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<strong>Chypre</strong>, <strong><strong>un</strong>e</strong> <strong>île</strong>,<br />
<strong>un</strong> <strong>rêve…</strong><br />
Chronique d’<strong>un</strong> pèlerinage :<br />
« l’envoi en mission, avec Paul,<br />
Barnabé et Marc »<br />
13 mai : Arrivée à Larnaca.<br />
ôt levés, venus des quatre coins de France, de<br />
T Belgique et de Monaco, les pèlerins se<br />
rassemblent à Paris ou à Marseille. Aisément<br />
reconnaissables à leurs foulards orange, les deux<br />
vagues confluent à Francfort. Joie de ceux qui se<br />
retrouvent, accueil des « nouveaux », nous voici <strong>un</strong>is<br />
pour <strong><strong>un</strong>e</strong> même aventure… Après trois heures de vol,<br />
l’avion survole l’<strong>île</strong> et se pose à Larnaca. Le transfert<br />
à Limassol est rapide : nous prenons conscience des<br />
dimensions de l’<strong>île</strong>, mais pas encore de sa diversité.<br />
Dès la première messe, dans les jardins de l’hôtel, à<br />
l’ombre des palmiers et des arbres fleuris, le ton est<br />
donné par le père Pierre : Pourquoi sommes-nous<br />
venus ?<br />
- En touristes, centrés sur notre « moi », purs<br />
produits d’<strong><strong>un</strong>e</strong> société de consommation qui<br />
engendre <strong><strong>un</strong>e</strong> revendication jamais satisfaite ?<br />
- En observateurs, préoccupés du « ils », et pour<br />
lesquels la découverte risque de dégénérer en<br />
critique et en jugement ?<br />
- Ou en pèlerins, tendus vers <strong>un</strong> « Tu » qui invite à<br />
l’accueil et à la gratitude ?<br />
otre petit hôtel, situé hors de Limassol, dans le<br />
N village de Germasogeia, nous offre le calme<br />
nécessaire à <strong>un</strong> pèlerinage… d’autant que nous<br />
l’occupons presque entièrement. Nous avons donc la<br />
piscine et la salle de ré<strong>un</strong>ion entièrement à notre<br />
disposition. Le premier soir, lors d’<strong><strong>un</strong>e</strong> présentation<br />
dans le jardin, chac<strong>un</strong> exprime ses attentes : désir<br />
d’approfondir sa foi, de se reposer, de découvrir <strong><strong>un</strong>e</strong><br />
Église-sœur et des pages d’histoire<br />
mal connues, soif de rencontrer<br />
des témoins… autant d’aspirations<br />
qui ne seront pas déçues, car ces<br />
souhaits correspondent bien aux<br />
caractéristiques des voyages que<br />
<strong>Roc</strong>-<strong>Estello</strong> organise avec Terralto.<br />
Le père Pierre nous invite à<br />
méditer le thème de ce voyagepèlerinage<br />
en partant du vibrant<br />
appel que le pape Benoît XVI a<br />
lancé à Paphos lors de son voyage<br />
en 2010 :<br />
Comme Paul et Barnabé, par le Baptême, chaque<br />
chrétien est mis à part pour porter<br />
le témoignage prophétique du Seigneur Ressuscité et<br />
de l’Evangile de la réconciliation, de la miséricorde et<br />
de la paix.<br />
16 Antennes n° 131 - 2 ème Trimestre 2012<br />
14 mai : Makheras et Tamasos<br />
ous faisons connaissance avec Christina, notre<br />
N guide, <strong><strong>un</strong>e</strong> je<strong><strong>un</strong>e</strong> femme en quête de Dieu qui<br />
va se laisser bouleverser par ce voyage. C’est la<br />
première fois qu’elle accompagne des pèlerins qui ne<br />
sont pas seulement touristes. Elle parle <strong>un</strong> français<br />
parfait et c’est pour elle <strong>un</strong> bonheur de faire<br />
découvrir « son » <strong>île</strong>. Petit à petit, au cours du<br />
voyage, elle confiera son émotion, sa joie, sa foi ; elle<br />
partagera nos prières et nos célébrations, en<br />
orthodoxe ouverte à l’<strong>un</strong>iversalité de l’Église. Elle<br />
confessera avec humilité avoir autant reçu qu’elle a<br />
donné, avoir découvert ce qu’elle croyait connaître et<br />
passé des jours de lumière inoubliables. L’<strong>île</strong> vit à 70<br />
pour cent du tourisme, forte de 10.000 ans d’histoire<br />
inscrite dans ses pierres, nous aurons donc beaucoup<br />
à découvrir. Vassios (Basile), notre chauffeur, ne<br />
tardera pas à manifester ses talents, sur les petites<br />
routes aux virages en épingle des montagnes du<br />
Troodos : « Si vous avez peur, fermez les yeux,<br />
comme le chauffeur ! ».<br />
akheras, au cœur des montagnes, a été fondé<br />
M en 1190. Haut-lieu de la résistance contre les<br />
britanniques, le monastère abrite<br />
la précieuse icône de la Vierge<br />
« soradissa », la Vierge du Voile<br />
protecteur.<br />
Transportée de Constantinople à<br />
<strong>Chypre</strong>, pour la sauver de<br />
l’iconoclasme, elle a été<br />
redécouverte dans <strong><strong>un</strong>e</strong> grotte au<br />
douzième siècle et est fêtée pour<br />
la Présentation de la Vierge, le<br />
21 novembre, mémoire très<br />
populaire à <strong>Chypre</strong>.<br />
Les moines de Makheras suivent<br />
les règles ascétiques des monastères du Mont Athos,<br />
au nord de la Grèce. Un bel entretien avec le frère<br />
Joseph nous initie à la vie monastique, plus encore<br />
par la présence dont il témoigne que par des paroles.<br />
Le rayonnement paisible de ce je<strong><strong>un</strong>e</strong> diacre et son
accueil nous offrent<br />
d’emblée <strong>un</strong> beau visage<br />
du monachisme oriental.<br />
Cette figure bienveillante<br />
marquera l’ensemble du<br />
voyage en nous ouvrant à<br />
<strong>un</strong> désir de fraternité avec<br />
les orthodoxes chypriotes.<br />
Au terme de l’entretien,<br />
quelle n’est pas notre<br />
surprise d’être invités et servis par les moines : tisane<br />
et sirops du monastère, loukoums, sablés et même<br />
quelques livrets et icônes… nous sommes bien en<br />
Orient et ils nous reçoivent en pèlerins !<br />
Redescendus dans la vallée, nous passons par les<br />
tombes royales de Tamassos, témoins de la<br />
prospérité de la ville et de l’influence égyptienne de<br />
nombreux siècles avant notre ère. Actuellement<br />
située dans le village de Politiko, Tamassos était <strong><strong>un</strong>e</strong><br />
cité-état, dont les mines de cuivre ont donné le nom<br />
à l’<strong>île</strong> (Cuivre : Kypros en grec), elle est déjà citée par<br />
Homère dans l’Odyssée. Plus loin, le monastère de<br />
saint Héraclide, futur évêque qui guida Paul, Barnabé<br />
et Marc dans leur première traversée de l’<strong>île</strong> nous<br />
permet de rencontrer quelques moniales et d’admirer<br />
encore de belles icônes, dont <strong><strong>un</strong>e</strong> Vierge allaitant<br />
Jésus, puis nous gagnons Larnaca. Nous sommes<br />
reçus à Sainte-Marie-des-Anges par le frère Umberto,<br />
gardien franciscain, c’est lui<br />
qui ; en 2012, accueillit le<br />
pape dans sa propre chambre.<br />
Il nous présente l’église<br />
catholique de <strong>Chypre</strong>, reliée à<br />
celle de Terre Sainte et<br />
desservie principalement par<br />
les Franciscains. Ils sont en<br />
effet établis à <strong>Chypre</strong> depuis<br />
le passage de saint François,<br />
venu en Terre Sainte convertir<br />
les croisé plus encore que le<br />
Sultan. Même en période<br />
ottomane, grâce aux titres de<br />
protection du premier sultan, ils ont assuré <strong><strong>un</strong>e</strong><br />
présence et <strong>un</strong> service chrétien. Ils sont actuellement<br />
<strong><strong>un</strong>e</strong> petite dizaine sur l’<strong>île</strong>, à Larnaca, Limassol et<br />
Nicosie. Le père Umberto nous explique que, si les<br />
Chypriotes catholiques disparaissent progressivement,<br />
il n’en va pas de même pour la présence<br />
étrangère qui ne cesse de croître : Philippins, Sri-<br />
Lankais, Camero<strong>un</strong>ais, etc. viennent ici trouver le<br />
travail qui manque dans leur pays et ont besoin du<br />
soutien de l’Église, souvent même sur <strong>un</strong> plan<br />
matériel, grâce à la Caritas. Dans cette ville forte en<br />
signification pour les Marseillais, puisqu’on y prie<br />
saint Lazare (Premier évêque de Marseille, selon la<br />
tradition provençale), le père Jean-François Drèze,<br />
l’<strong>un</strong> des pèlerins, rappelle notre vocation à la<br />
sainteté, invitant à grandir dans l’abandon à la<br />
volonté de Dieu, comme Paul et Barnabé. Il évoque<br />
le mystère de la liberté, qui permet la réponse à<br />
l’appel de Dieu et constitue son don le plus grand, le<br />
témoignage suprême de son amour. Nous visitons<br />
ensuite l’église Saint-Lazare, antique sanctuaire du<br />
IX ème siècle, doté d’<strong>un</strong> clocher byzantin. Les<br />
orthodoxes vénèrent, dans la crypte, <strong>un</strong> tombeau<br />
antique et des restes attribués à Lazare, l’ami de<br />
Jésus. Cette tradition ne fait pas l’<strong>un</strong>animité,<br />
puisqu’on fait de même à Marseille… bien que Lazare<br />
ait été ressuscité par le Christ à Béthanie où l’on<br />
visite son premier tombeau, cela fait tout de même<br />
<strong>un</strong> tombeau et <strong>un</strong> crâne de trop !<br />
15 mai : Nicosie, la capitale<br />
e musée archéologique de <strong>Chypre</strong>, à Nicosie,<br />
L présente des collections d’<strong><strong>un</strong>e</strong> richesse<br />
époustouflante : <strong>un</strong> véritable voyage à travers dix<br />
mille ans d’histoire, du néolithique au début de la<br />
période byzantine, grâce aux restes que les pillages<br />
des européens ont laissés. Des statuettes f<strong>un</strong>éraires<br />
aux bijoux d’or finement ciselés, en passant par les<br />
« Vénus » et les poteries de tous âges, nous<br />
voudrions arrêter le temps, mais il nous faut repartir<br />
vers le musée des icônes, autre merveille de la<br />
fondation Culturelle Patriarche Makarios III. Là,<br />
passant à travers siècles et styles, chac<strong>un</strong> peut<br />
trouver « son » icône, celle qui parle à son cœur.<br />
Certaines fresques des églises situées au Nord (en<br />
zone occupée) et sauvagement détachées pour être<br />
vendues en morceaux à des collectionneurs ont pu<br />
être récupérées et sont aussi exposées, témoins<br />
malheureux de la barbarie du XX e siècle autant que<br />
de l’art byzantin antique…<br />
L’impression la plus forte que nous<br />
emportons de Nicosie est la messe à<br />
l’église catholique et la rencontre avec le<br />
père Vito. L’église, située dans les<br />
murailles vénitiennes, a sa façade dans la<br />
partie chypriote, alors que la nef et le<br />
monastère sont comme <strong><strong>un</strong>e</strong> enclave en<br />
territoire occupé par les turcs. Niché au<br />
cœur des barbelés, en cul-de-sac dans<br />
<strong><strong>un</strong>e</strong> rue bouchée par <strong><strong>un</strong>e</strong> muraille de<br />
bidons et de pointes, le sanctuaire évoque<br />
la tragédie que vivent des chypriotes<br />
depuis 1974. Une petite grotte de<br />
Lourdes, au cœur des barbelés, semble s’enfoncer en<br />
zone occupée et Marie, ouvrant largement les bras, y<br />
sourit. Le père Vito, missionnaire en repos à <strong>Chypre</strong><br />
nous parle avec émotion du drame et des difficultés<br />
que rencontrent les prêtres pour desservir malgré<br />
tout la partie occupée : villages maronites isolés,<br />
camps des Nations-Unies<br />
qui servent de refuge pour<br />
les célébrations, églises de<br />
fort<strong><strong>un</strong>e</strong> ou ruines mal<br />
entretenues…<br />
Il n’y a que deux églises<br />
catholiques encore ouvertes<br />
officiellement. Là, dans ce<br />
symbole de la partition de<br />
l’<strong>île</strong>, la prière se fait plus<br />
intense. Surtout lorsque le<br />
père évoque les églises<br />
pillées, abandonnées : « Sur<br />
l’<strong><strong>un</strong>e</strong> d’elle, <strong>un</strong> homme est<br />
monté au clocher pour<br />
Antennes n° 131 - 2 ème Trimestre 2012 17
arracher la croix, il est tombé et est mort, <strong>un</strong> autre a<br />
encore essayé, il est redescendu aveugle… les gens y<br />
ont vu <strong>un</strong> miracle ». Une prière fervente s’élève de<br />
nos cœurs, pour la paix, pour l’<strong>un</strong>ité entre les<br />
peuples, pour la justice et le pardon… Qui sera<br />
témoin de « l’Évangile de la réconciliation, de la<br />
miséricorde et de la paix » ? Un curé Mexicain, <strong>un</strong><br />
vicaire italien, l’autre Ghanéen : l’Église catholique de<br />
Nicosie, issue de toutes les nations est celle des<br />
pauvres. La lecture du jour en bouleverse plus d’<strong>un</strong> :<br />
les Actes de Apôtres racontent comment saint Paul,<br />
roué de coups et jeté au fond d’<strong><strong>un</strong>e</strong> prison à Philippe,<br />
chante les louanges de Dieu et entraîne ses<br />
compagnons d’infort<strong><strong>un</strong>e</strong> dans la louange. C’est alors<br />
que survient <strong>un</strong> tremblement de terre… La puissance<br />
de la louange au cœur des épreuves, l’inébranlable<br />
joie chrétienne de l’apôtre révèlent le secret de<br />
l’évangélisation : la liberté intérieure de celui qui est<br />
« ancré » en Christ. Au cœur des barbelés, ces<br />
paroles prennent <strong>un</strong> relief inoubliable, comme celles<br />
de l’Évangile, où le Christ dit que « l’Esprit saint<br />
dénonce le monde en matière de Justice, de péché et<br />
de jugement ».<br />
La promenade dans les rues de la ville s’achève par la<br />
montée au sommet d’<strong><strong>un</strong>e</strong> tour d’où nous pouvons<br />
contempler le panorama et mieux observer la ligne<br />
de démarcation qui divise la ville. Au retour, nous<br />
nous arrêtons à la chapelle royale des Lusignan, dont<br />
l’architecture gothique et les fresques byzantines<br />
accompagnées de textes en français ancien<br />
rappellent la présence croisée et les derniers bastions<br />
du royaume Latin de Jérusalem à jamais perdu par<br />
les rivalités et les ambitions des chefs croisés. Au fil<br />
de la route, notre spécialiste Anne-Béatrice nous<br />
raconte l’histoire du Minotaure, de Dédale, de Thésée<br />
et d’Ariane, morte à <strong>Chypre</strong>, selon la légende…<br />
16 mai : La montagne du Troodos<br />
et ses chapelles<br />
ne dizaine de chapelles byzantines, aux<br />
U fresques réalisées entre le douzième et le<br />
quinzième siècle ont été inscrites au patrimoine<br />
mondial de l’Unesco. Nous en visiterons cinq, perdues<br />
au cœur des forêts du Troodos, sur les hauteurs ou<br />
au creux des vallées. Toutes ont cette caractéristique<br />
étonnante que la nef, les coupoles et les absides sont<br />
blotties sous <strong>un</strong> même toit qui les protège des<br />
intempéries. Venant des rivages sud, nous passons<br />
d’abord par les régions vinicoles de « la<br />
Commandaria », avec ses cépages <strong>un</strong>iques, cultivés<br />
par les croisés. Durant la montée, nous admirons<br />
quelques-<strong>un</strong>s des 110 barrages qui fournissent à l’<strong>île</strong><br />
l’eau dont elle a besoin durant les longs étés : ils<br />
18 Antennes n° 131 - 2 ème Trimestre 2012<br />
retiennent les eaux de pluie qui, portées par les<br />
nuages venus de l’ouest, se déversent l’hiver sur les<br />
pentes de la montagne. Un canal de cent-dix<br />
kilomètres ré<strong>un</strong>it le plus grand d’entre eux aux villes<br />
de Nicosie et Larnaca. La nature est heureuse,<br />
florissante, elle s’épanouit à merveille sur les pentes<br />
de la montagne où abondent les petits villages.<br />
Nous arrivons à l’église d’Asinou : le grand toit aux<br />
« lauzes » claires, semble abriter comme <strong>un</strong> manteau<br />
les merveilleuses fresques. Ici comme à la Toute-<br />
Sainte d’ Araka, à Saint Nicolas de Stegis, ou à<br />
l’église de l’archange Saint Michel de Galata, nous<br />
sommes littéralement « pris » dans ce monde de<br />
couleurs et de vie. Le Christ Pantocrator, entouré<br />
d’anges, règne au sommet de la coupole que<br />
supportent les quatre évangélistes, indispensables<br />
chemins d’accès à l’éternité divine. Puis, au registre<br />
supérieur des parois de la nef, les scènes de<br />
l’Évangile rappellent l’infinie condescendance de Dieu<br />
venu à notre rencontre pour nous sauver. Enfin, à<br />
notre niveau, <strong><strong>un</strong>e</strong> foule de saints, debout et à peine<br />
plus grands que nous, nous entourent, pour nous<br />
protéger et pour nous rappeler de quel peuple nous<br />
sommes membres : « nous sommes concitoyens des<br />
saints » dit saint Paul. Celui qui pénètre dans ces<br />
églises se sent instinctivement appelé à la sainteté, à<br />
retrouver sa dignité, à vivre « dans le monde » sans<br />
être « du monde ». Séparant le chœur de la nef,<br />
l’iconostase laisse entrevoir le bas de l’abside où le<br />
Christ donne la comm<strong>un</strong>ion à ses apôtres sous les<br />
espèces du vin d’<strong>un</strong> côté et du pain de l’autre. Plus<br />
haut, la Vierge en majesté, entourée d’archanges,<br />
jette <strong>un</strong> sourire maternel sur sa grande famille<br />
assemblée… C’est ici le ciel sur la terre : tout invite à<br />
découvrir son identité de « fils bien-aimé du Père ».<br />
Mais l’iconostase, parce qu’elle produit <strong><strong>un</strong>e</strong> séparation
douloureuse, nous rappelle que tout n’est encore<br />
donné qu’à travers le voile du sacrement et que le<br />
mystère célébré est <strong><strong>un</strong>e</strong> invitation à l’adoration<br />
autant qu’à la comm<strong>un</strong>ion, car l’<strong>un</strong>ion parfaite ne<br />
sera réalisée qu’au ciel. Ce mur, ajouté par les<br />
Orientaux entre le chœur et la nef, est habité par les<br />
icônes des saints. Autour des portes royales, où est<br />
figurée l’Annonciation, clef de l’Incarnation, la Vierge<br />
et le Christ semblent garder l’accès au cœur du<br />
sanctuaire, l’autel. Puis viennent, de chaque côté, les<br />
saints vénérés dans le lieu. Au-dessus sont<br />
représentées les grandes fêtes de l’année,<br />
surmontées par les douze apôtres. Enfin, au sommet,<br />
se dresse la Crucifixion, avec Marie et Jean, en prière<br />
au pied de la Croix. Ainsi est-il évident que chaque<br />
Messe et <strong>un</strong> passage de Dieu par les portes de<br />
l’Incarnation, <strong><strong>un</strong>e</strong> participation au sacrifice du Christ<br />
qui domine l’<strong>un</strong>ivers, <strong><strong>un</strong>e</strong> venue du ciel sur la terre<br />
pour que la terre s’élève vers le ciel.<br />
ous voici repartis pour <strong>un</strong> bon repas dans <strong><strong>un</strong>e</strong><br />
N auberge de Kakopetria, (La mauvaise pierre),<br />
village bâti sur les gorges d’<strong><strong>un</strong>e</strong> rivière. Tous nos<br />
déje<strong><strong>un</strong>e</strong>rs sont d’ailleurs typiques, tant par la nature<br />
des plats que par l’enchantement des lieux choisis,<br />
loin de la foule des touristes. Accueillis par des<br />
familles heureuses de partager ce qu’elles ont de<br />
meilleur pour témoigner de l’hospitalité chypriotes,<br />
nous nous sentons d’instinct « chez nous ».<br />
Aujourd’hui, nous célébrons la messe au bord de<br />
l’eau, étourdis par le chant des oiseaux et le<br />
grondement des cascades : « décor bucolique et<br />
concert harmonieux » commente le père Jean-<br />
François, toujours pince-sans rire. À l’école de saint<br />
Paul, il nous invite à redécouvrir l’importance du<br />
corps dans l’enseignement chrétien, dont l’<strong>un</strong> des<br />
sommets est la foi en la résurrection de la chair.<br />
17 mai : Paphos, le pilier de saint Paul<br />
’est aujourd’hui l’Ascension et nous roulons vers<br />
C la basilique placée sur les lieux ou Saul de Tarse<br />
prit le nom de Paul après avoir converti le consul<br />
Sergius Paulus. Pour se faire entendre, Paul dut<br />
combattre le mage Elymas qui voulait empêcher le<br />
consul d’écouter la Parole de Dieu. C’est dans ces<br />
lieux qu’il a aussi été flagellé, preuve que la fécondité<br />
missionnaire passe par bien des épreuves.<br />
Nous traversons des étendues de caroubiers et<br />
d’oliviers pour atteindre d’abord le célèbre « <strong>Roc</strong>her<br />
d’Aphrodite » où, selon la légende, la déesse jaillit de<br />
l’écume (aphros en grec) de la mer. Le site est<br />
grandiose, entouré de rochers blancs qui plongent<br />
dans le bleu intense des flots méditerranéens. Nous<br />
nous arrêtons ensuite à l’église de sainte Parascève,<br />
temple du IX e siècle aux cinq coupoles, avant de<br />
monter vers le monastère de saint Néophyte (du XI e )<br />
où nous sommes attendus par le prieur du<br />
Monastère, l’archimandrite Néophyte. Nous visitons<br />
les grottes ornées de fresques qui servirent de<br />
chapelle et de cellules au saint ermite et à ses<br />
disciples, avant de retrouver notre hôte dans la<br />
majestueuse chapelle principale, plus récente. Il nous<br />
explique comment le saint a su reprendre l’antique<br />
tradition philosophique grecque pour l’<strong>un</strong>ir à l’étude<br />
des pères de l’Église et de l’Écriture Sainte. Il en a<br />
tiré <strong><strong>un</strong>e</strong> doctrine, contenue dans neuf livres, qui peut<br />
servir de guide pour « la navigation sur la mer de<br />
l’âme » que chac<strong>un</strong> porte en lui-même. Étant luimême<br />
passé sur l’autre rive, il pouvait prévenir des<br />
dangers ceux qui s’aventurent sur ces mers<br />
intérieures en quête de Dieu, explique le père. Mais le<br />
saint, poursuivi par ses disciples « bruyants », dut<br />
fuir plusieurs fois pour retrouver la paix, c’est<br />
pourquoi il se bâtit <strong><strong>un</strong>e</strong> cellule plus haut dans la paroi<br />
rocheuse, écoutant la messe au moyen d’<strong><strong>un</strong>e</strong> petite<br />
ouverture, puis il fonda d’autres prieurés dépendant<br />
du monastère.<br />
N ous repartons vers les tombeaux des rois de<br />
Paphos et les « plus belles mosaïques de la<br />
Méditerranée », dans les villas dites de Dyonisos,<br />
Thésée et Aïon. Remarquablement conservées et<br />
désormais protégées par <strong>un</strong> toit, elles s’étendent sur<br />
plusieurs dizaines de mètres carrés.<br />
Antennes n° 131 - 2 ème Trimestre 2012 19
L’église de Paphos, en pur gothique du quinzième<br />
siècle, est bâtie sur des ruines remontant au<br />
quatrième. Elle est dédiée à la Vierge de<br />
la « Ville d’Or » (Chrysopolitissa), qui<br />
porte bien son nom. Cette église<br />
orthodoxe, au cœur des ruines mises à<br />
jour, a été confiée aux catholiques par le<br />
patriarche de l’<strong>île</strong>. Aussitôt, ceux-ci ont<br />
permis aux anglicans, luthériens et autres<br />
groupements protestants d’y célébrer leur<br />
culte. C’est donc <strong>un</strong> magnifique exemple<br />
d’œcuménisme qui nous est offert sur les<br />
lieux mêmes où Paul fut flagellé.<br />
Au terme d’<strong><strong>un</strong>e</strong> célébration intense, <strong>un</strong><br />
des membres de la paroisse nous<br />
présente le projet d’<strong>un</strong> centre d’accompagnement de<br />
personnes en fin de vie. Cette maison, bâtie sur les<br />
hauteurs de <strong>Chypre</strong> et propriété du patriarcat<br />
catholique de Jérusalem devrait fonctionner dès cette<br />
année et accueillir initialement 18 personnes. Le<br />
projet est quasiment terminé et a rassemblé plus de<br />
deux millions d’Euros. L’exemple d’<strong><strong>un</strong>e</strong> foi « non en<br />
paroles seulement, mais en actes et en vérité » nous<br />
montre <strong>un</strong> autre visage de l’Église… La fête de<br />
l’Ascension est la fête de la Responsabilité, rappelle le<br />
père Pierre : le Christ ne s’évade pas du monde, il est<br />
« présent, avec nous, tous les jours jusqu’à la fin du<br />
monde » mais il nous rend responsables de son<br />
message et des fruits de la Rédemption : « Tout<br />
pouvoir m’a été donné, au ciel et sur la terre, allez<br />
donc, enseignez toutes les nations… ». Dans la<br />
liturgie du jour, saint Paul rappelle que « les dons<br />
que Dieu fait aux hommes, ce sont d’abord les<br />
apôtres et les missionnaires de l’Évangile » sommesnous<br />
<strong>un</strong> cadeau pour les autres, <strong>un</strong> don de Dieu ? La<br />
finale de l’Évangile de Marc nous dit que « celui qui<br />
croira et sera baptisé sera sauvé », mais sommesnous<br />
crédibles ? Sommes-nous de vrais témoins de<br />
l’Évangile ? Sommes-nous le visage du Christ pour<br />
ceux qui nous regardent ? Sans cela, comment<br />
pourront-ils croire ? Là réside notre responsabilité : le<br />
fait d’être chrétiens n’est pas <strong>un</strong> privilège, mais <strong><strong>un</strong>e</strong><br />
mission, qui n’est pas optionnelle… acceptons-nous<br />
d’être le Visage du Christ, don de Dieu offert aux<br />
autres ? … Le pilier où saint Paul fut flagellé, juste<br />
devant l’église, confirme l’actualité de ces paroles et<br />
la radicalité de la mission qui nous est confiée.<br />
De retour à l’hôtel, <strong>un</strong> beau partage sur « la mission<br />
du chrétien » permet à quelques-<strong>un</strong>s de parler de<br />
leur mission ou de dire leurs appréhensions devant<br />
cette responsabilité qu’est la vie chrétienne.<br />
Bernadette, Horst et Sigrid, Marie-Bernadette,<br />
20 Antennes n° 131 - 2 ème Trimestre 2012<br />
Hélène, Michel et Geneviève, Mireille, Evelyne…<br />
témoignent de l’œuvre immense à laquelle Dieu ne<br />
cesse de nous associer.<br />
Une conclusion s’impose : le besoin de l’Esprit<br />
Saint pour réaliser davantage l’invitation du Christ,<br />
« pour accomplir Son œuvre et non <strong><strong>un</strong>e</strong> œuvre<br />
pour Lui, qui ne serait que la nôtre », comme le<br />
souligne Horst. C’est donc tout naturellement que<br />
nous commençons notre neuvaine à l’Esprit, avant<br />
la Pentecôte, confiants dans la « Force d’en-haut »<br />
promise par le Christ afin d’être ses « témoins<br />
jusqu’au bout de la terre ».<br />
18 mai : Kykkos,<br />
le « Lourdes » chypriote<br />
ondé en 1100 sous Alexis Comnène, le<br />
F monastère de Kykkos abrite <strong><strong>un</strong>e</strong> icône<br />
attribuée à saint Luc, précau-tionneusement<br />
cachée sous <strong>un</strong> voile. La légende veut que<br />
l’ermite Isaïas, considéré comme <strong>un</strong> saint,<br />
ait rencontré <strong>un</strong> jour le gouverneur de l’<strong>île</strong>,<br />
Voutoumitis, qui chassait par là. Avec<br />
affabilité l’ermite salua son visiteur comme<br />
il le faisait pour tous, mais celui-ci, fort de<br />
son prestige, y vit <strong>un</strong> crime de lèse-majesté<br />
et exigea des excuses. Le moine refusa, répondant<br />
que tous sont égaux devant Dieu. Voutoumitis<br />
repartit furieux et désireux de se venger. Mais il<br />
tomba malade et <strong>un</strong> songe lui révéla que seul Isaias<br />
pouvait le guérir, s’il s’excusait, lui, pour son attitude<br />
orgueilleuse. C’est par cet acte d’humilité qu’il fut<br />
guéri de sa maladie. Quelque temps plus tard,<br />
Voutoumitis fut appelé à Constantinople. Or la fille de<br />
l’empereur souffrait de la maladie dont avait été guéri<br />
le gouverneur. Voutoumitis suggéra au monarque de<br />
faire venir l’ermite. Effectivement les prières du saint<br />
obtinrent la guérison de la princesse. L’empereur<br />
voulut récompenser Isaïas qui, fort d’<strong><strong>un</strong>e</strong> révélation,<br />
demanda l’icône de saint Luc conservée aux<br />
Blachernes. L’empereur, tenté de refuser, demanda<br />
<strong>un</strong> signe au ciel : il proposa à l’ermite trois icônes<br />
cachées sous <strong>un</strong> voile. Un songe avertit le vieux<br />
moine qu’<strong><strong>un</strong>e</strong> abeille se poserait sur l’icône originale<br />
et ainsi il la démasqua. Depuis lors, l’abeille est<br />
l’emblème du monastère de Kykkos.<br />
Cette belle histoire nous vaut <strong><strong>un</strong>e</strong> intéressante<br />
présentation de Br<strong>un</strong>o, apiculteur, sur l’élevage des<br />
abeilles… et quelques démonstrations pratiques !<br />
L’accès au sanctuaire, perdu dans les montagnes, est<br />
impressionnant, la route qui serpente sur les crêtes<br />
tourne et vire à l’envie, mais les foules se pressent en<br />
ce lieu lors des grandes fêtes.<br />
Richement orné, le monastère est<br />
couvert de peintures et de<br />
fresques, il possède <strong>un</strong> musée où<br />
les icônes et les objets de culte<br />
anciens sont remarquablement<br />
mis en valeur. Nous prenons le<br />
temps de nous recueillir et de<br />
nous laisser imprégner par les<br />
plus belles icônes.<br />
’est à Omodhos, que nous<br />
célébrons la messe. Le père<br />
C
Jean-François nous<br />
rappelle le sens de la<br />
liturgie : « nous laisser<br />
diviniser, de grâces en<br />
épreuves, tout au long<br />
de nos vies », si les<br />
épreuves ne manquent<br />
pas, elles nous sont <strong>un</strong><br />
appel à a fidélité car, comme dit Jean-Paul II, « la<br />
fidélité est le nom de l’amour avec le temps », <strong><strong>un</strong>e</strong><br />
invitation à la patience pour ne pas entrer dans la<br />
trilogie « Grogne, rogne, trogne » !<br />
Jason, truculent aubergiste, nous sert <strong>un</strong> repas<br />
pantagruélique. Un bon verre de « Commandaria »<br />
vient couronner le tout. Et tout finit par <strong>un</strong> sirtaki,<br />
dansé par les participants, à l’ombre des tonnelles ! À<br />
quelques pas de là, les rues du village, avec leur<br />
pressoir, la placette pavée de galets et le monastère<br />
de la Sainte-Croix, nous enchantent. Un vieux pope<br />
empli de bonté, nous attend dans son église.<br />
Il nous chante d’<strong><strong>un</strong>e</strong> belle voix grave <strong>un</strong> hymne de<br />
résurrection, pensant que le chant est le meilleur<br />
langage pour comm<strong>un</strong>iquer sa foi quand on ne parle<br />
pas la même langue. Nous<br />
vénérons la relique de la Sainte<br />
Croix et le crâne de saint Philippe<br />
dont s’enorgueillit l’église, avant<br />
de repartir à l’assaut des ruelles…<br />
19<br />
A<br />
mai : La région de Limassol<br />
l’église Sainte-Catherine de<br />
Limassol, nous sommes<br />
accueillis par les franciscains.<br />
Aujourd’hui, saint Luc, dans les<br />
Actes des Apôtres, nous rappelle que l’Évangile est<br />
<strong><strong>un</strong>e</strong> « Voie » à parcourir, pas <strong><strong>un</strong>e</strong> doctrine à étudier…<br />
Proche de Limassol, la ville antique de Kourion<br />
possède <strong>un</strong> théâtre gréco-romain et <strong>un</strong> vaste<br />
domaine romain y a été mis à jour, la villa<br />
d’Eustolios. À l’ombre des grands Jakaranda bleumauve,<br />
de splendides mosaïques témoignent de la<br />
conversion au christianisme de cette famille au début<br />
du IV e siècle. Tout proche, le temple d’Apollon<br />
Hylates (forestier) dresse fièrement ses dernières<br />
colonnes, là où <strong>un</strong> jardin sacré permettait de vénérer<br />
la force de la nature exprimée dans la variété des<br />
arbres. Nous traversons les plantations d’agrumes de<br />
Phassouri pour rejoindre le château de Kolossi,<br />
construit par Richard Cœur de Lion. Ce trésor<br />
d’architecture militaire fut le quartier général des<br />
chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Non loin de là,<br />
nous dégustons sur la plage les spécialités<br />
maritimes : poissons et poulpes en abondance face<br />
aux vagues…<br />
L’après-midi, nous sommes reçus par l’évêque<br />
orthodoxe de Limassol, Athanasios II. Au-delà de<br />
l’affabilité du prélat, nous ressentons son profond<br />
sens de la liturgie et sa douleur de la séparation<br />
entre Églises. Ancien abbé du monastère de<br />
Makheras (visité le premier jour), il a su s’adapter à<br />
la vie active que le choix de Dieu lui a demandé, mais<br />
il porte en lui <strong><strong>un</strong>e</strong> nostalgie, <strong><strong>un</strong>e</strong> intériorité qui ne<br />
trompe pas : il a su demeurer moine au milieu du<br />
monde. Le temps semble s’être arrêté et l’archevêque<br />
lui-même n’est pas pressé d’en finir avec nous. Bien<br />
sûr, boissons fraîches et biscuits chypriotes sont<br />
apportés par <strong>un</strong> moine secrétaire, hospitalité oblige.<br />
Mais nous n’avons vraiment pas faim et l’intérêt est<br />
ailleurs. Nous percevons trop bien que la différence<br />
de mentalité qui nous sépare pourrait nous <strong>un</strong>ir si<br />
nous acceptions nos complémentarités. Certes, nous,<br />
occidentaux, sommes plus enclins à l’œuvre sociale,<br />
mais le recentrage du clergé sur l’essentiel : respect<br />
de la liturgie et nécessité de la prière, n’est-il pas <strong>un</strong><br />
appel ou <strong>un</strong> rappel puissant à l’intimité avec Dieu qui<br />
doit demeurer la source de toute action ? Après nous<br />
avoir bénis, l’évêque nous raccompagne jusqu’au<br />
seuil de sa résidence… Présent jusqu’au bout à<br />
l’hospitalité offerte, il salue le car qui s’éloigne…<br />
20 mai : Kitti et sa mosaïque du VI e siècle<br />
our ce dernier matin en terre chypriote, la<br />
P liturgie nous gâte : « Comme le Père m’a envoyé<br />
dans le monde, je vous envoie... Le Père lui-même<br />
vous aime parce que vous m’aimez… Demandez en<br />
mon nom… » Le pèlerinage voulait nous aider à<br />
prendre conscience de cette<br />
vocation de « chargés de<br />
mission », propre aux chrétiens, à<br />
la suite de saint Paul et de saint<br />
Barnabé… Le Christ lui-même nous<br />
le rappelle au terme du voyage.<br />
Une dernière halte à Kiti, dans<br />
l’Église « faite par les anges »<br />
avec sa mosaïque de chœur du VI e<br />
siècle nous permet d’assister à <strong>un</strong><br />
baptême, dans cette merveilleuse<br />
construction qui allie <strong><strong>un</strong>e</strong> nef romane et <strong><strong>un</strong>e</strong> nef<br />
gothique avec <strong>un</strong> chœur byzantin. Image, peut-être,<br />
d’<strong><strong>un</strong>e</strong> <strong>un</strong>ité à vivre dans la diversité. Finir par <strong>un</strong><br />
baptême, n’est-ce pas encore <strong><strong>un</strong>e</strong> fois prendre<br />
conscience que le baptême fait de nous des témoins,<br />
parce qu’il nous a établi « prêtres, prophètes et<br />
rois » ? Cette mosaïque qui n’a d’équivalent qu’à<br />
Ravenne nous rappelle que, si notre vie n’est qu’<strong><strong>un</strong>e</strong><br />
petite tesselle dans la grande œuvre de Dieu,<br />
l’important est qu’elle soit à sa place…<br />
L’au-revoir de Christina est bouleversant : elle nous<br />
remercie d’avoir été pour elle le visage du Christ,<br />
selon l’expression perçue lors d’<strong><strong>un</strong>e</strong> de nos homélies<br />
qu’elle n’oubliera jamais… Elle avoue avoir pleuré à<br />
chaque messe, sûre que c’était l’Esprit Saint qui lui<br />
faisait ce don, et se sent rechargée, propulsée dans<br />
sa foi par cette semaine. Par sa délicatesse<br />
fraternelle, elle nous fait prendre conscience qu’audelà<br />
du témoignage personnel, « c’est à l’amour que<br />
vous aurez les <strong>un</strong>s pour les autres qu’on vous<br />
reconnaitra comme mes disciples ». Oui, le passage<br />
de Paul, Barnabé et Marc a profondément ancré la<br />
présence chrétienne dans l’<strong>île</strong> de <strong>Chypre</strong> et nous<br />
l’avons ressentie. Selon les belles paroles du curé<br />
d’Ars : « Là où les saints passent, Dieu passe avec<br />
eux ». Puisse notre vie devenir pour les autres <strong>un</strong><br />
« passage de Dieu ». N’en sommes-nous pas les<br />
porteurs ?<br />
Quel beau pèlerinage. A chaque Eucharistie, les pères<br />
Antennes n° 131 - 2 ème Trimestre 2012 21
Témoignages de pèlerins...<br />
Pierre et Jean-François nous ont confirmé dans notre foi.<br />
L’<strong>un</strong>ité du groupe de 27 pèlerins dans la joie, la découverte<br />
de nombreuses icônes, l’accueil des moines et de l’évêque<br />
nous ont fait prendre conscience d’<strong><strong>un</strong>e</strong> autre mission,<br />
toujours dans l’amour de Dieu et l’Espérance.<br />
Marcelle et Léontine<br />
Ce voyage a été <strong>un</strong> ressourcement spirituel par la beauté<br />
des sites, la vie fraternelle vécue dans la comm<strong>un</strong>ion au<br />
Christ : bienveillance mutuelle, attention, ferveur durant<br />
les offices, temps de prière et joie d’être enfants d’<strong>un</strong><br />
même Père. La messe près de la colonne de saint Paul restera <strong>un</strong> temps fort, pour avoir montré l’effort d’<strong>un</strong>ité<br />
des chrétiens en marche…. Anne-Françoise<br />
S’il fallait <strong>un</strong> seul mot pour résumer ce voyage, ce serait « icône ». Partout rencontrées, elles nous disent<br />
quelque chose de la beauté de Dieu. Les fresques dans les petites chapelles de montagne nous rendent<br />
contemporains des saints et nous suggèrent leur présence invisible à nos côtés dans la prière. Les icônes sont<br />
des regards échangés, <strong><strong>un</strong>e</strong> plongée du regard dans l’invisible. Icônes aussi tous ces visages de moines, de<br />
prêtres et d’évêque que l’on devinait habités par <strong><strong>un</strong>e</strong> présence intérieure. Icones enfin la présence de Jésus par<br />
ces frères et sœurs donnés pendant ces quelques jours… J’aurais <strong>un</strong> second mot, celui de « Mission » : l’Esprit<br />
Saint et le père Pierre ont décidé de nous secouer et de nous envoyer… Merci ! Geneviève<br />
Une chrétienté vivante, dans laquelle le réflexe de Dieu va de soi. L’Eglise orthodoxe y est pacifique, le<br />
témoignage des prêtres et des moines rencontrés, magnifique. Emerveillement devant ces fresques qui<br />
transmettent depuis des siècles le message de l’Evangile… Au monastère de Kykos, le regard du Christ, à<br />
travers <strong><strong>un</strong>e</strong> icône du XIIIème siècle, me fixe longuement. A saint Néophyte, c’est la démarche du saint qui<br />
cherche jusque dans l’antiquité <strong><strong>un</strong>e</strong> confirmation à son chemin qui me frappe. Les textes liturgiques nous<br />
rappelaient les premiers temps de l’évangélisation, quelle belle coïncidence ! Nous avons « croisé » Paul,<br />
Barnabé, Apollos… Priscille et Aquila qui nous amènent à réfléchir sur l’évangélisation du couple. Merci pour ces<br />
beaux échanges qui nous disent notre mission : « Etre des instruments animés par le souffle de l’Esprit qui<br />
transmettent la Parole de Dieu ». Michel<br />
Quel Paradis que cette <strong>île</strong> ! Cela fait du bien d’être chez Marie (après avoir été chez<br />
Aphrodite). Une leçon de paix et d’accueil malgré <strong>un</strong> contexte douloureux…<br />
Anne-Béatrice<br />
Encore <strong>un</strong> voyage-pèlerinage où l’on peut chanter la gloire du Seigneur et sa joie.<br />
Tant de beauté dans ces paysages, depuis la côte, vers Paphos et Kourion,<br />
jusqu’au Troodos. Tant de ferveur et de vie dans ces fresques des chapelles de<br />
montagne. Un patrimoine magnifique, des<br />
rencontres fraternelles en des lieux si divers, la<br />
gentillesse et la compétence des guides. Merci<br />
pour cette étape sur les pas de Paul et Barnabé<br />
et pour ce voyage paisible sur notre « Mer<br />
intérieure »…<br />
Mireille<br />
Je retrouve le calme, la paix, la sérénité.<br />
Touchée par l’atmosphère amicale, bienveillante<br />
et discrète du groupe, de nos « Pères<br />
accompagnateurs », des rencontres avec les<br />
responsables de l’Eglise. La découverte des<br />
fresques et de leur interprétation m’a<br />
passionnée, je vais désormais mieux apprécier les icônes… Tout cela me fait<br />
chanter d’allégresse, pour toutes ces grâces à tout moment, y compris pour le<br />
confort matériel qui n’est pas négligeable non plus !<br />
Anne-Marie<br />
22 Antennes n° 131 - 2 ème Trimestre 2012
Qualité de l’accueil, gentillesse, ouverture, disponibilité de tous ceux qui<br />
nous ont reçus. Qualité du travail de Christina (guide), en plus de son<br />
professionnalisme, son écoute, son adaptation et sa participation à la<br />
vie du groupe. L’œcuménisme en marche à Paphos : <strong><strong>un</strong>e</strong> église prêtée<br />
par les orthodoxes aux catholiques qui, à leur tour, accueillent les autres<br />
confessions et tous ensemble participent à l’édification d’<strong><strong>un</strong>e</strong> maison<br />
pour les malades en fin de vie… belle leçon ! Évelyne<br />
Ces personnages alignés dans les fresques des petites églises, à notre<br />
niveau, nous entourent et nous accueillent de leur regard profond. La<br />
contemplation s’élève et voici les scènes bibliques, puis le carré terrestre<br />
se transforme en cercle céleste, en passant par les 4 évangélistes ou les<br />
12 apôtres, et nous arrivons au Pantocrator, au fond de la coupole,<br />
parfois sombre mais dont les yeux sont si attirants ! Ce Christ-Oméga,<br />
terme de notre parcours, soutient toute la création et lui donne sa<br />
cohérence. Nous sommes tous responsables de cette montée vers<br />
l’Esprit en Église. J’ai aimé ce langage de Foi dans ses trois dimensions :<br />
Croyance, confiance, engagement. Jean-Claude<br />
Rencontre avec ce petit moine Josif, à Macheras, accueil, simplicité profondément « évangélique ». Profonde<br />
émotion devant les icônes « ressenties » dans mon cœur. La vénération de la Vierge à Kykos m’a touchée, en<br />
ces lieux où tout témoigne de la foi d’<strong>un</strong> peuple… Hélène<br />
Merci… La rencontre avec le père Humberto : <strong><strong>un</strong>e</strong> force intérieure, donnée par la foi, la bonté, la sérénité qui<br />
émanent de lui lorsqu’il explique que, même s’il y a peu de paroissiens, il est là pour les accueillir, quel exemple<br />
d’humilité pour nous ! La célébration dans l’église de Paphos et les homélies ont fait résonner en moi les paroles<br />
de Benoit XVI à Nicosie, dans l’église de la Sainte-Croix où nous avons célébré près des barbelés : « La Croix<br />
parle d’espérance, elle parle d’amour, elle parle de la victoire de la non-violence sur l’oppression. Elle dit que<br />
Dieu relève celui qui est humble, qu’il glorifie le faible, qu’il triomphe des divisions et surmonte la haine par<br />
l’amour. Un monde sans la Croix serait <strong>un</strong> monde sans espérance, <strong>un</strong> monde dans lequel la torture et la<br />
brutalité seraient sans contrôle, où la faiblesse serait exploitée et l’avidité aurait le dernier mot, l’inhumanité de<br />
l’homme pour l’homme se manifesterait de façon toujours plus horrible et il n’y aurait auc<strong><strong>un</strong>e</strong> fin au cercle<br />
vicieux de la violence. Seule la Croix y met fin ». Danièle<br />
Ce voyage a été riche en impressions et en rencontres. Celle de Notre-Dame des Anges de<br />
Larnaka avec ce vieux père Franciscain m’a marqué, par sa paix intérieure, son abandon total à<br />
Dieu, dans le dénuement d’<strong><strong>un</strong>e</strong> église presque vide au fil de la semaine mais débordante de<br />
je<strong><strong>un</strong>e</strong>s travailleurs étrangers le dimanche. Les franciscains sont là, fidèles dans la foi,<br />
accueillants et rayonnants d’<strong><strong>un</strong>e</strong> invincible espérance. À Paphos aussi, le père Jim a ouvert à<br />
toutes les confessions l’église que lui prêtent les orthodoxes. Et c’est là que saint Paul est venu<br />
lors de sa première mission, qu’il a été flagellé… nous y avons célébré en ce jour de l’Ascension<br />
qui était aussi l’anniversaire de mon baptême, au cours de ce pèlerinage d’ « envoi en<br />
mission », quelle grâce ! Je rends grâce pour tant de trésors reçus… à partager…<br />
Anne<br />
Sur les pas de saint Paul et de Barnabé, cap sur <strong>Chypre</strong> ! Je tente d’égrener les noms de lieux,<br />
de monastères et d’églises, tous ces visages qui les habitent et ont croisé notre route de<br />
pèlerinage… D’étape en étape, j’ai compris que Dieu veille sur moi et que le ciel me guide ; que Marie me tient<br />
par la main. Auparavant les choix m’appartenaient, désormais je<br />
dois me laisser guider. Et comme Dieu est plein d’humour, je<br />
reçois plein de clins d’œil au cours du pèlerinage pour me dire<br />
que mes prières sont entendues… Merci, « Evkaristo » à tous<br />
ceux qui nous ont ouvert « La Voie »…<br />
Corinne<br />
« Seigneur, donne-moi, donne-nous ton Esprit d’amour. Qu’il<br />
nous fasse te reconnaitre dans l’autre, dans tous ceux que tu<br />
aimes, que tu as créés différents pour l’<strong>un</strong>iversalité de ton Église.<br />
Ouvre nos cœurs, élargis nos frontières à ceux qui ne te<br />
connaissent pas pour qu’à travers nous ils te reconnaissent et<br />
t’aiment comme tu les aimes ». Un pèlerin<br />
Antennes n° 131 - 2 ème Trimestre 2012 23