melting Line<br />
The densities of liquid or supercritical CO2 are less<br />
than that of water at the depths of interest, but its<br />
viscosities and diffusivities are closer to gases: CO2 can<br />
be partially or totally miscible in oil, depending on the<br />
pressure, temperature and oil composition, and thus<br />
its injection can result in a very viable method of<br />
secondary or enhanced oil recovery.<br />
In most projects, CO2 is injected into either a depleted<br />
hydrocarbon reservoir or a deep saline formation or<br />
‘saline aquifer’ – a term used in this context to refer to<br />
a permeable rock formation saturated with brackish,<br />
saline, brine or hypersaline water.<br />
The dominant physical processes and the trapping<br />
mechanisms during and after the injection of CO2 vary<br />
significantly over time. Several physical and chemical<br />
trapping mechanisms can occur from structural and<br />
capillary/residual to dissolution and mineralisation.<br />
The solubility of pure CO2 in the ambient water will<br />
vary with salinity, pressure and temperature. Since CO2 is<br />
less dense than the ambient reservoir water in which it<br />
is injected, it tends to move upwards through buoyancy.<br />
As the CO2 dissolves partially in water to form<br />
carbonic acid, the CO2-enriched water becomes slightly<br />
denser than the ambient water and tends to sink. The<br />
dissolution process however can be slow, in the order of a<br />
few thousand years for some injection scenarios [Ennis-<br />
King and Paterson (2001)], and reservoir geometry and<br />
internal petrophysical heterogeneities will largely influence<br />
whether substantial density stratification will develop.<br />
The extent to which mineral trapping will occur depends<br />
largely on water chemistry, reservoir mineralogy and<br />
un panorama mondial du stockage géologique de dioxyde de carbone<br />
Triple<br />
Point<br />
Typical Ship or Buffer<br />
Storage Conditions<br />
Liquid<br />
Phase<br />
Saturation<br />
Line<br />
Vapour/Gaseous<br />
Phase<br />
Typical Pipeline<br />
Operating conditions<br />
Fluid inventory<br />
Vapour inventory<br />
-90 -80 -70 -60 -50 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 40 50<br />
Temperature (°C)<br />
length of the migration path [Czernichowski-Lauriol et al.<br />
(2006)]. Minerals such as carbonate may precipitate,<br />
effectively trapping the injected CO2. Evidence of such<br />
CO2-rock-water interaction has been observed at EOR<br />
sites such as Weyburn and at CO2 storage pilots such as<br />
Frio and Otway. In most scenarios, significant mineral<br />
trapping is considered to occur only over thousands<br />
of years, but would result in immobilising the CO2.<br />
Overall, the timing and proportion of each trapping<br />
mechanism depends on the formation type and<br />
fluid properties [Ide et al. (2007)]. Current evaluations<br />
of CO2 trapping effectiveness estimate that more<br />
than 99.9 % of injected CO2 can be stored reliably<br />
for 100 years, and probably 99 % for 1 000 years.<br />
Projects around the world<br />
Super-<br />
Critical<br />
Phase<br />
Critical<br />
point<br />
There are currently a significant number of research<br />
projects, as well as pilots or injection demonstration<br />
projects at various scales, and some larger-scale<br />
commercial projects. The Global CCS Institute identified<br />
72 Large Scale Integrated CCS projects (LSIPs) across<br />
the world as per January 2013 in various stages of<br />
development (figure 4).<br />
LSIP thresholds are intended to correspond to the typical<br />
minimum volumes of CO2 emitted by power-plants<br />
and industrial facilities, i.e. those that involve capture,<br />
transport and storage of CO2 of at least 800,000 tonnes<br />
of CO2 annually from coal-based power or at least<br />
400,000 tonnes of CO2 annually from other industrial<br />
facilities.<br />
Fig. 3:<br />
CO2 phase diagram<br />
with typical<br />
transportation<br />
conditions.<br />
Fig. 3: Diagramme<br />
de phase du CO2<br />
avec conditions de<br />
transport typiques.<br />
© DNV CO2RISKMAN JIP<br />
(Guidance on Effective Risk<br />
Management of Safety and<br />
Environmental Major<br />
Accident Hazards from CCS<br />
CO2 Handling Systems,<br />
Det Norske Veritas, 2012).<br />
73<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
74<br />
a worldwide overview of carbon dioxide storage<br />
Assest lifecycle stage<br />
Identify<br />
Evaluate<br />
Define<br />
Execute<br />
Operate<br />
Seventeen LSIPs in operation or about to become<br />
operational, demonstrate the capture, transport and<br />
permanent storage of CO2 utilising measurement,<br />
monitoring and verification systems. Only a few CO2<br />
EOR projects that utilise anthropogenic CO2 are included<br />
in the count since there is currently no clear standard<br />
or regulatory guidance on monitoring requirements<br />
involving CO2 storage associated with EOR.<br />
Until recently all commercial operations were associated<br />
with hydrocarbon production, natural gas processing<br />
or enhanced oil recovery (EOR); however, a project<br />
capturing CO2 from an ethanol production plant<br />
with storage in a deep saline formation is now being<br />
developed in the Illinois Basin; importantly two coalfired<br />
power plants are now being constructed (Kemper<br />
County in the USA and Boundary Dam in Canada) associated<br />
with EOR, as well as the Alberta Carbon Trunk<br />
Line (ACTL) project, sourcing CO2 from the Agrium fertiliser<br />
plant for CCS associated with EOR operations.<br />
Geographic Bias of Storage Activities<br />
The geographical distribution of LSIPs and storage<br />
types is currently still mainly driven by historical oil<br />
& gas activities and most often located where capture<br />
is part of an industrial process (figure 4).<br />
EOR is currently the primary storage option for a vast<br />
majority of LSIPs in North America, where this technique<br />
has been applied for the last 40 years, infrastructures<br />
are in place and it presents a viable business case. In<br />
Europe and Australia, operational and planned storage<br />
of CO2 is essentially in offshore and onshore deep saline<br />
United States<br />
Europe<br />
China<br />
Canada<br />
Australia<br />
and New Zealand<br />
Middle East<br />
Other Asia<br />
Africa<br />
Storage type<br />
Deep saline formations<br />
Enhanced oil recovery (EOR)<br />
Depleted oil and gas reservoirs<br />
Various options considered,<br />
not specified<br />
Enhanced oil recovery (EOR)<br />
Depleted oil and gas reservoirs<br />
Deep saline formations<br />
Various options considered,<br />
not specified<br />
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70<br />
Potential volume of CO2 (Mtpa)<br />
Fig. 4: LSIPs by location, asset lifecycle and storage type.<br />
The final investment decision occurs at the end of the Define phase.<br />
Active stages include Execute (construction) and Operate;<br />
(Closure not shown).<br />
Volumes: only anthropogenic or captured CO2<br />
is considered for CO2 EOR projects.<br />
Fig. 4 : Grands projets intégrés (LSIPs) par position géographique,<br />
stade de développement et type de stockage.<br />
Les stades actifs sont les stades Exécution (construction) et Opération ;<br />
le stade de Fermeture n’est pas représenté.<br />
Volumes: seul le CO2 anthropogénique ou capturé est pris en compte<br />
pour les projets de récupération assistée des hydrocarbures (CO2 EOR).<br />
© GCCSI.
un panorama mondial du stockage géologique de dioxyde de carbone<br />
CO2 capture at the Technology<br />
Centre Mongstad (TCM) Norway,<br />
using two capture technologies –<br />
one amine process and one<br />
chilled ammonia process.<br />
Captage du CO2 au Centre de<br />
Technologie de Mongstad (TCM)<br />
Norvège, avec utilisation de<br />
deux technologies de captage –<br />
un processus amine et un<br />
processus à l’ammoniaque<br />
réfrigérée. © TCM.
76<br />
formations and in a few depleted oil and gas reservoirs.<br />
It is to be noted that EOR with the use of CO2 isn’t<br />
applicable to all types of hydrocarbon fields.<br />
Current Progress in CO2 Storage<br />
Overall, progress is being made in the deployment of<br />
large-scale geological storage of CO2. For example,<br />
injection of CO2 commenced late 2011 into a deep saline<br />
reservoir at the Illinois Basin - Decatur Project (IBDP),<br />
the first one in the United States (figure 5), injecting<br />
ca. 300,000 tpa for 3 years, while the Illinois CCS<br />
project is under construction, planning to inject 1 Mtpa.<br />
Shell’s Quest project, targeting a deep saline reservoir<br />
in Alberta, Canada, was approved by Alberta’s<br />
Government, and Shell made the final decision to<br />
go ahead with the project, in September 2012. Site<br />
preparation has began. An injection well has been<br />
drilled for the SaskPower Boundary Dam project with<br />
construction of the capture unit well underway.<br />
Construction of capture, pipeline and wells are also well<br />
advanced at the Australian Gorgon project.<br />
In Europe, the ROAD project received a favorable opinion<br />
from the European Commission concerning its planned<br />
storage site in an offshore depleted gas field. Additionally,<br />
the Peterhead CCS project was granted a lease agreement<br />
for Goldeneye, a depleted gas field 65 miles northeast<br />
of the Scottish coast.<br />
Equally notable are the high-profile project cancellations<br />
or postponements such as Longannet (UK), Jänschwalde<br />
(Germany), Pioneer (Canada), and ZeroGen (Australia).<br />
These and other cancelled projects cite lack of government<br />
support, insufficient price of emissions reductions<br />
and potential revenue, project scale-up issues and adverse<br />
public opinion as factors in decisions not to proceed.<br />
But overall, government funding and support for<br />
demonstration projects is available and advanced<br />
evaluation programs are ongoing – although too slowly<br />
to reach the 2˚C target – to identify storage targets.<br />
Storage capacity atlases assist with informing and<br />
developing confidence for CCS by politicians, the public<br />
and potential future project proponents.<br />
The potential of storing CO2 through EOR as a means<br />
of advancing CCS is gaining in interest outside the traditional<br />
regions in North America.<br />
Besides the work going on around the CCS Directive<br />
in Europe (4) , standards regarding geologic storage have<br />
(4) Directive 2009/31/EC of the European Parliament and of the council of<br />
23 April 2009 on the geological storage of carbon dioxide.<br />
MMV07UG<br />
MMV07S<br />
MMV04P<br />
MMV04S<br />
MMV04US<br />
ö Soil flux rings<br />
ö Soil gas nests<br />
ö USDW wells<br />
ö EC Tower<br />
InSAR reflectors<br />
Geophone well<br />
Project Area<br />
Verification well<br />
MMV-01<br />
Injection<br />
well<br />
been developed in North America and have undergone<br />
the first steps in transitioning to the International<br />
Standards Organisation (ISO International Standards<br />
development for CCS through technical committee<br />
TC 265). Regional assessments that may help accelerate<br />
storage demonstration are in progress globally.<br />
Challenges encountered in CO2 storage<br />
projects deployment<br />
CO2 Pipeline<br />
In most respects, the technical procedures around<br />
geologic storage of CO2 can be regarded as mature<br />
technologies performed for decades. However, further<br />
multi-scale modelling and injection testing pilots are<br />
required to correlate results, since the review of the<br />
properties of current projects shows that ones with<br />
poor permeability and injectivity such as Weyburn<br />
can still achieve a good daily rate of injection.<br />
Risk assessments and uncertainty management plans<br />
developed for oil and gas exploration are being<br />
adapted to commercial-scale CO2 storage projects.<br />
MMV05S<br />
MMV08UG<br />
MMV08S<br />
Compression/<br />
dehydration<br />
facility<br />
Fig. 5: Aerial view<br />
of the Illinois Basin -<br />
Decatur Project (IBDP),<br />
a pioneering storage<br />
pilot in a deep saline<br />
reservoir, Decatur,<br />
Illinois USA.<br />
Vue aérienne du projet<br />
Decatur – Bassin<br />
de l’Illinois (IBDP),<br />
un pilote pionnier<br />
de stockage en réservoir<br />
salin profond, Decatur,<br />
Illinois, États-Unis.<br />
© The Illinois State Geological<br />
Survey (ISGS).
While geological uncertainties and risks are highly<br />
site specific, the main perceived risks are of potential<br />
leakage, induced seismicity and ground displacement<br />
and their potential impact on health, environment,<br />
resources and value.<br />
Current projects in operation or under development have<br />
the obligation of implementing extensive monitoring<br />
measurements over the long period of injection of<br />
the project and after closure. Further work is ongoing<br />
on project performance and risk control.<br />
Commercial scale CO2 storage requires significant<br />
timelines for large-scale storage systems development,<br />
particularly in regions where little data has been<br />
acquired previously. It also requires the willingness<br />
to accept the level of uncertainties involved as much<br />
technically as financially and in project approval processes<br />
where further work must be undertaken with the<br />
regulatory agencies.<br />
Further research is required in several aspects of CO2<br />
storage, especially at large scale, such as:<br />
– kinetics of trapping mechanisms and their long-term<br />
efficiencies,<br />
– brine withdrawal wells for pressure management, plume<br />
direction control, improved containment capacity,<br />
– geomechanical effects of CO2 injection on wells, reservoirs<br />
and seals in different geological environments<br />
and injection scenarios,<br />
– CO2 stream composition - accompanying elements:<br />
fate and transport,<br />
– development of coupled multi-physics models and<br />
benchmarking to predict the long-term fate of injected<br />
CO2 in the subsurface,<br />
– mitigation and remediation techniques in case of<br />
unexpected behaviour,<br />
– project performance management and risk control<br />
indicators to compare actual and predicted storage<br />
behavior, optimize monitoring and remediation plans,<br />
and address public safety concerns.<br />
At a broader scale, a robust long-term investment<br />
environment must be established.<br />
Outlook<br />
While research needs to continue to increase regulatory<br />
confidence in the long-term safety of storage, there are<br />
no overarching technical barriers to implementing<br />
geologic storage of CO2 in deep saline formations or<br />
depleted oil or gas reservoirs.<br />
un panorama mondial du stockage géologique de dioxyde de carbone<br />
Un panorama mondial du stockage géologique<br />
de dioxyde de carbone<br />
Le captage et stockage<br />
géologique du dioxyde de<br />
carbone (CSC) est une solution<br />
qui peut contribuer de<br />
manière significative à<br />
la réduction des émissions<br />
de dioxyde de carbone (CO2)<br />
dans l’atmosphère, l’une<br />
des causes majeures du<br />
changement climatique.<br />
C’est actuellement l’option<br />
de réduction des émissions<br />
la plus efficace pour<br />
de nombreuses opérations<br />
industrielles.<br />
The identification and evaluation of secure storage sites<br />
is nevertheless a lengthy process and requires significant<br />
investments in time, skilled workforce and finances.<br />
Advancing the characterization of a storage system takes<br />
years before a financial investment decision can be made.<br />
Activities in this area must be accelerated now so that<br />
sufficient proven storage will be available to meet future<br />
demand.<br />
LSIPs will require that decisions be made while a number<br />
of uncertainties regarding storage remain at various stages<br />
of the project lifecycle. Assumptions need to be made<br />
when calculating initial storage capacity, anticipating<br />
the technology that will be available ten years after<br />
the project start, predicting the evolution of legal and<br />
regulatory frameworks, tariffs, fiscal policy, or economic<br />
constraints.<br />
Oil and gas companies have developed frameworks for<br />
dealing with technical and non-technical uncertainties<br />
and risks associated with subsurface development. There<br />
is a critical need to manage these uncertainties in all<br />
aspects of the project, particularly when dealing with<br />
changes in project scope in order to reach milestones<br />
and decision gates.<br />
Finally, stakeholder engagement needs to be fully part<br />
of the project management process, as communicating<br />
the details of storage in an accurate way, as part of a<br />
full communications plan, has proven to be important<br />
for the social feasibility of a project and probably<br />
essential for success.ó<br />
Prouver que le CO2 restera<br />
stocké en toute sécurité et<br />
de façon permanente fait<br />
partie des facteurs les plus<br />
importants pour assurer le<br />
potentiel de cette technologie.<br />
Pour cela, un certain nombre<br />
de sites de stockage<br />
géologiques ont été<br />
développés depuis les années<br />
1990, ce qui demande<br />
une caractérisation avancée<br />
du sous-sol et des processus<br />
de surveillance et d’assurance<br />
élaborés.<br />
Les projets existants apportent<br />
maintenant des connaissances<br />
techniques et opérationnelles<br />
suffisantes au regard de<br />
la sécurité et de la faisabilité<br />
de l’injection de CO2 dans<br />
des aquifères salins profonds<br />
et des réservoirs de pétrole<br />
ou de gaz naturel épuisés.<br />
Cependant, le nombre actuel<br />
de projets CSC à divers stades<br />
de développement est<br />
insuffisant pour limiter<br />
l’augmentation globale<br />
moyenne des températures.<br />
Ceci peut en partie être<br />
expliqué par la longueur<br />
des délais nécessaires au<br />
développement de ces projets<br />
et par l’engagement<br />
significatif que doivent<br />
prendre les porteurs de projet<br />
étant donné que ces sites de<br />
stockage seront opérationnels<br />
pendant des décennies<br />
et doivent remplir nombre<br />
d’obligations réglementaires.<br />
Le nombre insuffisant<br />
de projets résulte aussi<br />
de la faiblesse des revenus<br />
provenant de la vente de CO2<br />
ou de crédits carbone et<br />
d’un cadre juridique et<br />
réglementaire considéré<br />
inadéquat par des porteurs<br />
de projet. Il est urgent que<br />
les politiques publiques<br />
soient réexaminées pour<br />
que des projets viables<br />
puissent se développer.<br />
Bibliography: Bachu, S. (2000) – Sequestration of CO2 in geological media: Criteria and approach for site selection in response to climate change. Energy Conversion and Management 41: 953-970. Czernichowski-<br />
Lauriol, I., Rochelle, C., Gaus I., Azaroual, M., Pearce, J., Durst, P. (2006) – Geochemical interactions between CO2, pore-waters and reservoir rocks: lessons learned from laboratory experiments, field studies and<br />
computer simulations. In: Advances in the Geological Storage of Carbon Dioxide. NATO Science Series IV, pp.157-174. Davidson, R.J., Mayder, A., Hladiuk, D.W., Jarrell, J. (1999) – Zama acid gas disposal/miscible<br />
flood implementation and results. Journal of Canadian Petroleum Technology, v38, no2, pp 45-54. Ennis-King, J. and Paterson, L. (2001) – Reservoir engineering issues in the geological disposal of carbon dioxide.<br />
Proceedings of the 5th International Conference on GreenhouseGasControlTechnologies. Ide, S.T., Jessen, K., Orr Jr, F.M. (2007) – Storage of CO2 in saline aquifers: effects of gravity, viscous, and capillary forces on<br />
amount and timing of trapping. Int. J. Greenhouse Gas Control. Wichert, E., Royan, T. (1997) – Acid gas injection estimates sulfur recovery expense. Oil & gas Journal, v.95, pp 67-72.
78<br />
gaz à effet de serre<br />
état des lieux du stockage de co2 en europe<br />
La technologie de captage et<br />
de stockage de CO2 fait naître<br />
beaucoup d’espoir.<br />
Elle s’insère à des degrés divers<br />
dans tous les scénarios énergétiques<br />
à 2050 permettant une réduction<br />
massive des émissions de gaz<br />
à effet de serre afin de limiter<br />
le réchauffement climatique à 2 °C.<br />
Depuis 1993, beaucoup de progrès<br />
sur les plans scientifiques,<br />
réglementaires, économiques<br />
et sociétaux ont été réalisés.<br />
Où en est-on en Europe et en France,<br />
en particulier sur le stockage<br />
qui en constitue la clé de voûte ?<br />
Sera-t-on prêt pour un déploiement<br />
à grande échelle à partir<br />
des années 2020 ?<br />
Isabelle Czernichowski-Lauriol<br />
Présidente de l’Association CO2GeoNet<br />
Coordinatrice du projet 7 e PCRD CGS Europe<br />
(Pan-European coordination action on CO2<br />
Geological Storage)<br />
BRGM<br />
Direction de la Recherche<br />
i.czernichowski@brgm.fr<br />
État des lieux du<br />
stockage de CO2<br />
en Europe<br />
Les dates clés en Europe et dans le monde pour le développement de la technologie<br />
de captage et stockage de CO2 sont indiquées en figure 1. Cette frise chronologique va<br />
nous servir de guide pour analyser les avancées accomplies au niveau des politiques<br />
énergie-climat, de la recherche, de la préparation de démonstrateurs, de la réglementation,<br />
des aspects socio-économiques, tout en portant un éclairage sur la situation française (1) .<br />
Nous dresserons aussi les perspectives et soulignerons les efforts de la communauté<br />
de recherche européenne, mobilisée autour du réseau d’excellence CO2GeoNet, pour<br />
permettre le déploiement du stockage de CO2.<br />
La place du CSC dans les stratégies énergie-climat à 2050<br />
Le rapport spécial du Groupement intergouvernemental sur l’évolution du climat<br />
(GIEC, ou IPCC en anglais) paru en 2005 sur la technologie de captage et de stockage<br />
du CO2 (CSC, CCS en anglais) a reconnu cette technologie naissante comme moyen de<br />
(1) Pour plus de détails sur l’émergence de cette nouvelle technologie, le lecteur pourra se référer à l’ouvrage « Capter et<br />
stocker le CO2 dans le sous-sol : une filière technologique pour lutter contre le changement climatique », paru en 2007 aux<br />
Éditions du BRGM, ainsi qu’à l’article de I. Czernichowski dans Géosciences, n° 3, mars 2006, p. 78-85.
3 e PCRD<br />
projet de<br />
recherche<br />
pionnier<br />
1993<br />
Première<br />
opération<br />
industrielle<br />
de stockage<br />
de CO2<br />
à Sleipner<br />
(Norvège)<br />
1996<br />
1997<br />
Protocole<br />
de Kyoto<br />
Marché<br />
européen<br />
du carbone<br />
(EU-ETS)<br />
2005<br />
2005<br />
Rapport Spécial<br />
du GIEC sur le CSC<br />
réduction des émissions de gaz à effet de serre (2) . Le<br />
scénario énergétique prospectif Blue Map de l’AIE<br />
établi en 2008 montre qu’à l’horizon 2050, le CSC devra<br />
contribuer à hauteur de 19 % aux efforts de réduction<br />
de moitié des émissions de CO2 dans le monde pour y<br />
parvenir à moindre coût. Soit une contribution équivalente<br />
à celle des énergies renouvelables.<br />
Au plan européen, le CSC est l’une des sept technologies<br />
phares ciblées par le Plan stratégique pour les<br />
technologies énergétiques (SET Plan) établi en 2009,<br />
décliné en une initiative industrielle européenne<br />
(EII CCS) et un programme spécifique au sein de<br />
l’Alliance européenne de recherche sur l’énergie (EERA<br />
CCS). La feuille de route européenne sur l’énergie à<br />
vision 2050 adoptée en 2011 (EU Energy Roadmap to<br />
2050) donne une place significative au CSC, avec des<br />
modulations selon les scénarios envisagés.<br />
(2) Voir synthèse du rapport du GIEC faite par J. Varet – « Capture et stockage<br />
du dioxyde de carbone – le rapport du GIEC » – dans Géosciences, la <strong>revue</strong><br />
du BRGM pour une Terre durable, n° 3, mars 2006, p. 72-77.<br />
À l’horizon 2050,<br />
le CSC devra contribuer à hauteur<br />
de 19 % aux efforts de réduction<br />
de moitié des émissions de CO2<br />
dans le monde.<br />
Paquet<br />
Énergie<br />
Climat<br />
(20/20/20)<br />
2008<br />
Directive européenne<br />
sur le stockage<br />
géologique de CO2<br />
Décision de financer<br />
6 démonstrateurs<br />
CSC via le Plan<br />
de relance<br />
économique<br />
européen<br />
2009<br />
state of play of co2 storage in europe<br />
Appel à projets<br />
NER300 pour<br />
le financement<br />
de démonstrateurs<br />
CSC et d'énergies<br />
renouvelables<br />
innovantes<br />
2010<br />
Au plan français, la loi « Grenelle 1 » en 2009 a inscrit le<br />
CSC parmi les options de réduction des émissions à<br />
développer. L’ADEME, qui a établi en 2008 une feuille de<br />
route nationale sur le CSC à vision 2020, l’a révisée en<br />
2011 en lui donnant une perspective à 2050 et en y<br />
incluant les technologies de valorisation du CO2. En 2010,<br />
le ministère de l’Écologie a identifié le CSCV comme une<br />
filière industrielle stratégique de l’économie verte, visant<br />
un marché à la fois français et mondial. Le rapport<br />
« Énergies 2050 » paru début 2012 confirme l’intérêt<br />
du CSC dans les divers scénarios et prône un effort accru<br />
de R & D, ainsi que la mise en place d’incitations financières<br />
pour favoriser son développement.<br />
D’importantes avancées en R & D<br />
sur le stockage de CO2<br />
Feuille<br />
de route<br />
Énergie<br />
à 2050<br />
2011<br />
Depuis 1993, année de démarrage du projet européen<br />
pionnier établissant la faisabilité du concept de captage<br />
et de stockage de CO2 pour lutter contre le réchauffement<br />
climatique [Projet Joule II du 3 e Programme<br />
cadre de recherche et développement (PCRD)], d’importantes<br />
avancées scientifiques ont été réalisées par<br />
le biais de :<br />
– programmes de recherche collaboratifs sur le stockage<br />
géologique de CO2 : projets PCRD européens (depuis<br />
1993), projets nationaux ADEME (depuis 2003) et<br />
ANR (depuis sa création en 2005), etc. ;<br />
– études d’accumulations naturelles de CO2 dans le<br />
sous-sol ;<br />
– transfert de savoir-faire de pratiques industrielles :<br />
récupération assistée de pétrole par injection de CO2<br />
(CO2-EOR), stockage saisonnier de gaz naturel (CH4) ;<br />
Démonstrateurs<br />
CSC en<br />
opération<br />
2015-2020<br />
2011<br />
CSC éligible<br />
au titre du mécanisme<br />
de développement propre<br />
du protocole de Kyoto<br />
Déploiement<br />
industriel ?<br />
À partir<br />
de 2020<br />
Fig. 1 : Quelques<br />
dates clés au niveau<br />
européen (bleu)<br />
et mondial (noir) pour<br />
le développement<br />
du captage et<br />
stockage<br />
du CO2.<br />
Fig. 1: Some key dates<br />
at European (blue)<br />
and global levels (black)<br />
for the development<br />
of CO2 capture<br />
and storage.<br />
79<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
80<br />
état des lieux du stockage de co2 en europe<br />
– opérations industrielles pionnières (injection de 1 Mt<br />
CO2/an) : Sleipner (Norvège) depuis 1996, Weyburn<br />
(Canada) depuis 2000, In Salah (Algérie) depuis 2004 ;<br />
– pilotes de stockage (injection de quelques milliers ou<br />
dizaines de milliers de tonnes de CO2 sur une durée<br />
limitée) : Frio (États-Unis), Nagaoka (Japon), Otway<br />
(Australie), Ketzin (Allemagne), Lacq-Rousse (France) ;<br />
– élaboration de manuels de bonnes pratiques ;<br />
– réseaux et échanges d’information à différents<br />
niveaux : français (Club CO2), européen (ZEP,<br />
CO2GeoNet, CO2NET (3) …), international (IEAGHG (4) ,<br />
CSLF (5) , GCCSI (6) ).<br />
Il est nécessaire de passer<br />
à une phase de démonstration<br />
de grande envergure pour tester<br />
la technologie sur le terrain.<br />
Grâce aux opérations pionnières et aux importants<br />
programmes de recherche sur le CSC menés en Europe,<br />
aux États-Unis, au Canada, en Australie et au Japon<br />
depuis les années 1990, les chercheurs et les industriels<br />
ont déjà acquis une grande quantité de connaissances<br />
et de savoir-faire : critères de sélection des sites de<br />
stockage, méthodes et outils de caractérisation, de modélisation,<br />
de surveillance, de maîtrise des risques et des<br />
impacts environnementaux, d’évaluation des capacités<br />
de stockage… Il est nécessaire de passer maintenant<br />
à une phase de démonstration de grande envergure<br />
pour tester sur le terrain la technologie afin de s’assurer<br />
que le CSC puisse être commercialisé à partir de 2020<br />
et déployé à temps sur des centaines ou des milliers<br />
de sites dans le monde.<br />
En route pour une série<br />
de démonstrateurs<br />
En Europe, l’objectif fixé par le Conseil européen en<br />
2007 était d’avoir une douzaine de démonstrateurs<br />
opérationnels en 2015 pour valider, optimiser et réduire<br />
les coûts de l’ensemble de la chaîne du CSC, dans<br />
(3) CO2NET - Carbon Dioxide Knowledge Sharing Network.<br />
(4) International Energy Agency Greenhouse Gas R&D Programme.<br />
(5) Carbon Sequestration Leadership Forum.<br />
(6) Global Carbon Capture and Storage Institute.<br />
différents contextes géologiques, géographiques<br />
et industriels (voir article G. Sweeney dans le dossier<br />
spécial « 10 Enjeux des Géosciences » publié par le BRGM<br />
en 2009, p. 28-35).<br />
Des démonstrateurs intégrés captage-transport-<br />
stockage grandeur nature, portés par des industriels,<br />
sont en préparation dans certains pays (figure 2) avec<br />
le soutien des États membres et de l’Europe. Six sont<br />
financés dans le cadre du Plan de relance économique<br />
européen établi en 2009 (EEPR) et treize projets ont été<br />
soumis en 2010 à l’appel à projets NER300, dédié au<br />
financement de projets de démonstration de CSC et<br />
d’énergies renouvelables via une réserve de 300 millions<br />
de quotas du Système européen d’échange de quotas<br />
d’émissions de CO2 (EU ETS). La sélection NER300 faite<br />
fin 2012 par la Commission européenne n’a retenu aucun<br />
projets CSC, pour des raisons diverses. Mais ils pourront<br />
re-candidater lors du 2 e appel NER300 qui sera publié<br />
courant 2013. Dans un contexte de faible coût de la tonne<br />
de CO2 sur le marché européen (moins de 8 €/t) et de<br />
L NEG<br />
Instituts de CGS Europe<br />
Pays avec :<br />
Projets EEPR<br />
Candidat(s) au NER300<br />
HWU<br />
IRIS<br />
SINTEF<br />
NIVA<br />
GEUS<br />
SGU<br />
GTK<br />
TTUGI<br />
LEGMC<br />
GTC<br />
GSI<br />
BGS<br />
TNO<br />
BGR<br />
PGI-NRI<br />
Imperial RBINS-GSB<br />
CzGs<br />
IFPEN<br />
GBA SGUDS<br />
BRGM<br />
ELGI<br />
GEO-INZ<br />
UNIZG-RGNF<br />
OGS<br />
UB<br />
GEOECOMAR<br />
SU<br />
S-IGME<br />
URS<br />
Fig. 2 : Carte d’Europe<br />
indiquant les pays<br />
où des projets de<br />
démonstration EEPR<br />
ou NER300 sont<br />
en préparation et<br />
les 34 instituts<br />
de recherche répartis<br />
sur 28 pays participant<br />
au projet CGS Europe.<br />
© BGR (fond de carte<br />
géologique européenne).<br />
Fig. 2: Map of Europe<br />
showing the countries<br />
where EEPR or NER300<br />
demonstration projects<br />
are being prepared, as<br />
well as the 34 research<br />
institutes over 28<br />
countries involved in<br />
the CGS Europe project.<br />
© BGR (background: geological<br />
map of Europe).<br />
G-IGME<br />
METU-PAL
crise économique, seuls quelques démonstrateurs<br />
verront sans doute le jour en 2015. Il est donc important<br />
que d’autres types de financements se mettent en<br />
place pour pouvoir réaliser la série de démonstrateurs<br />
attendue.<br />
La directive européenne<br />
sur le stockage géologique du CO2<br />
Une directive européenne sur le stockage géologique<br />
du CO2 a été adoptée en 2009 et a déjà été transposée<br />
en droit français. Elle établit un cadre juridique pour que<br />
le stockage géologique du CO2 puisse être effectué en<br />
toute sécurité pour l’environnement et la santé humaine,<br />
afin de contribuer à la lutte contre le changement<br />
climatique. Elle précise notamment les critères à<br />
respecter pour la caractérisation et la surveillance des<br />
sites de stockage et requiert des permis d’exploration<br />
et des permis de stockage.<br />
La France a transposé la directive au travers de :<br />
– la loi Grenelle 2 (article 80) du 12 juillet 2010, modifiant<br />
les Codes minier et de l’environnement, pour la recherche<br />
de formations géologiques aptes au stockage de CO2<br />
(exploration) ;<br />
– l’ordonnance du 21 octobre 2010 (articles 5 à 9) pour<br />
l’exploitation des sites de stockage, l’accès des tiers<br />
aux infrastructures de transport et de stockage, la mise<br />
à l’arrêt définitif des installations et le transfert de<br />
responsabilité à l’État ;<br />
– trois décrets précisant les dispositifs réglementaires.<br />
Les aspects socio-économiques<br />
Les coûts de stockage du CO2 sont de l’ordre de 1 à 20 € par<br />
tonne de CO2 ; ils varient selon les caractéristiques des sites<br />
et les quantités stockées. Ils ne représentent que 10 à 20 %<br />
des coûts de la chaîne CSC complète, puisque les coûts du<br />
captage et du transport sont largement supérieurs. Tous<br />
ces coûts sont appelés à baisser au fur et à mesure de la<br />
démonstration de la technologie et des avancées de la<br />
R&D, mais force est de constater que le faible cours actuel<br />
du CO2 sur le marché (moins de 8 €/t) ne donne pas<br />
aujourd’hui aux industriels les gages attendus pour leur<br />
permettre de décider d’investissements à long terme<br />
pour la mise en œuvre d’opérations de CSC. Après la<br />
phase de démonstration en cours qui bénéficie de<br />
soutiens publics, le CSC ne pourra se déployer que si le<br />
prix du CO2 sur le marché est renforcé, ce qui passe<br />
par une révision du système EU ETS, et probablement<br />
que si d’autres types d’incitations financières ou<br />
state of play of co2 storage in europe<br />
La mise en œuvre d’un stockage nécessite<br />
une approche individualisée, car chaque site<br />
est contraint par la géologie locale.<br />
réglementaires sont introduits, telles que des normes<br />
de performance en matière d’émissions ou une taxe<br />
carbone.<br />
L’adhésion des populations est essentielle pour la mise<br />
en œuvre d’un programme de démonstration puis de<br />
déploiement réussi. Un gros effort d’information,<br />
d’explication et de dialogue doit être fait pour faire comprendre<br />
les enjeux du CSC, les bénéfices pour la société<br />
et les moyens mis en œuvre pour assurer que les<br />
stockages ne font pas courir de risques aux riverains et<br />
à leur environnement. Au niveau local, il est important<br />
de mener une concertation très en amont et de faire<br />
participer les citoyens aux décisions, pour qu’ils<br />
contribuent à l’élaboration de solutions pour un<br />
développement durable de leur territoire.<br />
Fig. 3 : Schéma<br />
du stockage de CO2<br />
en couches géologiques<br />
profondes.<br />
Fig. 3: The principles<br />
of CO2 storage in deep<br />
geological formations.<br />
© BRGM.<br />
Terrains de<br />
couverture récents<br />
Aquifères<br />
(carbonates, grès)<br />
Formations étanches<br />
(argile, sel)<br />
Stockage du CO2<br />
Gisement de gaz<br />
épuisé<br />
81<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
82<br />
état des lieux du stockage de co2 en europe<br />
CO2GeoNet et CGS Europe :<br />
la mobilisation de la communauté<br />
de recherche européenne<br />
Les recherches doivent s’intensifier côté stockage.<br />
Contrairement aux procédés de captage qui, une fois mis<br />
au point pour une installation industrielle, peuvent se<br />
déployer immédiatement sur tous types d’industries similaires<br />
n’importe où dans le monde, la mise en œuvre d’un<br />
stockage nécessite une approche individualisée, puisque<br />
le comportement de chaque site est contraint par la<br />
géologie locale (figure 3). Des outils et méthodologies ont<br />
été développés pour pouvoir identifier les sites favorables<br />
à un stockage, caractériser leur état initial, simuler leur<br />
comportement pendant la phase d’injection (40 ans)<br />
et, sur le long terme (1 000 ans), surveiller leur évolution<br />
et remédier à tout comportement anormal qui compromettrait<br />
l’efficacité et la sécurité du stockage. Ils ont<br />
maintenant besoin d’être testés sur le terrain dans<br />
une grande variété de configurations géologiques<br />
afin de les rendre les plus performants et les plus fiables<br />
possibles et de mutualiser les retours d’expérience<br />
acquis sur plusieurs sites pour faciliter l’essaimage<br />
sur d’autres sites.<br />
Les deux priorités actuelles pour faire avancer la<br />
recherche et préparer le déploiement du stockage de<br />
CO2 sont donc de réaliser :<br />
– des pilotes de recherche sur le stockage de CO2, portés<br />
par la communauté scientifique, qui viendraient<br />
complémenter les quelques démonstrateurs intégrés<br />
grandeur nature portés par les industriels, en permettant<br />
un plus grand nombre d’investigations et de tests<br />
de formations géologiques ;<br />
– un atlas des lieux et des capacités des zones favorables<br />
au stockage en Europe, comme cela a déjà été réalisé<br />
en Amérique du Nord, mais jusqu’à présent de manière<br />
très préliminaire et parcellaire en Europe (figure 4).<br />
Il est également important d’étudier les interactions<br />
possibles avec les autres exploitations du sous-sol,<br />
afin d’éviter les conflits d’usage, voire de rechercher des<br />
synergies, de manière à permettre une utilisation<br />
raisonnée, efficace et propre, des ressources du sous-sol<br />
(voir encadré ci-contre).<br />
La centrale géothermique<br />
islandaise de Hellisheidi<br />
qui abrite un pilote de<br />
réinjection dans le soussol<br />
de CO2 sous forme<br />
dissoute (voir encadré).<br />
The Hellisheidi geothermal<br />
power plant (Iceland)<br />
that harbours a reinjection<br />
pilot for dissolved CO2<br />
into the subsurface<br />
(see boxed text).<br />
© Kelly Reed, University of Virginia,<br />
School of Architecture.
Usages multiples du sous-sol : conflits ou synergies ?<br />
Arnaud Réveillère – BRGM – Direction Risques et Prévention – Unité Risques des stockages et des exploitations du sous-sol – a.reveillere@brgm.fr<br />
Romain Vernier – BRGM – Direction des Géoressources – r.vernier@brgm.fr<br />
Exploitation de l’eau potable, des hydrocarbures, de la chaleur, stockage de<br />
CO2, de gaz naturel, de dihydrogène et de chaleur : l’espace constitué par<br />
les pores du sous-sol dans les bassins sédimentaires pourrait rapidement<br />
devenir précieux et convoité. Pour permettre les différents développements<br />
industriels, il convient d’identifier les possibles conflits d’usage entre les<br />
utilisations présentes ou futures du sous-sol, de les anticiper ou, le cas échéant,<br />
de les arbitrer.<br />
Les conflits d’usage ne doivent pas être estimés par une simple superposition<br />
de cartes, la structure 3D du milieu géologique devant être prise<br />
en compte : des usages distincts, séparés par une couche imperméable,<br />
sont couramment réalisés. Par exemple, l’exploitation de la chaleur<br />
géothermique du Dogger et l’utilisation des aquifères supérieurs comme<br />
réserves d’eau potable coexistent dans le Bassin parisien. L’accès au Dogger<br />
est isolé des réserves d’eau potable par un double cuvelage des puits<br />
géothermiques afin de réduire drastiquement tout risque de pollution des<br />
nappes d’eau potable par de la saumure du Dogger.<br />
La dimension temporelle est également importante : à court terme,<br />
l’injection ou l’extraction du réservoir créent un impact en pression durant<br />
la phase opératoire, avant une stabilisation vers une valeur d’équilibre<br />
quelques dizaines d’années après la fin des opérations. Cet impact<br />
transitoire peut affecter les applications voisines, y compris celles séparées<br />
par des couches peu perméables. Dans certains cas comme les doublets<br />
géothermiques, cet impact peut être minimisé : les puits injecteur et<br />
producteur étant situés à proximité et dans le même réservoir (1 à 2 km),<br />
les perturbations de pression restent très locales. À long terme,<br />
Unité de<br />
cogénération<br />
Environ<br />
2 km<br />
2<br />
1<br />
2 km à 2,5 km<br />
CO2<br />
CO2<br />
Schéma de principe du projet pilote de couplage CO2 – géothermie<br />
de Aardwarmte à Delft, Pays-Bas. Un doublet géothermique de 5 MW th (1)<br />
et une centrale à cogénération (2) alimentent un réseau de chaleur (3).<br />
Le CO2 est capté à partir des émissions de la centrale et est dissous<br />
dans le fluide géothermal qui est réinjecté dans l’aquifère.<br />
l’extraction d’hydrocarbures ou le stockage géologique de CO2 modifie<br />
le fluide qui était présent dans le milieu depuis des temps géologiques<br />
pour des périodes de temps comparables, en l’absence de fuite. De<br />
façon similaire, l’extraction de chaleur du sous-sol des aquifères engendre<br />
la création d’une bulle froide durable. Ces exploitations modifient donc le<br />
fluide présent dans le réservoir ou ses caractéristiques thermiques pour<br />
de longues durées, ce qui justifie de possibles conflits avec d’autres utilisations,<br />
présentes ou futures. Une gestion du sous-sol sur le long terme<br />
permet néanmoins d’anticiper ce risque. Par exemple, la modélisation<br />
de l’évolution thermique et spatiale des bulles de réinjection froides<br />
créées par l’exploitation passée du Dogger permet d’estimer la ressource<br />
géothermique future et donc d’éviter des déconvenues dans les développements<br />
à venir.<br />
Des synergies peuvent aussi exister entre ces usages. Par exemple, le CO2<br />
stocké dans un but de limitation des émissions de gaz à effet de serre pourra<br />
être en partie extrait et utilisé pour de la récupération assistée d’hydrocarbures<br />
dans des champs voisins. Ou encore, stockage du CO2 et géothermie<br />
pourraient coexister : dans le cadre du pilote CarbFix (www.carbfix.is)<br />
enservice en juin 2012, 1 500 tonnes/an de CO2 dissous sont réinjectées sur<br />
la centrale géothermique islandaise de Hellisheidi dans un but de piégeage<br />
du CO2 sous forme de minéral par carbonatation du basalte. Le principe<br />
du projet à Aardwarmte (figure) est assez similaire. De manière plus<br />
prospective, le CO2 supercritique, peu visqueux, pourrait aussi être utilisé<br />
comme fluide caloporteur en géothermie des roches fracturées. ■<br />
Couverture<br />
rocheuse<br />
3<br />
Chauffage<br />
urbain<br />
Principle of the Aaedwarmte pilot project of geothermal site combined with<br />
CO2 storage at Deft, NL. A 5 MWth geothermal doublet (1) and a cogeneration<br />
plant (2) are used on a heating network (3). CO2 is captured from the plant<br />
gas emissions and dissolved in the geothermal brine reinjected in the aquifer.<br />
© BRGM – Art Presse.<br />
83<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
84<br />
état des lieux du stockage de co2 en europe<br />
CO2GeoNet apporte les fondements<br />
scientifiques requis pour un stockage<br />
géologique de CO2 efficace et sûr.<br />
Rassemblés au sein du réseau d’excellence européen<br />
CO2GeoNet sur le stockage géologique de CO2 et<br />
autour de l’action de coordination CGS Europe, les<br />
chercheurs européens unissent leurs efforts. Fondé en<br />
2004 avec le soutien de l’Union européenne dans le cadre<br />
du 6 e PCRD, CO2GeoNet est devenu une association<br />
à but non lucratif de droit français (loi 1901) en 2008.<br />
Ses membres fondateurs sont treize instituts de<br />
recherche répartis dans sept pays européens, dont le<br />
BRGM et IFP Énergies nouvelles pour la France. Grâce<br />
au projet du 7 e PCRD CGS Europe en cours (2010-2013),<br />
regroupant autour de CO2GeoNet trente-quatre<br />
instituts de recherche sur vingt-huit pays (figure 2),<br />
CO2GeoNet est en train d’acquérir une envergure<br />
pan-européenne. Actif non seulement dans le domaine<br />
de la recherche mais aussi de la formation, de l’expertise<br />
scientifique, de l’information et de la communication<br />
(figure 5), CO2GeoNet apporte, grâce à son indépendance,<br />
sa multidisciplinarité et sa rigueur scientifique, les<br />
fondements requis pour un stockage géologique de<br />
CO2 efficace et sûr.<br />
Perspectives de déploiement<br />
au-delà de 2020<br />
Par le piégeage dans le sous-sol, à l’abri de l’atmosphère,<br />
du CO2 capté au niveau de tous types d’installations<br />
industrielles (centrales thermiques, complexes<br />
sidérurgiques, cimenteries, usines de fabrication de<br />
biocarburants…), le stockage de CO2 offre une des<br />
rares opportunités de réduction massive des émissions<br />
de CO2. Il doit pouvoir jouer un rôle d’accélérateur de<br />
la transition énergétique, car il permet notamment de<br />
décarboner le parc de centrales thermiques existantes,<br />
ainsi que certaines industries comme la sidérurgie<br />
pour lesquelles il n’existe pas d’autres solutions. Il<br />
permet même d’envisager des scénarios à émissions<br />
négatives (« épuration » de l’atmosphère), si par exemple<br />
l’utilisation de la biomasse comme source d’énergie<br />
se développe (voir article S. Dupraz et al. ce numéro).<br />
Mais sa maîtrise nécessite encore des efforts de R&D<br />
importants qui soient soutenus par les instances<br />
publiques européennes et nationales. Chaque site de<br />
ö Sources industrielles de CO2<br />
Ó Bassins sédimentaires propices au stockage de CO2<br />
stockage doit par ailleurs faire l’objet d’un long processus<br />
d’exploration, de caractérisation et de demande de<br />
permis de stockage, ce qui peut prendre plusieurs années.<br />
Il faut aussi raccorder ce site aux sources d’émissions<br />
voisines par un réseau de canalisations approprié pour<br />
transporter le CO2 jusqu’à son lieu de stockage.<br />
On comprend que les décisions d’investissements<br />
pour des projets de CSC doivent reposer avant tout sur<br />
l’assurance quant aux choix et aux performances<br />
des sites de stockage. Elles nécessitent aussi un cadre<br />
économique incitatif, avec un marché du CO2 solide et<br />
d’éventuels instruments financiers complémentaires,<br />
qui ne pourra résulter que d’une politique forte de lutte<br />
contre le changement climatique. Ce n’est que dans<br />
ces conditions qu’un réel déploiement du CSC pourra<br />
s’initier à partir des années 2020, harmonieusement<br />
intégré aux solutions de mix énergétiques qui verront<br />
le jour pour permettre un accès à une énergie durable,<br />
propre et décarbonée. L’éligibilité du CSC aux Mécanismes<br />
pour un développement propre (MDP) du protocole<br />
de Kyoto, acquise fin 2011, est un pas important pour<br />
faciliter les investissements dans les pays tiers. Cela<br />
permettra notamment aux pays développés d’obtenir<br />
des crédits carbone en effectuant des réductions<br />
d’émissions de CO2 hors de leurs frontières, et aux pays<br />
émergents, très fortement dépendants des énergies<br />
carbonées, de bénéficier de technologies performantes<br />
contribuant à leur développement durable.<br />
Fig. 4 : Cartographie<br />
européenne des<br />
principales sources<br />
d’émission de CO2<br />
industrielles et<br />
des bassins<br />
sédimentaires<br />
contenant<br />
des formations<br />
géologiques profondes<br />
propices au stockage<br />
de CO2.<br />
Fig. 4: Map of Europe<br />
showing main CO2<br />
industrial sources and<br />
sedimentary basins<br />
with deep geological<br />
formations suitable<br />
to CO2 storage.<br />
Source : Projet européen<br />
6e PCRD EU GeoCapacity /<br />
FP6 EU Geocapacity project.
Le stockage de CO2 pourrait même ouvrir la porte à<br />
une valorisation ultérieure d’une partie du CO2 stocké.<br />
Si les usages industriels du CO2 sont actuellement<br />
minimes par rapport aux quantités émises (0,5 %), l’idée<br />
de recourir à du CO2 pour trouver une solution au stockage<br />
des surplus d’électricité produits de manière<br />
intermittente par les énergies renouvelables est en train<br />
de germer. Cela permettrait aussi de réduire davantage<br />
les émissions de CO2. Il s’agirait d’utiliser les surplus<br />
d’énergie non carbonée (renouvelable mais aussi<br />
nucléaire) pour transformer le CO2 en hydrocarbures<br />
gazeux ou liquides (méthane, méthanol, gazoline,<br />
diméthyléther...) facilement transportables, distribuables<br />
et stockables, en utilisant la plupart du temps les infrastructures<br />
existantes, et substituables aux ressources<br />
fossiles primaires. Ceci via l’électrolyse de l’eau pour<br />
produire de l’hydrogène qui pourra alors être combiné<br />
au CO2. Dans ce schéma, les stockages réversibles de<br />
CO2 seront une pièce maîtresse du dispositif. ■<br />
Fig. 5 : Brochure<br />
CO2GeoNet expliquant<br />
le stockage géologique<br />
de CO2, traduite<br />
en 25 langues,<br />
20 pages.<br />
Fig. 5: CO2GeoNet<br />
brochure explaining<br />
what CO2 geological<br />
storage really means,<br />
translated into<br />
25 languages, 20 p.<br />
© CO2GeoNet.<br />
state of play of co2 storage in europe<br />
State of play of CO2 storage<br />
in Europe<br />
CO2 capture and storage is a promising<br />
emerging technology. It forms part of<br />
all energy scenarios to 2050 that enable<br />
the massive CO2 emissions reduction<br />
needed for limiting global warming to 2°C.<br />
Since 1993, much progress has been made<br />
on the scientific, economic, regulatory and<br />
societal aspects. So, where do we stand<br />
now in Europe and in France, especially on<br />
storage, which is the current cornerstone?<br />
Will we be ready for progressive<br />
commercial deployment from 2020?<br />
The first CCS demonstration projects are<br />
emerging under the leadership of major<br />
power and industrial companies and with<br />
financial support from the Member States,<br />
the European Economic Plan for Recovery<br />
(EEPR), and the NER300 mechanism<br />
for the co-financing of CCS and innovative<br />
renewables in the framework of the EU<br />
Emissions Trading System (EU-ETS).<br />
However, the current very low price of CO2<br />
in the EU-ETS (
86<br />
carbolab<br />
renvoyer le carbone dans le charbon – le projet carbolab<br />
Plus gros émetteur de CO2<br />
avec 43 % (1), en croissance,<br />
du total mondial, la combustion<br />
du charbon pulvérise<br />
les bonnes volontés de limiter<br />
l’ampleur du réchauffement<br />
climatique. Peut-on endiguer<br />
ces émissions ? Le captage du CO2<br />
et son stockage en veine de charbon<br />
sont une solution à l’étude.<br />
Le projet européen Carbolab vise<br />
à réaliser un laboratoire souterrain<br />
d’injection et de suivi du CO2<br />
dans le charbon, afin de mieux<br />
comprendre les processus à l’œuvre.<br />
(1) Source : International Energy Agency Statistics “CO2 Emissions<br />
from fuel combustion - 2011 highlights” http://data.iea.org<br />
Aurélien Leynet<br />
BRGM<br />
Direction des Géoressources<br />
Unité Géologie de l’aménagement des<br />
territoires, stockage géologique du CO2<br />
a.leynet@brgm.fr<br />
Le puits de la mine de charbon de Monsacro,<br />
Asturies, Espagne.<br />
The shaft of the Monsacro coal mine,<br />
Asturias, Spain.<br />
© Hunosa.<br />
Renvoyer le carbone<br />
dans le charbon.<br />
Le projet Carbolab<br />
Confrontés à un épuisement des ressources fossiles et à une nécessité de réduire leurs<br />
émissions de gaz à effet de serre (GES), la plupart des pays affichent des politiques<br />
de développement des énergies renouvelables. La production énergétique mondiale<br />
continue pourtant d’être fortement dépendante des ressources fossiles et au premier<br />
chef du charbon. À peu près stable entre 1990 et 2000, la production mondiale de<br />
charbon est passée de 2,34 Gtep en 2000 à 3,96 Gtep en 2011, avec des augmentations<br />
annuelles de 6 % lors des deux dernières années (1). Selon l’AIE (2), la demande de charbon<br />
primaire augmenterait tendanciellement encore de 138 % entre 2007 et 2050. Le scénario<br />
volontariste Blue Map de l’AIE évoque, lui, un recul de cette demande de seulement<br />
36 % sur la même période, preuve que le charbon restera une ressource substantielle<br />
pour les prochaines décennies.<br />
Le charbon cumule les défauts environnementaux. Gros émetteur de CO2 (deux fois plus<br />
que le gaz naturel), il est largement disponible (on estime ses réserves prouvées à 112 ans<br />
de production), et bien réparti géographiquement, et les techniques de son exploitation,<br />
quoique meurtrières, sont bien connues. En utilisation habituelle, l’extraction et<br />
(1) Source : BP www.bp.com/sectiongenericarticle800.do?categoryId=9037183&contentId=7068609<br />
(2) Perspectives des technologies de l’énergie 2010, Scénarios et stratégies à l’horizon 2050.<br />
Agence internationale de l’énergie (AIE).
l’exploitation du charbon sont des activités risquées et<br />
délétères (3) : poussières, coups de grisou, effondrements<br />
et chutes de roches tuent deux à dix mineurs par 100 Mt<br />
extraites ; les effluents des centrales thermiques au<br />
charbon provoqueraient trente morts au TWh et une<br />
morbidité dix fois supérieure ; les rejets radioactifs<br />
peuvent également dépasser ceux d’une centrale<br />
nucléaire de même puissance ! Et cela ne concerne que<br />
5 % des ressources charbonnières jugées économiques<br />
car suffisamment peu profondes (4).<br />
Le tableau attribué au charbon n’est donc pas des<br />
plus agréables. Pourtant, certains voient la possibilité<br />
d’utiliser le charbon, ou plutôt ses gisements, pour<br />
réduire les émissions de GES. C’est la technologie du<br />
captage et stockage géologique du CO2 (CSC) en veine<br />
de charbon, l’une des techniques regroupées sous le<br />
vocable commun de « charbon propre » (4). Comme pour<br />
le CSC classique (5), en aquifère salin ou en gisement<br />
(3) Jean-Marie Martin-Amouroux – Charbon, les métamorphoses d’une<br />
industrie, p. 344 et suiv.<br />
(4) Pour plus d’information sur ces techniques, voir l’article Charbon propre<br />
dans Les 10 Enjeux des Géosciences, 2009, p. 28, dossier spécial, BRGM,<br />
2009, p.28.<br />
(5) Voir Géosciences n° 3, Le changement climatique, en particulier les<br />
articles de Jacques Varet (p. 72-77) et d’Isabelle Czernichowski-Lauriol<br />
(p. 78-85).<br />
Fig. 1 : Principe<br />
du stockage de CO2<br />
en veine de charbon<br />
avec récupération<br />
de méthane.<br />
Fig. 1: The principle behind<br />
CO2 storage in coal seams<br />
with methane recovery.<br />
© BRGM.<br />
Veine de charbon<br />
returning carbon into coal – the carbolab project<br />
épuisé d’hydrocarbures, la technique consiste à capter<br />
le CO2 produit par une centrale thermique ou une<br />
aciérie, souvent présentes dans les bassins charbonniers.<br />
Ce CO2 est transporté par gazoduc jusqu’au droit<br />
d’une couche réservoir pour y être injecté. Dans ce cas,<br />
le réservoir est une veine de charbon inexploitée, à<br />
cause d’une profondeur trop importante et/ou d’une<br />
puissance (épaisseur) trop faible. La matrice charbonneuse<br />
possède la propriété remarquable d’adsorber le<br />
CO2 qui, en outre, provoque la désorption du méthane<br />
présent dans la veine. Il est admis qu’il faut deux à<br />
cinq moles de CO2 pour chasser une mole de CH 4. Si<br />
l’on arrivait aussi à récupérer ce méthane, il pourrait<br />
être valorisé énergétiquement et couvrir une partie des<br />
investissements (conséquents) du stockage (figure 1).<br />
En ce sens, le CSC en veine de charbon, malgré des<br />
capacités en volume faibles face aux enjeux, pourrait<br />
s’avérer intéressant à moyen terme.<br />
Adsorption<br />
du CO2<br />
CO2<br />
CO2<br />
Captage de CO2<br />
Captage<br />
de CO2<br />
CH 4<br />
Production<br />
du CH 4<br />
Désorption<br />
du CH 4<br />
La matrice<br />
charbonneuse<br />
possède<br />
la propriété<br />
remarquable<br />
d’adsorber<br />
le CO2.<br />
Roche<br />
encaissante<br />
87<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
88<br />
renvoyer le carbone dans le charbon – le projet carbolab<br />
Pozo Monsacro<br />
N<br />
30 km<br />
Mais les incertitudes et verrous technologiques ne<br />
manquent pas. On manque de connaissance sur les<br />
comportements des fluides dans le milieu, notamment<br />
sur la perméabilité très variable du charbon, sous l’effet<br />
de la sorption de gaz. Peu d’essais ont été réalisés sur ce<br />
sujet en Europe. Citons seulement Recopol (6), un projet<br />
européen mené de fin 2001 à mi 2005, qui consista<br />
à injecter du CO2 dans une veine de charbon à plus<br />
de 1 000 mètres de profondeur dans un bassin houiller<br />
en Pologne. Face à une diminution drastique de la<br />
perméabilité, il a fallu recourir à la fracturation hydraulique<br />
pour injecter au final 800 tonnes de CO2. Le projet<br />
aura révélé le problème de la perméabilité du charbon<br />
diminuant au contact du CO2. En effet, en réponse à<br />
l’adsorption du CO2, la matrice de charbon tend à<br />
gonfler. L’effet est extrêmement variable d’un échantillon<br />
à l’autre et est son étude est rendue plus complexe<br />
par la présence dans le charbon d’une double perméabilité,<br />
de matrice et de fracture, qui induit une double<br />
propagation des gaz dans la veine, en diffusion et en<br />
écoulement.<br />
Le projet ANR Charco, dirigé par le BRGM de 2006 à 2010,<br />
a dressé un panorama de vingt-six charbons, principalement<br />
européens, analysés selon seize protocoles.<br />
Cela a permis d’esquisser une « fenêtre à CO2 »,<br />
c’est-à-dire un ensemble de paramètres physicochimiques<br />
définissant les charbons favorables pour<br />
le stockage de CO2.<br />
(6) http://recopol.nitg.tno.nl<br />
Cantabrian Sea<br />
Faille<br />
Chevauchement<br />
Mésozoïque - Tertiaire<br />
Paléozoïque<br />
Précambrien<br />
Au plus près des processus<br />
Charbons de<br />
diverses qualités<br />
Anthracites de<br />
diverses qualités<br />
Après ces études, un saut d’échelle semblait nécessaire<br />
afin de vérifier les résultats de laboratoire. C’est<br />
l’idée de base du projet Carbolab. Financé par le fonds<br />
européen du charbon et de l’acier (Research Fund for Coal<br />
and Steel), le projet vise à étudier le comportement<br />
du charbon in situ. Afin de permettre un suivi optimal<br />
des processus, la décision fut prise de procéder à une<br />
injection dans une veine de charbon « en place » et<br />
d’installer des capteurs et des instruments de mesure<br />
autour du point d’injection. Une veine de la mine de<br />
Monsacro, dans les Asturies, en Espagne (figures 2 et 3)<br />
fut mise à disposition par le coordinateur du projet,<br />
la compagnie d’État Hunosa (7). Les autres partenaires<br />
du projet sont : Aitemin (8), association sans but lucratif<br />
pour le développement des ressources naturelles ;<br />
le BRGM ; l’Inéris ; le GIG (institut central des mines<br />
de Pologne) et Total sur participation propre.<br />
(7) Hulleras del Norte SA (Houillères du Nord SA).<br />
(8) Asociación para la Investigación y Desarrollo Industrial de los Recursos<br />
Naturales (Association pour la recherche et le développement industriel des<br />
ressources naturelles).<br />
Fig. 2 : Localisation<br />
de la mine de Monsacro<br />
sur carte géologique<br />
simplifiée des Asturies.<br />
Fig. 2: The position<br />
of the Monsacro mine<br />
plotted on a simplified<br />
geological map<br />
of Asturias.<br />
© BRGM.<br />
Le but principal de Carbolab est de tracer<br />
le comportement des fluides et du charbon in situ.
Le projet Carbolab s’articule<br />
en trois grandes phases<br />
La première est de caractériser le site retenu pour le<br />
test d’injection ; puis de définir le protocole de suivi<br />
géophysique et géochimique. La deuxième correspond<br />
au test d’injection, au monitoring associé et aux<br />
analyses des prélèvements en laboratoire. Enfin, la<br />
dernière permet d’analyser l’ensemble des éléments<br />
observés ou mesurés afin de conceptualiser les<br />
processus mis en œuvre et de les formaliser grâce<br />
à la modélisation. L’analyse de ces processus doit<br />
également permettre d’évaluer les impacts potentiels<br />
dans le cadre d’une étude de risques à long terme.<br />
Un environnement atypique<br />
La veine choisie pour le projet se situe à 464 mètres<br />
sous le carreau de la mine. Fortement tectonisée,<br />
elle se présente avec un pendage d’environ 70° et sa<br />
puissance est d’environ deux mètres. Le charbon, d’âge<br />
moscovien inférieur, est un anthracite. L’environnement<br />
est humide et poussiéreux, peu favorable à la mise en<br />
œuvre des instruments. Il est surtout celui – toujours<br />
légèrement grisouteux – d’une mine en activité.<br />
L’exploitant Hunosa s’attache à assurer la sécurité<br />
des intervenants. À cet effet, il a percé un puits de<br />
ventilation supplémentaire dans la galerie d’étude<br />
et renforcé l’équipement de détection de gaz.<br />
returning carbon into coal – the carbolab project<br />
Caractériser le milieu<br />
Il s’avère que le charbon en place est trop friable pour<br />
être carotté. Cette difficulté complique les possibilités<br />
de réaliser les analyses prévues en laboratoire, en<br />
particulier la mesure de la perméabilité et celle de la<br />
distribution des fractures. Ces aspects n’ont toujours<br />
pas trouvé de solution technique.<br />
Dès les premières études de caractérisation du site, la<br />
veine et son environnement ont montré une grande<br />
hétérogénéité. De fait, la caractérisation apportera<br />
son lot de découvertes.<br />
L’établissement de logs géologiques le long de la<br />
galerie et d’un forage dans le massif a affiné la compréhension<br />
de la stratigraphie locale. Des analyses<br />
d’échantillons prélevés en galerie et sur carotte ont<br />
apporté les paramètres de base (humidité, densité,<br />
porosité, perméabilité, vitesse sismique) qui permettront<br />
de contraindre les modèles numériques. Des<br />
caractérisations mécaniques des matériaux ont également<br />
été menées, des lames minces ont été réalisées<br />
et étudiées. La réalisation de diagraphies dans le forage<br />
de caractérisation a de plus permis d’enregistrer huit<br />
paramètres en continu (contribution Total).<br />
L’université d’Oviedo (Espagne), sur demande d’Hunosa,<br />
a procédé à des profils gravimétriques. Deux venues<br />
d’eau majeures traversant la galerie ont été repérées.<br />
Elles sont situées de part et d’autre de la veine d’étude,<br />
Fig. 3 : La veine du Carbolab,<br />
mine de charbon<br />
de Monsacro, Asturies,<br />
Espagne.<br />
Fig. 3: The Carbolab seam,<br />
Monsacro coal mine,<br />
Asturias, Spain.<br />
© Hunosa.<br />
89<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
90<br />
renvoyer le carbone dans le charbon – le projet carbolab<br />
leur géochimie (pH, conductivité électrique, composition,<br />
rapports isotopiques en 2H et 18O, microscopie<br />
électronique à balayage) a été caractérisée par<br />
Aitemin. À notre grand étonnement, tout le massif<br />
s’est révélé partiellement saturé en eau. Un modèle<br />
hydrogéochimique de la zone a été monté. L’université<br />
d’Oviedo a procédé à des analyses géomécaniques.<br />
Le tenseur des contraintes mesuré par la technique de<br />
surcarottage par l’Ineris et Total a rappelé le contexte<br />
tectonique particulier des Asturies, indiquant des<br />
contraintes principales fortement anisotropes.<br />
Quinze forages pour une injection<br />
Le but principal de Carbolab étant de tracer le comportement<br />
des fluides et du charbon, un soin particulier<br />
a été porté aux méthodes de suivi. Pas moins de quinze<br />
forages ont été pratiqués pour l’injection et le suivi<br />
des gaz (figure 4). Un forage d’injection du CO2 atteint<br />
la veine de charbon à 26 mètres derrière la paroi.<br />
Un forage d’extraction du CH 4 sert à la fois à la mise<br />
en sécurité de l’installation et à des tests éventuels<br />
de récupération assistée du méthane.<br />
Fig. 4 : Schéma en plan des forages<br />
entourant la veine de charbon,<br />
et le travers-banc (en orange).<br />
D’après Hunosa.<br />
Fig. 4: A two-dimensional diagram<br />
of the boreholes surrounding the coal<br />
seam, and the cross-cut (in orange).<br />
From Hunosa.<br />
Pas moins de quinze forages ont été pratiqués<br />
pour l’injection et le suivi des gaz.<br />
Trois forages dédiés à la sismique passive encadrent<br />
la veine dans les épontes à 10 mètres de part et d’autre.<br />
Deux éventails de trois forages, situés dans les épontes<br />
à cinq mètres de chaque côté de la veine, permettent<br />
de réaliser les mesures électriques (méthodes passive<br />
et active), de sismique active et de radar. Deux forages<br />
géochimiques longent également la veine, à quelques<br />
mètres ; ils doivent détecter les éventuelles fuites<br />
de CO2 ou de CH 4 par les épontes. Enfin, deux<br />
autres forages géochimiques aboutissent dans la<br />
veine de charbon ; ils doivent permettre de repérer<br />
les différents fronts de propagation des fluides par<br />
des mesures de pH, chimie, isotopie des gaz et gaz<br />
dissous. Un suivi microgravimétrique est entrepris<br />
depuis la galerie, ainsi qu’une surveillance des gaz<br />
(figures 5).<br />
0 20 m<br />
Veine de charbon<br />
Suivi géophysique (méthodes électriques)<br />
Suivi géophysique (sismique passive)<br />
Caractérisation des contraintes in-situ<br />
Injection<br />
Suivi géochimique<br />
Extraction<br />
Caractérisation (reconnaissance)<br />
Caractérisation (tests de perméabilité)<br />
Fig. 5 :<br />
a : Le puits de la mine<br />
de Monsacro.<br />
a: The Monsacro<br />
mine shaft.<br />
© BRGM – E. Proust.<br />
b : Opération de forage<br />
dans la galerie.<br />
b: Drilling operation<br />
in the gallery.<br />
© Hunosa.<br />
c : Installation du<br />
matériel de géophysique<br />
en armoire étanche<br />
au fond de la mine.<br />
c: Installation<br />
of geophyscial equipment<br />
in a watertight cabinet at<br />
the bottom of the mine.<br />
d : Emplacement futur<br />
des flûtes géophysiques.<br />
d: Future position<br />
of the geophysical<br />
streamers.<br />
© BRGM – P. Wawrzyniak.
a b<br />
c d
92<br />
renvoyer le carbone dans le charbon – le projet carbolab<br />
Le projet retardé par la crise espagnole<br />
Comme fréquemment, ce projet a connu des retards,<br />
dus notamment à des difficultés de foration. Mais<br />
depuis mi-2012, il souffre surtout de la conjoncture<br />
économique espagnole. En effet, les plans de l’Union<br />
européenne prévoient un arrêt des aides à l’exploitation<br />
charbonnière d’ici 2018. Or, les mines ne peuvent<br />
être rentables sans aide. Face à la crise, le gouvernement<br />
espagnol a décidé d’anticiper la décroissance de la<br />
production charbonnière et de réduire ses aides dès 2012<br />
(111 M€ contre 301 M€ en 2011, soit – 63 %). Le 31 mai 2012,<br />
les syndicats ont appelé à la grève illimitée. Elle s’est<br />
poursuivie durant 67 jours, mais les syndicats n’ont<br />
pu obtenir d’assouplissement du gouvernement.<br />
Depuis le début du bras de fer, nos partenaires<br />
espagnols ne sont plus en mesure d’encadrer le travail<br />
en mine. L’injection a dû être reportée, et aura lieu au<br />
tout début de mars 2013.<br />
Modélisation et long terme<br />
Toute l’activité du projet n’est pas tributaire d’opérations<br />
en mine. Les enregistrements de suivi d’injection<br />
devaient permettre de caler un modèle dynamique<br />
créé pour l’occasion. Celui-ci a été développé. Il inclut<br />
l’adsorption, les déformations mécaniques (gonflement,<br />
retrait) et les variations de porosité et de perméabilité<br />
liées aux contraintes mécaniques et aux sorptions<br />
différentielles des gaz. Notons cependant qu’il se limite<br />
à un traitement isotherme et surtout néglige les réseaux<br />
de fractures.<br />
La modélisation a pris le parti d’associer deux codes<br />
sous l’ordonnancement d’un superviseur. Tough2 est<br />
largement utilisé dans les études de stockage de CO2<br />
en aquifères. Son module EOS7C a été modifié dans<br />
le cadre du projet en un EOS7CS prenant en compte<br />
l’adsorption, sous la forme d’un modèle de sorption<br />
selon Langmuir étendue. Cependant, il ne comprend<br />
pas les effets mécaniques (gonflement et fluage) induits<br />
par la sorption et l’échange avec le CH 4 adsorbé. Pour<br />
cette partie, le dialogue est établi avec un solveur<br />
mécanique développé par le BRGM sous Code_Aster,<br />
fourni par EDF. Un superviseur écrit en langage Python<br />
mène le calcul en parallèle sur les deux codes.<br />
Un jeu de paramètres a été choisi de manière à représenter<br />
le charbon tel que nous l’imaginons après les<br />
travaux de caractérisation. Une simulation de test a<br />
consisté en l’injection numérique, dans un charbon<br />
2D-axisymétrique d’un rayon de 25 mètres, de CO2<br />
sous 4,5 MPa pendant 24 heures, suivi de 96 heures<br />
de relaxation. Un premier résultat prédit l’absence<br />
de réponse mécanique notable des épontes.<br />
Une résolution se calcule en 6 heures sur un ordinateur<br />
courant. Les simulations ont montré une surpression<br />
(+0,5 MPa) limitée aux premiers mètres et de faibles<br />
variations de porosité. Durant ces simulations, près<br />
de 700 kg de CO2 ont été injectés en 24 heures. Comme<br />
attendu, on observe une montée en CH 4, chassé par<br />
le gaz injecté, suivie d’une baisse abrupte à l’arrivée<br />
du front de CO2. Les études montrent également une<br />
forte sensibilité aux paramètres de déformation<br />
volumique des gaz. Cela peut expliquer les différences<br />
de comportements entre plusieurs injections in situ.<br />
Une fois étalonné, ce modèle devra permettre également<br />
d’explorer numériquement les conditions de<br />
sécurité à long terme d’un stockage de taille industrielle.<br />
L’objectif consiste à abaisser le plus possible les risques<br />
associés à cette technique pour l’homme et l’environnement.<br />
Le laboratoire souterrain du Carbolab est prêt à être<br />
utilisé. L’environnement de la veine est équipé pour<br />
le suivi de l’injection de CO2, de même que les outils<br />
Carottes provenant<br />
du fond du puits<br />
d’injection,<br />
mine de Monsacro.<br />
Drilling cores<br />
extracted from<br />
the base of<br />
the injection well,<br />
Monsacro mine.<br />
© BRGM – H. Bauer.
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de comportement sont opérationnels.<br />
L’injection réelle dans la veine, prévue en mars 2013,<br />
apportera sa moisson d’informations. Il restera aux<br />
équipes à interpréter les observations géophysiques<br />
et géochimiques, étalonner et valider les modèles<br />
de simulation, déterminer et encadrer les risques à<br />
long terme.<br />
Une fois achevé, ce projet aura permis de lever plusieurs<br />
des verrous majeurs qui bloquent l’utilisation des<br />
gisements de charbon, non économiquement exploitables,<br />
comme puits de CO2. Il aura en tout cas fait<br />
avancer la connaissance sur ce milieu et sur les interactions<br />
complexes dont il est le siège.<br />
Dans l’hypothèse d’une remontée des prix du carbone,<br />
les résultats accumulés pourront ouvrir la voie à<br />
l’établissement de pilotes de stockage de CO2 en veine<br />
de charbon, avant le déploiement de projets à l’échelle<br />
industrielle.ó<br />
Pour plus d’informations, consulter le site web<br />
du projet : www.carbolab.eu<br />
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gas emissions whilst recovering methane,<br />
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option entails considerable uncertainties<br />
and technical difficulties.<br />
Its potential feasibility and economic<br />
interest depend essentially on the coal’s<br />
permeability and the quantity of the<br />
recoverable methane. The methane<br />
content of coal generally ranges from 5<br />
to 25 m 3/t, and CO2 injection<br />
conventionally allows 1 mole of methane<br />
to be replaced by 2 to 5 moles of CO2<br />
(the CO2 adsorption rate increases with<br />
the pressure). Tests to date involved highly<br />
permeable coal like that mined in<br />
the United States under conditions<br />
quite unlike those in European deposits.<br />
The only European tests are those of<br />
the EC-supported RECOPOL project.<br />
Yet none have proven the controllability<br />
of the actual CO2 storage process.<br />
What percentage of CO2 is absorbed,<br />
what percentage stored in the coal’s<br />
permeability, what percentage diffused<br />
into adjacent strata, often with higher<br />
permeability than coal? These unknowns<br />
remain and are a serious obstacle to<br />
demonstrating this technique’s feasibility<br />
and its reliability and safety as a storage<br />
option.<br />
The Carbolab project will address these<br />
issues by performing underground CO2<br />
injection and CBM production tests<br />
in a panel of a Spanish coal mine<br />
conditioned for the purpose. Tests will be<br />
run from below ground to save cost and<br />
improve experiment control by reducing<br />
size. Data obtained should be of higher<br />
quality and density than in tests piloted<br />
from the surface (i.e., RECOPOL) and,<br />
together with laboratory tests, will enable<br />
the behaviour of the injected gases and of<br />
the methane initially contained in the coal<br />
bed to be observed in detail and yield clear<br />
parameters for the processes at work.<br />
This information will help model these<br />
phenomena and contribute to our<br />
understanding of the ECBM process and<br />
the long-term safety of CO2 storage.<br />
Bibliographie : Garnier C., Finqueneisel G., Zimny T., Pokryszka Z., Lafortune S., Défossez P., Gaucher E. C. (2011) – Selection of coals of different maturities for CO2 storage by modelling of CH4 and CO2 adsorption<br />
isotherms. International Journal of Coal Geology 87, 1 (2011) 80-86. Gaucher E. C., Défossez P., Bizi M., Bonijoly D., Disnar J.-R., Laggoun-Défarge F., Garnier C., Finqueneisel G., Zimny T., Grgic D. et al (2011) – Energy<br />
Procedia 4, pp. 3147-3154- 10th International Conference on Greenhouse Gas Control Technologies, France (2010). Loschetter A., Smai F., Sy S., Burnol A., Leynet A., Lafortune S. and Thoraval A. (2012) – Simulation<br />
of CO2 storage in coal seams: coupling of Tough2 with the solver for mechanics Code_aster®. Proceedings, Tough symposium 2012. Lawrence Berkeley National Laboratory, Berkeley, California, September 17-19.<br />
Vidal-Gilbert, S., Lahaie, F., Canto, N. (2011) – Geomechanical assessment of the CARBOLAB project, in situ CO2-ECBM laboratory, Oviedo, Asturias, Spain. CO2CRC Research Symposium, 29/11/2011 – 01/12/2011,<br />
Adelaide, Australie.<br />
Publicité
94<br />
biomasse<br />
biomasse et stockage géologique, un couplage tourné vers l’avenir<br />
La biomasse et le stockage<br />
géologique du carbone (CCS) sont<br />
deux méthodes ayant un grand<br />
potentiel dans la réduction des<br />
émissions de CO2.<br />
Leur bilan carbone respectif tend<br />
vers la neutralité et évite<br />
une contribution à l’augmentation<br />
du CO2 dans l’atmosphère.<br />
En revanche, le couplage<br />
de ces deux techniques conduit<br />
à pomper activement le carbone<br />
de l’atmosphère et engendrer<br />
des bilans négatifs.<br />
De plus, la spécificité des gaz<br />
de biomasse capturés ouvre<br />
des perspectives sur de nouveaux<br />
moyens de sécurisation<br />
des sites de stockage.<br />
Sébastien Dupraz<br />
BRGM<br />
Ingénieur en biogéochimie<br />
s.dupraz@brgm.fr<br />
Antonin Fabbri<br />
École nationale des travaux publics<br />
de l’État (ENTPE)<br />
Chargé de recherche<br />
antonin.fabbri@entpe.fr<br />
Centrale de co-combustion charbon/bois<br />
(copeaux de bois au premier plan).<br />
Biomass co-firing boilers using coal and wood (wood<br />
chips in the foreground).<br />
© Alstom.com<br />
Biomasse et<br />
stockage géologique,<br />
un couplage<br />
tourné vers l’avenir<br />
Qu’appelle-t-on biomasse ?<br />
Le terme « biomasse » peut avoir différentes significations selon le domaine dans lequel<br />
il est utilisé. En biologie, il désigne la quantité de masse organique constituée par<br />
les êtres vivants. Dans le domaine de l’énergie, ce terme fait plus largement référence<br />
aux technologies qui associent une production d’énergie électrique ou de chaleur avec<br />
la combustion d’un matériel d’origine biologique. Ce combustible peut provenir du secteur<br />
agricole (cultures dédiées ou non, résidus de culture), forestier (bois, déchets de scierie et<br />
d’élagage, sols de forêt) ou des filières de retraitement des déchets organiques (eaux usées,<br />
déchets alimentaires). Ces matières premières sont ensuite traitées (homogénéisation,<br />
densification) afin d’être utilisées de façon rentable dans le procédé de combustion choisi<br />
(figure 1). À l’heure actuelle, la filière biomasse est principalement constituée d’unités de<br />
combustion lignocellulosique (bois et déchets végétaux) qui produisent de l’électricité.<br />
Toutefois, cette combustion n’a pas forcément lieu sur un site industriel ; elle peut être<br />
réalisée directement par les consommateurs, comme c’est le cas pour les biocarburants<br />
(bioéthanol, biodiesel).<br />
Dans le cadre des approches respectueuses de l’environnement et des énergies dites<br />
renouvelables, la biomasse est largement citée. Cependant, son caractère renouvelable<br />
est attaché à la condition stricte que les ressources consommées soient renouvelées ou
Fig. 1 : Trois grandes filières sont identifiées<br />
en fonction du type de procédé utilisé :<br />
la fermentation par les micro-organismes,<br />
les systèmes de combustion directe<br />
et les transformations en gaz<br />
ou liquides combustibles.<br />
Fig. 1: Three major sectors are identified<br />
according to with the chosen process:<br />
fermentation by microorganisms, direct<br />
combustion systems and transformations<br />
into gas or liquid fuels.<br />
© S. Dupraz.<br />
produites en quantités équivalentes. Ainsi, une centrale<br />
thermique, qui consomme le bois d’une exploitation<br />
forestière qui en vend autant qu’elle en fait pousser,<br />
est à l’équilibre. Ce qui n’est évidemment pas le cas des<br />
systèmes tirant parti de zones non replantées.<br />
C’est ce caractère unique qui joue à la fois le rôle d’atout<br />
et de faiblesse de la biomasse. En effet, la biomasse est<br />
foncièrement limitée par ses ressources en matières<br />
biologiques renouvelables dont la production est<br />
restreinte. Les raisons sont diverses mais tiennent<br />
principalement à la pression imposée par l’occupation<br />
des sols cultivables (compétition avec l’industrie<br />
alimentaire, ressources en eaux, transport). Par ailleurs,<br />
l’exploitation de surfaces cultivables supplémentaires<br />
est elle-même assez réduite. Des études récentes ont<br />
notamment démontré que, sur des projections en 2050<br />
et avec les scénarios les plus optimistes, des pays tels<br />
que l’Angleterre ne pouvaient espérer atteindre 10 % de<br />
leurs besoins énergétiques avec ces seules technologies<br />
(Bioenergy CCC report, 2011). D’un autre côté, cette filière,<br />
même si aujourd’hui sa production demeure modeste,<br />
possède un avantage unique lié à la spécificité de sa<br />
ressource. La biomasse n’est pas seulement renouvelable,<br />
elle est aussi théoriquement neutre en termes<br />
d’émissions de CO2. Sa combustion conduit naturellement<br />
à une émission de CO2, mais ce dernier provient<br />
en totalité d’un matériau qui s’est construit en puisant<br />
le CO2 atmosphérique (photosynthèse)… On ne rejette<br />
donc que ce que l’on avait préalablement prélevé<br />
(figure 3 - cas 1). Ceci demeure vrai au regard du bilan<br />
chimique des réactions. Il faut cependant modérer ce<br />
propos en gardant à l’esprit que l’exploitation agricole<br />
ou forestière, les transports, ainsi que le conditionnement<br />
de ces matières premières ne sont pas exempts<br />
biomass and geological storage, a future-oriented tandem<br />
BIOMASSE<br />
Fermentation<br />
Gazéification<br />
Combustion<br />
d’émissions de CO2 concomitantes. Ces bilans carbones<br />
restent toutefois très attractifs [Chum et al., in IPCC<br />
bioenergy special report (2011)].<br />
Le stockage géologique du carbone,<br />
un outil performant de réduction<br />
des émissions de gaz à effet de serre<br />
Production de méthane<br />
ou d’éthanol par digestion<br />
anaérobique (Bioéthanol,<br />
Anaerobic digestion into biogas,<br />
Ad biogas).<br />
Le captage, le transport et le stockage géologique du<br />
carbone représentent une technologie développée<br />
afin de réduire les émissions atmosphériques au droit<br />
des plus gros émetteurs comme les cimenteries, les<br />
centrales énergétiques de combustion de matières<br />
fossiles (charbon, gaz, pétrole), les papeteries et la<br />
sidérurgie (hauts fourneaux) (voir Géosciences n° 3<br />
pages 72-85 et article d’I. Czernichowski, ce numéro).<br />
Sur lit fluidisé circulant<br />
(Circulating fluidized bed, CFB)<br />
ou en pulvérisation avec<br />
du charbon (Pulverized coal, PC).<br />
Conversion de la biomasse en diesel<br />
par des réactions de Fischer-Tropsch<br />
(Biomass to Liquid, BtL).<br />
Gazéification et combustion combinées<br />
(Biomass Integrated gasification<br />
combined cycle, BIGCC).<br />
Gazéification plus méthanation<br />
pour former un gaz naturel de synthèse<br />
(Bio-Synthetic Natural Gas, BioSNG).<br />
Le CCS est une technologie permettant<br />
de réduire les émissions atmosphériques<br />
au droit des plus gros émetteurs.<br />
95<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
96<br />
biomasse et stockage géologique, un couplage tourné vers l’avenir<br />
La première étape, le captage, consiste à récupérer et<br />
purifier le carbone émis. Pour ce faire, il existe trois<br />
procédés distincts :<br />
– les procédés postcombustion, qui permettent<br />
d’extraire par des solvants aminés le CO2 produit lors<br />
des phases de combustion. Cependant, ces solvants<br />
doivent être recyclés et peuvent être à l’origine de<br />
problèmes de corrosion ;<br />
– les procédés d’oxycombustion, lorsque la combustion<br />
est réalisée sous oxygène pur au lieu de l’air. Il en résulte<br />
une combustion plus complète et une isolation du<br />
CO2 facilitée ;<br />
– les procédés de précombustion, lorsque l’extraction<br />
du carbone est effectuée avant la combustion. Le<br />
combustible est chauffé à 700 °C sous atmosphère<br />
appauvrie en oxygène afin de produire un gaz de<br />
synthèse (CO + H2). Ce dernier est ensuite converti par<br />
de l’eau en CO2 et H2 facilement séparables.<br />
Le CO2 extrait doit ensuite être transporté vers le lieu<br />
de stockage sous forme liquide (transport maritime,<br />
par exemple), de gaz dense ou supercritique (transport<br />
par pipeline). L’ultime étape consiste à injecter et<br />
stocker le CO2 de façon pérenne dans le sous-sol, à une<br />
profondeur généralement supérieure à 800 mètres,<br />
CO2<br />
Unité CCS<br />
CO2<br />
afin de maintenir l’état supercritique du CO2 injecté<br />
(figure 2).<br />
Les zones de stockage doivent répondre aux exigences<br />
de sécurité vis-à-vis des risques de fuite (stabilité et<br />
imperméabilité des couches supérieures) et des performances<br />
recherchées (volume de stockage, bonne<br />
injectivité). Les sites les plus communément ciblés sont<br />
les réservoirs de gaz épuisés et les aquifères profonds<br />
salins. Ces derniers offrant l’avantage d’être géographiquement<br />
bien répartis et d’avoir une grande capacité<br />
de stockage (les experts l’estiment à plusieurs milliers<br />
de gigatonnes (1) ). D’autres voies telles que les stockages<br />
dans les veines de charbon et dans les roches basiques<br />
et ultrabasiques sont également à l’étude.<br />
Le système CCS permet, comme dans le cas de la<br />
biomasse, de réduire considérablement les émissions<br />
de CO2 sans pour autant les annuler (présence d’émissions<br />
annexes non captables). Notons également que,<br />
en raison du coût énergétique associé aux opérations<br />
de captage, de transport et d’injection, la quantité<br />
de CO2 captée est toujours supérieure à la quantité<br />
de CO2 évitée.<br />
(1) Source : www2.ademe.fr/servlet/getDoc?cid=96&m=3&id=25109&ref=1<br />
4226&p1=111 - «La capture et le stockage géologique du CO2», ADEME,<br />
BRGM, IFP, 2005.<br />
Procédés<br />
biomasse Fig. 2 : Le couplage Bio-CCS<br />
est actuellement la seule<br />
solution industrielle<br />
applicable rapidement<br />
et à grande échelle<br />
pour capter le CO2<br />
atmosphérique.<br />
Fig. 2: The Bio-CCS<br />
combination is presently<br />
the only industrial solution<br />
that can be quickly applied<br />
on a large scale to capture<br />
atmospheric CO2.<br />
Source : JTF Bio-CCS report, 2012..
Photosynthèse<br />
CO2 atmosphérique<br />
CO2 émis<br />
Cas 1 : Cycle du carbone pour un système biomasse<br />
sans captage et stockage du CO2<br />
Fig. 3 : Bilan négatif et CCS. La photosynthèse génère grâce au soleil et<br />
au CO2 la biomasse nécessaire à la production d’énergie ou de chaleur<br />
lors de la combustion. Le CO2 est ainsi renvoyé dans l’atmosphère<br />
où il est prélevé (à gauche). En cas de couplage CCS, la plupart du CO2<br />
provenant initialement de l’atmosphère est stocké dans le sol (à droite).<br />
Un couplage à bilan potentiellement<br />
négatif mais à résultat positif !<br />
En résumé, ces deux technologies, biomasse et CCS,<br />
permettent de réduire fortement les émissions de CO2.<br />
Cependant, le fait de les coupler pourrait s’avérer encore<br />
plus attractif. En effet, si les émissions d’une centrale<br />
électrique fonctionnant avec de la biomasse végétale<br />
sont captées et injectées dans un réservoir géologique,<br />
le bilan n’est plus seulement neutre, il peut devenir, sous<br />
certaines conditions, négatif (Laude et al., 2011).<br />
En d’autres termes, cela est globalement équivalent à<br />
un pompage et un stockage du carbone initialement<br />
présent dans l’atmosphère (figure 3). Il faut en outre<br />
réaliser que c’est la seule technologie de production<br />
d’énergie suffisamment mature, à ce jour, permettant<br />
une réduction nette du CO2 présent dans l’atmosphère.<br />
Il y a donc là une avancée significative par rapport<br />
aux projets qui visent uniquement une réduction des<br />
émissions de gaz à effet de serre. Nous sommes passés<br />
d’un système palliatif à un système curatif. Le bio-CCS<br />
serait ainsi capable de séquestrer 10 milliards de tonnes<br />
de CO2 par an à partir de l’atmosphère d’ici 2050<br />
(JTF Bio-CCS report, 2012).<br />
biomass and geological storage, a future-oriented tandem<br />
Photosynthèse<br />
CO2 atmosphérique<br />
Il faut cependant garder à l’esprit qu’il existe une<br />
grande diversité de technologies biomasse. En fonction<br />
de celles-ci, le couplage avec le stockage géologique peut<br />
être plus ou moins pertinent. En effet, comme<br />
dans tout système CCS, la technologie Biomasse-CCS<br />
nécessite une étape, souvent très coûteuse, de capture<br />
du CO2 émis. Cependant, certaines technologies<br />
biomasse incluent déjà dans leurs procédés des étapes<br />
semblables à des procédés de capture, permettant ainsi<br />
de réduire significativement les coûts additionnels<br />
associés à cette étape. C’est le cas notamment des<br />
productions de bioéthanol par fermentation ou des centrales<br />
de production de gaz de synthèse. Dans le premier<br />
cas, les émissions de gaz sont très enrichies en CO2 ; elles<br />
ne nécessitent généralement pas de captage supplémentaire.<br />
Dans le second cas, le processus qui permet de<br />
générer les gaz de synthèse est identique à un processus<br />
de captage par précombustion. De tels systèmes représentent<br />
une aubaine pour le couplage, puisqu’ils sont<br />
déjà entièrement adaptables à un stockage géologique.<br />
Captage<br />
CO2 émis<br />
Cas 2 : Cycle du carbone pour un système biomasse<br />
avec captage et stockage du CO2<br />
Transport<br />
et stockage<br />
du CO2<br />
Fig. 3: Negative balance and CCS. With sun, photosynthesis generates the<br />
biomass that will be used for heat and power production during combustion.<br />
CO2 is thus sent back to the atmosphere where it came from (case at left).<br />
If coupling with CCS is effected, the main CO2 flow, drawn originally from<br />
the atmosphere, is stored in the ground (case at right). © A. Fabbri.<br />
Le couplage de deux technologies, biomasse et CCS,<br />
permet de réduire fortement les émissions de CO2.<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />
97
98<br />
biomasse et stockage géologique, un couplage tourné vers l’avenir<br />
Vers un développement<br />
à grande échelle ?<br />
Un des freins majeurs au développement à grande<br />
échelle de cette technologie découle cependant de son<br />
aspect innovant : légalement, les émissions négatives<br />
ne sont pas encore comptabilisées au niveau européen.<br />
Cette lacune constitue un véritable frein pour le<br />
déploiement et la rentabilité de ces couplages.<br />
L’International Energy Agency (IEA) l’a bien compris<br />
et propose depuis peu l’utilisation d’un potentiel dit<br />
« technique » afin de qualifier plus justement ces<br />
systèmes. Ce potentiel technique comptabilise ainsi à<br />
la fois les réductions de CO2 (par rapport à un schéma<br />
initial de référence) et le CO2 négatif. Par exemple, si une<br />
centrale à charbon qui émet 5 millions de tonnes (Mt)<br />
de CO2 par an est remplacée par un couplage biomassestockage<br />
géologique qui séquestre 4 Mt par an, on<br />
obtient 5 Mt de réduction par rapport au schéma initial<br />
et 4 Mt d’émission négative. Au final, un potentiel<br />
technique de 9 Mt (4 + 5) est comptabilisé. Ainsi, l’équilibre<br />
économique de ce système, couplant deux<br />
procédés relativement onéreux, ne peut passer que<br />
par une politique environnementale stricte valorisant<br />
les procédés de production d’énergie ayant un bilan<br />
carbone négatif (JTF Bio-CCS report, 2012).<br />
Un des freins majeurs<br />
au développement de cette technologie<br />
est que les émissions négatives<br />
ne sont pas encore comptabilisées.<br />
La spécificité du couplage entre biomasse et stockage<br />
géologique du carbone ne s’arrête pas uniquement à<br />
une modification du bilan carbone. Ce couplage influence<br />
également de façon notable la composition des gaz<br />
annexes associés au CO2. Ces gaz accompagnent sous<br />
forme d’impuretés le CO2 stocké. Généralement, leur<br />
présence est contrôlée et limitée en raison des problèmes<br />
de corrosion et de perte de compressibilité qu’ils provoquent.<br />
Cependant, leur abattement lors des processus<br />
de purification est rarement total, il en subsiste toujours<br />
quelques pour cents. La composition en gaz annexes<br />
varie en fonction de la nature du combustible utilisé,<br />
de la combustion elle-même, mais également du<br />
processus de capture appliqué. Par exemple, la combustion<br />
de gaz naturel est relativement propre et ne génère<br />
pas de gaz annexes comparativement aux combustions<br />
d’autres substances fossiles. De même, les processus<br />
oxydatifs (combustion et oxycombustion) impliquent<br />
la présence de gaz oxydés (O 2, SO 2, NO), alors que les<br />
captures par précombustion induisent la présence de<br />
gaz réduits (H 2S, H 2, CO, CH 4). Dans le cas de la biomasse,<br />
hormis les variations associées au mode de capture, on<br />
observe globalement une quantité notable de carbone<br />
organique volatil ou COV (IPCC, 2001). Les COV représentent<br />
un ensemble de molécules organiques de<br />
faible poids émis lors de la combustion. Ces composés<br />
organiques, combinés aux autres gaz annexes, peuvent<br />
jouer un rôle de stimulateur pour la réactivité biogéochimique<br />
des zones de stockage. Plusieurs études ont<br />
souligné la pertinence d’étudier les réactivités biogéochimiques<br />
dans le cadre du CCS (Ménez et al., 2007 ;<br />
IEAGHG). L’activité microbiologique est contrainte par<br />
des limites de viabilité (température, pression, salinité,<br />
présence d’eau, espace poral suffisant), la présence de<br />
source d’énergie appropriée (inorganique ou organique), la<br />
disponibilité d’éléments chimiques limitants (principalement<br />
l’azote et le phosphore) et enfin l’auxotrophie<br />
(molécule organique non synthétisable, mais nécessaire à<br />
Combustion de pellets<br />
de bois dans<br />
une chaudière.<br />
Wood pellet<br />
combustion inside a<br />
boiler.<br />
© thehelpfulengineer.com
Biominéraux<br />
Carbone<br />
organique volatil<br />
CO2<br />
2- 2+ CO + M ➔ MCO3<br />
3<br />
S2- + M2+ ➔ MS<br />
Respiration<br />
et fermentation<br />
la croissance). L’injection d’un flux de CO2 issu de la<br />
biomasse, et donc enrichi en COV, permettrait de<br />
fournir une source d’énergie organique ainsi que des<br />
molécules stimulant les auxotrophes. Les populations<br />
microbiennes stimulées peuvent alors générer des<br />
minéraux sulfurés ou carbonatés (biominéralisation),<br />
ainsi que des substances polysaccharidiques formant<br />
des biofilms (figure 4). Dans les deux cas, ces processus<br />
entraînent une imperméabilisation de la zone. Le CO2<br />
supercritique étant un puissant bactéricide, il est cependant<br />
raisonnable de penser que cette stimulation<br />
biogéochimique ne serait effective qu’en périphérie<br />
de la zone de stockage. Or, l’imperméabilisation des<br />
zones périphériques pourrait représenter une sécurité<br />
supplémentaire contre le risque de fuite.<br />
biomass and geological storage, a future-oriented tandem<br />
Exopolymères<br />
cellulaires<br />
Assimilation<br />
et anabolisme<br />
SO 4 2-<br />
Fig. 4 : Exemple de biofilm<br />
de bactéries sulfatoréductrices<br />
sur interface minérale (en haut).<br />
Schématisation des interactions<br />
possibles avec la biosphère<br />
microbienne (en bas) :<br />
les COV et le SO 2-<br />
4 permettent<br />
des réactions de respiration<br />
et de fermentation qui génèrent<br />
du sulfure d’hydrogène ainsi que<br />
des carbonates. En présence de cations<br />
(e.g. Ca2+ , Mg2+ , Fe2+ /Fe3+ ), ceux-ci<br />
peuvent précipiter. Le carbone des<br />
COV et du CO2 peut être également<br />
assimilé et utilisé pour la synthèse<br />
osidique des composés (EPS)<br />
qui constituent les biofilms.<br />
Fig. 4: An example of a sulfate-reducing<br />
bacteria biofilm on a mineral substrate<br />
(above). Mapping of possible<br />
interactions with the microbial<br />
biosphere (below): VOC and SO 2-<br />
4 allow<br />
respiration and fermentation reactions<br />
to take place producing sulfide and<br />
carbonate. In the presence of cations<br />
(e.g. Ca2+ , Mg2+ , Fe2+ /Fe3+ ), they may<br />
precipitate. VOC carbon and CO2 could<br />
also be assimilated and used for osidic<br />
synthesis of components (EPS),<br />
which are constitutive of the biofilms.<br />
© S. Dupraz.<br />
Un enjeu important de la recherche actuelle est donc<br />
de mieux quantifier et comprendre l’impact de ces<br />
activations biologiques sur l’injectivité (risques de<br />
colmatage, dissolution…) et sur le comportement à long<br />
terme du stockage (impact sur les couches géologiques<br />
supérieures en cas de fuite, imperméabilisation par<br />
production de biofilms…). Ô<br />
L’imperméabilisation des zones<br />
périphériques pourrait représenter<br />
une sécurité supplémentaire<br />
contre le risque de fuite.<br />
Biomass and geological<br />
storage, a futureoriented<br />
tandem<br />
Today, biomass encompasses<br />
a set of technologies that<br />
provide energy with CO2<br />
emissions which tend to be<br />
neutral. On the other side,<br />
carbon capture and storage<br />
(CCS) is a mitigation system<br />
that allows a strong reduction<br />
of CO2 emissions when<br />
installed on emitters.<br />
These two technologies can be<br />
coupled together (Bio-CCS)<br />
and with their cumulative<br />
effect in terms of reduction<br />
thereby leading to potential<br />
negative CO2 emissions<br />
(i.e. carbon is sequestrated<br />
from the atmosphere).<br />
Nevertheless, although the<br />
expected effect is promising,<br />
European legislation still does<br />
not recognize this type of<br />
reduction and so no specific<br />
economic stimulus is provided<br />
for deploying such<br />
associations. However, with a<br />
potential negative emission of<br />
ten billion tonnes of CO2 every<br />
year by 2050, Bio-CCS is still<br />
the sole large-scale option<br />
available that directly reduces<br />
atmospheric CO2. Moreover,<br />
the CO2 originating from<br />
biomass processes contains<br />
significant amounts of volatile<br />
organic carbon that may<br />
induce a microbial reactivity<br />
during sequestration in the<br />
subsurface. Among<br />
the possible effects,<br />
biomineralization and biofilm<br />
formation may increase the<br />
security of the sites by sealing<br />
the peripheral zones<br />
surrounding them.<br />
Bibliographie : Bioenergy review. The Committee on Climate Change (CCC), December 2011. Biomass with CO2 Capture and Storage (Bio-CCS), the way forward for Europe. EBTP/ZEP Joint Taskforce Bio-CCS report<br />
(2012). Chum, H., Faaij A., Moreira J., Berndes G., Dhamija P., Dong H., Gabrielle B., Goss Eng A., Lucht W., Mapako M., Masera Cerutti O., McIntyre T., Minowa T., Pingoud K. (2011) – Bioenergy. In IPCC Special Report<br />
on Renewable Energy Sources and Climate Change Mitigation [O. Edenhofer, R. Pichs-Madruga, Y. Sokona, K. Seyboth, P. Matschoss, S. Kadner, T. Zwickel, P. Eickemeier, G. Hansen, S. Schlomer, C. von Stechow (eds)],<br />
Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA. IPCC Third Assessment Report: Climate Change (2001) –TAR Working Group I: The Scientific Basis. IEAGHG, “Microbial effects on<br />
CO2 storage”, 2012/TR3, October 2012. Laude A., Ricci O., Bureau G., Royer-Adnot J., Fabbri A. (2011) – CO2 Capture and Storage from a Bioethanol Plant: Carbon Footprint and Economic Assessment, International<br />
Journal of Greenhouse Gas Control 5, pp1220-1231. Ménez B., Dupraz S., Gérard E., Guyot F., Rommevaux-Jestin C., Libert M., Jullien M., Michel C., Delorme F., Battaglia-Brunet F., Ignatiadis I., Garcia B.,<br />
Blanchet D., Huc A. Y., Haeseler F., Oger P., Dromart G., Ollivier B. et Magot M. (2007) – Impact of the deep biosphere on CO2 storage performance. Geotechnologien Science Report, 9, 150-163.
100<br />
stockage énergie<br />
le stockage souterrain de l’énergie<br />
Louis-Marie Jacquelin<br />
Directeur du développement<br />
de l’activité innovation<br />
ENEA Consulting, cabinet de conseil<br />
en énergie pour l’industrie<br />
Louis-marie.jacquelin@enea-consulting.com<br />
Anne-Gaëlle Bader<br />
BRGM, Direction Géoressources<br />
ag.bader@brgm.fr<br />
Descente des tubes de forage sur le chantier du Reichstag,<br />
Berlin, un projet pilote de stockage d’énergie.<br />
Installation of well casings at the Reichstag (Berlin),<br />
a pilot project of energy storage.<br />
© GTN Geothermie Neubrandenburg GmbH.<br />
Le stockage<br />
souterrain<br />
de l’énergie<br />
L’objectif européen des 20 % d’énergie renouvelable,<br />
dont une large part d’énergie intermittente comme l’éolien<br />
et le solaire, soulève des problématiques tant de coûts<br />
que de gestion de l’intermittence pour garantir la stabilité<br />
des réseaux. Le stockage massif de l’énergie,<br />
qu’elle soit électrique ou thermique, est amené à jouer<br />
un rôle clef parmi le panel des solutions possibles,<br />
grâce à sa pertinence tant technologique qu’écologique.<br />
Plusieurs technologies sont envisageables pour exploiter<br />
les volumes de stockage du sous-sol et donc les quantités<br />
d’énergie nécessaires.<br />
Le réseau électrique européen est conçu pour résister à de nombreux aléas : événements<br />
climatiques (en France, une baisse de 1 °C de la température en hiver entraîne une<br />
augmentation de la puissance appelée de 2,3 GW), pertes d’ouvrages de production,<br />
etc. Plusieurs solutions sont mises en place conjointement pour assurer cette gestion : des<br />
moyens de production flexibles, l’interconnexion des réseaux de distribution, ainsi que des<br />
moyens de maîtrise de la demande en énergie (MDE). Cependant, l’équilibre offre/demande<br />
d’électricité, nécessaire au fonctionnement des réseaux électriques, est aujourd’hui<br />
fragilisé par l’accroissement des usages électriques et le recours croissant à des solutions<br />
de production intermittentes d’électricité, éolien principalement. Les fluctuations de<br />
production, dictées par les aléas météorologiques, sont indépendantes de la consommation.<br />
Il faut donc gérer des situations nouvelles : surproduction d’électricité en période<br />
creuse, moyens de production aléatoires en période de pointe.<br />
La volatilité accrue des prix de l’électricité est un indicateur de ces tensions. Le 8 février 2012,<br />
un pic de 102 GW de consommation atteint en France a porté ponctuellement à 2 000 €<br />
le prix du MWh sur les marchés. À l’inverse, des épisodes de prix négatifs à -500 €/MWh<br />
ont été observés en Allemagne en 2010 : en cas de surproduction, le gestionnaire de réseau<br />
doit trouver des moyens pour inciter à la consommation et dissiper les surplus d’énergie<br />
renouvelable ayant priorité sur le réseau.
Le stockage d’énergie est une solution d’appoint aux<br />
moyens traditionnels de production de pointe, dont<br />
on voit poindre les limites (techniques, mais surtout<br />
environnementales et géopolitiques). C’est à la fois un<br />
moyen technique et une opportunité économique de<br />
tirer parti de la volatilité du marché de l’électricité pour<br />
générer des bénéfices, ou réduire les coûts induits par<br />
la consommation d’électricité. L’ensemble des acteurs<br />
ayant la possibilité de stocker de l’énergie (industriels,<br />
collectivités ou particuliers) peut profiter de cette opportunité.<br />
Au-delà des intérêts techniques et économiques,<br />
le stockage d’énergie s’inscrit dans une stratégie globale<br />
pour parvenir à un mix-énergétique décarboné.<br />
Des objectifs tant européens que nationaux fixent<br />
un cadre ambitieux au développement des énergies<br />
renouvelables et récupérables. Leur déploiement à<br />
grande échelle ne pourra se faire sans le développement<br />
lié de solutions compensant leur caractère intermittent.<br />
Le couplage des énergies renouvelables intermittentes<br />
et du stockage trouve ainsi tout son sens dans une<br />
recherche de cohérence environnementale des<br />
politiques énergétiques. Ce constat est d’ailleurs aussi<br />
vrai pour l’électricité que pour l’énergie thermique :<br />
certaines énergies récupérables, liées à l’incinération<br />
par exemple, peuvent également dépasser les besoins<br />
à un instant donné, comme c’est fréquemment le<br />
cas en été (voir encadré sur Geostocal ci-après). L’énergie<br />
thermique a cette spécificité supplémentaire d’être<br />
peu transportable et interconnectable : la gestion doit<br />
en être encore plus locale, avec des variations tant de<br />
production que de consommation qui varient fortement<br />
aux différentes échelles de temps journalières, hebdomadaires<br />
et saisonnières. Le stockage thermique est<br />
donc tout aussi crucial que le stockage électrique.<br />
Choix de la forme de l’énergie<br />
et rôle du sous-sol<br />
La forme de stockage d’énergie la plus adaptée dépend<br />
de son usage final (électricité, chaleur, espèce chimique…).<br />
Des stockages de faible volume, pour les véhicules ou<br />
les particuliers par exemple, peuvent être intéressants.<br />
À l’inverse, dans un grand nombre de cas, il faut s’orienter<br />
vers un stockage de taille beaucoup plus importante,<br />
du même ordre de grandeur que les centrales thermiques<br />
ou que les STEP (1) (solution de stockage aujourd’hui<br />
prépondérante comme le montre la figure 1). À ces<br />
échelles, des volumes de plusieurs millions de mètres<br />
cubes sont nécessaires, avec la capacité de répondre<br />
(1) STEP : station de transfert d’énergie par pompage. Il s’agit de remonter de l’eau<br />
dans les barrages hydrauliques en heure creuse, pour la turbiner en heure de<br />
pointe.<br />
STEP<br />
140 000 MW<br />
underground energy storage<br />
à des contraintes d’étanchéité ou de maintien en<br />
température et en pression. Pour plusieurs applications,<br />
le sous-sol offre des opportunités économiquement et<br />
techniquement plus intéressantes que les équivalents<br />
en surface.<br />
Pour chacune des technologies de stockage, des<br />
recherches sont encore nécessaires avant d’aboutir à<br />
des projets industriels. C’est l’un des rôles de l’IEED<br />
Géodénergies, dont le montage a été coordonné par le<br />
BRGM et dont ENEA Consulting est également membre<br />
fondateur (voir tribune p. 108 ce numéro).<br />
10 heures<br />
Heures<br />
Minutes<br />
Secondes<br />
CAES Conventionnel : 477 MW<br />
Batteries Sodium-Soufre : 400 MW<br />
Batteries Plomb-Acide : 45 MW<br />
Batteries Lithium-Ion : 45 MW<br />
Batteries Nickel-Cadmium : 40 MW<br />
Batteries Red-Ox : 3 MW<br />
Fig. 1 : Puissances de stockage (STEP, CAES et batteries) installées dans le monde.<br />
Fig. 1: Worldwide installed storage capacities (STEP, CAES and batteries).<br />
Source : EDF R&D<br />
Temps<br />
de décharge Énergie<br />
Hydrogène<br />
et PaC<br />
Lithium-Ion<br />
Plomb-Acide<br />
Nickel-Cadmium<br />
Super<br />
condensateurs<br />
Red-Ox<br />
Zinc-<br />
Bromine<br />
Volants<br />
d’inertie<br />
CAES STEP<br />
Red-Ox<br />
Vanadium<br />
STEP<br />
Marines<br />
Stockage thermique d’électricité<br />
Sodium-Soufre<br />
SMES<br />
Puissance<br />
1 kW 10 kW 100 kW 1 MW 10 MW 100 MW 1 GW Puissance<br />
Technologies impliquant l'usage du sous-sol<br />
Fig. 2 : Cartographie<br />
des moyens de stockage<br />
stationnaire d’électricité<br />
selon leurs temps de<br />
décharge et puissance<br />
typiques.<br />
Fig. 2: Graph of<br />
the stationary means<br />
for storing electricity<br />
versus their typical<br />
discharge time<br />
and power level.<br />
© ENEA Consulting.<br />
101<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
102<br />
Charge<br />
électrique<br />
le stockage souterrain de l’énergie<br />
Convertir l’énergie stockée en électricité, pour la retransformer<br />
ensuite en une autre forme d’énergie, n’est<br />
pas toujours la solution la plus efficiente ; le choix des<br />
solutions de stockage dépendra donc des applications<br />
finales de l’énergie stockée.<br />
Selon les durées de stockage, les volumes ainsi que les<br />
usages souhaités, différents vecteurs chimiques ou<br />
mécaniques seront choisis. En particulier, pour le stockage<br />
stationnaire d’électricité, les paramètres importants<br />
sont les suivants :<br />
– la puissance disponible (en MW) et la capacité énergétique<br />
(en MWh) ;<br />
– le temps de réaction ;<br />
– l’efficacité (en MWh out/MWh in) ;<br />
– la durée de vie.<br />
La figure 2 positionne les technologies selon leurs temps<br />
de décharge et puissance typiques.<br />
Le stockage souterrain de l’électricité<br />
Les STEP souterraines<br />
Le principal vecteur de stockage de masse utilisé aujourd’hui<br />
est le transfert d’eau entre un réservoir haut et un réservoir<br />
bas, avec une capacité mondiale installée de 140 000 MW.<br />
Les nouvelles constructions sont difficiles aujourd’hui<br />
du fait de la rareté des sites adaptés et des difficultés<br />
d’acceptation sociale de nouveaux sites. L’utilisation de<br />
cavités souterraines comme réservoir bas permet de<br />
s’affranchir des impacts visuels et d’utiliser de larges cours<br />
d’eau comme réservoirs hauts possibles. Plusieurs projets<br />
ont été étudiés, notamment au Canada et au Japon, mais<br />
les coûts liés aux forages et aux excavations nécessaires<br />
ont freiné ou stoppé leur développement.<br />
Air ambiant<br />
Moteur<br />
Compresseur<br />
Cavité<br />
géologique<br />
Préchauffe<br />
Le CAES (Compressed Air Energy Storage) (2)<br />
Le principe du CAES est de stocker de l’air comprimé<br />
en heure creuse pour le délivrer en heure de pointe<br />
en s’appuyant sur le fait qu’une turbine à gaz utilise<br />
environ un tiers de sa puissance pour comprimer l’air à<br />
l’entrée, puissance qui dès lors n’est pas vendue au réseau<br />
(figure 3). Choisir de perdre cette puissance en heure<br />
creuse plutôt qu’en heure de pointe permet de faire<br />
des économies substantielles : c’est un bon exemple<br />
d’intégration d’un stockage d’énergie dans un procédé<br />
industriel, en tirant parti d’une étape de compression<br />
très coûteuse en énergie mais inévitable. Le stockage<br />
permet de décorréler la consommation électrique de<br />
son utilisation. Ici, c’est grâce à une caverne souterraine<br />
(cavité saline ou minière, par exemple) qui peut<br />
contenir une grande quantité d’air comprimé, à des<br />
coûts variant de 0,5 à 25 €/kWh.<br />
Les coûts d’investissements des CAES sont compétitifs<br />
avec les coûts des STEP ; ils varient entre 400 et<br />
1 200 €/kW. Aujourd’hui, deux unités sont en fonctionnement<br />
: une à Huntorf (Allemagne) de 290 MW et une<br />
seconde en Alabama (États-Unis) de 110 MW ; d’autres<br />
unités sont à l’étude.<br />
L’inconvénient majeur de cette solution est sa faible<br />
efficacité. Contrairement à la turbine à gaz, la chaleur<br />
des gaz post-compression est perdue. Le rendement<br />
global du système est inférieur à 50 %. Le AA-CAES<br />
(Advanced Adiabatic CAES) intègre un système de<br />
stockage thermique pour récupérer ces flux de chaleur<br />
lors de la phase de compression mais nécessite encore<br />
un effort de recherche pour diminuer les coûts du<br />
stockage thermique. Un premier pilote de 2,7 GW est<br />
prévu pour 2013 en Ohio (États-Unis).<br />
(2) Stockage d’air comprimé.<br />
Gaz<br />
Chambre<br />
de combustion<br />
Turbine Gaz brûlés<br />
Alternateur<br />
Décharge<br />
électrique<br />
Fig. 3 : Schéma<br />
de principe<br />
d’une installation<br />
CAES souterraine.<br />
Fig. 3: Outline<br />
diagram for an<br />
underground CAES<br />
installation.<br />
© ENEA Consulting.
Le stockage géologique est la technologie la plus prometteuse<br />
pour stocker de grandes quantités d’hydrogène à moindre coût.<br />
Le stockage géologique d’hydrogène<br />
L’hydrogène est considéré comme un support énergétique<br />
de haute performance capable de remplacer<br />
jusqu’à 60 % du gaz naturel utilisé pour des activités<br />
non industrielles. Et si actuellement la production<br />
d’hydrogène nécessite l’utilisation de combustibles<br />
fossiles, elle pourra, dans un futur proche, à partir de<br />
l’électrolyse de l’eau, tendre vers une production<br />
faiblement carbonée en utilisant de l’électricité<br />
d’origine renouvelable. L’hydrogène a donc le potentiel<br />
pour être un support de stockage d’énergie thermique<br />
par combustion (décarbonée) ou électrique, en utilisant<br />
des piles à combustible/électrolyseurs (figure 4).<br />
Le stockage géologique est probablement la technologie<br />
la plus prometteuse pour stocker de grandes<br />
quantités d’hydrogène à moindre coût. Le stockage<br />
souterrain présente également des garanties de sécurité<br />
en raison de l’absence de contact avec l’oxygène<br />
de l’atmosphère. Plusieurs solutions techniques sont<br />
envisageables pour un tel stockage.<br />
Le stockage en cavité saline est d’ores et déjà une<br />
solution aux États-Unis et en Grande Bretagne. Le<br />
stockage en milieu poreux (champs d’hydrocarbures<br />
déplétés ou nappes aquifères) pourrait être une<br />
alternative, à condition que le taux de récupération<br />
Solaire<br />
Hydroélectricité<br />
Solaire<br />
Photovoltaïque<br />
thermique<br />
Éolien<br />
FOURNITURE<br />
Biomasse<br />
Gaz naturel<br />
Électricité<br />
nucléaire<br />
Charbon<br />
DEMANDE<br />
TRANSPORT<br />
ÉNERGIIES RENOUVELABLES<br />
HABITA TA A<br />
ÉLECTROLY LY<br />
STOCKAGE<br />
H2<br />
PILES À COMBUSTIBLE<br />
AT<br />
T T<br />
SE L<br />
INDUSTRIE<br />
underground energy storage<br />
soit économiquement viable et que la qualité gaz soit<br />
assurée. Cette solution pourrait présenter un double<br />
avantage par rapport au stockage en cavité : les formations<br />
poreuses sont plus fréquentes et mieux réparties<br />
que les formations salines et elles présentent des<br />
volumes de stockage plus importants.<br />
Il est nécessaire, pour développer ces solutions de<br />
stockage, de mieux connaître et de mieux contraindre<br />
les phénomènes qui pourraient altérer la ressource tant<br />
en quantité qu’en qualité. Il peut s’agir de fuites liées à<br />
la petite taille et à la grande mobilité de la molécule<br />
d’hydrogène, des phénomènes diffusifs au travers des<br />
encaissants (sel, marne, argile…) ainsi que les processus<br />
de bioconsommation de l’hydrogène par les bactéries<br />
du sous-sol qui produisent du méthane ou de l’H 2S au<br />
détriment de l’hydrogène.<br />
Un certain nombre d’organismes gouvernementaux<br />
étrangers, principalement aux États-Unis, en Allemagne<br />
et en Russie, financent déjà des travaux de recherche<br />
sur la faisabilité d’un stockage géologique d’hydrogène.<br />
La Commission européenne soutient également<br />
plusieurs initiatives de recherche. En Argentine, le projet<br />
HyChico a pour but de convertir le stockage de gaz<br />
naturel Diadema en stockage d’hydrogène. Les premiers<br />
tests d’injection d’hydrogène sont prévus en 2013.<br />
H2<br />
Transport<br />
Puit A Puit B<br />
Couche salifère<br />
CAVITÉ SALINE<br />
Terrains<br />
sus-jacents<br />
Cavité saline<br />
Compression<br />
Terrains<br />
sus-jacents<br />
Couverture<br />
Injection<br />
Puit<br />
d’injection<br />
Fig. 4 : La place<br />
du stockage<br />
dans la chaîne<br />
de l’hydrogène.<br />
Fig. 4: The role<br />
of storage<br />
in the hydrogen<br />
economy.<br />
© BRGM.<br />
RÉSERVOIR DÉPLÉTÉ OU AQUIFÈRE<br />
Puit de<br />
contrôle<br />
Réservoir poreux<br />
103<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
104<br />
le stockage souterrain de l’énergie<br />
Marché et perspectives<br />
Le marché du stockage d’électricité est un marché dont<br />
le développement est assez récent. Toutes technologies<br />
confondues, il est estimé en 2010 à 4,5 G€ dans le monde.<br />
Trois pourcents de la capacité mondiale de stockage<br />
se trouve actuellement en France (4 GW) dans des<br />
sites équipés de systèmes de transfert d’énergie par<br />
pompage (DGEC, 2010).<br />
Le déploiement de la filière à grande échelle est totalement<br />
corrélé au maintien des politiques climatiques<br />
tant nationales que transnationales. Dans un scénario<br />
à 30 % de production d’électricité à partir d’énergie<br />
renouvelable, l’Europe occidentale aura besoin de près<br />
de 90 GW de stockage selon l’Agence internationale<br />
de l’énergie, soit 60 GW de plus qu’actuellement (3) .<br />
Au niveau mondial, le marché du stockage de l’énergie<br />
devrait atteindre 16 à 34 G€ (4) en 2020, essentiellement<br />
en Europe. En dehors des STEP classiques, le marché<br />
européen du stockage de l’énergie dans le sol pourrait<br />
(3) Prospects for Large-Scale Energy Storage in Decarbonised Power Grids,<br />
IEA 2009.<br />
(4) DGEC – L’industrie des énergies décarbonées en 2010.<br />
Fig. 5 : Répartition<br />
des principaux projets<br />
de stockage de chaleur<br />
et de froid en sous-sol<br />
(UTES) dans le monde.<br />
Fig. 5: Distribution<br />
of the main UTES<br />
projects worldwide for<br />
storing heat and cold.<br />
© ENEA Consulting.<br />
15 %<br />
représenter jusqu’à la moitié des nouveaux dispositifs<br />
de stockage d’ici à 2020, soit entre 6 et 16 G€ en 2020.<br />
La part française du parc éolien européen devrait<br />
atteindre 20 % en 2020. Cette industrie étant la principale<br />
source d’intermittence dans les réseaux, le marché<br />
français du stockage de l’électricité peut être estimé<br />
entre 1 et 3 G€ en 2020.<br />
Le stockage thermique<br />
Différentes solutions techniques<br />
Le stockage thermique répond aux besoins de l’industrie,<br />
du bâtiment tertiaire, et même du particulier. Le<br />
système le plus répandu aujourd’hui est sans doute<br />
le stockage diffus dans les ballons d’eau chaude pour<br />
l’habitat. Produire l’eau chaude durant les périodes<br />
creuses et la stocker permet d’éviter les surconsommations<br />
d’électricité lors des périodes de pointe. De manière<br />
similaire, des solutions de stockage de froid efficaces<br />
existent pour les besoins en climatisation des bâtiments<br />
collectifs, ou pour la production de froid industriel.<br />
74 %<br />
11 %
Des solutions centralisées existent également ou sont<br />
en cours de développement. En premier lieu, l’utilisation<br />
alternée des ressources géothermiques pour une<br />
production de chaleur l’hiver et de froid l’été s’apparente<br />
déjà à du stockage thermique, chaque phase participant<br />
à la recharge de la ressource pour la suivante. Plus<br />
spécifiquement pour les techniques dédiées, le<br />
stockage en sous-sol de chaleur et de froid (UTES (5) )<br />
peut globalement se segmenter en deux groupes<br />
principaux :<br />
– le stockage d’énergie thermique en aquifère (« système<br />
ouvert ») ou ATES (6) ;<br />
– le stockage dans des sondes géothermiques (« système<br />
fermé ») ou BTES (7) .<br />
Le marché des applications UTES, aujourd’hui dans la<br />
majorité au stade de démonstrateurs, concerne essentiellement<br />
:<br />
– les bâtiments tertiaires : bureaux, hôpitaux et centres<br />
commerciaux ;<br />
– les serres agricoles ;<br />
– les industries ;<br />
– les réseaux de chaleur, dont la densité va augmenter<br />
avec les incitations économiques et règlementaires à<br />
l’augmentation de la part renouvelable au-delà de<br />
50 % dans leur approvisionnement énergétique.<br />
Les principales régions concernées par le marché du<br />
stockage de chaleur et de froid en sous-sol sont l’Europe,<br />
la Chine et l’Amérique du Nord (figure 5). Dans les années<br />
1980, la Chine fut le précurseur du stockage d’énergie<br />
thermique en aquifère avec 492 projets de stockage<br />
de froid en 1984. C’est en Europe que l’UTES connaît<br />
aujourd’hui le plus grand développement (figure 6).<br />
Le marché actuel est estimé à environ 800 M€.<br />
Les leaders des applications UTES en Europe sont<br />
de loin les Pays-Bas et la Suède. Les Pays-Bas, grâce à<br />
une hydrogéologie propice (nombreux aquifères<br />
non circulants), dominent aujourd’hui l’essor de la<br />
filière ATES, avec plus de mille projets (dont 80 %<br />
des applications dans les bâtiments tertiaires). La Suède<br />
quant à elle, affiche principalement des projets BTES.<br />
On estime à 3 500 MWh la capacité actuelle de stockage<br />
de chaleur et de froid en Europe, correspondant à<br />
environ cinq mille emplois et un potentiel de marché<br />
de 690 M€.<br />
(5) UTES : Underground Thermal Energy Storage.<br />
(6) ATES : Aquifer Thermal Energy Storage.<br />
(7) BTES : Borehole Thermal Energy Storage.<br />
Allemagne<br />
24 %<br />
Danemark 2 %<br />
Norvège 3 %<br />
underground energy storage<br />
Belgique 1 %<br />
Pays-Bas<br />
36 %<br />
Suède<br />
34 %<br />
Le secteur du stockage thermique souterrain est encore<br />
peu développé aujourd’hui en France. Les deux projets de<br />
stockage de chaleur en aquifère (plaine de la Crau, 1978 ;<br />
les Yvelines, 1985) ont eu des résultats peu concluants,<br />
essentiellement à cause de problèmes de colmatage et<br />
de corrosion. Néanmoins, le potentiel de stockage, tant<br />
dans les filières ATES que BTES, existe bel et bien dans<br />
notre pays. Les compagnies de forages jouent un rôle<br />
important, notamment dans la filière BTES ; plusieurs<br />
centaines de puits par projet peuvent être forés à des<br />
profondeurs comprises entre 50 et 200 mètres, voire<br />
plus.<br />
Perspectives<br />
Les premières applications UTES ont connu de<br />
nombreux problèmes techniques à l’instar des deux<br />
projets ATES menés en France. Une amélioration de<br />
la fiabilité technologique est donc nécessaire à leur<br />
déploiement. Cette amélioration passe par un besoin<br />
accru en R&D, notamment en thermo-mécanique pour<br />
la durabilité de ces stockages, ainsi qu’en géochimie<br />
et en hydrogéologie pour la filière ATES ; la maîtrise<br />
des risques environnementaux associés aux deux filières<br />
est également un enjeu. La nature du sol jouera aussi<br />
un rôle clef pour l’efficacité des applications BTES.<br />
Le développement des systèmes UTES est généralement<br />
corrélé à l’évolution du prix des énergies fossiles.<br />
Les pouvoirs publics jouent un rôle important dans la<br />
maîtrise des incertitudes économiques, notamment<br />
par le biais d’objectifs en termes d’efficacité des bâtiments<br />
généralement accompagnés par la mise en<br />
place de dispositifs d’incitation. À titre d’exemple, bien<br />
qu’interrompue aujourd’hui, la mise en place d’un<br />
Fig. 6 : Répartition<br />
des principaux projets<br />
UTES répertoriés<br />
en Europe.<br />
Fig. 6: Distribution of<br />
the main UTES projects<br />
listed in Europe.<br />
© ENEA Consulting.<br />
105<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013
106<br />
le stockage souterrain de l’énergie<br />
> Le projet GEOSTOCAL, combinaison optimisée<br />
du stockage géologique d’énergie thermique et de la géothermie<br />
Hervé Lesueur – BRGM, Direction Géoressources– h.lesueur@brgm.fr<br />
Le projet ANR GEOSTOCAL, coordonné par le BRGM, a abordé<br />
le stockage thermique de puissance (10 MW) sous l’angle de<br />
l’optimisation technico-économique et environnementale ;<br />
ce qui a induit l’étude d’une conception harmonieuse<br />
des réseaux de distribution de chaleur et des ouvrages<br />
géothermiques au Dogger dont la température est de<br />
65 °C vers 1 700 mètres de profondeur. La source d’énergie<br />
excédentaire est la vapeur issue de l’incinération des<br />
ordures ménagères et la température de stockage retenue<br />
est de 95 °C.<br />
GEOSTOCAL a traité le cas d’un quartier devant être rénové<br />
sur une durée de quinze ans. Un ancien réseau de chaleur<br />
moyenne température est conservé et sera progressivement<br />
déployé un réseau basse température (70 °C/40 °C) calibré<br />
pour exploiter efficacement le stockage dont la puissance<br />
s’adaptera à la demande thermique croissante des parties<br />
rénovées.<br />
GEOSTOCAL a montré que l’optimum, qui minimise à court<br />
terme (moins de vingt ans) l’investissement et l’exploitation,<br />
devait combiner une part d’exploitation géothermique<br />
conventionnelle et une part de stockage géologique ; ce<br />
qui procure toute la souplesse nécessaire lors des phases<br />
d’apprentissage de la gestion prédictive du fonctionnement.<br />
Pour cela, il a fallu modéliser le comportement thermique<br />
du réservoir selon différents scénarios d’exploitation pour,<br />
en particulier, définir une stratégie de minimisation des pertes<br />
thermiques et des dépenses énergétiques pour le pompage ;<br />
ce qui contribue à optimiser le taux d’énergie renouvelable<br />
dans l’énergie livrée aux usagers.<br />
Deux stratégies se détachent :<br />
– La première enchaîne séquentiellement un puisage dans<br />
le stock thermique, puis une exploitation conventionnelle<br />
de la géothermie lorsque le stock est épuisé. Au début de<br />
la saison de chauffe, la température de production est<br />
supérieure à celle du départ réseau et décroît progressivement<br />
pour, finalement, nécessiter un appoint. Dans ce cas,<br />
seuls deux puits géothermiques sont nécessaires. Ils sont<br />
réversibles (inversion du sens de circulation).<br />
– La seconde mélange à la demande une part issue du stock<br />
et une part issue directement du réservoir pour produire,<br />
pratiquement durant toute la saison, un niveau de la<br />
température proche de celui du départ réseau. Dans ce<br />
cas, au moins trois puits sont nécessaires. Seul le puits de<br />
stockage doit être réversible.<br />
Dans les deux cas, le choix de sous-stocker ou sur-stocker<br />
pendant la saison estivale reste à la discrétion de l’exploitant,<br />
qui peut revoir sa stratégie chaque année. n<br />
1 • Mode de déstockage de l’énergie<br />
Réseau<br />
de chaleur<br />
Bulle chaude Bulle froide<br />
2 • Mode de stockage de l’énergie<br />
Échangeurs<br />
thermiques<br />
Aquifère salin<br />
(réservoir de stockage)<br />
Source de chaleur<br />
excédentaire<br />
Aquifères protégés<br />
(eau potable)<br />
Principe du système étudié par le projet GEOSTOCAL.<br />
The principle underlying the system studied in the GEOSTOCAL project.<br />
© IFP – BRGM.
crédit de 35 % en Belgique a abouti à une installation<br />
d’une dizaine de démonstrateurs ATES en 1998 et 2005.<br />
Les applications UTES sont en croissance régulière à<br />
travers le monde. Dans les pays affichant les conditions<br />
hydrogéologiques idéales, les applications ATES<br />
connaissent une croissance annuelle estimée à 10 %.<br />
Pour la filière BTES, grâce à des contraintes moindres<br />
tant au niveau géologique que législatif, la croissance<br />
pourrait dépasser 35 % selon les pays.<br />
Ces estimations porteraient l’Europe à un marché<br />
de 700 M€ pour la filière ATES et potentiellement<br />
à plus de 900 M€ pour les applications BTES en<br />
2020. Concernant la France, si les premiers pilotes<br />
démarrent dans les trois prochaines années, le<br />
potentiel du marché en 2020 est d’environ 200 M€,<br />
pour une création de mille quatre cents emplois.<br />
L’utilisation du sous-sol pour le stockage massif de<br />
l’énergie, qu’il s’agisse d’électricité ou de chaleur,<br />
va connaître de nouveaux développements dans les<br />
années à venir, tirés par les besoins croissants des réseaux<br />
énergétiques. Les compétences acquises pour le<br />
stockage de gaz naturel, l’extraction d’hydrocarbures<br />
et la géothermie seront nécessaires pour fournir des<br />
solutions économiquement compétitives, et offriront<br />
ainsi de nouveaux débouchés aux entreprises travaillant<br />
aujourd’hui en sub-surface. n<br />
underground energy storage<br />
Underground energy storage<br />
Energy storage is a rapidlygrowing<br />
sector. The storage<br />
of electricity is necessary<br />
for the management of the<br />
supply/demand balance of<br />
electricity; whereas heat storage<br />
aims at reducing overall energy<br />
costs while at the same time<br />
ensuring the supply of heat and<br />
cold in an optimal manner with<br />
respect to the operation of<br />
the energy system as a whole.<br />
The scales of the issues involved<br />
require integrating a wide<br />
spectrum of solutions, including<br />
centralized solutions at scales<br />
which make it difficult to solve<br />
the economic equation if surface<br />
facilities need to be depended on.<br />
Research tends to be oriented<br />
towards storing energy<br />
underground, which requires<br />
addressing a variety of vectors<br />
(mechanical, chemical and<br />
thermal). These vectors in turn<br />
depend upon elements such<br />
as characterization, boring and<br />
excavation, all disciplines<br />
Publicité<br />
mastered by traditional players<br />
concerned with the subsurface.<br />
R&D efforts must still be engaged:<br />
the meeting point between the<br />
subsurface professions and energy<br />
systems is a challenge which<br />
must be dealt with to optimize<br />
the entire system. However,<br />
concerning underground solutions,<br />
our existing know-how does<br />
provide us with a substantial lead<br />
in today’s technological<br />
competition.<br />
This competition is motivated<br />
by the size of the markets that<br />
are opening in France, mainly<br />
in the area of thermal storage,<br />
and more particularly in Europe<br />
and internationally for the storage<br />
of electricity, in countries that are<br />
less interconnected or where wind<br />
power has been developed more<br />
aggressively. Looking towards<br />
the future, however, only<br />
sustained national energy and<br />
environmental policies can ensure<br />
a generalized implementation<br />
of storage projects.
tribune<br />
tribune<br />
108<br />
tribune<br />
Laurent Jammes, Gabriel Marquette<br />
Géodénergies : l’utilisation<br />
rationnelle du sous-sol pour<br />
décarboner le secteur de l’énergie<br />
Laurent Jammes<br />
Directeur Général Actys-BEE<br />
Membre de l’équipe<br />
de conception du projet<br />
et partenaire de l’IEED<br />
Géodénergies<br />
laurent.jammes@actys-bee.com<br />
Gabriel Marquette<br />
Directeur des relations<br />
industrielles – CNRS INSU<br />
Membre de l’équipe<br />
de conception du projet<br />
et partenaire de l’IEED<br />
Géodénergies<br />
gabriel.marquette@cnrs-dir.fr<br />
Le consortium Géodénergies (Géotechnologies pour décarboner<br />
les énergies) vient d’être labélisé IEED (Institut d'excellence sur<br />
les énergies décarbonnées) par l’Agence nationale pour la recherche<br />
(ANR) et sera financé dans le cadre des Investissements d’avenir.<br />
il se présente sous la forme d'un partenariat public/privé rassemblant<br />
11 établissements publics et 21 industriels (dont 4 grands groupes,<br />
4 entreprises moyennes et 13 PME/TPE), ainsi que 2 pôles de<br />
compétitivité (S2E2 et Avenia). L’IEED Géodénergies entre<br />
maintenant dans sa phase de montage.<br />
À l’heure où les scénarios prédictifs du GIEC<br />
(Groupement d'experts intergouvernemental<br />
sur l'évolution du climat) montrent qu’une<br />
augmentation d’au moins 2 degrés de la température<br />
moyenne à l’horizon 2100 est<br />
inévitable, toutes les options de réduction<br />
des émissions atmosphériques de gaz à effet<br />
de serre doivent être déployées.<br />
Le sous-sol est une ressource clé dans cette<br />
transition vers une économie décarbonée, et<br />
plusieurs utilisations peuvent être envisagées:<br />
(1) la chaleur de la terre peut être récupérée, et<br />
> Partenaires du projet<br />
Partenaires académiques : BRGM, IFPEN, CNRS<br />
INSU, Mines Paris Tech, Université d’Orléans,<br />
Université des Antilles et de la Guyane, IPGP,<br />
Université de Lorraine, UPPA, IFSTTAR, CSTB<br />
Pôles de compétitivité : Avenia, S2E2<br />
Industriels : Total, Kappa, CGGVeritas,<br />
GDF Suez, Entrepose Contracting, Fonroche<br />
Géothermie, Électerre de France, Alcen,<br />
Geostock, Géothermie Bouillante, Geogreen,<br />
CFG Services, Hinicio, Enea Consulting,<br />
Enertime, Solexperts, Cementys, Ecogeosafe,<br />
Actys, Drillscan, Nosoco.tech<br />
Avec le soutien des pôles de compétitivité<br />
Capenergies, DREAM et des régions Centre<br />
et Guadeloupe. ■<br />
être utilisée en tant que telle ou pour produire<br />
de l’électricité (géothermie) ; (2) le stockage<br />
géologique du CO2 permet de limiter les émissions<br />
de gaz à effet de serre des filières de<br />
production d’électricité à partir des énergies<br />
fossiles ; (3) enfin les caractéristiques des roches<br />
permettent de stocker chaleur et électricité<br />
sous différentes formes, offrant la possibilité<br />
de pallier le problème de l’intermittence de<br />
certaines sources d’énergie renouvelables, pour<br />
une plus grande efficacité de la chaîne allant<br />
de la production d’énergie à sa consommation.<br />
Les enjeux spécifiques des<br />
projets d’ingénierie du sous-sol<br />
Le déploiement industriel de ces différentes<br />
filières est fortement ralenti par une série d’obstacles<br />
d’ordre technico-économique et<br />
réglementaire, ainsi que par des enjeux<br />
d’acceptabilité sociale. En effet, les projets<br />
associés à ces différentes filières ont pour point<br />
commun l’exploitation d’objets « géologiques »,<br />
dont la description et les propriétés comportent<br />
un certain niveau d’incertitude. Cette incertitude<br />
– qui varie au cours de la vie d’un projet –<br />
a des conséquences importantes en termes<br />
d’efficacité et de sécurité des opérations si elle<br />
n’est pas maîtrisée. Elle doit être prise en<br />
compte dans la réglementation, dans les
guides de bonnes pratiques, dans les analyses<br />
technico-économiques, et enfin lors des<br />
discussions avec les parties prenantes de la<br />
société civile. Enfin, la méconnaissance de<br />
l’objet « sous-sol » par le grand public est aussi<br />
un facteur de rejet des projets.<br />
Dans ce contexte, la mission principale de<br />
Géodénergies consiste à développer des technologies<br />
et des procédures pour maximiser<br />
la performance opérationnelle des projets<br />
d’ingénierie du sous-sol au service des énergies<br />
décarbonées – production de chaleur et<br />
d’électricité, stockage de CO2 et stockage<br />
d’énergie – tout en assurant une parfaite<br />
maîtrise des risques associés aux opérations.<br />
Des programmes de recherche<br />
innovants et intégrateurs,<br />
s’appuyant sur l’expertise<br />
des équipes partenaires<br />
Les différents programmes de recherche ont<br />
été établis de façon à exploiter au maximum<br />
les synergies entre filières, traitant d’abord les<br />
verrous communs puis ceux plus spécifiques<br />
aux différentes applications. Ces programmes<br />
s’organisent donc en fonction des grandes<br />
étapes de tout projet d’ingénierie du sous-sol :<br />
des phases d’exploration/caractérisation aux<br />
phases de conception et de construction, puis<br />
à celles d’exploitation et enfin de fermeture<br />
du site. Il s’agit, pour chaque phase projet,<br />
d’identifier et de développer le portfolio de<br />
technologies et de méthodologies nécessaires<br />
à l’accomplissement des objectifs de la phase<br />
en question (par exemple le contrôle de<br />
l’injectivité – stockage de CO2 – ou de la<br />
productivité – géothermie – en phase opérationnelle).<br />
Des programmes plus transverses<br />
intégreront les aspects techniques, économiques<br />
et sociétaux, éventuellement dans une<br />
perspective multi-filière, dans une tentative<br />
d’optimisation globale de l’utilisation des<br />
ressources du sous-sol.<br />
Principalement localisé sur le campus du BRGM,<br />
à Orléans, Géodénergies disposera d’une<br />
antenne aux Antilles pour la géothermie haute<br />
énergie et pourra s’appuyer sur des plateformes<br />
d’expérimentation comme Montmiral<br />
(analogue naturel d’un stockage de CO2) .<br />
Les compétences et les savoirs des équipes de<br />
l’IEED Géodénergies reposeront en particulier<br />
sur l’expertise des partenaires académiques,<br />
tous acteurs de recherche reconnus internationalement<br />
dans leurs domaines respectifs.<br />
Ces équipes intégreront de nombreux<br />
Marchés<br />
doctorants et post-doctorants (avec un objectif<br />
de vingt au bout de trois ans), participant<br />
ainsi à la formation par la recherche dans les<br />
domaines scientifiques couverts par l’institut.<br />
Géodénergies participera aussi à la définition<br />
des programmes d’enseignement universitaire<br />
destinés à la formation de techniciens, d’ingénieurs<br />
et de chercheurs, ainsi qu’aux programmes<br />
de formation permanente, de façon à accompagner<br />
la croissance des filières, tant concernant<br />
la recherche et le développement que la<br />
réalisation de projets commerciaux.<br />
Des perspectives commerciales<br />
importantes, tant en France<br />
qu’à l’international<br />
Le marché potentiel mondial associé aux trois<br />
filières portées par l’IEED (géothermie,<br />
stockage d’énergie et stockage de CO2)<br />
est estimé à près de 36 milliards d’euros à<br />
Production<br />
énergies énergies énergies<br />
hybrides hybrides<br />
Production<br />
énergie<br />
géothermique<br />
Transversalités<br />
technologies/marchés<br />
CO2<br />
Énergies<br />
décarbonées<br />
Stockage Production<br />
Chaleur<br />
Électricité<br />
Briques<br />
technologiques<br />
Chaleur<br />
Stockage<br />
Réversible<br />
Électricité Chaleur/froid<br />
Électricité Cogénération<br />
Articulation des technologies<br />
par phases d’un projet d’exploitation<br />
Modélisation<br />
statique/dynamique<br />
Mesures<br />
de caractérisation<br />
Exploration Évaluation Design Construction Opération Fermeture<br />
Transversalités marchés/phases<br />
d’un projet d’exploitation<br />
Irréversible<br />
Chaleur<br />
CO2<br />
Technologies<br />
de construction<br />
(puits, surface)<br />
Récupération<br />
Récupération<br />
Récupération<br />
chaleur chaleur<br />
(naturelle/fatale)<br />
Technologies d’intervention<br />
et de fermeture<br />
Mesures de monitoring et de surveillance<br />
Aménagement<br />
sous-sol urbain<br />
Workflow/Phases projet<br />
Positionnement R&D<br />
de l’IEED.<br />
IEED's positioning<br />
regarding R&D.<br />
© Géodénergies<br />
l’horizon 2020. Les activités des acteurs industriels<br />
français partenaires de Géodénergie<br />
couvrent la totalité des offres possibles sur<br />
les trois filières : exploitation de sites, vente<br />
d’équipements et de services, prestations<br />
de conseil. La dynamique créée par l’Institut<br />
dépassera largement le cadre de la recherche,<br />
du développement et de l’innovation, et contribuera<br />
à structurer le tissu industriel portant<br />
les différentes filières, tout en développant les<br />
synergies et en renforçant les complémentarités.<br />
Les partenaires industriels espèrent ainsi<br />
capter jusqu’à 10 % de ces marchés et créer<br />
25 000 emplois directs d’ici 2020, les deux<br />
tiers étant basés en France. Parallèlement,<br />
l’activité de l’institut devrait induire au minimum<br />
un potentiel équivalent en valeur ajoutée<br />
et en emplois locaux via la sous-traitance ou<br />
la fourniture d’équipements et de services.<br />
Les activités de l’IEED contribueront ainsi à<br />
rendre opérationnelles ces nouvelles filières<br />
industrielles et permettront aux acteurs<br />
français de renforcer leur savoir-faire et<br />
leur compétitivité tant en France qu’à<br />
l’international.<br />
Les marchés de l’IEED.<br />
Markets for IEED.<br />
© Géodénergies<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013<br />
109
éclairage<br />
éclairage<br />
110<br />
éclairage<br />
Entretien avec Philippe Freyssinet<br />
Les géotechnologies,<br />
un enjeu de recherche<br />
Philippe Freyssinet<br />
directeur général adjoint<br />
de l’Agence nationale<br />
de la recherche<br />
Les sciences de la Terre, en particulier avec le développement<br />
des géotechnologies, ont un rôle important à jouer dans<br />
l’atteinte des objectifs français et européens en matière d’efficacité<br />
énergétique et de lutte contre le changement climatique.<br />
Quels sont aujourd’hui les grands enjeux en<br />
matière énergétique, et le contexte a-t-il évolué,<br />
notamment avec la crise économique ?<br />
Philippe Freyssinet : Jusqu’à une période récente,<br />
les scénarios énergétiques à l’échelle globale<br />
étaient assez clairs. La raréfaction des énergies<br />
fossiles et la nécessité de réduire les émissions<br />
de gaz à effet de serre avaient notamment<br />
conduit l’Europe à se fixer un objectif dit des<br />
« trois fois vingt » : 20 % de gain en efficacité<br />
énergétique, 20 % d’énergie renouvelable dans<br />
la production d’énergie et 20 % de réduction<br />
des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020.<br />
Aujourd’hui, un double phénomène conduit à<br />
une possible redistribution des cartes. C’est<br />
d’abord la crise économique qui, même si l’on<br />
ne renie pas le credo environnemental, pousse<br />
nos économies à privilégier les technologies<br />
énergétiques matures et relativement bon<br />
marché. D’autre part, l’émergence des gaz et<br />
huiles de schistes en Amérique, et bientôt dans<br />
d’autres régions du monde, contribue à nous<br />
faire entrer dans une ère nouvelle.<br />
Quelles en sont les conséquences à l’échelle<br />
mondiale ?<br />
Ph. F. : Cette nouvelle donne modifie considérablement<br />
les scénarios énergétiques selon les<br />
pays et les continents. À court terme, parce<br />
qu’ils ont fait le choix d’exploiter ces nouvelles<br />
ressources fossiles, les États-Unis vont devenir<br />
indépendants sur le plan énergétique. En<br />
Asie, la Chine, bien que premier investisseur<br />
mondial sur les technologies vertes, s’intéresse<br />
également à ses ressources en gaz et huiles<br />
de schistes.<br />
Pour sa part, la France a réaffirmé son adhésion<br />
aux objectifs du paquet climat-énergie<br />
européen. Mais que se passera-t-il demain ?<br />
On sait que certains pays européens envisagent<br />
déjà d’exploiter leurs réserves de gaz et<br />
huile de schiste. Nous entrons dans une<br />
phase plus incertaine en terme de scénarios<br />
énergétiques…<br />
Comment l’Europe réagit-elle face à<br />
ces problématiques ?<br />
Ph. F. : La crise économique a non seulement<br />
renforcé la dimension économique dans le débat<br />
énergétique, mais elle a également eu des<br />
conséquences en terme de budgets consacrés<br />
à la recherche et au développement dans le<br />
domaine de l’énergie, avec un recul sensible.<br />
La dépense publique de R & D sur l’énergie<br />
représente actuellement 4 % du total de la<br />
dépense mondiale, cela représente environ<br />
1 milliard d’euros par an en France.<br />
Il y a pourtant un immense challenge scientifique<br />
pour trouver les solutions qui permettent<br />
d’atteindre les objectifs européens dans des<br />
conditions économiquement et environnementalement<br />
acceptables.<br />
C’est l’un des enjeux majeurs du prochain<br />
programme-cadre européen « Horizon 2020 »,<br />
qui comportera un important volet consacré à<br />
l’innovation dans les technologies de l’énergie.
Quelle est la stratégie de recherche<br />
de la France sur le plan des énergies durables<br />
et renouvelables et des technologies<br />
qui leurs sont liées ?<br />
Ph. F. : Si l’on excepte la spécificité liée à la part<br />
de la recherche nucléaire, la position française<br />
est alignée sur celle de l’Europe.<br />
L’Agence nationale de la recherche, depuis sa<br />
création, s’est positionnée sur les nouvelles<br />
technologies de l’énergie. Nous achevons en<br />
2013 un cycle de programmation où le secteur<br />
des énergies bas carbone a représenté 15 % de<br />
nos financements, soit plus de 270 millions<br />
d’euros sur les cinq dernières années, dont<br />
80 % consacrés à des projets de recherche<br />
associant des laboratoires publics et des<br />
industriels. Cinq grands programmes de<br />
recherche ont permis de financer environ 130<br />
projets par an dans les domaines du cycle de<br />
production et gestion de l’électricité (PROGELEC),<br />
du vecteur chaleur et de la réduction des<br />
émissions de CO2 (SEED), de la gestion énergétique<br />
à l’échelle urbaine (Villes et bâtiments<br />
durables), des transports durables (TDM) et de<br />
la valorisation énergétique de la biomasse<br />
(BIOME).<br />
Qu’attend-on aujourd’hui des sciences<br />
de la Terre et des géotechnologies ?<br />
Ph. F. : Il s’agit pour l’ANR de soutenir des<br />
recherches très innovantes et potentiellement<br />
porteuses de sauts technologiques, voire<br />
organisationnels.<br />
La géothermie intégrée aux schémas d’écologie industrielle. Forages géothermiques avec en orange,<br />
le granite fracturé dans lequel est pompé puis réinjecté le fluide.<br />
Geothermal energy integrated into industrial ecology schemes. Geothermal wells with, shown in orange<br />
the fractured granite from which the fluid is pumped, then re-injected.<br />
© Modifié d'après GEIE Production de chaleur de Soultz-sous-Forêts<br />
philippe freyssinet<br />
On peut citer différents domaines de recherche<br />
émergents, à l’exemple du stockage souterrain<br />
de chaleur ou de froid en milieu urbain, à<br />
différentes échelles, et notamment pour des<br />
applications intersaisonnières. La géothermie<br />
intégrée à des schémas d’écologie industrielle<br />
est à fort potentiel.<br />
Le stockage de masse souterrain dans des<br />
réservoirs naturels, sous forme d’air comprimé<br />
ou d’hydrogène par exemple, est une technologie<br />
de rupture qui va requérir une forte<br />
mobilisation des sciences de la Terre. L’enjeu<br />
est important car ce type de stockage permettrait<br />
par exemple d’absorber les pics de<br />
production électrique notamment du secteur<br />
éolien.<br />
La capture et le stockage de CO2 reste un<br />
domaine de recherche important. Beaucoup de<br />
travaux ont été réalisés depuis quinze ans, mais<br />
ils sont demeurés essentiellement au stade<br />
expérimental. Pour progresser, il va falloir désormais<br />
amplifier la recherche sur les technologies<br />
d’investigation et de surveillance du sous-sol<br />
permettant de mieux évaluer ses caractéristiques<br />
et de réduire les aléas. Les schémas de<br />
stockage de CO2 en aquifères salins se sont<br />
révélés moins prometteurs qu’attendus, ce qui<br />
engendre de nouveaux besoins de recherche<br />
pour réévaluer le potentiel. Il faut également<br />
travailler sur les processus générant des risques,<br />
à grande échelle et sur le long terme, liés à la<br />
mise en œuvre des géotechnologies. Il s’agit<br />
là d’un sujet majeur pour la crédibilité de ces<br />
technologies et leur viabilité économique.<br />
Il est clair que le démarrage prochain de<br />
l’IEED Géodénergies 1 va impulser un effort<br />
très significatif pour accélérer la recherche<br />
française sur ces thématiques !<br />
www.agence-nationale-recherche.fr/<br />
programmes-de-recherche/energie-durable<br />
(1) Institut d’excellence sur les énergies décarbonées porté<br />
par le BRGM en région Centre (programme « Investissements<br />
d’avenir »).<br />
Géosciences • numéro 16 • mars 2013 111
112<br />
chiffres clés<br />
chiffres clés<br />
chiffres clés<br />
Étude de zones<br />
fumerolliennes en 2011<br />
sur White Island,<br />
Nouvelle-Zélande.<br />
Study of fumaloric<br />
activity in 2011<br />
on White Island,<br />
New Zealand.<br />
© BRGM – V. Bouchot.<br />
> 40 milliards de Terawatt/h emmagasinés<br />
dans les 5 premiers km de la croûte terrestre.<br />
> 10 000 000 MWhep/an produits<br />
et 390 000 t/an de CO2 évitées : c'est le potentiel<br />
des ressources géothermales du Bassin parisien.<br />
> En 2011, à l'échelle mondiale, la puissance<br />
électrique installée d’origine géothermique<br />
est de 11 GWe, et la puissance thermique<br />
est de 50,6 GWth.<br />
À l'horizon 2050, la puissance électrique installée<br />
sera de 160 GWe d’après l’AIE.<br />
> 3 à 8 fois moins de CO2 émis par la géothermie<br />
que par le charbon, le pétrole ou le gaz.<br />
> 130 à 180 ºC sont les températures visées<br />
en milieu non volcanique pour produire<br />
de l'électricité à partir d'un fluide géothermique.<br />
> 6 : facteur par lequel la production de chaleur<br />
géothermique doit être multipliée en France<br />
entre 2006 et 2020, pour respecter les objectifs<br />
du Grenelle de l’environnement.<br />
> 140 GW : capacités mondiales actuelles<br />
de stockage d’électricité (477 MW d’énergie<br />
électrique sont disponibles dans le monde grâce<br />
au stockage souterrain de l’air comprimé).<br />
4 à 15 : facteur par lequel ces capacités doivent<br />
être multipliées d’ici 2040.<br />
> 31 milliards de tonnes de CO2 émises en<br />
2010 pour la production d'énergie dans le monde.<br />
> La température du globe augmentera<br />
de 6 ºC d'ici 2050 si aucun changement ne survient<br />
dans les politiques énergétiques.<br />
> D'ici 30 ans, le stockage géologique<br />
du carbone devra contribuer pour 19 % à la réduction<br />
des émissions de CO2.<br />
> 36 millions de tonnes de CO2/an sont<br />
stockées dans le cadre de 16 grands projets<br />
opérationnels.<br />
> 75 projets de capture et stockage de CO2<br />
à grande échelle sont en cours d’étude et<br />
de développement dans le monde.