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Comptes rendus sur la littérature ancienne et moderne de toutes les ...

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Notes du mont Royal<br />

www.notesdumontroyal.com<br />

Ceci est une œuvre tombée<br />

dans le domaine public, <strong>et</strong><br />

hébergée <strong>sur</strong> « Notes du mont<br />

Royal » dans le cadre d’un exposé<br />

gratuit <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>littérature</strong>.<br />

Source <strong>de</strong>s images<br />

Google Livres


BIBLIOTHEQUE<br />

LATINE-FRANCAISE<br />

PUBLIÉE<br />

. i<br />

C. L. F. PANCKOUCKE.


PARIS.— IMI>RIBIBRIB DB C. L. F. PAWCXOUCKE,<br />

Rue <strong>de</strong>s Poitefins, n. x4-


ŒUVRES<br />

COMPLÈTES<br />

D'OVIDE<br />

TRADUCTION NOUVELLE<br />

PAR MM. TH. BURETTE, CARESME? CSAPPUYZI,<br />

J. P. CHARPEHTIER , Gmos, HéGUIW DE GUEULE,<br />

MAWGBART, VEUHADé.<br />

TOME DIXIEME.<br />

PARIS<br />

C. L. F. PANCKOUCKE<br />

1EMBRE Dl L'OIDRE BOYAÎ, DE LA LBGIOR D*HOV M «Cil<br />

EDITEUR, RUE DES PÔ1TEVIHS W° l/§<br />

M DCCC XXXVI. ', - *


PONTIQUES<br />

TRADUCTION NOîî¥ELLS<br />

PAR M. N. CARESME<br />

rRÛFESSEim DE BHITO&IQUE AU COLLEGE ROYAL<br />

BE BOURGI&.


INTRODUCTION.<br />

OVIDE a peint d'un mot sa vocation merveilleuse pour <strong>la</strong><br />

poésie :<br />

Quidquid tentabam scribere versos erat.<br />

Le même vers eût pu lui servir à peindre <strong>la</strong> faib<strong>les</strong>se qu'il<br />

montra dans son exil chez <strong>les</strong> Scythes; il eût suffi d'y faire<br />

un léger changement <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'écrire ainsi :<br />

Quidquid teotabaoi scribere qoestos erat.<br />

Car, <strong>de</strong>puis son départ <strong>de</strong> Rome, il ne trouva plus <strong>de</strong> paro<strong>les</strong><br />

que pour <strong>la</strong> p<strong>la</strong>inte, plus d'inspiration que dans <strong>la</strong> douleur.<br />

D'autres exilés n'ont point montré <strong>la</strong> même faib<strong>les</strong>se : ils<br />

ont éîé forts dans <strong>la</strong> disgrâce, ou du moins ils ont pu renfermer<br />

leur douleur au fond <strong>de</strong> leur âme <strong>et</strong> souffrir avec dignité,<br />

ce qui est encore <strong>de</strong> <strong>la</strong> force.<br />

Ovi<strong>de</strong>, au contraire, manque lout-à-fait au respect qu'on<br />

se doit à soi-même, <strong>sur</strong>tout dans le malheur ; il souffre, c'est<br />

déjà beaucoup pour un homme <strong>de</strong> cœur; mais ce n'est pas<br />

assez pour lui : il veut que tout le mon<strong>de</strong> sache combien il<br />

souffre ; il étale ses b<strong>les</strong><strong>sur</strong>es, il <strong>les</strong> compte; il se p<strong>la</strong>ît à multiplier<br />

<strong>les</strong> témoignages <strong>de</strong> sa faib<strong>les</strong>se ; il ne dit même pas,<br />

comme <strong>la</strong> Phèdre <strong>de</strong> Racine :<br />

Je te <strong>la</strong>isse trop voir mes bonté uses doolears.<br />

Non; car il ne trouve point <strong>de</strong> honte à souffrir ni à se p<strong>la</strong>indre,<br />

<strong>et</strong> si, dans quelques-unes <strong>de</strong> ses l<strong>et</strong>tres, il avoue qu'il


INTRODUCTION. iij<br />

rougit <strong>de</strong> redire cent fois là môme chose, ce n'est point par<br />

un r<strong>et</strong>our au sentiment <strong>de</strong> sa dignité personnelle, c'est parce<br />

qu'il a reconnu l'inutilité <strong>de</strong> ses p<strong>la</strong>intes <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses prières tant<br />

<strong>de</strong> fois répétées.<br />

C<strong>et</strong>te faib<strong>les</strong>se <strong>de</strong> sa part n'est point un mystère difficile à<br />

comprendre : Ovi<strong>de</strong> était l'homme du mon<strong>de</strong> qui avait le<br />

moins <strong>de</strong> morgue <strong>et</strong> <strong>de</strong> prétention à <strong>la</strong> dignité ; un beau génie<br />

<strong>et</strong> une âme assez commune, voilà son lot à lui comme à<br />

Cicéroo. Il avait précisément tout ce qu'il fal<strong>la</strong>it pour p<strong>la</strong>ire<br />

dans <strong>la</strong> société romaine au temps d'Auguste, <strong>et</strong>, pour s'y p<strong>la</strong>ire,<br />

une nature franche, expansive <strong>et</strong> sensuelle, une organisation<br />

nerveuse <strong>et</strong> impressionnable, un certain <strong>la</strong>isser-aller dans <strong>les</strong><br />

mœurs, une certaine faib<strong>les</strong>se <strong>de</strong> caractère dont ses ouvrages<br />

portent partout l'empreinte; l'amour <strong>de</strong>s femmes, d'ailleurs,<br />

le goût du luxe, un épicuréisme élégant, <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s mol<strong>les</strong><br />

<strong>et</strong> efféminées : ces choses ne vont pas d'ordinaire avec <strong>la</strong> force<br />

d'âme, <strong>et</strong> n'impliquent pas un fort sentiment <strong>de</strong> dignité personnelle.<br />

Ovi<strong>de</strong> n'était pas un stoïcien, pour dire à <strong>la</strong> douleur :<br />

« Tu n'es pas un mal. » L'auteur <strong>de</strong>s Amours, <strong>de</strong> l'Art d'aimer,<br />

<strong>de</strong>s Méroï<strong>de</strong>s, <strong>et</strong>c., qui avait publiquement avoué tant <strong>de</strong> peines<br />

amoureuses, pouvait tout aussi bien confesser <strong>les</strong> (ourmens<strong>de</strong><br />

son exil : c<strong>et</strong>te faib<strong>les</strong>se <strong>de</strong> sa part ne <strong>de</strong>vait étonner personne.<br />

Pour lui, <strong>la</strong> question du bien-être dominait le sentiment <strong>de</strong> sa<br />

dignité personnelle, comme son amour-propre <strong>de</strong> poète ; el<br />

lui-môme le fait assez entendre, quand il dit que sa position<br />

présente n'est pas assez bonne pour lui <strong>la</strong>isser le souci <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

gloire.<br />

Non îi<strong>de</strong>o est ben€ nu oc ut sil mihi gloria cure.<br />

Les mêmes causes qui l'empêchèrent <strong>de</strong> souffrir avec dignité,<br />

c'est-à-dire en silence, <strong>de</strong>vaient lui rendre c<strong>et</strong> exil insupportable.<br />

De quoi se p<strong>la</strong>int-il dans <strong>toutes</strong> ses l<strong>et</strong>tres? du<br />

froid , du climat affreux , <strong>de</strong> <strong>la</strong> solitu<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>s mœurs sauvages<br />

qui l'environnent. Gâfé par le doux ciel <strong>de</strong> l'Italie, délicat<br />

<strong>et</strong> maigre, af<strong>la</strong>ibli d'ailleurs par <strong>la</strong> débauche, il fria-


jv . INTRODUCTION,<br />

soene <strong>et</strong> tremble-sous le vent g<strong>la</strong>cé du nord, en présence<br />

d'une nature effrayante <strong>et</strong> ennemie <strong>de</strong> Fhomme. Là, plus <strong>de</strong><br />

frais ombrages sous un ciel <strong>de</strong> feu, plus <strong>de</strong> nuits tiè<strong>de</strong>s <strong>et</strong><br />

parfumées, plus <strong>de</strong> chants d'amour, plus <strong>de</strong> douces causeries,<br />

plus '<strong>de</strong> bel<strong>les</strong> femmes ne respirant que pour le p<strong>la</strong>isir ;<br />

autour <strong>de</strong> lui,' <strong>la</strong> neige qui couvre <strong>la</strong> terre comme d'un linceul<br />

<strong>de</strong> mort ; <strong>les</strong> g<strong>la</strong>ces du Danube, le vent qui mugit à travers<br />

<strong>les</strong> arbres dépouillés, <strong>la</strong> flèche du Scythe qui siffle dans<br />

l'air, <strong>et</strong>, plus que tout ce<strong>la</strong>, une société froi<strong>de</strong>, pauvre, <strong>et</strong><br />

ra<strong>de</strong> comme le ciel du Nord, qui ne le comprend pas, <strong>et</strong> pour<br />

<strong>la</strong>quelle il confesse lui-môme qu'il est un Barbare :<br />

Barbares hic ego sum quia non intelligor illis.<br />

Faut-il s'étonner <strong>de</strong> ses p<strong>la</strong>intes <strong>et</strong> blâmer sa douleur? en<br />

vérité, nous n'en avons pas <strong>la</strong>'force. Nous regr<strong>et</strong>tons, sans<br />

doute, que ce bel-esprit n'ait pas su se créer <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> habitu<strong>de</strong>s<br />

, se concentrer, se replier <strong>sur</strong> lui-même, <strong>et</strong> profiter<br />

<strong>de</strong> son exil pour se donner, par le travail <strong>et</strong> <strong>la</strong> solitu<strong>de</strong>, c<strong>et</strong>te<br />

correction, ce goût, c<strong>et</strong>te pur<strong>et</strong>é qu'il n'avait pu acquérir dans<br />

le tourbillon <strong>de</strong> <strong>la</strong> société romaine ; nous sommes fâchés <strong>de</strong><br />

le voir vivre <strong>sur</strong> son passé, se nourrir <strong>de</strong> regr<strong>et</strong>s, se consumer<br />

dans une vaine espérance; <strong>de</strong> le voir s'éteindre, en un<br />

mot, comme une p<strong>la</strong>nte dont <strong>la</strong> vie ou <strong>la</strong> mort sont attachées<br />

à <strong>de</strong>s influences <strong>de</strong> sol <strong>et</strong> <strong>de</strong> climat : mais nous concevons<br />

qu'il est difficile à cinquante ans <strong>de</strong> refaire sa vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> j<strong>et</strong>er<br />

<strong>sur</strong> un p<strong>la</strong>n nouveau.<br />

Les Politiques, remarquab<strong>les</strong> d'ailleurs par l'étonnante facilité<br />

du style, comme tous <strong>les</strong> ouvrages du môme auteur,<br />

sont un fruit <strong>de</strong> sa vieil<strong>les</strong>se <strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout <strong>de</strong> son exil. On sent<br />

que le ciel du Nord, en éteignant le feu <strong>de</strong> ses passions, n<br />

refroidi sa verve poétique : son imagination est riche encore<br />

, mais elle est pâle <strong>et</strong> quelquefois sombre. Le poète le<br />

sentait lui-même : il se p<strong>la</strong>int en plusieurs endroits que<br />

L'inspiration lui manque ; il n'a point <strong>de</strong> lecteurs pour app<strong>la</strong>udir<br />

ses vers, <strong>et</strong> tout ce qu'il écrit le décourage en ne lui


INTRODUCTION. v<br />

révé<strong>la</strong>nt que trop <strong>la</strong> triste défail<strong>la</strong>nce <strong>de</strong> son génie. Cependant,<br />

comme l'observe avec raison M. Charpentier, dans su<br />

Biographie d'Ovi<strong>de</strong>, il faut bien se gar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> croire qu'il soit<br />

tombé aussi basque notre grand lyrique, qui fit tant <strong>de</strong> mauvais<br />

vers en Allemagne. Le caractère <strong>de</strong> J.-B. Rousseau se<br />

montra plus ferme dans l'exil ; mais le génie d'Ovi<strong>de</strong> résista<br />

t mieux à son influence.<br />

Ce qu'on regr<strong>et</strong>te <strong>sur</strong>tout dans <strong>les</strong> Ponliques, c'est que notre<br />

poète se soit si peu- i<strong>de</strong>ntifié avec <strong>les</strong> peup<strong>les</strong> parmi <strong>les</strong>quels il<br />

était forcé <strong>de</strong> vivre : P<strong>la</strong>ton j<strong>et</strong>ait un regard pénétrant <strong>et</strong> curieux<br />

<strong>sur</strong> <strong>la</strong> barbarie. Si Ovi<strong>de</strong> avait été philosophe, il eût pu,<br />

en comparant <strong>les</strong> mœurs romaines avec cel<strong>les</strong> <strong>de</strong>s ru<strong>de</strong>s <strong>et</strong> vigoureuses<br />

nations qu'il avait sous <strong>les</strong> yeux, <strong>de</strong>viner en partie<br />

le rôle qu'el<strong>les</strong> <strong>de</strong>vaient jouer plus tard, dans <strong>la</strong> vieil<strong>les</strong>se <strong>de</strong><br />

l'Empire : mais il croyait Rome éternelle, <strong>et</strong> celle foi profon<strong>de</strong><br />

ne lui perm<strong>et</strong>tait pas <strong>de</strong> chercher autre chose dans l'avenir.<br />

Bu reste, c'est mal à propos que, jusqu'ici, <strong>les</strong> éditeurs ont<br />

donné aux Pontiquês le titre à 9 Élégies : ce sont <strong>de</strong>s l<strong>et</strong>tres, <strong>et</strong><br />

même <strong>de</strong>s l<strong>et</strong>tres d'un intérêt grave pour l'auteur, puisque<br />

dans <strong>toutes</strong> il s'agit <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> affaire qu'il eût au<br />

mon<strong>de</strong>, son exil. Se rappeler au souvenir <strong>de</strong> ses amis, réchauffer<br />

leur zèle, exciter leur dévouement, gui<strong>de</strong>r l'inexpérience<br />

<strong>de</strong> sa femme, <strong>et</strong> enhardir sa timidité; f<strong>la</strong>tter Auguste, Livie,<br />

Tibère, Germanicus, toute <strong>la</strong> famille impériale ; faire connaître<br />

à Rome tout ce que fe besoin d'y revenir lui avait inspiré<br />

d'adu<strong>la</strong>tion basse <strong>et</strong> d'idolâtrie grossière : voilà l'obj<strong>et</strong><br />

réel <strong>de</strong> ces l<strong>et</strong>tres, dont <strong>la</strong> forme <strong>et</strong> le style seuls sont poétiques.<br />

Plusieurs <strong>de</strong> ces l<strong>et</strong>tres portent le cach<strong>et</strong> d'un grand désespoir<br />

<strong>et</strong> d'une tristesse profon<strong>de</strong> ; d'autres ne prouvent guère que<br />

l'ennui <strong>de</strong> l'auteur <strong>et</strong> le besoin <strong>de</strong> passer le temps à quelque<br />

chose ; lui-même ne s'en cache pas : n'aimant ni le jeu ni le<br />

vin, <strong>et</strong> ayant cessé d'aimer <strong>les</strong> femmes, ou plutôt <strong>de</strong> <strong>les</strong> rechercher,<br />

soit que cel<strong>les</strong> du pays n'eussent pas le don <strong>de</strong> lui<br />

p<strong>la</strong>ire, soit qu ? il craignît <strong>les</strong> caquels d'une p<strong>et</strong>ite ville, soit


vj INTRODUCTION,<br />

enfin que le climat, l'âge ou <strong>la</strong> raison l'eussent rendu plus<br />

honnête homme à c<strong>et</strong> égard ; privé <strong>de</strong> livres, <strong>et</strong> ne pouvant<br />

se livrer aux travaux <strong>de</strong> l'agriculture, qu'il aimait, il avoue<br />

naïvement que <strong>les</strong> heures lui pèsent, <strong>et</strong> qu'il est, comme dit<br />

Shakspearc, <strong>la</strong> proie du temps, to tke Urne a prey. C'est à ce<br />

besoin <strong>de</strong> se défendre contre l'ennui, que nous <strong>de</strong>vons <strong>la</strong> plupart<br />

<strong>de</strong> ces l<strong>et</strong>tres. Nous avons dit plus haut combien Ovi<strong>de</strong>,<br />

par son organisation nerveuse <strong>et</strong> sa nature expansive, avait<br />

besoin <strong>de</strong> mouvement, <strong>de</strong> brait, <strong>de</strong> vie extérieure <strong>et</strong> <strong>de</strong> vives<br />

émotions : c'était par conséquent l'homme le moins fait pour<br />

<strong>la</strong> solitu<strong>de</strong>, <strong>et</strong> qui offrait le plus <strong>de</strong> prise à l'ennui.<br />

Ce fut l'ennui sans doute, autant que le besoin <strong>de</strong> f<strong>la</strong>tter<br />

<strong>les</strong> maîtres <strong>de</strong> l'Empire, qui lui inspira l'idée <strong>de</strong> chanter <strong>les</strong><br />

louanges. d'Auguste en <strong>la</strong>ngue gétique. Lui-même s'accuse,<br />

en rougissant, du nom <strong>de</strong> poète qu'il s'est acquis chez <strong>les</strong><br />

Sarma<strong>les</strong>, <strong>et</strong> <strong>de</strong>s app<strong>la</strong>udissemens sauvages que <strong>la</strong> lecture <strong>de</strong><br />

son poëme excita parmi ses ru<strong>de</strong>s auditeurs ; mais <strong>la</strong> honte<br />

qu'il éprouve'à c<strong>et</strong> égard ne vient pas <strong>de</strong> l'excès d'abaissement<br />

où son exil <strong>et</strong> sa faib<strong>les</strong>se l'ont fait <strong>de</strong>scendre sous le<br />

rapport <strong>de</strong> <strong>la</strong> dignité morale : non ; ce-qui lui fait peine, c'est<br />

<strong>la</strong> manière dont il.emploie son temps chez <strong>les</strong> Scythes, <strong>et</strong><br />

<strong>sur</strong>tout le long temps qu'il a déjà passé dans leur pays. Le<br />

talent <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s vers dans <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue <strong>de</strong>s Gè<strong>les</strong> est un fruil<br />

amer <strong>de</strong> son exil ; s'il est <strong>de</strong>venu poète chez <strong>de</strong>s Barbares ,<br />

pœne po<strong>et</strong>a G<strong>et</strong>es, .c'est parce qu'il est <strong>de</strong>meuré long-temps<br />

chez eux ; c'est parce qu'il a oublié, jusqu'à un certain point,<br />

<strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue <strong>de</strong> Rome pour en apprendre une autre, <strong>et</strong> il sent<br />

profondément que celte gloire, acquise <strong>sur</strong> une terre où il<br />

craint d'avoir un jour un tombeau, ne le dédommage pas <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> gloire <strong>et</strong> du p<strong>la</strong>isir qu'il eût trouvés dans sa patrie.<br />

.Les p<strong>la</strong>intes éternel<strong>les</strong> d'Ovi<strong>de</strong> furent d'abord mal interprétées<br />

par <strong>les</strong> habitans <strong>de</strong> Tomes, qui lui en exprimèrent leur<br />

mécontentement. On verra au livre iv <strong>de</strong>s Portiques, l<strong>et</strong>t. 14,<br />

comment.il explique <strong>et</strong> justifie <strong>les</strong> paro<strong>les</strong> ou <strong>les</strong> vers dont ils<br />

croyaient avoir à se p<strong>la</strong>indre: ce n'est point d'eux qu'il a mal


INTRODUCTION. vi{<br />

parlé, maïs <strong>de</strong> leur pays. C<strong>et</strong>te justification paraît faible quand<br />

on lit <strong>les</strong> élégies 1 <strong>et</strong> 10 du livre v <strong>de</strong>s Tristes; mais <strong>les</strong> Gèîes<br />

s'en montrèrent contens; <strong>et</strong> Ovi<strong>de</strong>, énumérant <strong>les</strong> témoignages<br />

d'estime <strong>et</strong> d'intérêt qu'il reçut <strong>de</strong> ces peup<strong>les</strong>, dit que sa patrie<br />

même, <strong>et</strong> Sulmone sa ville natale , n'auraient pu faire<br />

davantage pour adoucir l'amertume <strong>de</strong> son exil.<br />

Ovi<strong>de</strong> mourut chez <strong>les</strong> Sarmates, sous le règne <strong>de</strong> Tibère,<br />

à l'âge d'environ cinquante-huit ou soixante ans : <strong>les</strong> dates ,<br />

<strong>sur</strong> ce point, sont diffici<strong>les</strong> à préciser. Voici son épi<strong>la</strong>plse ,<br />

trouvée dans le pays , près <strong>de</strong> Témeswar :<br />

FATUM NECESSITATES LEX.<br />

HIC S1TUS EST VATES QUEM DIVI CJESARIS ISA<br />

ÀUGUST1 PATE1A CEBERE JUSâlT HUMO.<br />

SJEPE MISER ¥OLUIT PATRIIS OCCUMBERE TERRIS ;<br />

SEB FBUSTRA; HUNC 1LLI FATA DRDEEE LOCUM.<br />

Ciofanus raconte qu'Isabelle, reine <strong>de</strong> Hongrie, fit voir à<br />

Bargeus une plume d'or <strong>sur</strong> <strong>la</strong>quelle était écrit : Ovidii Nmonis<br />

Ga<strong>la</strong>mm, <strong>et</strong> qu'elle estimait aussi précieuse qu'une relique. Ce<br />

fut à Taurinum, ville <strong>de</strong> <strong>la</strong> basse Hongrie, en Tannée 1540,<br />

que Bargeus vit ce souvenir, dont <strong>la</strong> conservation ne peut<br />

s'expliquer que par le respect <strong>de</strong>s peup<strong>les</strong> pour un génie bril<strong>la</strong>nt<br />

<strong>et</strong> malheureux.<br />

E. GEESLOU.


PUBLII OVIDII NASONIS<br />

EPISTOLARUM<br />

EX PONTO<br />

LIBER I.<br />

EPISTOLA PRIMA.<br />

BRUTO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Epislolâs, amicorum nomma m fronte gereiitês ; Bruto dicat> forsan ei<strong>de</strong>m,<br />

ad quem <strong>et</strong> Ciceronis varia exstant % nec nocivem esse menus doc<strong>et</strong> , quod<br />

in <strong>de</strong>plorando quadriennal! exsilio <strong>et</strong> pnedicandis Augusti <strong>la</strong>udibus vers<strong>et</strong>ur,<br />

peccaîiqiie weniam postuî<strong>et</strong>.<br />

J3îASOf Tomitanae jam non novus inco<strong>la</strong> terrœ?<br />

Hoc tibi <strong>de</strong> G<strong>et</strong>ïco H tore mittit opos :<br />

Si vacat, hospitio peregrinos, Brute, libellos<br />

Excipe? dumque aliquo, quolib<strong>et</strong> ab<strong>de</strong> loco.<br />

Publica non au<strong>de</strong>nt inter monumenta venïre,<br />

Ne suus hoc illis c<strong>la</strong>userit auctor iter.<br />

Ah ! quotïes dixi, c< certe nil turpe doc<strong>et</strong>is !<br />

Ite ; pal<strong>et</strong> castis versibus ille locos. »<br />

Non <strong>la</strong>men accè<strong>de</strong>nt : sed , ut adspicis ipse? <strong>la</strong>tere<br />

Sub Lare privato tutius esse putant.


PONTIQUES<br />

DE P. OVIDE<br />

LIVRE I.<br />

LETTRE- PREMIERE.<br />

A BRUTUS.<br />

ARGUMENT.<br />

Ovi<strong>de</strong> dédie à Brtitus Ses l<strong>et</strong>tres qu'il adresse nominativement à ses amis. IS<br />

ne peut lui nuire eu lui envoyant un ouvrage où il ne fait que déplorer<br />

son exil , chanter <strong>les</strong> louanges d'Auguste 9 <strong>et</strong> implorer son pardon.<br />

\JVIDE , dont le séjour à Tomes date déjà <strong>de</strong> loin, t'envoie<br />

c<strong>et</strong> ouvrage <strong>de</strong>s bords gétiques. Si tu en as le<br />

temps, Brutus, donne l'hospitalité à ces livres étrangers;<br />

accor<strong>de</strong>-leur une p<strong>la</strong>ce, n'importe <strong>la</strong>quelle, pourvu<br />

qu'ils en aient une. Ils n'oseot paraître dans <strong>les</strong> monumens<br />

consacrés aux l<strong>et</strong>tres , ils craignent que leur auteur<br />

ne leur en ferme l'entrée. Oh! que <strong>de</strong> fois j'ai répété:<br />

te As<strong>sur</strong>ément vous n'enseignez rien <strong>de</strong> hooteux; allez,<br />

<strong>les</strong> chastes vers ont accès en ces lieux ! » Les miens, cependant,<br />

n'osent en approcher; mais, tu le vois, ils<br />

croient qu'à l'abri d'un foyer domestique, ils trouve-<br />

i.


4 EX PONTO LIB. I, EPLST. I. (*• II -)<br />

Quaeris, ubï hos possis nullo componere <strong>la</strong>eso ?<br />

Qua st<strong>et</strong>erant artes, pars vacat il<strong>la</strong> tibi,<br />

Quid veniant, novitate roges fortasse sub ipsa :<br />

Accipe, quodcumque est, dummodo non sit amor.<br />

Invenies, quamvis non est miserabilis in<strong>de</strong>x,<br />

Non minus hoc iilo triste, quod ante <strong>de</strong>di :<br />

Rébus i<strong>de</strong>m , titulo differt ; <strong>et</strong> episto<strong>la</strong> cui sit<br />

Non occultato nomine missa, doc<strong>et</strong>.<br />

NEC VOS hoc vultis, sed nec prohibera potestis ;<br />

Musaque ad invitos ofBciosa venit.<br />

QUIGQUID id est, adjuoge meiâ : nihil impedit ortos<br />

Exsuie, servalis legibus, Urbe frui.<br />

Quod m<strong>et</strong>uas non est : Antonî scripta leguntur;<br />

Doctus <strong>et</strong> in promtu scrinia Brutus hab<strong>et</strong>.<br />

Nec me nominibus furiosus confero tantis :<br />

Saeva Deos -contra non ta-men arma tuli.<br />

Denique Caesareo, quod non <strong>de</strong>si<strong>de</strong>rat ipse,<br />

Non car<strong>et</strong> e nostris ullus honore liber.<br />

Si dubitas <strong>de</strong> me, <strong>la</strong>u<strong>de</strong>s admitte Deorum;<br />

Et carmen <strong>de</strong>mto nomine sume raeum.<br />

ADJUVAT in bello pacatae ramus -olivae :<br />

Pro<strong>de</strong>rit auctorefn pacis habere nihil ?<br />

Quum for<strong>et</strong> iEneae cervix. subjecta parenti,<br />

Dicitur ipsa viro f<strong>la</strong>mma dédisse viam.<br />

Fert liber iEnea<strong>de</strong>n : -<strong>et</strong> non iter omne patebit?<br />

At patrise pater hic ; ipsius ille fuit.


PONTIQUES, LIV. I, LETT. I. 5<br />

ront une r<strong>et</strong>raite plus sûre. Tu <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s où tu pourras<br />

<strong>les</strong> recevoir sans offenser personne? A <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce où était<br />

l'Art d'aimer : elle est libre maintenant Peut-être, à <strong>la</strong><br />

vue <strong>de</strong> ces bô<strong>les</strong> inattendus, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ras-tu quel motif<br />

<strong>les</strong> amène : reçois-<strong>les</strong> tels qu'ils se présentent, pourvu<br />

que ce soit sans amour. Le titre n'annonce pas <strong>la</strong> douleur;<br />

cependant, tu le verras, ils ne sont pas moins tristes<br />

que ceux qui <strong>les</strong> ont précédés. Le fond est le même,<br />

le titre seul diffère; <strong>et</strong> chaque l<strong>et</strong>tre, sans taire <strong>les</strong><br />

noms, porte avec elle son adresse.<br />

Ce<strong>la</strong> vous dép<strong>la</strong>ît, à vous, sans doute; mais vous ne<br />

pouvez l'empêcher, <strong>et</strong> ma muse courtoise vient vous<br />

trouver malgré vous.<br />

Quels que soient ces vers, joins-<strong>les</strong> à mes œuvres.<br />

Les enfans d'un exilé peuvent, sans violer <strong>les</strong> lois, rési<strong>de</strong>r<br />

à Rome. Tu n'as rien à craindre : on lit <strong>les</strong> écrits<br />

d'Antoine, <strong>et</strong> <strong>les</strong> œuvres du savant Brutus sont dans <strong>les</strong><br />

mains <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong>. Je n'ai pas <strong>la</strong> folie <strong>de</strong> me comparer<br />

à d'aussi grands noms ; <strong>et</strong> cependant je n'ai pas<br />

porté <strong>les</strong> armes contre <strong>les</strong> dieux. Enfin il n'est aucun dé<br />

mes livres qui ne ren<strong>de</strong> à César <strong>de</strong>s honneurs qu'il ne<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> pas lui-même. Si tu crains <strong>de</strong> me recevoir,<br />

reçois du moins <strong>les</strong> louanges <strong>de</strong>s dieux ; efface mon nom<br />

<strong>et</strong> prends mes vers.<br />

Le pacifique rameau <strong>de</strong> l'olivier protège au milieu<br />

<strong>de</strong>s combats: le nom <strong>de</strong> l'auteur même <strong>de</strong> <strong>la</strong> paix ne<br />

servirait-il <strong>de</strong> rien à mes livres? Quand Énée était courbé<br />

sous le poids <strong>de</strong> son père, on dit que' <strong>la</strong> f<strong>la</strong>mme ellemême<br />

livra passage au héros. C'est le p<strong>et</strong>it-fils d'Enée<br />

que porte mon livre; <strong>et</strong> tous-<strong>les</strong> chemins ne lui seraient<br />

pas ouverts? Auguste est le père <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie, Anchise<br />

n'est que le père d'Enée.


6 EX PONTO LIB. i, EPIST. I. (v. 37.)<br />

ECQUIS ita est audax, ut limine cogat abire<br />

Jactanteni Pharia tinou<strong>la</strong> sistra manu ?<br />

Aote Deum matrem cornu tibicen adunco<br />

Quum canit, exiguae quis stïpis aéra neg<strong>et</strong> ?<br />

Scimus ab imperio fierï nil taie Dianœ ;<br />

Un<strong>de</strong> tamen ¥Ïvat vaticinator hab<strong>et</strong>.<br />

Ipsa movent animos Soperorum numïoa eostros ;<br />

Turpe née est tali credulitate capi.<br />

EN ego , pro sistro, Phrygïique foramine buxi,<br />

Gentïs Iuleœ oomina sancta fero :<br />

Vaticinor mooeoque ; loeum date sacra ferenti :<br />

"Non mihi , sed magoo poscitur ille Deo.<br />

Nec, quia vel merui, vel sensi principis iram,<br />

A nobis ipsum nolle putate coli.<br />

Yidi ego linigerae numen vio<strong>la</strong>sse fateotem<br />

Isidis , Isiacos ante se<strong>de</strong>re focos :<br />

Aller, ob hiïic similem priva tus lumine culpam,<br />

C<strong>la</strong>mabat média, se meruisse f via.<br />

Talia cœ<strong>les</strong>tes fieri praeconia gau<strong>de</strong>nt,<br />

Ut, sua quid valeant numina, teste probent.<br />

Saepe levant pœnas , ereptaque lumina reddunt,<br />

Quum bene peccati pœnituisse vi<strong>de</strong>nt.<br />

POENITET o ! si quid miserorum creditur ulli,<br />

Pœnit<strong>et</strong>, <strong>et</strong> facto torqueor ipse meo!<br />

Quumque sit exsïlium, magis est mihi culpa dolori ;<br />

Estque pati pœnas, quam meruisse, minus.<br />

UT mihi Dî faveant, quibus est manifestior ipse?<br />

Pœna potest <strong>de</strong>mi, culpa perennis erit.<br />

Mors'faci<strong>et</strong> certfi, ne sim , quum venerit, exsul;<br />

Ne non peccarim, mors quoque non faci<strong>et</strong>.


POETIQUES, LIV. I, LETT. I. 7<br />

Qui oserait repousser du seuil <strong>de</strong> sa maison l'Égyptien<br />

, dont <strong>la</strong> main agite le sistre bruyant ? Quand, <strong>de</strong>vant<br />

<strong>la</strong> mère <strong>de</strong>s dieux, le joueur <strong>de</strong> flûte fait r<strong>et</strong>entir<br />

son tube recourbé, qui lui refuserait une légère offran<strong>de</strong>?<br />

Nous savons que Diane ne l'exige pas; <strong>et</strong> cependant<br />

le prophète a toujours <strong>de</strong> quoi vivre. Ce sont<br />

<strong>les</strong> dieux eux-mêmes qui touchent nos cœurs : on peut<br />

sans honte obéir à <strong>de</strong> tels sentimens.<br />

Pour moi, au lieu du sistre <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> flûte phrygienne,<br />

je porte le nom sacré du <strong>de</strong>scendant d'Iule. Je prédis,<br />

j'interprète l'avenir ; recevez celui qui porte <strong>les</strong> choses<br />

saintes. Je le <strong>de</strong>man<strong>de</strong> non pour moi, mais pour un dieu<br />

puissant. Parce que <strong>la</strong> colère du prince est toml. ée <strong>sur</strong><br />

moi, ou que je l'ai méritée, ne croyez pas qu'il refuse<br />

mes hommages. J'ai vu moi-même s'asseoir <strong>de</strong>vant l'autel<br />

dlsis un prêtre qui, <strong>de</strong> son aveu , avait outragé <strong>la</strong><br />

déesse vêtue <strong>de</strong> lin. Un autre, privé <strong>de</strong> <strong>la</strong> vue pour un<br />

crime semb<strong>la</strong>ble, parcourait <strong>les</strong> rues <strong>et</strong> criait qu'il avait<br />

mérité son châtiment. De semb<strong>la</strong>b<strong>les</strong> aveux p<strong>la</strong>isent aux<br />

habitans du ciel ; ce sont <strong>de</strong>s témoignages qui prouvent<br />

leur puissance. Souvent ils adoucissent <strong>la</strong> peine <strong>de</strong>s coupab<strong>les</strong><br />

; ils leur ren<strong>de</strong>nt <strong>la</strong> lumière dont ils <strong>les</strong> avaient<br />

privés, quand ils voient un repentir sincère.<br />

Oh! je me repens,si un malheureux est digne <strong>de</strong> foi,<br />

je me repens, <strong>et</strong> mon crime fait mon supplice. Si je<br />

souffre <strong>de</strong> mon exil, je souffre encore plus <strong>de</strong> ma faute.<br />

Il est moins cruel <strong>de</strong> subir sa peine, que <strong>de</strong> l'avoir méritée.<br />

Quand j'aurais <strong>la</strong> faveur <strong>de</strong>s dieux, <strong>et</strong> c'est lui dont<br />

<strong>la</strong> divinité est le plus sensible à nos yeux, ma peine peut<br />

finir; mais mes remords sont éternels. La mort sans<br />

doute un jour viendra terminer mon exil; mais <strong>la</strong> mort


8 EX PONTO MB. I, EPIST. I. (*. 67.)<br />

Nil îgitur mirumf si mens mihi tabida facta<br />

De nive maoantis more liquescit aquae.<br />

ESTUR ut occulta vïtiata teredine navis ;<br />

Jïquorei scopulos ut cavat unda salis ;<br />

Roditur ut scabra positum rubigine ferrum ;<br />

Conditus ut tineae carpitur ore liber ;<br />

Sic mea perp<strong>et</strong>uos curarum pectora morsus,<br />

Fine quibus nullo conficiaotur f habent.<br />

Nec prius hi mentem stimuli, quam vita, relinquent;<br />

Quique dol<strong>et</strong>, citius, quam dolor, ipse cad<strong>et</strong>.<br />

Hoc mihi si Superi, quorum sumus omnia, cre<strong>de</strong>nt9<br />

Forsitan exigua dignus habebor ope ;<br />

loque locum Scythico ¥acuum m.utabor ab arcu :<br />

Plus isto, duri> si precer,, oris ero.


PONTIQUES, LIV. I, LETT. I. 9<br />

ne peut faire que je n'aie pas été coupable. Est-il étonnant<br />

que mon âme, abattue, s'amollisse <strong>et</strong> se fon<strong>de</strong>,<br />

ainsi que l'eau qui coule <strong>de</strong> <strong>la</strong> neige?<br />

Comme le bois carié d'un vaisseau est sour<strong>de</strong>ment<br />

miné par <strong>les</strong> vers; comme <strong>les</strong> rochers sont creusés par<br />

Fon<strong>de</strong> salée <strong>de</strong>s mers; comme <strong>la</strong> rouille raboteuse ronge<br />

le fer abandonné; comme un livre renfermé est déchiré<br />

par <strong>la</strong> <strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> teigne; ainsi mon cœur est dévoré par<br />

d'éternels soucis, dont il sera à jamais <strong>la</strong> proie. La vie<br />

me quittera plus tôt que mes remords; <strong>et</strong> mes souffrances<br />

ne finiront qu'après celui qui <strong>les</strong> endure. Si <strong>les</strong><br />

dieux, dont nous dépendons tous, croient à mes paro<strong>les</strong><br />

, peut-être leur paraîtrai-je digne <strong>de</strong> quelque sou<strong>la</strong>gement;<br />

je serai transféré dans <strong>de</strong>s lieux à l'abri <strong>de</strong> l'arc<br />

<strong>de</strong>s Scythes. Deman<strong>de</strong>r davantage, ce serait <strong>de</strong> l'impu<strong>de</strong>nce.


io EX PONTO LIB. I, EPIST. il.<br />

EPISTOLA SECUNDA.<br />

MAXIMO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

In hac episto<strong>la</strong> primo captât beaevolentiam a Fabii persoiia , eum <strong>la</strong>udando.<br />

Deîn<strong>de</strong> illum attenîum reddit, quum doc<strong>et</strong> ea , <strong>de</strong> quibus di<strong>et</strong>urus sit : hoc<br />

est, velle prepria ma<strong>la</strong> iagemiscere el exponere, quae multa esse narrât,<br />

hostium scilic<strong>et</strong> periculum , faciem loci ; dolorem es his rébus maximum »<br />

a<strong>de</strong>o ut cupiat mutari in aliquam aliam formam. Colligit posîremo, se démenti»<br />

Cœsaris confi<strong>de</strong>re, ut exsilii locum mutareJiceat % p<strong>et</strong>itque a Maxime 9<br />

ut id sokifiî, nec aîiud tent<strong>et</strong>.<br />

MàxiMEf qui tanti men<strong>sur</strong>am nominis impies,<br />

Et gemïoas animi nobilïtate genus ;<br />

Qui nasci ut posses, quamvis ceci<strong>de</strong>re trecenti ,<br />

Non omnes Fabios abstulit uoa dies ;<br />

Forsitan haec a quo mittatur episto<strong>la</strong> quaeras,<br />

Quique loquar tecum, certior esse velis.<br />

Hei mihi! quid faciam ? vereor, ne nomme lecto<br />

Durus, <strong>et</strong> aversa c<strong>et</strong>era mente legas.<br />

Vi<strong>de</strong>rit hœc si quis ; tibi me scripsisse fateri<br />

Au<strong>de</strong>bo , <strong>et</strong> propriis ingemuisse malis ?<br />

Vi<strong>de</strong>rit ; au<strong>de</strong>bo tibi me scripsisse fateri,<br />

Atque modum culpae notificare meœ.<br />

Qui? quum me pœna digoum graviore fuisse<br />

Confitear, possum vix graviora pati.<br />

HOSTIBUS in mediis, interque pericu<strong>la</strong> versor ;<br />

! Tanquam eum pâtria pax sit a<strong>de</strong>mta mihi :


PONTIQUES, UV. I, LETT. M.<br />

LETTRE DEUXIÈME.<br />

A MAXIME.<br />

ARGUMENT.<br />

toMmmmmmMmmmMMmm%wém®0wwywwm.


ia EX PONTO LIB. 1,'EPIST. IL (v. 17.)<br />

Qui , mortis saevo geminent ut voloere causas ;*<br />

Omnia vipereo spicu<strong>la</strong> felle linunt :<br />

His eques instructus perterrita mœnia lustrât,<br />

More lupi c<strong>la</strong>usas circueuntis oves.<br />

At semel inteotus nervo levis arcus equino ,<br />

Vincu<strong>la</strong> semper habens irresoluta , man<strong>et</strong>.<br />

Tecta rige<strong>et</strong> fixis veluti val<strong>la</strong>ta sagittis,<br />

Portaque vix firma submov<strong>et</strong> arma sera.<br />

Ad<strong>de</strong> loci faciem, nec fron<strong>de</strong>, nec arbore <strong>la</strong><strong>et</strong>i ,<br />

Et quod iners hyemi continuatur hyems.<br />

Hic me pugnantem cum frigore, cumque sagittis,<br />

Cumque meo fato, quarta fatigat hyems.<br />

Fine carent <strong>la</strong>crymae, nisi quum stupor obslitit illis,<br />

Et similis morti pectora torpor hab<strong>et</strong>.<br />

FELICEBI Nioben, quamvis tôt funera vidit f<br />

Quae posuit sensum, saxea facta, mali!<br />

Vos quoque felices, quarum c<strong>la</strong>mantia fratrem<br />

Cortice ve<strong>la</strong>vit populus ora novo.<br />

Ille ego sum, lignum qui non admittar in ullum :<br />

Ille ego sum, frustra qui <strong>la</strong>pis esse velim.<br />

Ipsa Médusa oculis veniat lic<strong>et</strong> obvia nostris,<br />

Amittat vires ipsa Médusa suas.<br />

VIVIMUS? ut sensu nunquam careamus amaro ;<br />

Et gravior longa fit mea pœoa mora.<br />

Sic inconsumtum Tityi, semperque renascens,<br />

Non périt, ut possit saepe perire, jecur.<br />

At, puto? quum requies, medicinaque publica curae,<br />

Somnus' a<strong>de</strong>st, solitis nox venit orba malis :<br />

Somnia me terrent veros imitantia casus ;


PONTIQUES, LIV. I, LETT. IL i3<br />

paix : pour que leurs b<strong>les</strong><strong>sur</strong>es soient doublement mortel<strong>les</strong><br />

, ils trempent tous leurs traits dans du fiel <strong>de</strong> vipère.<br />

C'est avec <strong>de</strong> tel<strong>les</strong> armes que le cavalier court le<br />

long <strong>de</strong> nos remparts épouvantés, comme le loup qui<br />

rô<strong>de</strong> autour <strong>de</strong> l'enceinte d'une bergerie. Une fois qu'ils<br />

ont bandé <strong>la</strong> cor<strong>de</strong> rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> leur arcf elle reste toujours<br />

attachée, sans jamais être détendue. Nos maisons sont<br />

hérissées comme d'une palissa<strong>de</strong> <strong>de</strong> flèches, <strong>et</strong> <strong>les</strong> soli<strong>de</strong>s<br />

verroux <strong>de</strong> nos portes nous m<strong>et</strong>tent à peine à l'abri<br />

<strong>de</strong> leurs armes. Ajoute l'aspect <strong>de</strong> ces lieux, que n'égaie ni<br />

arbre ni verdure; où l'hiver succè<strong>de</strong> sans cesse à Fhiver<br />

engourdi. C'est là que, luttant contre le froid, contre <strong>les</strong><br />

flèches <strong>et</strong> contre mon <strong>de</strong>stin, je soufFre <strong>de</strong>puis quatre<br />

hivers. Mes <strong>la</strong>rmes ne tarissent que lorsque l'engourdissement<br />

en arrête le cours, <strong>et</strong> que mes sens sont plongés<br />

dans une léthargie semb<strong>la</strong>ble à <strong>la</strong> mort.<br />

Heureuse Niobé ! quoique témoin <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> morts,<br />

elle a, changée en pierre, perdu le sentiment <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur!<br />

heureuses vous aussi dont <strong>les</strong> lèvres, re<strong>de</strong>mandant<br />

un frère, se couvrirent <strong>de</strong> Fécorce nouvelle du peuplier!<br />

Et moi, il n'est pas d'arbre dont il me soit donné<br />

<strong>de</strong> prendre <strong>la</strong> forme ; c'est en vain que je voudrais <strong>de</strong>venir<br />

rocher, Méduse viendrait s'offrir à mes regards,<br />

Méduse elle-même serait sans pouvoir.<br />

Je vis pour sentir sans relâche l'amertume <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur;<br />

<strong>et</strong> le temps, en prolongeant ma peine, <strong>la</strong> rend<br />

plus cruelle. Ainsi, renaissant toujours, le foie immortel<br />

<strong>de</strong>Tityus ne périt jamais, afin <strong>de</strong> périr sans cesse.<br />

Mais peut-être, quand arrive le repos, le sommeil, ce<br />

remè<strong>de</strong> commun <strong>de</strong>s soucis, <strong>la</strong> nuit ne ramène-t-elle<br />

pas avec elle mes souffrances accoutumées? Des songes<br />

m'épouvantent en m'ofïrant Fimage <strong>de</strong> mes maux réels,


i4 IX PONTO LIB. I, EPIST. IL (v. 46.)<br />

• Et vigi<strong>la</strong>nt sensus in mea damna mei.<br />

Aut ego Sarmaticas vi<strong>de</strong>or vïtare sagittas ;<br />

Aut dare captivas ad fera vinc<strong>la</strong> mânes :<br />

Aut , ubi <strong>de</strong>cipïor melioris imagine somni,<br />

Adspicio patriae tecta relicta meae :<br />

Et modo vobiscum, quos suin veneratus, amici,<br />

Et modo cum cara conjuge, multa loquor.<br />

Sic, ubi percepta est brevis <strong>et</strong> non vera voluptas,<br />

Pejor ab admonitu fit status iste boni.<br />

Sive dies igitur caput hoc miserabile cernit,<br />

Sive pruinosi noctis aguntur equi ;<br />

Sic mea perp<strong>et</strong>uis liquefiunt pectora curis,<br />

Ignibus admotis ut nova cera liqu<strong>et</strong>.<br />

SJEPE precor mortem; mortem quoque <strong>de</strong>precor i<strong>de</strong>mf<br />

Nec mea Sarmaticum contegat ossa soluin.<br />

Quum subit, Augusti quae sit clementia, credo<br />

Mollia naufragiis litora posse dari.<br />

Quum vi<strong>de</strong>o, quam sint mea fata tenacia , frangor ;<br />

Spesque levis, magno victa timoré, Cadit.<br />

Nec tamen ulterius quidquam sperove, precorve,<br />

Quam maie mutato posse carere loco,<br />

Aut hoc, aut nihil est, pro me tentare mo<strong>de</strong>ste<br />

Gratia quod salvo vestra pudore queat.<br />

SUSCIPE, Romanae facUndia, Maxime, linguae,<br />

Diffîcilîs causae' mite patrocinium.<br />

Est ma<strong>la</strong>, confiteor ; sed te bona fi<strong>et</strong> agente :<br />

Lenia pro misera fac modo verba fuga.<br />

Nescit eûim Cœsar, quamvis Deus omnia norit,<br />

Ultimus hic qua sit conditions locus :


POETIQUES, LTV. I, LETT. II. i5<br />

<strong>et</strong> mes sens veillent pour mon tourment. Je crois ou me •<br />

dérober aux flèches <strong>de</strong>s Sarmates, ou tendre à <strong>de</strong>s liens<br />

cruels mes mains captives; ou, quand je suis abusé par<br />

<strong>les</strong> visions d'un plus doux sommeil, je vois à Rome ma<br />

maison abandonnée ; je m'entr<strong>et</strong>iens tantôt avec vous,<br />

mes amis, que j'ai tant aimés, tantôt avec mon épouse<br />

chérie. Et quand j'ai goûté un bonheur imaginaire, fugitif,<br />

c<strong>et</strong>te jouissance d'un moment rend plus cruels<br />

mes maux présens. Ainsi, que le jour éc<strong>la</strong>ire c<strong>et</strong>te tête<br />

malheureuse, ou que <strong>les</strong> coursiers <strong>de</strong> <strong>la</strong> nuit ramènent<br />

<strong>les</strong> frimas, mon âme9 en proie à d'éternels soucis, se<br />

fond comme <strong>la</strong> cire nouvelle au contact du feu.<br />

Souvent j'invoque <strong>la</strong> mort, <strong>et</strong> en même temps mes<br />

vœux <strong>la</strong> repoussent; je ne veux pas que mes cendres reposent<br />

sous <strong>la</strong> terre <strong>de</strong>s Sarmates. Quand je songe à <strong>la</strong> clémence<br />

infinie d'Auguste, je pense qu ? on pourrait accor<strong>de</strong>r<br />

au naufragé <strong>de</strong>s rives moins sauvages; mais quand<br />

je vois combien le '<strong>de</strong>stin s'acharne après moi, je reste<br />

abattu , <strong>et</strong> mon faible espoir, cédant à <strong>la</strong> crainte, s'évanouit.<br />

Cependant je n'espère, je ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> rien <strong>de</strong><br />

plus que <strong>de</strong> changer d'exil, que <strong>de</strong> quitter ces lieux f<br />

dussé-je être mal encore. Pour peu que tu puisses me<br />

servir, voilà sans doute ce que ton amitié peut implorer<br />

pour moi sans se rendre importune.<br />

Toi, <strong>la</strong> gloire <strong>de</strong> l'éloquence <strong>la</strong>tine, Maxime, sois le<br />

bienveil<strong>la</strong>nt défenseur d'une cause difficile. Elle est<br />

mauvaise, je le sais ; mais elle <strong>de</strong>viendra bonne, si tu <strong>la</strong><br />

p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>s. Dis seulement quelques mots <strong>de</strong> pitié en faveur<br />

d'un malheureux exilé. Quoiqu'un dieu sache tout, César<br />

ignore ce que sont ces lieux, situés au bout du


i6 * EX PONTO LIB. I, EPIST. II. (v. 75.)<br />

Magna tenent illud rerum molimina nuraen ;<br />

Haec est cœ<strong>les</strong>ti pectore cura minor.<br />

Nec vacat, in qua sint positi regione Tomitae ,<br />

Quaerere, finitimo vis loca nota G<strong>et</strong>ae;<br />

Aut quid Sauromatae faciant, quid <strong>la</strong>zyges acres,<br />

Cultaqoe Oresteae Taorica terra Deae ;<br />

Quaeque aliae gentes, ubï frigore constitit Ister,<br />

Dura meant céleri terga per aranis equo.<br />

Maxima pars hominum nec te, pulcherrima, curant,<br />

Roma, nec Ausonii militis arma timent.<br />

Dant animos arcus illis plenaeque phar<strong>et</strong>rae,<br />

Quamque lib<strong>et</strong> longis cursibus aptus equus*:<br />

Quodque sitim didicere dïu tolerare famemque ;<br />

Quodque sequens nul<strong>la</strong>s hostis habebit aquas.<br />

In à Dei mitis non me misiss<strong>et</strong> in is-tam ,<br />

Si satis haec illi nota fuiss<strong>et</strong>, humum.<br />

Nec me, nec quemquam Romanum gaud<strong>et</strong> ab hoste,<br />

Meque minus, vitam cui dédit ipse, premi.<br />

Noluit, ut poterat f minimo me per<strong>de</strong>re nutu.<br />

Nil opus est ullis in mea fata Gelis.<br />

Sed neque, cur morerer, quidquammihi comperitactum;<br />

Nec minus infestus, quam fuit, esse potest.<br />

Tum quoque nil fecit, nisi quod facere ipse coegi,<br />

Paene <strong>et</strong>iam merito parcior ira meo.<br />

Dî faciant igitur, quorum mitissimus ipse est,<br />

Aima niliil majus Caesare terra ferat.<br />

Ulque diu sub eo sit publica sarcina rerum,<br />

Perque manus hujus tradita gentis eat.<br />

AT tu tam p<strong>la</strong>cido, quam nos quoque seosimus illum,


PONTIQUES, LIV. I, LETT. IL 17<br />

mon<strong>de</strong>. Le far<strong>de</strong>au <strong>de</strong> l'empire repose <strong>sur</strong> sa tête divine;<br />

<strong>de</strong> tels soins sont au <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> son âme cé<strong>les</strong>te. 11<br />

n'a pas le loisir <strong>de</strong> chercher en quelle contrée Tomes est<br />

située, Tomes à peine connue du Gète son voisin ; ce<br />

que font <strong>les</strong> Sauromates , <strong>les</strong> farouches <strong>la</strong>zyges, <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />

terre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Tauri<strong>de</strong>, chère à <strong>la</strong> déesse enlevée par Oreste,<br />

<strong>et</strong> ces autres nations qui? lorsque <strong>les</strong> froids ont enchaîné<br />

lister, <strong>la</strong>ncent leurs rapi<strong>de</strong>s coursiers <strong>sur</strong> le dos g<strong>la</strong>cé<br />

du fleuve, La plupart <strong>de</strong> ces peup<strong>les</strong> ne songent pas à<br />

toi, superbe Rome; ils ne redoutent pas <strong>les</strong> armes du<br />

soldat <strong>de</strong>l'Ausonie. Ce qui leur donne <strong>de</strong> l'audace, ce<br />

sont leurs arcs, leurs carquois toujours pleins , <strong>et</strong> leurs<br />

chevaux, accoutumés aux courses <strong>les</strong> plus longues; c'est<br />

qu'ils ont appris à supporter long-temps <strong>la</strong> faim <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />

soif; c'est que l'ennemi qui voudrait <strong>les</strong> poursuivre ne<br />

rencontrerait aucune source.<br />

La colère d'un dieu clément ne m'aurait pas envoyé<br />

<strong>sur</strong> c<strong>et</strong>te terrei s'il l'avait bien connue. Son p<strong>la</strong>isir n'est<br />

pas que moi, qu'aucun Romain, que moi <strong>sur</strong>tout, à qui<br />

il a lui-même accordé <strong>la</strong> vie, je sois opprimé par l'ennemi.<br />

D'un signe il pouvait me faire périr, il ne l'a pas<br />

voulu. Est-il besoin d'un Gète pour me perdre? maiâ<br />

il n'a rien trouvé dans ma conduite qui méritât <strong>la</strong> mort.<br />

Il ne pouvait être moins rigoureux qu'il ne Ta été :<br />

alors même, tout ce qu'il a fait, je l'ai contraint <strong>de</strong> le<br />

faire ; <strong>et</strong> peut-être sa colère fut-elle plus indulgente que<br />

je ne le méritais. Fassent donc <strong>les</strong> dieux, <strong>et</strong> lui-même<br />

est le plus clément <strong>de</strong> tous, que <strong>la</strong> terre bienfaisante<br />

ne produise jamais rien <strong>de</strong> plus grand que César; que<br />

le far<strong>de</strong>au <strong>de</strong> l'état repose long-temps <strong>sur</strong> lui, <strong>et</strong> qu'il<br />

passe après lui aux mains <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>scendans !<br />

Mais toi, <strong>de</strong>vant ce juge dont j'ai déjà moi-même


i8 EX >PONTO LIB. I, EPIST. II. (v. i©4.)<br />

Judice pro <strong>la</strong>crymis ora résolve meis.<br />

Noo p<strong>et</strong>ito , ut bene sit, sed uti maie tutïus ; utque<br />

Exsilium saevo dïst<strong>et</strong> ab hoste meum :<br />

Quamque <strong>de</strong><strong>de</strong>re mihi praesentia numina vitam,<br />

Non adimat stricto squallidus ense G<strong>et</strong>es.<br />

Denique, si nioriar, subeant pacatius arvum<br />

Ossa, nec a Scythica nostra premantur humo :<br />

Nec maie eompositos, ut scilic<strong>et</strong> exsuie dignumf<br />

Bistonii cineres ungu<strong>la</strong> puls<strong>et</strong> equi :<br />

Et ne, si superest aliquid post funera sensus,<br />

Terreat hic mânes Sarmatis umbra meos.<br />

GSSARIS haec anîmum poterant audita movere,<br />

Maxime ; movissent si tamen ante tuum.<br />

Vox , precor, Augustas pro me tua molliat aures,<br />

Auxilio trepidis quae sol<strong>et</strong> esse reis :<br />

Àdsu<strong>et</strong>aque tibi dociae dulcedine linguae<br />

JSquandi Superis pectora flecte viri.<br />

Non tibi Theromedon, crudusve rogabitur Atreus,<br />

Quique suis hommes pabu<strong>la</strong> fecit equis :<br />

Sed piger ad pœnas princeps, ad praemia velox,<br />

Quique dol<strong>et</strong>, quoties cogitur esse ferox :<br />

Qui vicit semper, victis ut parcere poss<strong>et</strong>,<br />

C<strong>la</strong>usit <strong>et</strong> a<strong>et</strong>erna eivica bel<strong>la</strong> sera ;<br />

Multa m<strong>et</strong>u pœnaef pœna qui pauca coerc<strong>et</strong>;<br />

Et jacit invita fulmina rara manu.<br />

Ergo, tam p<strong>la</strong>cidas orator missus ad aures,<br />

Ut propior patriae sit fuga nostra, roga. -<br />

ILLE ego sum, qui te colui ; quem festa solebat<br />

Inter convivas mensa vi<strong>de</strong>re tuos :


PONTIQUES, UV. I, LETT. IL 19<br />

éprouvé <strong>la</strong> douceur, élève <strong>la</strong> voix en faveur <strong>de</strong> mes<br />

<strong>la</strong>rmes. Deman<strong>de</strong>, non que je sois bien, mais mal <strong>et</strong><br />

plus en sûr<strong>et</strong>é; que, dans mon exil, je sois à l'abri d'un<br />

ennemi barbare; que c<strong>et</strong>te vie, que m'ont accordée <strong>de</strong>s<br />

dieux propices, ne me soit pas ravie par l'épée d'un Gète<br />

hi<strong>de</strong>ux; qu'enfin, après ma mort, mes restes reposent<br />

dans une contrée plus paisible, <strong>et</strong> ne soient pas pressés<br />

par <strong>la</strong> terre <strong>de</strong> Scythie ; que mes cendres mal Inhumées,<br />

comme doivent l'être cel<strong>les</strong> d'un proscrit, ne soient pas<br />

foulées aux pieds <strong>de</strong>s chevaux <strong>de</strong> Thrace; <strong>et</strong> si, après le<br />

trépas, il reste quelque sentiment, que l'ombre d'un<br />

Sarmate ne vienne pas effrayer mes mânes.<br />

Voilà ce qui, dans ta bouche, pourrait toucher le<br />

cœur <strong>de</strong> César, si d'abord, Maxime, tu en étais touché<br />

toi-même. Que ta voix, je t'en conjure, apaise Auguste<br />

en ma faveur, c<strong>et</strong>te voix qui si souvent a secouru <strong>les</strong><br />

accusés tremb<strong>la</strong>ns; que <strong>la</strong> douceur accoutumée <strong>de</strong> <strong>les</strong><br />

paro<strong>les</strong> éloquentes iéchisse l'âme <strong>de</strong> ce héros égal aux<br />

dieux. Ce n'est pas Théromédon que tu as à implorer, ni<br />

le cruel Atrée, ni le monstre qui donnait <strong>de</strong>s hommes<br />

pour pâture à ses chevaux ; c'est un prince lent à punir,<br />

prompt à récompenser ; qui souffre quand il est forcé<br />

d'être rigoureux ; qui n'a jamais été vainqueur que pour<br />

pouvoir épargner <strong>les</strong> vaincus, <strong>et</strong> qui ferma pour toujours<br />

<strong>les</strong> portes <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre civile; qui r<strong>et</strong>ient dans le <strong>de</strong>voir<br />

plutôt par <strong>la</strong> crainte du châtiment que par le châtiment<br />

niême, <strong>et</strong> dont le bras ne <strong>la</strong>nce qu'à regr<strong>et</strong>, que rarement<br />

<strong>la</strong> foudre. Toi donc, chargé <strong>de</strong> p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>r ma cause<br />

<strong>de</strong>vant un prince si indulgent, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que le lieu <strong>de</strong><br />

mon exil soit plus près <strong>de</strong> ma patrie.<br />

Celui qui t'implore, ta'table le voyait, <strong>les</strong> jours <strong>de</strong><br />

fête, au nombre <strong>de</strong> tes convives; c'est lui qui célébra ton


ao EX PONTO L1B. -I, EPIST. II. (*. i33.)<br />

Ule ego, qui dixi vestros Hymeoaeon ad ignés,<br />

Et cecioi fausto carmina digoa toro :<br />

Cujus te solitum memini <strong>la</strong>udare libellos,<br />

Exceptis, domino qui nocuere suo :<br />

Cui tua nonnunquam miranti scripta legebas :<br />

111e ego, <strong>de</strong> vestra cui data nupta domo.<br />

Hanc probat, <strong>et</strong> primo dilectam semper ab aevo<br />

Est inter comités Marcia censa suas ;<br />

Inque suis habuit matertera Caesaris ante ;<br />

Quarum judicio si qua probata, proba est,<br />

Ipsa sua melior fama? <strong>la</strong>udantibus istis,<br />

C<strong>la</strong>udia divioa non eguiss<strong>et</strong> ope.<br />

Nos quoque pra<strong>et</strong>eritos sine <strong>la</strong>be peregimus annos :<br />

Proxima pars vitae transilienda meae.<br />

Sed <strong>de</strong> me ut sileam, conjux. mea sarcina vestra est :<br />

Non potes hanc salva dissimu<strong>la</strong>re fi<strong>de</strong>.<br />

Confugit haec ad vos ; vestras amplectitur aras :<br />

Jure venit cultos ad sibi quisque Deos.<br />

Flensque rogat, precibus lenito Cœsare vestris,<br />

Busta sui fiant ut propiora viri.


PONTIQUES, LIV. I, LETT. IL si-<br />

hymen <strong>de</strong>vant <strong>les</strong> torches nuptia<strong>les</strong>, qui chanta <strong>de</strong>s vers<br />

dignes d'une couche fortunée; c'est lui, je m'en souviens,<br />

dont tu aimais à louer <strong>les</strong> ouvrages, j'en excepte<br />

ceux qui ont perdu leur auteur; c'est à lui que tu<br />

lisais quelquefois <strong>les</strong> tiens, qu'il admirait; c'est lui à<br />

qui fut donnée une épouse <strong>de</strong> ta famille. Marcia l'estime,<br />

elle l'a toujours aimée dès son âge le plus tendre,<br />

<strong>et</strong> <strong>la</strong> compte au nombre <strong>de</strong> ses compagnes. Elle eut<br />

aussi une p<strong>la</strong>ce parmi cel<strong>les</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> tante <strong>de</strong> César. Une<br />

femme qui jouit <strong>de</strong> leur estime est vraiment une femme<br />

vertueuse. C<strong>la</strong>udia elle-même, qui va<strong>la</strong>it mieux que sa<br />

renommée, avec <strong>de</strong>- semb<strong>la</strong>b<strong>les</strong> témoignages, n'aurait<br />

pas eu besoin du secours <strong>de</strong>s dieux. Et moi aussi, j'avais<br />

toujours vécu pur <strong>et</strong> sans tache, il ne faut oublier que<br />

<strong>les</strong> <strong>de</strong>rnières années <strong>de</strong> ma vie. Mais ne parlons pas <strong>de</strong><br />

moi ; le soin <strong>de</strong> mon épouse vous regar<strong>de</strong> ; vous ne pouvez<br />

<strong>la</strong> renier sans manquer à l'honneur. Elle a recours<br />

à vous; elle embrasse vos autels: on s'adresse avec raison<br />

aux dieux que Ton révère^ Elle vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, en<br />

pleurant, d'apaiser César par vos prières, pour que <strong>les</strong><br />

cendres,<strong>de</strong> son époux reposent plus près d'elle.


EX PONTO LIB. I, EPIST. 1IL<br />

EPISTOLA TERTÏÀ.<br />

RUFIHO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Ex Rufini lîtteris magnai» se cepisse voluptatera <strong>et</strong> spem , fat<strong>et</strong>ur po<strong>et</strong>a :<br />

sec tamen eas quamvls éloquentes, tantam vim habuisse doc<strong>et</strong>, uî doloi-em<br />

potuerint amoTere : causamque adsigtiat. Tum refellit eorum exempk,<br />

quos ipse dkerat fort! animo tulisse exsilium ; ea ratlooe qeod illi <strong>la</strong>m<br />

longe a patria non exsu<strong>la</strong>ssent. Fat<strong>et</strong>ur tamen postremo, si poss<strong>et</strong> ejus<br />

animus leniri, ipsius prœcepta <strong>et</strong> liîteras elegantissimas id facturas fuisse z<br />

qtias loco magal muneris se accepisse dicit.<br />

HAMC tibi Naso tuus miltit, Rufîoe, salutem,<br />

Qui miser est, ulli si suus esse potest.<br />

Meddïta confusae euper so<strong>la</strong>iia menti<br />

Auxïlium nostris spemque tulere malis.<br />

Utque Machaoniis Paeantius artibus héros<br />

Lenito meclicam vulnere sensit opem :<br />

Sic ego mente jacens? <strong>et</strong> acerbo saucius ictu,<br />

Adinooitu cœpï fortior esse ttio ;<br />

Et jam <strong>de</strong>ficiens, sic ad tua verba revixi,<br />

Ut sol<strong>et</strong> infuso vena redire mero.<br />

Non tamen exhibait taotas faeendia Yiresf<br />

Ut mea sint dictis pectora sana tuis.<br />

Ut multem nostrae <strong>de</strong>mas <strong>de</strong> gurgite curae?<br />

Non minus exhausto, quod superabit, erit.<br />

Tempore duc<strong>et</strong>ur longo fortasse cicatrix :<br />

Horrent admotas vulnera cruda manus.


POffTiQUES, LIT. I, LETT. III. a3<br />

LETTRE TROISIÈME.<br />

A RUF1N.<br />

ARGUMENT.<br />

Les l<strong>et</strong>tres <strong>de</strong> Enfin ont charmé ses douleurs <strong>et</strong> lui ont «ici y l'espérance ; mais<br />

ses paro<strong>les</strong> , malgré toute leur éloquence, m'ont pas eu le pouvoir <strong>de</strong> le<br />

guérir. Il en indique <strong>la</strong> cause. On ne peut loi citer pour modè<strong>les</strong> <strong>les</strong> anciens<br />

héros, qui ont supporté courageusement <strong>les</strong> chagrins <strong>de</strong> l'en! ; ils n'étaient<br />

pas relégués aussi loin <strong>de</strong> leur patrie. Il avoue enfin que , s'il pouYaii être<br />

• guéri, il le serait par <strong>les</strong> conseils <strong>et</strong> <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> son ami , qu'il a reçus aitc<br />

le plus grand p<strong>la</strong>isir.<br />

RUFIN , c'est Ovi<strong>de</strong>, ton ami, qui t'adresse c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre<br />

, si toutefois un malheureux peut être l'ami <strong>de</strong> quelqu'un.<br />

Les conso<strong>la</strong>tions que tu as données naguère à<br />

mon âme découragée, en adoucissant ma douleur, m'ont<br />

rendu l'espérance. De même que le héros, fils <strong>de</strong> Péan,<br />

sentit sa b<strong>les</strong><strong>sur</strong>e sou<strong>la</strong>gée par <strong>les</strong> secours salutaires <strong>de</strong><br />

l'habile Machaon : ainsi, l'âme abattue, <strong>et</strong> frappé d'une<br />

b<strong>les</strong><strong>sur</strong>e cruelle, je me suis senti fortifié par tes conseils.<br />

Déjà, près <strong>de</strong> succomber, tes paro<strong>les</strong> m'ont rendu à <strong>la</strong><br />

vie, comme un vin pur rend au pouls son mouvement.<br />

Cependant, quelque puissante que ton éloquence se soit<br />

montrée, tes discours n'ont pas guéri mon cœur. C'est<br />

en vain que tu allèges le poids <strong>de</strong> ma douleur; c'est en<br />

vain que tu épuises l'abîme <strong>de</strong> mes soucis, tu ne saurais<br />

en diminuer le nombre. Peut-être, avec le temps,<br />

<strong>la</strong> cicatrice se fermera; mais une b<strong>les</strong><strong>sur</strong>e récente s'irrite<br />

sous <strong>la</strong> main qui l'approche. Il n'est pas toujours au


a/* EX PONTO LIB. I, EPIST. III. (*• *?•)<br />

Non est in medlco semper, relev<strong>et</strong>ur ut aeger :<br />

Interdum docta plus val<strong>et</strong> arte malum.<br />

Cernis, ut e molli sanguis pulmone remïssus<br />

Ad Stygias certo limite ducat aquas.<br />

Adferat ipse lic<strong>et</strong> sacras Epidaurius herbas,<br />

Sanabit nul<strong>la</strong> vu<strong>la</strong>era cordis ope.<br />

Tollere nodosam nescit medicioa podagram,<br />

Nec formidatis auxitiatur aquis.<br />

Cura quoque ioterdum nul<strong>la</strong> medïcabîiis. arte ;<br />

Autj ut sit, looga est extenuauda mora.<br />

QUUM bei^e firmaruut anïmum praecepta jacentemf<br />

Sumtaque sont nobis. pectoris arma tui ;<br />

Rursus amor patriaef ratiooe valentior omni?<br />

Quod iua texuerunt scrïpta , relexit opus.<br />

Sive pimn vis hoc, sive hoc muliebre vocari,<br />

Confiteor- misero molle cor esse mihi.<br />

Non dtibia est Ithaci pru<strong>de</strong>n.tia ; sed tamen optât<br />

Fumum <strong>de</strong> patriis posse vi<strong>de</strong>re focis.<br />

Nescio qua natale solum dulcedine captos<br />

Ducit, <strong>et</strong> immemores. non sinit esse sui.<br />

Quid raelius Roma ? Sçythico. quid litore pejus ?<br />

Hue tamen ex il<strong>la</strong> barbarus urbe fugit.<br />

Quum hene sit c<strong>la</strong>usae cavea Çai^dione nataef<br />

Nititur in sti^as il<strong>la</strong> redire suas.<br />

Adsu<strong>et</strong>os tauri s^llu,s, adsu<strong>et</strong>a leones^<br />

Nec feritas illos inpipedit, antra p<strong>et</strong>unt. ,<br />

Tu tamen, exsilii morsus e pectore nostra<br />

Fomentis sp.eras ce<strong>de</strong>re posse tuis.<br />

Effîce, vos ipsi ne tam mihi sitis amandi,<br />

Talibus ut levius sit caruisse malum^


POETIQUES, LIT. I, LETT. III. aS<br />

pouvoir du mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> rétablir le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ; le mal est<br />

quelquefois plus fort que Fart <strong>et</strong> que <strong>la</strong> science. Tu vois<br />

comme le sang qui s'épanche d ? un poumon délicat,<br />

conduit par une voie sûre aux eaux du Styx. Le dieu<br />

d'Épidaure lui-même apporterait ses p<strong>la</strong>ntes sacrées; il<br />

ne pourrait, par aucun remè<strong>de</strong>, guérir <strong>les</strong> b<strong>les</strong><strong>sur</strong>es du<br />

cœur. La mé<strong>de</strong>cine est impuissante contre <strong>les</strong> atteintes<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> goutte; elle échoue contre <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die qui redoute<br />

l'eau. Quelquefois aussi le chagrin résiste à tous <strong>les</strong> efforts<br />

<strong>de</strong> fart, ou, s'il peut être sou<strong>la</strong>gé, ce n'est que par<br />

le temps.<br />

Quand tes préceptes ont fortifié mon âme abattue ;<br />

quand je me suis armé du courage que tu me communiques,<br />

l'amour <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie, plus fort que <strong>toutes</strong> <strong>les</strong><br />

raisons, vient défaire <strong>la</strong> trame que tes conseils ont ourdie.<br />

Que ce soit piété, que ce soit faib<strong>les</strong>se; je l'avoue,<br />

dans mon malheur, mon âme s'attendrit facilement On<br />

ne doute pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> sagesse du roi d'Ithaque, <strong>et</strong> cependant<br />

il désire revoir <strong>la</strong> fumée <strong>de</strong>s foyers <strong>de</strong> sa patrie.<br />

La terre natale a je ne sais quels charmes qui nous enchaînent<br />

<strong>et</strong> ne nous perm<strong>et</strong>tent pas d'en perdre le souvenir.<br />

Quoi <strong>de</strong> plus beau que Rome? quoi <strong>de</strong> plus affreux<br />

que <strong>les</strong> rivages <strong>de</strong>s Scythes? <strong>et</strong> pourtant le Barbare<br />

fuit Rome pour accourir ici. Quelque bien que soit<br />

dans sa cage <strong>la</strong> fille <strong>de</strong> Pandion captive, elle aspire à<br />

revoir ses forêts. Les taureaux r<strong>et</strong>ournent dans leurs<br />

pâturages accoutumés; <strong>les</strong> lions, tout sauvages qu'ils<br />

sont, r<strong>et</strong>ournent dans leurs repaires. Et toi,par tes conso<strong>la</strong>tions<br />

, tu espères bannir <strong>de</strong> mon cœur <strong>les</strong> tourmens<br />

<strong>de</strong> l'exil ! Faites donc que vous-mêmes, mes amis, vous<br />

soyez moins aimab<strong>les</strong>, afin que ma privation <strong>de</strong>vienne<br />

moins cruelle.


a6 ' EX PONTO LIB. I, EPIST. 111. (*. 47.)<br />

àT, puto9 qua fueram genitus, tellure careoti,<br />

In tamen humano cootigit esse loco.<br />

Orbis in extremi jaceo <strong>de</strong>sertus arenis?<br />

Fert ubi perpétuas obruta terra nives :<br />

Non ager hic pomum, non dulces educat uvas ;<br />

Non salices ripa, robora monte virent<br />

Neve fr<strong>et</strong>um terra <strong>la</strong>u<strong>de</strong>s magis ; aequora s<strong>et</strong>Bper<br />

Veptorum rabie, solibus orba? tument.<br />

Quocumque adspicias, campi_ cultore carentesf<br />

Vastaque, quae nemo vindic<strong>et</strong>, arva jacent.<br />

Hostis a<strong>de</strong>st, <strong>de</strong>xtra <strong>la</strong>evaque a parte timendus ;<br />

Vicinoque m<strong>et</strong>u terr<strong>et</strong> utrumque <strong>la</strong>tus.<br />

Altéra Bistonias pars est sen<strong>sur</strong>a sarissa^?<br />

Altéra Sarmatica spicu<strong>la</strong> raissa manu.<br />

I NUNC, <strong>et</strong> v<strong>et</strong>erum nobis exemp<strong>la</strong> virorumf<br />

Qui forti casum mente tulere, refer :<br />

Et grave magnanitpi robur mirare Rutilï f<br />

Non usi reditus conditione dati.<br />

Smyrna virum tenuit, non Pontus <strong>et</strong> hostica tellus ;<br />

Paene minus nullo Smyrna p<strong>et</strong>enda loco.<br />

Non.doluit patria Cynicus procul esse Sinopeus;<br />

Legit enim se<strong>de</strong>s f Attica terra, tuaç :<br />

Arma Neocli<strong>de</strong>s qui Persica contudit armis,<br />

Argolica primam sensit in urbe fugam :<br />

Puises Aristi<strong>de</strong>s patria Lacedaemoea fugit ;<br />

1-nter quas dubium, quae prior ess<strong>et</strong>, erat :<br />

Oee<strong>de</strong> puer facta Patroclus Opunta reliquit,<br />

Thessaliamque adiit, hospes Achillis, humum :<br />

Exsul ab Haemonia Pirenida cessit ad undam,


PONT1QUES, UV. 1, LETT. III. 2;<br />

Mais peut-être, exilé du sol qui m'a donné le jour,<br />

ai-je obtenu do sort un séjour humain : à l'extrémité du<br />

mon<strong>de</strong>, je <strong>la</strong>nguis abandonné <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s bords où le sol<br />

est caché sous <strong>de</strong>s neiges éternel<strong>les</strong>. Ici <strong>la</strong> terre ne prodoit<br />

ni fruit, ni doux raisin; aucun saule ne verdit <strong>sur</strong><br />

<strong>la</strong> rive s aucun chêne <strong>sur</strong> <strong>les</strong> montagnes. La mer ne<br />

mérite pas plus d'éloges que <strong>la</strong> terre : toujours privés<br />

du soleil, <strong>les</strong> flots sont soulevés sans relâche par <strong>la</strong> fureur<br />

<strong>de</strong>s vents. De quelque côté que vous tourniez vos<br />

regards, s'éten<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s champs que personne ne cultive,<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> vastes p<strong>la</strong>ines que personne ne réc<strong>la</strong>me. Près<br />

<strong>de</strong> nous est l'ennemi, également à craindre <strong>sur</strong> <strong>toutes</strong><br />

nos frontières; <strong>et</strong> ce voisinage redoutable nous épouvante<br />

<strong>de</strong> tous côtés. D'une part on est exposé aux piques<br />

<strong>de</strong>s Bistons, <strong>de</strong> l'autre aux traits <strong>la</strong>ncés par <strong>la</strong> main<br />

<strong>de</strong>s Sarmates.<br />

Viens maintenant me citer <strong>les</strong> exemp<strong>les</strong> <strong>de</strong>s anciens<br />

héros qui, d'une âme courageuse, ont supporté le malheur.<br />

Admire <strong>la</strong> noble constance du magnanime Rutiliusfquine<br />

profita pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> permission <strong>de</strong> rentrer dans<br />

sa patrie; Smyrtie fut sa r<strong>et</strong>raite, <strong>et</strong> non le Pont, ni une<br />

terre ennemie; Smyrne, préférable peut-être atout autre<br />

séjour. Le cynique <strong>de</strong> Sinope ne s'affligea pas d'être<br />

loin <strong>de</strong> sa patrie ; car c'est toi, terre <strong>de</strong> l'Attique, qu'il<br />

choisit pour sa r<strong>et</strong>raite. Le fils <strong>de</strong> Niodès, dont <strong>les</strong> armes<br />

écrasèrent <strong>les</strong> armes persannes, passa son premier<br />

exil dans <strong>la</strong> ville d'Argos. Aristi<strong>de</strong>, banni <strong>de</strong> sa patrie,<br />

.se r<strong>et</strong>ira à Lacédémone; <strong>et</strong> l'on ne savait <strong>la</strong>quelle <strong>de</strong> ces<br />

<strong>de</strong>ux vil<strong>les</strong> l'emportait <strong>sur</strong> l'autre. Patrocle, après un<br />

meurtre commis dans son.enfance, quitta Oponte, <strong>et</strong><br />

<strong>sur</strong> <strong>la</strong> terre <strong>de</strong> Thessalie <strong>de</strong>vint l'hôte d'Achille. Exilé<br />

<strong>de</strong> l'Hémonie, c'est près <strong>de</strong>s on<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Pirène que se r<strong>et</strong>ira


aR EX PONTO LIB. I, EPIST. III. (*. 7«-)<br />

Quo duce trabs Colchas sacra cucurrit aquas :<br />

Lïquït Âgenori<strong>de</strong>s Sidonia mœnia Cadmus f<br />

Pooer<strong>et</strong> ut muros in meliore loco :<br />

Venit ad Àdrastum Ty<strong>de</strong>usf Calydone fugatus;<br />

Et Teucrum Veneri grata recepit humus.<br />

QUID referam v<strong>et</strong>eres Romanae gentis, apud quos<br />

Exsulibus tellus ultima Tibur erat ?<br />

Persequar ut cunctos, nulli dates omnibus aevis<br />

Tam procul a patria est, horridiorve locus.<br />

Quo magis ignoscat sapientia vestra dole<strong>et</strong>i,<br />

Qui facit ex dictis non ita multa tuis.<br />

Nec tamen iofîciorf si possint nostra coire<br />

Voloeraf praeceptis posse coire tuis. .<br />

Sed vereor, ne me frustra servare <strong>la</strong>bores;<br />

Neu juver admota perditus aeger ope.<br />

Née loquor haec, quia sit major pru<strong>de</strong>ntia nobis ;<br />

Sed sim , quam medico, notior ipse mihi.<br />

Ut tamen hoc ita sit, munus tua gran<strong>de</strong> voluntas<br />

Ad me pervenit, consuliturque boni.


PONT1QUES, LIV. I, LETT. III. 29<br />

le héros qui conduisit le vaisseau sacré <strong>sur</strong> <strong>les</strong> mers <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> Colchi<strong>de</strong>. Le ils d ? Âgénor9 Cadrans? abandonna <strong>les</strong><br />

remparts <strong>de</strong> Sidon pour bâtir une ville dans un séjour<br />

plus heureux. Tydée, banni <strong>de</strong> Calydon, se réfugia près<br />

d'Adraste; <strong>et</strong> ce fut une terre chérie <strong>de</strong> Vénus qui reçut<br />

Teucer.<br />

Pourquoi parlerai-je <strong>de</strong>s anciens Romains? Alors Tibur<br />

était pour <strong>les</strong> bannis <strong>la</strong> terre <strong>la</strong> plus reculée. Je <strong>les</strong><br />

nommerais tous, aucun, dans aucun temps, ne fut envoyé<br />

si loin <strong>de</strong> sa patrie, ni dans un lieu plus horrible.<br />

Que ta sagesse pardonne donc à ma douleur, si tes<br />

paro<strong>les</strong> produisent si peu d'eff<strong>et</strong>. Je ne le nie pas cependant,<br />

si mes b<strong>les</strong><strong>sur</strong>es pouvaient se fermerf tes leçons<br />

<strong>les</strong> fermeraient. Mais je crains que tu ne travail<strong>les</strong> en<br />

vain à me sauver, <strong>et</strong> que? ma<strong>la</strong><strong>de</strong> désespéré, je ne r<strong>et</strong>ire<br />

<strong>de</strong> tes secours aucun sou<strong>la</strong>gement. Si je parle ainsi , ce<br />

n'est pas que je sois plus habile que toi; mais mon mé<strong>de</strong>cin<br />

ne me connaît pas aussi bien que moi-même. Toutefois<br />

, j'ai reçu comme un grand bienfait ce témoignage<br />

<strong>de</strong> ta bienveil<strong>la</strong>nce.


3© EX PONTO L1B. I, EPIST. IV.<br />

EPISTOLA QUARTA.<br />

UXORI.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Ad morem scribens po<strong>et</strong>a, canum se <strong>et</strong> <strong>la</strong>iiguidum factum esse désignât ; îiaji.iscp.ie<br />

rei causas duas esse colligit : seoectutem scilicel f <strong>et</strong> dolorem ? quo<br />

adsïdue confîcïtur s <strong>de</strong>k<strong>de</strong> facta col<strong>la</strong>tione Jasoais, qui in ea loca perveait,<br />

ubi ipse exsu<strong>la</strong>t, doc<strong>et</strong> suum malum majus fuisse illius opère <strong>et</strong> peregrinatione.<br />

Postremo optât, ut possit in patriam redire , fruique diîlcissiiïia oon*<br />

jugis amplexu <strong>et</strong> colloquio, Cssaribusque sacrificare.<br />

JAM mihi d<strong>et</strong>erior canis adspergitur a<strong>et</strong>as,<br />

Jamque meos vultus ruga senilïs arat :<br />

Jam vigor, <strong>et</strong> quasso <strong>la</strong>nguent in corpore ¥Îres;<br />

Nec f juveni lusus qui p<strong>la</strong>cuere, p<strong>la</strong>cent :<br />

Nec , si me subito vi<strong>de</strong>as, agnoscere possis ;<br />

MUtûs facta est tanta ruina meae !<br />

CONFITEOR facere haec annos : sed <strong>et</strong> altéra causa est,<br />

Anxie<strong>la</strong>s animi, continuusque <strong>la</strong>bor.<br />

Nam mea per longos si quis malâ digérât annos,<br />

Cre<strong>de</strong> mihi, Pylio Nestore major ero.<br />

Cernis, ut in duris? <strong>et</strong> quid bove firmitis? arvis<br />

Fortia taurorum corpora fraogat opus.<br />

Quae nunquam Yacuo solita est cessare novali,<br />

Fructibus adsïduis <strong>la</strong>ssa senescit humus :<br />

Occid<strong>et</strong>, ad Circi si quis certamina semper<br />

Non intermissis cursibus ibit equus :


P0NT1QUES, LIT. I, LETT. IV. 3i<br />

LETTRE QUATRIÈME.<br />

A SA FEMME.<br />

ARGUMENT.<br />

Le poète écrit i sa femme qu'il dépérit <strong>et</strong> que ses cheveux b<strong>la</strong>nchissent. Deux<br />

causes ont produit ce changement : <strong>la</strong> vieil<strong>les</strong>se, <strong>et</strong> <strong>la</strong> douleur qui le tourmente<br />

sans relâche. H se compare ensuite à Jason, qui lui-même a visité <strong>la</strong><br />

contrée où Ovi<strong>de</strong> est exilé. U a plus i souffrir que Jason n'a souffert dans<br />

ses travaux <strong>et</strong> ses voyages. Enfin, il désire qu'il lui soit permis <strong>de</strong> revenir<br />

dans sa patrie, <strong>de</strong> jouir <strong>de</strong>s embrassemens <strong>et</strong> <strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iens d*une épouse<br />

chérie, <strong>et</strong> <strong>de</strong> sacrifier aux Césars.<br />

DéJà au déclin <strong>de</strong> l'âge, ma tête commence à se couvrir<br />

<strong>de</strong> cheveux b<strong>la</strong>ncs ; déjà <strong>les</strong> ri<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> vieil<strong>les</strong>se sillonnent<br />

mon visage; déjà ma vigueur <strong>et</strong> mes forces <strong>la</strong>nguissent<br />

dans mon corps épuisé. Les jeux qui plurent à<br />

ma jeunesse ne me p<strong>la</strong>isent plus. S'i tu me voyais tout<br />

à coup, tu ne pourrais me reconnaître, tant m'ont été<br />

funestes <strong>les</strong> ravages du temps.<br />

Je l'avoue, c'est l'eff<strong>et</strong> <strong>de</strong>s années; mais une autre<br />

cause encore, ce sont <strong>les</strong> chagrins <strong>de</strong> l'âme <strong>et</strong> une souffrance<br />

continuelle. Car, si l'on comptait mes années par<br />

<strong>les</strong> maux que j'ai soufferts , crois-moi, je serais plus<br />

vieux que Nestor <strong>de</strong> Pylos. Tu vois comme, dans <strong>les</strong> terres<br />

diffici<strong>les</strong>, <strong>la</strong> fatigue brise le corps robuste <strong>de</strong>s bœufs ;<br />

<strong>et</strong> pourtant quoi <strong>de</strong> plus fort que le bœuf? La terre<br />

qu'on ne <strong>la</strong>isse jamais oisive, jamais en jachère, s'épuise<br />

, fatiguée <strong>de</strong> produire sans cesse. Il périra le coursier<br />

qui, sans relâche, sans intervalle, prendra toujours<br />

part aux combats du Cirque. Quelque soli<strong>de</strong> que soit


3a EX PONTO MB. I, EPIST. IV. (T. 17.)<br />

Firma sït il<strong>la</strong> 'lic<strong>et</strong>, solv<strong>et</strong>ur ïn aequore navis,<br />

Quœ nunquam liquidïs sicca carebit aquïs.<br />

Me quoque débilitât séries ïmmensa maloram,<br />

Ânte ineuiii tempos cogit <strong>et</strong> esse senem.<br />

Otia corpus alunt ; animus quoque pascitur illis :<br />

Immodicus contra carpit utruinque <strong>la</strong>bor.<br />

àDSPICE , in bas partes quod venerit Jïsone natus,<br />

Quam <strong>la</strong>u<strong>de</strong>m a sera posteritate ferat»<br />

At <strong>la</strong>bor illius nostro leviorque minorque,<br />

Si modo non verum nomiea magoa premunt*<br />

Ule est in Pontum, Pelia mittente, profectus,<br />

Qui vbc.Thessaliae fioe timendus erat;<br />

Caesaris ira mihi nocuit, quem Solis ab orttt,<br />

Solis ad occasus utraque terra tremit.<br />

Junctior Haernonia est Ponto, quam Roma siûistro ;<br />

Et brevius, quam nos, ille peregit iter,<br />

111e habuit comités, primos telluris Achivae :<br />

At nostram cuncti <strong>de</strong>stituere fugam ;<br />

Nos fragili vastum ligno sulcavimus aequor :<br />

Quae tulit iEsoni<strong>de</strong>nf firma carina fuit;<br />

Nec Tiphys mihi rector erat ; nec Agenore natus<br />

Quas sequerer, docuït, quas fugeremque, vias :<br />

lllum tutata est cum Pal<strong>la</strong><strong>de</strong> regia Juno :<br />

Defen<strong>de</strong>re meum uumina nul<strong>la</strong> caput ;<br />

lllum furtivae juvere cupidinis artes,<br />

Quas a me vellem non didiciss<strong>et</strong> Amor :<br />

Ille domum rediit ; nos his moriemur in arvis,<br />

Perstiterit <strong>la</strong>esi si gravis ira Dei.<br />

Dumros est igitur oostrum, fidissima conjux,<br />

Illoy quod subiit JEsone natus, onus.


POETIQUES, LIT. I, LETT. IV. B<br />

un vaisseau, il périra, s'il n'est jamais à sec, s'il est toujours<br />

mouillé par <strong>les</strong> flots. Et moi aussi, une suite infinie<br />

<strong>de</strong> maux m'affaiblit <strong>et</strong> me vieillit avant le temps. Le repos<br />

nourrit le corps, c'est aussi l'aliment <strong>de</strong> l'âme; mais une<br />

fatigue immodérée <strong>les</strong> consume l'un <strong>et</strong> l'autre.<br />

Vois combien le fils d'Éson, pour être venu dans ces<br />

contrées, s'est rendu célèbre dans <strong>la</strong> postérité <strong>la</strong> plus reculée.<br />

Mais ses travaux, on l'avouera, furent plus légers<br />

<strong>et</strong> plus faci<strong>les</strong>, si toutefois le grand nom dis héros<br />

n'étouffe pas <strong>la</strong> vérité. Il partit pour le Pont, envoyé<br />

par Pélias, qu'on redoutait à peine aux frontières <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Thessalie; <strong>et</strong> ce qui m'a été funeste à moi, c'est <strong>la</strong> colère<br />

<strong>de</strong> César, que, du soleil levant au soleil couchant,<br />

<strong>les</strong> <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s redoutent. L'Hémonie est plus voisine<br />

que Rome <strong>de</strong>s rivages maudits du Pont, <strong>et</strong> <strong>la</strong> route<br />

qu'il parcourut est plus courte que <strong>la</strong> mienne. 11 eut<br />

pour compagnons <strong>les</strong> princes <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre achéemie, <strong>et</strong><br />

je fus abandonné <strong>de</strong> tous, à mon départ pour l'exil. J'ai<br />

sillonné <strong>la</strong> vaste mer <strong>sur</strong> un bois fragile; <strong>et</strong> le fils d'Eson<br />

était porté <strong>sur</strong> un vaisseau soli<strong>de</strong>. Je n'avais pas Typhis<br />

pour pilote; le fils d'Agénor ne m'enseigna pas quel<strong>les</strong><br />

routes il fal<strong>la</strong>it suivre ou éviter. 11 était sous <strong>la</strong> protection<br />

<strong>de</strong> Pal<strong>la</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'auguste Junon, <strong>et</strong> aucune divinité<br />

n'a défendu ma tête. 11 fut secondé par une passion<br />

mystérieuse, par ces intrigues que je voudrais n'avoir<br />

jamais enseignées à l'amour. Il revint dans sa patrie ;<br />

moi, je mourrai <strong>sur</strong> c<strong>et</strong>te terre, si <strong>la</strong> redoutable colère<br />

d'un dieu que j'offensai, <strong>de</strong>meure imp<strong>la</strong>cable.<br />

Ainsi, ô <strong>la</strong> plus fidèle <strong>de</strong>s épouses, mon far<strong>de</strong>au e»t<br />

plus lourd à porter que celui du fils d'Éson. Et toi aussi,


34 IX PONTO LIB. I, EPIST. IV. (T. 47.)<br />

Te quoque, quam juvenem disce<strong>de</strong>ns urbe reliqui,<br />

Credibile est nostris insenuisse malis.<br />

O ego, Dî faciant, talem te cernere possim,<br />

Garaque mutatis oscu<strong>la</strong> ferre geois ;<br />

Amplectique mess corpus non pingue <strong>la</strong>certis ;<br />

Et, gracile hoc feeit, dicere, cura mei :<br />

.Et narrare meos flenti flens ipse <strong>la</strong>bores ;<br />

Sperato nuiiquam colloquioque frui ;<br />

Turaque Caesaribus cum conjuge Caesare digna.<br />

Dis veris, memori débita ferre manu !<br />

MEMNONIS liane utinam, lenito principe, mater<br />

Quam prïmum roseo provoc<strong>et</strong> ore diem !


PONTIQUES, LIV. I, LETT. IV. 35<br />

que je <strong>la</strong>issai jeune, à mon départ <strong>de</strong> Rome, sans doute<br />

mes malheurs t'ont vieillie. Oh! fassent <strong>les</strong> dieux que<br />

je puisse te voir telle que tu es, <strong>et</strong> <strong>sur</strong> tes joues changées<br />

déposer <strong>de</strong> tendres baisers, <strong>et</strong> dans mes bras presser<br />

ce corps amaigri <strong>et</strong> dire : «C'est moi, c'est le souci<br />

qui l'a rendu si délicat, » <strong>et</strong>, mê<strong>la</strong>nt mes <strong>la</strong>rmes aux<br />

tiennes, te raconter mes souffrances, <strong>et</strong> jouir d'un entr<strong>et</strong>ien<br />

que je n'espérais plus, <strong>et</strong> offrir d'une main reconnaissante<br />

aux Césars, à une épouse digne <strong>de</strong> César,<br />

à ces dieux véritab<strong>les</strong>, un encens mérité!<br />

Puisse <strong>la</strong> mère <strong>de</strong> Memnon, <strong>de</strong> sa bouche <strong>de</strong> rose,<br />

appeler bientôt ce jour, qui verra s'apaiser <strong>la</strong> colère du'<br />

prince!


36 ËX PONTO LIB. I, EPIST. V.<br />

EPISTOLA QUINTA.<br />

MAXIMO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Ad Maximum scribens po<strong>et</strong>a , illîim admon<strong>et</strong> , ne mir<strong>et</strong>ur, si carmen minus<br />

eîegans <strong>et</strong> incultnm offen<strong>de</strong>rit ; siqui<strong>de</strong>m tôt malis <strong>et</strong> situ ingenium oppressum,<br />

non possit eo caiore in<strong>sur</strong>gere, quo prius : <strong>de</strong>in<strong>de</strong> doc<strong>et</strong>, cur, quamvis<br />

sibi carmina noeuerint, tamen adhuc scribat. Postremo consilium exponit,<br />

cur non coneîur facere optimum carmen , <strong>et</strong> iilud polire.<br />

ILLE tuos quoodam non ultimes inter amicos ,<br />

Ut sua verba legas, Maxime , Naso rogat :<br />

In quibus ingenium désiste requirere nostrumf<br />

Nescius exsilii ne vi<strong>de</strong>are mei.<br />

Cernisy ut ignavum corrtimpaot otia corpus ;<br />

Ut capiant vitium , ni moveanturf aquae.<br />

Et mihi, si quis erat? dueendï carminis usus<br />

Déficit, estque minor factus inerte situ.<br />

Haec quoque, quœ legitis, si quid mihi, Maxime, credïs,<br />

Scribimus invita, vixque coa<strong>et</strong>af manu.<br />

Non lib<strong>et</strong> in taies animum conten<strong>de</strong>re curas,<br />

Nec venit ad duros Musa vocata G<strong>et</strong>as.<br />

Ut tamen ipse vi<strong>de</strong>s, luctor <strong>de</strong>ducere versum ;<br />

Sed non fit fato mollior ille meo.<br />

Quum relego*f scripsisse pud<strong>et</strong>; quia plurima cerno?<br />

Me quoque qui feci judîce, digna Uni.


PONTIQUES, LIV. I, LETT. Y. 37<br />

LETTRE CINQUIÈME.<br />

A MAXIME.<br />

ARGUMENT.<br />

Le poète avertit Maxime <strong>de</strong> ae pas s*étonner si <strong>les</strong> vers <strong>de</strong> son ami sont moins<br />

corrects, moins polis qu'autrefois : accablé par tant <strong>de</strong> maux , affaibli par<br />

F inaction , son génie ne peut plus s'animer <strong>de</strong> c<strong>et</strong> enthousiasme qu'il sentait<br />

jadis. IS lui apprend ensuite pour quel motif il écrit encore, quoique ses<br />

vers lui aient été si funestes. Enfin, il lui fait connaître pourquoi il ne<br />

cherche pas à corriger, à polir ses vers.<br />

CET Ovi<strong>de</strong>, qui jadis n'était pas le <strong>de</strong>rnier parmi tes<br />

amis, te prie, Maxime, <strong>de</strong> lire ces mots : n'y cherche<br />

plus <strong>les</strong> traces <strong>de</strong> mon génie, tu semblerais ignorer mon<br />

exil. Tu vois comme l'inaction flétrit on corps oisif,<br />

comme <strong>la</strong> corruption gagne une eau sans mouvement,<br />

Et moi aussi, si j'eus quelque habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> composer<br />

<strong>de</strong>s vers, elle se perd, <strong>et</strong> s'affaiblit par une longue désuétu<strong>de</strong><br />

; <strong>et</strong> même ces mots que tu lis, crois-moi,<br />

Maxime, ma main <strong>les</strong> trace à regr<strong>et</strong>, <strong>et</strong> je puis à peine<br />

l'y contraindre. II m'est impossible d'assujétir mon esprit<br />

à <strong>de</strong> semb<strong>la</strong>b<strong>les</strong> soins; <strong>et</strong> <strong>la</strong> muse que j'invoque ne<br />

vient pas chez <strong>les</strong> Gètes cruels.Tu le vois cependant, je<br />

lutte pour composer <strong>de</strong>s vers; mais je <strong>les</strong> fais aussi durs<br />

que mon <strong>de</strong>stin. Quand je <strong>les</strong> relis, j'ai honte <strong>de</strong> <strong>les</strong><br />

avoir écrits ; <strong>et</strong> , quoique j'en sois Fauteur, j'y vois<br />

bien <strong>de</strong>s choses dignes d'être effacées; <strong>et</strong>, pourtant, je<br />

ne corrige pas ; c'est un travail plus fatigant que celui


38 EX PONTO LIB. I, EPIST. V. (•. *?•)<br />

Nec tamen emendo : <strong>la</strong>bor hic quam scribere major,<br />

Mensque pati durum sustin<strong>et</strong> aegra nihil.<br />

SCILICET iocipiam lima mordacius uti -,<br />

Et sub judicium siogu<strong>la</strong> verba vocem ?<br />

Torqu<strong>et</strong> enim fortuna parum? nisi Nilus in Hebrum<br />

Confluât? <strong>et</strong> fron<strong>de</strong>s Alpibus addat Athos?<br />

Parcendum est animo miserabile vulnus habenti :<br />

Subducunt oneri col<strong>la</strong> perusta boves.<br />

AT, puto , fructus a<strong>de</strong>stf justissima causa <strong>la</strong>borumf<br />

Et sata cura multo fœnore reddit ager.<br />

Tempus ad hoc nobis? répétas lic<strong>et</strong> omnia, oullum<br />

Profuit, atque utinam non nocuiss<strong>et</strong> ! opus.<br />

Cur igitur scribam ? miraris : miror <strong>et</strong> ipse ;<br />

Et mecum quaero saepe, quid in<strong>de</strong> fera m.<br />

An populus vere sauos negat esse po<strong>et</strong>as ,<br />

Sumque fi<strong>de</strong>s hujus maxima vocis ego ?<br />

Qui 9 sterili toties quum sim <strong>de</strong>ceptus ab arvo? .<br />

Damnosa persto con<strong>de</strong>re semen humo.<br />

Scilic<strong>et</strong> est cupidus studiorum quisque suorum ;<br />

Tempus <strong>et</strong> adsu<strong>et</strong>a ponere io arte juvat.<br />

Saucius ejurat pugnain g<strong>la</strong>diator ; at i<strong>de</strong>m,<br />

Immemor antiqui vulneris, arma capit :<br />

Nil sibï cum pe<strong>la</strong>gi dicit fore naufragus undis :<br />

Mox ducit remos? qua modo navitj aqua.<br />

Sic ego constanter studium non utile carpo ;<br />

Et rep<strong>et</strong>o, nollem quas coluisse? Deas.<br />

Quid potius faciam ? non sum, qui segnia ducam<br />

Otia : mors nobis tempus hab<strong>et</strong>ur iners.<br />

Nec juvat in lucem nimïo marcescere vino;<br />

Nec ten<strong>et</strong> incertas aléa b<strong>la</strong>nda maous.


[PONTOQUES, L1V. I, LETT. V. 39<br />

d'écrire, <strong>et</strong> mon esprit ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ne supporte rien <strong>de</strong> pénible.<br />

Commencerai-je en eff<strong>et</strong> à me servir d'une lime plus<br />

mordante, à soum<strong>et</strong>tre chaque mot à un examen sévère?<br />

La fortune sans doute me tourmente trop peu ; faut-il<br />

que le Nil se joigne à l'Hèbre, <strong>et</strong> que l'Athos donne aux<br />

Alpes ses forêts? Il faut épargner un cœur atteint d'une<br />

b<strong>les</strong><strong>sur</strong>e cruelle. Les bœufs dérobent au far<strong>de</strong>au leur cou<br />

usé par <strong>la</strong> fatigue.<br />

Mais peut-être un juste profit me dédommage-t-il <strong>de</strong><br />

mon travail ? peut-être le champ rend-il <strong>la</strong> semence avec"<br />

u<strong>sur</strong>e? Rappelle-toi tous mes ouvrages; jusqu'à ce joorf<br />

aucun ne m'a servi,, <strong>et</strong> plût aux dieux qu'aucun ne<br />

m'eût été funeste! pourquoi donc écrire? tu t'en étonnes<br />

: je m'en étonne moi-même, <strong>et</strong> souvent je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

: ce Que m'en reviendra-t-il ? « Le peuple n'a-t-il<br />

pas raison <strong>de</strong> refuser le bon sens aux poètes? ne suis-je<br />

pas moi-même <strong>la</strong> preuve <strong>la</strong> plus sûre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te opinion,<br />

moi qui, trompé si souvent par un champ stérile, persiste<br />

à j<strong>et</strong>er <strong>la</strong> semence dans c<strong>et</strong>te terre ruineuse? C'est<br />

que chacun se passionne pour ses propres étu<strong>de</strong>s : on<br />

aime à consacrer son temps à un art qu'on a toujours<br />

cultivé. Un g<strong>la</strong>diateur b<strong>les</strong>sé jure <strong>de</strong> ne plus combattre,<br />

<strong>et</strong> bientôt, oubliant une <strong>ancienne</strong> b<strong>les</strong><strong>sur</strong>e, il reprend<br />

<strong>les</strong> armes. Le naufragé dit qu'il n'aura plus rien <strong>de</strong> commun<br />

avec <strong>les</strong> eaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer, <strong>et</strong> bientôt il agite <strong>la</strong> rame<br />

dans <strong>les</strong> on<strong>de</strong>s où naguère il a nagé. Ainsi, je blâme<br />

constamment mon inutile étu<strong>de</strong>, <strong>et</strong> je reviens aux divinités<br />

que je voudrais n'avoir pas cultivées. Que ferais-je<br />

<strong>de</strong> mieux? Je ne puis <strong>la</strong>nguir dans un indolent repos.<br />

L'oisiv<strong>et</strong>é est pour moi semb<strong>la</strong>ble à <strong>la</strong> mort. Mon p<strong>la</strong>isir<br />

n'est pas <strong>de</strong> rester jusqu'au jour appesanti par <strong>de</strong> co-


4o EX PONTO LIB. I, EPIST. V. (v. 47.)<br />

Quum <strong>de</strong>dimus somno , quas corpus postu<strong>la</strong>t, horas,<br />

Quo ponam vigi<strong>la</strong>os tempora looga modo ?<br />

Moris an oblitus patrii, conteo<strong>de</strong>re discam<br />

Sarmaticos arcus, <strong>et</strong> traliar arte loci ?<br />

Hoc quoque me studium prohibent adsumere vires ;<br />

Mensque magis gracili corpore nostra val<strong>et</strong>.<br />

QUUM bene quaesieris, quid agam, magis utile nil est<br />

Artibus his, quae nil utilitatis habent.<br />

Consequor ex illis casus oblivia nostrï ;<br />

Hanc, satis est, messem si mea reddit humus :<br />

Gloria vos acuat ; vos, ut recitata probeotur<br />

Carmina, Pieriis invigi<strong>la</strong>te choris.<br />

Quod venit ex facili, satis est componere nobis ;<br />

Et nimis intentï causa <strong>la</strong>boris abest.<br />

Cur ego sollicita poliam mea carmina cura ?<br />

An verear, ne non adprob<strong>et</strong> il<strong>la</strong> G<strong>et</strong>es ? ,<br />

Forsitan audacter faciam, sed glorior Istrum<br />

logenio nullum majus habere meo.<br />

Hoc, ubï vivendum,'satis est, si consequor arvo,<br />

Inter inhumanos esse po<strong>et</strong>a G<strong>et</strong>as.<br />

Quo mihi diversum fama conten<strong>de</strong>re in orbem ?<br />

Quem fortuna dédit, Roma sit ille locus.<br />

Hoc mea contenta est infelix Musa theatro :<br />

Sic merui ; magni sic voluere Dei.<br />

"Nec reor hinc istuc nostris iter esse libellis ,<br />

Quo Boreas penna déficiente venit.<br />

Dividimur cœlo ; quaeque est procul urbe Quirini,<br />

Adspicit hirsutos cominus Ursa G<strong>et</strong>as.


P0NT1QUES, L1V. I, LETT. V. 41<br />

pieuses libations. Les chances incertaines du jeu n'ont<br />

aucun charme pour moi. Quand j'ai donné au sommeil<br />

le temps que le corps réc<strong>la</strong>me, <strong>de</strong> quelle manière employer<br />

<strong>les</strong> longues heures du jour? irai-je, oubliant <strong>les</strong><br />

usages <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie, apprendre à ban<strong>de</strong>r l'arc <strong>de</strong>s Sarniates<br />

? me <strong>la</strong>isserai-je entraîner par <strong>les</strong> exercices <strong>de</strong> ce<br />

pays? mes forces même ne me perm<strong>et</strong>tent pas <strong>de</strong> me livrer<br />

à ces goûts. Mon âme a plus <strong>de</strong> vigueur que mon<br />

corps débile.<br />

Cherche bien ce que je puis faire : rien <strong>de</strong> plus utile<br />

pour moi que ces occupations qui n'ont aucune utilité.<br />

J'y gagne l'oubli <strong>de</strong> mon malheur; cest assez que ma<br />

terre me ren<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te moisson. Pour vous, que <strong>la</strong> gloire<br />

vous aiguillonne; donnez vos veil<strong>les</strong> aux chœurs <strong>de</strong>s<br />

Piéri<strong>de</strong>s, pour qu'on app<strong>la</strong>udisse <strong>la</strong> lecture <strong>de</strong> vos vers.<br />

Moi, je me contente d'écrire ce qui me vient sans effort.<br />

Un travail trop soutenu est pour moi sans motif. Pourquoi<br />

polirais-je mes vers avec un soin inqui<strong>et</strong>? craindrai-je<br />

qu'ils ne p<strong>la</strong>isent pas aux Gètes? peut-être y a-t-il<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> présomption; mais je me vante que le Danube n'a<br />

pas <strong>de</strong> plus grand génie que moi. Dans ces champs où<br />

il me faut vivre, c'est assez si j'obtiens d'être poète au<br />

milieu <strong>de</strong>s Gètes inhumains. A quoi me servirait d'étendre<br />

ma renommée dans un autre mon<strong>de</strong>? Que ce lieu,<br />

où le sort m'a fixé, soit Rome pour moi ; ma muse malheureuse<br />

se contente <strong>de</strong> ce théâtre. Ainsi je l'ai mérité,<br />

ainsi l'ont voulu <strong>de</strong>s dieux puissans. Je ne pense pas<br />

que, <strong>de</strong> ces bords, mes livres parviennent jusqu'aux<br />

lieux où Borée n'arrive que d'une aile fatiguée. Le ciel<br />

entier nous sépare; <strong>et</strong> l'Ourse, si éloignée <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong><br />

Quirinus, voit <strong>de</strong> près <strong>les</strong> Gètes barbares. A travers<br />

tant <strong>de</strong> terres, tant <strong>de</strong> mers, je puis à peine croire que


h% EX PONTO LIB. I, EPIST. V. (•. 75.)<br />

Per taotum terra > tôt aquas, vix cre<strong>de</strong>re possim<br />

Indîcium studii traosiluisse mei.<br />

Finge legi, quodque est mirabile, fioge p<strong>la</strong>cere ;<br />

Auctorem certe res juY<strong>et</strong> ista nihil.<br />

Quo tibi, si calida positus <strong>la</strong>u<strong>de</strong>re Syeoe,<br />

Àut ubi Taprobaeen Indica cingit aqua?<br />

Altius ire lib<strong>et</strong>? si te distantia longe<br />

Pleiadum <strong>la</strong>u<strong>de</strong>nt signa, quid io<strong>de</strong> feras?<br />

Sed neque pervenio scriptis mediocribus istuc,<br />

Famaque cum domino fugit ab urbe soo.<br />

Vosque, quibus perii,-tunc quum mea fama sepulta est,<br />

Nunc quoque <strong>de</strong> nostra morte tacere reor.


PONTIQUES, UV. I, LETT. V. 43<br />

<strong>les</strong> preuves <strong>de</strong> mon travail aient trouvé un passage. Suppose<br />

qu'on <strong>les</strong> lise, <strong>et</strong>, ce qui serait étonnant, suppose<br />

qu'ils p<strong>la</strong>iseot : as<strong>sur</strong>ément ce<strong>la</strong> ne serait d'aucun secours<br />

à Fauteur. A quoi te servirait d'être loué dans <strong>la</strong> chau<strong>de</strong><br />

Syèoe -<strong>et</strong> dans ces lieux où <strong>les</strong> flots indiens entourent<br />

Taprobane? Montons encore plus haut : si tu étais loué<br />

par <strong>les</strong> Pléia<strong>de</strong>s, dont nous sépare un si loog intervalle,<br />

que t'en reviendrait-il ? Avec mes faib<strong>les</strong> écrits, je n'arrive<br />

pas jusqu'aux lieux où vous êtes; <strong>et</strong> ma renommée<br />

a quitté Rome avec moi. Et vous, pour qui j'ai cessé<br />

d'être, du jour où ma renommée fut ensevelie dans .<strong>la</strong><br />

tombe, aujourd'hui sans doute vous ne parlez même<br />

plus <strong>de</strong> ma mort.<br />

/


44 EX PONTO LIB. I, EPIST. VI.<br />

EPISTOLA SEXTA.<br />

GRJECINO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Ad Grœelnum scribens, dol<strong>et</strong> po<strong>et</strong>a eom non adfoisse ilîo tempore quo ab<br />

Auguste relegatus est i quem arbitratur magnum cepisse doîorem, quum<br />

primum rem omnem acceperit. Secundo eum rogat, ut adloquio suo <strong>et</strong> litteris<br />

saitem consoî<strong>et</strong>ur ; nec scire cupiat quam ob causam exsu<strong>la</strong>rit, ne recru<strong>de</strong>scant<br />

vuînera jam occîusa. Postmodum doc<strong>et</strong> non prorsus sibi a<strong>de</strong>mtam<br />

esse spem reditus ; fateîurque simuî, in Csesaris clementia plurimum sperare :<br />

quem ut sibi reconciîi<strong>et</strong>ur, precatur. Demum dicit omnia impossibilïa potins<br />

fieri posse, quam cre<strong>de</strong>re se a Graecino fido <strong>et</strong> v<strong>et</strong>eri amico posse <strong>de</strong>stitui.<br />

ECQUID , ut audisti, nam te dïversa tenebat<br />

Terra, meos casus, cor tibi triste fuit?<br />

Dissimu<strong>les</strong>, m<strong>et</strong>uasque lic<strong>et</strong>, Graecioe, faterï ;<br />

Si bene te novi, triste fuisse liqu<strong>et</strong>.<br />

Non cadit in mores fcritas inamabilis istos ;<br />

Nec minus a studiis dissïd<strong>et</strong> il<strong>la</strong> tuis.<br />

Artibus ingenuis, quarum tibi maxima cura est,<br />

Pectora mol<strong>les</strong>cunt, asperitasque fugit.<br />

Nec quisquam meliore fi<strong>de</strong> complectitur il<strong>la</strong>s,<br />

Qua sinit offîcium , militiaeque <strong>la</strong>bor.<br />

CERTE ego, quum primum potui sentire quid essem,<br />

Nam fuit adtonito mens mihi nul<strong>la</strong> diu,<br />

Hoc quoque fortunae sensi , quod amicus abesses :<br />

Qui mihi praesidium gran<strong>de</strong> fuîurus eras.


POETIQUES, LIV. I, LETT. VI. 45<br />

LETTRE SIXIEME.<br />

A GRECIWUS.<br />

ARGUMENT.<br />

Le poète regr<strong>et</strong>te qiie Grécinus ne se soit pas trouvé à Rome au moment où il<br />

a été proscrit par Auguste ; i! pense que Grécïiius a été vivement affligé à<br />

<strong>la</strong> nouvelle <strong>de</strong> sa disgrâce. Il le prie <strong>de</strong> consoler l'exilé par ses entr<strong>et</strong>iens <strong>et</strong><br />

par ses l<strong>et</strong>tres, <strong>et</strong> <strong>de</strong> ne pas chercher à connaître <strong>la</strong> cause <strong>de</strong> son bannissement<br />

, <strong>de</strong> peur <strong>de</strong> rouvrir <strong>de</strong>s b<strong>les</strong><strong>sur</strong>es déjà fermées. Il lui apprend ensuite<br />

qu'il n'a pas perdu tout espoir <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our, qu'il a une gran<strong>de</strong> confiance dans<br />

<strong>la</strong> clémence <strong>de</strong> César ; il le prie d'apaiser le prince en sa faveur. Enfin, il<br />

dit que <strong>les</strong> choses <strong>les</strong> plus impossib<strong>les</strong> arriveront, avant qu'il soupçonne <strong>la</strong><br />

fidélité <strong>de</strong> Grécinus*, son ancien ami.<br />

LORSQUE tu appris mes malheurs, car alors tu étais<br />

r<strong>et</strong>enu <strong>sur</strong> une terre étrangère, ton cœur en fut-il affligé<br />

? En vaiu tu dissimulerais, tu craindrais <strong>de</strong> l'avouer;<br />

Grécinus, si je te connais bien, sans doute tu fus<br />

affligé. Une odieuse insensibilité n'est pas dans ton caractère,<br />

elle ne répugne pas moins aux étu<strong>de</strong>s que tu<br />

cultives. Les l<strong>et</strong>tres, pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> tu as tant <strong>de</strong> zèle,<br />

adoucissent <strong>les</strong> cœurs <strong>et</strong> bannissent <strong>la</strong> ru<strong>de</strong>sse, <strong>et</strong>, plus<br />

que tout autre, tu t'y livres avec une ar<strong>de</strong>ur fidèle,<br />

quand ta charge <strong>et</strong> <strong>les</strong> travaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre te le perm<strong>et</strong>tent.<br />

Moi, dès que j'ai pu sentir ce que j'étais <strong>de</strong>venu, car<br />

long-temps mon âme étourdie resta anéantie, j'ai senti<br />

ne malheur <strong>de</strong> plus : tu me manquais, toi, l'ami qui <strong>de</strong>vait<br />

m'être d'un si grand secours. Avec toi me man-


46 EX PONTO LIB. I, EPIST. VI. (v. i5.)<br />

Tecum tune aberant aegrae so<strong>la</strong>tia mentis,<br />

Magnaque pars auimae eonsiliique mei.<br />

àT nunc, quod superest, fer opem, precor, eminus unam;<br />

Adloquioque juva pectora nostra tuo :<br />

Quae | non mendaci si quidquam credis amico,<br />

Stulta magis dici, quam scelerata, <strong>de</strong>c<strong>et</strong>.<br />

NEC levé, nec tutum , peccati quae sit origo ,<br />

Scribere ; tractari vulnera. nostra timent.<br />

Qualicumque modo mihi sint ea fac<strong>la</strong>, rogare<br />

Desine ; non agites, si qua coire velis.<br />

Quicquid id est, ut non facinus , sic culpa vocandum :<br />

Omnis ao in magnos culpa Deos scelus est?<br />

Spes igitur menti pœnae, Graecine, levandae<br />

Non est ex toto nul<strong>la</strong> relicta meae.<br />

Haec Dca, quum fugerent sceleratas numina terras,<br />

In Dis invïsa so<strong>la</strong> remansit humo :<br />

Haec facit, ut vivat vinctus quoque compe<strong>de</strong> fossor,<br />

Liberaque a ferro crura futura put<strong>et</strong> :<br />

Hœc facit, ut, vi<strong>de</strong>at quum terras undique nul<strong>la</strong>s,<br />

Naufragus ie medïis brachia jact<strong>et</strong> aquis.<br />

Sape aliquem sollers medicorum cura reliquit;<br />

Nec spes huic vena déficiente cadit. <<br />

Carcere dicuntur c<strong>la</strong>usi sperare salutem ;<br />

Atque aliquis pen<strong>de</strong>ns in cruce vota facit.<br />

Haec Dea quam multos <strong>la</strong>queo sua col<strong>la</strong> ligantes<br />

Non est proposita passa perire nece !<br />

Me quoque conantem g<strong>la</strong>dio finire dolorem<br />

Arcuit, injecta continuitque manu.<br />

Quidque facis? <strong>la</strong>crymis opus est, non sanguine, dixit;<br />

Saepe per lias Eecti principis ira sol<strong>et</strong>.


PONTIQUES, L1V. I, LETT. VI. kl<br />

quaient <strong>les</strong> conso<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> ma douleur, <strong>et</strong> <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong><br />

ma vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> ma raison.<br />

Maintenant il reste un service que je te prie <strong>de</strong> me<br />

rendre <strong>de</strong> loin : par tes entr<strong>et</strong>iens sou<strong>la</strong>ge mon cœur ; il<br />

faut plutôt, crois-en un ami qui ne ment pas, l'appeler<br />

insensé que coupable.<br />

Il n'est ni facile ni sûr d'écrire quelle fut l'origine <strong>de</strong><br />

ma faute: mes b<strong>les</strong><strong>sur</strong>es craignent d'être touchées. Cesse<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> quelle manière je <strong>les</strong> ai reçues; ne <strong>les</strong><br />

tourmente pas, si tu veux qu'el<strong>les</strong> se ferment. Quelle<br />

que soit mon erreur, elle ne mérite pas le nom <strong>de</strong> forfait,<br />

ce n'est qu'une faute; <strong>et</strong> toute faute contre <strong>les</strong><br />

dieux est-elle donc un crime? Ainsi, Grécinus, l'espérance<br />

<strong>de</strong> voir ma peine adoucie n'est pas entièrement<br />

bannie démon cœur. L'Espérance, quand <strong>les</strong> divinités<br />

quittaient ce mon<strong>de</strong> pervers, seule parmi tous <strong>les</strong> dieux,<br />

resta <strong>sur</strong> c<strong>et</strong>te terre odieuse. C'est par elle que vit l'esc<strong>la</strong>ve<br />

chargé <strong>de</strong> fers, en pensant qu'un jour ses pieds<br />

seront libres d'entraves. C'est par elle que le naufragé,<br />

bien qu'il ne voie <strong>la</strong> terre d'aucun côté, agite ses bras<br />

au milieu <strong>de</strong>s flots. Souvent le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> que <strong>les</strong> soins habi<strong>les</strong><br />

<strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins ont abandonné, ne perd pas l'espérance,<br />

quand déjà l'artère a cessé <strong>de</strong>. battre. On dit que<br />

<strong>les</strong> prisonniers, dans le cachot, espèrent leur salut; il<br />

en est qui, suspendus à <strong>la</strong> croix, font encore <strong>de</strong>s vœux.<br />

Combien s'attachaient au cou le <strong>la</strong>c<strong>et</strong>, que c<strong>et</strong>te déesse<br />

n'a pas <strong>la</strong>issé périr <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort qu'ils s'étaient proposée ?<br />

Et moi, quand par le fer j'essayais <strong>de</strong> finir ma souffrance,<br />

elle m'a arrêté, elle a r<strong>et</strong>enu mon bras déjà levé. «Que<br />

fais-tu? m'a-t-elle dit; il faut <strong>de</strong>s <strong>la</strong>rmes <strong>et</strong> non du sang :<br />

.par el<strong>les</strong> souvent le courroux du prince se <strong>la</strong>isse fléchir.<br />

» Aussi, quoique j'en sois indigne, j'espère beau-


48' EX PONTO LIB/1, EP1ST. VI. (T. 45.)<br />

Quamvis est igitur meritis in<strong>de</strong>bita nostrisf<br />

Magna tamen spes est in bonitate Dei.<br />

Qoi ne difficilis mihi sit, Graecine, precare;<br />

Confer <strong>et</strong> in votum tu quoque verba meum :<br />

Inque Tomitana jaceam tumu<strong>la</strong>tus arena,<br />

Si te non nobis ista vovere liqu<strong>et</strong> !<br />

Nam prius incipiant turres vitare columbae,<br />

Antra feraef pecu<strong>de</strong>s graminaf raergus aquas,<br />

Quam maie se prœst<strong>et</strong> veleri Graecinus araico :<br />

Non ita sunt fatis omnia versa meis.


POETIQUES, UV. I, LETT. VI. 49<br />

coup dans <strong>la</strong> bonté <strong>de</strong> ce dieu. Que tes prières, Grécinus?<br />

me le ren<strong>de</strong>nt propice; que <strong>les</strong> paro<strong>les</strong> ai<strong>de</strong>nt à<br />

Faccom plissement <strong>de</strong> mes vœux! Puissé-je être enseveli<br />

dans <strong>les</strong> sab<strong>les</strong> <strong>de</strong> Tomes , si je doute que tu fasses <strong>de</strong>s<br />

vœux pour moi ! Les colombes commenceront à s'éloigner<br />

<strong>de</strong>s tours, <strong>les</strong> bêtes sauvages <strong>de</strong> leurs antres, <strong>les</strong><br />

troupeaux <strong>de</strong>s pâturages, le plongeon <strong>de</strong>s eaux? avant<br />

que Grécinus trahisse un ancien ami. Non, tout n'est<br />

pas changé à ce point par ma <strong>de</strong>stinée.<br />

x.


5o . EX PONTO LIB. I, EPIST. VIL<br />

EPISTOLA SEPTIMA.<br />

ME'SSALINO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Bene precatur Messâiino poê<strong>la</strong>, miseroque sibi auMcitiam, patris fralrisque<br />

secutus exempta , haud <strong>de</strong>aeg<strong>et</strong>, hortatur.<br />

LITTERA pro verbïs tibi, Messalline, salutemî<br />

Quam legis, a saevis adtulit usque G<strong>et</strong>is.<br />

Indïcat auctorem locus ? an, nisi nomine lecto,<br />

Haec me Nasonem scrïbere verba, <strong>la</strong>t<strong>et</strong> ?<br />

Ecquïs in extremo positus jac<strong>et</strong> orbe tuorum,<br />

Me tamea excepto, qui preeor esse tous?<br />

Dî procul a cunctis, qui te venerantur amantque,<br />

Hujus notitiam gentis abesse velint.<br />

Nos, satis est, inter g<strong>la</strong>ciem Scythicasque sagittas<br />

Vivere , si vita est mortis habeeda genus.<br />

Nos premat aut bello tellus, aut frigore cœlum;<br />

Truxque G<strong>et</strong>es armis, grandine puls<strong>et</strong> hiems :<br />

Nos habeat regio, nec pomo fœta, nec uvis ;<br />

• Et cujus nullum cess<strong>et</strong> ab hoste <strong>la</strong>tus.<br />

C<strong>et</strong>era sit sospes cultorum turba tuorum ;<br />

In quibus, ut populo, pars ego parva fui.<br />

Me miserum, si tu verbis offen<strong>de</strong>ris istis ;<br />

Nosque negas ul<strong>la</strong> parte fuisse tuos !


POETIQUES, UV. I, LETT. VII. Bi<br />

LETTRE SEPTIÈME.<br />

A MESSALINUS.<br />

ARGUMENT.<br />

Le poète fait <strong>de</strong>s vœux pour Messaliaus. Il l'engage à suivre l'exemple <strong>de</strong> son<br />

père <strong>et</strong> <strong>de</strong> son frère, <strong>et</strong> à ne pas refuser son amitié à un malheureux exilé.<br />

CETTE l<strong>et</strong>tre, au défaut <strong>de</strong> ma voix, t'apporte du pays<br />

<strong>de</strong>s Gètes cruels <strong>les</strong> vœux que tu lis. Reconnais-tu l'auteur<br />

au lieu qu'il habite? ou faut-il que tu lises mon<br />

nom, pour savoir que c'est Ovi<strong>de</strong>, que c'est moi qui<br />

t'écris ces mots? Quel autre <strong>de</strong> tes amis <strong>la</strong>nguit relégué<br />

aux extrémités du mon<strong>de</strong> ? ne suis-je pas le seul, moi<br />

qui réc<strong>la</strong>me-aussi ce titre? Que <strong>les</strong> dieux préservent tous<br />

ceux qui t'honorent <strong>et</strong> qui t'aiment, <strong>de</strong> connaître ce<br />

pays ! C'est bien assez que, moi, je vive au milieu <strong>de</strong>s<br />

g<strong>la</strong>ces <strong>et</strong> <strong>de</strong>s flèches <strong>de</strong>s Scythes, si on peut appeler vie<br />

une espèce <strong>de</strong> mort.<br />

Que c<strong>et</strong>te terre réserve pour moi <strong>les</strong> maux <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

guerre, ce ciel ses frimas ; que je sois en butte aux armes<br />

du Gèle féroce, à <strong>la</strong> grêle ; que j'habite une contrée<br />

qui ne produit ni fruit ni raisin, <strong>et</strong> que l'ennemi menace<br />

<strong>de</strong> <strong>toutes</strong> parts ; pourvu qu'à Fabri <strong>de</strong> tout danger<br />

vive le reste <strong>de</strong> tes amis, parmi <strong>les</strong>quels confondu ,<br />

comme dans <strong>la</strong> foule, j'occupais une p<strong>et</strong>ite p<strong>la</strong>ce. Malheur<br />

à moi, si tu t'offenses <strong>de</strong> ces paro<strong>les</strong> ; si tu dis<br />

qu'en aucune façon je n'ai été <strong>de</strong>s tiens. ' Quand ce<strong>la</strong> se-<br />

4-


52 EX PONTO LIB. I, EPIST. VIL (*• 19-)<br />

Idque sit ut verum, mentito ignoscere <strong>de</strong>bes :<br />

Nil démit <strong>la</strong>udi gloria nostra tuœ.<br />

Quîs se Caesaribus notis non fingït amicum ?<br />

Da veniam fasso, tu mihi Caesar eris.<br />

Nec tamen irrumpo, quo non lic<strong>et</strong> ire; satisque est,<br />

A tria si nobis non patuisse negas.<br />

Utque tibi fuerît mecum nihil amplius, uno<br />

Nempe salutaris , quam prius, ore minus.<br />

Nec tuus est genitor nos inficiatus amicos,<br />

Hortator studii causaque faxque mei :<br />

Cui nos <strong>et</strong> <strong>la</strong>crymas, supremum in fonere munus.<br />

Et <strong>de</strong>dimus medio scripta canenda foro.<br />

Ad<strong>de</strong> quod est frater tanlo tibi junctus amore,<br />

Quantus in Atridis Tyndaridisque fuit.<br />

Is me nec comitem, nec <strong>de</strong>diguatus amicum est ;<br />

Si tamen hœc illi non nocitura putas.<br />

Si minus, bac quoque me.mendacem parte fatebor :<br />

C<strong>la</strong>usa mihi potius tôt a sit ista domus.<br />

Sed neque c<strong>la</strong>uclenda est; <strong>et</strong> nul<strong>la</strong> potentia vires<br />

Praestandi, ne quid pece<strong>et</strong> amîcus, hab<strong>et</strong>.<br />

Et tamen ut cuperem culpam quoque posse negarif<br />

Sic fkcinus nemo nescit abesse mihi.<br />

Quod nisi <strong>de</strong>lîcti pars excusabilis ess<strong>et</strong>f<br />

Parva relegari pœoa futura fuit.<br />

Ipse sed hoc vidit, qui pervid<strong>et</strong> omnia? Caesar?<br />

Stultitiam dici crimina posse mea :<br />

Quaque ego permisi, quaque est res passa, pepercit;<br />

Usus <strong>et</strong> est modice fulmînis igné sui :<br />

Nec vitam, nec opes, nec a<strong>de</strong>mit posse reverti,<br />

Si sua per vestras victa sit ira preces.


P0NT1QUES? LIV. I, LETT. VII. 53<br />

rait vrai, si je mens, tu dois me le pardonner. L'honneur<br />

que je m'attribue n'ôte rien à ta gloire. Qui ne se<br />

vante d'être l'ami <strong>de</strong>s Césars , pour peu qu'il <strong>les</strong> connaisse?<br />

Pardonne une audace que j'avoue, pour moi lu<br />

seras César. Cependant je ne force pas l'entrée <strong>de</strong>s lieux<br />

qui me sont interdits; je serai content, si tu ne nies pas<br />

que ta porte me fut ouverte. Quand même il n'y aurait<br />

pas eu plus <strong>de</strong> rapports entre toi <strong>et</strong> moi, autrefois du<br />

moins une voix <strong>de</strong> plus te rendait <strong>de</strong>s hommages. Ton<br />

père n'a pas désavoué mon amitié , lui qui m'encouragea<br />

dans mes étu<strong>de</strong>s, qui me fit poète <strong>et</strong> fut mon f<strong>la</strong>mbeau.<br />

Ausbi, à sa mort, lui ai-je offert, pour <strong>de</strong>rniers<br />

honneurs, mes <strong>la</strong>rmes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s vers qui furent récités<br />

dans le Forum. Je sais eoeore que ton frère a pour toi<br />

une affection qui ne le cè<strong>de</strong> pas à celle <strong>de</strong>s fils d'Atrée,<br />

ni <strong>de</strong>s fils <strong>de</strong>Tyndare. Et lui, il n'a jamais dédaigné ma<br />

société ni mon amitié. Sans doute tu ne penses pas que ce<strong>la</strong><br />

puisse lui nuire : autrement, <strong>sur</strong> ce point aussi, j'avouerai<br />

que je ne dis pas <strong>la</strong> vérité. Que plutôt votre maison<br />

me soit tout entière interdite. Mais non, elle ne doit pas<br />

m'être interdite : quelque fort qu'on soit, ou ne peut<br />

empêcher un ami <strong>de</strong> s'égarer. Cependant on sait que je<br />

n'ai pas commis <strong>de</strong> crime, <strong>et</strong> mon erreur même, je voudrais<br />

que l'on pût également <strong>la</strong> nier. Si mon délit n'était<br />

excusable en partie, <strong>la</strong> peine du bannissement eût<br />

été trop légère. Mais celui dont le regard pénètre tout,<br />

César, a bien vu que ma faute ne méritait pas le nom<br />

<strong>de</strong> folie. Il m'a épargné, autant que je l'ai permis,<br />

autant que le perm<strong>et</strong>taient <strong>les</strong> circonstances. Il s'est<br />

servi avec modération <strong>de</strong>s feux <strong>de</strong> sa foudre ; il ne m'a<br />

ôté ni <strong>la</strong> vie, ni mes biens, ni <strong>la</strong> possibilité du r<strong>et</strong>our,<br />

si un jour sa colère se <strong>la</strong>isse vaincre par vos prières.


54 EX PONTO LIB. I, EPIST. VIL (v. 4§-)<br />

AT graviter cecïdi : quïd enim mirabile, si quis<br />

À Jove perçusses noo levé vulnus hab<strong>et</strong>?<br />

Tpse suas ut jam vires inhiber<strong>et</strong> Achil<strong>les</strong>,<br />

Missa graves ictus Pelias hasta tulit.<br />

Judicium nobis igitur quum vindicis adsit,<br />

Non est cur tua me janua nosse neg<strong>et</strong>.<br />

Culta qui<strong>de</strong>m? fateor, citra quam <strong>de</strong>buit, il<strong>la</strong> :<br />

Sed fuit in fatis'hoc quoquef credo, meis.<br />

Nec tamen officium sensit magis altéra nostrum :<br />

Hic ? illic, vestro sub Lare semper eram.<br />

QuiEQUE tua est pi.<strong>et</strong>as; ut te non exco<strong>la</strong>t ip<strong>sur</strong>ti,<br />

Jus aliquod tecum fratris amicus bab<strong>et</strong>.<br />

Quid, quodf ut emeritis referenda est gratia semper?<br />

Sic est fortunœ promeruisse tuae ?<br />

Quod si permittis nobis sua<strong>de</strong>ref quid optes :<br />

Ut <strong>de</strong>s, quam reddas, plura, precare Deos.<br />

Idque facisf quantumque lic<strong>et</strong> meminisse, solebas<br />

Officii causam pluribus esse dati.<br />

Quolib<strong>et</strong> in numéro me, Messallioe? repone;<br />

Sim modo pars vestrae non aliéna domus :<br />

Et ma<strong>la</strong> Nasonem, quoniam meruisse vid<strong>et</strong>ur,<br />

Si non ferre do<strong>les</strong>, at meruisse dMç.


POETIQUES, LIV. I, LETT. VIL 55<br />

Mais ma chute a été terrible ; <strong>et</strong> qu'y a-t-il d'étonnant?<br />

<strong>les</strong> coups <strong>de</strong> Jupiter ne font pas <strong>de</strong> légères b<strong>les</strong><strong>sur</strong>es.<br />

Achille lui-même avait beau r<strong>et</strong>enir ses forces;<br />

<strong>les</strong> traits qu'il <strong>la</strong>nçait portaient <strong>de</strong>s coups funestes.<br />

Ainsi, puisque j'ai pour moi <strong>la</strong> sentence même <strong>de</strong> mon<br />

juge, pourquoi ta porte refuserait-elle <strong>de</strong> me reconnaître?<br />

Mes hommages, je l'avoue, n'ont pas été ce qu'ils<br />

<strong>de</strong>vaient, mais ce fut sans doute encore un eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> ma<br />

<strong>de</strong>stinée. Il n'est personne, cependant, que j'aie plus honoré<br />

: tour-à-tour chez l'un ou chez l'autre, sans cesse<br />

j'étais dans votre maison.<br />

Telle est ton affection pour ton frère, que, même<br />

sans te rendre ses hommages, l'ami <strong>de</strong> ton frère a <strong>sur</strong><br />

toi quelques droits. Epfîn, si <strong>la</strong> reconnaissance est<br />

toujours due à <strong>de</strong>s bienfaits, n'est - ce pas à ta for-,<br />

tune qu'il convient <strong>de</strong> <strong>la</strong> mériter? Si tu me perm<strong>et</strong>s<br />

<strong>de</strong> te dire ce que tu dois désirer, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aux dieux <strong>de</strong><br />

donner plutôt que <strong>de</strong> rendre. C'est ce que tu fais; <strong>et</strong>,<br />

autant que je puis m'en souvenir, tu aimais à obliger le<br />

plus souvent que tu pouvais. P<strong>la</strong>ce-moi, Messalinus,<br />

dans le rang que tu voudras, pourvu que je ne sois pas<br />

étranger à ta'maison. Et si, parce qu'Ovi<strong>de</strong> a mérité ses<br />

malheurs, tu ne le p<strong>la</strong>ins pas <strong>de</strong> <strong>les</strong> souffrir, p<strong>la</strong>ins-le<br />

du moins <strong>de</strong> <strong>les</strong> avoir mérités.


56 EX PONTO LIB. I, EPIST. VIII.<br />

EPISTOLA OCTAVA.<br />

SEVERO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Se?ero amico esponit se dnclum hostibus, in adsiduis semper prœliis irersari,<br />

miroque amicorum , conjogis, filwe $ <strong>et</strong> paîriae <strong>de</strong>si<strong>de</strong>rio teneri : neque sibi<br />

licere, quod unicum soîamen for<strong>et</strong>, ruri coîendo operam navare. Dein<strong>de</strong><br />

îœîatur quod contra in Severo sint omnia seconda ; mon<strong>et</strong>que, ni imp<strong>et</strong>r<strong>et</strong><br />

locum aliquem magis propinquum dari sibi ab Âugusto.<br />

A TIBI dilecto mïssam Nasone salutem<br />

Accipe, pars animae magna, Severe, ineœ.<br />

Neve roga f quitl agam ; si persequar omnia, flebis :<br />

Summa satis nostrî si tibi nota mali.<br />

Vivimus adsiduis expertes pacis in armis ,<br />

Dura phare.trato bel<strong>la</strong> movente Ge<strong>la</strong>.<br />

Deque tôt expulsis sum mi<strong>les</strong> in exsule solus :<br />

Tuta? nec invi<strong>de</strong>o, c<strong>et</strong>era turba jac<strong>et</strong>.<br />

Quoque magis nostros venia dignere libel<strong>les</strong>,<br />

Haec in procinctu carmina facta leges.<br />

STAT vêtus urbs, ripae vicina binomioïs Istri,<br />

Mœnibus <strong>et</strong> positu vix a<strong>de</strong>unda loci.<br />

Caspius JSgypsos, <strong>de</strong> se si credimus ipsis.,<br />

Coodidit; <strong>et</strong> proprio nomine dixit opus.<br />

Hanc férus Odrysiis inopino Marte peremtis<br />

-Cepit, <strong>et</strong> in regem sustulit arma G<strong>et</strong>es.


PONTIQUES, LIV. I, LETT. ¥111. l 57<br />

LETTRE HUITIÈME.<br />

A SÉVÈRE.<br />

ARGUMENT.<br />

Il raconte à Sévère qu'entouré d'ennemis, il vit sans cesse an milieu <strong>de</strong>s combats<br />

; qu'il regr<strong>et</strong>te vivement ses amis, sa femme, sa fille <strong>et</strong> sa patrie ; qu'il<br />

n'a pas même <strong>la</strong> conso<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> consacrer ses loisirs à <strong>la</strong> culture <strong>de</strong>s champs.<br />

Ensuite, il se félicite <strong>de</strong> ce que tout réussit à Sévère, <strong>et</strong> le prie <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />

à Auguste une contrée moins éloignée pour son ami exilé.<br />

REçOïS ce souvenir que ton cher Ovi<strong>de</strong> t'envoie, Sévère<br />

, toi, <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong> moi-même. Ne me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pas<br />

ce que je fais : si je te raconte tout, tu pleureras; c'est<br />

assez que tu connaisses en abrégé mes souffrances. Nous<br />

vivons sans cesse au milieu <strong>de</strong>s armes, sans connaître<br />

jamais <strong>la</strong> paix ; sans cesse le Gèle, armé <strong>de</strong> son carquois,<br />

suscite <strong>de</strong>s guerres cruel<strong>les</strong>. Seul <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> bannis , je<br />

suis tout ensemble exilé <strong>et</strong> soldat; <strong>les</strong> autres, <strong>et</strong> je n'en<br />

suis pas jaloux, vivent en sûr<strong>et</strong>é. Et, pour que nies écrits<br />

te paraissent plus dignes d'indulgence, ces vers, que tu<br />

liras, je <strong>les</strong> ai faits armé pour le combat.<br />

Près <strong>de</strong>s rives <strong>de</strong> lister au double nom, est une ville<br />

<strong>ancienne</strong>, que ses remparts <strong>et</strong> sa situation ren<strong>de</strong>nt presque<br />

inabordable. Le CaspienÉgypsus, si nous en croyons<br />

ce peuple <strong>sur</strong> sa propre histoire, <strong>la</strong> fonda, <strong>et</strong> appe<strong>la</strong><br />

son ouvrage <strong>de</strong> son nom. Le Gète barbare, après avoir<br />

par <strong>sur</strong>prise massacré <strong>les</strong> Odrysiens, s'en empara <strong>et</strong>


58 EX PONTO LIB. I, EPIST. VIII. (*. 17-)<br />

Ille memor magoi generis, virtute quod aug<strong>et</strong>,<br />

Protinus innumero milite cinctus a<strong>de</strong>st :<br />

Nec prius abscessit, mérita quam caedë eocentum<br />

Se nimis ulciscens, exstitit ipse nocens.<br />

At tibi, rex , aevo, d<strong>et</strong>urf fortissime, nostro,<br />

Semper hooorata sceptra teeere manu.<br />

Teque, quod <strong>et</strong> praestat, quid enim tibrplenius optem?<br />

Martia cum magno Caesare Roma prob<strong>et</strong>.<br />

SED memor un<strong>de</strong> abii? queror, o jucun<strong>de</strong> sodalisf<br />

Accédant nostris saeva quod arma malis.<br />

Ut careo vobis Stygias d<strong>et</strong>rusus in oras,<br />

Quatuor autumoos Pleias orta facit.<br />

Nec tu credi<strong>de</strong>ris urbanae- commoda vit»<br />

Qoaerere Nasooem : quaerit <strong>et</strong> il<strong>la</strong> tamen.<br />

Nam modo vos animo dulces reminiscorf amici;<br />

Nuoc milii cum cara coojuge nata subit :<br />

Eque domo.rorsus pulchrae loca vertor adurbisf<br />

Cunctaque mens oculis pervïd<strong>et</strong> il<strong>la</strong> suis.<br />

Nunc fora? nunc ae<strong>de</strong>s, nunc marmore tecta tlieatra;<br />

Nunc subit aequata porticus omois humo.<br />

Gramiua nunc campi pulchros spectantis in hortos,<br />

Stagnaque <strong>et</strong> Euripi, Virgineusque liquor.<br />

At, puto, sic urbis misero est erepta voluptas,<br />

Quolib<strong>et</strong> ut saltem rure frui liceat.<br />

Non meus amissos animus <strong>de</strong>si<strong>de</strong>rat agros,<br />

Muraque Peligno conspicienda solo;<br />

Nec quos piniferis positos in collibus hortos<br />

Spectat F<strong>la</strong>mini» Clodia juncta vi».


POETIQUES, LIV. I, LETT. VIII. B9<br />

soutint <strong>la</strong> guerre contre le roi. Se souvenant <strong>de</strong> sa noble<br />

naissance, qu'il relève par son courage, ce prince se<br />

présenta aussitôt entouré <strong>de</strong> nombreux soldats : il ne se<br />

r<strong>et</strong>ira qu'après avoir versé le sang <strong>de</strong>s coupab<strong>les</strong>, <strong>et</strong>,<br />

par l'excès <strong>de</strong> sa vengeance, s'être rendu coupable luimême.<br />

Oroi ,1e plus vail<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> notre époque, puisses-tu<br />

tenir le sceptre d'une main toujours glorieuse! puissestu,<br />

<strong>et</strong> que pourrais-je te souhaiter <strong>de</strong> mieux? recevoir<br />

toujours, comme aujourd'hui, <strong>les</strong> éloges <strong>de</strong> <strong>la</strong> belliqueuse<br />

Rome <strong>et</strong> du grand César!<br />

Mais revenant au suj<strong>et</strong> que j'ai quitté, je me p<strong>la</strong>ins,<br />

cher ami, que <strong>de</strong> cruels combats viennent se joindre à<br />

mes maux.. Depuis que, privé <strong>de</strong> vous , je fus j<strong>et</strong>é <strong>sur</strong> ces .<br />

rives inferna<strong>les</strong>, quatre fois l'automne a vu se lever <strong>les</strong><br />

Pléia<strong>de</strong>s. Ne crois pas qu'Ovi<strong>de</strong> regr<strong>et</strong>te <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> Rome<br />

<strong>et</strong> ses agrémens; <strong>et</strong> pourtant il <strong>les</strong> regr<strong>et</strong>te aussi : car<br />

tantôt je me rappelle votre doux souvenir, mes amis ;<br />

tantôt je songe à ma fille, à ma chère épouse. Puis je<br />

sors <strong>de</strong> ma maison, <strong>et</strong> je me tourne vers <strong>les</strong> diverses,<br />

parties <strong>de</strong> <strong>la</strong> belle Rome; <strong>et</strong> tous ces lieux, mon esprit<br />

<strong>les</strong> parcourt <strong>de</strong> ses regards. Tantôt je vois <strong>les</strong> p<strong>la</strong>ces,<br />

tantôt <strong>les</strong> pa<strong>la</strong>is, ou <strong>les</strong> théâtres revêtus <strong>de</strong> marbre,<br />

ou tous ces portiques au sol ap<strong>la</strong>ni, ou le gazon du<br />

Champ-<strong>de</strong>-Mars en face <strong>de</strong> superbes jardins, <strong>et</strong> <strong>les</strong><br />

étangs, <strong>et</strong> <strong>les</strong> canaux, <strong>et</strong> l'eau <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vierge. Mais peutêtre<br />

que, si, dans mon malheur, <strong>les</strong> p<strong>la</strong>isirs <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville<br />

me sont ravis, je puis du moins jouir d'une campagne<br />

quelconque. Je ne regr<strong>et</strong>te pas <strong>les</strong> ferres que j'ai perdues,<br />

c<strong>et</strong>te belle campagne dans <strong>les</strong> p<strong>la</strong>ines <strong>de</strong>s Pélignes,<br />

ni ces jardins p<strong>la</strong>ntés <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s collines ombragées <strong>de</strong><br />

pins <strong>et</strong> en vue <strong>de</strong> <strong>la</strong> voie Clodia, qui près <strong>de</strong> là se


60 EX PONTO-LIB. I, EPIST. VIII. (v. 45.)<br />

Quos ego nescio cui coluif quibus ijise solebam<br />

Ad sata fontanas, nec pud<strong>et</strong>f ad<strong>de</strong>re aquas.<br />

Sunt ibi, si vivunt? nostra quoque consita quondam,<br />

Sed non <strong>et</strong> nostra poma legenda manu.<br />

Pro quibus amissis utinam contingere possit<br />

Hic saltem profugo gleba colenda niilii !<br />

Ipse ego pen<strong>de</strong>ntes, lïceat modo, rupe capel<strong>la</strong>s,<br />

Ipse velim baculo pascere nixus oves :<br />

Ipse ego , ne solitis insistant pectora curis,<br />

Ducam rurico<strong>la</strong>s sub juga panda boves :<br />

Et discam G<strong>et</strong>ici quae norint verba juvenci ;<br />

Adsu<strong>et</strong>as illis adjiciamque minas :<br />

Ipse, manu capulum pressi mo<strong>de</strong>ratus aratrî f<br />

Experiar mota spargere semen humo :<br />

Nec dubitem longis purgare ligonibus arva ,<br />

Et dare, quas sitiens combibat kortus, aquas.<br />

Uo<strong>de</strong>, sed hoc nobisf miniimim quos inier <strong>et</strong> hostem<br />

Discrim<strong>et</strong>i murus c<strong>la</strong>usaque porta facit?<br />

àT tibi nascenti, quod loto pectore <strong>la</strong><strong>et</strong>or5<br />

Nerunt fata<strong>les</strong> fortia fi<strong>la</strong> Deae.<br />

ïe modo campus hab<strong>et</strong>, <strong>de</strong>nsa modo porticûs umbra;<br />

Nunc ? in quo pooas tempora rara, forum.<br />

Umbria nunc revocat; nec non Albana p<strong>et</strong>entem<br />

Appia ferventi ducit in arva rota.<br />

Forsitan hic optes ; ut justam supprimât ïram<br />

Caesar? <strong>et</strong> hospitium sit tua vil<strong>la</strong> meum.


PONTIQUES, UV. I, LETT. ¥111. 61<br />

joiot à <strong>la</strong> voie F<strong>la</strong>minienne, je <strong>les</strong> ai cultivées, je ne sais<br />

poor qui. Souvent moi-même, <strong>et</strong> je n'en rougis pas,<br />

j'apportais aux p<strong>la</strong>ntes l'eau <strong>de</strong> <strong>la</strong> source. Là doivent<br />

être, s'ils vivent encore, <strong>de</strong>s arbres que jadis ma main<br />

a p<strong>la</strong>ntés, mais dont ma main ne cueillera pas <strong>les</strong> fruits.<br />

Pour remp<strong>la</strong>cer ces pertes, que ne puis-jedu moins<br />

trouver ici un champ à cultiver dans mon exil! Moimême<br />

, <strong>et</strong> plût aux dieux que je le pusse ! je voudrais,<br />

appuyé <strong>sur</strong> un bâton, mener au pâturage mes chèvres<br />

suspendues aux rochers , y mener mes brebis ; moimême<br />

, pour que mon cœur ne s'arrêtât pas à ses<br />

éternels soucis, je conduirais mes bœufs <strong>la</strong>bourant <strong>la</strong><br />

terre sous le joug recourbé ; j'étudierais le <strong>la</strong>ngage que<br />

connaissent <strong>les</strong> taureaux <strong>de</strong>s Gètes, j'y ajouterais <strong>les</strong><br />

mots menaçans qui leur sont familiers. Moi-même, dirigeant<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> main le manche <strong>de</strong> <strong>la</strong> charrue pressée dans<br />

le sillon, j'apprendrais à répandre <strong>la</strong> semence <strong>sur</strong> une<br />

terre préparée. Je n'hésiterais pas à n<strong>et</strong>toyer mes champs,<br />

armé d'un long hoyau, ni à donner à mon jardin altéré<br />

une eau qui l'abreuve. Mais comment le pourraisje,<br />

moi qu'un mur <strong>et</strong> une porte fermée séparent à peine<br />

<strong>de</strong> l'ennemi?<br />

Pour toi, à ta naissance, <strong>et</strong> mon cœur s'en félicite,<br />

<strong>les</strong> fata<strong>les</strong> déesses ont tiré <strong>de</strong> leur fuseau un fil heureux.<br />

Tantôt c'est le Champ-<strong>de</strong>-Mars qui te r<strong>et</strong>ient, tantôt<br />

l'ombre épaisse d'un portique, <strong>et</strong> tantôt le Forum, auquel<br />

tu ne consacres que <strong>de</strong> rares instans; tantôt POmbrie<br />

te rappelle ; ou, dirigée vers ta maison d'Albe, une<br />

roue brû<strong>la</strong>nte te porte <strong>sur</strong> <strong>la</strong> voie Appienne. Là peutêtre<br />

tu désires que "César oublie sa juste colère, <strong>et</strong> que<br />

ta campagne soit mon asile. Ah! c'est trop <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r,


6% EX PONTO LIB. I, EPIST. VIII. (•. 71.)<br />

Ah! minium est, quod, amïce, p<strong>et</strong>is! mo<strong>de</strong>ratius opta,<br />

Et voti, quaeso, contrahe vê<strong>la</strong> tui.<br />

Terra velim propior, eullique obooxia bello<br />

D<strong>et</strong>ur ; erit nostris pars bona <strong>de</strong>mta malis.


PONTIQUES, LIV. I, LETT. VIII. 63<br />

mon ami ; modère tes vœux ; ne donne pas tant d'essor<br />

à tes désirs. Je voudrais que Ton m'accordât une terre<br />

moins éloignée, une contrée qui ne lîit pas exposée à <strong>la</strong><br />

guerre. Alors je serais sou<strong>la</strong>gé d'une bonne partie <strong>de</strong><br />

mes souffrances.


64 EX PONTO LIB. I, EPIST. IX.<br />

EPISTOLA NONA.<br />

MAXIMO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Po<strong>et</strong>a Oeîso <strong>de</strong>fancto, cujus mortem nuntiaverat Maximus » <strong>la</strong>erymas libat.<br />

Is Maximum prœstiterum auxilia promiserat ; quœ aaiici Yerba ne faerliit<br />

¥ana, precatur.<br />

QUJE mihi <strong>de</strong> rapto tua venit episto<strong>la</strong> Celso,<br />

Protious est <strong>la</strong>crymis humida facta meis :<br />

Quodque nefas dictu, fieri nec posse putavi,<br />

Invitis ocolis littera lecta tua est.<br />

Nec quidquam ad nostras pervenit acerbius aures,<br />

Ut sumus in Ponto, perveniatque precor.<br />

Ante meos oculos tanquam praesentïs imago<br />

Haer<strong>et</strong>, <strong>et</strong> exstinctum vivere fingït amor.<br />

Saepe refert animus lusus gravitate carentes;<br />

Séria cum liquida saepe peracta fi<strong>de</strong>.<br />

Nul<strong>la</strong> tamen subeunt mihi tempora <strong>de</strong>nsius illis,<br />

Quae vellem vitae summa fuisse meae.<br />

Quum domus ingenti subito mea <strong>la</strong>psa ruina<br />

Conciditj in domini procubuitque caput,<br />

Adfuit ille mihi, quum pars me magna reliquit,<br />

Maxime, fortunée nec fuit ipse cornes.<br />

lllum ego noo aliter flentem mea funera vidi, y<br />

Ponendus quam si frater in igné for<strong>et</strong> :


POETIQUES, LIV. I, LETT. IX. , 65<br />

'^ii^romirinm^ —•••—•• • —"—» • •<br />

LETTRE NEUVIÈME.<br />

A MAXIME.<br />

ARGUMENT.<br />

Le poète paie un tribut <strong>de</strong> <strong>la</strong>rmes à <strong>la</strong> mémoire <strong>de</strong> Cekus, dont Maxime lui<br />

avait annoncé <strong>la</strong> mort Cekus lui aval! promis que Maxime serait son appui;<br />

il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que ces paro<strong>les</strong> d'un ami ne restent pas sans eff<strong>et</strong>.<br />

LA l<strong>et</strong>tre que j'ai reçue <strong>de</strong> toi <strong>sur</strong> <strong>la</strong> perte <strong>de</strong> Celsus,<br />

a été aussitôt mouillée <strong>de</strong> mes <strong>la</strong>rmes. Je n'ose le diref<br />

<strong>et</strong> je le croyais impossible, c'est à regr<strong>et</strong> que mes yeux,<br />

ont lu ta l<strong>et</strong>tre. Depuis que je suis dans le Pont, je n'avais<br />

pas encore appris, <strong>et</strong> puissé-jene jamais apprendre<br />

<strong>de</strong> nouvelle aussi cruelle ! son image s'attache à mes regards!<br />

comme s'il était <strong>de</strong>vant moi : tout mort qu'il est,<br />

ma tendresse se le représente vivant; souvent je me rappelle<br />

son abandon dans ses dé<strong>la</strong>ssemens, souveot sa<br />

probité si pure dans <strong>les</strong> affaires sérieuses. Cependant,<br />

aucune époque ne me revient plus souvent à l'esprit,<br />

que ces jours, qui auraient dû être <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers <strong>de</strong><br />

ma vie, oîi ma maison, ébranlée tout à coup, s'écrou<strong>la</strong><br />

<strong>et</strong> tomba <strong>sur</strong> <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> son maître. 11 vint à moi lorsque<br />

<strong>la</strong> plupart m'abandonnèrent, Maxime; <strong>et</strong> il ne suivit<br />

pas <strong>la</strong> fortune. Je l'ai vu pleurer ma mort, comme s'il<br />

eût eu un frère à m<strong>et</strong>tre <strong>sur</strong> le bûcher. 11 me tint embrassé,<br />

me conso<strong>la</strong> dans mon abattement, <strong>et</strong> ne cessa<br />

<strong>de</strong> mêler ses <strong>la</strong>rmes aux miennes.<br />

x. 5


6B EX PONTO LIE. I, EPIST. IX. (v. 19.)<br />

Haesit in àmp1exuf conso<strong>la</strong>tusque jacentem est,<br />

Cumque meis <strong>la</strong>crymis miscuit usque suas.<br />

O QUOTIES, vit» custos invisus amaraei<br />

Continuit promtas in mea fata manus !<br />

O quoties dixit : p<strong>la</strong>cabïlis ira Deorum est ;<br />

Vive, nec igoosci tu tibi posse nega.<br />

Vox tamen il<strong>la</strong> fuit celeberrima : respice quantum<br />

Debeat auxilii Maximus esse tibi :<br />

Maximus incumb<strong>et</strong>; quaque est pi<strong>et</strong>ate5 rogabit7<br />

Ne sit ad extremum Cœsaris ira tenax :<br />

Cumque suis fratris vires adhibebit, <strong>et</strong> omnem,<br />

Quo levius doleas9 experi<strong>et</strong>ur opem.<br />

HJEC mihi verba ma<strong>la</strong>e minuerunt taedia vitae :<br />

Quae tu ? nefuerint, Maxime, vanaf cave.<br />

Hue quoque venturum mihi se jurare solebat,<br />

Non nisi te longae jus sibi dante viae :<br />

Nam tua non alio coluit pen<strong>et</strong>ralia ritu,<br />

Terrarum dominos quam colis ipse Deos.<br />

Cre<strong>de</strong> mihi; multos habeas quum dignus amicos,<br />

Non fuit e multis quolib<strong>et</strong> ille minor;<br />

Si modo nec census, nec c<strong>la</strong>rum nomen avorum,<br />

Sed probitas magnos ingeniumque facit.<br />

JUHE igitur <strong>la</strong>crymas Celso libamus a<strong>de</strong>mpto,<br />

Quum fugerem, vivo quas dédit ille mihi :<br />

Carmina jure damus raros testantia mores 5<br />

Ut tua venturi nomina, Celse, legant.<br />

Hoc est, quod possum G<strong>et</strong>icis tibi mittere ab arvis;<br />

Hoc solum est istic, quod liqu<strong>et</strong> esse meum.<br />

FUNEMA née potui comitaref nec ungere corpus;<br />

Aque tuis toto dividor orbe rogis.


POOTIQUFS, LIV. I, LETT. IX. «7<br />

Oh ! que <strong>de</strong> fois , <strong>sur</strong>veil<strong>la</strong>nt odiçux d'urne vk cruelle,<br />

il r<strong>et</strong>int mon bras prêt à terminer pies <strong>de</strong>stins ! que <strong>de</strong><br />

fois il me dit : « La colère <strong>de</strong>$ dieux n'est pas inexora»<br />

ble; vis <strong>et</strong> ne dis pas toi-même qu'on ne peut te pardonner!<br />

» Mais voici ce qu'il me répétait <strong>sur</strong>tout : «Vois<br />

<strong>de</strong> quel secours Maxime doit être pour toi ; Maxime ne<br />

négligera rien ; avec tout le zèle <strong>de</strong> l'amitié, il <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra<br />

que <strong>la</strong> colère <strong>de</strong> César ne tienne pas jusqu'à <strong>la</strong> fin. A<br />

ses efforts il joindra ceux <strong>de</strong> son frère; il n'est rien qu'il<br />

ne tente pour adoucir ton sort. »<br />

Ces paro<strong>les</strong> ont sou<strong>la</strong>gé l'ennui <strong>de</strong> ma vie malheureuse.<br />

Toi f Maxime, fais qu'el<strong>les</strong> ne restent pas sans<br />

eff<strong>et</strong>. Souvent aussi il me jurait qu'il viendrait ici, pourvu<br />

que tu lui permisses <strong>de</strong> faire ce long voyage ; car ta <strong>de</strong>meure<br />

était sacrée pour lui : il l'honorait avec ce respect<br />

que tu portes toi-même aux dieux maîtres du mon<strong>de</strong>. Croismoi<br />

, tu as bien <strong>de</strong>s amis, <strong>et</strong> tu le mérites : dans le nombre<br />

, il n'en est aucun qui l'emportât <strong>sur</strong> lui, si toutefois<br />

ce ne sont ni <strong>les</strong> richesses, ni le nom d'illustres aïeux,<br />

mais <strong>la</strong> vertu <strong>et</strong> <strong>les</strong> qualités du cœur qui distinguent <strong>les</strong><br />

hommes.<br />

C'est donc avec raison que je pleure <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> Celsusf<br />

comme il me pleura, vivant, au moment <strong>de</strong> mon<br />

départ ; c'est avec raison que je lui consacre <strong>de</strong>s vers qui<br />

ren<strong>de</strong>nt témoignage à ses qualités si rares. Il faut que <strong>la</strong><br />

postérité, Celsus, y lise ton nom. C'est tout ce que je<br />

puis f envoyer <strong>de</strong>s bords gétiques; c'est <strong>la</strong> seule chose<br />

ici qu'on ne puisse me contester.<br />

Je n'ai pu accompagner tes funérail<strong>les</strong>, ni parfumer<br />

ton corps f <strong>et</strong> l'univers entier me sépare <strong>de</strong> ton bûcher.<br />

D.


68 EX PONTO LIB. I, EPIST. IX. (•. 49»)<br />

Qui potuit, quem tu pro numine vivus habebas,<br />

Praestitït officium Maximus omne tibi.<br />

Ille tibi exsequtas? <strong>et</strong> magoi funus honoris<br />

Fecit? <strong>et</strong> in gelidos versit amoma sinus :<br />

Diluit <strong>et</strong> <strong>la</strong>crymis mœrens unguenta profusis ;<br />

Ossaque vicïna condita texit humol<br />

Qui quonîam exstinctis? quae déb<strong>et</strong>, praestat amicisy<br />

Et nos exslin<strong>et</strong>is annumerare potest.


PONT1QUES, L1V. I, LETT. IX. 69<br />

Maxime, qui le pouvait, Maxime que, vivant, tu honorais<br />

comme un dieu, t'a rendu tous <strong>les</strong> <strong>de</strong>rniers <strong>de</strong>voirs ;<br />

il a présidé à tes funérail<strong>les</strong>; il a offert à tes restes <strong>de</strong><br />

pompeux honneurs ; il a répandu l'amome <strong>sur</strong> ton sein<br />

g<strong>la</strong>cé; dans sa douleur, il a mêlé aux parfums <strong>de</strong>s <strong>la</strong>rmes<br />

abondantes, <strong>et</strong> renfermé dans une terre voisine l'urne<br />

<strong>de</strong> tes cendres. S'il rend à ses amis morts tous <strong>les</strong> <strong>de</strong>voirs<br />

qui leur sont dus, nous aussi il peut nous compter<br />

parmi <strong>les</strong> morts.


7© EX PONTO MB. I, EPIST. X.<br />

•i>Wlf lJl#li^^<br />

EPISTOLA DECIMA.<br />

FLACCO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Ad F<strong>la</strong>ccum scxibeas po<strong>et</strong>a, corporis lânguorem, ejusque rà causam exponit,<br />

eumque rogat cum fratre, ut sibi opem ferai, Augustamque exsall mitiorem<br />

reddat.<br />

NASO SUO profugus mittit tibi, F<strong>la</strong>cce, salutem ;<br />

Mittere rem si quis., qua car<strong>et</strong> ipsef potest.<br />

Longus enim curis vïtiatum corpus amans<br />

Non patitur vires taoguor habere suas.<br />

Mec dolor ullus a<strong>de</strong>stf nec febribus uror anhelis;<br />

Et peragït soliti vena teooris iter :<br />

Os hebes est, positaeque movent fastidïa mensae,<br />

Et queror5 invisi quum veoit hora cibi.<br />

Quod mare? quod tellus, adponef quod educat aer?<br />

"Nil ibi, quod nobis e<strong>sur</strong>iatur? erit.<br />

Nectar <strong>et</strong> ambrosiam, <strong>la</strong>.tices epu<strong>la</strong>sque Deorum?<br />

D<strong>et</strong> mihi forraosa nava Juve<strong>et</strong>a manu :<br />

Non tamen exacu<strong>et</strong> torpens sapor ille pa<strong>la</strong>tum ;<br />

Stabït <strong>et</strong> in stomacho pondus inerte diu.<br />

HJEC ego non ausim, quum sint verissimaf cuivis<br />

Scribere, <strong>de</strong>licias ne ma<strong>la</strong> nostra vocent.<br />

Scilïc<strong>et</strong> ïs status est, ea rerum forma mearum?<br />

Deliciis <strong>et</strong>iam possit ut esse locus.


P0NT1QUES, LIV. I, LETT. X. 71<br />

LETTRE DIXIÈME.<br />

A FLACCUS,<br />

ARGUMENT.<br />

Le poète, dans c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre, apprend à F<strong>la</strong>ccus que ses forces s'affaiblissent ; il<br />

lui en fait connaître <strong>la</strong> cause. Il le prie d'unir ses efforts à ceux <strong>de</strong> son frèro<br />

pour secourir l'exilé, pour apaiser César es sa fa¥eur.<br />

Du fond <strong>de</strong> son exil, Ovi<strong>de</strong> envoie ce salut à F<strong>la</strong>ccus,<br />

son ami ; si cependant on peut envoyer ce qu'on n'a pas.<br />

Depuis long-temps miné par d'amers soucis , mon corps<br />

<strong>la</strong>nguit <strong>et</strong> n'a plus <strong>de</strong> forces, Je n'éprouve aucune douleur;<br />

je ne syis pas brûlé par une fièvre suffocante , <strong>et</strong><br />

mon pouls marche topjoqrs aussi calme, aussi régulier.<br />

Mon pa<strong>la</strong>is est émopssé; tout ce qu'on me sert excite<br />

mon dégoût ; <strong>et</strong> je me p<strong>la</strong>ins quand vient l'heure odieuse<br />

du repas. Qu'on me serve ce que produit <strong>la</strong> mer, <strong>et</strong> l'air,<br />

<strong>et</strong> <strong>la</strong> terre, il n'y aura rien qui réveille mon appétit. Que<br />

<strong>la</strong> belle Hébé, <strong>de</strong> sa main empressée, me présente le<br />

nectar <strong>et</strong> l'ambroisie, le breuvage <strong>et</strong> <strong>les</strong> m<strong>et</strong>s <strong>de</strong>s dieux ,<br />

leur saveur n'excitera pas mon pa<strong>la</strong>is engourdi ; ils resteront<br />

long-temps, comme un poids, <strong>sur</strong> mon estomac<br />

paresseux.<br />

Quelque vrai que ce<strong>la</strong> soit, je n'oserais l'écrire à tout<br />

autre, on appellerait délicatesse mes p<strong>la</strong>intes <strong>et</strong> mes<br />

souffrances. En vérité, dans ma position, dans l'état <strong>de</strong><br />

ma fortune , <strong>la</strong> délicatesse serait bien à sa p<strong>la</strong>ce! Je sou-


7 a EX PONTO LIB. I, EP1ST. X. (•. 19O<br />

Delicias illi precor bas eontingere, si quis,<br />

Ne mihi sit levior Canaris ira, tim<strong>et</strong>.<br />

Is quoque, qui gracili cibus est in corpore, somnus,<br />

Non alit officïo corpus ioane suo.<br />

Sed vigiloj vigi<strong>la</strong>ntque mei sine fine dolores,<br />

Quorum materiam dat locus ipse mihi.<br />

Ylx igitur possis visos agooscere vultus ;<br />

Quoque ierit, qu«rasf qui fuit ante, color.<br />

Parvus in exi<strong>les</strong> succus mihi pervenit artus,<br />

Membraque sunt cera pallïdiora nova.<br />

Non haec immodico contraxi damna Lyaeo :<br />

Scis mihi quam so<strong>la</strong>e paene bibantur aquae.<br />

Non epulis oneror ; quarum si tangar amore,<br />

Est tamen in G<strong>et</strong>icis copia nul<strong>la</strong> locis.<br />

Nec vires adimit Veeeris damnosa voluptas :<br />

Non sol<strong>et</strong> in mœstos il<strong>la</strong> venire toros.<br />

Unda locusque nocent; causaque nocentior omni,<br />

Anxi<strong>et</strong>as animi, quae mihi semper a<strong>de</strong>st.<br />

Hanc nïsi tu pariter simili cum fratre levares,<br />

- Vix mens tristitiae mœsta tuliss<strong>et</strong> onus.<br />

Vos estis fragilï tellus non, dura phaselo ;<br />

Quamque negant multi, vos mihi fertis opem.<br />

Ferte, precor? semper, quia semper egebimus il<strong>la</strong>,<br />

• Caesaris offensum dum mihi numen erit.<br />

Qui meritam nobis minuat? non finiat iramf<br />

Suppliclter vestros quisque rogate Deos. .


.PONTIQUES, L1V. I, LETT. X. 73<br />

Imite <strong>les</strong> mêmes épreuves à <strong>la</strong> délicatesse <strong>de</strong> -celui qui<br />

craindrait que <strong>la</strong> colère <strong>de</strong> César ne fût trop douce pour<br />

moi. Le sommeil lui-même, c<strong>et</strong> aliment d'un corps délicat<br />

, ne nourrit pas <strong>de</strong> ses bienfaits mon corps exténué;<br />

mais je veille, avec moi veillent sans relâche mes<br />

douleurs, qu'entr<strong>et</strong>ient encore <strong>la</strong> tristesse <strong>de</strong> ce séjour.<br />

Aussi, en me voyant, pourrais-tu à peine reconnaître<br />

mes traits. Que sont <strong>de</strong>venues, dirais-tu, ces couleurs<br />

que tu avais jadis? quelques gouttes <strong>de</strong> sang coulent à<br />

peine dans mes membres chétifs, <strong>et</strong> mon corps est plus<br />

pâle que <strong>la</strong> cire nouvelle. Ces ravages ne' viennent pas<br />

<strong>de</strong> l'excès du vin : tu sais que l'eau est presque mon<br />

unique breuvage. Je ne me charge pas <strong>de</strong> m<strong>et</strong>s, <strong>et</strong>,<br />

quand j'en'aurais le désir, je ne pourrais le satisfaire<br />

dans le pays <strong>de</strong>s Gètes. Ce ne sont pas <strong>les</strong> dangereux<br />

p<strong>la</strong>isirs <strong>de</strong> Vénus qui m'énervent, rarement elle visite<br />

une couche désolée. C'est l'eau, c'est le climat qui me<br />

nuit, <strong>et</strong> plus encore celte inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'âme qui ne<br />

me quitte jamais. Si tu ne <strong>la</strong> sou<strong>la</strong>geais, 'avec un frère<br />

qui te ressemble, mon âme affligée supporterait à<br />

peine le poids <strong>de</strong> sa tristesse. Vous êtes pour ma barque<br />

fragile un rivage hospitalier; <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te assistance<br />

que tant d'autres me refusent, vous, vous me <strong>la</strong> donnez;<br />

donnez-<strong>la</strong>-moi toujours, je vous prie, parce que toujours<br />

j'en aurai besoin, tant que le divin César sera irrité<br />

contre moi. Implorez l'un <strong>et</strong> l'autre tous vos dieux,<br />

non pour qu'il m<strong>et</strong>te un terme à sa colère bien méritée,<br />

mais pour qu'il <strong>la</strong> modère.


*** w ** *MW , **


WlilTI^^<br />

LIVRE DEUXIÈME.<br />

LETTRE PREMIERE.<br />

A GERMANICUS CESAR.<br />

ARGUMENT.<br />

Il se félicite d'avoir appris <strong>de</strong> <strong>la</strong> renommée le triomptie <strong>de</strong> César ( il s'agit du<br />

triomphe <strong>de</strong> Tibère <strong>sur</strong> lUlyrie). Heureux <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te nouvelle , il décrit le<br />

triomphe, <strong>et</strong> annonce l'espérance qu'Auguste sera aussi clément pour lui<br />

que pour <strong>les</strong> ennemis. Il prédit à Gemaniew un semb<strong>la</strong>ble triomphe.<br />

JZJIXE est aussi parvenue dans ces lieux, <strong>la</strong> renommée<br />

du triomphe <strong>de</strong> Gésar? dans ces lieux oè arrive à peine<br />

le souffle <strong>la</strong>nguissant du Notus fatigué. J'avais pensé<br />

que, chezJes Scythes, je n'aurais jamais aucun p<strong>la</strong>isir;<br />

aujourd'hui ce pays me <strong>de</strong>vient moins odieux : enfin j'ai<br />

vu <strong>la</strong> sérénité, un instant ramenée, dissiper le nuage<br />

<strong>de</strong> mes soucis, <strong>et</strong> j'ai mis en défaut ma fortune. Quand<br />

César voudrait m'interdïre toute jouissance, celle-là du<br />

moins il peut perm<strong>et</strong>tre que tous <strong>la</strong> partagent. Les dieux<br />

aussi, pour que <strong>la</strong> joie accompagne <strong>les</strong> hommages <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

piété 9 ordonnent à tous <strong>de</strong> bannir <strong>la</strong> tristesse aux jours<br />

qui leur sont consacrés. Enfin, <strong>et</strong> c'est une vraie folie<br />

que d'oser Favauer, qttatid il le défendrait, je jouirais<br />

malgré lui 4e l'allégresse commune. Toutes <strong>les</strong> fois que<br />

Jupiter ranime <strong>les</strong> champs par <strong>de</strong>s pluies salutaires, <strong>la</strong>


7 6 EX PONTO LIB. 11, EP1ST. I. (•. i5.)<br />

Nos quoque frugiferum sentimus, inutilis herba,<br />

Numen, <strong>et</strong> invita saepe juvamur ope.<br />

Gaudia Caesareae mentis pho parte virili<br />

Sunt mea : privati nil hab<strong>et</strong> il<strong>la</strong> domûs.<br />

GBATIA, Fama, tibi; per quam spectata triumphi<br />

Incluso niediis est mihi pompa G<strong>et</strong>is.<br />

Indice te didici, nuper visenda coîsse<br />

Innumeras gentes ad ducis ora sui :<br />

Quaeque capit vastis immensum raœnibus orbem,<br />

Hospitiis Romam vix habuisse locum.<br />

Tu mihi narrasti, quum multis lucibus ante<br />

Fu<strong>de</strong>rit adsiduas nubilus Auster aquas,<br />

Lumine cœ<strong>les</strong>ti Solem fulsisse serenum,<br />

Cum populi vultu conveniente die.<br />

Atque ita victorem, cum magno vocis honore,<br />

Bellica <strong>la</strong>udatis doua dédisse viris :<br />

C<strong>la</strong>raque sumturum pictas insignia vestes,*<br />

Tura prius sanctis imposuisse focis :<br />

Justitiamque sui caste p<strong>la</strong>çasse parentis,<br />

Illo quœ templum pectore semper hab<strong>et</strong><br />

QUAQUE ierit, felix adjectum p<strong>la</strong>usibus omen;<br />

Saxaque roratis erubuisse rosis.<br />

Protinus argento versos imitantia muros,<br />

Barbara cum victis oppida <strong>la</strong>ta viris :<br />

Fluminaque, <strong>et</strong> montes, <strong>et</strong> in altis pascua silvis;<br />

Armaque cum telis in strue mista suis.<br />

Deque triumphato, quod Sol.incen<strong>de</strong>rit, auro<br />

• Aurea Romani tecta fuisse Fori.


PONTIQUES, IIV. II, LETT. I. 77<br />

bardane tenace croît mêlée à <strong>la</strong> moisson. Moi <strong>de</strong> même,<br />

lierbe inutile, je sens l'influence d'une divinité fécondante<br />

, <strong>et</strong> souvent, malgré <strong>les</strong> dieux, leurs bienfaits me<br />

sou<strong>la</strong>gent. Les joies <strong>de</strong> César m'appartiennent pour ma<br />

part; c<strong>et</strong>te famille n'a rien qui soit à elle seule.<br />

Grâces à toi, Renommée; c'est par toi qu'enfermé au<br />

milieu <strong>de</strong>s Gètes, j'ai vu <strong>la</strong> pompe du triomphe. Tes récits<br />

m'ont appris que naguère <strong>de</strong>s peup<strong>les</strong> innombrab<strong>les</strong><br />

se sont rassemblés pour contempler <strong>les</strong> traits <strong>de</strong> leur<br />

chef; <strong>et</strong> que Rome, dont <strong>les</strong> vastes remparts embrassent<br />

l'univers entierf eut à peine assez <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce pour<br />

tant d'étrangers. Tu m'as raconté qu'avant le triomphe,<br />

pendant plusieurs jours, le nuageux Auster avait versé<br />

<strong>sur</strong> <strong>la</strong> terre <strong>de</strong>s pluies continues; mais que le soleil serein<br />

bril<strong>la</strong> d'un éc<strong>la</strong>t cé<strong>les</strong>te dans ce jour qui se conformait<br />

à l'aspect joyeux du peuple; <strong>et</strong> qu'ainsi le vainqueur<br />

put distribuer aux guerriers, à qui sa voix donnait<br />

<strong>de</strong> glorieux éloges, <strong>les</strong> prix <strong>de</strong> <strong>la</strong> valeur. Avant<br />

<strong>de</strong> revêtir <strong>la</strong> robe brodée, bril<strong>la</strong>nt insigne du triomphateur,<br />

il offrit <strong>de</strong> l'encens <strong>sur</strong> <strong>les</strong> foyers sacrés, <strong>et</strong><br />

apaisa par <strong>de</strong> pieux hommages <strong>la</strong> Justice, à qui son<br />

père éleva <strong>de</strong>s autels, <strong>la</strong> Justice, qui dans son cœur rési<strong>de</strong><br />

comme dans un temple.<br />

Partout <strong>sur</strong> ses pas <strong>les</strong> app<strong>la</strong>udissemens se mê<strong>la</strong>ient<br />

aux vœux <strong>de</strong> bonheur, <strong>et</strong> une pluie <strong>de</strong> roses rougissait<br />

le pavé. Devant lui, on portait <strong>les</strong> images en argent <strong>de</strong>s<br />

murail<strong>les</strong> renversées, <strong>de</strong>s vil<strong>les</strong> prises <strong>sur</strong> <strong>les</strong> Barbares,<br />

avec leurs habitans vaincus ; puis <strong>de</strong>s fleuves <strong>et</strong> <strong>de</strong>s montagnes,<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong>s pâturages au milieu <strong>de</strong> hautes forêts, <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>s trophées d'armes groupées avec <strong>de</strong>s traits. L'or porté<br />

en triomphe, sous <strong>les</strong> feux du soleil, dorait <strong>de</strong> son refl<strong>et</strong><br />

<strong>les</strong> maisons du Forum romain. Les chefs, qui cour-


78 EX PONTO LIB. II, EPIST. 1/ (v. 43.)<br />

Totque tulisse duces captïvis addlta coliis<br />

Vincu<strong>la</strong> f paeae hostes quot satis esse fuît.<br />

Maxima pars horum vitam veniamque tulerunt;<br />

lu quibus <strong>et</strong> belli <strong>sur</strong>araa caputque <strong>la</strong>to.<br />

Cur ego posse oegem minui mïhï numinis ïram,<br />

Quum vi<strong>de</strong>am mîtes hostïbus esse Deos ?<br />

PEBTUUT hue i<strong>de</strong>m nobis, Germanice, rumor,<br />

Oppida sub titulo nominis îsse tui ;<br />

Atque ea te contra, eec mûri mole, nec armis,<br />

Nec satis ingenio tuta fuisse loci.<br />

Dî tibi <strong>de</strong>nt annos ! a te nam c<strong>et</strong>era sûmes ;<br />

Sint modo virtuti tempora looga tuae.<br />

QUOB precor e¥eoi<strong>et</strong> : sunt quiddam oracu<strong>la</strong> vatum;<br />

Nam Deus optanti prospéra signa dédit.<br />

Te quoque victorem Tarpeias scan<strong>de</strong>re in arces<br />

La<strong>et</strong>a coronatis Roma vi<strong>de</strong>bit equis ;<br />

Maturosque pater nati spectabit honores,<br />

Gaudia percipiensf quae dédit Ipse suis.<br />

Jam nunc haec a me, juvenum belloque togaque<br />

Maxime f dicta tibi vaticinante nota.<br />

Hune quoque carminibus referam fortasse triumphum,<br />

Suffici<strong>et</strong> nostris si modo vita malis ;<br />

Imbuero Scythicas si non prius ipse sagittas,<br />

Âbstuleritque ferox hoc caput ense G<strong>et</strong>es.<br />

Quod si, me salvo, dabitur tibi <strong>la</strong>urea templis,<br />

Omina bis dices vera fuisse mea.


PONTIQUES, LIV. II, LETT. I. 79<br />

baient sous <strong>les</strong> fers leurs têtes captives, étaient si nombreux,<br />

qu'on aurait dit une armée d'ennemis : <strong>la</strong> plupart<br />

obtinrent <strong>la</strong> vie <strong>et</strong> le pardon, <strong>et</strong> entre eux Bâton, l'âme<br />

<strong>et</strong> le chef <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te guerre. Et pourquoi dirai-je que <strong>la</strong><br />

colère divine ne peut s'apaiser en ma faveur, quand je<br />

vois <strong>les</strong> dieux si démens envers <strong>les</strong> ennemis?<br />

La même renommée nous a appris , Germanicus,<br />

que, dans c<strong>et</strong>te pompe triomphale, parurent aussi <strong>de</strong>s<br />

vil<strong>les</strong> inscrites sous ton nom ; <strong>et</strong> que leurs soli<strong>de</strong>s remparts,<br />

<strong>la</strong> force <strong>de</strong>s armes, <strong>la</strong> nature <strong>de</strong>s lieux n'avaient<br />

pu <strong>les</strong> protéger contre toi. Que <strong>les</strong> dieux te donnent <strong>les</strong><br />

années; le reste, tu le trouveras en toi-même; ta vertu<br />

n'a besoin que d'une longue vie.<br />

Mes prières seront exaucées; <strong>les</strong> orac<strong>les</strong> <strong>de</strong>s poètes<br />

ont quelque valeur ; car un dieu a donné à mes vœux<br />

<strong>de</strong>s présages favorab<strong>les</strong>. Toi aussi, Rome te verra, traîné<br />

par <strong>de</strong>s chevaux couronnés, monter vainqueur <strong>sur</strong> <strong>la</strong><br />

roche Tarpéienne. Ton père, témoin <strong>de</strong>s honneurs décernés<br />

à son fils si jeune encore, sentira à son tour c<strong>et</strong>te<br />

jouissance, qu'il donna lui-même aux auteurs <strong>de</strong> ses<br />

jours. Toi, le modèle <strong>de</strong>s jeunes Romains, dans <strong>la</strong> paix<br />

<strong>et</strong> dans <strong>la</strong> gperre, c'est dès aujourd'hui, ne l'oublie<br />

pas, que mes paro<strong>les</strong> t'annoncent c<strong>et</strong> avenir. Mes vers<br />

peut-être rediront aussi ce triomphe; pourvu que ma<br />

vie résiste à mes souffrances, qu'auparavant Ja flèche<br />

d'un Scythe ne s'abreuve pas <strong>de</strong> mon sang; que c<strong>et</strong>te<br />

tête ne tombe pas sous l'épée d'un Gète farouche. Si,<br />

avant ma mort^ tu reçois dans nos temp<strong>les</strong> <strong>la</strong> couronne<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong>urier, tu diras que <strong>de</strong>ux fois mes prédictions se<br />

sont vérifiées.


8© "EX PONTO LIB. Il, EP1ST. IL<br />

EPISTOLA SECUNDA.<br />

MESSALI1TO.<br />

ARGUMENTtJM.<br />

Pm ea, qua apud Augustum floreat gratia, proque antiquo domus êjus <strong>la</strong><br />

Ipsum po<strong>et</strong>am faTore , p<strong>et</strong>it a Messaimo, ut, inter triumphi Ulyrici gaudia v<br />

mititis sibi ab Auguste exsilium împ<strong>et</strong>rare slu<strong>de</strong>at , suamque causais agere<br />

au<strong>de</strong>at.<br />

ILLE domus vestrae. primis venerator ab annis -,<br />

Pulsus ad Euxïni Naso sïoistra fr<strong>et</strong>i,<br />

Mittit ab indomitis banc, Messallïne, salutem,<br />

Quam solitus praesens est tibi ferre, G<strong>et</strong>is.<br />

Heu milii, si lecto vultus tibï nomïoe non est.<br />

Qui fuit, <strong>et</strong> dubitas c<strong>et</strong>era perlegere !<br />

Perlege, nec meeum pariter mea Yerba relega :<br />

Urbe lic<strong>et</strong> veslra Yersibus esse meis.<br />

Non ego concepi, si Pelion Ôssa tuliss<strong>et</strong>,<br />

C<strong>la</strong>ra mea tangi sidéra posse manu.<br />

Nec nos, Ence<strong>la</strong>di <strong>de</strong>mentia castra secuti?<br />

In rerum dominos movimus arma Deos.<br />

Nec, quod Tydidae temeraria <strong>de</strong>xtera fecit,<br />

Numina sunt telis ul<strong>la</strong> p<strong>et</strong>ita meis.<br />

Est mea culpa gravis, sed quae me per<strong>de</strong>re soluin<br />

Ausa sit, <strong>et</strong> nullum majus adorta nefas*<br />

Nil, nisi non sapiens possum timidusque vocari :<br />

Haec duo suot animi nomioa vera mei.


PONTIQUES, L1V. II, LETT. IL * 81<br />

LETTRE DEUXIÈME.<br />

A MESSÀL1NUS.<br />

ARGUMENT.<br />

Le poète s'adresse à Messalintîs, dont îa famille a toujours été bienveil<strong>la</strong>nte<br />

pour lui, <strong>et</strong> qui jouit <strong>de</strong> <strong>la</strong> faveur d'Auguste ; il le prie <strong>de</strong> profiler <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

joie que le triomphe <strong>de</strong> l'Illyrie inspire à tous <strong>les</strong> cœurs, pour obtenir du<br />

prince que son exil soit adouci, <strong>et</strong> pour p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>r sa cause auprès <strong>de</strong> lui.<br />

CET ami qui, dès son enfance, honora ta famille,<br />

Ovi<strong>de</strong> relégué <strong>sur</strong> <strong>la</strong> rive gauche du Pont-Euxin, t'envoie<br />

, Messalinus, du milieu <strong>de</strong>s Gètes indomptab<strong>les</strong>,<br />

ces vœux qu'avant son absence il t'apportait lui-même.<br />

Malheur à moi, si, à <strong>la</strong> vue <strong>de</strong> mon nom , tu changes <strong>de</strong><br />

visage, si tu-hésites à achever <strong>la</strong> lecture! achève-, ne<br />

bannis pas mes paro<strong>les</strong> avec moi : votre ville n'est pas<br />

interdite h mes vers. Je n'ai pas eu <strong>la</strong> pensée qu'en entassant<br />

Pélion <strong>sur</strong> Ossa, je pourrais <strong>de</strong> ma main atteindre<br />

aux astres bril<strong>la</strong>ns. Je n'ai pas, suivant <strong>les</strong> drapeaux,<br />

insensés d'Encé<strong>la</strong><strong>de</strong>, déc<strong>la</strong>ré <strong>la</strong> guerre aux dieux<br />

maîtres du mon<strong>de</strong>. Je n'ai pas, comme le bras téméraire<br />

<strong>de</strong> Tydée, dirigé mes traits contre une divinité. Ma faute<br />

est grave; mais mon audace n'a perdu que moi, <strong>et</strong> n'a<br />

pas médité <strong>de</strong> plus grands forfaits. On ne peut m'appeler<br />

qu'insensé <strong>et</strong> téméraire; voilà <strong>les</strong> seuls noms que Ton<br />

puisse me donner.<br />

x.


8a EX PONTO LIB. II, EP1ST. II. (?. *9 )<br />

ESSE qui<strong>de</strong>m fateor, meritam post Caesaris iram ,<br />

Difficilem precibus te quoque jure meis.<br />

Quaeque tua est pi<strong>et</strong>as in totuin nomen Iuli,<br />

Te <strong>la</strong>edi, quura quis <strong>la</strong>editur in<strong>de</strong>? putas.<br />

Sed lic<strong>et</strong> arma feras, <strong>et</strong> vulnera saeva mîneris ,<br />

Non tamen efficies, ut timeare mihi.<br />

Puppis Achœmeni<strong>de</strong>n Graium ïrojana recepit;.<br />

Profuit <strong>et</strong> Myso Pelias hasta duci.<br />

Confugit interdum templi vio<strong>la</strong>tor ad aram,<br />

Nec p<strong>et</strong>ere offensi ouminis horr<strong>et</strong> opem.<br />

Dixerit hoc aliquis tutum 000 esse; fatemur,<br />

Sed 1100 per p<strong>la</strong>cidas it mea puppis aquas.<br />

Tuta pétant alii : fortuna miserrima tuta est :<br />

Nam timor eventus d<strong>et</strong>erioris abest.<br />

Qui rapitur fatis, quid pra<strong>et</strong>er fata requirat?<br />

Saepe créât mol<strong>les</strong> aspera spina rosas.<br />

Qui rapitur spumante salo, sua brachia cauti<br />

Porrigit, <strong>et</strong> spioas duraque saxa capit.<br />

Accipitrem m<strong>et</strong>ueos pennis trepidantibus aies<br />

Âud<strong>et</strong> ad liumanos fessa veuire sinus :<br />

Nec se vicioo dubitat committere tecto,<br />

Quae fugit infestos territa cerva canes.<br />

D'A, precor, accessum <strong>la</strong>crymis, mitissimef nostris,<br />

"Nec rigidam timidis vocibus ob<strong>de</strong> forem ;<br />

Verbaque oostra favens Romaoa ad numina perfer?<br />

Non tibi Tarpeio culta tonante minus :<br />

Mandatique mei legatus suscipe causam;<br />

Nul<strong>la</strong> meo quamvis Domine causa bona est.<br />

Jam prope <strong>de</strong>positus, certe jam frigidus, aegre '<br />

Servatus per te, si modo server, ero.


PONT1QUES, L1V. II, LETT. II. 83<br />

Je l'avoue, après que j'ai mérité <strong>la</strong> colère <strong>de</strong> César,<br />

tu as le droit aussi <strong>de</strong> te montrer difficile à mes prières.<br />

Telle est ta vénération pour le nom d'Iule, que îu te<br />

crois offensé par quiconque offense un <strong>de</strong> ceux qui le<br />

portent. Mais en vain tu serais armé <strong>et</strong> prêt à porter<br />

<strong>de</strong>s coups funestes, tu ne saurais "te faire craindre <strong>de</strong><br />

moi. Une poupe troyenne accueillit le Grec Achéméni<strong>de</strong>;<br />

<strong>la</strong> <strong>la</strong>nce d'Achille guérit le roi <strong>de</strong> Mysie. Parfois<br />

le profanateur du temple se réfugie près <strong>de</strong> l'autel., <strong>et</strong><br />

ne craint pas d'implorer l'assistance <strong>de</strong> <strong>la</strong> divinité qu'il<br />

a outragée. C'est dangereux, dira-t-on : je l'avoue;<br />

mais ce n'est pas à travers une mer paisible que navigue<br />

mon vaisseau. Que d'autres songent à leur sûr<strong>et</strong>é :<br />

l'extrême misère ne craint pas le danger; elle n'a pas à<br />

redouter un sort plus funeste. Pourquoi ne pas s'abandonner<br />

au <strong>de</strong>stin, quand on est entraîné par le <strong>de</strong>stin?<br />

Souvent une ru<strong>de</strong> épine produit <strong>de</strong> douces roses. Celui<br />

qu'emporte <strong>la</strong> vague écumante tend <strong>les</strong> bras vers <strong>les</strong> récifs;<br />

il se prend aux ronces, aux pointes <strong>de</strong>s rochers.<br />

L'oiseau qui, d'une aile rapi<strong>de</strong>, s'efforce d'échapper au<br />

terrible épervier, 'ose, fatigué, se réfugier dans le sein<br />

<strong>de</strong> l'homme. Elle ne craint pas <strong>de</strong> se confier à <strong>la</strong> cabane<br />

voisine, <strong>la</strong> biche qui fuit, épouvantée, <strong>la</strong> fureur<br />

<strong>de</strong>s chiens.<br />

Je t'en conjure, <strong>la</strong>isse-toi toucher par mes <strong>la</strong>rmes;<br />

ne <strong>les</strong> repousse pas; que ta porte ne se ferme pas sans<br />

pitié à ma voix timi<strong>de</strong>. Transm<strong>et</strong>s avec bonté ma prière<br />

aux divinités que Rome adore, <strong>et</strong> que tu révères autant<br />

que le dieu du tonnerre, le dieu du Capitole., Mandataire<br />

chargé <strong>de</strong> ma requête, prends en main ma cause<br />

quoiqu'avec mon nom toute cause soit mauvaise. Déjà<br />

presque dans <strong>la</strong> tombe, déjà saisi du moins-par le froid<br />

6.


84 EX PONTO LIB. II, EPIST. II. (v. 49-)<br />

Nunc tua pro <strong>la</strong>psis nitatur gratia rébus,<br />

Principis a<strong>et</strong>ernam quam tibi praest<strong>et</strong> amor :<br />

Nunc tibi <strong>et</strong> eloquii nitor Ole domesticus adsit,<br />

Quo poteras trepidis utilis esse reis.<br />

Vivit enim in vobis facundi lingua parentis,<br />

Et rcs here<strong>de</strong>m repperit il<strong>la</strong> su uni.<br />

Hanc ego non, ut me <strong>de</strong>fen<strong>de</strong>re tent<strong>et</strong>, adoro; '<br />

Non est confessi causa tuenda rei.<br />

Num tamen excuses errons imagine faclum,<br />

An nihil expédiât taie movere, vi<strong>de</strong>.<br />

Vulneris id genus est, quod quum sanabile non sit,<br />

Non contrectari lutius esse putem.<br />

LINGUA, sile; non est ultra narrabile quidquam :<br />

Posse velim cineres obruere- ipse meos.<br />

Sic igitur, quasi me nullus <strong>de</strong>ceperit error,<br />

Verba face, ut vita, quam dcdit ipse, fruar.<br />

Quumque serenus erit, vultusque remiserit illos ,<br />

Qui secum terras imperiumque movent;<br />

Exiguam ne me praedam sinat esse G<strong>et</strong>arum,<br />

D<strong>et</strong>que solum misera mite, precare, fugae.<br />

TEMPUS a<strong>de</strong>st aptum precibus : val<strong>et</strong> ipse, vid<strong>et</strong>que<br />

Quas fecit vires, Roina, valere tuas,<br />

lncolumis conjux sua pulvinaria servat:<br />

Promov<strong>et</strong> Ausonium filius imperium.<br />

Pra<strong>et</strong>erit ipse suos animo Germanicus annos,<br />

Nec vigor est Drusi nobilitate minor.<br />

Ad<strong>de</strong> nurus neptesque pias, natosque' nepotum ,<br />

C<strong>et</strong>eraque Augustae membra valere domus :


PONTIQUES, LIV. II, LETT. II. 85<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> mort, c'est avec peine que tu me sauveras, si toutefois<br />

tu nie sauves. Qu'aujourd'hui se déploie pour ma<br />

fortune abattue, ce crédit, que t'accor<strong>de</strong> César, <strong>et</strong> puisse<br />

son amitié te l'accor<strong>de</strong>r toujours! qu'elle t'inspire aujourd'hui,<br />

c<strong>et</strong>te éloquence bril<strong>la</strong>nte, héréditaire, si souvent<br />

utile à l'accusé tremb<strong>la</strong>nt. Car <strong>la</strong> voix éloquente<br />

<strong>de</strong> votre père revit eo vous; c'est un bien qui a trouvé<br />

un digne héritier. Je ne l'implore pas pour qu'elle essaie<br />

<strong>de</strong> me défendre ; un accusé qui avoue ne doit pas être<br />

défendu. Couvriras-tu ma faute du nom d'erreur? ou<br />

serait-il plus utile <strong>de</strong> ne pas agiter une semb<strong>la</strong>ble question?<br />

c'est à toi d'en juger. Ma b<strong>les</strong><strong>sur</strong>e est <strong>de</strong> cel<strong>les</strong><br />

qu'on ne guérit pas ; peut-être serait-il plus sûr <strong>de</strong> n'y<br />

pas toucher.<br />

Arrête, <strong>la</strong>ngue impru<strong>de</strong>nte, tu ne dois pas dévoiler<br />

ce mystère ; que ne puis-je l'enfouir moi-même avec mes<br />

cendres ! Parle-lui donc comme si je n'avais pas été<br />

abusé par une erreur, pour qu'enfin il me <strong>la</strong>isse jouir <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> vie que je lui dois. Quand son regard te paraîtra serein<br />

, quaod il aura déridé ce front qui ébranle le mon<strong>de</strong><br />

<strong>et</strong> l'empire, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>-lui <strong>de</strong> ne pas «l'abandonner, faible<br />

victime,'à <strong>la</strong> fureur <strong>de</strong>s Gètes, <strong>et</strong> d'accor<strong>de</strong>r à mon misérable<br />

exil un plus doux climat.<br />

Le moment est favorable pour <strong>la</strong> prière : heureux luimême,<br />

il voit prospérer, 6 Rome? <strong>la</strong> puissance qu'il t'a<br />

faite. Les dieux veillent <strong>sur</strong> <strong>les</strong> jours d'une épouse fidèle<br />

à sa couche. Son fils agrandit l'empire <strong>de</strong> l'Ausonie. Germanicus<br />

lui-même <strong>de</strong>vance <strong>les</strong> années par sa valeur, <strong>et</strong><br />

le courage <strong>de</strong> Drusus ne le cè<strong>de</strong> pas à sa nob<strong>les</strong>se. Ses<br />

brus aussi, ses tendres p<strong>et</strong>ites-fil<strong>les</strong>, <strong>les</strong> enfans <strong>de</strong> ses<br />

p<strong>et</strong>its-fils, enfin tous <strong>les</strong> membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille d'Auguste<br />

sont dans l'état le plus florissant. Les Péoniens


86 EX PONTO LIB. II, EPIST. II. (v. 770<br />

Ad<strong>de</strong> triumphatos modo Paeooas , ad<strong>de</strong> qui<strong>et</strong>i<br />

Subdita montanae brachia Dalmatiœ.<br />

Nec <strong>de</strong>dignata est abjectis Illyris armis<br />

Cœsareum famulo vertice ferre pe<strong>de</strong>m.<br />

IPSE super currumf p<strong>la</strong>cido spectabilis ore,<br />

Tempora Phœbea virgine nexa tulit :<br />

Quem pïa vobiscum proies comitavit euntem ,<br />

Digoa parente suo ? nomioibusque datis ;<br />

Fratribus axlsimilis, quos proxima temp<strong>la</strong> teiientes<br />

Divus ab exeelsa Julius aç<strong>de</strong> vid<strong>et</strong>.<br />

His Messallinus, quibus omnia ce<strong>de</strong>re <strong>de</strong>bent,<br />

Primum <strong>la</strong><strong>et</strong>itiae non negat esse locum.<br />

Quicquid ab his superest, Yeoit in- certamen amoris :<br />

Hac hoininum nulli parte secundus eris.<br />

Hune colis, ante cliem per quem décréta merenti<br />

Venit honoratis <strong>la</strong>urea digoa comis.<br />

Feliees, quibus hos licuit spectare triumphos,<br />

Et ducis ore Deos œquiparante frui.<br />

At mihi Sauromatae pro Caesaris ore vi<strong>de</strong>ndi,<br />

Terraque pacis inops, undaque vtn<strong>et</strong>a gelu.<br />

Si tamen haec audis, <strong>et</strong> vox mea pervenit istuc,<br />

Sit tua mutando gratia b<strong>la</strong>nda loco.<br />

Hoc pater ille tuus, primo mihi cultus ab aevo ,<br />

Si quid hab<strong>et</strong> sensus umbra diserta, p<strong>et</strong>it :<br />

Hoc p<strong>et</strong>it <strong>et</strong> frater; quamvis fortasse ver<strong>et</strong>ur,<br />

Servandi noceat ne tibi cura mei :<br />

ToLa domus p<strong>et</strong>it hoc ; nec tu potes ipse negare ,<br />

Et nos in turbae parte fuisse tuae.<br />

Ingenii certe, quo nos maie sensimus usos,<br />

Artibus exceptis? saçpe probator eras.


PONTIQUES, LIV. II, LETT. II. 87<br />

viennent d'être subjugués, -<strong>et</strong> <strong>les</strong> bras <strong>de</strong>s Dalmates condamnés<br />

au repos dans leurs montagnes; PIllyrie, déposant<br />

<strong>les</strong> armes, n'a pas refusé <strong>de</strong> courber sa tête esc<strong>la</strong>ve<br />

sous <strong>les</strong> pieds <strong>de</strong> César.<br />

Lui-même, <strong>sur</strong> son char, attirant <strong>les</strong> regards par <strong>la</strong><br />

sérénité <strong>de</strong> son visage, portait entre<strong>la</strong>cés <strong>sur</strong> ses tempes,<br />

<strong>de</strong>s rameaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> vierge aimée d'Apollon. Avec vous,<br />

Paccompagnaient , dans sa marche, <strong>de</strong>s fils pieux,<br />

clignes <strong>de</strong> leur père <strong>et</strong> <strong>de</strong>s titres qu'ils ont reçus, semb<strong>la</strong>b<strong>les</strong><br />

à ces frères que, du haut <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>meure sacrée,<br />

le divin Iule voit occuper le temple voisin. Messalinus<br />

ne leur refuse pas, à eux à qui tout doit cé<strong>de</strong>r, le premier<br />

rang dans l'allégresse commune; après eux? il n'est<br />

personne à qui il ne le dispute en dévouaient. Non, <strong>sur</strong><br />

ce point, aucun homme ne l'emportera <strong>sur</strong> toi. Tu l'honores<br />

celui qui, récompensant ton mérite avant Page,<br />

couronna ton front <strong>de</strong>s <strong>la</strong>uriers dus à <strong>la</strong> valeur : heureux<br />

ceux qui ont pu être témoins <strong>de</strong> ces triomphes, <strong>et</strong><br />

jouir <strong>de</strong> l'aspect d'un prince égal aux dieux ! Et moi, au<br />

lieu <strong>de</strong>s traits <strong>de</strong> César, il faut que je voie <strong>de</strong>s Sauromates,<br />

<strong>et</strong> une terre privée <strong>de</strong> <strong>la</strong> paix, <strong>et</strong> <strong>de</strong>s eaux enchaînées<br />

par <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce !<br />

Si pourtant tu m'entends, si ma voix arrive jusqu'à<br />

toi, qu'à <strong>la</strong> faveur <strong>de</strong> ton crédit j'obtienne un autre<br />

séjour. Ton père, que j'honorai dès mon jeune âge, te<br />

le <strong>de</strong>man<strong>de</strong> avec moi, s'il reste quelque sentiment à son<br />

ombre éloquente. Ton frère te le <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aussi, quoiqu'il<br />

craigne peut-être que le désir <strong>de</strong> me sauver ne te<br />

soit funeste. Toute ta famille enfin te le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Et<br />

toi-même, lu ne peux nier que j'aie fait partie <strong>de</strong> tes<br />

amis. Du moins tu app<strong>la</strong>udissais à ce génie dont je sens<br />

que j'ai abusé ; tu ne blâmais que mes leçons d'amour.


88 EX PONTO LIB. H, EPIST. IL l*. 107.)<br />

Nec mea, si tantum peccata novissima <strong>de</strong>mas,<br />

Esse potest domui vita pu<strong>de</strong>oda tuœ.<br />

Sic igitur vestrae vigeant pen<strong>et</strong>ralia gentis;<br />

Curaque sit Superis Caesaribusque tui :<br />

Mite, sed iralum merito mihi numen , adora,<br />

Eximat ut Scythici me feritate loci.<br />

Difficile est, fateor; sed tendit in ardua virtus,<br />

< Et talis meriti gratia major erit.<br />

NEC tamen iEtnaeos vasto Polyphemus in antro<br />

Accipi<strong>et</strong> voces Antiphatesve tuas :<br />

Sed p<strong>la</strong>cidus facilisque parens, Yeniaeque paratus;<br />

Et qui fulmiueo saepe sine igné tonaL<br />

Qui, quum triste aliquid statuit, fit tristis <strong>et</strong> ipse;<br />

Guique fere pœoam sumere pœna sua est.<br />

Victa tamen vitio est faujus clementia nostro;<br />

Venit <strong>et</strong> ad vires ira coacta suas.<br />

Qui quoniam patria toto su mus orbe remoti,<br />

Nec lic<strong>et</strong> ante ipsos procubuisse Deos;<br />

Quos colis, ad Superos haec fer mandata sacerdos :<br />

Ad<strong>de</strong> sed <strong>et</strong> proprias in mea verba preces.<br />

Sic tamen haec tenta, si non nocitura putabis :<br />

Ignoscas : timeo naufragus omne fr<strong>et</strong>um.


PONTIQUES, LIV. II, LETT. IL 89<br />

Et ma vie, si tu en r<strong>et</strong>ranclies mes <strong>de</strong>rnières fautes, ne<br />

peut faire rougir ta maison. Puisse donc prospérer le<br />

foyer <strong>de</strong> votre famille! Puissent <strong>les</strong> dieux <strong>et</strong> César te<br />

protéger, si tu implores c<strong>et</strong>te divinité bienveil<strong>la</strong>nte,<br />

mais justement irritée contre moi, pour qu'elle me délivre<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> contrée sauvage <strong>de</strong>s Scythes! La tâche est<br />

difficile 5 je l'avoue ; mais <strong>la</strong> vertu affronte <strong>les</strong> obstac<strong>les</strong>,<br />

<strong>et</strong>, pour un tel bienfait, ma reconnaissance sera plus<br />

gran<strong>de</strong>.<br />

Et cependant ce n'est pas Polyphème dans <strong>la</strong> profon<strong>de</strong><br />

caverne <strong>de</strong> l'Etna, ce n'est pas Antiphates qui recevra<br />

tes prières, c'est un père indulgent <strong>et</strong> bon, disposé<br />

à pardonner, <strong>et</strong> qui souvent fait gron<strong>de</strong>r son tonnerre<br />

sans <strong>la</strong>ncer <strong>les</strong> feux <strong>de</strong> sa foudre; qui ne peut prendre<br />

une décision sévère sans en souffrir lui-même; qui se punit,<br />

pour ainsi dire, en punissant Cependant ma faute<br />

a vaincu sa clémence ; j'ai forcé sa colère <strong>de</strong> s'armer <strong>de</strong><br />

son pouvoir. Puisque, séparé <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie par l'univers<br />

entier, je ne puis me j<strong>et</strong>er aux pieds <strong>de</strong>s dieux euxmêmes<br />

: prêtre chargé <strong>de</strong> ma requête, porte-<strong>la</strong> aux divinités<br />

que tu honores. A mes paro<strong>les</strong> ajoute tes propres<br />

prières ; <strong>et</strong> cependant ne tente pas ce moyen si tu y vois<br />

du danger. Pardonne: naufragé, je crains <strong>toutes</strong> <strong>les</strong><br />

mers.


90 EX PONTO LIB. II, EPIST. III.<br />

EPISTOLA TERTIA.<br />

MAXIMO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

' Maximi Mem <strong>et</strong> coas<strong>la</strong>ntiam in rébus suis miseris <strong>et</strong> perditis <strong>la</strong>udat po<strong>et</strong>a ,<br />

qui non utiliîate, ut vulgus ignobile, sed honestate- <strong>et</strong> virtute eos probat,<br />

quos serael amandos suscepit; horîaturque illum, ut in fi<strong>de</strong> perst<strong>et</strong>, <strong>et</strong><br />

sibi quantum potest opem ferai.<br />

MAXIME , qui c<strong>la</strong>ris oomen virtutibus aequas,<br />

Nec sinis ingenium nobilitate premi;<br />

Culle mihi (quid eoim status hic^a funere differt?),<br />

Supremum vitae tempus ad usque meac :<br />

Rem facis , adflictum non aversatus amicum ,<br />

Qua non est aevo rarior ul<strong>la</strong> tuo.<br />

Turpe qui<strong>de</strong>m dictu, sed, si modo vera faîemur,<br />

"Vulgus amicitias utilitate probat.<br />

Cura quid expédiât prius est, quatn quid sit honestum:<br />

Et cura fortuna statque caditque fi<strong>de</strong>s.<br />

Nec facile inveoias multîs in millibus unum,<br />

Virtutem pr<strong>et</strong>ium quiîput<strong>et</strong> esse sui.<br />

Ipse décor, recte facti si praemia <strong>de</strong>sint,<br />

Non mov<strong>et</strong>? <strong>et</strong> gratis pœnit<strong>et</strong> esse probum.<br />

Nil, nisi quod pro<strong>de</strong>st, carum est : i, d<strong>et</strong>rahe menti<br />

Spem fructus avidœ, nemo p<strong>et</strong>endus erit.<br />

àT reditus jam quisque suos amat, <strong>et</strong> sibi quid sit<br />

Utile, sollicitis subputat articulis.


PONTIQUES, LIV. II, LETT. III. 91<br />

LETTRE TROISIÈME.<br />

A MAXIME. ' .<br />

ARGUMENT.<br />

Le poète fait Féloge <strong>de</strong> Famitié constante <strong>et</strong> fidèle que Maxime lui témoigne<br />

dans son malheur. Ce n'est pas l'intérêt qui le gui<strong>de</strong>, comme le commun<br />

<strong>de</strong>s hommes, dans le choix <strong>de</strong> ses amis; c'est <strong>la</strong> vertu <strong>et</strong> <strong>la</strong> probité. Ovi<strong>de</strong><br />

Fengage à persévérer dans sa fidélité, <strong>et</strong> à le secourir autant qu'il le pourra.<br />

MAXIME, loi qui, par l'éc<strong>la</strong>t <strong>de</strong> tes vertus, soutiens<br />

dignement ton nom, qui ne <strong>la</strong>isses pas <strong>la</strong> nob<strong>les</strong>se éclipser<br />

chez toi le mérite; toi que j'honorai jusqu'au <strong>de</strong>rnier<br />

instant <strong>de</strong> ma vie (car mon état présent diffère-t-il<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> mort?), tu n'as pas repoussé ton ami malheureux :<br />

c<strong>et</strong>te constance est bien rare au siècle où nous vivons.<br />

J'ai honte à le dire ; mais soyons sincères : en fait d'amitié,<br />

c'est l'intérêt qui sert <strong>de</strong> gui<strong>de</strong> au commun <strong>de</strong>s<br />

hommes. On songe au profit avant <strong>de</strong> songer à <strong>la</strong> vertu;<br />

<strong>et</strong> <strong>la</strong> fidélité tombe, ou se soutient avec <strong>la</strong> fortune. Sur<br />

<strong>de</strong>s milliers d'hommes, à peine en trouveras-tu un seul<br />

qui pense que <strong>la</strong> ver lu porte avec elle sa récompense.<br />

L'honneur même d'une belle action, si elle reste sans<br />

sa<strong>la</strong>ire, ne touche pas; on regr<strong>et</strong>terait d'être gratuitement<br />

vertueux : on n'aime que ce qui est utile. Va, enlève<br />

à nos âmes cupi<strong>de</strong>s l'espérance du profit; <strong>et</strong>, après<br />

ce<strong>la</strong>, cherche encore <strong>de</strong>s vertus.<br />

Chacun aujourd'hui s'attache à ses revenus ; on compte<br />

<strong>sur</strong> <strong>de</strong>s doigts inqui<strong>et</strong>s ce qui rapportera le plus. L'ami-


92 EX PONTO LIB. II, EPIST. III. (v. nj.)<br />

Illud amicïtiae quondain venerabile numen<br />

Prostat, <strong>et</strong> in quaestu pro mer<strong>et</strong>rice sed<strong>et</strong>.<br />

Quo magis admiror,- non, ut torrentibus undis,<br />

Communis vitii te quoque <strong>la</strong>be trahi.<br />

Diligitur uemo, nisi cui fortuna seconda est:<br />

Quae simul întonuit, proxima quaeque fugat.<br />

EN ego, non paucis quondam munitus amicis,<br />

Dum f<strong>la</strong>vit velis aura secunda meis;<br />

Ut fera nimboso tumuerunt aequora venlo,<br />

In raediis <strong>la</strong>cera puppe relinquor aquis.<br />

Quuirique alii nolint <strong>et</strong>iam me nosse vi<strong>de</strong>ri,<br />

Vix duo projecto tresve tulisiis opem.<br />

Quorum tu prioceps : nec enim cornes esse? sed auctor^<br />

Nec p<strong>et</strong>ere exemplum, sed dare dignus eras.<br />

Te, nihil ex acto, nisi non peccasse, ferentem,<br />

Sponte sua probitas offîciumque juvant.<br />

Judice te merce<strong>de</strong> car<strong>et</strong>, per seque p<strong>et</strong>enda est<br />

Externis virtus ineomitata bonis.<br />

Turpe putasabigi, quia sit miserandus, amicum,<br />

Quodque sit infelix, <strong>de</strong>sinere esse tuum.<br />

Mitius est <strong>la</strong>sso digitum subpoeere me<strong>et</strong>o,<br />

Mergere quam liquidis ora natantis aquis.<br />

Cerne, quid Jîaci<strong>de</strong>s post mortem praest<strong>et</strong> amico :<br />

Instar <strong>et</strong> banc vitam mortis liabere puta.<br />

Pirithoum Theseus Stygias comïtavit ad undas :<br />

A Stygiis quantum sors mea distat aquis !<br />

Adfuit iosano juvenis Phocaeus Orestae :<br />

Et mea non minimum culpa furoris habeL


PONTIQUES, L1V. II, LETT. III. 93<br />

tié, c<strong>et</strong>te divinité jadis si vénérable, est exposée en vente ,<br />

<strong>et</strong>, comme une prostituée, se livre à qui l'achète. Je t'en<br />

admire davantage, toi, qui résistes au torrent, qui ne<br />

te <strong>la</strong>isses pas entraîner par <strong>la</strong> contagion du désordre<br />

général. On n'aime que celui que <strong>la</strong> fortune favorise.<br />

L'orage gron<strong>de</strong>, <strong>et</strong> bientôt tout fuit à l'en tour.<br />

Me voilà, moi, que jadis entourèrent <strong>de</strong> nombreux<br />

amis, tant qu'un souffle favorable a gonflé mes voi<strong>les</strong>.<br />

Dès qu'un vent orageux a soulevé <strong>la</strong> mer furieuse, on<br />

m'abandonne au milieu <strong>de</strong>s eaux avec ma poupe brisée.<br />

Et, quand <strong>la</strong> plupart craignent même <strong>de</strong> paraître<br />

m'avoir connu , à peine é<strong>les</strong>-vous restés <strong>de</strong>ux ou trois<br />

pour me secourir dans mon naufrage. Tu fus le premier;<br />

tu étais digne en eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> ne pas suivre, mais<br />

<strong>de</strong> commencer ; <strong>de</strong> ne pas recevoir, mais <strong>de</strong> donner<br />

l'exemple. Ne cherchant dans ce que tu fais que le témoignage<br />

d'une conscience pure, tu aimes <strong>la</strong> probité,<br />

le <strong>de</strong>voir pour eux-mêmes, tu penses que <strong>la</strong> vertu n'attend<br />

pas <strong>de</strong> sa<strong>la</strong>ire, <strong>et</strong> qu'elle doit être recherchée pour<br />

elle-même, quoique seule <strong>et</strong> sans aucun cortège <strong>de</strong> biens<br />

étrangers. C'est une honte à tes yeux qu'un ami soit repoussé,<br />

parce qu'il est dans l'infortune; qu'il cesse d'être<br />

ton ami, parce qu'il est malheureux. L'humanité <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

qu'on soutienne <strong>de</strong> <strong>la</strong> main <strong>la</strong> tête du nageur fatigué,<br />

au lieu <strong>de</strong> le plonger au sein <strong>de</strong>s flots. Vois ce<br />

que fît, pour son ami mort, le p<strong>et</strong>it-fils d'Eacus : ma<br />

vie aussi, crois-moi, est une sorte <strong>de</strong> mort. Thésée accompagna<br />

Piritlioûs <strong>sur</strong> <strong>les</strong> bords du Styx; <strong>et</strong> quelle<br />

distance me sépare <strong>de</strong>s on<strong>de</strong>s du Styx! Le jeune Phocéen<br />

n'abandonna pas Oreste privé <strong>de</strong> sa raison ; <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />

folie est pour beaucoup dans ma faute.


94 EX PONTO LIB. II, EPIST. III. (v. 47.)<br />

Tu.quoque magnorum <strong>la</strong>u<strong>de</strong>s admitte virorum ; /<br />

Utque facis, <strong>la</strong>pso, quam potes, affer opem.<br />

Si beoe te novi; si, quod prius esse solebas,<br />

Noue quoque es, atque animi non ceci<strong>de</strong>re tui,<br />

Quo fortuna magis saevit, magis îpse resistis,<br />

Utque <strong>de</strong>e<strong>et</strong>, ne te vicerit il<strong>la</strong>, caves:<br />

Et bene uti pugncs, bene pugnans efBcit hostis.<br />

Sic ea<strong>de</strong>m pro<strong>de</strong>st causa, noc<strong>et</strong>que mihi.<br />

SCILICET indignum, jitvenis rarissime, ducis<br />

Te fieri comîtem stantis in orbe Deae.<br />

Firmus es : <strong>et</strong>, quoniam non sunt ea qualia vel<strong>les</strong>,<br />

Vê<strong>la</strong> régis quassae qualiacumque ratis.<br />

Quseque ita concussa est, ut jam ca<strong>sur</strong>a put<strong>et</strong>ur,<br />

Restât adhuc humeris fulta ruina tuis.<br />

IRA qui<strong>de</strong>m primo fuerat tua justa, nec ipso<br />

Lenior, offensus qui mihi jure fuit :<br />

Quique dolor pectus t<strong>et</strong>igiss<strong>et</strong> Caesaris alti,<br />

lllum jurabas protinus esse tuum:<br />

Ut tamen audita est nostrae tibi c<strong>la</strong>dis origo,<br />

Diceris erratis ingemuisse m<strong>et</strong>s.<br />

Tum tua me primum so<strong>la</strong>ri littera cœpit,<br />

Et <strong>la</strong>esum flecti spem dare posse Deum.<br />

Movit amicitiaî tum te constanîia longae,<br />

Ànte tuos ortus quae mihi cœpta fuit.<br />

Et quod eras aliis factus, mihi natus amicus;<br />

Quodque tibi in cunis oscu<strong>la</strong> prima "<strong>de</strong>di ;<br />

Quod, quum vestradomus teneris mihi semper abannis<br />

Culta sit, esse vêtus nunc tibi cogor onus.


PONTIQUES, LIV. II, LETT. III. 95<br />

Toi aussi, partage avec ces héros <strong>la</strong> gloire <strong>de</strong> tant <strong>de</strong><br />

vertu ? <strong>et</strong> continue à me donner, dans ma détresse, toute<br />

Iassistaoce qui dépend <strong>de</strong> toi. Si je te connais bien, si<br />

tu es toujours ce que tu étais autrefois, si ton cœur n'a<br />

pas changé : plus <strong>la</strong> fortune se montre cruelle, plus tu<br />

lui opposes <strong>de</strong> résistance ; comme l'honneur l'exige, tu<br />

prends gar<strong>de</strong> qu'elle ne triomphe <strong>de</strong> toi ; <strong>et</strong> l'ar<strong>de</strong>ur <strong>de</strong><br />

ton ennemi dans le combat ne fait qu'animer ton ar<strong>de</strong>ur<br />

: ainsi <strong>la</strong> même cause me nuit <strong>et</strong> me sert en même<br />

temps.<br />

Sans doute, excellent jeune homme, tu regar<strong>de</strong>s<br />

comme indigne <strong>de</strong> toi <strong>de</strong> te joindre au cortège <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

déesse toujours <strong>de</strong>bout <strong>sur</strong> une roue. Ta constance est<br />

inébran<strong>la</strong>ble; <strong>et</strong>, si <strong>les</strong> voi<strong>les</strong> <strong>de</strong> mon vaisseau, battu par<br />

<strong>la</strong> tempête, ne sont pas dans l'état que tu voudrais, tel<strong>les</strong><br />

qu'el<strong>les</strong> sont, ta main <strong>les</strong> dirige. Ces ruines, tellement<br />

ébranlées que <strong>la</strong> chute en paraît inévitable, se soutiennent<br />

encore appuyées <strong>sur</strong> tes épau<strong>les</strong>.<br />

Dans le premier moment, il est vrai, ta colère était<br />

juste ; tu n'étais pas moins irrité que celui dont je n'avais<br />

que trop mérité le courroux. Le ressentiment qui était<br />

entré dans le cœur du grand César, tu juras aussitôt que<br />

tu le partageais avec lui : mais, dès que tu appris l'origine<br />

<strong>de</strong> mon malheur, tu gémis <strong>sur</strong> mon égarement.<br />

Alors ta l<strong>et</strong>tre vint m'apporter une première conso<strong>la</strong>tion<br />

, <strong>et</strong> me donner l'espoir qu'on pourrait fléchir le<br />

dieu que j'ai offensé : alors tu te sentis émouvoir par <strong>la</strong><br />

constance <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te longue amitié, qui commença dans<br />

ïïion cœur avant ta naissance; tu te rappe<strong>la</strong>s que, si tu<br />

es <strong>de</strong>venu pour d'autres un ami, tu naquis le mien;<br />

que, dans ton berceau, je te donnai <strong>les</strong> premiers baisers<br />

; qu'après avoir honoré ta famille dès ma plus tendre


96 EX PONTO LIB. II, EPIST. III. (v. 7 5.)<br />

Me tous illc pater, Latiae facundia linguœ,<br />

Quae non inferior nobilïtate fuît,<br />

Primus, ut au<strong>de</strong>rem committere carmina famae?<br />

Impulit : ingenii dux fuit ille mei.<br />

Nec? quo sit primum oobis a temporecultusf<br />

Contendo fratrem posse referre tuum.<br />

Te tamen ante omees ita sum complexiis, ut unus<br />

Quolib<strong>et</strong> in casu gratia nostra fores.<br />

ULTIMA me tecum vidit, mœstisque ca<strong>de</strong>ntes<br />

Excepit <strong>la</strong>crymas Italis ora geois.<br />

Quum tibi quaerenti, num verus nuncius ess<strong>et</strong>,<br />

Âdtulerat culpae quem ma<strong>la</strong> fama meae ;<br />

Inter coufessum dubie, dubieque negantem<br />

Haerebam, pavidas dante timoré notas:<br />

Exemploque nivis, quam sol vit aquaticus Austerf<br />

Gutta per adtonitas ibat oborta gênas.<br />

HJEC igitur referons, <strong>et</strong> quod mea crimina primï<br />

Erroris venia posse <strong>la</strong>tere vi<strong>de</strong>s;<br />

Respicis antiquum <strong>la</strong>psis in rébus amicum,<br />

Fomentisque juvas vulnera noslra tuis.<br />

Pro quibus optandï si nobis copia fiât,<br />

Tam bene promerito commoda mille precer.<br />

Sed si so<strong>la</strong> mihi <strong>de</strong>otur tua vota, precabor,<br />

Ut tibi sit f salvo Caesare, salva parens.<br />

Haec ego, quum faceres altaria pinguia ture,<br />

Te solitum memini prima rogare Deos.


PONTIQUÊS, L1V. II, LETT. III. 97<br />

jeunesse, il me faut, après tant d'années, être un far<strong>de</strong>au<br />

pour toi. Ton père, le modèle <strong>de</strong>s orateurs romains,<br />

<strong>et</strong> dont l'éloquence éga<strong>la</strong>it <strong>la</strong> nob<strong>les</strong>se, m'encouragea<br />

le premier à confier mes vers à <strong>la</strong> renommée; il<br />

fut le gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> mon génie. Ton frère aussi ne pourrait<br />

dire à quelle époque commença mon amitié pour lui.<br />

Mais c'est, avant tout, <strong>sur</strong> toi que se réunirent mes affections,<br />

<strong>et</strong>, dans mes diverses fortunes, tu fus toujours<br />

le premier obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> ma tendresse.<br />

Les côtes <strong>de</strong> l'Italie me virent avec toi dans ces <strong>de</strong>rniers<br />

momens où j'arrosais le rivage <strong>de</strong> mes <strong>la</strong>rmes.<br />

Quand tu me <strong>de</strong>mandas s'ils étaient vrais, ces bruits<br />

odieux qui t'avaient instruit <strong>de</strong> ma faute, je restais embarrassé<br />

sans avouer <strong>et</strong> sans nier, <strong>et</strong> ma pâleur révé<strong>la</strong>it<br />

assez mon trouble <strong>et</strong> ma crainte. Comme <strong>la</strong> neige qui se<br />

fond au souffle humi<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'Auster, <strong>de</strong>s <strong>la</strong>rmes inondaient<br />

mon visage interdit <strong>et</strong> tremb<strong>la</strong>nt<br />

Ces souvenirs te sont encore présens ; tu penses que<br />

ma faute peut être excusée, comme on excuse une première<br />

erreur : <strong>et</strong> c'est pour ce<strong>la</strong> que tu ne détournes pas<br />

tes regards d'un ancien ami dans le malheur, <strong>et</strong> que tu<br />

répands <strong>sur</strong> mes b<strong>les</strong><strong>sur</strong>es un baume salutaire. Pour tant<br />

<strong>de</strong> bienfaits, s'il m'était permis <strong>de</strong> donner un libre cours<br />

à mes vœux, je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rais aux dieux <strong>de</strong> te combler <strong>de</strong><br />

mille faveurs; mais, s'il faut me borner à l'obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> tes<br />

désirs, je leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rai qu'ils conservent à ton amour<br />

<strong>et</strong> César <strong>et</strong> sa mère. C'est là, je m'en souviens, <strong>la</strong> prière<br />

que tu leur adressais d'abord, quand tu offrais <strong>de</strong> l'encens<br />

<strong>sur</strong> leurs autels.


§8 IX POFTO LIB. II, EPIST. IV-<br />

EPISTOLA QTJARTA.<br />

ATTICO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Attioo v<strong>et</strong>erem amicit<strong>la</strong>m, ejusqoe fru<strong>et</strong>us ultro ciîroque jocundiores commémorât<br />

: cfoibos fr<strong>et</strong>us dicit sibi pereoasum esse, illiim quamYÎs absentem,<br />

adhue in fi<strong>de</strong> permanere : quod ut faciaî, hortatur.<br />

ACCIPE colloquium gelido Nasonis ab Istro,<br />

Attice, judicïo non dubitan<strong>de</strong> meo.<br />

Eci|uid adhuc remanes memor infelicis amïci ?<br />

Deserït an partes <strong>la</strong>nguida cura suas ?<br />

Non ita Dî tristes mihï sunt, ut cre<strong>de</strong>re possini,<br />

Fasque putem jam te non meminisse mei.<br />

Ante meos oculos tua stat, tua semper imago est;<br />

Et vi<strong>de</strong>or vultus mente vi<strong>de</strong>re tuos.<br />

Séria multa mihi tecum col<strong>la</strong>ta recordor;<br />

Nec data jucundis tempora pauca jocis.<br />

Saepe citae longis visae sermonibus horae ;<br />

Saepe fuit brevior, quam mea verbaf dies.<br />

Saepe tuas factum venit modo carmen ad aures,<br />

! Et nova judicio subdita Musa tuo est,<br />

Quod tu <strong>la</strong>udaras, populo p<strong>la</strong>cuisse putabam :<br />

Hoc pr<strong>et</strong>ium cura dulce recentis erat.<br />

Utque meus lima rasus liber ess<strong>et</strong> amici,<br />

!<br />

Non semel admonitu facta litura tuo est.


POFTIQUES, UV. 11, LETT. IV. 99<br />

LETTRE QUATRIÈME.<br />

A ATTICUS.<br />

ARGUMENT.<br />

Iî rappelle à Atticus ran<strong>de</strong>nne amitié qui <strong>les</strong> unissait, <strong>et</strong> qui fat toujours si<br />

douce pour tous <strong>de</strong>ux. Plein <strong>de</strong> ces souvenirs t il est persuadé que, malgré<br />

son éloignement , son ami lui est resté fidèle ; il l'engage à persévérer.<br />

. REçOIS ces mots qu'Ovi<strong>de</strong> t'envoie <strong>de</strong>s bords g<strong>la</strong>cés <strong>de</strong><br />

lister, Atticus, toi dont <strong>la</strong> fidélité ne peut m'être suspecte.<br />

Te souvieos-tu encore <strong>de</strong> ton ami malheureux? ou<br />

ton cœur a-t-il cessé <strong>de</strong> s'occuper <strong>de</strong> moi ? Non, <strong>les</strong> dieux<br />

ne me sont pas cruels à ce point ; je ne saurais le croire,<br />

il est impossible que tu m'aies oublié : ton image est toujours<br />

<strong>de</strong>vant mes yeux ; je crois voir tes traits toujours<br />

présens à ma pensée. Je me rappelle nos fréquens entr<strong>et</strong>iens<br />

<strong>sur</strong> <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s sérieux, <strong>et</strong> ces douces causeries qui<br />

nous prenaient une bonne partie <strong>de</strong> notre temps. Souvent,<br />

en conversant, nous avons abrégé <strong>les</strong> heures ; souvent nos<br />

discours se prolongèrent au <strong>de</strong>là du jour. Souvent tu écoutas<br />

<strong>de</strong>s vers que je venais d'achever, <strong>et</strong> ma muse nouvelle<br />

se soum<strong>et</strong>tait à ton jugement. Tes éloges étaient pour<br />

moi <strong>les</strong> app<strong>la</strong>udissemens du peuple ; c'était le prix le<br />

plus doux <strong>de</strong> mon travail récent. Pour que mon ouvrage<br />

fût poli par <strong>la</strong> lime d'un ami, j'ai effacé bien.<strong>de</strong>s choses<br />

ensuivant tes avis. Souvent le forum, <strong>les</strong> portiques, <strong>les</strong><br />

rues nous virent ensemble; souvent le théâtre nous réu-


ioo EX PONTO'LIB. II, ÊPIST. IV. (•. 19-)<br />

Nos fora vi<strong>de</strong>runt pariter, nos porticus omnis,<br />

Nos via f nos junctïs curva theatra locis.<br />

Denique tantus amor nobis, rarissime, semper,<br />

Quantus in JSacidis Àctoridisque fuit.<br />

NON ego, securae biberes'si pocu<strong>la</strong> L<strong>et</strong>hes,<br />

Exci<strong>de</strong>re haec credam pectore posse tuo.<br />

Longa dies citius brumali sidère, noxque<br />

Tardior hiberna solstïtialis erit;<br />

Nec Babylon aestum, nec frigora Pontus habebit,<br />

Calthaque Paestanas vinc<strong>et</strong> odore rosas ;<br />

Quam tibi nostrarum veniant oblivia rerum,<br />

Non ita pars fati candida nul<strong>la</strong> mei.<br />

Ne tamen haec dici possit fiducia mendax,<br />

Stultaque credulitas nostra fuisse, cave :<br />

Constantique fi<strong>de</strong> v<strong>et</strong>erem tutare sodalem,<br />

Qua lïc<strong>et</strong>, <strong>et</strong> quantum non onerosus ero.


PONTIQUES^ LIV. II, LEtT. IV. 101<br />

nit Pun près <strong>de</strong> l'autre. Enfin, mon ami, notre attache- •<br />

ment ne le céda jamais à celui d'Achille <strong>et</strong> du p<strong>et</strong>it-fils<br />

d'Actor.<br />

Non, quand tu boirais <strong>de</strong>s eaux du fleuve d'oubli, je<br />

ne croirais pas que ces souvenirs pussent s'effacer <strong>de</strong><br />

ton cœur. La saison <strong>de</strong>s frimas ramènera <strong>les</strong> longs<br />

jours ; <strong>les</strong> nuits d'hiver seront plus courtes que <strong>les</strong> nuits<br />

d'été; Babylone n'aura plus <strong>de</strong> chaleurs, le Pont n'aura<br />

plus <strong>de</strong> froids ; le souci l'emportera <strong>sur</strong> <strong>la</strong>. rose parfumée<br />

<strong>de</strong>Pestum, avant que mon souvenir s'efface do<br />

ta mémoire : non, ma <strong>de</strong>stinée n'est pas malheureuse à<br />

ce point. Prends gar<strong>de</strong> cependant qu'on ne puisse dire<br />

que ma confiance m'a trompé, que j'ai été abusé par une<br />

sotte crédulité. Protège, avec une fidélité constante, ton<br />

ancien ami;• protège-le autant que tu le peux, sans qu'il<br />

te soit à charge.


10a EX PONTO LIB. II, EP1ST. V.<br />

tfllMlll»lll#ll%lilii^^<br />

EPISTOLA QUINTA.<br />

SALANO.<br />

ÀRGUMENTUM.<br />

Sa<strong>la</strong>nom a candore <strong>et</strong> benerolentia <strong>la</strong>odat ; quodqae eisulis poète carmina<br />

probarit eximîus orator, gratîas agiL Carmen, quo Illyriciim triumphnm<br />

celebrare sit nlsus , ejus tut<strong>et</strong>o commenda't.<br />

CONDITA. disparibus numeris ego Naso Sa<strong>la</strong>no<br />

Praeposita misi Yerba salute meo,<br />

Quae rata sit cupio9 rebusque ut comprob<strong>et</strong> omen,<br />

Te precor a saWo possit, amice, legi.<br />

Candor? ïD hoc aevo res intermortua paene?<br />

Exlgït , ut faciam talia vota , tous.<br />

Nara fuerïsn quamvis modïco tïbl cognïtus usuf<br />

Diceris exsilïis ingemuïssc meis :<br />

Missaque ab extremo légères quom carmina Ponto f<br />

Il<strong>la</strong> tous juvit qualiacumque favor;<br />

Optastique brevem salvi mihl Caesarïs Iram ;<br />

Quod tamen optari, si sciât, ipse sinat.<br />

Moribus ista tuis tam mitia Yota <strong>de</strong>disti :<br />

Nec minus idcirco sunt ea grata mihi.<br />

QUOQOB magis moveare malis, doctissimef nostris,<br />

Credibile est fieri conditione loci.<br />

Vix hac inventas totum, mihi cre<strong>de</strong> , per orbem •<br />

Quae minus Augusta pace fruatur? humum.<br />

Tu tamen hic structos in ter fera prœlia versus<br />

Et legis, <strong>et</strong> lectos ore fa Yen te probas;


POETIQUES, JLIV. II, LETT. V. 10S<br />

LETTRE CINQUIÈME.<br />

à. SALANUS.<br />

ARGUMENT.<br />

Il Mt Féloge <strong>de</strong> k bonté <strong>et</strong> <strong>de</strong> k bienveil<strong>la</strong>nce <strong>de</strong> Sa<strong>la</strong>mis. Il k remercie<br />

d'avoir accordé m faveur aux vers d'En poète exilé. Il recomman<strong>de</strong> à sa<br />

protection le poème où il a célébré le triomphe <strong>de</strong> Hllyrie.<br />

OVIDE envoie à Sa<strong>la</strong>ntts ces mots me<strong>sur</strong>és en distiques<br />

inégaux, <strong>et</strong> <strong>les</strong> vœux qui <strong>les</strong> précè<strong>de</strong>nt : puissent-ils<br />

s'accomplir ! puissent mes espérances se réaliser ! Je<br />

souhaite, ami, qu'en me lisant, tu sois dans un état<br />

prospère. Ta bonté, c<strong>et</strong>te vertu presque éteinte <strong>de</strong> nos<br />

jours j mérite bien <strong>de</strong> ma part <strong>de</strong> semb<strong>la</strong>b<strong>les</strong> vœux.<br />

Quoique je fosse peu connu <strong>de</strong> toi, on dit que tu t'es<br />

affligé <strong>de</strong> mon exil ; <strong>et</strong> quand tu lus ces vers que j'envoyai<br />

<strong>de</strong>s bords reculés du Pont, quels qu'ils fussent, ta<br />

faveur leur servit d'appui; tu souhaitas que César, toujours<br />

protégé par <strong>les</strong> dieux, s'apaisât bientôt en ma<br />

faveur; César lui-même, s'il le savait, perm<strong>et</strong>trait <strong>de</strong><br />

semb<strong>la</strong>b<strong>les</strong> souhaits. C'est <strong>la</strong> bonté <strong>de</strong> ton cœur qui<br />

t'inspira <strong>de</strong>s vœux si bienveil<strong>la</strong>ns, <strong>et</strong> ce n'est pas ce qui<br />

me <strong>les</strong> rend moins précieux.<br />

Ce qui doit te toucher le plus dans mon malheur,<br />

éloquent Sa<strong>la</strong>nus, c'est sans doute <strong>la</strong> nature <strong>de</strong>s lieux<br />

où je souffre : dans le mon<strong>de</strong> entier, crois-moi, tu trouverais<br />

à peine une contrée qui jouît moins <strong>de</strong> <strong>la</strong> paix<br />

qu'Auguste nous a donnée. Et pourtant ces vers, que je<br />

fais ici au milieu <strong>de</strong>s fureurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre, tu <strong>les</strong> lis, <strong>et</strong>,


io4 " EX PONTO LIB. H, EPIST. V. (v. 21.)<br />

logenioque meo? vena quod paupere manat,<br />

P<strong>la</strong>udis, <strong>et</strong> e rivo flumina magna facis.<br />

Grata qul<strong>de</strong>m su<strong>et</strong> hœc ajiimo suffragia nostro,<br />

Vix sihi quum miseros posse p<strong>la</strong>cere putes.<br />

DUM tamen in rébus tentamus carmina parvis,<br />

Materiae gracill sttfficit ingeniuni :<br />

Nuper ut hue magni-pervenit fama triumphi, ^<br />

Ausus sum tantae <strong>sur</strong>aere molis opus :<br />

Obruït au<strong>de</strong><strong>et</strong>em rerum gravitasque nïtorque;<br />

Née potui cœpti pondéra' ferre-mei.<br />

Illie, quam <strong>la</strong>u<strong>de</strong>s, erit officïosa voluntas :<br />

C<strong>et</strong>era materia <strong>de</strong>bilitata jacent.<br />

Quod si forte liber- vestras perveeit ad aures-,<br />

Tute<strong>la</strong>m mando sentiat ille tuam.<br />

Hoc tibi facturo,vel si non ipse rogarem-,<br />

Accédât cumulus gratia nostra levis.<br />

Non- ego iaudandus, sed sunt tua pectora <strong>la</strong>cté,<br />

Et non calcata candidiora nlve :<br />

Mirarïsque alios? quum sis mirabilis ipse,<br />

Nec <strong>la</strong>teant artes, eloquiumque tuum.<br />

TE juvenum princeps, cui dat Germania nome»,<br />

Participera studii Caesar habere sol<strong>et</strong> :.<br />

Tu cornes antiquus? tu primis junctus ab annis,<br />

Ingenio mores aequiparante f p<strong>la</strong>ces :<br />

Te dicente prius, it protieus imp<strong>et</strong>us illi ;<br />

Teque hab<strong>et</strong>? elicias qui sua verba tuis..<br />

Quum tu <strong>de</strong>sîstl, mortaliaque ora quierunt,<br />

Ç<strong>la</strong>usaque non longa conticuere mora,


PONTIQUES, LIV. II, LETT. V. io5<br />

quand tu <strong>les</strong> as lus, tu <strong>les</strong> approuves, tu leur donnes<br />

<strong>de</strong>s éloges, tu app<strong>la</strong>udis à mon génie, à tout ce qui<br />

coule d'une veine si stérile, <strong>et</strong> d'un ruisseau tu fais .un<br />

grand fleuve. Oui, ces suffrages sont chers à mon cœur ;<br />

<strong>et</strong>, tu le sais, le cœur du malheureux peut à peine<br />

s'ouvrir à <strong>la</strong> joie.<br />

Quand ma muse s'exerce <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s choses légères, mon<br />

génie suffit à un travail simple <strong>et</strong> facile. Mais naguère, '<br />

quand <strong>la</strong> renommée d'un glorieux triomphe parvint jus- •<br />

qu'en ces lieux, j'osai entreprendre une tâche si relevée<br />

: <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur <strong>et</strong> l'éc<strong>la</strong>t du suj<strong>et</strong>- accablèrent mon<br />

audace ; je succombai sous le poids <strong>de</strong> mon entreprise.<br />

Dans mon poëme tu n'auras à louer que ma bonne volonté<br />

: du reste il <strong>la</strong>nguit écrasé par le suj<strong>et</strong>. Si, par<br />

hasard, mon livre est parvenu jusqu'à toi, je te le recomman<strong>de</strong>;<br />

prends-le sous ta protection; tu le ferais,<br />

quand je ne le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rais pas : que, du moins, <strong>la</strong><br />

prière d'un ami ajoute à ta bonne volonté. Je ne mérite<br />

pas d'éloges ; mais il y a tant <strong>de</strong> bonté dans ton cœur<br />

plus candi<strong>de</strong> <strong>et</strong> plus pur que le <strong>la</strong>it, que <strong>la</strong> neige nouvelle!<br />

Tu admires <strong>les</strong> autres, toi, si digne d'être admiré<br />

, toi dont personne n'ignore <strong>les</strong> talens <strong>et</strong> l'éloquence.<br />

Le prince <strong>de</strong>s jeunes Romains, César, à qui <strong>la</strong> Germanie<br />

a donné son nom, t'associe à ses étu<strong>de</strong>s : le plus<br />

ancien <strong>de</strong> ses compagnons, uni à lui dès l'enfance, tu lui<br />

p<strong>la</strong>is par ton génie qui sympathise avec son caractère.<br />

Tu par<strong>les</strong>, <strong>et</strong> aussitôt il se sent animé; tu es là pour<br />

exciter son éloquence par <strong>la</strong> tienne. Quand tu as cessé<br />

<strong>de</strong> parler, que toute bouche mortelle s'est tue <strong>de</strong>vant<br />

lui, <strong>et</strong> que le silence a régné un instant, il se lève alors,<br />

ce prince si digne <strong>de</strong> porter le nom d'Iule, semb<strong>la</strong>ble à


106 EX PONTO L1B. II, EPIST. V. (y. 49.)<br />

Surgit Iuleo juvenis cognomine dignus,<br />

Qualis ab Eois Lucifer ortus aquis.<br />

Dumqye silens adstat, status est vultusque diserti,<br />

Spemque <strong>de</strong>cens doctae vocis amictus hab<strong>et</strong>,<br />

Mox, ubi puisa mora est, atque os cœ<strong>les</strong>te solutum,<br />

Hoc Superos jures more solere loqui :<br />

Atque, faaec est, dicas, facundia principe digna ;<br />

Eloquio tantum nobilitatis ioest !<br />

Huic tu quum p<strong>la</strong>ceas, <strong>et</strong> vertice sidéra tangas,<br />

Scripta tamen profugi vatis habenda putas.<br />

Scilic<strong>et</strong> ingeniis atiqua est concordia juectis,<br />

Et servat studii fœ<strong>de</strong>ra quisque sui.<br />

Rustieus agrico<strong>la</strong>m, mi<strong>les</strong> fera bel<strong>la</strong> gerentem,<br />

Mectorem dubiae na¥ita puppis amat.<br />

Tu quoque Pieridum studio, studiose, teneris,<br />

Ingenioque faves, ingeniose, meo.<br />

DISTAT opus oostrum; sedfontibus esit ab-îs<strong>de</strong>m :<br />

Artis <strong>et</strong> iogenuae cultor ulerque sumus.<br />

Thyrsus enim vobis, gestata est <strong>la</strong>urea nobis ;<br />

Sed tamen ambobus déb<strong>et</strong> inesse calor,<br />

Ulque meis numeris tua dat facundia îiervos,<br />

Sic Venit a nobis in tua verba nitor.<br />

Jure igitur studio confinia carmina ¥estro,<br />

Et commilitïi sacra tuenda putas.<br />

Pro quibus ut maneat, <strong>de</strong> quo censeris, amicus,<br />

Comprecor ad ¥itae tempora summa tuae ;<br />

Succedatque suis orbis mo<strong>de</strong>rator habenis :<br />

Quod mecum populi ¥ota precantur i<strong>de</strong>m.


POETIQUES, LIV* II, LETT. V. 107<br />

l'étoile du matin sortant <strong>de</strong>s on<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l'Orient, Pendant<br />

qu'il est <strong>de</strong>bout <strong>et</strong> dans le silence, son attitu<strong>de</strong>, son air<br />

est celui <strong>de</strong> l'orateur, <strong>et</strong> <strong>la</strong> disposition <strong>de</strong> son vêtement<br />

annonce une voix éloquente. Enfin, quand le moment<br />

est arrivé, quand c<strong>et</strong>te bouche divine a rompu le silence<br />

, vous jureriez que son <strong>la</strong>ngage est celui <strong>de</strong>s dieux :<br />

c'est là, diriez-vous, une éloquence cligne d'un prince :<br />

tant il y a <strong>de</strong> nob<strong>les</strong>se c<strong>la</strong>ns sa parole! Et toi, son favori,<br />

loi cl on 11 e fr o 111 ton c lie <strong>les</strong> a s t r es , t u Y e u x cepen -<br />

dant avoir <strong>les</strong> ouvrages d'un poète proscrit. Sans cloute<br />

il s'établit une s o r i e cl e s y 111 p a t li i e en t r e <strong>les</strong> e s p r ï t s , u 11 i s<br />

par <strong>les</strong> mêmes é t u cl es ; e V s t un e a 11 i a n ce à 1 a q u e 11 e c h aeuii<br />

reste fidèle. Le paysan s'attache au <strong>la</strong>boureur, le<br />

soldat à 1110111 me <strong>de</strong> guerre, le 11 au ton nier an pilote qui<br />

dirige une barque incertaine. Ainsi le culte <strong>de</strong>s Muses<br />

te p<strong>la</strong>ît, à t o i cj u i 1 es cul t i ves, <strong>et</strong> mon g é 11 ie t ro u v e en<br />

toi un génie qui le protège.<br />

Nos genres ne sont pas <strong>les</strong> mêmes, niais ils sortent<br />

<strong>de</strong> s ni êm es so u rces, e t e Vs l un art 1 i b é r a 1 q u e nous c u 1tivons<br />

l'un <strong>et</strong> l'autre. Tu portes le thyrse <strong>et</strong> moi le <strong>la</strong>urier;<br />

mais l'enthousiasme nous est nécessaire à tous <strong>de</strong>nu.<br />

Si ton éloquence donne plus <strong>de</strong> nerf à nies vers, c'est<br />

<strong>de</strong> moi que tes paro<strong>les</strong> empruntent leur <strong>et</strong>: <strong>la</strong> t. Tu penses<br />

donc avec raison que <strong>la</strong> poésie n'est pas étrangère à tes<br />

étu<strong>de</strong>s, <strong>et</strong> que, sous <strong>les</strong> mêmes drapeaux, nous <strong>de</strong>vons<br />

rester fidè<strong>les</strong> au même culte. Aussi je souhaite que jusqu'à<br />

<strong>la</strong> fin <strong>de</strong> ta vie tu conserves c<strong>et</strong>: ami auquel tu appa<br />

r t i en s, e t q u ' u 11 j 0 u r, m a î t re cl u ni o 11 <strong>de</strong>, il lien n e 1 u i -<br />

même <strong>les</strong> renés <strong>de</strong> IV m pire : cVst le vœu que tout ie<br />

peuple forme avec moi.


io8 EX PONTO L1B. Il, EP1ST. VI.<br />

EPISTOLA SEXTA.<br />

GRJECINO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Âd Graecinum scribens po<strong>et</strong>a, eum moii<strong>et</strong> nî,a sera peccatorum reprebeBsione<br />

temper<strong>et</strong> sibi arnicas ? <strong>et</strong> potins auxilium prœstare nitatur sodali.<br />

CARMINé Graecïnum, qui prœseos voce solebat-,<br />

Tristis ab Euxinis Naso salutat aquis.<br />

Exsulis haec vox est : praeb<strong>et</strong> mïhi littera lioguam ;<br />

Et, si non liceat scribere5 mutus ero.<br />

Corripis, ut <strong>de</strong>bes? stulti peccata sodalis.<br />

Et ma<strong>la</strong> me meritis ferre minora doces.<br />

Vera facis, sed sera, meae convicia culpae :<br />

Aspera confesso verba remitte reo.<br />

Quum poteram recto transire Ceraunia vélo ;<br />

Ut fera vitarem saxa? monendus eram.<br />

Nunc mihi naufragio quid pro<strong>de</strong>st discere facto,<br />

Quapi mea <strong>de</strong>buerit currere cymba viam?<br />

Brachia da <strong>la</strong>sso potius pren<strong>de</strong>nda natanti;<br />

Nec pigeât niento subposuisse manum. ;<br />

Idque facis, faciasque precor : sic mater <strong>et</strong> uxorf<br />

Sic tibi sint fratres, totaque salva domus !<br />

Quodque so<strong>les</strong> animo, quod semper voce precari,<br />

Omnia Caesaribus sic tua facta probes !<br />

Turpe erit in mi sens v<strong>et</strong>eri tibi rébus amico<br />

Auxilium nul<strong>la</strong> parte tulisse tuum.


PONTÏQUES, L1V. n., LETT. VI. 109<br />

LETTRE SIXIÈME.<br />

A GRÉCINUS.<br />

ARGUMENT.<br />

Le poète engage Gréclnus à épargner à son ami <strong>de</strong>s reproches trop tardifs,<br />

'<strong>et</strong> à lui donner plutôt <strong>les</strong> secours dont il a besoin.<br />

OVIDE , qui jadis, près <strong>de</strong> Grécinus, lui offrait ses<br />

vœux <strong>de</strong> vive voix, <strong>les</strong> lui offre maintenant dai^s ses<br />

vers, <strong>de</strong>s tristes bords <strong>de</strong> l'Euxin. C'est là le <strong>la</strong>ngage<br />

d'un exilé, c'est à ma plume que je dois <strong>la</strong> parole; <strong>et</strong><br />

s'il ne m'était permis d'écrire, je resterais sans voix. Tu<br />

as raison <strong>de</strong> blâmer <strong>les</strong> fautes <strong>de</strong> ton ami insensé, <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

m'avertir que j'ai mérité plus encore que je ne souffre.<br />

Tes reproches sont fondés, mais ils viennent trop tard.<br />

Sois moins sévère pour un coupable qui avoue ses torts.<br />

Quand je pouvais encore diriger mes voi<strong>les</strong> pour échapper<br />

aux monts Cérauniens, c'est alors qu'il fal<strong>la</strong>it m'avertir<br />

d'éviter <strong>de</strong> funestes écueils. Maintenant, à quoi me sert<br />

d'apprendre, après le naufrage, quelle route ma barque<br />

<strong>de</strong>vait tenir. Tends plutôt une main secourable au nageur<br />

fatigué, <strong>et</strong> que ton bras ne dédaigne pas <strong>de</strong> soutenir sa<br />

tête. C'est ce que tu fais; fais-le toujours, je t'en prie; <strong>et</strong><br />

que ta mère <strong>et</strong> ton épouse, tes frères <strong>et</strong> toute ta famille,<br />

soient protégés <strong>de</strong>s dieux! Puissent, <strong>et</strong> c'est le vœu <strong>de</strong><br />

ton cœur, c'est celui que tes lèvres expriment sans cesse,<br />

puissent <strong>toutes</strong> tes actions être agréab<strong>les</strong> aux Césars!<br />

Quelle honte pour toi <strong>de</strong> ne sou<strong>la</strong>ger par aucun secours<br />

le malheur d'un ancien ami! quelle honte <strong>de</strong> reculer,


no EX PONTO LU. II, EPIST. VI. (•. n.)<br />

Turpe referre pe<strong>de</strong>m, née passu stare tenaci :<br />

Turpe <strong>la</strong>borautem <strong>de</strong>seruisse ratem.<br />

Turpe sequi casum, <strong>et</strong> fortunae ce<strong>de</strong>re, amicum<br />

Et, nisi sit felix, esse negare suum.<br />

NON ita vixerunt Strophio atque Agamemnon© nati :<br />

Non faaec JEgidae Pirithoique'fi<strong>de</strong>s.<br />

Quos prior est mirata, sequens mirabitur a<strong>et</strong>as ;<br />

In quorum p<strong>la</strong>usus tota theatra sonant.<br />

Tu quoque, per durum servato tempus amicof<br />

Dignus es in tantis nomen habere Yiris ;<br />

Dignus es : <strong>et</strong> quoniam <strong>la</strong>u<strong>de</strong>m pi<strong>et</strong>ate mereris,<br />

Non erit offîcii gratia <strong>sur</strong>da tui.<br />

Cre<strong>de</strong> mifai, nostrum si non mortale futurum<br />

Carmen, in ore frequens posteritatis eris.<br />

Fac modo permaneas <strong>la</strong>pso, Graecine! fi<strong>de</strong>lis;<br />

Dur<strong>et</strong> <strong>et</strong> in longas imp<strong>et</strong>us ïste moras.<br />

Quae to quum praestes, remo tamen utor in aura :<br />

Nil noc<strong>et</strong> admisso sub<strong>de</strong>re calcar equo.


PONTIQUES, UV. H, LETT. VI. m<br />

<strong>de</strong> ne pas te tenir d'un pied ferme ! quelle honte d'abandonner<br />

un vaisseau dans <strong>la</strong> détresse! quelle honte <strong>de</strong><br />

suivre <strong>les</strong> chances du sort, <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r à <strong>la</strong> fortune, <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

désavouer un ami quand il n'est plus heureux !<br />

Telle ne fut pas <strong>la</strong> conduite du fils d'Agamemnon <strong>et</strong><br />

du fils <strong>de</strong> Strophios. Telle ne fut pas l'amitié <strong>de</strong> Pirithoûs<br />

<strong>et</strong> du fils d'Egée ; admirés <strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong> passés, ils le seront<br />

encore <strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong> à venir, <strong>et</strong> <strong>les</strong> théâtres r<strong>et</strong>entissent<br />

d'app<strong>la</strong>udissemens à leur honneur. Toi aussi, pour être<br />

resté fidèle à ton ami dans l'adversité, tu mérites d'être<br />

compté parmi ces grands hommes; tu le mérites, <strong>et</strong><br />

puisque ta pieuse amitié est digne d'être célébrée, ma<br />

reconnaissance ne taira pas tes bienfaits. Crois-moi, si<br />

mes vers ne sont pas <strong>de</strong>stinés à l'oubli, ton nom sera<br />

souvent répété dans <strong>la</strong> postérité. Seulement, Grécinus,<br />

ne cesse pas d'être fidèle à ton ami dans sa disgrâce, <strong>et</strong><br />

que le temps ne ralentisse jamais l'ar<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> ton affection.<br />

Je sais que tu fais tout pour moi; mais, quoique<br />

secondé par le vent, je me sers encore <strong>de</strong> <strong>la</strong> rame : il<br />

est bon <strong>de</strong> presser <strong>de</strong> l'aiguillon le cheval <strong>la</strong>ncé à <strong>la</strong><br />

course.


na EX PONTO LU. II, EPIST. VII.<br />

EPISTOLA SEPTIMA.<br />

ATTIC0.<br />

ARGUMENTtJM.<br />

Ut <strong>de</strong> amicorum fi<strong>de</strong> nonniinquam subdubit<strong>et</strong>, in<strong>de</strong> fieri narrai pwta, qnod<br />

coBtinuis vuleer<strong>et</strong>ur fortune ictibus. Atlici coiistantiam soktia sibi dare<br />

adjicit.<br />

ESSE salutatum vult te mea littera prïmum<br />

A maie pa.catis, Attice, missa G<strong>et</strong>is.'<br />

Pfoxima subseqeitur, quid agasf audire ¥oluptas :<br />

Et si, quicquid agas? sit tibï cura mei.<br />

Nec -dubito qiiin sit ; sed me timor ipse malorum<br />

Saepe supervaeuos cogit habere m<strong>et</strong>us.<br />

Da veoiara, quaeso, niinïoque ignosce timori :<br />

Tranquil<strong>la</strong>s <strong>et</strong>iam naufrages horr<strong>et</strong> aquas.<br />

Qui semel est <strong>la</strong>esus fal<strong>la</strong>ci piscis ab bamo,<br />

Omnibus unca cïbis aéra subesse putat.<br />

Saepe canem longe visum fugit agea, lupumque<br />

Crédit, <strong>et</strong> ipsa suam uescia vitat opem.<br />

Membra reformidant mollem quoque saucia tactum :<br />

Vanaque sollicitis incutit umbra m<strong>et</strong>um.<br />

Sic ego fortunae telis confisus iniquis?<br />

Pectore concipio nil nisi triste meo.<br />

JAM mihi fata liqu<strong>et</strong> cœptos servantia cursus<br />

Per sibi cousu<strong>et</strong>as semper itura vias.<br />

Observare Deos, ne quid mihi cedat amice ;<br />

Verbaque fortunae vix puto posse dari.


PONTIQUES, L1V. Il, LETT. VII, n3<br />

LETTRE SEPTIÈME.<br />

A ATTICUS.<br />

ARGUMENT.<br />

S'il doute quelquefois <strong>de</strong> <strong>la</strong> fidélité <strong>de</strong> ses amis, c'est, dit-il, parce qu'il est<br />

accablé sans relâche <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> <strong>la</strong> fortune. Il ajoute qu'il a trouvé <strong>de</strong>s<br />

conso<strong>la</strong>tions dans <strong>la</strong> constance -d'Atticus.<br />

C'EST d'abord pour t offrir mes vœux, Âtticus, que je<br />

t'envoie c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre, du milieu <strong>de</strong>s Gètes, toujours privés<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> paix. Ensuile j'aurai" le plus grand p<strong>la</strong>isir à<br />

apprendre ce que tu fais, -<strong>et</strong> si, quels que soient <strong>les</strong> soins<br />

qui t'occupent, tu as encore quelque souci <strong>de</strong> moi. Je<br />

n'en doute pas; mais <strong>la</strong> peur même du mai m'inspire,<br />

malgré moi, d'inuti<strong>les</strong> inquiétu<strong>de</strong>s. Pardonne, je te prie;<br />

excuse une crainte excessive : le naufragé redoute Fon<strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> plus paisible. Une fois piqué par l'hameçon perfi<strong>de</strong>,<br />

le poisson croit toujours voir le croch<strong>et</strong> d'airain sous<br />

l'aliment qu'il rencontre. Souvent <strong>la</strong> brebis se sauve à<br />

l'aspect du chien , qu'elle prend pour un loup ; <strong>et</strong>, dans<br />

son err<strong>et</strong>ir, elle fuit le soutien <strong>de</strong> sa faib<strong>les</strong>se. Un membre<br />

b<strong>les</strong>sé redoute l'atteinte <strong>la</strong> plus légère; une ombre vaine<br />

fait trembler l'homme inqui<strong>et</strong>. Ainsi, percé <strong>de</strong>s traits<br />

cruels <strong>de</strong> <strong>la</strong> fortune, mon cœur ne conçoit que <strong>de</strong> tristes<br />

pensées.<br />

Maintenant, je n'en doute plus, mes <strong>de</strong>stins, suivant<br />

leur cours, ne sortiront pas <strong>de</strong> leurs voies accoutumées.<br />

Je crois que <strong>les</strong> dieux s'étudient à me traverser en tout,<br />

<strong>et</strong> qu'il m'est impossible <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en défaut <strong>la</strong> fortune;<br />

x. 8


n4 EX PONTO UB. H, EP1ST. VIL (*. ai.) .<br />

Est illi cura me per<strong>de</strong>re, quaeque solebat<br />

Esse levis, coestans <strong>et</strong> bene certa noc<strong>et</strong>.<br />

Cre<strong>de</strong> mihi, si sum veri tibi cognttus oris,<br />

Nec fraus in nostris casibusesse potest;<br />

Cieyphi» seg<strong>et</strong>is eitius numerabis aristas ,<br />

Altaque quam multis floreat Hyb<strong>la</strong> thymis,<br />

Et quot aves motis nitantur in aéra pennis,<br />

Quotque natent pisces aequore, certes eris 9<br />

Quam tibi eostrorum statuatur summa <strong>la</strong>borum,<br />

Quos ego sum terra, quos ego passus aqua.<br />

Nu lia G<strong>et</strong>is tolo gens est truculentior orbe :<br />

Sed tamen hi nostris ingemuere malis.<br />

Qua tibi si memori coner perscrïbere versu,<br />

Ilias est fatis longa futura meis.<br />

NON igitur vereorf quod te rear esse verenduin,<br />

Cujus amor nobis pigeora mille dédit ;<br />

Sed quia res timida est omnis miser, <strong>et</strong> quia loogo<br />

Tempore <strong>la</strong><strong>et</strong>itiae janua c<strong>la</strong>usa mea est.<br />

Jam dolor in morem venit meus : utque caducis<br />

Percussu crebro saxa cavantur aquis;<br />

Sic ego continue fortunée vuloeror ictu ;<br />

Vixque bab<strong>et</strong> in nobis jam nova p<strong>la</strong>ga locum.<br />

Nec magis adsiduo vomer tenuatur ab usu;<br />

Nec magis est curvis Appia trita rôtis,<br />

Pectora quam mea sunt série caecata <strong>la</strong>borum :<br />

Et nihil inveni f quod mihi ferr<strong>et</strong> opem.<br />

Artibus ingenuis quaesita est gloria multis :<br />

Infelix perii dotibus ipse meis.<br />

Vita prior vitio car<strong>et</strong>, <strong>et</strong> sine <strong>la</strong>be peracta :<br />

Auxilii misero nil tulit il<strong>la</strong> 'mihi.


PONTIQUES, LIV. Il, LETT. VIL n5<br />

elle s'applique à me perdre : si vo<strong>la</strong>ge d'ordinaire, elle<br />

me nuit avec une constance ioébran<strong>la</strong>ble. Crois-moi, tu<br />

sais combien je suis sincèref <strong>et</strong> tels sont mes malheurs!<br />

qu'il me serait impossible <strong>de</strong> <strong>les</strong> exagérer : il serait moins<br />

long <strong>de</strong> compter <strong>les</strong> épis <strong>de</strong>s moissons <strong>de</strong> Cinyphie, <strong>et</strong><br />

<strong>les</strong> fleurs dont le thym couvre <strong>les</strong> hauteurs <strong>de</strong> l'Hyb<strong>la</strong>; il<br />

te serait plus facile <strong>de</strong> dire combien d'oiseaux s'élèvent<br />

dans <strong>les</strong> airs <strong>sur</strong> leurs ai<strong>les</strong> rapi<strong>de</strong>s, <strong>et</strong> combien <strong>de</strong><br />

poissons nagent dans l'Océan , que <strong>de</strong> calculer <strong>toutes</strong> <strong>les</strong><br />

souffrances que j'ai endurées <strong>sur</strong> <strong>la</strong> terre <strong>et</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> mers.<br />

11 n'est pas dans l'univers un peuple plus féroce que <strong>les</strong><br />

Gètes, <strong>et</strong> pourtant <strong>les</strong> Gètes ont gémi <strong>sur</strong> mes malheurs.<br />

Si ma mémoire cherchait à te <strong>les</strong> r<strong>et</strong>racer dans mes vers,<br />

le récit <strong>de</strong> mes infortunes formerait une longue Ilia<strong>de</strong>.<br />

Si donc j'ai <strong>de</strong>s craintes, ce n'est pas que je te redoute<br />

, toi qui m'as donné mille preuves <strong>de</strong> ton amitié;<br />

mais c'est que le malheur rend timi<strong>de</strong>, c'est que, <strong>de</strong>puis<br />

long -temps, ma porte ne s'est pas ouverte à <strong>la</strong><br />

joie. Je me suis fait une habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> souffrir. De même<br />

que l'eau creuse le rocher, qu'elle frappe sans cesse dans<br />

sa chute, <strong>de</strong> même <strong>la</strong> fortune me déchire sans relâche<br />

<strong>de</strong> ses coups; elle ne trouve plus <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce pour <strong>de</strong> nou- •<br />

vei<strong>les</strong> b<strong>les</strong><strong>sur</strong>es. Le soc <strong>de</strong> <strong>la</strong> charrue est moins usé par<br />

un frottement continu ; <strong>la</strong> voie Appienne est moins broyée<br />

sous <strong>la</strong> roue rapi<strong>de</strong>, que mon cœur n'est abattu par une<br />

.longue suite <strong>de</strong> douleurs ; <strong>et</strong> je n'ai rien trouvé qui pût<br />

me sou<strong>la</strong>ger. Plusieurs ont cherché <strong>la</strong> gloire dans <strong>la</strong><br />

culture <strong>de</strong>s arts; moi, malheureux, j'ai trouvé ma perte<br />

dans mon propre talent. Jusqu'alors ma vie a été pure,<br />

elle s'est écoulée sans tache, <strong>et</strong> ce<strong>la</strong> ne m'a été d'aucun<br />

secours dans l'infortune. Souvent une faute grave est<br />

8.


i'i6 EX PONTO LIB. II, EPIST. VIH (•. 5i.)<br />

Culpa gravis precibus donatur saepe suorum :<br />

Omois pro nobis gratïa muta fuit.<br />

Adjuvat in duris alios praesentia rébus :<br />

Obruit hoc absens vasta procel<strong>la</strong> capot.<br />

Quis oon horruerit tacitam quoque Caesaris iram ?<br />

Addita sunt pœnis aspera verba meis.<br />

Fit fuga temporibus levior : projectus in aequor<br />

Arcturum subii Pleiadumque minas.<br />

Saepe soient liiemem p<strong>la</strong>cidam sentire carinae :<br />

Non Ithacœ puppi saevior unda fuit*<br />

Recta fi<strong>de</strong>s comitum poterat ma<strong>la</strong> nostra levare :<br />

Ditata est spoliis perfida ttirba meis.<br />

Mitius exsilium faciunt loca : trislior ista<br />

Terra sub ambobus non jac<strong>et</strong> ul<strong>la</strong> polis.<br />

Est aliquid patriis vicinum finibus esse :<br />

Ultîma me tellus, ultimus orbis hab<strong>et</strong>.<br />

Praestat <strong>et</strong> exsulibus pacem tua <strong>la</strong>urea, Caesar :<br />

Pontica finilimo terra sub hoste jac<strong>et</strong>.<br />

Tempus in agrorum cultu consumere dulce est :<br />

Non patitur verti barbarus hostis humum.<br />

Temperie cœli corpusque animusque juvantur :<br />

Frigore perp<strong>et</strong>uo Sarmatis ora ri gel.<br />

Est in aqua dulci oon invidiosa voluptas :<br />

jEquoreo bibitur cum sale mista palus.<br />

Omnia <strong>de</strong>ficiunt; animus tamen omnia vincit :<br />

Ille <strong>et</strong>iam vires corpus habere facit.<br />

.Sustineas ut onus, nitendum vertice pleno est ;<br />

At flecti nervos si patiare, cad<strong>et</strong>.<br />

SPES quoque, posse mora mitescere principis iram,<br />

Vivere ne nolim <strong>de</strong>ficiamque, cav<strong>et</strong>.


PONTÏQUES, LIV. II, LETT. VIL 117<br />

pardonnée à <strong>la</strong> prière d'un ami; pour moi l'amitié fut<br />

sans voix. C'est pour d'autres un sou<strong>la</strong>gement d'être<br />

présens à leurs malheurs : <strong>et</strong> moi j'étais absent, quand<br />

a éc<strong>la</strong>té Forage qui a écrasé c<strong>et</strong>te tête. Qui ne redouterait<br />

<strong>la</strong> colère <strong>de</strong> César, même quand elle se tait? <strong>de</strong>s paro<strong>les</strong><br />

terrib<strong>les</strong> ont ajouté à mes tourmens. Une saison<br />

propice rend moins pénible le chemin <strong>de</strong> l'exil; <strong>et</strong> moi,<br />

je fus j<strong>et</strong>é <strong>sur</strong> une mer orageuse, sous l'influence <strong>de</strong><br />

PArcture <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Pléia<strong>de</strong>s menaçantes. Souvent un temps<br />

calme favorise le navigateur ; jamais Pon<strong>de</strong> ne fut plus<br />

cruelle à <strong>la</strong> poupe d'Ithaque. La fidélité <strong>de</strong> mes compagnons<br />

pouvait adoucir mon malheur; une troupe perfi<strong>de</strong><br />

s'est enrichie <strong>de</strong> mes dépouil<strong>les</strong>. Le séjour adoucit<br />

<strong>les</strong> rigueurs <strong>de</strong> l'exil; sous <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux pô<strong>les</strong> il n'est pas une<br />

contrée plus triste que celle que j'habite. C'est quelque<br />

chose d'être près <strong>de</strong>s frontières <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie ; je suis <strong>sur</strong><br />

une terre reculée au bout <strong>de</strong> l'univers. Tes <strong>la</strong>uriers,<br />

César, as<strong>sur</strong>ent <strong>la</strong> paix aux exilés; le Pont est exposé<br />

aux attaques d'un ennemi voisin. Il est doux d'employer<br />

le temps à <strong>la</strong> culture <strong>de</strong>s champs ; un cruel ennemi ne<br />

perm<strong>et</strong> pas <strong>de</strong> <strong>la</strong>bourer c<strong>et</strong>te terre. Un doux climat sou<strong>la</strong>ge<br />

<strong>et</strong> le corps <strong>et</strong> l'esprit; un froid éternel g<strong>la</strong>ce <strong>les</strong><br />

bords <strong>de</strong> <strong>la</strong> Sarmatie. C'est un p<strong>la</strong>isir innocent que <strong>de</strong><br />

boire une eau douce ; ici Peau est marécageuse <strong>et</strong> mêlée<br />

à Pon<strong>de</strong> salée <strong>de</strong>s mers. Tout me manque à <strong>la</strong> fois;<br />

cependant mon cœur est supérieur à tout, <strong>et</strong> même il<br />

donne <strong>de</strong>s forces à mon corps. Pour soutenir un far<strong>de</strong>au<br />

, il faut se raidir <strong>de</strong> tous ses efforts ; pour peu qu'on<br />

fléchisse, il tombera.<br />

C'est aussi l'espérance d'apaiser <strong>la</strong> colère du prince<br />

qui m'empêche <strong>de</strong> désirer <strong>la</strong> mort <strong>et</strong> <strong>de</strong> succomber dans


ii» EX PONTO LIB. II, EP1ST. VIL (v. 81.)<br />

Nec YOS par va datis pauci so<strong>la</strong>tia eobls,<br />

Qoorum spectata est per ma<strong>la</strong> eostra fi<strong>de</strong>s.<br />

Cœpta teoe, quaeso ; nec ïu sequore <strong>de</strong>sere eavem :<br />

Meque simul serva? judiciumque tuum.


PONTÏQUES, UV. II, LETT. ¥11. 119<br />

Fabattement. El<strong>les</strong> ont également leur prix, <strong>les</strong> conso<strong>la</strong>tions<br />

que vous me donnez, amis, peu nombreux, dont<br />

mes malheurs ont éprouvé <strong>la</strong> fidélité. Continue, je t'en<br />

prie, Atticus, n'abandonne pas mon vaisseau <strong>sur</strong> <strong>les</strong><br />

flots. Conserve ton ami, <strong>et</strong>, en même temps, ton estime<br />

pour lui.


iao EX PONTO LIB. II, EPIST. VIII.<br />

EPISTOLA OCTAVA.<br />

MAX1MO COTTJE,<br />

ARGUMENTUM.<br />

Acceptis a Cottâ Augusti, Tiberii <strong>et</strong> Li?iœ imaginibus $ tanqnam praese<strong>et</strong>ibus<br />

Diîs» fit supplex, casque commodioris exsiîii spem sibi facere fingit.<br />

REDDITUS est nobis Caesar eu m- Caesare nuper,<br />

Quos. mihi misisti, Maxime Cotta, Deos :<br />

Utque suum mueus numerumf quem déb<strong>et</strong>, haber<strong>et</strong>,<br />

Est ibi Caesaribus Livia juecta suis.<br />

Argentum. felix, omoïque beatïus auro?<br />

Quod? fuerit pr<strong>et</strong>ïum quum ru<strong>de</strong>, numen erit.<br />

Non mïhi divitias dando majora dédisses,<br />

Cœlïtibus missis nostra sub ora tribus.<br />

EST aliquid spectare Deos, <strong>et</strong> a<strong>de</strong>sse putare,<br />

Et quasi cum v.ero eumine posse loqui.<br />

Praemïa quanta, Dei ! nec me ten<strong>et</strong> ultima tellus :<br />

Utque' prias, média sôspes in urbe moror.<br />

Caesareos vi<strong>de</strong>o, vultus, velut ante vi<strong>de</strong>bam :<br />

Vix hujus voti spes fuit ul<strong>la</strong> mihi.<br />

Utque salutabam ,. numen. cœ<strong>les</strong>te saluto :<br />

Quod reduci tribuas, nil, puto? majus habes.<br />

Quid nostris oculis, nisi so<strong>la</strong> pa<strong>la</strong>tia désu<strong>et</strong> ?<br />

Qui locus, ab<strong>la</strong>to Caesare, vilis erit.<br />

Hune ego quum. spectem, vi<strong>de</strong>or mihi cereere Romam :<br />

Bam patriae faciem sustie<strong>et</strong> ille suae.


PONTIQUES, LIV. II, LETT. VHI. <strong>la</strong>i<br />

LETTRE HUITIÈME,<br />

A MAXIMUS COTTA.<br />

ARGUMENT.<br />

Il a reçu <strong>de</strong> Cotta <strong>les</strong> portraits d'Auguste, <strong>de</strong> Tibère <strong>et</strong> <strong>de</strong> Livie. Il leur adresse<br />

ses prières comme à <strong>de</strong>s divinités réellement présentes ; il feint d'en espérer<br />

un exil moins pénible.<br />

LES <strong>de</strong>ux Césars viennent <strong>de</strong> m'être <strong>rendus</strong>; c'est toi,<br />

Cotta, qui m'as envoyé ces dieux, <strong>et</strong> pour qu'il ne manquât<br />

rien à ton présent, aux Césars tu as joint Livie.<br />

Heureux argent ! plus heureux que For le plus pur ! Naguère<br />

métal informe, maintenant il est dieu. En me<br />

donnant <strong>de</strong>s trésors, tu m'aurais moins donné qu'en<br />

m'envoyant ces trois divinités.<br />

C'est quelque chose <strong>de</strong> voir <strong>les</strong> dieux, <strong>de</strong> se croire<br />

près d'eux, <strong>et</strong> <strong>de</strong> pouvoir converser avec une divinité,<br />

comme si elle était réellement présente. Quel don magnifique,<br />

<strong>de</strong>s dieux ! Non, je ne suis plus au bout du inon<strong>de</strong> ;<br />

comme jadis, me voilà heureux au milieu <strong>de</strong> Rome. Je<br />

vois <strong>les</strong> traits <strong>de</strong>s Césars, comme je <strong>les</strong> voyais autrefois.<br />

J'osais à peine espérer l'accomplissement d'un tel vœu»<br />

Comme auparavant, je salue c<strong>et</strong>te divinité cé<strong>les</strong>te. Non<br />

sans doute, tu n'as rien <strong>de</strong> plus précieux à m'ofFrir à<br />

mon r<strong>et</strong>our. Que manque-t-il à mes regards, si ce n'est<br />

le pa<strong>la</strong>is <strong>de</strong> César? <strong>et</strong>, sans César, que serait son pa<strong>la</strong>is?<br />

En le voyant, il me semble que je vois Rome; car il<br />

porte dans ses traits l'image <strong>de</strong> sa patrie.


12% EX PONTO LIB. II, EPIST. Vin. (y. «0<br />

FALLOR ? an irati mihi*sunt in imagine vultus,<br />

Torvaque nescio quid forma minantis hab<strong>et</strong> ?<br />

Parce, vir immenso major virtutibus orbe,<br />

Justaque vindicte supprime lora tuae.<br />

Parce, precor, saecli <strong>de</strong>cus indélébile eostri ;<br />

Terrarum dominum quem sua cura facit.<br />

Per patriae nomen , quae te tibi carior ipso est,<br />

Per nunquam <strong>sur</strong>dos in tua vota Deos ;<br />

Perque tori sociam, quae par tibi so<strong>la</strong> reperta est.<br />

Et cui majestas non onerosa tua est;<br />

Perque tibi similem yirtutis imagine natum,<br />

Moribus agnosci qui tuus esse potest ;<br />

Perque tuos vel avo, vel dignos pâtre nepotes,<br />

Qui veniunt magno per tua vota gradu ;<br />

Parte levés minima nostras <strong>et</strong> contrahe pœnas ;<br />

Daque, procul Scythico qui sit ab lioste, locum.<br />

ET tua, si fas est, a Caesare proxime Caesar,<br />

Numina sïiit precibus non inimica meis.<br />

Sic fera quamprimum pavido Germania-vultu<br />

Ante triumpliantes serva feratur equos.<br />

Sic pater in Pylios, Cumaeos mater in annos<br />

Vivant ; <strong>et</strong> possis] filius esse diu.<br />

Tu quoqué, conveniens ingenti nupta marito,<br />

Accipe non dura supplicis aure preces.<br />

Sic tibi vir sospes, sic sint cum proie nepotes,<br />

Cumque bonis nuribus, quas peperere, nurus :<br />

Sic, quem dira tibi rapuit Germania, Drusus<br />

Pars fuerit partus so<strong>la</strong> caduca tui :<br />

Sic tibi Marte suo, fraterni funeris ultor,<br />

Purpureus niveis filius inst<strong>et</strong> equis.


PONTIQUES, L1V. II, LETX VIII. ia3<br />

Est-ce une erreur? ou dans ce portrait ses regards ne'<br />

sont-ils pas irrités contre moi? n'y a-t-il pas dans ses<br />

traits courroucés quelque chose <strong>de</strong> memçant ? Pardonne,<br />

héros, que <strong>les</strong> vertus ren<strong>de</strong>nt plus gnnd que le mon<strong>de</strong><br />

entier, suspends <strong>les</strong> coups <strong>de</strong> ta jusb vengeance. Pardonne,<br />

je t'en conjure, immortel honneur <strong>de</strong> notre siècle,<br />

toi que Ton reconnaît, à ta sollicitu<strong>de</strong> pour le maître du<br />

mon<strong>de</strong>; par le nom <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie, qui test plus chère que<br />

toi-même; par <strong>les</strong> dieux, qui n'ont janais été sourds à tes<br />

vœux; par <strong>la</strong> compagne <strong>de</strong> ta couche1 qui seule fut trouvée<br />

digne <strong>de</strong> toi, qui seule peut sujporter l'éc<strong>la</strong>t <strong>de</strong> ta<br />

majesté; par un fils dont <strong>les</strong> vertus r<strong>et</strong>racent ton image,<br />

<strong>et</strong> qui, par ses qualités, prouve qu'il sort <strong>de</strong> toi; partes<br />

p<strong>et</strong>its-fils, si dignes <strong>de</strong> leur aïeul <strong>et</strong> ce leur père, <strong>et</strong> qui<br />

s'avancent à grands pas dans <strong>la</strong> rouie où tes vœux <strong>les</strong><br />

appellent, daigne apporter quelque sou<strong>la</strong>gement à nia<br />

peine, <strong>et</strong> m'accor<strong>de</strong>r un séjour loin eu Scythe ennemi.<br />

Et toi, le premier après César, eue ta divinité, s'il<br />

se peut, ne soit pas contraire à mes prières ; <strong>et</strong> puisse<br />

bientôt <strong>la</strong> Germanie tremb<strong>la</strong>nte être portée captive <strong>de</strong>vant<br />

ton char <strong>de</strong> triomphe ! Puisse ton père vivre aussi<br />

long-temps que le vieil<strong>la</strong>rd <strong>de</strong> Pylos, <strong>et</strong> ta mère, que<br />

<strong>la</strong> prêtresse <strong>de</strong> Cumes ! puisses-tu long-temps être fils !<br />

Toi aussi, digne compagne d'un auguste époux, écoute<br />

d'une oreille bienveil<strong>la</strong>nte <strong>les</strong> vœux d'un suppliant, <strong>et</strong><br />

que <strong>les</strong> dieux conservent ton époux! qu'ils conservent<br />

ton fils <strong>et</strong> tes p<strong>et</strong>its-fils, tes vertueuses bel<strong>les</strong>-fil<strong>les</strong> avec<br />

<strong>les</strong> fil<strong>les</strong> qui leur doivent le jour! Que <strong>de</strong> tous tes enfans,<br />

celui que t'a ravi <strong>la</strong> cruelle Germanie, Drusus,<br />

soit seul <strong>la</strong> victime <strong>de</strong>s coups du sort! que ton fils, vengeant<br />

par sa valeur <strong>la</strong> mort d'un frère, soit traîné, vêtu<br />

<strong>de</strong> pourpre , par <strong>de</strong>s coursiers plus b<strong>la</strong>ncs que <strong>la</strong> neige!


iH EX P«MTO LIB. H, EPISTVVIII. (r. 5i.)<br />

Aclnuite o timidi.% mitissima numina, votis!<br />

Praesentes aliqtid prosit habere Deos !<br />

Caesaris adveotu :uta g<strong>la</strong>diator areoa<br />

Exit ; <strong>et</strong> auxiliim non levé vultus hab<strong>et</strong>. '<br />

Nos quoque vestn juv<strong>et</strong> quodf qua lic<strong>et</strong>, ora vi<strong>de</strong>mus;<br />

Intrata est Supjris quod domus una tribus.<br />

Feliees illi, qui ma simu<strong>la</strong>cra, sed ipsos,<br />

Quique Deum oram corpora vera vi<strong>de</strong>nt.<br />

Quod quonïam nolis invidit inutile fatum,<br />

Quos dédit ars ^otis, effigiemque colo.<br />

Sic homines'.noveri Deosf quos arduus a<strong>et</strong>her<br />

Occulit : <strong>et</strong> coliîur pro Jove forma Jovis.<br />

DENIQUE, quae mecum*est, <strong>et</strong> erit sine fine, cav<strong>et</strong>e,<br />

Ne sit in inviso vestra figura loco.<br />

Nam caput e nost;a citius cervice reced<strong>et</strong>,<br />

Et patiar fossis lumen abire genis,<br />

Quam caream raptis, o publica numina, vobis;<br />

Vos eritis nostrae portus <strong>et</strong> ara fugae.'<br />

Vos ego complectar, G<strong>et</strong>icis si cingar ab armis ;<br />

Vosque meas aqui<strong>la</strong>s, vos mea signa sequar.<br />

AUT ego me fallo, riïmiaque cupidine ludor;<br />

Aut spes exsilii commodioris a<strong>de</strong>st.<br />

Nam minus <strong>et</strong> minus est faciès in imagine tristis;<br />

Visaque sunt dictis adnuere ora meis.<br />

Vera, precor, fiant timidae praesagia mentis;<br />

Justaque quamvis est, sit minor ira Dei.


PONTIQUES, UV. Iï, LETT.Vm. xa5<br />

Divinités clémentes, exaucez ma tim<strong>de</strong> prière; qu'il<br />

ee me soit pas inutile d'avoir <strong>de</strong>s dieux près <strong>de</strong> moi! A<br />

l'arrivée <strong>de</strong> César, le g<strong>la</strong>diateur quitte "arène, libre <strong>de</strong><br />

toute crainte, <strong>et</strong> l'aspect du prince est pojr lui d'un puissant<br />

secours : <strong>et</strong> moi, qu'il me serve ausii <strong>de</strong> contempler<br />

vos traits autant que ce<strong>la</strong> m'est permii, <strong>et</strong> <strong>de</strong> recevoir<br />

trois dieux dans ma seule <strong>de</strong>meure ! ïeureux ceux qui<br />

voient, non leurs images, mais <strong>les</strong> dieix eux-mêmes <strong>et</strong><br />

leurs personnes divines réellement préientes! Puisqu'un<br />

<strong>de</strong>stin cruel m'envie ce bonheur, je mère ces portraits<br />

que l'art a donnés à mes vœux. C'est ainsi que <strong>les</strong> hommes<br />

connaissent <strong>les</strong> divinités, que <strong>les</strong> batteurs du ciel cachent<br />

à leurs regards ; c'est ainsi qu'ilsadorent <strong>la</strong> figure<br />

<strong>de</strong> Jupiter, au lieu <strong>de</strong> Jupiter lui-même<br />

Enfin votre image est avec moi, elley sera toujours;<br />

ne souffrez pas qu'elle reste dans un sijour odieux. Ma<br />

tête sera détachée <strong>de</strong> mon corps, ra6 yeux arrachés<br />

tomberont <strong>de</strong> leur orbite, avant que vius me soyez ravis,<br />

dieux que <strong>la</strong> terre adore : vous sere le port, l'autel<br />

<strong>de</strong> l'exilé. Je vous embrasserai, si <strong>les</strong> Gîtes me pressent<br />

<strong>de</strong> leurs armes ; vous serez mes aig<strong>les</strong>, ls étendards que<br />

je suivrai.<br />

Ou je me trompe, abusé par l'ar<strong>de</strong>ui<strong>de</strong> mes vœux,<br />

ou je puis espérer un plus doux exil; :ar, dans c<strong>et</strong>te<br />

image, leurs traits s'adoucissent <strong>de</strong> plus ei plus, je crois<br />

<strong>les</strong> voir consentir à ma <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Qu'ils ;e vérifient, je<br />

vous en conjure, ces timi<strong>de</strong>s presse<strong>et</strong>im<strong>et</strong>s ! que <strong>la</strong> colère<br />

d'un dieu, quoique bien méritée, sapaise en ma<br />

faveur !


u6 EXPONTO LIB. II, EPIST. IX. (•. 17.)<br />

SPISTOLA NONA.<br />

COTYI REGI.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Cotyis Tbraciœ régis aoûlinm implorât, eumqiie <strong>et</strong> ©riginis Eobiîitate conspicoum,<br />

<strong>et</strong> studiorum poeseos praeserîim, dulcedine captum rogat, ut sibi<br />

exsuli in vicinia tutc <strong>de</strong>gere liceat<br />

REGIA progenies, cui nobilitatis origo<br />

Nomen in Eunolpi pervenit usque, Coty ;<br />

Fama loquax v<strong>et</strong>ras si jam pervenit ad aures,<br />

Me tibi finïtinï parte jacere soli ;<br />

Supplicis exaud, juveninii mitissime, vocem :<br />

Quamque paes profogo, nam potes, adfer opem.<br />

Me fortuoa tibi <strong>de</strong> qua ne conquerar, hoe est,<br />

Tradidil ; ha uno non inimica mihi.<br />

Excipe oaufrafium non duro litore nostrum,<br />

Ne fuerit terra tutior unda tua.<br />

REGIA , cre<strong>de</strong>mihi, res est subcurrere <strong>la</strong>psis :<br />

Conveuit e tanto, quantus es ipse, viro.<br />

Fortunam <strong>de</strong>ct hoc istam : quae maxima quum sit,<br />

Esse potes animo vix tamen aequa tuo.<br />

Conspicitur iiraquam meliore potentia causa,<br />

Quam qucties vanas non sinit esse preces.


ii*«iiiiyii»ai)ifli#i^^<br />

POETIQUES, LIV. II, LETT. IX. 127<br />

LETTRE NEUVIÈME.<br />

AU AOI COTYS.<br />

ARGUMENT,<br />

Il implore le secours <strong>de</strong> Cotys, roi <strong>de</strong> Thrace. C'est à un priace distingué<br />

par sa noble origine <strong>et</strong> par son amour pour <strong>les</strong> beaux-arts, <strong>sur</strong>tout pour <strong>la</strong><br />

poésie, qu'il adresse sa prière. Exilé <strong>sur</strong> une terre Yoisine <strong>de</strong> son empire,<br />

il lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> protection <strong>et</strong> sûr<strong>et</strong>é.<br />

DESCENDANT <strong>de</strong>s rois, Cotys doot <strong>la</strong> noble origine remonte<br />

jusqu'à l'illustre Eumolpus, si déjà <strong>la</strong> voix <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

renommée t'a instruit <strong>de</strong> mon exil, si tu sais que je <strong>la</strong>nguis<br />

<strong>sur</strong> une terre voisine <strong>de</strong> ton empire, écoute, ô le<br />

meilleur <strong>de</strong>s princes, <strong>la</strong> voix qui t'implore, <strong>et</strong>, puisque<br />

tu le peux, sois l'appui d'un exilé. La fortune, <strong>et</strong> je ne<br />

m'en p<strong>la</strong>ins pas, m'a livré entre tes mains : en ce<strong>la</strong> du<br />

moins elle ne s'est pas montrée mon ennemie. Reçois avec<br />

bienveil<strong>la</strong>nce <strong>sur</strong> tes bords <strong>les</strong> débris <strong>de</strong> mon naufrage;<br />

que <strong>la</strong> terre où tu règnes ne me soit pas plus cruelle que<br />

<strong>les</strong> flots.<br />

Crois-moi, il est digne d'un roi <strong>de</strong> sou<strong>la</strong>ger le malheur;<br />

ce<strong>la</strong> convient au rang élevé que tu occupes, ce<strong>la</strong><br />

sied à ta fortune, qui, toute gran<strong>de</strong> qu'elle est, peut<br />

à peine égaler ton grand cœur. Jamais <strong>la</strong> puissance<br />

n'est admirée à plus juste titre que lorsqu'elle se <strong>la</strong>isse<br />

émouvoir par <strong>la</strong> prière. C'est là ce qu'exige l'éc<strong>la</strong>t <strong>de</strong><br />

ta naissance; c'est l'apanage d'une nob<strong>les</strong>se issue <strong>de</strong>s


ïa8 EX PONTO LIB. II, I?IST. IX. (v. 17.)<br />

Hoc nitor Ole tui generis <strong>de</strong>si<strong>de</strong>rat : hoc est<br />

A Superïs ortae nobilitatis opus.<br />

Hoc tibi <strong>et</strong> Eumolpus, geeeris c<strong>la</strong>rissimus auctor,<br />

Et prior. Eumolpo suad<strong>et</strong> Erichthonius.<br />

Hoc tecum commuée Deo : quod uterque rogati<br />

Supplicibus vestris ferre sol<strong>et</strong>is opem.<br />

' Numquid erit,'quare solito dignemur honore<br />

Num*na? si <strong>de</strong>mas velle juvare-Deos?<br />

Juppïter oraoti <strong>sur</strong>das si praebeat aures ,<br />

Victima pro templo cur cadat icta Jovîs ?<br />

Si pacem nul<strong>la</strong>m Pontus mihi praest<strong>et</strong> eunti,<br />

Irrita Neptuno cur ego tura feram ?<br />

Vana <strong>la</strong>borantïs si fal<strong>la</strong>t vota coloni,<br />

Accipiat gravidae cur suis ex ta Ceres ?<br />

Nec dabit intonso jugulum caper hostia Baccho,<br />

Musta sub adducto si pe<strong>de</strong> nul<strong>la</strong> fluant.<br />

Caesar ut imperii mo<strong>de</strong>r<strong>et</strong>ur frena, precamur,<br />

Tam beee quo patriae consulit ille suae.<br />

Utilitas igitur magnos horainesque Deosque<br />

Efficit, auxiliïs quoque fa vente suis.<br />

Tu quoque fac prosis iotra tuâ castra jaceoti ,<br />

O Coty, progenies digna parente tuo.<br />

Conveniens homioi est, hominem servare, voluptas;<br />

Et melius nul<strong>la</strong> quaeritur arte favor.<br />

Quis non Antiptiaten Lsestrygona <strong>de</strong>vov<strong>et</strong>? aut quis<br />

Muoifici mores improbat Alcinoi?<br />

Non tibi Cassandreus pater est, gentisve Pliera» ? "<br />

Quive repertorem torruit arte sua :


POETIQUES, LIV. II, LETT. IX. _ 129<br />

dieux; c'est l'exemple que t'offre Eumolpus, l'illustre<br />

auteur <strong>de</strong> ta race <strong>et</strong> le'bisaïeul d'Eumolpus, Erichthonius.<br />

C'est un privilège que tu partages avec <strong>les</strong> dieux :<br />

on t'adresse <strong>de</strong>s prières comme à eux, <strong>et</strong>, comme eux,<br />

tu sou<strong>la</strong>ges <strong>les</strong> supplians. Pour quel motif croirions-nous<br />

<strong>de</strong>voir aux puissances du ciel <strong>les</strong> honneurs que nous leur<br />

rendons, si Ton ôte*à <strong>la</strong> divinité <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> nous secourir?<br />

Si Jupiter est sourd à <strong>la</strong> voix qui l'implore,<br />

pourquoi <strong>la</strong> victime tomberait-elle âoos le couteau <strong>de</strong>vant<br />

l'autel <strong>de</strong> Jupiter? Si <strong>la</strong> mer n'accor<strong>de</strong> pas, un instant<br />

<strong>de</strong> calme à mon vaisseau, pourquoi offrirais-je à<br />

Neptune un inutile encens ? Si Cérès trompe <strong>les</strong> vœux<br />

du <strong>la</strong>boureur infatigable, pourquoi recevrait-elle <strong>les</strong> entrail<strong>les</strong><br />

d'une truie près <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre bas ? Jamais un bélier<br />

ne sera égorgé <strong>sur</strong> l'autel <strong>de</strong> Bacchus, si le vin ne jaillit<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> grappe sous le pied qui l'écrase. Nous faisons <strong>de</strong>s<br />

vœux pour que César tienne long-temps <strong>les</strong> rênes <strong>de</strong><br />

l'empire7 parce qu'il veille avec soin aux intérêts <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

patrie. C'est donc aux services qu'ils nous ren<strong>de</strong>nt que<br />

<strong>les</strong> hommes <strong>et</strong> <strong>les</strong> dieux doivent' leur gran<strong>de</strong>ur, car nous<br />

exaltons toujours ceux qui nous protègent.<br />

Toi aussi, Cotys, digne fils d'un père illustre, oblige<br />

UD malheureux relégué <strong>sur</strong> <strong>la</strong> terre où tu comman<strong>de</strong>s.<br />

Le p<strong>la</strong>isir le plus digne <strong>de</strong> l'homme, c'est <strong>de</strong> sauver un<br />

homme; il n'est pas <strong>de</strong> moyen plus sûr pour gagner <strong>les</strong><br />

cœurs. Qui ne maudit Antiphates le Lestrigon? <strong>et</strong> qui<br />

ne loue <strong>la</strong> générosité d'Alcinoùs? Ce n'est pas au tyran<br />

<strong>de</strong> Cassandrie que tu dois le jour, ni à celui <strong>de</strong> Phérée»<br />

ni à celui qui se servit d'une machine cruelle pour en<br />

brûler l'inventeur. Mais, terrible à <strong>la</strong> guerre, invincible<br />

x. 9


i3o EX PONTO LIB. II, EPIST. IX. (•.45.)<br />

Sed quam Marte ferox, <strong>et</strong> YÏnci nescïus armis,<br />

ïam nunquam facta pace creoris amans.<br />

ADDE, quod ingenuas didicisse fi<strong>de</strong>liter artesf<br />

Emollit mores, nec sinit esse feros.<br />

Nec regum quisquam magis est instructus ab illis,<br />

Mitibus aut studiis tempora plura dédit<br />

Carmiiia testantur; quaef si tua nomina <strong>de</strong>mas,<br />

Threicium juvenem composuisse oegem.<br />

Neve sub hoc tractu vates for<strong>et</strong> unicus Orpheus,<br />

Bistonis ingenio terra superba tuo est.<br />

Utque tibi est animus, quum res ita postu<strong>la</strong>t, arma<br />

Sumere, <strong>et</strong> hostili tingere ca<strong>de</strong> manum ;<br />

Atque, ut es, excusso jaculum torquere <strong>la</strong>certo,<br />

Col<strong>la</strong>que velocis flectere doctus equi ;<br />

Tempora sic data sunt studiis ubi justa paierais,<br />

Utque suis humeris forte quievit opus ;<br />

Ne tua marceâcant per inertes olia somnos,<br />

Lucida Pier<strong>la</strong> tendis in astra via.<br />

Haec quoque res aliquid tecum mihi fœ<strong>de</strong>ris adfert :<br />

Ejus<strong>de</strong>m sacri cultor uterque sumus.<br />

Ad vatein vates orantia brachia tendo,<br />

Terra sit exsiliis ut tua fida meis.<br />

NON ego cae<strong>de</strong> nocens in Pontica litora veni;<br />

Mistave sunt nostra dira venena manu :<br />

Nec mea subjecta convicta est gemma tabel<strong>la</strong><br />

Mendacem linis imposuisse notam.<br />

Nec quidquam, quod lege v<strong>et</strong>er committere? feci :<br />

Et tamen bis gravior noxa fatenda mihi est.


PONTIQUES, LIV. II, LETT. IX. I3I<br />

dans <strong>les</strong> combats, le sang te répugne, quand <strong>la</strong> paix est<br />

conclue.<br />

Te dirai-je encore que l'étu<strong>de</strong> assidue <strong>de</strong>s beaux-arts<br />

adoucit <strong>les</strong> mœurs <strong>et</strong> en corrige <strong>la</strong> ru<strong>de</strong>sse. Or, <strong>de</strong> tous<br />

<strong>les</strong> rois aucun n'a plus que toi cultivé ces douces étu<strong>de</strong>s,<br />

aucun n'y a consacré plus d'instans ; tes vers le prouvent<br />

: ôte ton nom, <strong>et</strong> je jurerais qu'ils ne sont pas l'ouvrage<br />

d'un Thrace. Non, Orphée n'est plus le seul poète<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te contrée, <strong>et</strong> <strong>la</strong> terre <strong>de</strong> Bistonie s'enorgueillit<br />

aussi <strong>de</strong> ton génie. De même que ton courage t'invite à<br />

prendre <strong>les</strong> armes, quand il en est besoin, <strong>et</strong> à tremper<br />

tes mains dans le sang ennemi ; <strong>de</strong> même que tu sais<br />

<strong>la</strong>ocer un javelot d'un bras vigoureux, <strong>et</strong> manier habilement<br />

un rapi<strong>de</strong> coursier; <strong>de</strong> même, quand tu as donné<br />

le temps nécessaire à ces exercices <strong>de</strong> tes pères, <strong>et</strong> qu'un<br />

pénible far<strong>de</strong>au <strong>la</strong>isse un peu <strong>de</strong> repos aux épau<strong>les</strong> qui<br />

le soutiennent, tu ne veux pas que tes loisirs se consument<br />

dans un sommeil engourdi, <strong>et</strong> par le culte <strong>de</strong>s<br />

Piéri<strong>de</strong>s tu te fraies une route vers <strong>les</strong> astres bril<strong>la</strong>ns.<br />

C'est un lien <strong>de</strong> plus qui m'unit à toi ; l'un <strong>et</strong> l'autre<br />

nous sommes initiés aux mêmes mystères. Poète, je tends<br />

à un poète mes mains suppliantes ; je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>sur</strong> tes<br />

bords protectioo pour mon exil.<br />

Je ne suis pas venu <strong>sur</strong> <strong>les</strong> rivages du Pont, après avoir<br />

commis un meurtre ; ma main n'a pas mêlé <strong>de</strong> cruels<br />

poisons ; je n'ai pas été convaincu d'avoir scellé d'un cach<strong>et</strong><br />

imposteur un écrit supposé. Je n'ai rien fait que <strong>la</strong><br />

loi défendît; <strong>et</strong> cependant, je dois l'avouer, ma faute<br />

est plus grave que tout ce<strong>la</strong>. Ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pas quelle est<br />

9-


i3a .EX PONTO LIB. II, EPIST. IX. (y. 73.)<br />

Neve roges quïd sit ; stultam conscripsimus Ârtem :<br />

lenocuas nobis baec veîat esse manus.<br />

Ecquid pra<strong>et</strong>erea peccarim'f quaerere noli ;<br />

Ut pateat so<strong>la</strong> culpa sub Arte mea.<br />

Quidquid id est, habui mo<strong>de</strong>ratam vindicis iram :<br />

Qui, îîîsi na!alem? nil mihi <strong>de</strong>msit? humum.<br />

Hac quoeiam careo, tua nunc vicioia praest<strong>et</strong>,<br />

Inviso possim tutus ut esse loco.


PONT1QUES, LIV. II, LETT. IX. i33<br />

c<strong>et</strong>te faute: j'ai écrit un Art insensé, voilà ce qui'a rendu<br />

c<strong>et</strong>te main coupable ; ne t'informe pas si j'ai fait plus<br />

encore» : je veux que dans mon Art on voie tout mon<br />

crime. Quoi qu'il en soit, j'ai trouvé dans mon juge uoe<br />

colère indulgente : il ne m'a privé que du séjour <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

patrie; puisque je n'en jouis plus, que près <strong>de</strong> toi du<br />

moins je puisse habiter en sûr<strong>et</strong>é c<strong>et</strong>te terre odieuse.


i34 EX PONTO LIB. II, EPIST. X.<br />

EPISTOLA DECIMA.<br />

MÀCBO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Ad Macnisî po<strong>et</strong>ata scribeiis, multis îtidlciis ostoadit, <strong>de</strong>bere êiim esse memorem<br />

soi , <strong>et</strong> pristia» amiciliis : ciijus fruclus <strong>et</strong> amoris signa , si illi in<br />

mentem veneriot, dicit se abseatem futurum illi taaquam praseatem semper<br />

aille oculos : quod ut ipse quoque effidat impense precatur poefâ.<br />

ECQUID ab impressae cognoscis imagine gemmae<br />

Haec tibi Nasooeoi scribere verbaf Macer?<br />

Auctorisque sui si non est annu<strong>la</strong>s in<strong>de</strong>x,<br />

Cognitane est nostra littera fa<strong>et</strong>a manu?<br />

An tibi ootitiam mora temporis eripit horum ?<br />

Nec répètent oculi signa v<strong>et</strong>usta tui ?<br />

Sis lic<strong>et</strong> oblitus pariter gemmaeque manusque ,<br />

Exci<strong>de</strong>rit tantum ne tibi cura mei.<br />

Quam tu vel longi <strong>de</strong>bes convictibus aevi,<br />

Vel mea quod conjus non aliéna tibi ;<br />

Vel studiis, quibus esf quam nos, sapientius usus;<br />

Utque <strong>de</strong>c<strong>et</strong>? nul<strong>la</strong> facîus es Arle nocens.<br />

Tu canis a<strong>et</strong>erno quidquïd restabat Homero?<br />

Ne careant summa Troica fata manu/<br />

Naso paru m pru<strong>de</strong>ns, Artem dum tradit amandi,<br />

Doctrines pr<strong>et</strong>ium triste magister hab<strong>et</strong>.<br />

SONT tamen in ter se communia sacra po<strong>et</strong>is f<br />

Diversum quamvis quisque sequamur iter.


Wrf»ll


1*6 EX PONTO L1B. II, EPIST. X. (v. 19.)<br />

Quorum te memorem, quanquam procul absumus, esse<br />

Suspicor, <strong>et</strong> casus velle levare meos.<br />

Te ducef magoifîcas Asiae perspeximus urbes;<br />

' ïrïnacris est oculis te duce nota meis.<br />

Vidimus jEtnaea cœlum splen<strong>de</strong>scere f<strong>la</strong>mma,<br />

Subpositus monti quam vomit ore gigas ;<br />

Hennaeosque <strong>la</strong>cus, <strong>et</strong> olentia stagna Palici,<br />

Quaque suis Cyanen misc<strong>et</strong> Anapus aquis.<br />

Nec procul hincNymphen, quae, dum fugitEIidis amnemf<br />

Tecta sub aequorea nuoc quoque currit aqua.<br />

Hic mihi <strong>la</strong>beotis'pars anni magna peracta est.<br />

Eheu, quam dispar est locus ille G<strong>et</strong>is!<br />

Et quota pars haec suot rerum, quas vidimus ambo?<br />

Te mihi jucundas efficiente vias!<br />

Seu rate caeruleas picta sulcavimus undas ;<br />

Esseda nos agili sive tulere rota<br />

Saepe brevis nobis vicibus via visa loquendi ;<br />

Pluraquef si numeres, verba fuere gradu.<br />

Saepe dies sermone minor fuit ; inque loquendum<br />

Tarda per aestivos <strong>de</strong>fuit hora dies.<br />

Est aliquidj casus pariter timuisse marinos;<br />

Junctaque ad aequoreos vota tulisse Deos :<br />

Et modo res egisse simul; modo rursus ab il lis,<br />

Quorum non pu<strong>de</strong>at, posse referre jocos.<br />

Hmc tibi si subeant, absim lic<strong>et</strong>, omnibus horis<br />

Ahte tuos oculos, ut modo visus? ero.<br />

Ipse qui<strong>de</strong>m extremi quum sim sub cardine mundi,<br />

Qui semper liquidis altior exstat aquis,<br />

Te tamen intueor, quo solo pectore possum,<br />

Et tecum gelido saepe sub axe loquor.


PONTIQUES, LIV. II, LETï. X. i37<br />

t'en souviens, je le pense, malgré <strong>la</strong> distance qui nous<br />

sépare, <strong>et</strong> tu veux sou<strong>la</strong>ger mes malheurs. Tu fus mon<br />

gui<strong>de</strong>, quand nous visitâmes ensemble <strong>les</strong> superbes vil<strong>les</strong><br />

d'Asie j quand <strong>la</strong> Sicile se montra à mes regards. Nous<br />

vîmes ensemble le ciel briller <strong>de</strong>s feux <strong>de</strong> l'Etna, <strong>de</strong> ces<br />

feux que vomit <strong>la</strong> bouche du géant enseveli sous <strong>la</strong> montagne<br />

, <strong>et</strong> le <strong>la</strong>c d'Henna, <strong>et</strong> <strong>les</strong> féti<strong>de</strong>s marais <strong>de</strong> Palicus,<br />

<strong>et</strong> l'Anapus mê<strong>la</strong>nt ses on<strong>de</strong>s aux on<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Cyané, <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />

Nymphe qui fuyant le fleuve <strong>de</strong> l'Eli<strong>de</strong>, coule encore aujourd'hui<br />

cachée sous <strong>les</strong> eaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer. C'est dans ces<br />

contrées que j'ai passé une bonne partie <strong>de</strong> l'année: ah !<br />

qu'el<strong>les</strong> ressemblent peu au pays <strong>de</strong>s Gètes ! Et qu'est-ce<br />

encore que ces souvenirs, quand je songe à tant d'autres<br />

lieux que nous vîmes ensemble dans ces voyages que tu<br />

me rendais si agréab<strong>les</strong> ? Soit que notre barque, décorée<br />

<strong>de</strong> peintures, sillonnât Fon<strong>de</strong> azurée, soit qu'un char<br />

nous portât <strong>sur</strong> ses roues légères, souvent <strong>la</strong> route fut<br />

abrégée par nos entr<strong>et</strong>iens ; <strong>et</strong> nos paro<strong>les</strong>, si tu comptes<br />

bien, étaient plus nombreuses que nos pas. Souvent <strong>la</strong><br />

nuit venait interrompre nos discours, <strong>et</strong> <strong>les</strong> longs jours<br />

d'été ne suffisaient pas à nos causeries. C'est quelque<br />

chose, d'avoir redouté ensemble <strong>les</strong> hasards <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer,<br />

d'avoir ensemble adressé <strong>de</strong>s vœux aux dieux <strong>de</strong>s on<strong>de</strong>s,<br />

d'avoir traité en commun <strong>de</strong>s affaires sérieuses, d'avoir<br />

ensuite partagé <strong>les</strong> mêmes dé<strong>la</strong>ssemens, que nous pouvons<br />

nous rappeler sans rougir.<br />

Si ces souvenirs ne sont pas perdus pour toi, quoique<br />

absent, tes yeux me verront à toute heure, comme tu<br />

me voyais jadis. Pour moi, bien que relégué au bout du<br />

mon<strong>de</strong>, sous l'étoile du pôle qui toujours reste au <strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine liqui<strong>de</strong>, je te vois cependant, comme je le<br />

puis , <strong>de</strong>s yeux <strong>de</strong> l'esprit, <strong>et</strong> souvent je m'entr<strong>et</strong>iens


i38 EX POIfTO LIB. II, EPIST. X. (•. 4g.)<br />

Hic es, <strong>et</strong> ignoras, <strong>et</strong> a<strong>de</strong>s celeberriinus absens;<br />

Inque G<strong>et</strong>as média vïsus ab urbe venis.<br />

Bed<strong>de</strong> vicem ; <strong>et</strong>, quonïam regio felicior ista est,<br />

Illic me memori pectore semper habe.


POETIQUES, UV. II, LETT. X. i3g<br />

avec toi sous ce ciel g<strong>la</strong>cé. Tu es ici, <strong>et</strong> tu l'ignores ;<br />

bien qu'absent, tu es souvent près <strong>de</strong> moi, <strong>et</strong> je te vois<br />

sortir <strong>de</strong> Rome pour venir chez <strong>les</strong> Gè<strong>les</strong>, Rends-moi <strong>la</strong><br />

pareille, <strong>et</strong>, puisque ton séjour est plus heureux que<br />

le mien fais que j'y sois toujours dans ton souvenir <strong>et</strong><br />

dans ton cœur.


i4© EX PONTO L1B. II, EPIST. XI.<br />

EPISTOLA UNDECIMA.<br />

RUFO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Âd RiiCosi Ftradanom, uxoris suai avtmculum, hanc episto<strong>la</strong>m scriblt posta :<br />

eitjus mérita dicit se habere ia memoria, cpiamvis sit loogissinio interrallo<br />

remotus. Démuni Deos precatur, ut Mil méritas gratias référant.<br />

Hoc tibi, Rufe? brevi properatum tempore mittît<br />

Naso , parum fâustae conditor Artis, opus ;<br />

Ut, quanquam longe toto suinu»orbe remoti,<br />

Scire tamen possis nos memlnisse tui.<br />

Nominis ante mei venient oblivia nobis,<br />

Pectore quam pi<strong>et</strong>as sit tua puisa meo.<br />

Et prius hanc animain vacuas red<strong>de</strong>mus in auras,<br />

Quam fiât meriti gratia vana tui.<br />

Gran<strong>de</strong> voco <strong>la</strong>crymas meritum, quibus ora rigabas,<br />

Quum mea concr<strong>et</strong>o sicca dolore forent.<br />

Gran<strong>de</strong> voco meritum , mœstae so<strong>la</strong>tia mentis,<br />

Quum pariter nobis il<strong>la</strong> tibique dares.<br />

SPONTE qui<strong>de</strong>m, per seque mea est <strong>la</strong>udabilis uxor;<br />

Admonitu melior fit tamen il<strong>la</strong> tuo.<br />

Namque quod Hermiones Castor fuit, Hector Iuli,<br />

Hoc ego te <strong>la</strong><strong>et</strong>or conjugis esse meae.<br />

Quae, ne dissimilis tibi sit probitaîe , <strong>la</strong>borat ;<br />

Seque tui vita sanguinis esse probat.


PONTIQUES, L1V. II, LETT. XL 141<br />

LETTRE ONZIÈME.<br />

A RUFUS.<br />

ARGUMENT.<br />

C'est à Fon<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa femme, Rufus Fundanus , que le poèîe écrit celte l<strong>et</strong>tre.<br />

Il lui dit que, malgré sou éloignement, il conserve le souvenir <strong>de</strong> ses bienfaits.<br />

Il prie <strong>les</strong> dieux <strong>de</strong> Fen récompenser.<br />

OVIDE , Fauteur d'un Art malheureux, t'envoie, Rufus,<br />

c<strong>et</strong> ouvrage fait à <strong>la</strong> hâte. Ainsi, quoique le mon<strong>de</strong> entier<br />

nous sépare, tu sauras pourtant que je me souviens <strong>de</strong><br />

toi. Mon nom s'effacera <strong>de</strong> ma mémoire, avant que mon<br />

cœur oublie ta pieuse amitié ; mon âme s'exhalera dans<br />

le vi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s airs, avant que je per<strong>de</strong> <strong>la</strong> reconnaissance<br />

<strong>de</strong> tes services : oui, c'était un grand service, ces <strong>la</strong>rmes<br />

qui cou<strong>la</strong>ient <strong>de</strong> tes yeux, quand une violente douleur<br />

avait tari <strong>les</strong> miennes ; oui, c'était un grand service, ces<br />

conso<strong>la</strong>tions, par <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> tu sou<strong>la</strong>geais à <strong>la</strong> fois ton<br />

cœur <strong>et</strong> le mien.<br />

Sans doute mon épouse est d'elle-même portée à <strong>la</strong><br />

vertu; mais tes avis <strong>la</strong> ren<strong>de</strong>nt encore meilleure. Ce que<br />

fut Castor pour Hermione, Hector pour Iule, tu Tes<br />

pour mon épouse, <strong>et</strong> je m'en félicite. Elle s'efforce d'égaler<br />

tes vertus, <strong>et</strong> sa conduite prouve qu'elle est <strong>de</strong> ton<br />

sang; aussi, ce qu'elle eût fait, sans y être encouragée,


i4» EX PONTO LIB. II, EPIST. XL (•. 19.)<br />

Ergo, quod fuerat stimulis factura sine ullis9<br />

Plenius auctorem te quoque nacta facit.<br />

Acer, <strong>et</strong> ad palmae per se cur<strong>sur</strong>us honores,<br />

Si.tamen horteris, fortius ibit equus.<br />

Ad<strong>de</strong>, quod absentis cura mandata fi<strong>de</strong>li<br />

Perfîcisf <strong>et</strong> nullum ferre gravaris onus.<br />

O référant grates, quoniam oon possumus ipsi,<br />

Dî tibi ! qui réfèrent, si pia facta vi<strong>de</strong>nt.<br />

Sufficiatque diu corpus quoque moribus istis,<br />

•Maxima Fundani glorïa f Rufe? soli.


PONTIQUES, LIV. II, LETT. XI. 143<br />

elle le fait mieux encore* aidée <strong>de</strong> tes conseils. De même<br />

le généreux coursier, qui <strong>de</strong> lui-même disputerait dans<br />

le cirque <strong>les</strong> honneurs du triomphe, redoublera d'ar<strong>de</strong>ur?<br />

s'il entend ta voix qui l'anime. Enfin tu accomplis<br />

avec une constante sollicitu<strong>de</strong> <strong>les</strong> soins dont te chargea<br />

un ami absent, <strong>et</strong> nul far<strong>de</strong>au ne pèse à ta bonté. Oh!<br />

que <strong>les</strong> dieux t'en récompensent, puisque je ne le puis<br />

moi-même : ils le feront, si ta piété n'échappe pas à leurs<br />

regards. Puissent tes forces suffire long-temps à ta vertu,<br />

Rufus, toi <strong>la</strong> gloire <strong>de</strong>s champs <strong>de</strong> Fundum.


%i!WJw%%/wv%MMmm%m%m%mmw%MM%fy^<br />

LIBER TERTIUS.<br />

EPISTOLA PRIMA<br />

UXOR1.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Ca<strong>la</strong>mitatum exsilii soi impatiens ab uxore f<strong>la</strong>gitat, ut bon» eoujugis famam<br />

tueaîur, <strong>et</strong> a Caesaris COD juge imp<strong>et</strong>rare toto pecîore nitatur, ut cum POûtica<br />

teilere minus hostiîem locum marito mutare liceat<br />

iAjQUOR <strong>la</strong>sooio pulsatum rémige primum,<br />

Quaeque nec hoste fero , nec nive terra cares ;<br />

Ecquod erit tempus, quo vos ego Naso relinquam,<br />

In minus hostiîem jussus abire locum?<br />

An mihi Barbaria vivendum semper in îsta?<br />

Inque Tomitana condar oport<strong>et</strong> humo?<br />

Pace tua, si pax ul<strong>la</strong> est tibi, Pontica tellus,<br />

Fioitimus rapido quam terit hostis equo ;<br />

Pace tua dixisse velim ; tu pessima duro<br />

Pars es in exsilio;.tu ma<strong>la</strong> nostra gravas.<br />

Tu neque ver sentis, cioctum floreute corona ;<br />

Tu neque messorum corpora nuda vi<strong>de</strong>s.<br />

Nec tibi pampineas autumnus porrigit uvas :<br />

Cuncta sed immodicum tempora frigus habent.


IIItllIMIlAHI^^<br />

LIVRE TROISIEME.<br />

LETTRE PREMIERE.<br />

A SA FEMME.<br />

ARGUMENT.<br />

IS ne peut rapporter son cruel exil ; il supplie sa femme <strong>de</strong> soutenir sa réputation<br />

<strong>de</strong> bonne épouse, <strong>et</strong> d'employer tous ses efforts auprès <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme<br />

<strong>de</strong> César, pour obtenir que son époux change <strong>de</strong> séjour, <strong>et</strong> qu'il soit transféré<br />

dans une contrée moins ennemie que <strong>la</strong> terre du Pont.<br />

\1 MER ! que le vaisseau <strong>de</strong> Jason sillonna le premier,<br />

<strong>et</strong> toi 9 terre que <strong>de</strong> cruels ennemis, que <strong>les</strong> frimas attristent<br />

sans relâche, quand viendra le temps où Ovi<strong>de</strong><br />

vous quittera pour être transféré dans une région moins<br />

hostile ? Me faudra-t-il toujours vivre dans c<strong>et</strong>te contrée<br />

barbare, <strong>et</strong> serai-je enseveli dans <strong>la</strong> terre <strong>de</strong> Tomes?<br />

Perm<strong>et</strong>s que je le dise, sans cesser d'être en paix avec<br />

toi , si <strong>la</strong> paix est possible pour toi, terre du Pont, sans<br />

cesse foulée par <strong>les</strong> rapi<strong>de</strong>s coursiers <strong>de</strong>s ennemis qui<br />

t'environnent, perm<strong>et</strong>s que je le dise : c'est toi qui fais le<br />

plus cruel tourment <strong>de</strong> mon exil, c'est toi qui rends mes<br />

maux plus pesans. Jamais tu ne vois le printemps couronné<br />

<strong>de</strong> fleurs; jamais tu ne vois <strong>les</strong> moissonneurs dépouillés<br />

<strong>de</strong> leurs vêtemens; l'automne ne t'offre ni pampre<br />

ni raisin ; mais <strong>toutes</strong> <strong>les</strong> saisons t'apportent un froid<br />

x. 10


146 EX PONTO LIB. III, EPIST. I. (T. I5.)<br />

Tu g<strong>la</strong>cie fréta vincta teoes; <strong>et</strong> in œquore piscis<br />

Inclusus tecta saepe natavit aqua.<br />

Nec tibï sirat fontes, <strong>la</strong>ticis nisi paene marini;<br />

Qui potus dubium sistat a<strong>la</strong>tne sitim.<br />

Rara, neque haec felix, in apertïs emin<strong>et</strong> arvis<br />

Arbor; <strong>et</strong> in terra est altéra forma maris.<br />

Non avis obloquitur; silvis nisi si qua remotis<br />

jEquoreas rauco gutture potat aquas.<br />

Tristia per'vacuos horrent absiuthia campos,<br />

Conveniensque suo messis amara loco.<br />

Ad<strong>de</strong> m<strong>et</strong>us, <strong>et</strong> quod mur us pulsatur ab hoste,<br />

Tinctaque mortifera tabe sagitta mad<strong>et</strong>;<br />

Quod procul haec regio est, <strong>et</strong> ab omei dévia cursu ;<br />

Nec pe<strong>de</strong> quo quisquam, nec rate tutus eat.<br />

NON igitur mtrum, finem quaere<strong>et</strong>ibus horum<br />

Altéra si nobis usque rogatur humus.<br />

Te magis est mirum non hoc evincere, conjux;<br />

Inque meis <strong>la</strong>crymas posse tenere malis.,<br />

Quid facias, quaeris? quaeras hoc scilic<strong>et</strong> ipsum;<br />

InvenieSj vere si reperire vo<strong>les</strong>.<br />

Velle parum est : cupias, ut re potiaris, oport<strong>et</strong>;<br />

Et faciat somnos haec tibi cura brèves.<br />

Velle reor multos : quis enim mihi tam sit inïquus,<br />

Opt<strong>et</strong> ut exsilium pace carere meum ?<br />

Pectore te toto, cunctisque incumbere nervis,<br />

Et niti pro me nocte dieque <strong>de</strong>c<strong>et</strong>.<br />

Utque juvent alii, tu <strong>de</strong>bes vincere amicos,<br />

Uxorf <strong>et</strong> ad partes prima venire tuas.


PONTIQUES, LIV. m, LETT. I. 147<br />

rigoureux. L'hiver enchaîne <strong>les</strong> mers qui te baignent,<br />

<strong>et</strong> souvent le poisson nage au milieu <strong>de</strong>s on<strong>de</strong>s, enfermé<br />

sous un toit <strong>de</strong> g<strong>la</strong>ce. Tu n'as point <strong>de</strong> source dont l'eau<br />

ne ressemble à l'eau <strong>de</strong>s mers : c'est une boisson aussi<br />

propre peut-être à irriter <strong>la</strong> soif qu'à l'apaiser. Sur tes<br />

champs dépouillés s'élèvent à peine quelques arbres,<br />

encore sont-ils stéri<strong>les</strong> ; <strong>et</strong> ton sol offre aux yeux l'image<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> mer. Tu n'entends d'autres oiseaux que ceux qui,<br />

fuyant leurs forêts, viennent avec <strong>de</strong> rauques accens se<br />

désaltérer dans l'on<strong>de</strong> marine; <strong>la</strong> triste absinthe hérisse<br />

tes p<strong>la</strong>ines stéri<strong>les</strong>, moisson amère <strong>et</strong> bien digne du lieu<br />

qui <strong>la</strong> produit. Que dire encore <strong>de</strong> ces a<strong>la</strong>rmes continuel<strong>les</strong><br />

; <strong>de</strong> ces remparts battus sans cesse par un ennemi<br />

dont <strong>les</strong> flèches sont trempées dans un poison mortel 5 <strong>de</strong><br />

l'éloignement <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te contrée, isolée, inaccessible, où <strong>la</strong><br />

terre n'offre point aux pas du voyageur plus <strong>de</strong> sûr<strong>et</strong>é,<br />

que <strong>la</strong> mer aux navires?<br />

11 n'est donc pas étonnant que, cherchant le terme <strong>de</strong><br />

tant <strong>de</strong> maux, je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sans cesse un autre séjour :<br />

ce qui est étonnant, chère épouse, c'est que tu n'ob*<br />

tiennes pas c<strong>et</strong>te faveur, c'est que mes souffrances ne<br />

fassent pas sans cesse couler tes" <strong>la</strong>rmes. Tu <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s ce<br />

que tu dois faire : n'est-ce pas à toi à le chercher? tu le<br />

trouveras, si vraiment tu veux le trouver. Mais c'est peu<br />

<strong>de</strong> vouloir : pour arriver au but,'il faut que tu désires vivement,<br />

il faut que ce souci abrège ton sommeil. La volonté,<br />

beaucoup d'autres l'ont sans doute; car qui serait<br />

assez mon ennemi, pour désirer que mon exil soit privé<br />

<strong>de</strong> repos? Mais toi, c'est <strong>de</strong> tout ton cœur, <strong>de</strong> <strong>toutes</strong> tes<br />

forces que tu dois travailler à me servir, <strong>et</strong> t'employer<br />

pour moi nuit <strong>et</strong> jour. Quand d'autres me serviraient,<br />

tu dois faire plus que mes amis, toi, mon épouse ; tu<br />

10.


i48 EX PONTO LIE. III, EPIST. I. (•. 45.)<br />

Magna tibi imposita est nostris personajibellis :<br />

Conjogis exemplum diceris esse bon».<br />

Hanc cave <strong>de</strong>geoeres : ut sint praeconia nostra<br />

Vera fi<strong>de</strong>, famae quo tuearis opus.<br />

Ui nihil ipse querarf tacito me fama quer<strong>et</strong>ur,<br />

Quae déb<strong>et</strong>, fuerit ni tibi cura mei.<br />

EXPOSOIT mea me populo fortuna vi<strong>de</strong>ndum,<br />

Et plus notitiœ, quam fuit ante, dédit.<br />

Notior est factus Capaneus a fulmieis iclu ;<br />

Notus humo mersis Àmphiaraus equis ;<br />

Si minus errass<strong>et</strong>, notus minus ess<strong>et</strong> Ulysses;<br />

Magna Philoct<strong>et</strong>ae vulnere fama soo est.<br />

Si loeus est aliquis tanta inter nomina parvis,<br />

Nos quoque conspicuos nostra ruina facit.<br />

Nec te nesciri patitur mea pagina; qua non<br />

Inferios Coa Batti<strong>de</strong> nomen habes.<br />

Quidquid âges igitur, scena spectabere magna ;<br />

Et pia non parvis testibus uxor eris.<br />

Cra<strong>de</strong> mihi ; quoties <strong>la</strong>udaris carminé nostro,<br />

Quae legit bas <strong>la</strong>u<strong>de</strong>s, an mereare? rogat.<br />

Utque favere reor plures virtutibus istis,<br />

Sic tua non paucae carpere facta volent.<br />

Quare, tu praesta, ne livor dicere possit :<br />

Haec est pro miseri lenta salute viri.<br />

Quumque ego <strong>de</strong>ficiam? nec possim ducere currum,<br />

Fac tu sustineas débile so<strong>la</strong> jugum.<br />

Ad medicum spectof venis fugientibus aeger :<br />

Ultima pars anima diim mihi restât, a<strong>de</strong>s.


PONTIQUES, LIV. III, LETT. I. Hg<br />

dois <strong>les</strong> vaincre tous par ton empressement Mes écrits<br />

l'imposent un grand rôle : tu y es présentée comme le<br />

modèle d'une bonne épouse. Prends gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> rester au<br />

<strong>de</strong>ssous; il faut qu'on croie à <strong>la</strong> vérité <strong>de</strong> mes éloges,<br />

<strong>et</strong> que tu soutiennes l'œuvre <strong>de</strong> ta renommée. Quand je<br />

ne me p<strong>la</strong>indrais pas, quand je me tairais, <strong>la</strong> renommée<br />

se p<strong>la</strong>indrait à ma p<strong>la</strong>ce, si tu ne t'occupais pas <strong>de</strong> moi<br />

comme tu le dois.<br />

La fortune m'a exposé aux regards du peuple, <strong>et</strong> m'a<br />

donné plus <strong>de</strong> célébrité que je n'en avais jadis. La foudre,<br />

en frappant Capanée, l'a rendu plus célèbre; Amphiaraûs,<br />

englouti avec ses chevaux dans le sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre,<br />

est <strong>de</strong>venu fameux; Ulysse serait moins connu, s'il avait<br />

moins long-temps erré <strong>sur</strong> <strong>les</strong> mers; Philoctèle doit à sa<br />

b<strong>les</strong><strong>sur</strong>e sa gran<strong>de</strong> réputation. Et moi aussi, si un nom<br />

mo<strong>de</strong>ste peut trouver p<strong>la</strong>ce parmi <strong>de</strong> si grands noms,<br />

ma ruine attire <strong>sur</strong> moi <strong>les</strong> regards. Mes écrits ne te perm<strong>et</strong>tent<br />

pas non plus <strong>de</strong> rester ignorée; tu leur dois une<br />

renommée qui ne le cè<strong>de</strong> pas à celle <strong>de</strong> Battis <strong>de</strong> Cos.<br />

Ainsi, quelle que soit ta conduite, tu seras en évi<strong>de</strong>nce<br />

<strong>sur</strong> un vaste théâtre, <strong>et</strong> ta piété conjugale aura <strong>de</strong> nombreux<br />

témoins. Crois-moi, <strong>toutes</strong> <strong>les</strong> fois que je te loue<br />

dans mes vers, <strong>les</strong> femmes qui lisent ces éloges <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt<br />

si tu <strong>les</strong> mérites. Sans doute il en est qui s'intéressent<br />

à tes vertus; mais il en est beaucoup aussi qui voudront<br />

critiquer tes actions. Fais que leur jalousie vne<br />

puisse dire : « Elle a bien peu <strong>de</strong> zèle pour sauver son<br />

malheureux époux. » Et puisque <strong>les</strong> forces me manquent,<br />

<strong>et</strong> que je ne puis traîner le char, cherche à soutenir seule<br />

le joug mal as<strong>sur</strong>é. Ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, épuisé, je tourne <strong>les</strong> yeux<br />

vers le mé<strong>de</strong>cin : viens à mon secours f quand je conserve<br />

encore un <strong>de</strong>rnier souffle <strong>de</strong> vie. Ce que je ferais


i5o EX PONTO LIB. III ? EP1ST. I. (T. 71.)<br />

Qûodque ego praestarem, si te mâgis ipse valerem,<br />

Id mihi, quum valeas fortius, ipsa refer.<br />

Exigit hoc socialis amor, fœdusque maritum;<br />

Moribus hoc? conjux, exigis ipsa tuis.<br />

Hoc domui <strong>de</strong>bes, <strong>de</strong> qua censeris, ut il<strong>la</strong>m<br />

Non magis offices f quam probitate, co<strong>la</strong>s.<br />

Cunctâ lic<strong>et</strong> facias, nisi sis <strong>la</strong>udabilis uxorf<br />

Non poterit credi Marcia culta tibi. ><br />

NEC sumos indigni ; nec, si vis vera fateri,<br />

Deb<strong>et</strong>ur meritis gratia nul<strong>la</strong> meis.<br />

Redditur il<strong>la</strong> qus<strong>de</strong>m grandi cum fœnore nobisf<br />

Nec te ! si cupiat <strong>la</strong>e<strong>de</strong>re, livor hab<strong>et</strong>.<br />

Sed tamen hoc factis adjunge prioribus unum,<br />

. Pro nostris ut sis ambitiosa malis.<br />

Ut minus infesta jaceam regione, <strong>la</strong>bora :<br />

C<strong>la</strong>uda nec officii pars erit ul<strong>la</strong> tui.<br />

Magna p<strong>et</strong>o, sed non tamen invidiosa roganti :<br />

Utque ea non teneasf tu ta repulsa tua est. '<br />

Nec mihi succensef toties si carminé nostro,<br />

Quod facisç ut facias? teque imiteref rogo.<br />

Fortibus adsuevit tubicen pro<strong>de</strong>sse, suoque<br />

Dux bene pugnantes incitât ore viros.<br />

NOTA tua est probitas, testataque tempus in omne :<br />

Sit virtus <strong>et</strong>iam non probïtate minor.<br />

Non tibi Amazonia est pro me sumenda securis?<br />

Aut excisa levi pelta gerenda manu.<br />

Nuinen adorandum est; non ut mihi fiât amicum,<br />

Sed sit ut iratum, quam fuit ante? minus.


PORTIQUES, UV. III, LETT. I. i5i<br />

pour toi, si j'étais le plus fort, fais-le pour moi, puisque<br />

tu as plus <strong>de</strong> vigueur; c'est ce qu'exige l'amour conjugal<br />

, le lien qui nous unit. Toi-même, mon épouse, tu<br />

le dois à ton caractère ; tu le dois à <strong>la</strong> famille à <strong>la</strong>quelle<br />

tu appartiens : il faut que tu l'honores par ta vertu autant<br />

que par ton zèle à remplir <strong>les</strong> <strong>de</strong>voirs <strong>de</strong> l'amitié.<br />

Quoi que tu fasses, si tu n'es pas une digne épouse, on<br />

ne pourra croire que tu cultives l'amitié <strong>de</strong> Marcia.<br />

Je ne suis pas indigne <strong>de</strong> ton zèle, <strong>et</strong> si tu veux<br />

convenir <strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité, j'ai mérité <strong>de</strong> toi quelque reconnaissance.<br />

Oh ! sans doute, tu me rends avec u<strong>sur</strong>e ce<br />

que tu me dois; <strong>et</strong> l'en vie, quand elle le voudrait, ne<br />

pourrait trouver prise <strong>sur</strong> toi. Il est pourtant un service<br />

qu'il faut ajouter à tous <strong>les</strong> autres : que mes malheurs<br />

te ren<strong>de</strong>nt entreprenante; obtiens que je sois relégué<br />

dans une contrée moins cruelle, <strong>et</strong> rien ne manquera â<br />

l'accomplissement <strong>de</strong> tes <strong>de</strong>voirs. Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> beaucoup,<br />

mais tes prières pour moi n'auront rien d'odieux; <strong>et</strong>,<br />

quand el<strong>les</strong> seraient sans succès, un refus ne saurait<br />

l'exposer. Ne t'irrite pas, si tant <strong>de</strong> fois dans mes vers<br />

je te prie <strong>de</strong> faire ce que tu fais réellement, <strong>et</strong> d'être _<br />

semb<strong>la</strong>ble à toi-même. Le son <strong>de</strong> <strong>la</strong> tromp<strong>et</strong>te excite<br />

même <strong>les</strong> braves, <strong>et</strong> le général anime <strong>de</strong> <strong>la</strong> voix <strong>les</strong> meilleurs<br />

soldats.<br />

Ta vertu est connue, elle vivra dans tous <strong>les</strong> âges :<br />

que ton courage ne le cè<strong>de</strong> pas à ta vertu. Je ne te <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

pas <strong>de</strong> prendre pour moi <strong>la</strong> hache <strong>de</strong> l'Amazone,<br />

ni <strong>de</strong> porter d'une main agile le bouclier échancré. 11 te<br />

faut implorer un dieu, non pour qu'il me <strong>de</strong>vienne favorable<br />

, mais pour qu'il modère son ressentiment. Si tu<br />

n'as pas <strong>de</strong> crédit, ton crédit ce seront tes <strong>la</strong>rmes ; tu


i5a EX PONTO LIB. III, EPIST. I. (•.99.)<br />

Gratia si nul<strong>la</strong> est, <strong>la</strong>crymae tibi gratia fient ;<br />

Hac potes, aut nul<strong>la</strong>, parte movere Deos.<br />

Quae tibi ne <strong>de</strong>sint, bene per ma<strong>la</strong> nostra cav<strong>et</strong>ur;<br />

Meque viro flendi copia dives a<strong>de</strong>st.<br />

Utque meae res sunt, oinni, puto, tempore flebis :<br />

Has fortuna tibi nostra ministrat opes.<br />

Si mea mors redimenda tua, quod abominor, ess<strong>et</strong>,<br />

Adm<strong>et</strong>i conjux, quam sequereris, erat.<br />

Jïmu<strong>la</strong> Penelopes fieres, si frau<strong>de</strong> pudica<br />

Instantes vel<strong>les</strong> fallere nupta procos.<br />

Si cornes exstincti mânes sequerere mariti,<br />

Ess<strong>et</strong> dux facti Laodamia tui.<br />

Iphias ante oculos tibi erat ponenda, volenti<br />

Corpus in accensos mittere forte rogos.<br />

Nil.opus est l<strong>et</strong>o, nil Icarioti<strong>de</strong> te<strong>la</strong>;<br />

Caesaris at conjux ore precanda tuo;<br />

Quae praestat vïrtute sua, ne prisca v<strong>et</strong>ustas<br />

Lau<strong>de</strong> pudicitiae saecu<strong>la</strong> nostra premat;<br />

Quae Veneris formai» > mores Junonis habendo,<br />

So<strong>la</strong> est cœ<strong>les</strong>ti digna reperta toro.<br />

Quid trépidas? quid adiré times? non impia Progoe,<br />

Filiave Jî<strong>et</strong>œ voce movenda tua est :<br />

Nec nurus iEgypti, nec saeva Âgamemnonis uxor;<br />

Scyl<strong>la</strong>que, quae Sicu<strong>la</strong>s ioguine terr<strong>et</strong> aquas ;<br />

Telegooive parens vertendis nata figuris;<br />

Nexave nodosas angue Médusa comas.<br />

Femina sed princeps, in qua Fortuna vi<strong>de</strong>re<br />

Se probat, <strong>et</strong> caecae crimina falsa tulit :<br />

Qua liîliil in terris, ad finem Solis ab ortu<br />

C<strong>la</strong>rius, excepto Caesare, mundus hab<strong>et</strong>.


PONTIQUES, LTV. 111, LETT. I. i53<br />

ne saurais trouver, pour fléchir <strong>les</strong> dieux, <strong>de</strong> moyeu<br />

plus puissant. Grâce à mes malheurs, <strong>les</strong> <strong>la</strong>rmes ne te<br />

manqueront pas; celle dont je suis l'époux n'a que trop<br />

<strong>de</strong> suj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> pleurs. Telle est ma <strong>de</strong>stinée, que jamais<br />

peut-être tu ne cesseras <strong>de</strong> pleurer: voilà <strong>les</strong> richesses<br />

que t'as<strong>sur</strong>e ma fortune.<br />

S'il fal<strong>la</strong>it, ce qu'à Dieu ne p<strong>la</strong>ise, rach<strong>et</strong>er ma vie<br />

aux dépens <strong>de</strong> <strong>la</strong> tienne, l'épouse d'Admète serait le<br />

modèle que tu suivrais. Tu <strong>de</strong>viendrais rivale <strong>de</strong> Pénélope,<br />

si, par un chaste artifice, tu vou<strong>la</strong>is, épouse fidèle,<br />

tromper <strong>de</strong>s prétendans trop empressés. Si tu <strong>de</strong>vais<br />

suivre dans <strong>la</strong> tombe <strong>les</strong> mânes <strong>de</strong> ton époux, tu marcherais<br />

<strong>sur</strong> <strong>les</strong> traces <strong>de</strong> Laodamie. Tu aurais <strong>de</strong>vant <strong>les</strong><br />

yeux l'exemple <strong>de</strong> <strong>la</strong> fille dlphie, si tu vou<strong>la</strong>is livrer<br />

ton corps généreux aux f<strong>la</strong>mmes <strong>de</strong> mon bûcher. Mais<br />

tu n'as besoin ni <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort, ni <strong>de</strong> <strong>la</strong> toile <strong>de</strong> <strong>la</strong> fille<br />

d'ïcarius ; il faut que ta voix implore <strong>la</strong> femme <strong>de</strong> Cé-<br />

. sar, elle dont <strong>la</strong> vertu ne perm<strong>et</strong> pas que <strong>les</strong> premiers<br />

âges ravissent à notre siècle <strong>la</strong> palme <strong>de</strong> <strong>la</strong> chast<strong>et</strong>é, elle<br />

qui, unissant <strong>la</strong> beauté <strong>de</strong> Vénus aux vertus <strong>de</strong> Junon,<br />

seule fut trouvée digne <strong>de</strong> <strong>la</strong> couche d'un dieu. Pourquoi<br />

trembler ? pourquoi craindre <strong>de</strong> l'abor<strong>de</strong>r ? Ce n'est<br />

pas l'impie Progné, ou <strong>la</strong> fille d'iE<strong>et</strong>ès que ta voix doit<br />

fléchir; ni <strong>les</strong> brus d'Egyptus, ni <strong>la</strong> cruelle épouse<br />

d'Agamemnon; ni Scyl<strong>la</strong> dont <strong>les</strong> f<strong>la</strong>ncs épouvantent <strong>les</strong><br />

on<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Sicile; ni <strong>la</strong> mère <strong>de</strong> Telegonns, habile à donner<br />

aux hommes <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> formes; ni Méduse dont<br />

<strong>les</strong> cheveux sont entre<strong>la</strong>cés <strong>de</strong>serpens: mais c'est <strong>la</strong> première<br />

entre <strong>toutes</strong> <strong>les</strong> femmes, <strong>et</strong> par elle <strong>la</strong> Fortune<br />

nous prouve qu'elle a <strong>de</strong>s yeux, <strong>et</strong> qu'on l'accuse à tort<br />

d<strong>et</strong>re aveugle : le mon<strong>de</strong> entier, du couchant à l'aurore,<br />

ne renferme rien <strong>de</strong> plus grand, excepté César.


i54 EX PONTO LIB. III, EPIST. I. (•. 09-)<br />

ELIGITO tempus captatum saepe rogandi,<br />

Exeat adversa ne tua navis aqua.<br />

Non semper sacras reddunt oracu<strong>la</strong> sortes;<br />

Ipsaque non omni tempore fana patent.<br />

Quum status urbïs erit, qualem nunc auguror esse?<br />

Et nullus populi conirah<strong>et</strong> ora dotor;<br />

Quum domus Augusti, Capitolî more colenda,<br />

La<strong>et</strong>a? quod est, <strong>et</strong> sit, plenaque pacis erit;<br />

Tum tïbi Dî faciant a<strong>de</strong>undï copia fiât ;<br />

Profectura aliquid tum tua verba puta. t<br />

Si quid ag<strong>et</strong> majus , differ tua cœpta; caveque<br />

Spem festinando praecipitare meam.<br />

Nec rursus jubeof dum sit vacuissimaf quaeras :<br />

Corporis ad cultum vix vacat il<strong>la</strong> sui.<br />

Curia quum patribus fuerit stipata Yerendisf<br />

Per rerum turbam tu quoque oport<strong>et</strong> eas.<br />

Quum tibi corttigerit vultum Junonis adiré,<br />

Fac sis personaef quam tueare, memor.<br />

Nec factum défen<strong>de</strong> meum ; ma<strong>la</strong> causa silenda est :<br />

Nil nisi sollicita sint tua verba preces.<br />

Tum <strong>la</strong>crymis <strong>de</strong>menda mora est, submissaque terrae<br />

Ad non morta<strong>les</strong> brachia ten<strong>de</strong> pe<strong>de</strong>s.<br />

Tumjp<strong>et</strong>e nil aliud, saevo nisi ab hoste recedam :<br />

Hostem Fortunam sit satis esse mihi.<br />

Plura qui<strong>de</strong>m subeunt ; sed jam turbata timoré<br />

Hœc quoque vis poteris ore tremente loqui.<br />

Suspicor hoc damno tibi non fore ; sentiat il<strong>la</strong><br />

Te majestatem pertimuisse suam.


PONTIQUES, L1V. III, LETT. I. i55<br />

Il te faut choisir, épier long-temps le moment propre<br />

à l'implorer, <strong>de</strong> peur que ton navire, en sortant du port,<br />

ne trouve une mer en courroux. Les orac<strong>les</strong> <strong>de</strong>s dieux<br />

ne ren<strong>de</strong>nt pas toujours <strong>de</strong>s réponses ; <strong>les</strong> temp<strong>les</strong> même<br />

ne sont pas ouverts en tout terops. Quand <strong>la</strong> ville sera<br />

dans l'état'où sans doute elle est maintenant, quand aucune<br />

souffrance n'altérera <strong>les</strong> traits <strong>de</strong>s citoyens, quand<br />

<strong>la</strong> maison d'Auguste, digne <strong>de</strong>s mêmes honneurs que le<br />

Capitole, sera, comme aujourd'hui (<strong>et</strong> puisse-t-elle l'être<br />

toujours!), au milieu <strong>de</strong> l'allégresse <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> paix; alors<br />

fassent <strong>les</strong> dieux que tu trouves un libre accès! alors ne<br />

doute pas du succès <strong>de</strong> tes paro<strong>les</strong>. Si quelque soin important<br />

l'occupe, diffère ta démarche, <strong>et</strong> ne va pas, par<br />

ton empressement, renverser mes espérances. Je ne t'engage<br />

pas non plus à attendre qu'elle soit entièrement<br />

libre ; à peine a-t-elle le loisir <strong>de</strong> songer à sa parure.<br />

Quand le pa<strong>la</strong>is serait entouré <strong>de</strong>s vénérab<strong>les</strong> sénateurs,<br />

il faut que tu pénètres à travers tous <strong>les</strong> obstac<strong>les</strong>. Lorsqu'enfin<br />

tu seras arrivée en présence <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te autre Junon,<br />

n'oublie pas le.rôle que tu as à soutenir. N'excuse<br />

pas ma faute : une mauvaise cause a besoin du silence;<br />

que tes paro<strong>les</strong> ne soient que d'ar<strong>de</strong>ntes prières. Alors,<br />

ne r<strong>et</strong>iens plus tes <strong>la</strong>rmes, <strong>et</strong>, prosternée aux pieds <strong>de</strong><br />

l'Immortelle, tends vers elle tes bras supplians; puis ne<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu'une seule chose : que je sois éloigné d'un<br />

ennemi barbare; qu'il me suffise d'avoir <strong>la</strong> Fortune pour<br />

ennemie. Bien d'autres idées se présentent à mon esprit;<br />

mais, déjà troublée par <strong>la</strong> • crainte, à peine tes lèvres<br />

tremb<strong>la</strong>ntes pourront-el<strong>les</strong> prononcer ce peu <strong>de</strong> mots. Je<br />

ne crains pas que ce trouble te nuise : il faut qu'elle sente<br />

que tu redoutes sa majesté. Quand tes paro<strong>les</strong> seraient<br />

entrecoupées <strong>de</strong> sanglots, ma cause n'en souffrirait pas:


i5S EX P0NTO L1B. III, EPIST. I. (v. i57.)<br />

Nec tua si fl<strong>et</strong>u scindantur Yerba, nocebit :<br />

loterdum <strong>la</strong>crymae pondéra vocïs habent.<br />

Lux <strong>et</strong>iam cœptis facito bona talibus adsit,<br />

Horaque convenions, auspiciumque faveos.<br />

Sed prius imposito sanctis àltaribus igni,<br />

Tura fer ad magnos vioaque pura Deos.<br />

E quibus ante omues Augustum Dumen adoraf<br />

Progeniemque piam, participemque tori.<br />

Sint utinam mites solito tibi more, tuasque<br />

Non duris <strong>la</strong>crymas Yultibus adspiciant.


PONTIQUKS, LIV. III, LETT. I. i57<br />

parfois <strong>les</strong> <strong>la</strong>rmes ne sont pas moins puissantes que <strong>les</strong><br />

paro<strong>les</strong>.<br />

Fais encore que ta démarche soit favorisée par un<br />

jour heureux, par une heure convenable, <strong>et</strong> par <strong>de</strong> bons<br />

présages; mais, avant tout, allumant le feu <strong>sur</strong> <strong>les</strong> saints<br />

autels, offre <strong>de</strong> l'encens <strong>et</strong> un vin pur à tous <strong>les</strong> grands<br />

dieux, <strong>et</strong> que ces honneurs s'adressent <strong>de</strong> préférence à<br />

Auguste, à son fils pieux, à <strong>la</strong> compagne <strong>de</strong> sa couche.<br />

•Puissent-ils avoir pour toi leur douceur accoutumée, <strong>et</strong><br />

regar<strong>de</strong>r tes <strong>la</strong>rmes d ? un œil % bienveil<strong>la</strong>nt!


i58 'EX PONTO LIB. III, EPIST. II.<br />

EPISTOLA SECUNDA.<br />

CQTTM,<br />

ARGUMENTUM.<br />

Excusât amieos, qui m<strong>et</strong>u <strong>de</strong><strong>de</strong>rkt îerga, BOE odio; aliorum , <strong>et</strong> in his Cotte<br />

pi<strong>et</strong>atem <strong>et</strong> coBstaEtiam célébrât, cum <strong>la</strong>u<strong>de</strong> Orestis <strong>et</strong> Py<strong>la</strong>dis, ituram ad<br />

posteras.<br />

QUAM legïs a nobis missam tibi, Gotta, salutem,<br />

Missa sit ut vere, perveoiatque, precor.<br />

Namque meis sospes multum cruciatïbus aufers,<br />

Utque sït e nobis pars bona salva, facis.<br />

Quumque <strong>la</strong>bent alii, jactataquê vê<strong>la</strong> relinquant,<br />

Tu <strong>la</strong>cera romanes anchora so<strong>la</strong> rati.<br />

Grata tua est ïgitur pie tas : ignoseimus illis,<br />

Qui cum fortuna terga <strong>de</strong><strong>de</strong>re fugae.<br />

Quum fer<strong>la</strong>nt unum, non unum fulmina terrent,<br />

Junctaque percusso turba pavere sol<strong>et</strong> :<br />

Quumque dédit paries venturae signa ruinae?<br />

Sollicito vacuus fit locus Ole m<strong>et</strong>u.<br />

Quis non e timidis œgri contagia vitat,<br />

Vicinum m<strong>et</strong>uens ne trahat in<strong>de</strong> malum?<br />

Me quoque amicorum nimio terrore m<strong>et</strong>uquef<br />

Non odio, quidam <strong>de</strong>stituere mei.<br />

Non illis pi<strong>et</strong>as, non offîciosa voluntas<br />

Defuit : adversos extimuere Deos.<br />

Utque magis cauti possunt timidique vi<strong>de</strong>ri?<br />

Sic adpel<strong>la</strong>ri non meroere mali.


PÛNTIQUES, LIV. III, LETT. IL i5g<br />

LETTRE DEUXIÈME.<br />

A COTTA.<br />

ARGUMENT.<br />

I! excuse ses amiss qui Font abandonné par crainte <strong>et</strong> non par haine. H célèbre<br />

îa tendre constance <strong>de</strong> quelques-uns d'entre eux, <strong>sur</strong>tout <strong>de</strong> Col<strong>la</strong>, dont <strong>les</strong><br />

noms passeront à <strong>la</strong> postérité, comme ceux d'Oreste <strong>et</strong> <strong>de</strong> Py<strong>la</strong><strong>de</strong>.<br />

CES vœux que je t'envoie dans ma l<strong>et</strong>tre, Cotta, puissent-ils<br />

se réaliser, <strong>et</strong> ne pas tromper mon espoir! Ta<br />

santé, en eff<strong>et</strong>, est un grand sou<strong>la</strong>gement pour mes<br />

maux; c'est <strong>la</strong> santé <strong>de</strong> <strong>la</strong> meilleure partie <strong>de</strong> moi-même.<br />

Lorsque d'autres, cédant à Forage, abandonnent mes<br />

voi<strong>les</strong> à <strong>la</strong> fureur du vent, tu restes comme <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière<br />

ancre <strong>de</strong> mon vaisseau fracassé : elle m'est douce, ton<br />

amitié. Je pardonne à ceux qui m'ont tourné le clos avec<br />

<strong>la</strong> fortune. La foudre, lors même qu'elle ne frappe qu'un<br />

seul homme, en épouvante plus d'un; l'effroi saisit <strong>la</strong><br />

foule autour <strong>de</strong> celui qu'elle atteint. Quand un mur menace<br />

ruine, une crainte inquiète rend déserts <strong>les</strong> lieux<br />

qui l'environnent. Quel est l'homme timi<strong>de</strong> qui ne fuit<br />

l'abord contagieux d'un ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, <strong>de</strong> peur <strong>de</strong> gagner son<br />

naal en l'approchant? Et moi aussi, c'est par un excès<br />

<strong>de</strong> crainte <strong>et</strong> <strong>de</strong> terreur, <strong>et</strong> non par haine, que quelquesuns<br />

<strong>de</strong> mes amis m'ont abandonné; ce n'est ni <strong>la</strong> tendresse^<br />

ni le désir <strong>de</strong> me servir 1 , qui leur a manqué : ils<br />

ont redouté <strong>la</strong> colère <strong>de</strong>s dieux. S'ils peuvent paraître<br />

trop pru<strong>de</strong>ns <strong>et</strong> trop craintifs, ils n'ont pas mérité d'être<br />

appelés médians. Mais c'est ma bonté qui excuse ainsi


160 EX PONTO LIE. III, EPIST. IL (T. ai.)<br />

At meus excusât caros ita candor amicos,<br />

Utque habeant <strong>de</strong> ine crimina nul<strong>la</strong>, fav<strong>et</strong>.<br />

Siiît hac contenti venia ? ' signentque licebït<br />

Purgari factum, me quoque teste f suum.<br />

PARS estis pauci potior, qui rébus in arctis<br />

Ferre mihi nul<strong>la</strong>m turpe putast'is opem.<br />

Tuoc igitur meritï mori<strong>et</strong>ur gralia vestri,<br />

Quum cinis absumto corpore factus ero.<br />

Fallor? <strong>et</strong> il<strong>la</strong> meae superabit tempora vite;<br />

Si tamen a inemori posteritate legar.<br />

Corpora <strong>de</strong>bentur mœstis exsanguia bustis :<br />

Effugiunt structos nomen honorque rogos.<br />

Occidit <strong>et</strong> Theseus, <strong>et</strong> qui comitavit Oresten :<br />

Sed tamen in <strong>la</strong>u<strong>de</strong>s vivit uterque suas.<br />

Vos <strong>et</strong>iam seri <strong>la</strong>udabunt saepe nepotesf<br />

C<strong>la</strong>raque erit scriptis gloria vestra meis.<br />

Hic quoque Sauromatae jam vos eovere, G<strong>et</strong>aeque,<br />

Et taies aoimos barbara turba probat.<br />

Quumque ego <strong>de</strong> vestra nuper probitate referrem,<br />

Nam didici G<strong>et</strong>ice Sarmaticeque loqui,<br />

Forte seoex quidam, cœtu quum star<strong>et</strong>in illo,<br />

Reddidit ad nostros talia verba sonos :<br />

Nos quoque amicitiœ nomen bene novimus, hospesf<br />

Quos procul a vobis frigidus Ister hab<strong>et</strong>.<br />

Est locus io Scythia, Tauros dixere priores,<br />

Qui G<strong>et</strong>ica longe non ita distat humo.<br />

Hac ego sum terra f patriae nec pœnit<strong>et</strong>, ortus.<br />

Gonsortem Phœbi gens colit il<strong>la</strong> Deam.<br />

Temp<strong>la</strong> maneut hodie vastis innixa columnis;<br />

Perque quater <strong>de</strong>nos itur in il<strong>la</strong> gradus.


PCMÏIQUES, LIV. III, LETT. IL 161<br />

<strong>de</strong>s amis qui me sont chers, <strong>et</strong> cherche à <strong>les</strong> <strong>la</strong>ver <strong>de</strong><br />

tout reproche à mon égard. Qu'ils soient contens <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te indulgence ; ils pourront dire que leur conduite est<br />

justifiée même par mon témoignage.<br />

Mais toi, <strong>et</strong> un p<strong>et</strong>it nombre d'amis plus généreux,<br />

vous avez regardé comme une honte <strong>de</strong> ne me donner<br />

aucun secours dans ma détresse; aussi le souvenir <strong>de</strong><br />

vos bienfaits ne périra-t-il que lorsque mon corps consumé<br />

sera réduit en cendres. Que-dis-je? il vivra plus<br />

long-temps que moi, si toutefois mes vers sont transmis<br />

à <strong>la</strong> postérité. Le bûcher réc<strong>la</strong>me <strong>les</strong> corps privés <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

vie; mais <strong>la</strong> gloire <strong>et</strong> <strong>la</strong> renommée se dérobent à ses<br />

f<strong>la</strong>mmes. Thésée est mort, ainsi que le compagnon<br />

d'Oreste ; <strong>et</strong> tous <strong>de</strong>ux cependant vivent encore par le<br />

souvenir <strong>de</strong> leurs bel<strong>les</strong> actions. Vous aussi, nos <strong>de</strong>r*<br />

niers neveux répéteront vos louanges, <strong>et</strong> mes vers as<strong>sur</strong>eront<br />

votre gloire. Ici déjà <strong>les</strong> Sauromates <strong>et</strong> <strong>les</strong> Gètes<br />

vous connaissent, <strong>et</strong> ces hor<strong>de</strong>s barbares app<strong>la</strong>udissent<br />

à tant <strong>de</strong> générosité. Naguère, comme je leur par<strong>la</strong>is <strong>de</strong><br />

votre amitié intègre (car j'ai appris à parler gète <strong>et</strong> sarmate),<br />

un vieil<strong>la</strong>rd qui se trouvait par hasard au nombre<br />

<strong>de</strong> mes auditeurs, répondit en ces termes à mes récits :<br />

ce Étranger, nous aussi, nous connaissons fort bien le<br />

nom <strong>de</strong> l'amitié; nous qui, loin <strong>de</strong> vos contrées, habitons<br />

<strong>les</strong> bords g<strong>la</strong>cés <strong>de</strong> lister. Il y a dans <strong>la</strong> Scythie<br />

une région que nos ancêtres ont nommée Tauri<strong>de</strong>, <strong>et</strong><br />

qui n'est pas très-loin <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre <strong>de</strong>s Gètes; c'est là que<br />

je suis né, <strong>et</strong> je ne rougis pas <strong>de</strong> ma patrie. On y adore<br />

<strong>la</strong> déesse sœur d'Apollon. Le temple subsiste encore aujourd'hui<br />

, soutenu par d'immenses colonnes; on y monte<br />

par quarante <strong>de</strong>grés.* On dit que dans ce temple était<br />

x. ' 11


16a EX PONTO LIB. III, EPIST. IL (•. 5i.)<br />

Faroa refert, illic signum cœ<strong>les</strong>te fuisse :<br />

Quoque minus dubites, stat basïs orba Dea.<br />

Araque, quae fuerat oaiura candida saxi?<br />

Decolor adfuso tincta cruore rub<strong>et</strong>.<br />

Femioa sacra facit, taedae non nota jugali9<br />

Quae superat Scythicas nobilitate nurus.<br />

Sacrifie! genus est, sic instituere priores,<br />

Advena virgïneo caesus ut ense cadat.<br />

Megna Thoas habuit, Mœoîi<strong>de</strong> c<strong>la</strong>rus in ora :<br />

Nec fuit Euxinis notior aiter aquis.<br />

Sceptra tenente illo, liquidas fecïsse per auras<br />

Nescio quam dicunt Iphigenian ïter;<br />

Quam levibus ventis sub nube per aequora vectam<br />

Creditur his Phœbe <strong>de</strong>posuisse locis.<br />

Praefuerat templo multos ea rite per annos,<br />

Invita peragens tristia sacra manu ;<br />

Quum duo velifena juvenes venere canna,<br />

Presseruntque suo litora nostra pe<strong>de</strong>.<br />

Par fuit Ms a<strong>et</strong>as, <strong>et</strong> amor : quorum aller Orestes,<br />

Aller erat Py<strong>la</strong><strong>de</strong>s : nomina fama ten<strong>et</strong>.<br />

Protious immitem Triviae ducuntur ad aram,<br />

'Evincti geminas ad sua terga inanus,<br />

Spargit aqua captos lustrali Graia sacerdos,<br />

Ambiat ut fulvas infu<strong>la</strong> longa comas.<br />

Dumque parât sacrum, dum ve<strong>la</strong>t tempora vittis,<br />

Dum tardae causas invenit usque morae :<br />

Non ego cru<strong>de</strong>lis, juvenes ignoscitg, dixit ;<br />

Sacra s.uo facio barbariora loco.


PONTIQUES, UV. III, LETT. n. i63<br />

une statue <strong>de</strong> <strong>la</strong> divinité; <strong>et</strong> ce qui le prouve, cest que<br />

<strong>la</strong> base qui portait <strong>la</strong> déesse est encore <strong>de</strong>bout. L'autel<br />

qui jadis» avait <strong>la</strong> b<strong>la</strong>ncheur <strong>de</strong> <strong>la</strong> pierre dont il était<br />

formé, a perdu sa couleur, rougi par le sang qui l'arrosa.<br />

Une femme prési<strong>de</strong> aux sacrifices ; étrangère aux torches<br />

<strong>de</strong> l'hymen, elle <strong>sur</strong>passe en nob<strong>les</strong>se <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Scyihie.<br />

La loi <strong>de</strong>s sacrifices établis par un ancien usage,<br />

veut que tout étranger y tombe, frappé par le couteau<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> prêtresse. Thoas, illustre <strong>sur</strong> <strong>les</strong> bords <strong>de</strong>s Palus-<br />

Méotl<strong>de</strong>s, fut roi <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te contrée; aucun autre ne fut<br />

plus célèbre <strong>sur</strong> <strong>les</strong> rives <strong>de</strong> l'Euxin. Sous son règne,<br />

je ne sais quelle vierge, nommée Iphigéoie,' traversa,<br />

dît-on, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ine flui<strong>de</strong> <strong>de</strong>s airs. On croit que, portée<br />

sous <strong>les</strong> nues par <strong>les</strong> Yents légers, elle franchit <strong>les</strong> mers,<br />

<strong>et</strong> fut déposée par Diane dans ces lieux. Depuis plusieurs<br />

années, elle présidait selon <strong>les</strong> rites au temple <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

déesse, prêtant à regr<strong>et</strong> sa main à ces tristes sacrifices;<br />

quand, <strong>sur</strong> un navire aux voi<strong>les</strong> rapi<strong>de</strong>s , arrivent <strong>de</strong>ux<br />

jeunes étrangers qui débarquent <strong>sur</strong> nos rivages. Ils<br />

avaient même âge, même amitié : l'un- était Oreste,<br />

l'autre Py<strong>la</strong><strong>de</strong>; <strong>la</strong> renommée conserve leurs noms. Aussitôt<br />

on <strong>les</strong> conduit à l'autel barbare <strong>de</strong> Diane, <strong>les</strong> mains<br />

attachées <strong>de</strong>rrière le dos. La prêtresse grecque répand<br />

<strong>sur</strong> <strong>les</strong> captifs l'eau lustrale, pour ceindre ensuite leur<br />

blon<strong>de</strong> chevelure d'une longue ban<strong>de</strong>l<strong>et</strong>te. Pendant<br />

qu'elle prépare le sacrifice, qu'elle voile leurs tempes du<br />

ban<strong>de</strong>au sacré, <strong>et</strong> qu'elle trouve toujours <strong>de</strong> nouveaux<br />

prétextes <strong>de</strong> r<strong>et</strong>ard : « Ce n'est pas moi qui suis cruelle;<br />

ce jeunes étrangers, pardonnez, leur dit-elle : c'est c<strong>et</strong>te<br />

ce terre qui ordonne ces sacrifices plus barbares qu'ellece<br />

même: tels sont <strong>les</strong> rites <strong>de</strong> ce peuple. Cependant, <strong>de</strong><br />

ce quelle ville venez-vous? où vous conduisait votre<br />

i i.


i64 EX PONTO LIB. III, EPIST. IL (v. 79.)<br />

Ritus is est gentis : qoa vos tamen urbe veoitis?<br />

Quove parum -fausta puppe p<strong>et</strong>istis iter ?<br />

Dixit : <strong>et</strong>, audito patriae pia nomine virgof<br />

Consortes iirbis comperit esse su».<br />

Alter at e vobis, inquit, cadat hostia sacrif<br />

Ad patrias se<strong>de</strong>s nuntius alter eat.<br />

Ire jub<strong>et</strong> Py<strong>la</strong><strong>de</strong>s carom perituros Oresten :<br />

Hic eegat; inque vicem pugnat uterque mori.<br />

Exstitit hoc unum, quo non convenerit illis :<br />

C<strong>et</strong>era par concors <strong>et</strong> sine lite fuit.<br />

Dum peraguot pulcliri juvenes certamen amorisf<br />

Ad fratrem scriptas exarat il<strong>la</strong> notas :<br />

Ad fratrem mandata dabat, cuique il<strong>la</strong> dabantur ,j<br />

Humanos casus adspice, frater erat.<br />

Nec mora; <strong>de</strong> templo rapiunt simu<strong>la</strong>cra Dianae*<br />

C<strong>la</strong>mque per immensas puppe feruntur aquas.<br />

Mirus amor juvenum, quamvis abiere tôt anni?<br />

In Scythia magnum nunc quoque nomen hab<strong>et</strong>.<br />

FABULA oarrata. est postquam vulgaris ab illo,<br />

Laudaruot omnes facta piamque fi<strong>de</strong>m.<br />

Scilic<strong>et</strong> bac <strong>et</strong>iam, qua nul<strong>la</strong> ferocior, ora<br />

Nomen amicitiœ barbara corda mov<strong>et</strong>.<br />

Quid facere Ausonia geniti <strong>de</strong>b<strong>et</strong>is in urbe?<br />

Quum tangant diros talïa facta G<strong>et</strong>as ?<br />

Aci<strong>de</strong>, quod est animus semper tibi mitis, <strong>et</strong> altae<br />

Indicium mores nobilitatis habent ;<br />

Quos Yo<strong>les</strong>us patrii cognoscat nominis auctor;<br />

Quos Numa maternus non neg<strong>et</strong> esse suos :


P0FT1QUES, UV. in', LETT. H. i65<br />

« poupe malheureuse? » Elle dit; <strong>et</strong>, entendant le nom<br />

<strong>de</strong> sa patrie, <strong>la</strong> vierge pieuse apprend qu'ils sont nés<br />

dans <strong>les</strong> mêmes murs qu'elle. « Que l'un <strong>de</strong> vous , ditce<br />

elle alors, tombe immolé <strong>de</strong>vant l'autel ; que l'autre en<br />

« porte le message au séjour <strong>de</strong> vos pères. » Py<strong>la</strong><strong>de</strong>, résolu<br />

à <strong>la</strong> mort, presse son cher Oreste <strong>de</strong> partir. Oreste<br />

refuse; ils veulent mourir l'un pour l'autre. Alors, pour<br />

<strong>la</strong> première fois, ils ne furent point d'accord. Du reste,<br />

aucun différent ne troub<strong>la</strong> jamais leur union. Pendant<br />

que ce généreux combat <strong>de</strong> l'amitié occupe <strong>les</strong> jeunes<br />

étrangers, elle trace quelques lignes adressées à son<br />

frère : elle donnait un message pour son frère, <strong>et</strong> celui<br />

qui le recevait, admirez <strong>les</strong> hasards <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie humaine,<br />

c'était son frère lui-même. Aussitôt ils enlèvent du temple<br />

<strong>la</strong> statue <strong>de</strong> Diane, <strong>et</strong> secrètement un navire <strong>les</strong> emporte<br />

à travers l'immensité <strong>de</strong>s mers. Bien <strong>de</strong>s années se sont<br />

écoulées <strong>de</strong>puis, <strong>et</strong> cependant l'admirable attachement<br />

<strong>de</strong> ces jeunes cœurs conserve encore aujourd'hui une<br />

gran<strong>de</strong> renommée dans <strong>la</strong> Scythie. »<br />

Quand il eut raconté ce fait célèbre dans ces contrées,<br />

tous app<strong>la</strong>udirent à c<strong>et</strong>te conduite, à c<strong>et</strong>te pieuse fidélité.<br />

C'est que <strong>sur</strong> ces bords, <strong>les</strong> plus sauvages du mon<strong>de</strong>,<br />

le nom <strong>de</strong> l'amitié touche aussi <strong>les</strong> cœurs <strong>de</strong>s Barbares<br />

eux-mêmes. Que ne <strong>de</strong>vez-vous pas faire, vous, nés dans<br />

<strong>la</strong> capitale <strong>de</strong> l'Ausonie, puisque <strong>les</strong> Gètes farouches sont<br />

sensib<strong>les</strong> à <strong>de</strong> semb<strong>la</strong>b<strong>les</strong> traits? D'ailleurs ton cœur fut<br />

toujours tendre, <strong>et</strong> ta haute naissance se révèle dans ton<br />

caractère. 11 ne serait désavoué ni par Vo<strong>les</strong>us, d'où <strong>de</strong>scend<br />

<strong>la</strong> famille <strong>de</strong> ton père; ni parNuma, ton ancêtre<br />

maternel : ils s'app<strong>la</strong>udiraient d'être alliés par toi à <strong>la</strong>


166 EX P0NTO LIB. III, EPIST. IL (v. 107.)<br />

Adjectique probent genitiva ad nomïoa Cottae,<br />

Si tu non esses, interitura domus.<br />

Digoe vir hac série, <strong>la</strong>pso siïccurrere amico<br />

Coiiveniens istis moribus esse puta.


P0NT1QUES, LIV. III, LETT. IL 167<br />

famille <strong>de</strong>s Col: l a 7 tl o ut sans t o î ! e n on 1 a n li c | u e ail a i t<br />

périr. Digne héritier <strong>de</strong> e<strong>et</strong>le suite* d'aïeux , songe qu'il<br />

sied aux Yertus <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille <strong>de</strong> secourir un ami malheureux.


168 EX PONTO LIB. III, EPIST. III.<br />

EPISTOLA TERTIA,<br />

FABIO MAXIMO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

EîegâBti fictioBe refert, per qui<strong>et</strong>em sibi adpaniisse Cupidmem, <strong>et</strong> a se reprehensom<br />

, quod ma<strong>la</strong>m sibi magistro suo merce<strong>de</strong>m reddidiss<strong>et</strong>, polUcitum,<br />

fore ut Cœsaris ira mitescat. Neque dubiîat po<strong>et</strong>a, quia supplicem ju?are<br />

•dit Fabius.<br />

Si Yacat exigoum profugo dare tempos amico y<br />

O sïdus Fabiae? Maxime, gentis, a<strong>de</strong>s :<br />

Dom tibï quae vidl referara; seu corporis ueibra,<br />

Seu veri species, seu fuit ille sop'or.<br />

Nox erat : <strong>et</strong> bifores intrabat Luna feoestras,<br />

Mense-fere medio quanta nitere sol<strong>et</strong>.<br />

Publica me requies curarum somnus habebat,<br />

Fusaque erant toto <strong>la</strong>eguida membra toro :<br />

Quum subito peimis agïtalus inhorruit aer.<br />

Et gemuit parvo mota fenestra sono.<br />

Territus in cubitum releva mea membra sinistrum,<br />

Pulsus <strong>et</strong> e trepido pectore somnus abit.<br />

Stabat Amor vultu, non quo prius esse solebat,<br />

Fulcra tenens <strong>la</strong>eva trîstis aceraa manu;<br />

Nec torquem collo, nec habens crieale capillis r<br />

Nec bene dispositas comtes f ut ante? comas.


PONTIQUES, UV. 111, LETT. III. 169<br />

LETTRE TROISIÈME.<br />

A FABIUS MAXIME.<br />

ARGUMENT.<br />

C<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre contient l'élégant récit d'un songe où l'Amour apparaît an poète,<br />

qui lui reproche d'awoir donné à son maître un triste sa<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> ses leçons.<br />

L'Amour lui prom<strong>et</strong> que <strong>la</strong> colère <strong>de</strong> César s'apaisera. Le poète ne doute<br />

pas que Fabius n'intercè<strong>de</strong> en sa faYeer.<br />

Si tu peux donner quelques instans à un ami exilé ?<br />

Maxime, astre bril<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille <strong>de</strong>s Fabius, écoutemoi<br />

: je te raconterai ce que j'ai vu, soit que ce fût une<br />

ombre vaine, ou un être réel, ou seulement un songe.<br />

C'était <strong>la</strong> nuit, <strong>et</strong>, à travers <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux battans <strong>de</strong> mes<br />

fenêtres, <strong>la</strong> lune pénétrait bril<strong>la</strong>nte <strong>et</strong> sous <strong>la</strong> forme<br />

qu'elle prend vers le milieu du mois. J'étais plongé dans<br />

le sommeil, le repos commun <strong>de</strong>s soucis, <strong>et</strong> mes membres<br />

étaient <strong>la</strong>nguissamment étendus dans mon lit,<br />

quand tout à coup Fair frémit, agité par <strong>de</strong>s ai<strong>les</strong>, <strong>et</strong><br />

ma fenêtre, légèrement secouée, fit entendre comme un<br />

faible gémissement Effrayé, je me relève, appuyé <strong>sur</strong><br />

le bras gauche; <strong>et</strong> le sommeil s'enfuit, chassé par mes<br />

a<strong>la</strong>rmes. L'Amour était <strong>de</strong>vant moi, mais non sous <strong>les</strong><br />

traits qu'il avait jadis : triste, abattu, sa main gauche<br />

s'appuyait <strong>sur</strong> un bâton d'érable ; il n'avait ni collier<br />

autour du cou, ni réseau <strong>sur</strong> <strong>la</strong> tête; sa chevelure n'était<br />

pas, comme autrefois, disposée avec grâce; ses cheveux


i7o EX PONTO LIB. III, EPIST. IIL (*. 17.)<br />

Horrida pen<strong>de</strong>bant mol<strong>les</strong> super ora capilli ;<br />

Et visa est oculis horrida penna meis.<br />

Qualïs in aeriae tergo sol<strong>et</strong> esse columbae, '<br />

• Tractantum multae .quam t<strong>et</strong>igere manus.<br />

Honc , simul agnovi, eeque eeimjmihi notior alter ,<br />

Talibus adfata est libéra lingua sonis :<br />

O PUER, exsilii <strong>de</strong>cepto causa magistro,<br />

Quem fuit utilius non docuisse mihi !<br />

Hue quoque venistif pax est ubi tempore nullo,<br />

Et coit adstrictis barbarus Ister aquis?<br />

Quae tibi causa viae ? nisi uti ma<strong>la</strong> nostra vi<strong>de</strong>res ?<br />

Quae suat? si nescis, invidiosa tibi.<br />

Tu mihi dictasti juvenilia carmina primus :<br />

Adposui senis? te duce? quinque pe<strong>de</strong>s.<br />

Nec me Maeonio con<strong>sur</strong>gere carminé, nec me<br />

Dicere magnorum passus es acta ducum.<br />

Forsitan exiguasf aliquas tamen, arcus <strong>et</strong> ignis<br />

Ingenii vires comminuere mei.<br />

Namque ego dum canto tua régna, tuaeque parentis?<br />

In nullum mea mens gran<strong>de</strong> vacavit opus. •<br />

Nec satis id fuerat; stultus quoque carmina feci,<br />

Àrtibus ut posses non rudis esse meis ;<br />

Pro quibus exsilium misero mihi reddita merces :<br />

Id quoque in extremis, <strong>et</strong> sine pace, locis.<br />

At non Chioni<strong>de</strong>s Eumolpus in Orphea talis;<br />

lu Phryga nec Satyrum talis Olympus erat :<br />

Praemia nec Chiron ab Achilli talia cepit,<br />

Pythagoraeque fer un t non nocuisse Numam.


PONTIQUES, LIV. III, LETT. III. 171<br />

en désordre pendaient négligemment <strong>sur</strong> son visage ; <strong>et</strong><br />

à mes yeux s'offre une aile hérissée, comme serait le<br />

plumage d'une colombe aérienne que plusieurs mains<br />

auraient froissé. Aussitôt que je feus reconnu, car nul<br />

n'est plus connu <strong>de</strong> moi, ma <strong>la</strong>ngue sans aucune crainte<br />

loi adressa ces mots :<br />

« Enfant, qui, trompant ton maître, as causé son<br />

exil, toi que je n'aurais jamais dû former par mes leçons,<br />

tu es donc venu jusque dans ces lieux où <strong>la</strong> paix ne règne<br />

en aucun temps, dans ces contrées barbares, où <strong>les</strong> g<strong>la</strong>ces<br />

enchaînent <strong>les</strong> on<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l'Ister ! Pourquoi ce voyage, si<br />

ce n'est pour être témoin <strong>de</strong> mes maux? Ces maux, si tu<br />

l'ignores, te ren<strong>de</strong>nt odieux. C'est toi qui d'abord m'inspiras<br />

<strong>de</strong>s vers folâtres; sous tes auspices, j'entremê<strong>la</strong>i<br />

l'hexamètre <strong>et</strong> le vers <strong>de</strong> cinq pieds. Tu ne m'as pas permis<br />

<strong>de</strong> m'élever jusqu'au ton du poète <strong>de</strong> Méonie, ni <strong>de</strong><br />

chanter <strong>les</strong> exploits <strong>de</strong>s grands capitaines. Mon génie<br />

n'avait pas gran<strong>de</strong> vigueur, peut-être; il en avait pourtant:<br />

ton arc <strong>et</strong> ton f<strong>la</strong>mbeau l'ont affaibli ; car pendant<br />

que je chantais ton empire <strong>et</strong> celui <strong>de</strong> ta mère, mon<br />

esprit ne pouvait songer à <strong>de</strong>s œuvres plus relevées. Ce<br />

ne fut pas assez : insensé, j'ai fait d'autres vers encore,<br />

afin que, par mes leçons, tu <strong>de</strong>vinsses plus habile. Voilà,<br />

malheureux que je suis! ce qui m'a valu l'exil pour récompense,<br />

<strong>et</strong> c<strong>et</strong> exil au bout du mon<strong>de</strong>, dans <strong>de</strong>s lieux<br />

d'où <strong>la</strong> paix est bannie! Tel ne fut pas envers Orphée,<br />

Eumolpus, fils <strong>de</strong> Chioné; tel ne fut pas Olympus envers<br />

le Satyre <strong>de</strong> Phrygie ; telle ne fut pas <strong>la</strong> récompense<br />

que Chiron reçut d'Achille, <strong>et</strong> l'on 11e dit pas queNuma<br />

ait persécuté Pythagore. Et, pour ne pas rappeler tous<br />

ces noms choisis dans <strong>la</strong> suite <strong>de</strong>s âges, seul je dois ma


I72 EX PONTO UB. III, EPIST. III. (T. 45.)<br />

Nomina neu referam looguni collecta per aevum,<br />

Discipulo perii solus ab ipse meo.<br />

Dum damus arma tibi, dum te, <strong>la</strong>scive, docemus,<br />

Haec te discipulo doea magister hab<strong>et</strong>.<br />

Scis tamen, ut liquïdo juratus dicere possis,<br />

Non me legitimos sollicitasse toros.<br />

Scripsimus haec istis, quarum nec vitta pudicos<br />

Contiegit criées, nec sto<strong>la</strong> looga pe<strong>de</strong>s.<br />

Die, preeor, ecquando didicisti fallere nuptas ,<br />

Et facere incertum per mea jussa genus?<br />

An sit ab bis omnis rigi<strong>de</strong> submota libellis,<br />

Quam lex furtivos arc<strong>et</strong> faabere viros ?<br />

Quid tamen hoc pro<strong>de</strong>st, v<strong>et</strong>iti si lege severa.<br />

t Credor adulterii composuisse notas ?<br />

At tu, sic habeas ferientes cuncta sagittas;<br />

Sic nun.quam rapido <strong>la</strong>mpa<strong>de</strong>s igné vacent ;<br />

Sic regat imperium, terrasque coerceat omnes<br />

Caesar, ab iEnea qui tibi fratre nepos.;<br />

Efiîce, sit nobis non imp<strong>la</strong>cabilis ira,<br />

Meque loco plecti commodiore velit.<br />

HJEC ego visus eram puero dixisse volucri ;<br />

Hos visus nobis ille dédisse sonos :<br />

PER, mea te<strong>la</strong>, faces, <strong>et</strong> per, mea te<strong>la</strong>, sagittas,<br />

Per matrem juro, Caesareumque caput ;<br />

Nil, nisi concessum, nos' te didicisse magistro9<br />

Artibus <strong>et</strong> nullum crimen- inesse tuis.<br />

Utque hoc, sic utinam <strong>de</strong>fen<strong>de</strong>re c<strong>et</strong>era posses !<br />

Scis aliud, quod te <strong>la</strong>eserit, esse magis.


POETIQUES, L1V. III, LETT. III. 173<br />

perte à mon disciple. Je te donnais <strong>de</strong>s armes, je t'instruisais,<br />

enfant folâtre; <strong>et</strong> voilà le prix que ton maître<br />

reçoit <strong>de</strong> son élève! Tu le sais cependant,-<strong>et</strong> tu pourrais<br />

le jurer avec certitu<strong>de</strong>, jamais je n'essayai <strong>de</strong> troubler<br />

<strong>de</strong> légitimes nœuds. J'ai écrit pour cel<strong>les</strong> dont une ban<strong>de</strong>l<strong>et</strong>te<br />

n'entoure pas <strong>la</strong> chaste chevelure, dont une<br />

longue robe ne couvre point <strong>les</strong> pieds. Dis-moi, je te<br />

prie, quand t 9 ai-je appris par mes leçons à séduire une<br />

épouse f <strong>et</strong> à rendre incertaine l'origine <strong>de</strong>s enfans?<br />

N'ai-je pas rigoureusement interdit mes livres à <strong>toutes</strong><br />

<strong>les</strong> femmes, à qui <strong>la</strong> loi défend un commerce c<strong>la</strong>n<strong>de</strong>stin?<br />

À quoi ce<strong>la</strong> me sert-il pourtant, si Ton m'accuse d'avoir,<br />

dans mes écrits, favorisé' l'adultère que prohibe une loi<br />

sévère? Mais, je t'en supplie, <strong>et</strong> si tu m'exauces, que rien<br />

ne résiste à tes flèches ! que jamais ne s'éteigne le feu<br />

rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> tes torches! que l'empire <strong>et</strong> tout l'univers soumis<br />

obéissent à César, ton neveu , puis'que Enée est ton<br />

frère ! Fais en sorte que sa colère ne soit pas imp<strong>la</strong>cable,<br />

<strong>et</strong> qu'elle me fasse expier ma faute dans un lieu moins<br />

affreux. »<br />

C'est ainsi .que je crus parler à l'enfant ailé; voici <strong>la</strong><br />

réponse que je crus entendre :<br />

ce Par <strong>les</strong> traits que <strong>la</strong>nce mon f<strong>la</strong>mbeau, par <strong>les</strong> traits<br />

que <strong>la</strong>nce mon arc, par ma mère, par <strong>la</strong> tête d'Auguste,<br />

je le jure, tes leçons ne m'ont rien appris que <strong>de</strong> légitime<br />

, <strong>et</strong> dans ton Art il n'est rien <strong>de</strong> coupable. Que ne<br />

peux-tu justifier également tout le reste ! Tu sais qu'il<br />

est un autre grief qui te fut plus funeste. Quel qu'il soit,


i74 EX PONTO LIB. ni, EPIST. III. (v. y3.)<br />

Quidquid id est, neque enim déb<strong>et</strong> dolor ille Yeferri,<br />

Non potes a culpa dicere abesse tua.<br />

Tu lic<strong>et</strong> erroris sub imagine crimen obumbres ,<br />

Non-gravior merito vindicis ira fuit.<br />

Ut tamen adspicerem? conso<strong>la</strong>rerque jacentem?<br />

Lapsa per immensas est mihi penna YÎas.<br />

Haec loca tu m primura vidi, quum matre roga<strong>et</strong>e<br />

Phasias est telis fixa puel<strong>la</strong> meis.<br />

Quae nunc cur iterum post saecu<strong>la</strong> looga revisam , •<br />

Tu facis? o eastris mi<strong>les</strong> amiee meis.<br />

Pone m<strong>et</strong>us îgitur; mitesc<strong>et</strong> Caesaris ira,<br />

Et veni<strong>et</strong> votis mollior hora tuis.<br />

Neve moram timeas? tempus, quod quœrimusf instat;<br />

Cunctaque <strong>la</strong><strong>et</strong>itïae plena triumphus hab<strong>et</strong>.<br />

Dum domus, <strong>et</strong> nati, dum mater Livia gaud<strong>et</strong>;<br />

Dum gau<strong>de</strong>s, patriae magne ducisque pater ;<br />

Dum tibi gratatur populus? totamque per urbem<br />

Omnis odoratis ignibus ara cal<strong>et</strong>;<br />

Dum faci<strong>les</strong> aditus praeb<strong>et</strong> venerabile templum ;<br />

Sperandum nostras posse valere preces.<br />

SDIXIT; <strong>et</strong> aut ille est teoues di<strong>la</strong>psus in auras f<br />

Cœperunt sensus aut vigi<strong>la</strong>re mei.<br />

Si dubitem, quin bis fàveas, o Maxime, dictis,<br />

Memnonio cycnos esse colore putem.<br />

Sed neque mutatur nigra pice <strong>la</strong>cteus humor;<br />

Née, quod erat can<strong>de</strong>us, fit terebinthus, ebur.<br />

Convenieus animo genus est tibi ; nobile eamque<br />

, Pectus <strong>et</strong> Herculeae simplicitatis habes.


PONTIQUES, UV. 111, LETT. III. 175<br />

car je ne .dois pas rappeler ce malheur, tu ne peux te<br />

dire innocent. Quand tu couvrirais ton crime du nom<br />

spécieux d'erreur, <strong>la</strong> colère <strong>de</strong> ton juge ne fut pas trop<br />

sévère. Cependant, pour te voir, pour te consoler dans ta<br />

disgrâce, mes ai<strong>les</strong> ont franchi <strong>de</strong>s routes immenses. J'ai<br />

vu ces lieux pour <strong>la</strong> première fois, quand, à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> ma mère, j'ai percé <strong>de</strong> mes traits <strong>la</strong> jeune fille du<br />

Phase. Si je <strong>les</strong> revois aujourd'hui après tant <strong>de</strong> sièc<strong>les</strong>,<br />

c'est pour toi, l'un <strong>de</strong>s soldats <strong>les</strong> plus chers <strong>de</strong> toute<br />

moo armée. Bannis donc tes craintes ; <strong>la</strong> colère <strong>de</strong> César<br />

s'adoucira, un jour plus heureux viendra combler tes<br />

vœux. Ne redoute pas un long r<strong>et</strong>ard : le temps que<br />

nous désirons approche. Le triomphe du prince répand<br />

<strong>la</strong> joie dans tous <strong>les</strong> lieux. Quand sa famille entière, <strong>et</strong><br />

ses fils, <strong>et</strong> Livie leur mère sont dans l'allégresse; quand<br />

tu es heureux toi*même, père auguste <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie <strong>et</strong> du<br />

triomphateur; quand le peuple te félicite, <strong>et</strong> que dans<br />

toute <strong>la</strong> ville l'encens brûle <strong>sur</strong> <strong>les</strong> autels ; quand le temple<br />

le plus vénéré offre un accès facile, il faut espérer<br />

que nos prières auront quelque pouvoir. »<br />

11 dit, <strong>et</strong> disparut dans <strong>les</strong> airs; ou bien, dans ce moment,<br />

mes sens commencèrent à s'éveiller. Avant <strong>de</strong> douter<br />

que tu n'app<strong>la</strong>udisses à ces paro<strong>les</strong>, Maxime, je croirais<br />

que <strong>les</strong> cygnes sont <strong>de</strong> <strong>la</strong> couleur <strong>de</strong> Memnoo. Mais<br />

non, le <strong>la</strong>it ne* prend pas <strong>la</strong> couleur sombre <strong>de</strong> <strong>la</strong> poix;<br />

<strong>et</strong> l'ivoire éc<strong>la</strong>tant <strong>de</strong> b<strong>la</strong>ncheur ne se change pas en térébiothe.<br />

Ta naissance est digne <strong>de</strong> ton caractère; car<br />

tu as le noble cœur <strong>et</strong> <strong>la</strong>, loyauté d'Hercule. L'envie, ce<br />

vice <strong>de</strong>s lâches, n'entre pas dans une âme élevée, <strong>et</strong>


176 EX PONTO LIB. III, EPIST. III. (1. xoi.)<br />

Livor^ Iners vitium, mores non exit in altos,<br />

Utque <strong>la</strong>tens ima vipera serpit humo.<br />

Mens tua sublimis supra*gênas emin<strong>et</strong> ipsem,<br />

Grandius ingenio «?n tibi nomen inest.<br />

Ergo-'^lii noceant miseris> optentque timeri,<br />

Tinctaque mordaci spicu<strong>la</strong> felle gérant.<br />

At tua supplicibus domus est adsu<strong>et</strong>a juvandis :<br />

In quorum numéro me precor esse velis.


P0NT1QUES, LIV. III, LUT. HI. .17^'<br />

comme <strong>la</strong> vipère, il se cache <strong>et</strong> rampe à terrel Ton grand<br />

cœur l'emporte encore <strong>sur</strong> ta naissance, <strong>et</strong> ton caractère<br />

n'est pas au <strong>de</strong>ssous du 00m que tn portes. Ainsi,<br />

que d'autres tout mentent <strong>les</strong> Fn*,llieikeux <strong>et</strong> se p<strong>la</strong>isent<br />

à se faire craindre, qu'ils s'arment d'un aiguillon trempé<br />

dans un fiel mordant; toi, tu sors d'une famille accoutumée<br />

à protéger <strong>les</strong> supplians» C'est parmi eux. que je<br />

te prie <strong>de</strong> me compter.<br />

x.<br />

12<br />

f


178 EX PONTO LIB. III,.EPIST. IV.<br />

I<br />

EPISTOLA QUARTA.<br />

RUFIWO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Carmen suum <strong>de</strong> trinmpbo Tiberil Illyrico eommendat Rnfino ? quod qui<strong>de</strong>ni<br />

esiguum esse fat<strong>et</strong>ur ; sed temiitate ingenui soi, absentia , exsllil ca<strong>la</strong>mitatîbiis<br />

9 ekgiœ ipsius indole escosandum esse doc<strong>et</strong>. Ad ultimum, alterum<br />

quoque îriumphum <strong>de</strong> Germanis ominatur Tiberio.<br />

Mme tibi non vanam portaotia verba salutem,<br />

Naso Tomïtana mittit ab urbe tuus ;<br />

Utque suo faveas mandat, Rufîoe, triumpho;<br />

In vestras venit si tamen ille manus.<br />

Est opus exiguum, vastisque paratïbus impar,<br />

Quale tamen cumque est, ut tueare rogo.<br />

Firma valent per se, nullumque Machaôea quaeru<strong>et</strong> :<br />

Ad medicam dubïus confugit aeger opem.<br />

Non opus est magnis p<strong>la</strong>ctdo lectore po<strong>et</strong>is :<br />

Quamlib<strong>et</strong> invitum difficilemque tenent.<br />

Nos, quibus iogenium longi minuere <strong>la</strong>bores,<br />

Aut <strong>et</strong>iam nullum forsitan a<strong>et</strong>e fuit,<br />

Viribus înârmi, vestro candore valemus :<br />

Quem mifai si <strong>de</strong>mas, omoia rapta putem.<br />

Cuoctaque quum mea sint propenso nixa favorey<br />

Praecipuum veniae jus hab<strong>et</strong> ille liber.<br />

Spectatum vates alii scripsere triumphum.<br />

Est aliquid memori visa notare manu.


.POETIQUES, L1V. III, LETT. IV. 179<br />

LETTRE QUATRIÈME.<br />

A RUF1N.<br />

ARGUMENT.<br />

ïl recomman<strong>de</strong> i Rnfin son poëme <strong>sur</strong> Se triomphe <strong>de</strong> l'IHyrie. H avoue que son<br />

ouvrage est au <strong>de</strong>ssous du suj<strong>et</strong> ; mais l'affaiblissement <strong>de</strong> son génie , son<br />

éîoignement <strong>de</strong> Rome, <strong>les</strong> malheurs <strong>de</strong> l'exil, <strong>la</strong> nature même <strong>de</strong> l'élégie*<br />

voilà ce qui doit l'excuser. Enfin il prédit à Tibère un second triomphe <strong>sur</strong><br />

<strong>la</strong> Germanie.<br />

Ton Ovi<strong>de</strong> t'envoie <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Tomes ces lignes<br />

qui t'apportent <strong>de</strong>s vœux sincères; il te <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, Bu*<br />

fin, ta faveur pour son triomphe, si toutefois ce poème<br />

est déjà tombé entre tes mains. C'est un travail bien<br />

mo<strong>de</strong>ste, bien au <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> tout c<strong>et</strong> appareil solennel;<br />

cependant, tel qu'il est, je te prie <strong>de</strong> le protéger. La<br />

force se soutient par elle-même <strong>et</strong> n'a pas besoin d'un<br />

Machaon; le ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, dans le danger, a recours à l'ai<strong>de</strong><br />

d'un mé<strong>de</strong>cin. Les grands poètes n'ont pas besoin <strong>de</strong> lecteurs<br />

indulgens, ils captivent <strong>les</strong> plus rebel<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> plus<br />

diffici<strong>les</strong>; pour moi, dont <strong>les</strong> longues souffrances ont<br />

affaibli le génie, ou qui peut-être n'en eus jamais, <strong>la</strong>nguissant<br />

<strong>et</strong> sans force, je ne me soutiens que par votre<br />

bonté. Si tu mê<strong>la</strong> r<strong>et</strong>ires, je croirai que tout m'est ravi;<br />

<strong>et</strong> si tous mes ouvrages réc<strong>la</strong>ment l'appui d'une faveur<br />

bienveil<strong>la</strong>nte, ce livre <strong>sur</strong>tout a droit à l'indulgence.<br />

Les autres poètes furent témoins <strong>de</strong>s triomphes qu'ils<br />

ont décrits : c'est quelque chose, que <strong>la</strong> main soit guidée<br />

par <strong>la</strong> mémoire, <strong>et</strong> r<strong>et</strong>race ce qu'on a vu. Mot, je redis<br />

12.


180 EX PONTO LIB. III, EPIST. IF. (v. 19.)<br />

Nos ea vix avidam vulgo captata per aurera<br />

Scripsimus : atque ocull fama fuere mei.<br />

'Scilic<strong>et</strong> adfectus simi<strong>les</strong>, aut imp<strong>et</strong>us i<strong>de</strong>m,<br />

Rébus ab auditis conspiculsque venit?<br />

Nec oitor argenti, quem vos vidistîs 9 <strong>et</strong> auri,<br />

Quod mihi <strong>de</strong>fuerit, purpuraque il<strong>la</strong> f queror :<br />

Sed loca, sed geotes format» mille figuris<br />

Nutrîsseot carmen, prœliaque ipsa, meum.<br />

Et regum vultus, certissima pignora mentis,<br />

Ju vissent aliqua forsitan illud opus.<br />

P<strong>la</strong>usibus ex ipsis populi, <strong>la</strong><strong>et</strong>oque favore,<br />

Ingenium quodvis incaluisse potest.<br />

Tamque ego sumsissem tali c<strong>la</strong>ogore vigorem,<br />

Quam rudis audita mi<strong>les</strong> ad arma tuba.<br />

Pectora sint nobis nivibus g<strong>la</strong>cieque licebit,<br />

Atque hoc, quem patior, frigidiora loco :<br />

Il<strong>la</strong> ducis faciès, in curru stantis eburno,<br />

Excuter<strong>et</strong> frigus sensibus omne meis,<br />

His ego <strong>de</strong>fectus, diibîisque auctorihus usus,<br />

Ad vestri venio jure favoris opem.<br />

Nec mihi nata ducum, nec sunt mihi nota locorum f<br />

Nomina : materiam vix habuere manus.<br />

Pars quota <strong>de</strong> tantis rébus, quaoi fama referre,<br />

Aut al'iquis nobis scribere poss<strong>et</strong>, erat ?<br />

Quo magis, o lector, <strong>de</strong>bes ignoscere, si quid<br />

Erratum est illic, pra<strong>et</strong>eritumve mihi.<br />

ADDE, quod, adsiduam domini meditata quere<strong>la</strong>m,<br />

Ad <strong>la</strong><strong>et</strong>um carmen vix mea versa lyra est.<br />

Vix bona post tanto quaerenti verba subihant t<br />

Et gau<strong>de</strong>re aliquid, res mihi visa nova est.


• PONTIQUES, LIT. III, LETT. IV. 181<br />

ces bruits publics que mon oreille avi<strong>de</strong> a eu peine à<br />

saisir, <strong>et</strong> je n'ai vu que par <strong>les</strong> yeux <strong>de</strong> <strong>la</strong> renommée. Eh<br />

quoi! <strong>les</strong> impressions, l'enthousiasme sont-ils donc <strong>les</strong><br />

mêmes pour celui qui entend, <strong>et</strong> pour celui qui voit?<br />

C<strong>et</strong> éc<strong>la</strong>t <strong>de</strong> l'argent <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'or, celte pourpre que vous<br />

avez vue, ce n'est point là ce que mes yeux regr<strong>et</strong>tent:<br />

mais le tableau <strong>de</strong>s lieux, mais ces peup<strong>les</strong> représentés<br />

sous mille formes diverses, mais l'image <strong>de</strong>s combats<br />

auraient nourri ma Muse; <strong>et</strong> le visage <strong>de</strong>s rois., car le<br />

visage est l'interprète <strong>de</strong> l'âme, m'aurait sans doute<br />

inspiré pour mon travail. Les app<strong>la</strong>udissemens mêmes<br />

du peuple <strong>et</strong> ses joyeux transports, il n'est pas <strong>de</strong> génie<br />

qu'ils ne puissent échauffer : à ces bruyantes acc<strong>la</strong>ma»<br />

tions, je me serais senti <strong>la</strong> même ar<strong>de</strong>ur que le soldat<br />

novice, au son <strong>de</strong> <strong>la</strong> tromp<strong>et</strong>te guerrière. Mon cœur fût-il<br />

plus froid que <strong>les</strong> neiges, que <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce, que ces lieux<br />

mêmes où je <strong>la</strong>nguis; <strong>la</strong> figure du triomphateur, <strong>de</strong>bout<br />

<strong>sur</strong> son chai*d'ivoire, aurait ranimé mes sens engourdis.<br />

Privé <strong>de</strong> ce spectacle, n'ayant pu recourir qu'à <strong>de</strong>s bruits<br />

incertains, j*ai bien droit d'invoquer l'appui <strong>de</strong> voire<br />

faveur. J'ignorais <strong>les</strong> noms <strong>de</strong>s chefs, <strong>les</strong> noms <strong>de</strong>s lieux;<br />

ma Muse connaissait à peine son suj<strong>et</strong>. Sur ce grand événement,<br />

que pouvait en eff<strong>et</strong> m'apprendre <strong>la</strong> renommée?<br />

que pouvait m'écrire un ami ? Ainsi, cher lecteur,<br />

j'ai droit à ton indulgence, s'il m'est échappé quelque<br />

erreur ou quelque oubli.<br />

D'ailleurs ma .lyre, habituée aux p<strong>la</strong>intes étemel<strong>les</strong><br />

<strong>de</strong> son maître, ne s'est prêtée qu'avec peine aux acceus<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> joie. Après une si longue désuétu<strong>de</strong>, <strong>les</strong> mots heureux<br />

refusaient <strong>de</strong> s'offrir à mon esprit ; <strong>la</strong> joie avait pour


18a EX PONTO LIB. III, EPIST. IV. (•. 49.)<br />

Utque reformidant iosu<strong>et</strong>um lumina solem y<br />

Sic ad lœtitiam mens mea segnis erat.<br />

EST quoque eunctarum novitas carissïma rerum :<br />

Gratiaque offîcio , quod mora tardât , abest.<br />

C<strong>et</strong>era certatïm <strong>de</strong> magno scripta triumpho<br />

Jam pri<strong>de</strong>m populi suspieor ore legi.<br />

11k bibit sitïens , lector mea pocu<strong>la</strong> pleous :<br />

111a recens pota est, eostra tepescit aqua.<br />

Non ego cessavi, nec feeit inertia sérum :<br />

Ultima me vasti sustin<strong>et</strong> ora fr<strong>et</strong>i.<br />

Dum venit hue rumor, properataque carmïea fiunt,<br />

Factaque eunt ad vos, aenus abîsse potest.<br />

Nec minimum refert, intacta rosaria primus,<br />

An sera carpas paene relicta manu.<br />

Quîd inirum, lectis exhausto floribus horto,<br />

Si duce non facta est digna corona suo?<br />

DEPBECOR, haec vatum contra sua carmina ne quis<br />

Dicta put<strong>et</strong> : pro se Musa locuta mea est. t<br />

Sunt mihi vobiscum communia sacra, po<strong>et</strong>ae,<br />

4 In vestro miseris si lic<strong>et</strong> esse ehoro.<br />

Magnaque pars animae mecum vixistis, amici :<br />

Hac ego non absens vos quoque parte colo.<br />

Sint igitur vestro mea commendata favori<br />

Carmina, non possum pro quibus ipse loqui.<br />

Scripta p<strong>la</strong>cent a morte fere : quia <strong>la</strong>e<strong>de</strong>re vïvos<br />

Livor, <strong>et</strong> injuste carpere <strong>de</strong>nte sol<strong>et</strong>.


PONTIQUES, LIV. 111, LETT. IV. iM<br />

moi quelque chose d'étrange : comme <strong>les</strong> yeux peu accoutumés<br />

à <strong>la</strong> lumière redoutent le soleil, <strong>de</strong> même mon<br />

esprit n'osait se livrer à <strong>la</strong> joie.<br />

De plus ? il n'est rien qui. p<strong>la</strong>ise autant que <strong>la</strong> nouveauté;<br />

un hommage trop tardif n'obtient aucune faveur.<br />

Tous <strong>les</strong> vers que d'autres ont écrits à l'envi <strong>sur</strong><br />

ce glorieux triomphe, <strong>de</strong>puis long-temps $ans doute le<br />

peuple <strong>les</strong> a lus : c'était à <strong>de</strong>s lecteurs altérés qu'ils offraient<br />

ce breuvage , <strong>et</strong> <strong>la</strong> coupe que je leur présente <strong>les</strong><br />

trouve rassasiés ; c'était une eau fraîche qu'ils buvaient,<br />

c'est une eau tiè<strong>de</strong> que je leur verse. Je ne suis pas resté<br />

oisif, <strong>la</strong> paresse n'est pas cause <strong>de</strong> mon r<strong>et</strong>ard ; mais<br />

j'habite le rivage le plus reculé du vaste Océan : pendant<br />

que <strong>la</strong> nouvelle arrive en ces lieux, que mes vers<br />

se font à <strong>la</strong> hâte, <strong>et</strong> que mon ouvrage terminé parvient<br />

jusqu'à vous, une année peut s'écouler. Et pourtant il<br />

n'est pas indifférent que votre main soit <strong>la</strong> première<br />

à cueillir <strong>de</strong>s roses encore intactes, ou qu'elle ne trouve<br />

plus, que quelques roses oubliées. Est-il donc étonnant,<br />

quand le parterre est épuisé <strong>de</strong> ses ieurs <strong>les</strong> plus<br />

bel<strong>les</strong>, que je n'aie pas fait une couronne digne <strong>de</strong> mon<br />

héros ?<br />

Qu'aucun poète ne s'imagine qu'ici je veuille critiquer<br />

ses vers ; ma Muse' n'a parlé que pour elle. Poètes,<br />

un culte commun nous unit, si toutefois un malheureux<br />

peut être admis dans vos chœurs. Amis, vous fûtes toujours<br />

pour moi <strong>la</strong> meilleure partie <strong>de</strong> moi-même, <strong>et</strong><br />

mon cœur est encore au milieu <strong>de</strong> vous pour vous aimer.<br />

Qu'il me soit donc permis <strong>de</strong> recomman<strong>de</strong>r mes<br />

vers à votre faveur, puisque moi-même je ne puis parler<br />

pour leur défense- Ce n'est guère qu'après sa mort qu'un<br />

écrivain peut p<strong>la</strong>ire; l'envie s'attaque aux vivans, <strong>et</strong> <strong>les</strong>


i84 EX PONTO LIB. III, EPIST. IV. (v. 7 5.)<br />

Si genus est mortis raale vivere, terra moratur,<br />

Et désu<strong>et</strong> fatis so<strong>la</strong> sep niera mels.<br />

Denique opus nostrae culp<strong>et</strong>ur ut uiidique eur»,<br />

Officiïisn nemo, qui reprehendat, erit.<br />

Ut <strong>de</strong>siot vires, tamen est <strong>la</strong>udanda voluntas :<br />

Hac ego conteotos auguror esse Deos.<br />

Haee facit, ut veniat pauper quoque gratus ad aras,<br />

Et p<strong>la</strong>ceat caeso non minus agna bove.<br />

Res quoque tanta fuit, quant» subsistere summo<br />

Iliados vati gran<strong>de</strong> fuiss<strong>et</strong> oous.<br />

Ferre <strong>et</strong>iam mol<strong>les</strong> elegi tam vasta triumphi<br />

Pondéra disparibus non potuere rôtis.<br />

Quo pe<strong>de</strong> nunc utar, dubïa est senteotia nobïs :<br />

Àlter eiîiiïî <strong>de</strong> te, Rhene, triumphus a<strong>de</strong>st.<br />

Irrita verorum non sunt praesagia vatum :<br />

Danda Jovi <strong>la</strong>urus, dum prior il<strong>la</strong> vir<strong>et</strong>.<br />

Nec mea verba legis, qui sum submotus ad Istrum,<br />

Non bene pacatis flumina pota G<strong>et</strong>is :<br />

Ista Dei vox est : Deus est in pectore nostro :<br />

Haec duee praedico vaticinorque Deo.<br />

Quid cessas currum pompamque parare triumphis,<br />

Livia ? jam nul<strong>la</strong>s dant tibi hel<strong>la</strong> moras.<br />

Perfida damnatas Germaoia projicit hasîas :<br />

Jam pondus dices omen habere meum.<br />

Cre<strong>de</strong>, brevique fi<strong>de</strong>s a<strong>de</strong>rit; geminabit honorem<br />

Filius, <strong>et</strong> junctis, ut prius, ibit equis..<br />

Prome, quod injicias humeris vicioribus, ostrum :<br />

Ipsa potest solitum nosse corona caput.


PONTIQUES, LIV. III, LETT. IV. i85<br />

déchire d'une <strong>de</strong>nt injuste. Si une vie malheureuse est<br />

une sorte <strong>de</strong> mort, je puis dire que <strong>la</strong> terre attend mes<br />

restes, <strong>et</strong> qu'à mon trépas il ne manque que le tombeau.<br />

Enfin, quand <strong>de</strong> <strong>toutes</strong> parts on critiquerait le fruit <strong>de</strong><br />

mon travail, personne ne blâmera• mon zèle. Si j'ai<br />

manqué <strong>de</strong> forces, mon intention du moins mérite <strong>de</strong>s<br />

louanges; <strong>et</strong> l'intention, je le pense, suffit aux dieux.<br />

C'est par elle que le pauvre lui-même est bien venu dans<br />

leurs temp<strong>les</strong>, <strong>et</strong> qu'une brebis immolée leur p<strong>la</strong>ît autant<br />

qu'un taureau. Telle était aussi <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur du suj<strong>et</strong><br />

, que, pour le chantre sublime <strong>de</strong> ïIlia<strong>de</strong>7 c'eût été<br />

un lourd far<strong>de</strong>au à soutenir. Et puis le faible char <strong>de</strong><br />

l'élégie ne pouvait, <strong>sur</strong> ses roues inéga<strong>les</strong>, supporter le<br />

poids énorme d'un tel triomphe.<br />

Je ne sais <strong>de</strong> quelle me<strong>sur</strong>e je vais maintenant me<br />

servir. Ta conquête, fleuve du Rhin^ nous présage un<br />

autre triomphe. Les poètes ne se trompent pas ; leurs<br />

présages se réalisent Jupiter réc<strong>la</strong>me déjà un second<br />

<strong>la</strong>urier, quand le premier est vert encore. Et .ce n'est<br />

pas moi qui te parle, moi, relégué <strong>sur</strong> <strong>les</strong> bords <strong>de</strong> Flster,<br />

<strong>de</strong> ce fleuve que boit le Gète indompté ; c'est <strong>la</strong> voix<br />

d'un dieu : un dieu est dans mon cœur ; c'est un dieu<br />

qui m'inspire l'avenir que je révèle. Pourquoi tar<strong>de</strong>r,<br />

Livie, à préparer le char <strong>et</strong> <strong>la</strong> pompe triomphale? <strong>la</strong><br />

victoire ne te perm<strong>et</strong> plus <strong>de</strong> différer, La perfi<strong>de</strong> Germanie<br />

j<strong>et</strong>te ses armes qu'elle maudit. Bientôt tu conviendras<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité <strong>de</strong> mon présage ; crois-moi, dans<br />

peu l'événement le justifiera : ton fils, dans un second<br />

triomphe, s'avancera <strong>de</strong> nouveau <strong>sur</strong> le char qui le port^<br />

naguère; apprête <strong>la</strong> pourpre pour en revêtir ses épau<strong>les</strong>,<br />

victorieuses; <strong>la</strong> couronne reconnaîtra d'elle-même 1^<br />

tête qu'elle a déjà parée. Que le bouclier, que le casquç


186 EX PONTO LIB. III, EPIST. IV. (?. 10J.)<br />

Scuta, sed <strong>et</strong> gale» gemmis radiealur <strong>et</strong> auro,<br />

Stentque super vinctos trunca troptea viros.<br />

Oppîda turritis eingantur ebumea mûris ;<br />

Fictaque res ¥ero more put<strong>et</strong>ur agi.<br />

Squallidus itiimissos fracta sut arundine crines<br />

Rhenusf <strong>et</strong> infectas sanguine port<strong>et</strong> aquas.<br />

Barbara jam capti poscunt iosigoia reges,<br />

Textaque fortuna divitiora sua.<br />

Et quae pra<strong>et</strong>erea virtus invicta tuorum<br />

Sape parata tibi, saepe paranda facit.<br />

Dî, quorum moeitu sumus eventura locuti,<br />

Verba, precor, céleri nostra probate fi<strong>de</strong>.


PONUQUES, UV. 111, LETT. IV. 187"<br />

rayonnent <strong>de</strong> l'éc<strong>la</strong>t <strong>de</strong> For <strong>et</strong> <strong>de</strong>s pierreries ; qu'au <strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong>s guerriers enchaînés s'élèvent <strong>de</strong>s armes en trophées<br />

; que l'ivoire nous représente <strong>de</strong>s vil<strong>les</strong> ceintes <strong>de</strong><br />

tours <strong>et</strong> <strong>de</strong> remparts ; <strong>et</strong> qu'à <strong>la</strong> vue <strong>de</strong> ces images, nous<br />

croyions voir <strong>la</strong> réalité. Que le Rhin en <strong>de</strong>uil cache,<br />

sons ses roseaux brisés, sa chevelure en désordre, <strong>et</strong><br />

qu'il roule <strong>de</strong>s on<strong>de</strong>s teintes <strong>de</strong> sang. Déjà <strong>les</strong> rois captifs<br />

réc<strong>la</strong>ment <strong>les</strong> insignes <strong>de</strong> leur royauté barbare, <strong>et</strong><br />

ces tissus plus riches que leur fortune présente. Dispose<br />

enfin tout c<strong>et</strong> appareil, que t'a souvent <strong>de</strong>mandé f que<br />

te <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra souvent encore l'indomptable valeur <strong>de</strong> ta<br />

famille. Dieux qui m'inspirez l'avenir que j'ai révélé,<br />

faites que bientôt l'événement justifie mes paro<strong>les</strong> !


188 EX PONTO LIB. 111, EPIST. ¥.<br />

EPISTOLA QUINTA.<br />

MAXIMO COTTJE.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Sobmlssam sibi a Cotta orationem , m jiiclieio eemttmmrali baMfsmï, gratbsimam<br />

fuisse prœdïeat, nique sœpe sttidli sai pignora sibi ùupertkt. precatur.<br />

Mon<strong>et</strong> simul, ni absestîs amici seduS© meminerit ; se saltem Imite<br />

cum voluptate recûrdaii.<br />

QUAM legis, un<strong>de</strong> tïbi mittatur episto<strong>la</strong>, quaeris?<br />

Hinc, ubi caeruleis jungitur Ister aquis.<br />

Ut regio dicta est, succurrere déb<strong>et</strong> <strong>et</strong> auctor,<br />

Laesus ab iogeeio Naso po<strong>et</strong>a suo ;<br />

Qui tibi, quaoi mall<strong>et</strong> praesens adferre salutem f<br />

Mittit ab hirsutis, Maxime Cotta, G<strong>et</strong>is.<br />

Legimus, o juvenis patrii non <strong>de</strong>gener orîs,<br />

Dicta tibi pleoo verba diserta Foro.<br />

Quae, quanqu'am liegua mihi sunt properante per horas<br />

Lecta satis raultas, pauca fuisse queror.<br />

Plura sed haec feci relegendo saepe; nec uoquam<br />

Non mihi, quam primo, grata fuere magis.<br />

Quumque nihil toties lecta e dulcedine perdant f<br />

Viribus il<strong>la</strong> suis, non novitate, p<strong>la</strong>cent.<br />

Felices, quibus haec ipso cognoscere in actu?<br />

Et tam facundo contigit ore frui !<br />

Nam, quanquam sapor es! ad<strong>la</strong>ta dulcis in unda7<br />

Gratius ex ipso fonte bibuntur aquae :


PONTIQUES, LIV. III, LETT. V. 189<br />

LETTRE CINQUIÈME.<br />

A ML IMUS C0TTA.<br />

ARGUMENT.<br />

Cotti <strong>la</strong>i a fait le plus grand p<strong>la</strong>isir en lui envoyant un discours qu'il a<br />

prononcé <strong>de</strong>vant le tribunal <strong>de</strong>s cestumvirs. Le poète le prie <strong>de</strong> loi envoyer<br />

souvent te Irait <strong>de</strong> ses travaux. Il rengage en même temps à se souvenir<br />

i d*un ami absent , <strong>de</strong>nt le plus grand p<strong>la</strong>isir est <strong>de</strong> peiner à lui<br />

To ne sais-d'où te vient <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre que tu lis? elle vient<br />

<strong>de</strong> ces lieux où lister se j<strong>et</strong>te dans Ton<strong>de</strong> azurée <strong>de</strong>s<br />

mers. Au nom du pays, tu dois reconnaître l'auteur9<br />

Ovi<strong>de</strong>, ce poète que son génie a perdu. Ces vœux, qu'il<br />

aimerait mieux t'apporter lui-même f il te <strong>les</strong> envoie,<br />

Cotta, du milieu <strong>de</strong>s Gètes sauvages. Digne héritier <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> parole <strong>de</strong> ton père! j'ai lu c<strong>et</strong> éloquent discours que<br />

tu as prononcé dans le Forum. Quoique, dans une lecture<br />

rapi<strong>de</strong>, j'y aie consacré bien <strong>de</strong>s heures, je me<br />

p<strong>la</strong>ins cependant <strong>de</strong> sa brièv<strong>et</strong>é; mais je l'ai rendu plus<br />

loog enr le relisant souvent, <strong>et</strong> j'y ai toujours trouvé<br />

le même p<strong>la</strong>isir. Quand, après tant <strong>de</strong> lectures, un ouvrage<br />

ne perd rien <strong>de</strong> son-agrément, c'est par son mérite,<br />

<strong>et</strong> non par <strong>la</strong> nouveauté qu'il p<strong>la</strong>ît. Heureux ceux<br />

qui ont pu l'entendre le prononcer toi-même, <strong>et</strong> jouir<br />

d'une voix si éloquente !Em eff<strong>et</strong>, quelque douce que soit<br />

<strong>la</strong> saveur <strong>de</strong> l'eau qu'on nous apporte, il est plus doux<br />

<strong>de</strong> boire à <strong>la</strong> source même; il est plus agréable <strong>de</strong> cueil-


î9« EX'PONTO MB. III, EPIST.V. (*. 19.)<br />

Et magis adducto pomum <strong>de</strong>cerpere ramo,<br />

Quam <strong>de</strong> cae<strong>la</strong>ta sumere <strong>la</strong>nce, juvat.<br />

AT nisi peccassem, nisi me mea Mûsa fugass<strong>et</strong>',<br />

Quod legi, tua^vox exhibuiss<strong>et</strong> opus.<br />

Utque fui solitus, sedissem forsitan unus<br />

De ceolum ju<strong>de</strong>x in tua verba viris.<br />

Major <strong>et</strong> imp<strong>les</strong>s<strong>et</strong> praecordia nostra voluptas,<br />

Quum traherer dictis adnueremque tuis.<br />

Quem quoniam fatum, vobis patriaque relictis ,<br />

Inter inhumanos maluit esse G<strong>et</strong>as :<br />

Quod lic<strong>et</strong>-, ut vi<strong>de</strong>ar tecum magis esse, legendo,<br />

Saepe, precor, studii pignora mitte tui :<br />

Exemploque meo, nisi <strong>de</strong>dignaris id Ipsum 9<br />

Utere : quod nobis rectius ipse dares.<br />

Namque ego, qui perii jam pri<strong>de</strong>m, Maxime, ?obisf<br />

Ingenio nitor non periisse meo.<br />

Red<strong>de</strong> vicem ; nec rara tui monumenta <strong>la</strong>boris<br />

Accipiant eostrae, grata futura, manujs*<br />

Dsc tamen, o juvenis studiorum plene meorum,<br />

Ecquid ab his ipsis admoneare mei?<br />

Ecquid, ubi aut recitas factum modo carmen amicis,<br />

Aut, quod saepe so<strong>les</strong>, exigis ut récitent,<br />

Interdum queritur tua mens, oblita quid absit?<br />

Nescio quid certe sentit abesse sui :<br />

Utque loqui <strong>de</strong> me multum praesente solebas,<br />

Hune quoque Nasonis nomen-in ore tuo est?<br />

Ipse qui<strong>de</strong>m G<strong>et</strong>ico peream vio<strong>la</strong>tus ab arcu,<br />

Et, sit perjuri quam prope pœna, vi<strong>de</strong>s,


PONTIQUES, L1V. III, LETT. V. 191<br />

lir un fruit, en abaissant soi-même <strong>la</strong> branche, que <strong>de</strong><br />

le prendre <strong>sur</strong> un p<strong>la</strong>t ciselé.<br />

Si je n'avais été coupable, si ma Muse ne m'avait<br />

exilé, c<strong>et</strong> ouvrage que j'ai lu, je l'aurais entendu <strong>de</strong> ta<br />

bouche; peut-être même, comme ce<strong>la</strong> m'est arrivé souvent,<br />

choisi parmi <strong>les</strong> centumvirs , aurais-je comme<br />

juge entendu ton discours. Une plus gran<strong>de</strong> joie aurait<br />

rempli mon cœur, quand, entraîné par tes paro<strong>les</strong>, je<br />

l'aurais donné mon suffrage. Puisque le <strong>de</strong>stin a voulu<br />

qu'éloigné <strong>de</strong> vous <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie, je vécusse "parmi <strong>les</strong><br />

Gètes barbares, envoie-moi souvent, je te prie, <strong>les</strong><br />

fruits <strong>de</strong> tes étu<strong>de</strong>s, afin que j'aie le p<strong>la</strong>isir, le seul qui<br />

me soit permis, <strong>de</strong> croire, en te lisant, être plus près <strong>de</strong><br />

toi. Suis mon exemple, si tu ne dédaignes <strong>de</strong> me prendre<br />

pour ton modèle, toi qui serais le mien à plus juste titre.<br />

Je tâche, moi qui <strong>de</strong>puis long-temps ne vis plus pour<br />

vous,Maximus, je tâche <strong>de</strong> vivre encore par mon génie.<br />

Que par un juste r<strong>et</strong>our mes mains reçoivent souvent<br />

aussi <strong>de</strong>s monumens <strong>de</strong> tes travaux; ils me seront toujours<br />

précieux.<br />

Dis-moi cependant, toi qui te nourris <strong>de</strong>s mêmes<br />

étu<strong>de</strong>s que moi, ces étu<strong>de</strong>s mêmes me rappellent-el<strong>les</strong> à<br />

ton souvenir? Quand tu lis à tes amis <strong>de</strong>s vers que tu<br />

viens d'achever, ou, ce qui t'arrive souvent, quand tu<br />

leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s d'en lire, ton cœur se p<strong>la</strong>int-il quelquefois,<br />

ne sachant ce qui lui manque? Oh ! sans doute, il<br />

sent qu'il lui manque quelque chose. Toi qui si souvent<br />

par<strong>la</strong>is <strong>de</strong> moi en ma présence, maintenant le nom<br />

d'Ovi<strong>de</strong> sort-il encore <strong>de</strong> ta bouche? Pour moi, puïssé-je<br />

périr victime <strong>de</strong> l'arc <strong>de</strong>s Gètes, <strong>et</strong> tii sais combien ce<br />

châtiment pourrait suivre <strong>de</strong> près mon parjure, si, tout


191 EX PONT0 LÏB. III, EPIST. V. (T. 47.)<br />

Tfc nisi mom<strong>et</strong>itis vi<strong>de</strong>o paene omnibus abseiM :<br />

Gratia Dîs, menti quolib<strong>et</strong> ire liceL<br />

Hac ubi perveni, nulli cernendus, in urbemy<br />

Saepe loquor tecum, saepe loquente fruor.<br />

Tum, mihi difficile est,, quam sit bene? dicere; quamque<br />

Candida judiciis hora sit il<strong>la</strong> meis.<br />

Tum me ? si qua fi<strong>de</strong>s, cœ<strong>les</strong>ti se<strong>de</strong> receptum,<br />

Cum fortunatis suspicor esse Beis.<br />

Rursus, ut hue redii f cœlutu Superosque relinquo;<br />

A Styge nec longe Pootica distat humus.<br />

Uo<strong>de</strong> ego si fato nitor prohibente reverti,<br />

Spem sine profectti, Maxime, toile mtbi.


PONTIQUES, UV. lU, LETT. V. ig3<br />

absent que je suis, je ne te vois presque à tous <strong>les</strong> instans.<br />

Grâces aux dieux, l'esprit peut aller où il veut ;<br />

quand par lui j'arrive invisible au milieu <strong>de</strong> Romef souvent<br />

je parle avec toi, souvent je t'entends parler. J'aurais<br />

peine à dire combien je jouis alors, combien ces<br />

momens sont doux à ma pensée. Alors, tu peux m'en<br />

croire, il me semble qu'admis dans le cé<strong>les</strong>te séjour, je<br />

converse avec <strong>les</strong> heureux habitans du ciel. Puis, quand<br />

je me r<strong>et</strong>rouve ici, j'ai quitté le ciel <strong>et</strong> <strong>les</strong> dieux; <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />

terre du Pont est bien voisine du Styx. Si c'est contre là<br />

volonté du <strong>de</strong>stin que j'essaie d'en sortir, Maxime, délivre-moi<br />

d'un espoir inutile.<br />

x.<br />

i3


IQ4 EX PONTO L1B. 111, EPIST. VI.<br />

EPISTOLA SEXTA.<br />

AMICORÏÏM CUIDiM.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Amico, qui nominari a po<strong>et</strong>a noîuerat, ostendit, êam reverealitm in Augustem<br />

, cojiis clementiâ sit noîissima 9 inirldiosam esse ; vel apertê tutus v Tel<br />

<strong>la</strong>tenter saltem ut exsulem am<strong>et</strong>, hortatar.<br />

NASO SUO? oomen posuït cui paeoe? sodali<br />

Mittit ab Euxinis hoc brève carmen aqois.<br />

Atf si cauta parum scrïpsiss<strong>et</strong> <strong>de</strong>xtra, quis esses,<br />

Forsitan officlo parta qoere<strong>la</strong> for<strong>et</strong>.<br />

Cor tamen, hoc alïis tutum cre<strong>de</strong>ntibus, umis,<br />

Adpellent ne te carraina nostra, rogas ?<br />

Quanta sït in média clementiâ Caesaris ira?<br />

Ex me 5 si nescis? certior esse poîes.<br />

Huic ego, quam patior, nil possem <strong>de</strong>mere pœnaef<br />

Si ju<strong>de</strong>x meriti cqgerer esse mei.<br />

Non v<strong>et</strong>at ille sui quemqoam meminisse sodalisf<br />

Nec prohib<strong>et</strong> tibi me scribere? teque mihi.<br />

Nec scelus admittas? si consoleris amicum,<br />

Mollibus <strong>et</strong> verbis aspera fata levés.<br />

Cur, dum tuta times, facis ut reverentia talis<br />

Fiat in Augustos invidiosa Deos ?<br />

FuLMiNis adf<strong>la</strong>tos interdum vivere telis<br />

Vidimus? <strong>et</strong>'refici, non prohibante Jove :


PONTÏQUES, LIV. in, LETT. VI. 195<br />

LETTRE SIXIEME.<br />

A UH DE SES AMIS.<br />

ARGUMENT.<br />

Le poète prouve à îID <strong>de</strong> ses amis qui n'avait pas voulu être nommé dans ses<br />

vers, que c<strong>et</strong>te crainte j<strong>et</strong>te <strong>de</strong> l'odieux <strong>sur</strong> Auguste, dont <strong>la</strong> clémence est<br />

assez connue. Il l'engage à aimer l'exilé ouvertement <strong>et</strong> sans rien craindre,<br />

ou, du moins, en secr<strong>et</strong>.<br />

C'EST Ovi<strong>de</strong> qui envoie <strong>de</strong>s bords <strong>de</strong> l'Euxin c<strong>et</strong>te<br />

courte épître à son ami qu'il a failli nommer. Mais si sa<br />

main peu discrète avait écrit ton nom, peut-être ce témoignage<br />

d'amitié aurait-il excité tes p<strong>la</strong>intes. Et pourtant,<br />

quand d'autres n'y Yoient aucun danger, pourquoi seul<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s-tu que mes vers ne te nomment pas? Je puis<br />

l'apprendre, si tu l'ignores, combien, dans sa colère,<br />

César a <strong>de</strong> clémence. Moi-même je ne pourrais rien ôter<br />

au châtiment que je subis, si j'étais forcé d'être juge dans<br />

ma propre cause. César ne défend pas qu'on se souvienne<br />

d'un ami; il n'empêche pas que je reçoive <strong>de</strong> tes<br />

l<strong>et</strong>tres, <strong>et</strong> toi <strong>de</strong>s miennes. Ce ne serait pas un crime<br />

pour toi5 <strong>de</strong> consoler un ami, <strong>de</strong> sou<strong>la</strong>ger par <strong>de</strong> douces<br />

paro<strong>les</strong> sa cruelle <strong>de</strong>stinée. Pourquoi, redoutant ce qui<br />

n'est pas dangereux, viens-tu, par tes craintes, j<strong>et</strong>er <strong>de</strong><br />

l'odieux <strong>sur</strong> d'augustes divinités ?<br />

Nous avons vu parfois <strong>de</strong>s hommes atteints <strong>de</strong> <strong>la</strong> foudre,<br />

se ranimer, être rappelés à <strong>la</strong> vie, sans que Jupi-<br />

J3.


196 EX PONTO LIB. III, EPIST. VI. ( v - "9-)<br />

Nec, quia Neptunus navcm <strong>la</strong>cerarat Ulyssis f<br />

Leucothee nanti ferre negavit opemf<br />

Cre<strong>de</strong> mihi, raiseris cœ<strong>les</strong>tia numina parcu<strong>et</strong>,<br />

Nec semper <strong>la</strong>esos <strong>et</strong> sine fine premont.<br />

Principe nec nostro Deus est mo<strong>de</strong>ratior ullus :<br />

Justitia vires tempérât ille suas.<br />

Nuper eam Caesar? facto <strong>de</strong> marmore templo,<br />

Jampri<strong>de</strong>m posuit mentis in œ<strong>de</strong> suae.<br />

Juppiter in multos temeraria fulmina torqu<strong>et</strong>,<br />

Qui pœnam culpa non meruere pari.<br />

Obruerit saevis quuin tôt Deus aequorts undis,<br />

Ex illis mergi pars quota digna fuit?<br />

Quum pereant acie fortissima quaequef sub ipso<br />

Judice, <strong>de</strong>lectus Martis iniquus erit.<br />

At, si forte velis in nos inquirere, nemo est<br />

Qui se9 quod patitur, commeruisse neg<strong>et</strong>.<br />

Ad<strong>de</strong>, quod exstinctos vel aqua , vel Marte, vel igni,<br />

Nul<strong>la</strong> potest iterum restituisse dies.<br />

Restituit multos, aut pœnae parte levavit<br />

Caesar; <strong>et</strong>, in raultis me velit esse? precor.<br />

AN tu, quum tali populus sub principe .simus,<br />

Adloquio profugi credisf inesse m<strong>et</strong>um?<br />

Forsitan haec domino Busiri<strong>de</strong> jure timeresf<br />

Aut solito c<strong>la</strong>usos urere in aère viros.<br />

Desine miteni animum vano infamare timoré :<br />

Saeva quid in p<strong>la</strong>cidis saxa vereris aquis?<br />

Ipse egof quod primo scripsi sine nomine vobis,<br />

Vix excusari posse mihi vi<strong>de</strong>or.<br />

Sed pavor adtonito' rationis a<strong>de</strong>merat usum ;<br />

Cesserat omne novis consiliumque malis.


PONTIQUES, LIV. III, LETT. VI. 197<br />

ter s'y opposât. Quand Neptune eut brisé le vaisseau<br />

d'Ulysse, Leucothée ne refusa pas <strong>de</strong> le secourir dans<br />

son naufrage. Crois-moi, <strong>les</strong> divinités du ciel épargnent<br />

<strong>les</strong> malheureux, el<strong>les</strong> ne <strong>les</strong> persécutent pas toujours,<br />

el<strong>les</strong> ne <strong>les</strong> accablent pas sans relâche. Or, il n'est pas<br />

<strong>de</strong> dieu plus modéré que notre prince ; il sait tempérer<br />

sa puissance par <strong>la</strong> justice; il vient <strong>de</strong> lui élever un<br />

temple <strong>de</strong> marbre, <strong>de</strong>puis long-temps elle en avait un<br />

dans son cœur. Souvent Jupiter <strong>la</strong>nce sa foudre au hasard,<br />

<strong>et</strong> ceux qu'elle frappe ne sont pas tous également<br />

coupab<strong>les</strong>. De tous ceux que le dieu <strong>de</strong>s mers engloutit<br />

dans ses on<strong>de</strong>s cruel<strong>les</strong>, combien peu méritent <strong>de</strong> périr<br />

dans lès flots ! Les plus braves succombent dans <strong>les</strong> batail<strong>les</strong>,<br />

<strong>et</strong> le dieu Mars , j'en appelle à son propre jugement,<br />

est souvent injuste dans le choix <strong>de</strong> ses victimes.<br />

Mais nous, que César a condamnés, si tu nous interroges<br />

nous-mêmes, tous nous avouerons que nous avons<br />

mérité notre châtiment. Je dirai plus : pour <strong>les</strong> victimes<br />

. <strong>de</strong> Mars, ou <strong>de</strong>s on<strong>de</strong>s, ou <strong>de</strong>s feux cé<strong>les</strong>tes, il n'est plus<br />

d'espoir <strong>de</strong> salut ; <strong>et</strong> plusieurs d'entre nous doivent à<br />

* César leur grâce ou le sou<strong>la</strong>gement <strong>de</strong> leur peine. Fasse<br />

le ciel que j'augmente ce nombre !<br />

Tel est le prince dont nous sommes <strong>les</strong> suj<strong>et</strong>s, <strong>et</strong> tu<br />

crois t'exposer en conversant avec un proscrit? Tes<br />

craintes seraient fondées, peut-être, sous l'empire d'un<br />

Busiris ou du tyran qui brû<strong>la</strong>it ses victimes dans un taureau<br />

d'airain. Cesse <strong>de</strong> calomnier un cœur compatissant<br />

par tes vaines terreurs ; pourquoi redouter d'affreux<br />

écueils au milieu d'une on<strong>de</strong> paisible? Moi-même je me<br />

trouve à peine excusable <strong>de</strong> vous avoir écrit d'abord <strong>de</strong>s<br />

l<strong>et</strong>tres sans nom; mais, dans ma stupeur, l'effroi m'avait<br />

ôté l'usage <strong>de</strong> ma raison, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te disgrâce soudaine avait


198 EX PONTO LIB. III, EPIST. VI. (v. 49-)<br />

Fortunamque meam m<strong>et</strong>uensf non vindicis iram9<br />

Terrebar titulo nominis ipse mei.<br />

Hact'enus admonitus memori concè<strong>de</strong> po<strong>et</strong>ae,<br />

Ponat ut in chartis nomioa cara suis.<br />

Turpe erit ambobus, longo milii proximus usu,<br />

Si nul <strong>la</strong> libri parte legare mei.<br />

Ne tamen iste m<strong>et</strong>us somoos tibi nimpere possit,<br />

Non ultra, quam vis, officiosus ero :<br />

Teque tegam? qui sis, nisi quum permiseris ipse.<br />

Cog<strong>et</strong>ur nemo munus habere meum.<br />

Tu modo, quem poteras vel aperte tutus amare?<br />

Si res est anceps ista, <strong>la</strong>tenter ama.


PONTIQUES, LIV. in, LETT. VI. 199<br />

anéanti mon âme. Redoutant ma fortune, <strong>et</strong> non <strong>la</strong> co-.<br />

1ère <strong>de</strong> mon juge, mon nom m'effrayait moi-même en<br />

tête <strong>de</strong> mes l<strong>et</strong>tres. Ras<strong>sur</strong>é désormais ] perm<strong>et</strong>s à un<br />

poète reconnaissant <strong>de</strong> p<strong>la</strong>cer dans ses vers <strong>de</strong>s noms<br />

qu'il chérit. Ce serait une honte pour tous <strong>de</strong>ux, si,<br />

malgré notre longue intimité, tu ne paraissais jamais<br />

dans mon livre. Que c<strong>et</strong>te crainte pourtant ne trouble<br />

pas ton sommeil ; mon amitié n'ira pas plus loin que tu<br />

ne voudras: je tairai ton nom, jusqu'à ce que tu m'aies<br />

permis <strong>de</strong> le direr Je ne forcerai personne d'accepter<br />

mes hommages. Tu pourrais sans crainte m'aimer ouvertement;<br />

mais si tu y vois du danger, ne cesse pas du<br />

moins <strong>de</strong> m'aimer en secr<strong>et</strong>.


no© EX PONTO LIB. III, EPIST. VIL<br />

EPISTOLA SEPTIMA.<br />

AMICIS.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Amico <strong>et</strong> iixorem timidi<strong>la</strong>tis iosimiîîatj seque, abjecta spe re<strong>de</strong>iindi, fortiter<br />

G<strong>et</strong>icis in finibus nioriturum profit<strong>et</strong>ur.<br />

VERS A mihi <strong>de</strong>sunt ea<strong>de</strong>m tam saepe rogantif<br />

Jamque pud<strong>et</strong> vanas fine carere preces.<br />

Taedia consimili fieri <strong>de</strong> carminé vobis,<br />

Quidque p<strong>et</strong>ani, conctos edidicisse reor.<br />

Nostra qoïd adport<strong>et</strong> jam nostis episto<strong>la</strong>, quamvis<br />

Charta sit a vinclis non <strong>la</strong>befa<strong>et</strong>a suis.<br />

Ergo mut<strong>et</strong>ur scripti senteotia nostri,<br />

Ne toties contra, quam rapit amois, eam.<br />

Quod bene <strong>de</strong> vobis speravi, ignoscite? amici :<br />

Talia peccaodi jam mihi finis erit.<br />

Nec gravis uxori dicar : quae scilic<strong>et</strong> in me<br />

Quam proba? tam timida est, experiensque parum.<br />

Haec quoque, Naso, feres; <strong>et</strong>enim pejora tulisti :<br />

Jam tibi sentiri sarcina nul<strong>la</strong> potesL<br />

Ductus ab armento taurus d<strong>et</strong>rectat aratram ;<br />

Subtrahit <strong>et</strong> duro col<strong>la</strong> novel<strong>la</strong> jugo.<br />

Nos? quibus adsuevit fatum cru<strong>de</strong>liter uti,<br />

Ad ma<strong>la</strong> jam pri<strong>de</strong>m non sumus ul<strong>la</strong> ru<strong>de</strong>s.<br />

Venimus in G<strong>et</strong>icos fines; moriamur in illis,<br />

Parcaque ad extremum, qua mea cœpit? eat. '


PONTIQUES, LIV. III, LETT. VIL 201<br />

LETTRE SEPTIÈME.<br />

A SES AMIS.<br />

ARGUMENT.<br />

ÎS accuse <strong>de</strong> îimidité ses amis <strong>et</strong> sa femme ; <strong>et</strong>, renonçant à tout espoir <strong>de</strong><br />

r<strong>et</strong>our, il as<strong>sur</strong>e qu'il mourra courageusement dans le pays <strong>de</strong>s Gètes.<br />

LES paro<strong>les</strong> me manquent pour une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> tant <strong>de</strong><br />

fois répétée ; j'ai honte enfin <strong>de</strong> renouveler sans cesse<br />

<strong>de</strong>s prières inuti<strong>les</strong>. Et vous, sans doute vous lisez avec<br />

eonui <strong>de</strong>s vers qui se ressemblent tous, <strong>et</strong> vous connaissez<br />

d'avance ce que je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Vous savez ce que contient<br />

ma l<strong>et</strong>tre, avant d'avoir détaché <strong>les</strong> liens qui l'entourent.<br />

Je vais donc changer le suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> mes vers, pour<br />

ne pas aller toujours contre le courant du fleuve. Pardonnez,<br />

mes amis, si j'ai trop compté <strong>sur</strong> vous :_c'est<br />

une faute dans <strong>la</strong>quelle je ne r<strong>et</strong>omberai plus. On ne<br />

dira plus que j'importune mon épouse : autant elle est<br />

fidèle à son mari, autant elle est timi<strong>de</strong> <strong>et</strong> peu entreprenante.<br />

Tu supporteras encore ce malheur, Ovi<strong>de</strong>,<br />

car tu en as supporté <strong>de</strong> plus grands : désormais aucun<br />

far<strong>de</strong>au ne saurait t'accabler. Le taureau, nouvellement<br />

séparé du troupeau, refuse <strong>de</strong> traîner <strong>la</strong> charrue, <strong>et</strong><br />

dérobe au joug pesant sa tête novice: pour moi, que le<br />

<strong>de</strong>stin s'est accoutumé à persécuter, <strong>de</strong>puis long-temps<br />

il n'est plus <strong>de</strong> maux qui me soient nouveaux. Je suis<br />

venu <strong>sur</strong> <strong>les</strong> rives <strong>de</strong>s Gètes; il faut que j'y meure,<br />

<strong>et</strong> que <strong>la</strong> Parque achève ma <strong>de</strong>stinée, comme elle Ta


aoa " EX P0NT0 L1B. III, EPIST. VIL (?. ai.)'<br />

Spem jov<strong>et</strong> amplectif quae oon juvat irrita semper;<br />

Et, fieri cupias, si qua futura putes.<br />

Proximos huie gradus est, bene <strong>de</strong>sperare salutem,<br />

Seque semel vera scire périsse fi<strong>de</strong>.<br />

CURAHDO fieri quaedam majora vi<strong>de</strong>mus<br />

Vulnera, quae melius «on t<strong>et</strong>igïsse fuit.<br />

Mitius ille périt, subita qui mergitur unda,<br />

Quam sua qui tu midis brachia <strong>la</strong>ssât aquis.<br />

Cur ego coocepi Scytliicis me posse carere<br />

Finibus, <strong>et</strong> terra prosperiore frui ?<br />

Cur'aliquid <strong>de</strong> me speravi lenius unquam?<br />

An fortuna mihi sic mea nota fuit ?<br />

Torqueor en gravius; rep<strong>et</strong>itaque forma locorum<br />

Exsilium rénovât triste, recensque facit.<br />

Est tamen utilius, studium cessasse meorum,<br />

Quam, quas admorint, non valuisse preces.<br />

Magna qui<strong>de</strong>m res est, quam non aud<strong>et</strong>is, amici :<br />

Sed si quis p<strong>et</strong>er<strong>et</strong>, qui dare vell<strong>et</strong>, erat.<br />

Dummodo non vobis hoc Caesaris ira negarit,<br />

Fortiter Euxinis immoriemur aquis.


POETIQUES, LIV. III, LETT. VIL io3<br />

commencée. Qu'ils se livrent à l'espérance, ceux que l'espérance<br />

ne f<strong>la</strong>tte pas toujours en vain ; qu'ils fassent <strong>de</strong>s<br />

vœux, ceux qui comptent <strong>sur</strong> l'avenir. Le mieux, après<br />

ce<strong>la</strong>, c'est <strong>de</strong> désespérer à propos, <strong>et</strong> <strong>de</strong> reconnaître<br />

franchement qu'on est perdu sans ressource.<br />

Nous voyons quelquefois <strong>les</strong> remè<strong>de</strong>s envenimer <strong>de</strong>s<br />

b<strong>les</strong><strong>sur</strong>es, auxquel<strong>les</strong> il eût mieux valu ne pas toucher.<br />

La mort est plus douce pour celui que Fon<strong>de</strong> engloutit<br />

tout à coup, que pour celui dont <strong>les</strong> bras s'épuisent en<br />

efforts contre <strong>les</strong> flots soulevés. Pourquoi me suis-je imaginé<br />

que je,pourrais quitter un jour <strong>les</strong> bords <strong>de</strong> <strong>la</strong> Scythie,<br />

<strong>et</strong> obtenir un séjour plus heureux? Pourquoi ai-je<br />

jamais espéré un adoucissement à mes maux? Pouvais-je<br />

ainsi méconnaître ma fortune? mes tourmens en <strong>de</strong>viennent<br />

plus cruels; <strong>et</strong> l'aspect <strong>de</strong> ces lieux où se reporte<br />

mon souvenir, renouvelle mes douleurs <strong>et</strong> recommence<br />

mon exil. Cependant le défaut <strong>de</strong> zèle <strong>de</strong> mes<br />

amis m'est encore moins funeste que ne l'eût été l'inefficacité<br />

<strong>de</strong> leurs prières. Oui, elle est difficile, <strong>la</strong> cause<br />

dont vous n'osez vous charger, mes amis; mais, si l'on<br />

<strong>de</strong>mandait, il y aurait une volonté disposée à accor<strong>de</strong>r.<br />

Pourvu que <strong>la</strong> colère <strong>de</strong> César ne vous ait pas répondu<br />

par un refus, je mourrai courageusement <strong>sur</strong> <strong>les</strong> bords<br />

<strong>de</strong> l'Euxin.


2o4 EX PONTO MB. III, EPIST. VIII.<br />

EPISTOLA OCTAVA.<br />

MAXIMO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Phareiram telis gravidam Masimo miltit, imicum quod Scythica telîus obferat<br />

mil eus ; quoei ut boni conso<strong>la</strong>i, rogal,<br />

Qum tibï, qoaerebam ? memorem testaotia curam,<br />

Doua Tomitanus mittere poss<strong>et</strong> ager.<br />

Digous es argento, fulvo quoque digoior auro :<br />

Sed te, quum donas, ista juvare. soient.<br />

Nec îameo haec loca sunt ullo pr<strong>et</strong>iosa métallo :<br />

Hostis ab agriço<strong>la</strong> vix sioit il<strong>la</strong> fodi.<br />

Purpura saepe tuos fulgeos pra<strong>et</strong>exit amictus;<br />

Sed non Sarmatica lingitur il<strong>la</strong> manu.<br />

Vellera dura ferunt pecu<strong>de</strong>s, <strong>et</strong> Pal<strong>la</strong>dis uti<br />

Arte Tomitanœ non didicere nurus.<br />

Femina pro <strong>la</strong>na Cerealia munera frangit,<br />

Subpositoque gravem vertice portât aquam.<br />

Non hic pampineis amicitur vitibus ulmus :<br />

Nul<strong>la</strong> premunt ramos poo<strong>de</strong>re pooia suo.<br />

Tristia déformes pariunt absinthia campi,<br />

Terraque <strong>de</strong> fructu quam sit amara doc<strong>et</strong>.<br />

Nil igitur tota Ponii regione sioistri, "<br />

Quod mea sedulitas mittere poss<strong>et</strong>, erat.<br />

C<strong>la</strong>usa tameo misi Scythica tibi te<strong>la</strong> phar<strong>et</strong>ra :<br />

Hoste, precor, fiant il<strong>la</strong> cruenta tuo.


* PONT1QUES, LIV. IIÏ, LETT. VIII. ao5<br />

LETTRE HUITIÈME.<br />

A MAXIME. '<br />

ARGUMENT.<br />

Il enfuie à Maxime un carquois rempli <strong>de</strong> traits : c'est le seul présent que<br />

puisse lui fournir <strong>la</strong> terre <strong>de</strong> Scythie. Il le prie d'agréer son offran<strong>de</strong>.<br />

JE cherchais quel présent pourraient t'envoyer <strong>les</strong><br />

champs <strong>de</strong> Tomesf pour te prouver mon tendre souvenir.<br />

De l'argent serait digne <strong>de</strong> toi, <strong>de</strong> for plus digne<br />

encore ; mais c'est pour <strong>les</strong> donner que tu aimes ces richesses<br />

: d'ailleurs on n'extrait <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre aucun métal<br />

précieux; à peine si l'ennemi perm<strong>et</strong> au <strong>la</strong>boureur<br />

d'y creuser <strong>de</strong>s sillons. Souvent une bordure <strong>de</strong> pourpre<br />

brille <strong>sur</strong> tes vêtemens ; mais <strong>la</strong> main <strong>de</strong>s Sarmates ne<br />

sait pas teindre <strong>la</strong> pourpre. Les troupeaux n'y portent<br />

que <strong>de</strong> ru<strong>de</strong>s toisons, <strong>et</strong> <strong>les</strong> femmes <strong>de</strong> Tomes n'ont pas<br />

appris l'art <strong>de</strong> Pal<strong>la</strong>s: au lieu <strong>de</strong> travailler <strong>la</strong> <strong>la</strong>ine 7 <strong>les</strong><br />

femmes broient <strong>les</strong> dons <strong>de</strong> Cérèsf <strong>et</strong> portent <strong>sur</strong> leur<br />

têle fatiguée une on<strong>de</strong> pesante. Ici l'ormeau n'est pas<br />

revêtu du pampre <strong>de</strong> <strong>la</strong> vigne.; on ne voit pas <strong>les</strong> branches<br />

affaissées sous le poids <strong>de</strong>s fruits. Ici <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ines<br />

hi<strong>de</strong>uses ne produisent que <strong>la</strong> triste absinthe, <strong>et</strong> <strong>la</strong> terre<br />

par ses fruits prouve combien elle est amère. Ainsi dans<br />

toute c<strong>et</strong>te contrée, à <strong>la</strong> gauche <strong>de</strong> l'Euxin, mon amitié<br />

empressée ne trouve rien à t'envoyer. Je t'envoie cependant<br />

<strong>de</strong>s traits enfermés dans un carquois <strong>de</strong> Scythie:<br />

puissent-ils s'abreuver du sang <strong>de</strong> tes ennemis!- Voilà <strong>les</strong>


a©6 EX PONTO LIB. III, EPIST. VIII. (v. ai.)<br />

Hos hab<strong>et</strong> haec ca<strong>la</strong>mos, hos haec hab<strong>et</strong> ora libellos :<br />

Haec vig<strong>et</strong> in nostris, Maxime, Musa locis.<br />

Quae quanquam misisse pud<strong>et</strong>, quia parva vi<strong>de</strong>ntur,<br />

Tu tameo haec, quaeso f coosule missa boni.


FONTIQUES, LIV. III, LETT. VIII. 207<br />

.plomes<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te contrée, voilà ses livres ; voilà, Maxime?<br />

<strong>la</strong> Muse qui règne dans ces lieux. J'ai lionte <strong>de</strong> t'envoyer<br />

<strong>de</strong>s présens qui paraissent <strong>de</strong> si peu <strong>de</strong> valeur ; je te prie<br />

cependant d'agréer mon offran<strong>de</strong>.


2o8 EX PONTO LIB. III, EPIST. IX.<br />

EPISTOLA NONA.<br />

BRUTO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Qeerenti Bruto, quod hœc c cai carmina in eo<strong>de</strong>m Tersentur argumenîo, neque<br />

slnt satis correcta, respond<strong>et</strong>, _ on<strong>de</strong>! se trisîem cancre trisîia, famamqtie ©péris<br />

sibi viliorem esse sainte sua.<br />

QUOD sit in fais ea<strong>de</strong>m sententia, Brute, libellis,<br />

Carmina nescio quem carpere nostra refers :<br />

Nil, nisi, me, terra fruar ut propiore, rogare;v<br />

Et, quam sim <strong>de</strong>oso cinctus ab hoste , queri.<br />

O quam <strong>de</strong> multis Yitïum reprefaeoditur unum!<br />

Hoc peccat solum si mea Musa, bene est.<br />

Ipse ego librorum vi<strong>de</strong>o <strong>de</strong>licta meorum,<br />

Quum sua plus justo carmina quisque prob<strong>et</strong>.<br />

Àuctor opus <strong>la</strong>udat : sic forsitan Agrius olim<br />

Thersiten facie dixerit esse bona.<br />

Judicium tamen hic nostrum non <strong>de</strong>cipit error;<br />

. Nec, quïdquid genui, protinus illud amo.<br />

CUR igitur, si me vi<strong>de</strong>am <strong>de</strong>linquere, peccem ?<br />

Et patiar scripto cri m en inesse? rogas.<br />

Non ea<strong>de</strong>m ratio est, senlire <strong>et</strong> <strong>de</strong>mere môrbos :<br />

Sensus inest cunctis; tollitur arte malum.<br />

Saepe aliquod cupiens verbum mutare, relinquo;<br />

Judicium vires <strong>de</strong>stituuntque meum.


PONTIQUES, LIV. m, LETT. IX. 209<br />

LETTRE NEUVIÈME.<br />

A BitUTUS.<br />

ARGUMENT.<br />

Brulns se p<strong>la</strong>ignait <strong>de</strong> ce que <strong>les</strong> vers <strong>de</strong> son ami «primaient toujours Sa même<br />

pensée, <strong>et</strong> manquaient <strong>de</strong> correction ; le poète répond que, dans sa tristesse,<br />

ses access sont nécessiiirement tristes, <strong>et</strong> que sa me lui est plus précieuse<br />

que <strong>la</strong> réputation <strong>de</strong> ses ouvrages.<br />

Tu me man<strong>de</strong>s, Brutusf que mes vers sont critiqués<br />

par je ne sais quel censeur, parce que mes l<strong>et</strong>tres renferment<br />

toujours <strong>la</strong> même pensée, que sans cesse je <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

d'obtenir un séjour moins éloigné, que sans cesse<br />

je me p<strong>la</strong>ins d'être entouré <strong>de</strong> nombreux ennemis. Quoi !<br />

parmi tant <strong>de</strong> défauts, on n'en blâme qu'un seul ! Si ma<br />

Muse n'en a pas d'autre , je suis content Je vois moimême<br />

ce qui manque à mes livres, quoique chacun<br />

vante ses vers au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> leur mérite. L'auteur app<strong>la</strong>udit<br />

toujours à son œuvre : ainsi jadis Agrius trouvait peutêtre<br />

que <strong>les</strong> traits <strong>de</strong> Thersite n'étaient pas sans beauté;<br />

mais mon jugement ne s'est pas abusé <strong>sur</strong> ce point, <strong>et</strong><br />

je ne me hâte pas d'aimer tout ce que je produis.<br />

Pourquoi donc fais-tu mal, me diras-tu, si tu vois tes<br />

défauts? pourquoi <strong>la</strong>isses-tu <strong>de</strong>s fautes dans tes écrits?<br />

Ce n'est pas <strong>la</strong> même chose <strong>de</strong> se sentir ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

se guérir. Tout homme sent son mal; Fart seul trouve<br />

le remè<strong>de</strong>. Souvent, tout en désirant changer un mot,<br />

je le <strong>la</strong>isse : ce n'est pas le goût, ce sont <strong>les</strong> forces qui<br />

x. ï4


aïo EX PONTO LIB. III, EPIST. IX. (y. 19.)<br />

Saepe pig<strong>et</strong>, quid enim dubitem tïbï vera fateri ?<br />

Corrigere f <strong>et</strong> longi ferre <strong>la</strong>boris onus.<br />

Scribentem juYat ipse favor, minuitque <strong>la</strong>borem ,<br />

Ciimque suo crescens pectore ferv<strong>et</strong> opus.<br />

Corrigere at res est tanto inagis ardua, quanto<br />

Magnus Aristarcho major Homerus erat.<br />

Sic animum lento curarum frigore <strong>la</strong>edit,<br />

Ut cupidi cursor frena r<strong>et</strong>entat equi.<br />

Atque ita Dî mites minuant mihi Caesaris iram,<br />

Ossaque pacata nostra tegantur humo ;<br />

Ut mihi, conanti nonnunquam inteo<strong>de</strong>re curas,<br />

Fortunae species obstat acerba me».<br />

VixQtJi? mihi vi<strong>de</strong>or, faciam quod carmina, sanûs,<br />

Inqufe feris cUrem corrigere il<strong>la</strong> G<strong>et</strong>is :<br />

Nil tamen e scriptis magis excusabile nostriâ,<br />

Quam sensus cunctis paene quod unus inest.<br />

La<strong>et</strong>a fere <strong>la</strong><strong>et</strong>us cecini ; cano tristia trislis :<br />

Convenions operi tempus utrumque suo est.<br />

Qui» , nisi <strong>de</strong> vitio scribam regionis amar» ?<br />

Utque mlo moriar cotnsnodiore, precer?<br />

Quum toties ea<strong>de</strong>m dicam, vix audior ullî ;<br />

¥erbaque profeûtu dissimu<strong>la</strong> ta carent.<br />

Et tamen haee ea<strong>de</strong>m quum sint, non scribimus îs<strong>de</strong>m :<br />

Unaque per plures vox mea tentât opem.<br />

An, ne bis sensum lector reperir<strong>et</strong> eum<strong>de</strong>m,<br />

Unus amicorum, Brute, rogaedus erat?<br />

Non fuit hoc tanti; confesso ignoscite, docti :<br />

Vilior est operis fama sainte mea.


PONTIQUES, UV. in, LETT. IX. 211<br />

me manquent. Souvent (pourquoi n'avouerais-je pas <strong>la</strong><br />

vérité?) j'ai peine à corriger <strong>et</strong> à supporter le poids<br />

d'une longue fatigue. L'enthousiasme soutient l'écrivain<br />

<strong>et</strong> allège son travail ; son ouvrage s'élève <strong>et</strong> s'échauffe<br />

avec son âme. Maisf pour <strong>la</strong> difficulté, <strong>la</strong>- correction<br />

l'emporte <strong>sur</strong> <strong>la</strong> composition , non moins que, pour le<br />

génie, Homère <strong>sur</strong> Aristarque. Ce travail éteint lente-<br />

. ment le feu <strong>de</strong> l'esprit; c'est comme le cavalier qui r<strong>et</strong>ient<br />

<strong>la</strong> bri<strong>de</strong> à un ar<strong>de</strong>nt coursier. Puissent <strong>les</strong> dieux<br />

compatissans adoucir en ma faveur <strong>la</strong> colère <strong>de</strong> César !<br />

puissent mes cendres être inhumées dans une terre paisible<br />

, comme il est' vrai que souvent, quand j'essaie<br />

d'appliquer mon esprit, l'image cruelle <strong>de</strong> ma fortune<br />

vient troubler mes efforts !<br />

J'ai peine à croire que ce ne soit pas une folie à moi<br />

<strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s vers, <strong>et</strong> <strong>de</strong> songer à <strong>les</strong> corriger au milieu<br />

<strong>de</strong>s Gètes barbares. Cependant, rien <strong>de</strong> plus excusable t<br />

dans mes écrits, que <strong>de</strong> renfermer presque toujours <strong>la</strong><br />

même pensée. Dans mon bonheur, mes accens furent<br />

ceux du bonheur; ils sont tristes dans ma tristesse : mes<br />

œuvres répon<strong>de</strong>nt au temps qui <strong>les</strong> inspira.<br />

De quoi parlerais-je dans mes versf sinon <strong>de</strong>s misères<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te odieuse contrée ? Que <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rais-je, sinon <strong>de</strong><br />

mourir dans un lieu plus heureux? J'ai beau répéter <strong>la</strong><br />

même chose, à peine si Ton m'écoute; <strong>et</strong> mes paro<strong>les</strong>,<br />

qu'on fait semb<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> ne pas entendre, restent sans eff<strong>et</strong>.<br />

Cependant, si je répète <strong>les</strong> mêmes choses, ce n'est pas<br />

aux mêmes personnes; si ma voix est toujours <strong>la</strong> même,<br />

elle n'implore pas toujours <strong>les</strong> mêmes intercesseurs. Fal<strong>la</strong>it-il<br />

, Brulus, pour que le lecteur ne trouvât pas <strong>de</strong>ux<br />

fois <strong>la</strong> même pensée, ne m'adresser qu'à un seul ami?<br />

Je n'y ai pas attaché tant d'importance. Sa vans, pardon-<br />

14.


EX PONTCTLIB. III, EPIST. IX. (•. 47.)<br />

DEMQTO mftteriae, quam cjuis sibi fimcerit ipse,<br />

Arbitrîo variât milita pocta suo.<br />

Musa inea est in<strong>de</strong>x nimium quoque vera malorum f<br />

Atque incoiTuptée pondéra testis hab<strong>et</strong>.<br />

Nec liber ut fier<strong>et</strong>, secl uti sua cuiquc dar<strong>et</strong>ur<br />

luttera, proposition clinique noslra fuit.<br />

Postmodo collectas, utcumquc sine orcline, juini?<br />

Hoc opns electum ne tuilii forte putes,<br />

Ua veinam seriptis, quorum non gloria «obis<br />

Causa, sed utilitâs offici unique, fuit.


PONT1QUES, LIV. III, LETT. IX. ai3<br />

nez à mon aveu : ma conservation doit passer avant <strong>la</strong><br />

réputation <strong>de</strong> mes ouvrages.<br />

Enfin le poète peut varier à son gré le suj<strong>et</strong> qu'il tire<br />

<strong>de</strong> son imagination, <strong>et</strong> ma Muse n'est que l'interprète<br />

trop vëridique <strong>de</strong> mes malheurs, elle a toute l'autorité<br />

d'un témoin incorruptible. Mon <strong>de</strong>ssein <strong>et</strong> l'obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> mon<br />

travail n'étaient pas <strong>de</strong> faire un livre, mais d'écrire à<br />

chacun <strong>de</strong> mes amis. Ensuite j'ai rassemblé ces l<strong>et</strong>tres, je<br />

<strong>les</strong> ai réunies au hasard <strong>et</strong> sans ordre. Ne crois donc pas<br />

que cê recueil soit un choix. Sois indulgent pour <strong>de</strong>s<br />

écrits qui m'ont été dictés, non par l'amour <strong>de</strong> <strong>la</strong> gloire,<br />

mais par mon intérêt <strong>et</strong> par <strong>les</strong> <strong>de</strong>voirs <strong>de</strong> l'amitié.


a*


iiwmiiiiiiwaawiiifli^^<br />

LIVRE QUATRIÈME.<br />

LETTRE PREMIERE.<br />

A SEXTUS POMPÉE.<br />

ARGUMENT.<br />

11 s'eicnse d'écrire dans c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre le nom <strong>de</strong> Sextus, dont il raconte <strong>les</strong><br />

services avec reconnaissance. Il a <strong>la</strong> confiance que Sextus ne lui manquera<br />

pas pour l'avenir.<br />

JLuçois , Pompée, ces vers composés par un poète qui<br />

te doit <strong>la</strong> vie. Si tu ne me défends pas d y écrire ton<br />

nom, tu m<strong>et</strong>tras le mmhh à tes bienfaits» Si ton front<br />

s'obscurcit, j'avouerai que j'ai eu tort; <strong>et</strong> cependant tu<br />

dois approuver le motif qui m'a rendu coupable : jnoji<br />

cœur n'a pu s'eiqpêchçr d'être reconnaissant ; .qu£ ta colère<br />

, je t'en conjure, ne s'appesantisse pas <strong>sur</strong> ma pieuse<br />

gratitu<strong>de</strong>. Oh ! combien <strong>de</strong> fois dans ces vers me suis-je<br />

reproché comme on crime <strong>de</strong> ne t'a voir nommé nulle<br />

part! oh! combien <strong>de</strong> fois, vou<strong>la</strong>nt écrire un autre nom,<br />

ma main, à son insu, a*t-elle tracé le tien <strong>sur</strong> <strong>la</strong> cire !<br />

Je trouvais du p<strong>la</strong>isir à c<strong>et</strong>te erreur, à ces méprises, <strong>et</strong><br />

c'était à regr<strong>et</strong> que ma main effaçait ce qu'elle avait<br />

écrit. Après tout, me disais-je, qu'il en soit, comme il<br />

voudra ; qu'il se p<strong>la</strong>igne, j'y consens ; j'ai honte <strong>de</strong> n'avoir<br />

pas plus tôt mérité ses reproches. Tu m'abreuverais<br />

<strong>de</strong>s eaux du Léthé, qui? dit-on, ren<strong>de</strong>nt insensible, je


ai6 EX PONTO LIB. IV, EP1ST. I. Cv. 17.)<br />

Da mihi, si quid ea est, lieb<strong>et</strong>antcin pectora L<strong>et</strong>hen ;<br />

Oblitus potero non tamen esse tui.<br />

Iclque sinas oro; nec fastidita repel<strong>la</strong>s<br />

Terba; nec ofBcio crimen inesse putes.<br />

Et levis haec meritîs referatur gratia taniïs :<br />

Sin minus, invito te quoque gratus ero.<br />

NUHQUAM pigra luit nostris tua gratia rébus 9<br />

Nec mihi munificas arca negavit opes.<br />

Hune quoque nil subitis clementia terri ta fatis<br />

Auxilium vit» fertque, fer<strong>et</strong>que meae.<br />

Un<strong>de</strong>, roges forsan, fiducia tanta futuri<br />

Sit mihi? quod fecit, quisque tu<strong>et</strong>ur opus.<br />

Ut Venus artificis <strong>la</strong>bor est <strong>et</strong> gloria Coi,<br />

Jîquoreo madidas quae premit imbre comas :<br />

Arcis ut Actœae vel eburna, vel aenea custos<br />

Bellica Phidiaca stat Dea <strong>la</strong>cta manu ;<br />

Vendicat ut Ca<strong>la</strong>mis <strong>la</strong>u<strong>de</strong>m, quos fecit, equorum;<br />

Ut similis verae vacca Myronis opus;<br />

Sic ego pars rerum non ultima, Seste, tuarum,<br />

Tute<strong>la</strong>eque feror munus opusque tuae.


PONTIQUES, UV. IV, LETT. I. 317<br />

ne pourrais cependant l'oublier. Ne t'y oppose pas, je te<br />

prie ; ne repousse pas avec dédain mes paro<strong>les</strong> ; ne me<br />

fais pas un crime <strong>de</strong> mon zèle; reçois pour tant <strong>de</strong> bienfaits<br />

c<strong>et</strong>te faible marque <strong>de</strong> ma gratitu<strong>de</strong>; sinon, malgré<br />

toi, je serai-reconnaissant.<br />

<strong>la</strong>mais ta bienveil<strong>la</strong>nce n'a hésité à m'ai<strong>de</strong>r dans mon<br />

malheur ; jamais ta bourse ne m'a refusé <strong>les</strong> secours <strong>de</strong><br />

sa munificence. Aujourd'hui encore ta compassion y sans<br />

s'effrayer <strong>de</strong> ma disgrâce inattendue , soutient <strong>et</strong> soutiendra<br />

toujours mon existence. Tu me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ras peutêtre<br />

d'où me vient tant <strong>de</strong> confiance dans l'avenir ? c'est<br />

qu'on n'abandonne jamais son ouvrage. Comme <strong>la</strong> Vénus<br />

qui presse sa chevelure trempée <strong>de</strong> Fon<strong>de</strong> marine,<br />

est l'œuvre <strong>et</strong> <strong>la</strong> gloire du sculpteur <strong>de</strong> Cos ; comme <strong>les</strong><br />

effigies d'ivoire <strong>et</strong> d'airain <strong>de</strong> <strong>la</strong> déesse guerrière qui<br />

protège <strong>la</strong> cita<strong>de</strong>lle d'Athènes, sont sorties <strong>de</strong> <strong>la</strong> main<br />

<strong>de</strong> Phidias; comme Ca<strong>la</strong>mis revendique <strong>la</strong> gloire <strong>de</strong>s<br />

coursiers? son chef-d'œuvre; <strong>de</strong> même que c<strong>et</strong>te génisse<br />

qui paraît animée, est le travail <strong>de</strong> Myron; <strong>de</strong> mêmef<br />

Sextus , je ne suis pas le moindre- <strong>de</strong> tes ouvrages ; je<br />

puis le dire, ce que je suis est un don <strong>de</strong> <strong>la</strong> main,<br />

Fœuvre <strong>de</strong> ta bonté.


3i8 EX PONTO LIB. IV, EPIST. II.<br />

EPISTOLA SECUNDA.<br />

SEVERO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Ad Sereriim po<strong>et</strong>ain liatîc episto<strong>la</strong>m scribit Ovïdîtis, se multis rationibus ex-<br />

CîîMIBS f quod nwduw ejtss noœea suis scriptis o<strong>et</strong>ebrai$t, qmimm tamen<br />

nanquam ctmment ad eoia episto<strong>la</strong>s soiuta oraïione scriptas miUere.<br />

QUOB legis? o vates magnorum maxime regum-,<br />

Venit ab inlonsis uscjue^ Severe, G<strong>et</strong>is.<br />

Cujus adhuc nomen nostros tacuis&e libellos,<br />

Si modo permittis-dicere vera, pud<strong>et</strong>.<br />

Orba taHien naiiieris cessavit episto<strong>la</strong> iiiinquam<br />

Ire per alternas offiçiosa vices.<br />

Garmina-so<strong>la</strong> tifri memorem testaptia ceram<br />

îion data suât : quid enim, quœ facîs ipse , dai?em ?<br />

Quis mel Aristœo, quis Baecho vina Falerno,<br />

Triptolemo frugesf poma d<strong>et</strong> Alcinoo?<br />

Fertile pectus habes, ioterque Helicona colentes<br />

Uberius nulli provenit ista seges.<br />

MITTERE carmen ad hune, froo<strong>de</strong>s erat ad<strong>de</strong>re silvis :<br />

Haec mihi cunctandi causa, Severe, fuit,<br />

Nec tamen ingenium nobis respond<strong>et</strong>f ut ante :<br />

Sed siccum sterïli vomere litus aro.<br />

Scilic<strong>et</strong> ut limus venas excaecat in undis,<br />

Laesaque sub presso fonte resistit aqua ;


PONTIQUES, LUT. IV, LETT. II. a 19<br />

LETTRE DEUXIÈME.<br />

A SÉVÈRE.<br />

ARGUMENT.<br />

Oti<strong>de</strong> écrit c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre au poêle Sévère; 1 lui dit pour qveb motife-il n'a pss<br />

encore célébré son IîOIB dans ses vers , quoique cependant il n'ait jamais<br />

cessé <strong>de</strong> lui écrire en prose.<br />

CES lignes que tu lis, -Sévère, toi le plus grand <strong>de</strong>s<br />

rois '<strong>de</strong> <strong>la</strong> lyre, te vienneot du milieu <strong>de</strong>s Gètes à <strong>la</strong><br />

longue'chevelure. J'ai honte, s'il faut te dire <strong>la</strong> vérité,<br />

<strong>de</strong> ne t'a voir pas encore nommé dans mes livres; cependant,<br />

si je ne t'ai jamais adressé <strong>de</strong> vers, du moins<br />

un mutuel échange <strong>de</strong> l<strong>et</strong>tres a toujours entr<strong>et</strong>enu notre<br />

amitié. Ôui9 <strong>les</strong> vers sont le seul gage <strong>de</strong> souvenir que<br />

je ne t'aie pas donné. Et pourquoi te donner ce que tu<br />

fais toi-même ? Qui donnerait du miel à Âristée, du vin<br />

au dieu <strong>de</strong> Falerne, à Bacchus, du froment à Tripto^<br />

lème, <strong>de</strong>s fruits à Alcinoùs ? Ton génie est fécond, <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

tous ceux qui cultivent l'Héliçon , c'est toi qui recueil<strong>les</strong><br />

<strong>la</strong> moisson <strong>la</strong> plus abondante.<br />

Envoyer <strong>de</strong>s vers à un tel poète, c'était donner <strong>de</strong>s<br />

feuil<strong>la</strong>ges aux forêts. Telle fut, Sévère, <strong>la</strong> cause <strong>de</strong><br />

mon r<strong>et</strong>ard; <strong>et</strong> cependant mon esprit ne répond plus<br />

comme jadis à mes désirs; mais -c'est un rivage ari<strong>de</strong><br />

que <strong>la</strong>boure ma charrue stérile. Sans doute mmme <strong>la</strong><br />

fange obstrue <strong>les</strong> veines d'où l'«au s'échappe, <strong>et</strong> que


aso EX PONTO LIB. IV, EPIST. H. (t. 19.)<br />

Pectora sic mea sunt limo vitiata raalorani.<br />

Et carmen vena pauperiore fluit.<br />

Si quls in bac ipsum terra posuiss<strong>et</strong> Homeram,<br />

Ess<strong>et</strong>, cre<strong>de</strong> mihi, factus <strong>et</strong> 111e G<strong>et</strong>es*<br />

Da veniam fasse; studiis quoque freoa remisi;<br />

Dueitur <strong>et</strong> digitis littera rara meis.<br />

Imp<strong>et</strong>us 111e sacer, qui vatum pectora nutrit,<br />

Qui prius in nobis esse solebat, abest.<br />

Yix Yenit ad partes , vis sumtae Musa tabellœ .<br />

Imponit pigras paene coacta manus.<br />

Parvaque, ne dicam scribendi nul<strong>la</strong> Ydluptas<br />

. Est mihi ; nec numeris nectere ¥erba juvat.<br />

Sive quod bine fructus a<strong>de</strong>o non cepimus ullos,<br />

Principium eostri res sit ut ista mali :<br />

Sive quod in tenebris numerosos ponere gressus,<br />

Quodque legas nulli, scribere carmen, i<strong>de</strong>m est.<br />

EXCITâT auditor studium ; <strong>la</strong>udataque virtus<br />

Grescit, <strong>et</strong> immensum glorïa calcar hab<strong>et</strong><br />

Hic mea cui recitem, nisi f<strong>la</strong>vis scripta Corallis,<br />

Quasque alias gentes barbants Ister hab<strong>et</strong>?<br />

Sed quid solus agam? quaque infelicia perdam<br />

Otia materia, subripiamqufe diem?<br />

Nam quia nec vinum, nec me ten<strong>et</strong> aléa fal<strong>la</strong>x,<br />

Per quae c<strong>la</strong>m tacitum tempus abire sol<strong>et</strong> ;<br />

Nec me, quod cuperem, si per fera bel<strong>la</strong> licer<strong>et</strong>,<br />

Oblectat cultu terra novata suo :<br />

Quid, nîfi Piéri<strong>de</strong>s, so<strong>la</strong>tia frigida, restât,<br />

Non bene <strong>de</strong> nobis quae meruere Deae ?


FONTIQUES, LIV. IV, LETT. II. au<br />

fon<strong>de</strong> contenue par un puissant obstacle s'arrête à sa<br />

source comprimée ; ainsi mon esprit est altéré par <strong>la</strong><br />

fange du malheur f <strong>et</strong> mes vers coulent d'une veine appauvrie.<br />

Homère lui-même, s'il eût été p<strong>la</strong>cé <strong>sur</strong> c<strong>et</strong>te<br />

terre, Homère, n'en doute pas, serait <strong>de</strong>venu Gète. Et<br />

puis, pardonne-moi, car, je l'avoue, mon ar<strong>de</strong>ur pour<br />

l'étu<strong>de</strong> s'est ralentie, <strong>et</strong> ce n'est que rarement que ma<br />

main trace <strong>de</strong>s l<strong>et</strong>tres. Ce feu sacré, qui nourrit le coeur<br />

<strong>de</strong>s poètes, que je sentais jadis en moi, je ne l'ai plus.<br />

Ma Muse se déci<strong>de</strong> avec peine à m'ai<strong>de</strong>r dans mon travail;<br />

<strong>et</strong> quand j'ai pris nies tabl<strong>et</strong>tes, c'est par force,<br />

pour ainsi dire , qu'elle y porte une main.paresseuse. Je<br />

n'ai que peu <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isir, ou plutôt je n'en ai pas à écrire,<br />

<strong>et</strong> je ne trouve aucun charme à soum<strong>et</strong>tre <strong>de</strong>s mots à <strong>la</strong><br />

me<strong>sur</strong>e; soit parce que ce talent, loin <strong>de</strong> m'as<strong>sur</strong>er aucun<br />

avantage , fut le principe <strong>de</strong> ma disgrâce; soit parce<br />

que c'est danser dans <strong>les</strong> ténèbres, que d'écrire <strong>de</strong>s vers<br />

que personne ne lira.<br />

Le lecteur anime l'écrivain, <strong>les</strong> éloges excitent le<br />

courage, <strong>et</strong> <strong>la</strong> gloire est un puissant aiguillon^ Ici, à<br />

qui réciterais-je mes vers, sinon à <strong>de</strong>s Coral<strong>les</strong> au teint *<br />

jaunâtre, <strong>et</strong> à ces autres peup<strong>les</strong> qui habitent <strong>les</strong> rives<br />

barbares <strong>de</strong> l'Ister ? Et pourtant que ferais-je seul ici ?<br />

par quelle occupation'abréger- le jour, <strong>et</strong> perdre mon<br />

triste loisir? Je n'aime ni le vin, ni le jeu perfi<strong>de</strong>, qui<br />

font passer le temps inaperçu ; je ne puis, comme je<br />

voudrais, car <strong>la</strong> guerre cruelle me le défend, charmer<br />

mes ennuis par <strong>la</strong> culture,-<strong>et</strong> donner à <strong>la</strong> terre une face<br />

nouvelle. Que me reste-t-il donc, sinon <strong>les</strong> Muses?<br />

triste conso<strong>la</strong>tion , car ces déesses n'ont pas bien mérité<br />

<strong>de</strong> mou


M» EX PONTO LIB* IV, EP1ST. II. (?.4y.)<br />

AT tu, cui bibitur felicius Aonius fons,<br />

Utiliter studium quod tibi cedit, ama :<br />

Sacraquê Musarum merito cole 5 quodque legamus,<br />

Hue aliquod curae mitte rece<strong>et</strong>is opus.


P0MT1QUES, LIV. IV, LETT. IL 2â3<br />

Mais toi, qui bois avec plus <strong>de</strong> bonheur aux sources<br />

<strong>de</strong>l'Àonie, aime toujours une étu<strong>de</strong> qui te-donne d'heureux<br />

succès, rends aux Muses <strong>les</strong> honneurs que tu leur<br />

dois9 <strong>et</strong> fais-moi lire dans ces lieux quelque nouveau<br />

fruit <strong>de</strong> tes veil<strong>les</strong>.


aa4 IX PONTO MB. IV, EPIST. III.<br />

EPISTOLA TERTIA.<br />

AMICO INSTABILI.<br />

AEGUMENTUM.<br />

Invehitur iii aroicum perfîdum 9 eumque iostabili<strong>la</strong>tis fortune humait»<br />

memorem esse jub<strong>et</strong>.<br />

COïTQïJERAR , an taceam ? ponam sine nomine erimee ?<br />

An notum, qui sis, omnibus esse velim ?<br />

Momine non utar, ne commen<strong>de</strong>re quere<strong>la</strong>9<br />

Quaeraturque tibi carminé fama meo.<br />

Dum mea puppis erat Yalida fundata carina,<br />

Qui mecum vel<strong>les</strong> currere, primus eras.<br />

Nunc, quia contraxit vultum fortuna, recedis,<br />

Auxilio postquam scis opos esse tuo.<br />

Dissimu<strong>la</strong>s <strong>et</strong>iam, eec me vis nos^e vi<strong>de</strong>ri,<br />

Quique sit f audito nomine, Naso, ipgas.<br />

Ille ego sum, quanquam non vis audïre, v<strong>et</strong>usta<br />

Paene puer puero junctus amicitia :<br />

Ille ego, qui primus tua séria nosse solebam,<br />

Qui tibi jucundis primus a<strong>de</strong>sse jocis :<br />

Ille ego convictorf'<strong>de</strong>nsoque domesticus usu;<br />

Ille ego judiciis unica Musa tuis.<br />

I<strong>de</strong>m ego sum, qui nunc an vivatn, perfi<strong>de</strong>, nescis;<br />

Cura tibi <strong>de</strong> quo quaerere nul<strong>la</strong> fuit.<br />

Sive fui nunquam carus, simu<strong>la</strong>sse fateris :<br />

Seu non fitigebas, inveniere levis.


PONTIQUES, UV. IV, LETT. ni. 225<br />

LETTRE TROISIÈME.<br />

A UH AMI INCONSTANT.<br />

ARGUMENT.<br />

Il s'emporte contre «a ami perfi<strong>de</strong>, <strong>et</strong> lui rappelle l'instabilité d<strong>et</strong> choses<br />

humaines»<br />

FAUT-IL me p<strong>la</strong>indre ou me taire ? dirai-je ton crime,<br />

sans te nommer, ou ferai-je connaître à tous qui tu es?<br />

le ne me servirai pas <strong>de</strong> ton nom , <strong>de</strong> peur <strong>de</strong> te rendre<br />

célèbre par mes p<strong>la</strong>intes, <strong>de</strong> peur que mes vers ne te<br />

donnent <strong>de</strong> <strong>la</strong> renommée. Quand mon navire reposait<br />

<strong>sur</strong> une carène soli<strong>de</strong>, tu étais le premier à vouloir voguer<br />

avec moi. Aujourd'hui, parce que <strong>la</strong> Fortune a ridé<br />

son front, tu te r<strong>et</strong>ires, quand tu sais que j'ai besoin<br />

<strong>de</strong> ton secours ; tu dissimu<strong>les</strong> même, tu veux faire croire<br />

que lu ne me connais pas : quand tu entends mon nom *<br />

tu <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s, Quel est c<strong>et</strong> Ovi<strong>de</strong>? Je suis, tu l'entendras<br />

malgré toi, celui qu'une <strong>ancienne</strong> amitié unit, encore<br />

enfant, à ton enfance; celui qui le premier était instruit<br />

<strong>de</strong> tes affaires sérieuses; qui le premier partageait <strong>les</strong><br />

p<strong>la</strong>isirs <strong>de</strong> tes jeux; celui qui, toujours avec toi, fut ton<br />

ami le plus assidu, le plus intime; celui que tu appe<strong>la</strong>is<br />

ton unique Muse. Eh bien ! c<strong>et</strong> ami, tu ne sais aujourd'hui<br />

s'il vit encore; tu ne songes pas, perfi<strong>de</strong>, à finformer<br />

<strong>de</strong> lui. Ou jamais je ne te. fus cher, <strong>et</strong> alors, <strong>de</strong><br />

ton propre aveu, tu me trompais; ou, si tu ne feignais<br />

pas, ton inconstance est manifeste.<br />

x. i5


aa6 t EX PONTO LIB. IV, EPIST. IIL (v.«.)<br />

Die, agcr die aliquam, quae te mutaverit , iram :<br />

Nam nisi justa tua est, justa quere<strong>la</strong> mea est.<br />

Qum te consimilem res nunc v<strong>et</strong>at esse priori ?<br />

An crimen, cœpi quod miser esse, vocas?<br />

Si mihi rébus opem nul<strong>la</strong>m factisque ferebas,<br />

Veoiss<strong>et</strong> verbis charta notata tribus.<br />

Vix equi<strong>de</strong>m credo, sed <strong>et</strong> insultare jace<strong>et</strong>i<br />

Te mihi, nec verbis parcere, fama refert.<br />

Quid facis, ah démens? cur, si fortuea recédât,<br />

Naufragio <strong>la</strong>crymas eripis ipse tuo?<br />

Haec Dea non stabili, quam sit levis, orbe fat<strong>et</strong>ur,<br />

Quem summum dubio sub pe<strong>de</strong> semper hab<strong>et</strong>.<br />

Quolib<strong>et</strong> est folio, quavis incertior aura,<br />

Par illi levitas, improbe, so<strong>la</strong> tua est.<br />

Omnia sunt hominum tenui pen<strong>de</strong>ntia fîlo,<br />

. Et subito casu, quae valuere, ruutit.<br />

Divitis audita est cui non opulentia Crœsi ?<br />

Nempe tamen vitam captus ab hoste tulit.<br />

Ille Syracosia modo formidatus in urbe,<br />

Vix humili duram reppulit arte famem.<br />

Quid fuerat Magno majus? tamen ille rogavit<br />

Submissa fugiens voce clientis opem :<br />

Cuique viro totus terrarum paruit orbis,<br />

Indigus effectus omnibus ipse magis.<br />

Ille Jugurthino c<strong>la</strong>ms, Cimbroque triumpho,<br />

Quo victrix toties consule Roma fuit,<br />

In cœno <strong>la</strong>tuit Marius, cannaque palustri,<br />

Pertulit <strong>et</strong> tanto multa pu<strong>de</strong>nda viro.<br />

Ludit in humanis divina potentia rébus,<br />

Et certain praesens vix hab<strong>et</strong> hora fi<strong>de</strong>m.


PONTIQUES, LIV. IV, LETT. III. 227<br />

Dis-moi donc, dis quel ressentiment.a pu te changer;<br />

si tes p<strong>la</strong>intes ne sont pas justes, mes p<strong>la</strong>intes à moi le<br />

seront. Qui t'empêche d'être aujourd'hui ce que lu fus<br />

jadis ? Je suis <strong>de</strong>venu malheureux, est-ce un crime à tes<br />

yeux? Si tu ne pouvais m'assister ni <strong>de</strong> ta fortune, ni<br />

<strong>de</strong> tes démarches, tu pouvais m'envoyer du moins quelques<br />

mots <strong>de</strong> souvenir. J'ai peine à le croire, mais on<br />

dit que tu insultes encore à ma disgrâce , <strong>et</strong> que tes discours<br />

ne m'épargnent pas. Que fais-tu, insensé? pourquoi<br />

, si <strong>la</strong> fortune <strong>de</strong>vait te quitter un jour, <strong>de</strong>ssèches-tu<br />

<strong>les</strong> <strong>la</strong>rmes qui pleureraient ton naufrage? C<strong>et</strong>te déesse<br />

nous montre son inconstance par c<strong>et</strong>te roue toujours<br />

mobile dont sans cesse elle foule le somm<strong>et</strong>, <strong>de</strong> son pied<br />

incertain; elle est plus légère que <strong>la</strong> feuille, que le<br />

moindre souffle: toi seul, ami sans foi, tu l'éga<strong>les</strong> en<br />

légèr<strong>et</strong>é. Toutes <strong>les</strong> choses d'ici-bas sont suspendues à<br />

un fil fragile, <strong>et</strong> l'édifice le plus soli<strong>de</strong> s'écroule tout à<br />

coup. Qui ne connaît l'opulence du riche Crésus? <strong>et</strong> cependant<br />

, captif, il dut <strong>la</strong> vie à son ennemi. Ce tyran,<br />

si redouté naguère à Syracuse, c'est à peine si, par un<br />

vil emploi, il peut repousser <strong>les</strong> rigueurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> faim.<br />

Quoi <strong>de</strong> plus grand que Pompée? <strong>et</strong> cependant Pompée<br />

fugitif implora d'une voix suppliante l'assistance <strong>de</strong> son<br />

client ; <strong>et</strong> celui à qui l'univers entier obéissait, <strong>de</strong>vint<br />

lui-même le plus misérable <strong>de</strong>s hommes. Ce guerrier fameux<br />

par ses triomphes <strong>sur</strong> Jugurtha <strong>et</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> Cimbres,<br />

qui, consul, donna tant <strong>de</strong> fois <strong>la</strong> victoire aux Romains,<br />

Maries se cacha dans <strong>la</strong> fange, dans <strong>les</strong> roseaux d'un<br />

marais, <strong>et</strong> souffrit mille outrages indignes d'un si grand<br />

homme. La puissance divine se joue <strong>de</strong>s <strong>de</strong>stinées hu-<br />

10.


%%S EX PONTO LIB. IV, EP1ST. III. (*. 5i.)<br />

Litus âd Euxinum, si quis mihi dicer<strong>et</strong> f ibis,<br />

. Et m<strong>et</strong>ues arcu ne feriare G<strong>et</strong>ae ;<br />

I, bibe, dixissemf purgantes pectora succosf<br />

Quidquid <strong>et</strong> in tota nascitur Aûticyra.<br />

Sum tainen bac passus : necf si mortalia posséiïîf<br />

Et summi poteram te<strong>la</strong> câ¥ere Dei.<br />

Tu quoque fac timeas; <strong>et</strong>, quae tibi <strong>la</strong><strong>et</strong>a vi<strong>de</strong>fttur,<br />

Dûm loqueris? fieri tristia posse, puta.


POETIQUES,- LIV. IV, LETT. III. aa9<br />

maines, <strong>et</strong> nous pouvons à peine compter <strong>sur</strong> l'heure<br />

présente. Si quelqu'un m f avait dit : Tu iras un jour <strong>sur</strong><br />

<strong>les</strong> bords <strong>de</strong> l'Euxin, tu redouteras <strong>les</strong> atteintes <strong>de</strong> l'arc<br />

<strong>de</strong>s Gètes : — Va, aurais-je répondu, bois ces breuvages<br />

qui guérissent <strong>la</strong> raison ; bois tous <strong>les</strong> sucs que prdduit<br />

Anticjre. Et voilà pourtant ce que j'ai enduré. Quand<br />

j'aurais évité <strong>les</strong> traits <strong>de</strong>s mortels, je ne pouvais échapper<br />

à ceux du plus grand <strong>de</strong>s dieux. Toi aussi, tremble,<br />

<strong>et</strong> songe que ce qui fait ta joie, peut, pendant que tu<br />

par<strong>les</strong>, <strong>de</strong>venir un suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> tristesse.


a3o EX PONTO LIB. IV, EPIST. IV.<br />

EPISTOLA QUARTA.<br />

SEXTO POMPEIO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Mediis in ca<strong>la</strong>mitatibus suis, <strong>la</strong><strong>et</strong>om se nuntkm <strong>de</strong> Sexto désignai» consule<br />

aecepisse, eoqae aBimum suum mire exM<strong>la</strong>ratum esse iestâtur.<br />

NULLA dies a<strong>de</strong>o est australibus humida nimbis,<br />

Non intermissïs ut fluat imber aquis.<br />

Nec sterilis locus ullus ita est, ut non sit in illo<br />

Mista fere duris utilis herba rubis...<br />

Nil a<strong>de</strong>o fortuna gravis miserabile fecit,<br />

Ut mïnuant nul<strong>la</strong> gaudia parte malum.<br />

Ecce domo? patriaque careos? oculisque meorumf<br />

Naufragus in G<strong>et</strong>ici litoris actus aquas;<br />

Quaf tamen inveni, vultum difFun<strong>de</strong>re, causam?<br />

Possem? fortunae nec meminisse meae.<br />

Nam mihi, quum fulva tristis spatiarer arena?<br />

Visa est a tergo peona dédisse sonum.<br />

Respicio : nec corpus erat quod cernere possem :<br />

Verba tamen sont haec aure recepta mea :<br />

En ego Is<strong>et</strong>arum venio tibi nunîia rerum?<br />

Fama per immensas aère <strong>la</strong>psa vias.<br />

Consule Pompeio, quo non tibi cario.r alter,<br />

Candidus <strong>et</strong> Félix proximus annus erit.


POETIQUES, LIV. IV, LETT. IV. 'a3i<br />

LETTRE QUATRIÈME. /<br />

A SEXTUS POMPÉE.<br />

ARGUMENT.<br />

11 as<strong>sur</strong>e qu'au milieu <strong>de</strong> ses meilleurs il a appris avec bien du p<strong>la</strong>isir que<br />

Sexftis était nommé consul ; c<strong>et</strong>te nouvelle Fa rempli <strong>de</strong> joie.<br />

IL n'est pas <strong>de</strong> jour où l'humi<strong>de</strong> Auster amène assez<br />

<strong>de</strong> nuages, pour que <strong>la</strong> pluie tombe sans' interruption;<br />

il n'est pas <strong>de</strong> lieu assez stérile, pour qu'une p<strong>la</strong>nte utile<br />

ne s'y mêle souvent aux durs buissons ; <strong>les</strong> coups <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

fortune ne sont jamais si cruels, qu'elle n'adoucisse toujours<br />

le malheur par quelque joie. Me voilà, moi*<br />

privé <strong>de</strong> ma famille, <strong>de</strong> ma patrie, <strong>de</strong> <strong>la</strong> vue <strong>de</strong> mes<br />

amis, j<strong>et</strong>é par un naufrage <strong>sur</strong> <strong>les</strong> rives <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer <strong>de</strong>s<br />

Gètes ; <strong>et</strong> j'y ai trouvé cependant <strong>de</strong> quoi déri<strong>de</strong>r mon<br />

front, <strong>et</strong> oublier ma fortune. Je me promenais, triste, <strong>sur</strong><br />

le sable jaunissant, quand je crus entendre <strong>de</strong>rrière moile<br />

bruit d'une aile ; je me r<strong>et</strong>ourne : ce n'était pas un<br />

corps que mes yeux pussent voir, <strong>et</strong> cependant mon<br />

oreille entendit ces paro<strong>les</strong> : ce Je suis <strong>la</strong> Renommée; je<br />

suis venue à travers <strong>les</strong> routes immenses <strong>de</strong> l'air, pour<br />

t'annoncer <strong>de</strong> bonnes nouvel<strong>les</strong> : Pompée est nommé<br />

consul, Pompée, le plus cher <strong>de</strong> tes amis; Tannée qui<br />

va venir sera belle <strong>et</strong> heureuse. » Elle dit, <strong>et</strong> quand<br />

elle eut répandu dans le Pont c<strong>et</strong>te bonne nouvelle, <strong>la</strong>


23a EX PONTO LIB. IV, EPIST. IV. (T.. 19.)<br />

Dixtt : <strong>et</strong>, ut lœto Po<strong>et</strong>um rumore replevit,<br />

Ad geotes alias hïnc Dea vertit iter.<br />

At mïfaï, di<strong>la</strong>psis inter nova gaudia curis,<br />

Excidit asperitas hujus inïqua loci.<br />

ERGO ubi, Jaae biceps, longum reseraveris annuel,<br />

Pulsus <strong>et</strong> a sacro mense <strong>de</strong>cember erit ;<br />

Purpura Pompeium summi. ve<strong>la</strong>bit honoris,<br />

Ne titulis quiequam <strong>de</strong>beat ille suis..<br />

Cernere jam vi<strong>de</strong>or rumpi pen<strong>et</strong>ralia turba,<br />

Et populum <strong>la</strong>edi, déficiente loco :•<br />

Temp<strong>la</strong>que Tarpeiae primum tibi sedis adiri;<br />

Et fieri faci<strong>les</strong>, in iua vota Deos :<br />

Col<strong>la</strong> boves • niveoa certae praebere securi,<br />

Quos aluit campis herba Falisca suis.<br />

Quumque Deos omnes, tum quos impensius aequos<br />

Esse tibi copias, cum Jove Caesar erit.<br />

Curia te excipi<strong>et</strong>, patresque e more vocati<br />

Inten<strong>de</strong>nt aures ad tua verba suas..<br />

Hos ubi facundo tua vox hi<strong>la</strong>raverit ore?<br />

Utque sol<strong>et</strong>, tuleri.t prospéra verba dies ;<br />

Egeris <strong>et</strong> méritas. Superis. cum Caesare- grates.?<br />

Qui, causant, facias cur- ka saepe» dabit :<br />

In<strong>de</strong> domum répètes toto. comkaote senatu.,.<br />

Officium populi vix capiente domo..<br />

Me miserum, turba quod non ego cernor in il<strong>la</strong> !<br />

Nec poterunt istis v lumina nostra frui !<br />

Quamlib<strong>et</strong> abseelem, qua possum, mente vi<strong>de</strong>bo :<br />

ÀcUpici<strong>et</strong> vultus consulis il<strong>la</strong> sui.


PONTIQUES, LIT. IV, LETT. IV. a33<br />

déesse se dirigea vers d'autres nations. Soudain ce joyeux<br />

message dissipa mes soucis, <strong>et</strong> ce lieu perdit pour moi<br />

sa sauvage horreur.<br />

Ainsi donc, Janus, dieu au double visage, quand tp<br />

auras ouvert c<strong>et</strong>te année si lente à venir, <strong>et</strong> que le mois<br />

qui t'est consacré aura chassé décembref Pompée revêtira<br />

<strong>la</strong> pourpre <strong>de</strong> <strong>la</strong> dignité suprême, <strong>et</strong> il n'aura plus<br />

rien à ajouter à ses honneurs. Déjà je crois voir <strong>la</strong> foule<br />

se précipiter dans le pa<strong>la</strong>is du consul, <strong>et</strong> le peuple se<br />

pressera l'envi dans l'enceinte trop étroite. D'abord tu<br />

montes au temple <strong>de</strong> <strong>la</strong> roche Tarpéienne, <strong>et</strong> <strong>les</strong> dieux<br />

y <strong>de</strong>viennent favorab<strong>les</strong> à tes vœux. Des taureaux plus<br />

b<strong>la</strong>ncs que <strong>la</strong> neige, que Falisque a nourris dans ses<br />

pâturages, présentent • leur tête au coup as<strong>sur</strong>é <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

hache. Tu voudras te rendre propices tous <strong>les</strong> dieux ;<br />

mais tu invoqueras <strong>sur</strong>tout César <strong>et</strong> Jupiter. Le sénat te<br />

recevra dans son enceinte, <strong>et</strong> <strong>les</strong> pères, assemblés suivant<br />

l'usage, prêteront l'oreille à tes paro<strong>les</strong>. Quand ta<br />

voix éloquente <strong>les</strong> aura remplis d'allégresse, quand ce<br />

jour aura ramené ces vœux <strong>de</strong> bonheur qui raccompagnent<br />

tous <strong>les</strong>-ans, quand tu auras rendu <strong>de</strong> justes actions<br />

<strong>de</strong> grâces aux dieux, <strong>et</strong> à César qui souvent te<br />

donnera l'occasion <strong>de</strong> <strong>les</strong> renouveler; alors, environné<br />

<strong>de</strong> tout le sénat, tu rentreras dans ta maison, <strong>et</strong> ta maison<br />

contiendra h peine tout ce peuple jaloux <strong>de</strong> te rendre<br />

ses hommages. Et moi, malheureux, on ne me verra pas<br />

dans c<strong>et</strong>te foule! <strong>et</strong> mes yeux ne pourront jouir <strong>de</strong> ce<br />

spectacle ! Mais je te verrai du moins <strong>de</strong>s yeux <strong>de</strong> l'esprit,<br />

<strong>et</strong> je contemplerai, quoique absent, <strong>les</strong> traits d'un<br />

consul qui m'est cher. Fassent <strong>les</strong> dieux que, dans ce


a 3 « E X P O N T O L I B . I V , E P I S T . I V . • ( T . 4 7 . )<br />

Dî faciant/aliquo subeat tibi tempore nostrum<br />

Nomen; <strong>et</strong>, heu! dicas, quid miser ille facit?<br />

Haec tua pertulerit si quis mihi verba? fatebor<br />

Protinus exsilium mollius esse meum.


PONT1QUES, LIV. IV, LETT. IV. aS5<br />

jour? mon nom se présente un instant à ta pensée, <strong>et</strong><br />

que tu dises : Hé<strong>la</strong>s! le malheureux! que fait-il maintenant<br />

? Si Ton m'apprend. que tu aies prononcé ces paro<strong>les</strong>,<br />

j'avouerai aussitôt que mon exil est moins cruel.


a36 EX PONTO LIB. IV, EPIST. V.<br />

EPISTOLA QUINTA.<br />

S. POMPEIO JAM CONSUL!.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Ad S. Pompeium ablegat episto<strong>la</strong>m suam, suis verbis ipsi acturiHi gralias s<br />

quod <strong>et</strong> in fuga praesidto sibi fuerit, <strong>et</strong> multis se donis cumu<strong>la</strong>verit.<br />

ITE, levés elegi, doctas ad consulis' aures,<br />

Verbaque honorato ferte legenda ¥iro.<br />

Longa via est ; nec vos pedibus proceditis aequis ;<br />

Tectaque brumali sub nive terra <strong>la</strong>t<strong>et</strong>.<br />

Quum gelidam Thracee, <strong>et</strong> opertuin-nubibus Haemon,<br />

Et maris lonii transieritis aquas ;<br />

Luce minus décima dominant veni<strong>et</strong>is io urbem,<br />

Ut festinatum non faciatis iter.<br />

Protinus in<strong>de</strong> domu,s vobis Pompeia p<strong>et</strong>atur ;<br />

Non est Augusto juoctior ul<strong>la</strong> foro :<br />

Si quis, ut in populo, qui sitis, ût un<strong>de</strong>f requir<strong>et</strong>,<br />

Nomina <strong>de</strong>cepta quaelib<strong>et</strong> aure ferat.<br />

Ut sit enim tutu m, sicut reoi: esse, fateri,<br />

Verba minus certe ficta titnoris habent.<br />

Copia née vobis ullo prohibante vi<strong>de</strong>ndi<br />

Consulis, ut limen contigeritis , erit.<br />

Aut reg<strong>et</strong> ille suos dieendo jura Quirites?<br />

Conspicuum signis quum prem<strong>et</strong> altus ebur :<br />

Aut, populi reditus positam compon<strong>et</strong> ad hâstam,<br />

Et minui magnae non sin<strong>et</strong> urbis opes :


PONTIQUES, UV. IV, LETT. V. a37<br />

LETTRE CINQUIÈME.<br />

A S. POMPÉE, DEJA CONSUL.<br />

ARGUMENT.<br />

Il envoie celle l<strong>et</strong>tre à S. Pompée, pour le remercier <strong>de</strong> l'avoir secouru dans<br />

Min exil, <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'avoir comblé <strong>de</strong> biens.<br />

ALLEZ, distiques légers, allez, qu'un docte consul<br />

vous enten<strong>de</strong>, présentez ces paro<strong>les</strong> à un magistrat auguste.<br />

La route est longue, vous ne marchez qu'à pas<br />

inégaux, <strong>et</strong> <strong>la</strong> terre est cachée sous <strong>la</strong> neige dont l'hiver<br />

<strong>la</strong> couvre. Quand vous aurez traversé <strong>la</strong> Thrace g<strong>la</strong>cée,<br />

"FHémus enveloppé <strong>de</strong> nuages, <strong>et</strong> <strong>les</strong> on<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer<br />

Ionienne, vous arriverez, en moins <strong>de</strong> dix jours, même<br />

sans presser votre marche, dans <strong>la</strong> ville, reine du mon<strong>de</strong>.<br />

De là dirigez-vous tout d'abord vers <strong>la</strong> maison <strong>de</strong> Pompée<br />

, il n'en est pas qui soit plus voisine du Forum d'Auguste.<br />

Si un curieux, dans <strong>la</strong> foule, vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qui<br />

TOUS êtes, d'où vous venez, faites entendre à son oreille<br />

trompée quelque nom pris au hasard. Il n'y aurait pas<br />

<strong>de</strong> danger, Je le crois, à parler avec franchise; niais<br />

pourtant un nom emprunté vous exposera moins. Il ne<br />

vous sera pas permis, dès que vous aurez touché I© seuil,<br />

<strong>de</strong> voir le consul sans obstacle. Ou bien , magistrat équitable,<br />

il rendra <strong>la</strong> justice aux Botnaius, élevé <strong>sur</strong> un<br />

siège d'ivoire enrichi <strong>de</strong> diverses figures; ou bien il m<strong>et</strong>tra<br />

à l'enchère <strong>la</strong> ferme <strong>de</strong>s revenus publics, attentif à<br />

conserver intactes <strong>les</strong> richesses <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> cité; ou, au


a*8 EX POFTO LIB. IV, EPIST. V. (?. »i.)<br />

Aut , ut eroot patres in Julia temp<strong>la</strong> vocati,<br />

De tanto dignis console rebos ag<strong>et</strong> :<br />

Aut fer<strong>et</strong> Augusto solitam natoque salutem ,<br />

Deque parum noto consul<strong>et</strong> officio.<br />

Tempus ab his vacuum Caesar Germanicus omne<br />

Aufer<strong>et</strong> : a magnis hune colit ille Deis.<br />

QutiM tamen a turba rerum requieverit harumf<br />

Ad vos mansu<strong>et</strong>as porrig<strong>et</strong> ille manus ;<br />

Quidque parens ego vester agam, fortâsse requir<strong>et</strong>:<br />

Talia vos illi red<strong>de</strong>re verba velim.<br />

Vivit adhuc? vitamque tibi <strong>de</strong>bere fat<strong>et</strong>ur,<br />

Quam prius a miti Caesare munus hab<strong>et</strong>.<br />

Te sibi, quum fuger<strong>et</strong>f memori sol<strong>et</strong> ore referre,<br />

Barbariae tutas exhibuisse vias.<br />

Sanguine Bistonium quod non tepefecerit ensem,<br />

Effectum cura pectoris esse toi.<br />

Addita pra<strong>et</strong>erea vitae quoque multa tueodae<br />

Munera, ne -proprias attenuar<strong>et</strong> opes.<br />

Pro quibus ut meritis referatur gratia, jurât,<br />

Se fore mancipium, tempus in omnef tuuin.<br />

Nam prius umbrosa carituros arbore montes,<br />

Et fréta velivo<strong>la</strong>s non habitera rates,<br />

Fluminaque in fontes cursu rediîura supino?<br />

Gratia quam meriti possit abire lui.<br />

Haec ubi dixeritis? serv<strong>et</strong> sua dona, rogate :<br />

Sic fuerit vestrae causa peracta viae.


PONTIQUES, LIV. IV, LETT. V. a%<br />

milieu <strong>de</strong>s sénateurs assemblés dans le temple que Ju<strong>les</strong><br />

a fondé | il s'occupera <strong>de</strong> graves intérêts dignes d'un<br />

si grand consul ; ou il offrira ses vœux accoutumés à<br />

Auguste <strong>et</strong> à son fils, <strong>et</strong> <strong>les</strong> consultera <strong>sur</strong> ses fonctions<br />

encore nouvel<strong>les</strong> pour lui. Le temps que ces soins lui<br />

<strong>la</strong>isseront, sera consacré tout entier à César Germanicus<br />

; c'est lui qu'après <strong>les</strong> dieux puissans il révère le plus.<br />

Toutefois, quand il se sera reposé <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te multitu<strong>de</strong><br />

d'affaires, il vous tendra une main bienveil<strong>la</strong>nte,«<strong>et</strong><br />

peut-être vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra-t-il ce qoe je fais, moi, votre<br />

père; voici comme je désire que vous lui répondiez : ce II<br />

vit encore; <strong>et</strong> sa vie, il reconnaît qu'il te <strong>la</strong> doit, à toi,<br />

mais, avant tout, à <strong>la</strong> clémence <strong>de</strong> César. Souvent il<br />

raconte avec reconnaissance qu'à son départ pour l'exil,<br />

ce fut à tes soins qu'il dut <strong>de</strong> parcourir sans danger tant<br />

<strong>de</strong> contrées barbares ; que, si le g<strong>la</strong>ive <strong>de</strong>s Bistons ne<br />

s'est pas abreuvé <strong>de</strong> son sang, ce fut un eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> ta tendre<br />

sollicitu<strong>de</strong>; qu'en outre, pour qu'il ménageât ses propres<br />

ressources, tu pourvus généreusement aux besoins <strong>de</strong><br />

son voyage. En reconnaissance <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> bienfaits, il<br />

jure qu'il sera à jamais ton serviteur dévoué. Les arbres<br />

n'ombrageront plds <strong>les</strong> somm<strong>et</strong>s <strong>de</strong>s montagnes, <strong>les</strong><br />

mers ne seront plus sillonnées par <strong>les</strong> vaisseaux aux<br />

voi<strong>les</strong> rapi<strong>de</strong>s, <strong>les</strong> fleuves, dans un cours rétrogra<strong>de</strong>,<br />

remonteront vers leur source, avant qu'il per<strong>de</strong> le souvenir<br />

<strong>de</strong> tes bienfaits. » Quand vous aurez achevé ces<br />

mots, priez-le <strong>de</strong> conserver son propre ouvrage, <strong>et</strong> votre<br />

message sera rempli.


24o EX PONTO LIB.'IV; EPIST. VI.<br />

EPISTOLA SEXTA.<br />

BRUTO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Fabii Maômi <strong>de</strong>precatons soi, ipsiiisque Augusti morte spem rê<strong>de</strong>undi siiaoi<br />

eoaeidisse, questus , Rrtiti mite ingeaiiira <strong>et</strong> supplicibus facile <strong>la</strong>udat» gratamque<br />

mentem ei spond<strong>et</strong><br />

QuâM legis, ex illis tibi venit episto<strong>la</strong>? Brute f<br />

Nasonem ooltes in 'quibus esse, locis.<br />

Sed, tu quod nol<strong>les</strong>, voluit miserabile fatum :<br />

Heu milii, plus illod, quam tua vota, val<strong>et</strong>!'<br />

In Scythia nobis quinqueenis Olympias acta'est :<br />

Jam tempus lustri transit in alterius.<br />

Perstat enim fortuna tenax, votisque inalignum<br />

Oppooït oostris insidiosa pe<strong>de</strong>m.<br />

Certus eras pro me, Fabi» <strong>la</strong>us, Maxime, gentis,<br />

Numen ad Augustum supplice voce loqui.<br />

Occidis ante preces; causamque ego, Maxime, mortis,<br />

Nec fueram tanti, me reor esse tu».<br />

Jam timeo nostram cuiquam mandare salulem :<br />

Ipsum morte lua concidit auxilium.<br />

Cœperat Augustus <strong>de</strong>ceptae ignoscere culpœ ;<br />

Spem nostram terras <strong>de</strong>seruitque simul.


PONTIQUES, LIV. IV, LETT. VI. »4i<br />

twmi


a4» , EX PONTO LIB. IV, EP1ST. VI. (v. 17.)<br />

Quale <strong>la</strong>nien potui, <strong>de</strong> cœlite, Brute, recenti<br />

Vestra procul positus carmen in ora <strong>de</strong>di.<br />

Quae prosit pi<strong>et</strong>as utinam mihi! sitque malorum<br />

Jam modus, <strong>et</strong> sacrae mitior ira domus !<br />

TE quoque i<strong>de</strong>m, liqui<strong>de</strong> possum jurare, precari,<br />

O mihi non dubia cognite, Brute, nota!<br />

Nam, quum praestiteris verum mihi semper amorem,<br />

Hic tamen adverso tempore crevit amor.<br />

Quique tuas pariter <strong>la</strong>crymas nostrasque.vi<strong>de</strong>r<strong>et</strong>,<br />

Pas<strong>sur</strong>os pœnam cre<strong>de</strong>r<strong>et</strong> esse duos.<br />

Lenem te miseris genuit natura * nec ulli<br />

Mitius ingenium, quam tibi, Brute, dédit :<br />

Ut f qui quid valeas ignor<strong>et</strong> Marte fofensi,<br />

Posse tuo peragi vix put<strong>et</strong> ore reos.<br />

Scilic<strong>et</strong> ejus<strong>de</strong>m est, quamvis pugnare vid<strong>et</strong>ur,<br />

Supplicibus facilem, sonîibus esse trucem;<br />

Quum tibi suscepta est legis viedi<strong>et</strong>a sever»,<br />

Verba velut tinctum siogu<strong>la</strong> virus habent.<br />

Hostibus eveniat, quam sis violeotus in armis<br />

Sentire, <strong>et</strong> linguae te<strong>la</strong> subire tuae ;<br />

Quae tibi tam tenui cura liuiàntur, ut omnes<br />

Istius ingeoium corporis esse negent.<br />

At, si quem <strong>la</strong>edi fortuna cernis iniqua,<br />

Mollior est animo femina nul<strong>la</strong> tuo.<br />

Hoc ego praecipue sensi, quum magna meorum<br />

Notitiam pars est inficiata mei.<br />

Immemor illorum, vestri non immemor unquam,<br />

Qui ma<strong>la</strong> solliciti nostra levastis, ero.<br />

Et prius, heu nobis nimium conterminus! Ister<br />

In caput Euxino <strong>de</strong> mare vert<strong>et</strong> iter;


PONTIQUES, LIV. IV, LETT. VI. M 3<br />

tels que ma Muse a pu me <strong>les</strong> dicter. Puisse ma piété<br />

m'étre <strong>de</strong> quelque secours !' puisse-t-elle m<strong>et</strong>tre un terme<br />

à mes malheurs, <strong>et</strong> adoucir <strong>la</strong> colère <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te auguste<br />

maison !<br />

Et toi aussi, je le jurerais sans crainte, tu fais <strong>les</strong><br />

mêmes vœux, Bruîus, toi qui m'as donné tant <strong>de</strong> preuves<br />

d'amitié; tu m'as toujours montré une affection véritable;<br />

mais c<strong>et</strong>te affection , dans mon malheur, a pris <strong>de</strong><br />

nouvel<strong>les</strong> forces. En voyant tes <strong>la</strong>rmes couler avec <strong>les</strong><br />

miennes, on aurait cru que tous <strong>de</strong>ux nous étions condamnés<br />

à <strong>la</strong> même peine. La nature t'a fait bon <strong>et</strong> sensible<br />

f elle n'a donné à personne un cœur plus compatissant.<br />

Oui 9 si Ton ignorait quelle est ta puissance dans<br />

<strong>les</strong> débats du Forum, on aurait peine à croire que ta<br />

bouche puisse faire condamner un accusé; <strong>la</strong> contradiction<br />

n'est qu'apparente, il est dans <strong>la</strong> nature <strong>de</strong> se<br />

montrer à <strong>la</strong> fois facile aux supplians <strong>et</strong> terrible aux<br />

coupab<strong>les</strong>. Quand tu entreprends <strong>de</strong> venger <strong>la</strong> sévérité<br />

<strong>de</strong>s lois, chacune <strong>de</strong> tes paro<strong>les</strong> semble trempée dans un<br />

venin mortel. Puissent nos ennemis éprouver combien<br />

tes armes sont terrib<strong>les</strong>, <strong>et</strong> sentir <strong>les</strong> traits <strong>de</strong> ton éloquence<br />

! tu es si habile à <strong>les</strong> aiguiser, qu'à te voir, on ne<br />

soupçonnerait pas un talent <strong>de</strong> ce genre sous un tel extérieur.<br />

Mais si tu vois quelque victime <strong>de</strong>s injustices <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> fortune, alors ton cœur est plus tendre que celui<br />

d'une femme. Je l'ai éprouvé, moi <strong>sur</strong>tout, quand <strong>la</strong><br />

plupart <strong>de</strong> mes amis m'ont renié, m'ont méconnu. Ceux-là<br />

je <strong>les</strong> oublie; mais je ne vous oublierai jamais, vous dont<br />

<strong>la</strong> sollicitu<strong>de</strong> a sou<strong>la</strong>gé mes souffrances. L'Ister, hé<strong>la</strong>s !<br />

trop voisin <strong>de</strong> moi, remontera <strong>de</strong>s bords <strong>de</strong> FEuxin vers<br />

sa source, <strong>et</strong>, comme si nous revenions au temps du<br />

16.


*44 EX PONTO LIB. IV, EPIST. VI, (v. 47.)<br />

Utque Thyesteae re<strong>de</strong>ant si tempora mensae,<br />

Solis ad Eoas curras ag<strong>et</strong>ur aquas ;<br />

Qoam quisquam vestremf qui me doluistis a<strong>de</strong>mptom,<br />

Arguât, iegratum non meminisse sui,


PONTIQUES, UV. IV, LETT. VI. %0<br />

festin <strong>de</strong> Thyestef le char du Soleil r<strong>et</strong>otirnera vers<br />

<strong>les</strong> on<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l'orient, avant que vous, qui avez pleuré<br />

ma perte, vous me trouvez coupable d'ingratitu<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />

d'oubli.


246 EX PONTO LIB. IV, KPIST. VIL<br />

EPISTOLA SEPTIMA.<br />

VESTA.LI.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Ai'erbitalis exsiîii soi testem invocat poeîa Vestalem, Mœsiae prœst<strong>de</strong>m, cojus<br />

prœc<strong>la</strong>ra facinora, maxime in expugnanda JSgypso} narrât.<br />

Misses es Euxinas quoniam, Vestalis, ad undas,<br />

Ut positis reddas jura sub axe locis ;<br />

âdspicis en, prœsens, quali jaceamus in arvo :<br />

Nec me testis eris falsa solere queri.<br />

Aeced<strong>et</strong> voci per te non irrita eostrae , •<br />

Alpinis juvenis regibus orte, fi<strong>de</strong>s.<br />

Ipse vi<strong>de</strong>s certe g<strong>la</strong>cie eonerescere Pontum ;<br />

Ipse vi<strong>de</strong>s rigido stantia vina gelu. ,<br />

Ipse vi<strong>de</strong>s, onerata ferox ut ducat <strong>la</strong>syx<br />

Per médias Istri p<strong>la</strong>ustra bubuleus aquas.<br />

Adspicis <strong>et</strong> mitti sub adunco toxica ferro,<br />

Et telum causas mortis habere duas.<br />

Atque utinam pars haec tantum spectata fuiss<strong>et</strong>,<br />

Non <strong>et</strong>iam proprio cognita Marte tibi !<br />

TENDITIS ad primum per <strong>de</strong>nsa pericu<strong>la</strong> piluui ;<br />

Cootigit ex merito qui tibi nuper hooos.<br />

Sit lic<strong>et</strong> hic titulus plenis tibi fructibus ingens,<br />

Ipsa tamen vîrtus ordine major erat.


PONTIQUES, LIV. IV, LETT. VIL 247<br />

LETTRE SEPTIEME.<br />

A VESTALIS.<br />

ARGUMENT.<br />

Le poèîe appeMe à témoin <strong>de</strong>s rigueurs <strong>de</strong> son exil Vestalis, gou¥erneur <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> Mysie. Il raconte ses hauts faits, <strong>sur</strong>tout à <strong>la</strong> prise d'Égypsos.<br />

VESTALIS , puisque tu fus envoyé aux bords <strong>de</strong> l'Euxin<br />

pour rendre <strong>la</strong> justice aux peup<strong>les</strong> qui habitent sous le<br />

pôle, tu vois <strong>de</strong> tes yeux dans quelle contrée je <strong>la</strong>nguis,<br />

<strong>et</strong> tu attesteras que mes p<strong>la</strong>intes continuel<strong>les</strong> ne sont<br />

pas sans fon<strong>de</strong>ment. Ton témoignage, illustre <strong>de</strong>scendant<br />

<strong>de</strong>s rois <strong>de</strong>s Alpes, confirmera <strong>la</strong> vérité <strong>de</strong> mes paro<strong>les</strong>.<br />

Tu le vols, il est bien vrai qu'ici <strong>la</strong> mer est enchaînée<br />

par <strong>les</strong> g<strong>la</strong>ces, qu'ici le vin , durci par <strong>la</strong> gelée,<br />

cesse d'être liqui<strong>de</strong>. Tu vois <strong>les</strong> farouches <strong>la</strong>syges conduisant<br />

leurs bœufs <strong>et</strong> leurs lourds chariots <strong>sur</strong> <strong>les</strong> on<strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong> lister; tu vois aussi que leurs flèches aiguës volent<br />

armées d'un funeste poison, <strong>et</strong> que leurs traits sont<br />

doublement mortels. Et plût aux dieux que, simple témoin<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te partie <strong>de</strong> mes maux, tu ne l'eusses pas<br />

toi-même éprouvée dans <strong>les</strong> combats !<br />

C'est à travers mille périls que l'on arrive au gra<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> premier centurion. C<strong>et</strong> honneur fut décerné naguère<br />

à ta valeur; mais, malgré <strong>les</strong> nombreux avantages attachés<br />

à ce titre glorieux ? ton mérite était encore au <strong>de</strong>s-


M» EX POtfTO LIB. IV, EPIST. VIL (v. 19.)<br />

Non negat hoc Ister, cujus tua <strong>de</strong>xtera quondam<br />

Pœniceam G<strong>et</strong>ico sanguine fecït aquam.<br />

Non negat iEgypsosf quae? te subeunte, recepta<br />

Sensit in ingenio nil opis esse loci.<br />

Nani dubium, positu inelius <strong>de</strong>fensa manuve?<br />

Urbs erat in summo nubibus aequa jugo.<br />

Sithonio régi férus interceperat il<strong>la</strong>m<br />

Hostis? <strong>et</strong> ereptas victor habebat opes.<br />

Donec fluminea <strong>de</strong>vecta Vitellius unda<br />

Intulit, exposito milite, signa G<strong>et</strong>is.<br />

At tibi, progenies alti fortissima Dauni,<br />

Venit in ad versos imp<strong>et</strong>us ire viros.<br />

Nec mora; conspicuus longe fulgentibus armis,<br />

Fortia ne possîut facta <strong>la</strong>tere, caves :<br />

Ingentique gradu contra ferrumque locumquef<br />

Saxaque brumali grandine plura9 subis.<br />

Nec te inissa super jaculorum turba moratur?<br />

Nec quae vipereo te<strong>la</strong> cruore ma<strong>de</strong>nt.<br />

Spicu<strong>la</strong> eu m pictis haerent in cassi<strong>de</strong> pennis;<br />

Parsque fere scuti vuinere nul<strong>la</strong> vacat.<br />

Nec corpus cunctos féliciter efïiigit ictus;<br />

Sed miiior est acri <strong>la</strong>udis arnore dolor.<br />

Talis apud Trojam Danais pro navibus Ajax<br />

Dicîtur Hectoréas sustinuisse faces.<br />

Ut -propius ventum est, commissaque clextera <strong>de</strong>xtrae,<br />

Resque fero poiuit cominus ense geri;<br />

Dicere difficile est, quid Mars tuus egerit illic,<br />

Quotque neci <strong>de</strong><strong>de</strong>ris, quosque, quibusque inodis.<br />

Ense tuo factos calcabas victor acervos;<br />

Impositoque G<strong>et</strong>es sub pe<strong>de</strong> mulîus erat.


'xOlf TIQUES, LIV. IV, LETT. VIL 249<br />

sus <strong>de</strong> ton rang. Témoin 1'Ister, dont <strong>les</strong> on<strong>de</strong>s furent<br />

jadis par ton bras teintes du sang <strong>de</strong>s Gètes. Témoin<br />

Égypsos qui, reprise à ton approche, sentit que son<br />

heureuse situation n'était pour elle d'aucun secours.<br />

Aussi bien défendue par sa position que par <strong>les</strong> bras <strong>de</strong><br />

ses soldats, c<strong>et</strong>te ville s'élevait jusqu'aux nues <strong>sur</strong> le<br />

somm<strong>et</strong> d'une montagne. Un ennemi barbare l'avait enlevée<br />

au roi <strong>de</strong> Sithonie, <strong>et</strong>, vainqueur, il jouissait du<br />

fruit <strong>de</strong> sa conquête. Mais Vitellius, <strong>de</strong>scendant le courant<br />

du fleuve, débarque ses soldats, <strong>et</strong> porte ses étendards<br />

contre <strong>les</strong> Gètes. Alors, courageux <strong>de</strong>scendant <strong>de</strong><br />

l'antique Daunus, une noble ar<strong>de</strong>ur t'entraîne contre<br />

<strong>les</strong> ennemis; tu pars aussitôt, couvert d'armes bril<strong>la</strong>ntes<br />

qui attirent au loin tous <strong>les</strong> regards; tu ne veux pas que<br />

tes hauts faits restent cachés dans l'ombre. Précipitant<br />

ta marche, tu braves le fer, <strong>la</strong> nature <strong>de</strong>s lieux, <strong>et</strong> <strong>les</strong><br />

pierres qui tombent, plus nombreuses que <strong>la</strong> grêle dans<br />

<strong>la</strong> saison <strong>de</strong>s frimas. Rien ne t'arrête, ni <strong>les</strong> javelots<br />

<strong>la</strong>ncés du haut <strong>de</strong>s murs, ni <strong>les</strong> traits trempés dans le<br />

sang <strong>de</strong>s vipères ; ton casque se hérisse <strong>de</strong> flèches aux<br />

plumes peintes, <strong>et</strong> ton bouclier n'offre plus <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce à<br />

<strong>de</strong> nouveaux coups. Tu n'as pas le bonheur <strong>de</strong> dérober<br />

ton corps à <strong>toutes</strong> <strong>les</strong> b<strong>les</strong><strong>sur</strong>es; mais Tar<strong>de</strong>nt amour <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> gloire est plus fort que <strong>la</strong> douleur. Tel, dans <strong>les</strong><br />

champs <strong>de</strong> Troie, Ajax, <strong>de</strong>vant <strong>les</strong> vaisseaux <strong>de</strong>s Grecs,<br />

soutint, dit-on, l'attaque <strong>et</strong> <strong>les</strong> feux d'Hector. Bientôt<br />

on joignit l'ennemi, <strong>la</strong> mêlée s'engagea, <strong>et</strong> l'épée sang<strong>la</strong>nte<br />

put <strong>de</strong> près disputer <strong>la</strong> victoire. Je ne puis redire<br />

tout ce que fit alors ta valeur, combien <strong>de</strong> guerriers tu<br />

immo<strong>la</strong>s, quel<strong>les</strong> furent tes victimes, <strong>et</strong> comment el<strong>les</strong><br />

succombèrent. Vainqueur, tu fou<strong>la</strong>is <strong>de</strong>s monceaux <strong>de</strong><br />

Gètes immolés par ton g<strong>la</strong>ive, <strong>et</strong> ton pied pressait <strong>de</strong>


u5o EX POTfTO LU. IV, EPI5T. VIL (v. 49.)<br />

Pugnat ad exemplnm primi miiior ordine pili ;<br />

Multaque fert mi<strong>les</strong> vulneraf multa facit.<br />

Sed tantum virtus alios tua pra<strong>et</strong>erit omnes,<br />

Ante citos,quantum Pégases ibat equos.<br />

Vincîtur Jîgypsos : <strong>les</strong>tataque tempus in omne<br />

Sont tua, Vestalis, carminé facta meo. •


POETIQUES, UV. IV, LETT. VIL a5i<br />

nombreux cadavres. Le second centurion combat à<br />

l'exemple <strong>de</strong> son chef; chaque soldat porte <strong>et</strong> reçoit<br />

mille coups. Mais ta valeur t'élève au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> tous <strong>les</strong><br />

autres, autant que Pégase <strong>sur</strong>passait en vitesse <strong>les</strong> plus<br />

rapi<strong>de</strong>s coursiers. Égypsos est vaincue, <strong>et</strong> mes chants,<br />

Vestalis, attesteront à jamais tes exploits.


*5a EX P0NTO L1B. IV, EPIST. VIII.<br />

EPISTOLA OCTAVA.<br />

>' ' ' SUILLIO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Mortuo Augusîo, ni diximus, banc epislo<strong>la</strong>m mittil Ofidius ad SuiHium usons<br />

su» gêner «fa, agitque ei gratias pro ejus episto<strong>la</strong> ad se scripta : quam , <strong>et</strong>si<br />

sero per<strong>la</strong>tam, gratissimam <strong>la</strong>rneii fuisse dicil. Poslmodum eiiia rogat ; ut<br />

Germanicum juaiorem sibi reconrili<strong>et</strong> : poSliceîurque se in liujus m gra»<br />

tiam non ereclurum ei temp<strong>la</strong> <strong>de</strong> marmore, sed carminé eompiexurum ejus<br />

<strong>la</strong>u<strong>de</strong>s : osiendiïque nihil esse posse priocipibus aplius, quam carminé offîciosum<br />

se 'prastare. Ttim sac lus occasiouem po<strong>et</strong>a , carmmis exeellentiam<br />

extollit : precaturque ut sibi carrai»a prosist. Et si îICIîI possit reditum m<br />

patriam obtioere, saliem urbi propinquius exsilium, quo possit Casaris gesta<br />

intelligere, <strong>et</strong> carminé celebrare.<br />

LITTERA sera qui<strong>de</strong>nij studiis exculte Suilli,<br />

Hue tua perveeit, sed mihi grata tameo :<br />

Qua, pia si possit Superos lenire rogando<br />

Gratia, <strong>la</strong>turum te mihi dicis opem.<br />

Ut jam nil praestes, animi sum factus amici<br />

Debitor; <strong>et</strong> meritum, velle juvape, voeo.<br />

Imp<strong>et</strong>us iste tous loogum modo dur<strong>et</strong> in sevum ;<br />

Neve malis pi<strong>et</strong>as sit tua <strong>la</strong>ssa meis.<br />

Jus aliquod faeiuot adfieia vineu<strong>la</strong> nobis,<br />

Quae semper maoeaot il<strong>la</strong>befacta, precor.<br />

Nam tibi quae eoojux? ea<strong>de</strong>m mihi filia paene^est :<br />

Et quae te generum, me vocat il<strong>la</strong> virum.<br />

1


PORTIQUES, L1V. IV, LETT. VIII. a53<br />

• LETTRE HUITIÈME.<br />

A SUILLIUS.<br />

ARGUMENT.<br />

C'est après Sa mort d'Auguste, dont nous avons déjà parlé, que le poète<br />

écrit à Suillius, gendre <strong>de</strong> sa femme. Il îe remercie <strong>de</strong> <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre qu'il a reçue<br />

<strong>de</strong> lui ; quoique arrivée OH peu tard, elle lui a fait le plus grand p<strong>la</strong>isir. Il<br />

lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ensuite <strong>de</strong> îe faire rentrer eo grâce auprès <strong>de</strong> Germanicus le<br />

jeune. En reconnaissance <strong>de</strong> ses bienfaits, il prom<strong>et</strong> à Germanicus, non<br />

<strong>de</strong>s temp<strong>les</strong> <strong>de</strong> marbre , mais <strong>de</strong>s louantes dans ses vers. Iî prouve que rien<br />

ne peut être plus agréable à l'homme puissant, que <strong>les</strong> vers <strong>de</strong>s poètes qui<br />

célèbrent sa gloire. Alors, saisissant c<strong>et</strong>te occasion, il vante îa puissance<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> poésie ; il fait <strong>de</strong>s vœux pour que ses vers lui soient uti<strong>les</strong>, afin<br />

que, s'il ne peut obtenir son r<strong>et</strong>our dans Sa patrie, il obtienne, du moins f<br />

un exil moins éloigné <strong>de</strong> Rome , où iî puisse apprendre <strong>les</strong> hauts faits <strong>de</strong><br />

César, <strong>et</strong> <strong>les</strong> célébrer dans ses vers.<br />

DOCTE Suillius, ta l<strong>et</strong>tre, quoique arrivée un peu<br />

tard, m'a fait un vrai p<strong>la</strong>isir. Tu me dis que, si une<br />

tendre amitié peut par <strong>de</strong>s prières fléchir <strong>les</strong> dieux, lu<br />

sou<strong>la</strong>geras mes malheurs. Quand même tu ne le pourrais,<br />

je .te serais cependant obligé <strong>de</strong> ton intention bienveil<strong>la</strong>nte<br />

; c'est bien mériter <strong>de</strong> moi, que <strong>de</strong> vouloir<br />

m'être utile. Puisse l'ar<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> ton zèle se soutenir longtemps<br />

! puissent mes malheurs ne pas <strong>la</strong>sser ta pieuse<br />

affection ! J'ai quelque droit <strong>de</strong> <strong>la</strong> réc<strong>la</strong>mer ; <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong><br />

parenté nous unissent; fasse le ciel qu'ils soient toujours<br />

indissolub<strong>les</strong> ! Ton épouse est, pour ainsi dire, ma fille;<br />

<strong>et</strong> celle qui te donne le nom <strong>de</strong> gendre me donne celui<br />

d'époux. Malheur à moi, si, en lisant ces vers, tu fronces


a54 EX PONTO LIB. IV, EPIST. VH1. (v. i3.)<br />

Heu mihi ! si lectis vultum tu versïbus istïs<br />

Ducis, <strong>et</strong> adfinem te pud<strong>et</strong> esse meum !<br />

At nihil hic dignum poteris reperlre pudore,<br />

Pra<strong>et</strong>er fortunam, quae taihi eaeca fuit.<br />

Seu genus excutias ; équités, ab origine prima,<br />

Usque per ineumeros ioveniemur avos :<br />

Sive velis, qui sint, mores ioquirere nostros ;<br />

Errorem misero d<strong>et</strong>rahe, <strong>la</strong>be carent.<br />

Tu modo, si quïd agi sperabis posse precando,<br />

Quos colis, exora supplice voce Deos.<br />

Dî tibi sunt Caesar juvenis ; tua nuniîna p<strong>la</strong>ça :<br />

Hac certe nul<strong>la</strong> est uotior ara tibi.<br />

Non sinit il<strong>la</strong> sui vanas antistitis unquam<br />

Esse preces : oostris bine p<strong>et</strong>e rébus opem.<br />

Quamlib<strong>et</strong> exigua si nos ea juverit auraf<br />

Obruta <strong>de</strong> mediis cymba re<strong>sur</strong>g<strong>et</strong> aquis.<br />

Tuoc ego tura feram rapidis solemnia f<strong>la</strong>mmts ;<br />

%Et, valeant quantum numinaf testis ero.<br />

Nec tibi <strong>de</strong> Pario statuam, Germaoice, templum<br />

Marmore : carpsit opes il<strong>la</strong> ruina meas.<br />

Temp<strong>la</strong> domus vobis faciaot urbesque beatae :<br />

Naso suis opibus, carminé ? gratus erit.<br />

Parva qui<strong>de</strong>m fateor pro magnis muoera reddi',<br />

Quum pro concessa verba salute damus.<br />

Sed qui, quam potuit, dat maxima, gratus abim<strong>de</strong> est;<br />

Et finem pi<strong>et</strong>as contigit il<strong>la</strong> suum.<br />

Necf quae <strong>de</strong> parva Dis pauper libat acerra,<br />

Tura minus, grandi quam data <strong>la</strong>nce, valent :<br />

Agoaque taro <strong>la</strong>ctens, quam gramme pasta Falisoo<br />

Victima, Tarpeios inficit icta focos.


PONTIQUES, L1V. IV, LETT. VIII. ^55<br />

le sourcil, si tu rougis <strong>de</strong> ma parenté ! mais tu n'y trouveras<br />

aucun suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> honte, si ce n'est c<strong>et</strong>te fortune,<br />

qui pour.moi fut aveugle. Si tu considères ma naissance,<br />

tu verras, en remontant à l'origine, que mes nombreux<br />

aïeui furent tous chevaliers. Veux-tu examiner comment<br />

j'ai vécu ? ma vie, si on en r<strong>et</strong>ranche une malheureuse<br />

erreur, est pure <strong>et</strong> sans tache.<br />

.Ah ! si tu espères quelque eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> tes prières, invoque<br />

d'une voix suppliante <strong>les</strong> dieux que tu honores. Tes<br />

dieux à toi, c'est le jeune César ': apaise celte divinité;<br />

il n'en est pas dont <strong>les</strong> autels soient plus connus <strong>de</strong> toi;<br />

elle ne souffre jamais que <strong>les</strong> prières <strong>de</strong> son ministre<br />

restent sans eff<strong>et</strong>. C'est auprès d'elle qu'il faut chercher<br />

un remè<strong>de</strong> à mes maux. Qu'elle m'envoie un souffle favorable<br />

, quelque léger qu'il soit, ma barque se relèvera<br />

du sein <strong>de</strong>s on<strong>de</strong>s qui l'engloutissent : alors je livrerai<br />

aux f<strong>la</strong>mmes rapi<strong>de</strong>s un encens solennel, <strong>et</strong> mon témoignage<br />

attestera <strong>la</strong> puissance <strong>de</strong> ton dieu. Je ne t'élèverai<br />

pas, Germanicus, un temple en marbre <strong>de</strong> Paros; mon<br />

désastre a épuisé ma fortune. Que <strong>les</strong> famil<strong>les</strong>, que <strong>les</strong><br />

vil<strong>les</strong> opulentes vous élèvent <strong>de</strong>s temp<strong>les</strong>; Ovi<strong>de</strong> vous<br />

offrira <strong>de</strong>s vers, ce sont là ses richesses. C'est rendre<br />

bien peu, sans doute, en r<strong>et</strong>our d'un grand service, que<br />

d'offrir <strong>de</strong>s paro<strong>les</strong> à celui qui m'accor<strong>de</strong>ra <strong>la</strong> vie : mais<br />

donner ce que l'on a <strong>de</strong> mieux, c'est satisfaire à <strong>la</strong> reconnaissance;<br />

<strong>la</strong> piété ne peut aller au <strong>de</strong>là. L'encens du<br />

pauvre, offert aux dieux dans un vase sans prix, n'a pas<br />

moins <strong>de</strong> pouvoir que celui qu'on leur offre <strong>sur</strong> un vaste<br />

bassin. "L'agneau qui* t<strong>et</strong>te encore sa mère, aussi bien<br />

que <strong>la</strong> victime nourrie dans <strong>les</strong> pâturages <strong>de</strong> Falisque,<br />

teint <strong>de</strong> son sang <strong>les</strong> autels du Capitole.


a56 EX PONTO LIB. IV, EPIST. VIII. (v. 43.)<br />

NEC tamen, officio vatum per carmina facto ,<br />

Prineipibus res est gratior ul<strong>la</strong> viris.<br />

Carmina vestrarum peragunt praeconia <strong>la</strong>odum :<br />

Neve sit actorum fama caduca cavent.<br />

Carminé fit vivax virtus; expersque sepulcrïf'<br />

Notitiam serae posteritatis hab<strong>et</strong>.<br />

Tabida consumit ferrum <strong>la</strong>pi<strong>de</strong>mque v<strong>et</strong>ustas ;<br />

Nul<strong>la</strong>que res majus tempore robur hab<strong>et</strong>.<br />

Scripta feront annos : scriptis Agamemnona nosti ;<br />

Et quisquis contra, vel simul, arma tulit.<br />

Qois Thebas septemque duces sine carminé noss<strong>et</strong>,<br />

Et quidquid post haec? quidquid <strong>et</strong> ante fuit?<br />

Dî quoque carminibus, si fas est dicere, fiunt,<br />

Tantaque majestas ore canentis eg<strong>et</strong>.<br />

Sic Chaos, ex il<strong>la</strong> naturae mole prioris?<br />

Digestum partes scimus habere suas :<br />

Sic adfectantes cœ<strong>les</strong>tia régna Gigantas,<br />

Ad Styga nimbifero vindicis igné datos.<br />

Sic victor <strong>la</strong>u<strong>de</strong>m superatis Liber ab Indis,<br />

Alci<strong>de</strong>s capta traxit ab QEchalia.<br />

Et modo? Cœsar? avum, quem virlus addidit astris,<br />

Sacrarunt aliqua carmina parte tuum.<br />

Si quid adhuc îgitur vivi, Germanice ? nostro<br />

Restât in ingenio, servi<strong>et</strong> omne tibi.<br />

Non potes officium vatis contemnere vates :<br />

Judicio pr<strong>et</strong>ium res hab<strong>et</strong> ista tuo.<br />

Quod nisi te nomen tantum ad majora vocass<strong>et</strong>,<br />

Gloria Pieridum summa futurus eras. .


PONTIQUES, LIV. IV, LETT. VIII. a57<br />

Mais que dis-je? ce qui iatte le plus l'homme puissant,<br />

ce sont <strong>les</strong> hommages que <strong>les</strong> poètes lui ren<strong>de</strong>nt<br />

dans leurs vers; ce sont <strong>les</strong> vers qui proc<strong>la</strong>ment votre<br />

gloire, <strong>et</strong> préservent <strong>de</strong> l'oubli <strong>la</strong> renommée <strong>de</strong> vos actions<br />

; ce sont <strong>les</strong> vers qui donnent -à <strong>la</strong> vertu une vie<br />

durable, <strong>et</strong> qui, <strong>la</strong> sauvant du tombeau, <strong>la</strong> font connaître<br />

à <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière postérité. Le temps <strong>de</strong>structeur<br />

ronge le fer <strong>et</strong> le marbre, <strong>et</strong> rien ne résiste à <strong>la</strong> puissance<br />

<strong>de</strong>s sièc<strong>les</strong>; mais <strong>les</strong> ouvrages <strong>de</strong>s poètes bravent<br />

<strong>les</strong> années : c'est par <strong>les</strong> écrits <strong>de</strong>s poètes que vous connaissez<br />

Agamemnon <strong>et</strong> tous ces guerriers qui ont porté<br />

<strong>les</strong> armes avec lui ou contre lui. Sans le secours <strong>de</strong>s<br />

vers, qui connaîtrait Thèbes <strong>et</strong> <strong>les</strong> sept chefs, <strong>et</strong> tous<br />

<strong>les</strong> évènemens qui précédèrent, <strong>et</strong> tous ceux qui suivirent?<br />

Ce sont <strong>les</strong> vers, si j'ojse le dire, qui font <strong>les</strong><br />

dieux eux-mêmes, <strong>et</strong> leur majesté a besoin d'une voix<br />

qui célèbre ses gran<strong>de</strong>urs. Les vers nous apprennent<br />

que du chaos, <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te forme première <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature encore<br />

confuse, sortirent Tordre <strong>et</strong> <strong>les</strong> élémens divers, <strong>et</strong><br />

que <strong>les</strong> Géans, aspirant à l'empire <strong>de</strong>s cieux, furent<br />

précipités dans le Styx par <strong>les</strong> Feux vengeurs, enfaus<br />

<strong>de</strong>s Nues. Ce sont eux qui ont as<strong>sur</strong>é <strong>la</strong> gloire <strong>de</strong> Bacchus,<br />

triomphateur <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s, <strong>et</strong> d'Alci<strong>de</strong>, conquérant<br />

d*Écha!ie. Et naguère, César,.quand ton aïeul, par sa<br />

vertu, s'éleva jusqu'aux ciëux, <strong>les</strong> vers ne furent pas<br />

étrangers à son apothéose.<br />

Ainsi, Germanicus, si mon génie conserve encore<br />

quelque vigueur, elle te sera consacrée tout entière.<br />

Poète toi-même, tu ne peux dédaigner <strong>les</strong> hommages<br />

d'un poète, tu sais trop bien en apprécier <strong>la</strong> valeur; <strong>et</strong><br />

si ton grand nom ne t'avait appelé à <strong>de</strong> plus hautes <strong>de</strong>stinées,<br />

tu serais <strong>de</strong>venu l'honneur <strong>et</strong> <strong>la</strong> gloire <strong>de</strong>s Muses,<br />

x. 17


a58 EX. POIMTO LIB. IV, EPIST. VIE. (v. 71.)<br />

Sed dare materiam nobis, quam carmina, majus :<br />

Nec tamen ex toto <strong>de</strong>serere il<strong>la</strong> potes.<br />

Nam modo bel<strong>la</strong> geris, numeris modo verba coerces,<br />

Quodque aliis opus est, hoc tibi ludus erit.<br />

Utque nec ad citharam, nec ad arcum segnis Apollo est;<br />

Sed veoit ad sacras nervus uterque manus ;<br />

Sic tibi nec docti, nec <strong>de</strong>sunt principis artes :<br />

Mista sed est animo cum Jove Musa tuo.<br />

Quae quoniam nec nos unda submovit ab il<strong>la</strong>,<br />

' Ungu<strong>la</strong> Gorgonei quam cava fecit equi,<br />

Prosit, opemque ferat communia sacra tueri,'<br />

Àtque îs<strong>de</strong>m studiis imposuisse nianum.<br />

Litora pellitis nimium. subjecta Corallis,<br />

Ut tan<strong>de</strong>m sae?os effugiamque G<strong>et</strong>as,<br />

C<strong>la</strong>usaque si misero patria est, ut ponar in ullo,<br />

Qui minus Ausonia dist<strong>et</strong> ab urbe, loco;<br />

Un<strong>de</strong> tuas possim <strong>la</strong>u<strong>de</strong>s celebrare récentes,<br />

Magnaque quam minima facta referre mora.<br />

ïangat ut hoc votum cœ<strong>les</strong>tia, care Suilli,<br />

Nu mina, pro socero paene precare tuo.


PONTIQUES, UV. IV, LETT. VIII. %B$<br />

Il est plus glorieux, sans doute, d'inspirer <strong>de</strong>s vers, que<br />

d'en faire soi-même ; <strong>et</strong> cependant tu ne peux renoncer<br />

tout-à-fait à ton talent : tantôt tu livres <strong>de</strong>s batail<strong>les</strong>,<br />

tantôt tu soum<strong>et</strong>s <strong>de</strong>s mots aux lois <strong>de</strong> <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e, <strong>et</strong> ce<br />

qui est un travail pour d'autres n'est qu'un jeu pour toi.<br />

Ni Ja lyre, ni Tare, ne sont étrangers à Apollon, <strong>et</strong> ses<br />

mains divines en manient tour-à-tour <strong>les</strong> cor<strong>de</strong>s; <strong>de</strong><br />

même tu n'ignores ni <strong>les</strong> arts <strong>de</strong>s savans, ni ceux <strong>de</strong>s<br />

princes, <strong>et</strong> ton esprit se partage entre Jupiter <strong>et</strong> <strong>les</strong><br />

Muses. Puisqu'el<strong>les</strong> ne m'ont pas repoussé non plus <strong>de</strong><br />

ces on<strong>de</strong>s que le cheval issu <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gorgone fit jaillir dû<br />

sol creusé par son pied, qu'il me soit utile, salutaire<br />

aujourd'hui d'être initié aux mêmes mystères, d'avoir<br />

cultivé <strong>les</strong> mêmes étu<strong>de</strong>s! Que j'échappe enfin aux Gètes<br />

cruels, à ces rivages trop voisins <strong>de</strong>s Coral<strong>les</strong> sauvages!<br />

Si, dans mon malheur, <strong>la</strong> patrie m'est fermée pour toujours,<br />

qu'au moins j'habite un lieu moins éloigné <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

ville <strong>de</strong> l'Ausonie, un lieu où je puisse célébrer ta gloire<br />

à sa naissance, <strong>et</strong> chanter sans r<strong>et</strong>ard tes hauts faits!<br />

Pour que <strong>les</strong> dieux du ciel soient propices à ces vœux,<br />

cher Suillius, implore-<strong>les</strong> en faveur <strong>de</strong> celui que ton<br />

épouse peut appeler son père.<br />

17.


a6o - EX PONT© LIB. IV, EPIST. IX.<br />

EPISTOIA NONA.<br />

GRJEGINO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Graecloo, coasuli désignât©, <strong>et</strong> fratri ejus Pomponio F<strong>la</strong>cco , ipsi succes<strong>sur</strong>o,<br />

eum liosorem gratuîatus, doî<strong>et</strong>, qiiod non coram a<strong>de</strong>sse sibi lice*. Suam<br />

causam utrique commendat. Huic quoque, qui Mysise praeses fuerit, atrocitatem<br />

exsilii soi notam esse refert : probi<strong>la</strong>tis su», Barbaris <strong>et</strong>iam gratae,<br />

<strong>et</strong> pieîatis in Gaesares Po<strong>et</strong>um inYocat testem.<br />

UNDE iic<strong>et</strong>, non im<strong>de</strong> juvat, Grœcinc, salutem<br />

Mittit ab Euxinis banc tïbi Naso vadis.<br />

Missaque Dî faciant auroram occurrat ad illâm,<br />

Bis senos fasces quae tibi prima dabit.<br />

Ut, quoniam sine me tanges Capitolia consul.<br />

Et fiam turbae pars ego nul<strong>la</strong> tu»,<br />

In domini su beat partes, <strong>et</strong> praest<strong>et</strong> amici<br />

OfBcium jusso littera nostra die.<br />

Atque ego si fatis genitus melioribus essem,<br />

Et mea sincero currer<strong>et</strong> axe rota,<br />

Quo nuqc nostra manus per scriptum fuogitur, ess<strong>et</strong><br />

Lingua salutandi munere functa tui.<br />

Gratatusque darem cum dulcibus oscu<strong>la</strong> verbis :<br />

Nec minus ille meus, quam tuus, ess<strong>et</strong> honor.<br />

ILLA, confiteor? sic essem luce superbus,<br />

Ut caper<strong>et</strong> fastus vix domus ut<strong>la</strong> meos.


PONTIQUES,. UV. IV, LETT. IX. 261<br />

LETTRE NEUVIÈME.<br />

â GRÉCINUS.<br />

ARGUMENT.<br />

Gréeinus avait été sommé consul ; il <strong>de</strong>vait avoir pour successeur Pomponius<br />

F<strong>la</strong>ccîis son frère. Après l'avoir félicité <strong>de</strong> c<strong>et</strong> honneur, le poète se p<strong>la</strong>int <strong>de</strong><br />

ne pouvoir être près <strong>de</strong> lui. Il recomman<strong>de</strong> ses intérêts à l'un <strong>et</strong> à l'autre. Il<br />

dit que <strong>les</strong> rigueurs <strong>de</strong> son cruel exil doivent être connues <strong>de</strong> F<strong>la</strong>ccus, qui<br />

a élé gouverneur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mysie. Il prend <strong>la</strong> terre du Pont à témoin <strong>de</strong> sa<br />

probité, appréciée <strong>de</strong>s Barbares eux-mêmes, <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa piété envers <strong>les</strong> Césars.<br />

C'EST <strong>de</strong> ces lieux où Ta p<strong>la</strong>cé le sort, <strong>et</strong> non sa<br />

volonté, c'est <strong>de</strong>s bords <strong>de</strong> l'Euxin qu'Ovi<strong>de</strong> t'envoie ces<br />

vœux, ô Gréeinus. Fassent <strong>les</strong> dieux que ma l<strong>et</strong>tre te<br />

parvienne en ce jour, qui le premier te verra précédé<br />

<strong>de</strong>s douze faisceaux ! Consul, tu vas monter sans moi au<br />

Capitole, <strong>et</strong> je ne figurerai pas dans ton cortège; mais<br />

que du moins ma l<strong>et</strong>tre remp<strong>la</strong>ce près <strong>de</strong> toi son auteur,<br />

<strong>et</strong> qu'elle te présente, au jour fixé, l'hommage <strong>de</strong>. ton<br />

ami ! Si j'étais né sous un astre plus favorable, si l'essieu<br />

<strong>de</strong> mon char ne s'était brisé dans <strong>la</strong> carrière, ces <strong>de</strong>voirs<br />

que te rend aujourd'hui ma main dans c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre, ma<br />

bouche te <strong>les</strong> aurait <strong>rendus</strong>. Dans mes félicitations, à<br />

<strong>de</strong>s vœux <strong>de</strong> bonheur j'aurais mêlé mes cmbrassemens,<br />

<strong>et</strong> tes nouveaux honneurs m'auraient appartenu nonmoins<br />

qu'à toi-même.<br />

Oui, je l'avoue, j'aurais été fier <strong>de</strong> ce beau jour, aucun<br />

pa<strong>la</strong>is n'eût été assez vaste pour mon orgueil. Peu-


a6a - EX PONTO LIB. IV, EPIST. IX. (v. HA<br />

Dumque <strong>la</strong>tus sancti ciogit tibi terba senatus,<br />

Consulis ante pe<strong>de</strong>s ire vi<strong>de</strong>rer eques.<br />

Et quanquam cuperem semper tibi proximus esse,<br />

Gau<strong>de</strong>rem <strong>la</strong>teri non habuisse locum.<br />

Nec querulus, turba quamvis eli<strong>de</strong>rer-? essem :<br />

Sed for<strong>et</strong> a populo tum mifai dulce premi.<br />

Prospicerem gau<strong>de</strong>ns? quantus for<strong>et</strong>"agminis ordo,<br />

Densaque quam longum turba tener<strong>et</strong> iter.<br />

Quoque magis noris quam me vulgaria tangaot ,<br />

Spectaremf qualis purpura te teger<strong>et</strong>.<br />

Signa quoque in sel<strong>la</strong> nossem formata curuli ;<br />

Et totuin Numidae sculptile <strong>de</strong>ntis opus.<br />

At quum Tarpeias esses <strong>de</strong>ductus in arces,<br />

Dum ca<strong>de</strong>r<strong>et</strong> jus'su victima sacra tuo ;<br />

Me quoque secr<strong>et</strong>o grates sibi magnus agentem<br />

Audîss<strong>et</strong>, média qui sed<strong>et</strong> ae<strong>de</strong>f Deus.<br />

Turaque mente magis plena quam <strong>la</strong>nce f <strong>de</strong>dissem?<br />

Ter quater imperii <strong>la</strong><strong>et</strong>us honore tui.<br />

Hic ego présentes inter numerarer amicos;<br />

Mitîa jus urbis si modo fata darent.<br />

Quaeque mibi so<strong>la</strong> capitur ounc mente voluptas.<br />

Tune oculis <strong>et</strong>iam percipienda for<strong>et</strong>.<br />

Non ita Cœlitibus visum est, <strong>et</strong> forsitao aequis :<br />

Nam quid me pœhœ causa negata juv<strong>et</strong>?<br />

MENTE tamen f quœ so<strong>la</strong> loco non exsu<strong>la</strong>t , utar : '<br />

Pra<strong>et</strong>extam, fasces adspiciamque tuos.<br />

P»c modo te populo red<strong>de</strong><strong>et</strong>em jura vi<strong>de</strong>bit,<br />

Et se secr<strong>et</strong>is fing<strong>et</strong> a<strong>de</strong>sse locis.


PONTÏQUES, L1V. IV, LETT. IX. a6î<br />

dant que tu marches, entouré <strong>de</strong> l'auguste cortège du<br />

sénat, chevalier, je précé<strong>de</strong>rais <strong>les</strong> pas du consul; <strong>et</strong><br />

moi, si jaloux d'être toujours auprès <strong>de</strong> toi, je m'app<strong>la</strong>udirais<br />

<strong>de</strong> ne pouvoir trouver p<strong>la</strong>ce k tes côtés.<br />

Quand je serais écrasé par <strong>la</strong> foule, je ne m'en p<strong>la</strong>indrais<br />

pas; c'est avec joie que, dans ce jour, je me sentirais<br />

pressé par <strong>la</strong> multitu<strong>de</strong>. Je contemplerais avec bonheur<br />

<strong>la</strong> longue file du cortège, <strong>et</strong> l'espace immense occupé par<br />

une foule innombrable. Enfin, vois comme je serais attentif<br />

aux choses <strong>les</strong> plus simp<strong>les</strong>, j'examinerais jusqu'au<br />

tissu <strong>de</strong> <strong>la</strong> pourpre dont tu serais revêtu, j'étudierais <strong>les</strong><br />

figures ciselées <strong>sur</strong> ta chaise curule, <strong>et</strong> <strong>les</strong> riches sculptures<br />

<strong>de</strong> l'ivoire <strong>de</strong> Numidie. Après ton entrée soleonelle<br />

dans le temple du mont Tarpéien, pendant que <strong>la</strong> vie**<br />

time sainte tomberait par ton ordre, lé dieu puissant,<br />

p<strong>la</strong>cé au milieu <strong>de</strong> l'auguste enceinte, m'entendrait, moi<br />

aussi, lui'adresser en secr<strong>et</strong> mes actions <strong>de</strong> grâces, <strong>et</strong> du<br />

fond <strong>de</strong> mon cœur je lui offrirais plus d'encens que n'en<br />

brûlent <strong>les</strong> bassins sacrés, heureux, mille fois heureux<br />

<strong>de</strong> te voir élevé aux suprêmes honneurs! Oui, je serais<br />

présent au milieu <strong>de</strong> tes amis, si un <strong>de</strong>stin plus doux<br />

me perm<strong>et</strong>tait le séjour <strong>de</strong> Rome. Ce p<strong>la</strong>isir, que mon<br />

esprit peut seul goûter aujourd'hui, alors mes yeux le<br />

partageraient. Les dieux ne l'ont pas voulu! peut-être<br />

est-ce avec justice; car à quoi bon nier que mon châtiment<br />

fut mérité ?<br />

Mon esprit, du moins, qui seul n'est pas exilé <strong>de</strong><br />

Rome, jouira <strong>de</strong> ce spectacle; il contemplera ta robe<br />

prétexte <strong>et</strong> tes faisceaux; il te verra rendre <strong>la</strong> justice au<br />

peuple, <strong>et</strong> se croira transporté dans ces lieux qui me


a64- EX PONTO L1B. IV, EP1ST. IX. (•. 45.)<br />

Nunc loegï reclitus hastae supponere lustri<br />

Cern<strong>et</strong>, <strong>et</strong> exacta cuncta locare fi<strong>de</strong>.<br />

Hune facere in medio facundum verba senatu,<br />

Piiblica quaereotem quid p<strong>et</strong>at utilitas.<br />

Nuncf pro Caesaribusf Soperis <strong>de</strong>cernere grates5<br />

Albave opimorum col<strong>la</strong> ferire boum.<br />

Atque utioam, quum jam fueris potiora precatus,<br />

Ut mihi p<strong>la</strong>c<strong>et</strong>ur numinis ira, roges !<br />

Surgat ad banc Yocem plena pius ignis ab araf<br />

- D<strong>et</strong>que bonuoi voto lucidus omen apex.<br />

Interea, qua parte lic<strong>et</strong>, ne cuncta queramur?<br />

Hic quoque te festum console tempus agam.<br />

ALTéRA <strong>la</strong><strong>et</strong>itiae, nec ce<strong>de</strong>ns causa priori,<br />

Successor tanti frater honoris, erit.<br />

Nam tibi finîtum summo, Graecine, <strong>de</strong>cembri<br />

Imperium? Jani suscipit ille die.<br />

• Quaeque est in vobis pi<strong>et</strong>as, alterna fer<strong>et</strong>is<br />

Gaudia, tu fratris fascibus, ille tuis.<br />

Sic tu bis fueris consul, bis consul <strong>et</strong> ille,<br />

Inque domo bimus conspici<strong>et</strong>ur honor.<br />

Qui quanquam est ingens, <strong>et</strong> eullum Martia summo<br />

Altius imperium console Roma vid<strong>et</strong>;<br />

Multiplicat tamen hune gravitas auctoris honorem,<br />

Et majestatem res data dantis hab<strong>et</strong>.<br />

Judiciis igitur liceat F<strong>la</strong>ccoque tibique<br />

Talïbus Augusti tempus in omne frui.


PONTIQUES, UV.-IV, LETT. IX. i65<br />

sont interdits. Je te verrai tantôt m<strong>et</strong>tre aux enchères,<br />

pour <strong>la</strong> durée d'un lustre, <strong>les</strong> revenus <strong>de</strong> l'empire, <strong>et</strong><br />

affermer nos richesses avec une probité scrupuleuse;<br />

tantôt faire entendre, au milieu du sénat, <strong>de</strong>s paro<strong>les</strong><br />

éloquentes, <strong>et</strong> chercher ce que peut réc<strong>la</strong>mer l'intérêt<br />

<strong>de</strong> l'état; tantôt décerner <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> grâces aux Immortels,<br />

<strong>et</strong> frapper <strong>les</strong> b<strong>la</strong>nches têtes <strong>de</strong>s superbes taureaux.<br />

Puisses-tu, après avoir prié pour <strong>de</strong> plus graves<br />

intérêts, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r aussi que <strong>la</strong> colère divine s'apaise en<br />

ma faveur! A c<strong>et</strong>te prière, que le feu sacré s'élève <strong>de</strong><br />

l'autel chargé d'offran<strong>de</strong>s, <strong>et</strong> qu'une f<strong>la</strong>mme bril<strong>la</strong>nte<br />

favorise tes vœux d'un heureux présage ! Cependant je<br />

ne serai pas tout entier aux regr<strong>et</strong>s ; <strong>et</strong> dans ces lieux<br />

aussi je célébrerai, comme je'le pourrai, <strong>la</strong> fête <strong>de</strong> ton<br />

consu<strong>la</strong>t.<br />

A ce bonheur s'en joint un autre, <strong>et</strong> il n'est pas moins<br />

grand : ton frère doit hériter <strong>de</strong> ta dignité. Oui, Grécinus,<br />

ce pouvoir, qui expire pour toi à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> décembre,<br />

doit commencer pour lui au jour <strong>de</strong> Janus; <strong>et</strong>,<br />

telle est votre tendre amitié, que vous serez fiers tourà-tour,<br />

toi <strong>de</strong>s faisceaux,<strong>de</strong> ton frère, <strong>et</strong> lui <strong>de</strong>s tiens.<br />

Ainsi tu doubleras ton consu<strong>la</strong>t, il doublera le sien, <strong>et</strong><br />

c<strong>et</strong>te dignité restera <strong>de</strong>ux ans dans <strong>la</strong> même famille.<br />

Quelle qu'en soit <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur; quoique, dans <strong>la</strong> ville <strong>de</strong><br />

Mars, aucun pouvoir n'éclipse le pouvoir suprême'<strong>de</strong>s<br />

consuls, cependant <strong>la</strong> main auguste dont il émane ajoute<br />

encore à c<strong>et</strong> honneur, <strong>et</strong> le don participe <strong>de</strong> <strong>la</strong> majesté<br />

du donateur. Qu'il vous soit donc donné, à F<strong>la</strong>ccus <strong>et</strong> à<br />

toi, d'obtenir toujours ainsi lés suffrages d'Auguste !<br />

Cependant, quand le soin <strong>de</strong>s affaires ne l'occupera pas<br />

tout entier, unissez, je vous en prie, vos prières aux


%66 t EX PONTO LIB. IV, EPIST. IX. (*. 71.)<br />

Ut tamee a rerum cura propiore vacabit?<br />

Vota precor votis addite vestra meis.<br />

Et, si qùem dabit aura sinum, -<strong>la</strong>xate ru<strong>de</strong>ntes?<br />

Exeat e Stygiis ut mea navis aquïs.<br />

PB^FUIT his, Graecine, locis modo F<strong>la</strong>ccus; <strong>et</strong> illo<br />

Ripa ferox Istri sub duce tuta fuit.<br />

Hic tenuit Mysas ge<strong>et</strong>es in pace fi<strong>de</strong>li ;<br />

Hic arcu fisos terruit ense G<strong>et</strong>as.<br />

Hic captam'Trosmin céleri virtute recepit,<br />

Infecitque fero sanguine Danubium.<br />

Quaere loci faciem, Scythicique incommoda oœli;<br />

Et quam vicino terrear hoste, roga.<br />

Sintne litae tenues serpentis felle sagittae,<br />

Fiat an humanum victima dira caput<br />

Mentiar, an coeat duratus frigore Pontus,<br />

Et teneat g<strong>la</strong>cies jugera multa fr<strong>et</strong>i.<br />

Hoec ubi narrant, quae sit mea fama, require ;<br />

Quoque modo peragam teinpora dura, roga.<br />

Née sumus hic odio, nec scilic<strong>et</strong> esse meremurf<br />

Nec cum fortuna mens quoque versa mea est.<br />

U<strong>la</strong> quies animo, quam tu <strong>la</strong>udare solebas,<br />

Ille vêtus solito persiat in ore pudor.<br />

Sic ego sum longe, sic hic, ubi barbarus hosiis,<br />

Ut fera plus valeant legibus armaf facit;<br />

Rem queat ut nul<strong>la</strong>m tôt jam, Graecine, per au nos<br />

Femina <strong>de</strong> oobis, virve? puerve queri.<br />

Poe facit, ut misero faveant adsintque Tomitae;<br />

Haec quoniam tellus testificanda mihi est.


PONTIQUES, L1V. IV, LETT. IX. 167<br />

miennes; <strong>et</strong> pour peu qu'un vent favorable gonie <strong>la</strong><br />

voile, hâtez-vous <strong>de</strong> lâcher <strong>les</strong> cordages, afin que mon<br />

navire sorte enfin <strong>de</strong>s on<strong>de</strong>s du Styx.<br />

.Naguère F<strong>la</strong>ccus commandait dans ces lieux, <strong>et</strong> sous<br />

ses auspices, Grécinus, <strong>les</strong> bords farouches <strong>de</strong> lister<br />

jouissaieot du repos. Il sut maintenir dans une pak<br />

constante <strong>les</strong> peup<strong>les</strong> <strong>de</strong> Mysie, <strong>et</strong> son g<strong>la</strong>ive effraya <strong>les</strong><br />

Gètes, fiers <strong>de</strong> leurs armes. Par son courage actif, il a<br />

reconquis Trosmis, enlevée par l'ennemi; il a rougi le<br />

Danube du sang <strong>de</strong>s Barbares. Deman<strong>de</strong>-lui quel est<br />

l'aspect <strong>de</strong> ces lieux, quel<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> rigueurs du ciel <strong>de</strong><br />

Scythie; <strong>de</strong>man<strong>de</strong>-lui combien .sont terrib<strong>les</strong> <strong>les</strong> ennemis<br />

qui m'entourent ; qu'il te dise si leurs flèches légères ne<br />

sont pas trempées dans le fiel <strong>de</strong>s serpens, s'ils n'immolent<br />

pas <strong>de</strong>s victimes humaines <strong>de</strong>vant <strong>de</strong> barbares autels;<br />

si c'est moi qui vous trompe, ou si réellement le<br />

froid gèle <strong>et</strong> enchaîne le Pont-Euxin, s'il couvre <strong>de</strong> g<strong>la</strong>ce<br />

une vaste étendue <strong>de</strong> mer. Quand il t'aura répondu,<br />

informe-toi <strong>de</strong> ce que l'on dit <strong>de</strong> moi dans ce pays, <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

comment je vis dans ce cruel exil : ici personne<br />

ne meJiait; <strong>et</strong>, certes, je ne mérite pas <strong>de</strong> haine; mon<br />

cœur n'a pas changé avec ma fortune. J'ai conservé dans<br />

mon âme ce calme que tu louais souvent, <strong>et</strong> <strong>sur</strong> mon<br />

visage c<strong>et</strong>te pu<strong>de</strong>ur que,- <strong>de</strong>puis long-temps, tu me connais.<br />

Sur ces bords lointains, dans ces lieux ou un ennemi<br />

barbare rend <strong>les</strong> lois impuissantes <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> force<br />

brutale <strong>de</strong>s armes, telle a été ma vie, que, <strong>de</strong>puis tant<br />

d'années, Grécinus, ni femme, ni homme, ni enfant ne<br />

saurait se p<strong>la</strong>indre <strong>de</strong> moi. Aussi, puisqu'il me faut invoquer<br />

le témoignage <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te contrée, <strong>les</strong> habitaos <strong>de</strong><br />

Tomes, touchés <strong>de</strong> mes malheurs*, me soutiennent <strong>et</strong> me


a68 ' EX PONTO LIB. IV, EPIST. IX. (y. g9.)<br />

111 i me, quia velle vi<strong>de</strong>nt., disce<strong>de</strong>re malunt :<br />

- Respecte eupiunt hic tamen esse sui.<br />

Nec mihi credi<strong>de</strong>ris : exstant décréta, quibus nos<br />

Laudat, <strong>et</strong> immunes publica cera faeit.<br />

Conveniens miseris haec quaoquam gloria non est,<br />

Proxitna dant oobis oppida munus i<strong>de</strong>m.<br />

NEC pi<strong>et</strong>as ignota mea est : vid<strong>et</strong> liospita tellus<br />

In nostra sacrum Caesaris esse-domo.<br />

Stant pariter natusque pius,'Conjuxque sacerdos,<br />

Numina jam facto non leviora Deo.<br />

Neu <strong>de</strong>sit pars, ul<strong>la</strong> domus, stat uterque nepotum,<br />

Hïs aviae <strong>la</strong>teri proximus, ille patris.<br />

His ego do toties cum ture precaotia verba?<br />

Eoo quoties <strong>sur</strong>git ab orbe dies.<br />

Tota, lic<strong>et</strong> quœras,. hoc - me non fingere die<strong>et</strong>,<br />

Officii testis Pontica terra mei.<br />

Pontica me tellus, quantis hac possumus ora,<br />

Natalem ludis scit celebrare Dei.,<br />

Nec minus hospitibus pi<strong>et</strong>as est cognïta talis,<br />

Misit in bas si quos looga Propontis aquas.<br />

1s quoque, quo <strong>la</strong>^vus fuerat sub praesi<strong>de</strong> Pontus,<br />

Audierit frater forsitan ista tuus.<br />

Fortuoa est impar aoiino, talique libenter<br />

Exiguas carpo munere pauper opes.<br />

Nec vestris damus hacc oculis, procul urbe remoti;<br />

Contenti tacita sed pi<strong>et</strong>ate sumus.<br />

Et tamen haec tangent aliquando Caesaris aures :<br />

Nil illum, toto quod fit in orbe, <strong>la</strong>t<strong>et</strong>.


PONTIQUES, EIV. IV, LETT. IX. . 269<br />

favorisent. Ils voudraient bien que je partisse, parce<br />

qu'ils voient que je le désire ; mais, pour eux-mêmes, ils<br />

souhaitent que je reste. Si tu n'en crois pas mes paro<strong>les</strong>,<br />

crois-en <strong>les</strong> décr<strong>et</strong>s, <strong>les</strong> actes publics qui font mon<br />

éloge? <strong>et</strong> m'exemptent <strong>de</strong>s charges <strong>de</strong> l'état; <strong>et</strong>, quoiqu'il<br />

ne convienne pas au malheureux <strong>de</strong> se glorifier ainsi,<br />

<strong>les</strong> vil<strong>les</strong> voisines m'accor<strong>de</strong>nt <strong>les</strong> mêmes privilèges.<br />

Ma piété est connue <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre étrangère : ou sait<br />

que dans ma maison est un sanctuaire dédié à César; là<br />

sont aussi <strong>les</strong> images <strong>de</strong> son fils pieux <strong>et</strong> <strong>de</strong> son épouse,<br />

souveraine prêtresse, <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux divinités non moins<br />

augustes que notre nouveau dieu. Et pour qu'il n'y<br />

manque aucun membre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te famille, ses <strong>de</strong>ux p<strong>et</strong>itsfils<br />

y sont aussi, l'un auprès <strong>de</strong> son aïeule, l'autre à côté _<br />

<strong>de</strong> son père. Je leur offre <strong>de</strong> l'encens avec <strong>de</strong>s prières,<br />

<strong>toutes</strong> <strong>les</strong> fois que le jour se lève <strong>de</strong>s rives <strong>de</strong> l'Orient.<br />

Interroge le Pont tout entier; témoin <strong>de</strong> ma piété, il<br />

ne démentira pas mes paro<strong>les</strong>. La terre du Pont sait<br />

encore que je célèbre par <strong>de</strong>s jeux le jour <strong>de</strong> <strong>la</strong> naissance<br />

<strong>de</strong> notre dieu, avec toute <strong>la</strong> solennité que perm<strong>et</strong><br />

c<strong>et</strong>te contrée. C<strong>et</strong>te piété n'est pas moins célèbre parmi<br />

<strong>les</strong> étrangers que <strong>la</strong> vaste Proponti<strong>de</strong> nous envoie <strong>sur</strong><br />

ces mers : ton frère lui-même, quand il commandait <strong>la</strong><br />

rive gauche du Pont, en aura peut-être entendu parler.<br />

Ma fortune ne répond pas à mon zèle ; mais c'est avec<br />

bonheur que? dans ma pauvr<strong>et</strong>é, je consacre à ces<br />

hommages mes faib<strong>les</strong> ressources. Relégué loin <strong>de</strong><br />

Mome, mon but n'est point <strong>de</strong> frapper vos regards,<br />

mais je me contente d'une piété sans éc<strong>la</strong>t ; <strong>et</strong> cependant<br />

un- jour le bruit en viendra jusqu'aux oreil<strong>les</strong> du<br />

prince; rien ne lui échappe <strong>de</strong> ce qui se fait dans le<br />

mon<strong>de</strong>. Tu <strong>la</strong> connais , du moins , toi qui fus admis dans


a7o > EX PONTO UK IV, EP1ST. IX. (•. «7.)<br />

Tu certe scis hocf Superjs adscite, vi<strong>de</strong>sque,<br />

- Caesar, ut est oeulis subdita terra tuis!<br />

Tu nostras audis, inter convexa locatus<br />

Sidéra, sollicito quas dâmus ore? preces.<br />

Perveniant istuc <strong>et</strong> carmina forsitan il<strong>la</strong>,<br />

Quœ-<strong>de</strong> te misi cœlîte facta novo.<br />

Augûror his igitur flecti tua numina ; nec tu<br />

Immerito nomen mite parentis faabes.


PONTIQUES, UV. IV, LETT. IX. a7i<br />

<strong>les</strong> cieux; tu <strong>la</strong> vois, César, car <strong>la</strong> terre est soumise à<br />

tes regards. P<strong>la</strong>cé parmi <strong>les</strong> astres, tu entends <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

voûte cé<strong>les</strong>te <strong>les</strong> vœux inqui<strong>et</strong>s qui s'échappent <strong>de</strong> ma<br />

bouche. Peut-être parviendront-ils aussi jusqu'à toi, ces<br />

vers que j'ai envoyés à Rome? pour célébrer ton entrée<br />

dans le ciel. J'en ai le pressentiment, ils apaiseront ta<br />

divinité; <strong>et</strong> ce n'est pas sans raison que tu portes le<br />

doux nom <strong>de</strong> père.


27a EX PONTO LIB. IV, EPIST. X.<br />

**


POETIQUES, LIV. IV, LETT. X. 27^<br />

LETTRE DIXIÈME.<br />

A ALBINOVANUS.<br />

ARGUMENT.<br />

Le poète prétend que Ses malheurs d'Ulysse, quelque cruels qu'ils aient été,<br />

se sont pas comparab<strong>les</strong> aux rigueurs qu'il endure <strong>de</strong>puis sis ans dans son<br />

exil II rappelle à Albmovanus le poème où il a célébré <strong>la</strong> gloire <strong>de</strong> Thésée,<br />

<strong>et</strong> lui propose à imiter <strong>la</strong> fidélité constante <strong>de</strong> son héros.<br />

VOILA le sixième été qu'il me faut passer <strong>sur</strong> <strong>les</strong> bords<br />

cimmériens,au milieu <strong>de</strong>s Gètes grossiers. Quel marbre,<br />

cher Albinovanus, quel fer serait assez dur pour résister<br />

autant que moi? L'eau en tombant creuse <strong>la</strong> pierre, l'anneau<br />

s'use par le-frottement, le soc recourbé s'émoosse<br />

contre <strong>la</strong> terre qu'il presse. Le temps, qui détruit tout,<br />

n'épargnera-t-il donc que moi ? La mort même ne peut<br />

pénétrer <strong>de</strong> ses coups <strong>la</strong> trame <strong>de</strong> mes jours.<br />

On cite pour modèle d'une patience inébran<strong>la</strong>ble<br />

Ulysse, qui, pendant <strong>de</strong>ux lustres, erra au gré <strong>de</strong>s iots;<br />

mais il n'eut pas à supporter continuellement <strong>les</strong> rigueurs<br />

du <strong>de</strong>stin, il eut souvent <strong>de</strong>s interval<strong>les</strong> <strong>de</strong> repos.<br />

Fut-il si malheureux d'aimer pendant six ans <strong>la</strong> belle<br />

Calypso, <strong>et</strong> <strong>de</strong> partager <strong>la</strong> couche d'une déesse <strong>de</strong>s mers?<br />

H fut accueilli par le fils d'Hippotas, qui lui donna <strong>les</strong><br />

vents emprisonnés, pour qu'un souffle favorable dirigeât,<br />

à son gré, ses voi<strong>les</strong>. Il ne fut pas si pénible<br />

d'entendre <strong>de</strong> jeunes fil<strong>les</strong> aux chants harmonieux; son<br />

pa<strong>la</strong>is ne trouva pas amer le fruit du lotus. Ah! que Ton<br />

x. 18


274 EX PONT0 LIB. IV, EPIST. X. (v. 19.)<br />

Hos ego, qui patriœ faciant oblivia, succos<br />

Parte meae vite, si modo <strong>de</strong>ntur, emam.<br />

Nec tu contuleris urbem Lœstrygonis unquam<br />

Gentibus, obliqua quas obit Ister aqua.<br />

Nec vinc<strong>et</strong> saevum Cyclops feritate Phyacen,<br />

Qui quota terroris pars sol<strong>et</strong> esse mei !<br />

Scyl<strong>la</strong> feris trunco quod <strong>la</strong>trat ab inguine monstris,<br />

Heniochae oautis plus uocuere rates.<br />

Nec potes infestis conferre Charybdin Achaeis,<br />

Ter lic<strong>et</strong> epotum ter vooiat il<strong>la</strong> fr<strong>et</strong>um.<br />

Qui quanquam <strong>de</strong>xtra regione licentius errant,<br />

Securum <strong>la</strong>tus hoc 0011 tamen esse sinunt.<br />

Hic agri iofron<strong>de</strong>s, hic spicu<strong>la</strong> tincta venenis;<br />

Hic fréta vel pediti pervia reddit hiems :<br />

Ut, qua rem us iter pulsïs modo fecerat undis,<br />

Siccus contemta nave viator eat.<br />

Qui veniunt istinc, vix vos ea cre<strong>de</strong>re dicunt :<br />

Quaio miser est, qui fert asperiora fi<strong>de</strong>!<br />

Cre<strong>de</strong> tamen : nec te causas nescire sinemus,<br />

Horrida Sarmaticum cur mare dur<strong>et</strong> hiems.<br />

PROXIMà sunt nobis p<strong>la</strong>ustri praBbentia formam,<br />

Et quae praecipuum sidéra frigus habent.<br />

Hinc oritur Boreas, oraeque domesticiis huic est,<br />

Et sumit vires a propiore loco.<br />

At Notus, adverso tepidum qui spirat ab axe,<br />

Est procul, <strong>et</strong> rarus <strong>la</strong>oguidiorque venit.<br />

Ad<strong>de</strong> quod hic c<strong>la</strong>uso miscentur flumina Ponto,<br />

Vimquc fr<strong>et</strong>um multo perdit ab amne suam.


' POETIQUES, UV. IV, LETT. X. %


276 EX P0NTO LIB. IV, EPIST. X. (v. 47-)<br />

Hoc Lycus, hue Sagaris, Peniusque, Hypanisque, Cratesque<br />

Induit, <strong>et</strong> crebro vortice tortus Halys :<br />

Partheoiusque rapax, <strong>et</strong> volvens saxa Cynapes<br />

Labitur; <strong>et</strong> nullo tardior amne Tyras.<br />

Et tu, femioeœ Thermodon cogoite turmae;<br />

Et quondam Graiis, Phasi, p<strong>et</strong>ite vïris.<br />

Cumque Borystheriio Hquidissimus amoe Dyraspes,<br />

Et tacite peragens lene Me<strong>la</strong>othus ïter.<br />

Quique duas terras Âsiain Cad inique sororem<br />

Séparât, <strong>et</strong> cursus inter utramque facit.<br />

Inoumerique alii, quos ioter maximus omoes<br />

Ce<strong>de</strong>re Daoubius se libi, Nile, neg<strong>et</strong>.<br />

Copia tôt <strong>la</strong>ticum, quas aug<strong>et</strong>, adultérât undas,<br />

Nec patitur vires aequor habere suas.<br />

Quin <strong>et</strong>iam stagno similis, pigraeque paludi<br />

Caeruleus vix est, diluiturque color.<br />

Inuatat unda fr<strong>et</strong>o dulcis, leviorque marioa est,<br />

Quae proprium misto <strong>de</strong> sale pondus hab<strong>et</strong>.<br />

Si rog<strong>et</strong> haec aliquis, cur siut oarrata Pedoni.<br />

Quidve loqui certis juverit ista modis;<br />

D<strong>et</strong>inui, dicam, tempus, curasque fefelli :<br />

Hune fructum praesens adtulit hora mihi.<br />

Abfuimus solito, duni scribimus ista, dolore,<br />

In mediis nec nos sensimus esse G<strong>et</strong>is.<br />

AT tu, non dubito, quum carminé Thesea <strong>la</strong>u<strong>de</strong>s,<br />

Materiae titulos quin tueare tuae;<br />

Quemque refers, imitere viruni : v<strong>et</strong>at ille profecto<br />

Tranquilli comitem temporis esse fi<strong>de</strong>m.


PONTIQUES, LIV. IV, LETT. X. 277<br />

par ce mé<strong>la</strong>nge, Fon<strong>de</strong> marine perd sa vertu. Là se j<strong>et</strong>tent<br />

le Lycus, le Sagaris, le Pénius, l'Hypanis, le Cratès,<br />

<strong>et</strong> <strong>les</strong> eaux <strong>de</strong> l'Halys que bouleversent <strong>de</strong> nombreux<br />

tourbillons ; là <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt aussi le violent Parthénius,<br />

<strong>et</strong> le Cynapès qui entraîne <strong>les</strong> rochers; <strong>et</strong> le Tyras, le<br />

plus rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s fleuves ; <strong>et</strong> toi, Thermodon, qui vois <strong>sur</strong><br />

tes rives <strong>de</strong>s femmes belliqueuses; <strong>et</strong> toi, Phase, que visitèrent<br />

<strong>les</strong> héros <strong>de</strong> <strong>la</strong> Grèce f <strong>et</strong> le Borysthène avec<br />

<strong>les</strong> eaux limpi<strong>de</strong>s du Dyraspe; <strong>et</strong> le Mé<strong>la</strong>nthe, qui là<br />

vient terminer son cours lent <strong>et</strong> paisible; <strong>et</strong> ce fleuve<br />

qui, séparant l'Asie <strong>de</strong> <strong>la</strong> sœur <strong>de</strong> Cadmus, se fraie un<br />

chemin entre ces <strong>de</strong>ux contrées; <strong>et</strong> d'autres sans nombre,<br />

parmi <strong>les</strong>quels le Danube, le plus grand <strong>de</strong> tous, te dispute<br />

<strong>la</strong> palme, fleuve du Nil. Tous ces courans, en<br />

s'unissant à Fon<strong>de</strong> marine, Faltèrent, <strong>et</strong> ne lui perm<strong>et</strong>tent<br />

pas <strong>de</strong> conserver sa vertu. Bien plus, semb<strong>la</strong>ble à<br />

un étang, aux eaux dormantes d'un marais, sa couleur<br />

s'efface, elle est à peine azurée. L'eau douce <strong>sur</strong>nage,<br />

plus légère que Fon<strong>de</strong> marine, à <strong>la</strong>quelle le mé<strong>la</strong>nge du<br />

sel donne une pesanteur particulière.<br />

Si l'on me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pourquoi je raconte tous ces détails<br />

à Pédon, <strong>et</strong> à quoi sert d'assujétir à <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e <strong>de</strong><br />

semb<strong>la</strong>b<strong>les</strong> idées, C'est employer le temps, répondrai-je,<br />

c'est tromper mes ennuis : voilà le fruit d'une heure<br />

ainsi passée ; en écrivant ces mots, j'oubliais ma douleur<br />

accoutumée, je ne sentais plus que j'étais au milieu <strong>de</strong>s<br />

Gètes.<br />

Pour toi, qui, dans tes vers, célèbres <strong>la</strong> gloire <strong>de</strong> Thésée,<br />

je ne doute pas que tu ne te montres digne <strong>de</strong>s<br />

vertus <strong>de</strong> ton héros, que tu n'imites celui que tu chantes :<br />

<strong>et</strong>, certes, il ne veut pas que Famitié ne soit fidèle qu'aux<br />

jours du bonheur. Quel que soit l'éc<strong>la</strong>t <strong>de</strong> ses hauts faits,


27» KX PONTO MB. TV, EPIST. X. (*. 15.)<br />

Qui quanquam est factis ingens, <strong>et</strong> conditur a le<br />

Vir tanto, quanto <strong>de</strong>buit ore cani;<br />

Est tamen ex illo nobis imitabile quiddam,<br />

Inque fi<strong>de</strong> Theseus quilib<strong>et</strong> esse potest.<br />

Non tibi -sunt hostes ferro c<strong>la</strong>vaque domandi,<br />

Per quos vix ulli pervius Isthmos erat :<br />

Sed praestaodus amor, res non operosa voleoti.<br />

Quis <strong>la</strong>bor est puram non temerasse fi<strong>de</strong>m ?<br />

Hœc tibi, qui perstas in<strong>de</strong>clinatus amico ,<br />

Non est quod lingua dicta quereote putes.


PONUQUES, LIV. IV, LETT. X. 279<br />

quelque grand que nous le représente uoe voix si digoe<br />

<strong>de</strong> le chanter, on peut cepeodant l'imiter en un point :<br />

en amitié, chacun peut <strong>de</strong>venir un Thésée. Je ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

pas qu'armé du g<strong>la</strong>ive ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> massuef tu domptes<br />

<strong>les</strong> brigands qui rendaient inaccessible l'isthme <strong>de</strong> Corinthe<br />

; mais il faut que tu m'aimes : ce<strong>la</strong> n'est pas difficile<br />

à qui veut bien. Est-il s'r pénible <strong>de</strong> conserver une<br />

foi pure, invio<strong>la</strong>ble ? Toi, doni <strong>la</strong> constante amitié oe<br />

s'est jamais démentie, tu ne prendras pas sans doute<br />

mon <strong>la</strong>ngage pour un reproche.


a8o EX PONTO LIB. IV, EPIST. XI.<br />

EPISTOLA UNDECIMA.<br />

GALLIOJVI.<br />

ARGUMKNTUM.<br />

Conjuge orbum Galtionem sero quod sol<strong>et</strong>ur, excusât.<br />

GAJLLIO , crimen erit vix excusabile nobis,<br />

Carminé te nomeo non habuisse meo.<br />

Tu quoque enim, memini, cœ<strong>les</strong>ti cuspi<strong>de</strong> facta<br />

Fovisti <strong>la</strong>crymïs vulnera nostra tuis.<br />

Atque utinamf rapti jactura <strong>la</strong>esus amici,<br />

Sensisses ultra, quod querereref nihil!<br />

Non i<strong>la</strong> Dîs p<strong>la</strong>cuit, qui te spoliare pudiea<br />

Conjuge cru<strong>de</strong><strong>les</strong> non habuere nefas.<br />

Nuotia nam luctus mihi nuper episto<strong>la</strong> venit,<br />

Lectaque cum <strong>la</strong>crymis sunt tua damna meis.<br />

Sed neque pru<strong>de</strong>ntem so<strong>la</strong>ri stultior ausim,<br />

Verbaque doctorum nota referre tibi :<br />

Finttumque tuum, si non ratione, dolorem<br />

Ipsa jam pri<strong>de</strong>m suspicor esse mora.<br />

Dura tua pervenit, durn littera nostra recurrens<br />

Tôt maria ac terras permeat, annus abit.<br />

Teinporis officium so<strong>la</strong>tia dicere certi est;<br />

Dum dolor in cursu est, dum p<strong>et</strong>it aeger opem.


PONTIQUES, LIV. IV, LETT. XL 281<br />

LETTRE ONZIÈME.<br />

A 6ALLION.<br />

ARGUMENT.<br />

Iî s'excuse d'âfoir différé d'offrir ses conso<strong>la</strong>tions à Gallion, après <strong>la</strong> mort<br />

<strong>de</strong> sa femme.<br />

CE sera pour moi un crime impardonnable, Gallion,<br />

<strong>de</strong> n'avoir pas, jusqu'à ce jour, consigné ton nom dans<br />

mes vers; car, je m'en souviens, quand <strong>les</strong> traits d'un<br />

dieu me frappèrent, toi aussi, par tes <strong>la</strong>rmes, tu sou<strong>la</strong>geas<br />

ma b<strong>les</strong><strong>sur</strong>e. Et plût au ciel qu'affligé déjà <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

perte d'un ami, tu n'eusses pas éprouvé <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong><br />

douleurs! Les dieux ne Font pas voulu. Les cruels! ils<br />

ont cru qu'ils pouvaient sans crime te ravir une chaste<br />

épouse. Oui, naguère uoe l<strong>et</strong>tre est venue m'annoncer<br />

ton <strong>de</strong>uil, <strong>et</strong> j'ai arrosé <strong>de</strong> mes <strong>la</strong>rmes <strong>la</strong> nouvelle <strong>de</strong> ton<br />

malheur. Je n'oserai pas, moi, si peu philosophe, consoler<br />

un savant, ni te redire ces conseils <strong>de</strong> <strong>la</strong> sagesse qoi<br />

te sont familiers. Déjà le temps, sinon <strong>la</strong> raison, aura<br />

sans doute mis fin à ta douleur. Pendant que ta l<strong>et</strong>tre<br />

în'arrive, <strong>et</strong> que <strong>la</strong> mienne va te trouver à son tour à<br />

travers tant <strong>de</strong> mers, tant <strong>de</strong> terres, toute une année<br />

s'écoule. Il n'est qu'une époque pour <strong>les</strong> conso<strong>la</strong>tions <strong>de</strong><br />

1 amitié : c'est lorsque <strong>la</strong> douleur est dans son cours, <strong>et</strong><br />

que le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> réc<strong>la</strong>me du sou<strong>la</strong>gement. Mais quand le


a8i EX PONTO LIB. IV, EPIST. XI. (v. 19.)<br />

At qoum longa dies sedavit vuleera mentis,<br />

Intempestive qui fov<strong>et</strong> il<strong>la</strong>, eovat.<br />

A.d<strong>de</strong> quod f atque utinam verum tibi veoerit omen !<br />

Conjugio felix jain potes esse novo. '


PONTIQUES, UV. IV, ÏJETT. XL ng3<br />

temps a calmé <strong>les</strong> b<strong>les</strong><strong>sur</strong>es du cœur, <strong>de</strong>s soins importuns<br />

ne font que <strong>les</strong> rouvrir. D'ailleurs, <strong>et</strong> puisse mon<br />

présage se vérifier! peut-être as-tu déjà trouvé le bonheur<br />

dans <strong>de</strong> nouveaux liens.


a8.V EX PONTO IJB. IV, EPIST. XII.<br />

EPISTOLA DUODECIMA.<br />

TUTICANO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Quod Tuticaiii nomen legibiis m<strong>et</strong>ri refragareiur, hactenus nylium ei dieasse<br />

se carmen, scribit Naso ; utque, veîeris amicitia? memor ? opem sibi ferre<br />

Sabor<strong>et</strong>, precatur.<br />

Quo minus in nostris ponaris, amice, libellis,<br />

Nominis efficitur conditïone tui.<br />

Ast ego non alium prius hoc dignarer honore;<br />

Est aliquis nostrum si modo carmen honos.<br />

Lex pedis officio, naturaque nominis obstant,<br />

Quaque meos a<strong>de</strong>as, est via nul<strong>la</strong> , modos.<br />

N^m pud<strong>et</strong> in geminos ita nomen fin<strong>de</strong>re versus,<br />

Desinat ut prior hoc, incipiatque mieor :<br />

Et pu<strong>de</strong>at, si te, qua syl<strong>la</strong>ba parte inoratur,<br />

Arctius adpellem, Tuticanumque vocem.<br />

Nec potes in versum Tuticani more venire,<br />

Fiat ut e longa syl<strong>la</strong>ba prima brevis.<br />

Aut producatur, quae nunc correptius exit,<br />

Et sit porrecta longa secunda mora.<br />

His ego si vitiis ausim corrumpere nomen,<br />

Ri<strong>de</strong>ar, <strong>et</strong> merito pectus habere neger.<br />

HJEC niihi causa fuit di<strong>la</strong>ti muneris hujusf<br />

Quod meus adjecto fœnore redd<strong>et</strong> ager.


PONTIQUES, L1V. IV, LETT. XII. a85<br />

LETTRE DOUZIÈME.<br />

A TCTICANUS.<br />

ARGUMENT.<br />

Ofi<strong>de</strong> écrit à Tuticanus que si, jusqu'à présent, il ne lui a pas envoyé <strong>de</strong><br />

vers t c'est que son nom ne peut se soum<strong>et</strong>tre aux lois <strong>de</strong> <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e. Il le<br />

prie <strong>de</strong> se rappeler son <strong>ancienne</strong> amitié, <strong>et</strong> <strong>de</strong> chercher à sou<strong>la</strong>ger ses<br />

malheurs.<br />

Si tu n'occupes aucune p<strong>la</strong>ce dans mes livres, mon<br />

ami, c'est <strong>la</strong> faute <strong>de</strong> ton nom lui-même; car personne<br />

.ne me paraît plus que toi digoe <strong>de</strong> c<strong>et</strong> honneur, si toutefois<br />

c'est un honneur <strong>de</strong> figurer dans mes écrits. Mais<br />

<strong>les</strong> lois <strong>de</strong> <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e <strong>et</strong> <strong>la</strong> nature même <strong>de</strong> ton nom<br />

s'opposent à mon désir; je ne vois aucun moyen <strong>de</strong> te<br />

faire entrer dans mes vers : je n'oserais, en eff<strong>et</strong>, partager<br />

ton nom entre <strong>de</strong>ux vers, en faire <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> l'un<br />

<strong>et</strong> le commencement <strong>de</strong> l'autre; j'aurais honte d'abréger<br />

une syl<strong>la</strong>be que <strong>la</strong> voix allonge, <strong>et</strong> <strong>de</strong> te nommer<br />

Tûtlcànus; je ne puis non plus t'adm<strong>et</strong>tre dans mon<br />

vers, en t'appe<strong>la</strong>nt Tûttcanus, <strong>et</strong> changer <strong>de</strong> longue en<br />

brève <strong>la</strong> première syl<strong>la</strong>be ; enfin je ne puis ôter sa rapidité<br />

à <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> voyelle, <strong>et</strong> lui donner une quantité qui<br />

n'est pas dans sa nature. Si j'osais estropier ainsi ton<br />

nom, on se moquerait <strong>de</strong> moi, on dirait avec justice que<br />

j'ai perdu <strong>la</strong> raison.<br />

Voilà pourquoi j'ai différé à te payer <strong>la</strong> d<strong>et</strong>te <strong>de</strong><br />

l'amitié; mais ma terre l'acquittera avec u<strong>sur</strong>e. 'Oui, je


a86 EX PONTO LIB. IV, EP1ST. XII. (v. 19.)<br />

Teque canam quacumque nota : tibi carmina mittam,<br />

Paene mihi puero cognite paene puer;<br />

Perque tôt annorum seriem, quot Iiabemus uterque,<br />

Non mihi, quam fratri frater, amate minus.<br />

Tu bonus hortator, tu duxque comesque fuisti,<br />

Quum regerem tenera frena novel<strong>la</strong> manu.<br />

Saepe ego çorrexî sub te censore libel<strong>les</strong> ;<br />

Saepe tibi admonitu facta litura meo est :<br />

Dignam Mœoniis Phaeacida con<strong>de</strong>re chartis<br />

Quum te Piéri<strong>de</strong>s perdocuere tu».<br />

Hic ténor, haec viridi concordia cœpta juventa<br />

Venit ad albentes il<strong>la</strong>befacta comas.<br />

Quae nisi te moveant, duro tibi pectora ferro<br />

Esse, vel invicto c<strong>la</strong>usa adamante putem.<br />

Sed prius huie <strong>de</strong>sint <strong>et</strong> bellum <strong>et</strong> frigora terrae,<br />

Invisus nobis quae duo Pontus hab<strong>et</strong>;<br />

Et tepidus Boreas, <strong>et</strong> sit praefrigidus Auster;<br />

Et possit fatum motlius esse meum,<br />

Quam tua sint <strong>la</strong>pso pracordta dura sodali :<br />

Hic cumulus nostris absit, abestque, inalis.<br />

Tu modo per Superos, quorum certissimus ille est,<br />

Quo tuus adsidue principe crevit honor ;<br />

Effice, constanti profugum pi<strong>et</strong>ate tuendo ,<br />

Ne sperata meam <strong>de</strong>serat aura ralem.<br />

Quid man<strong>de</strong>m , quaeras : peream , nisi dicere vix est ;<br />

Si modo, qui periit, ille perire potesi.<br />

Nec quid agam invente, oec quid nolimvc, velimve;<br />

Nec salis utîlitas est mea nota mihi.


PONTIQUES, LIV. IV, LETT. XII. aS7<br />

te chanterai : on te reconnaîtra , n'importe à quels<br />

signes; je t'enverrai <strong>de</strong>s vers; toi que, dès ton enfance,<br />

je connus enfant moi-même, toi qui dans le cours <strong>de</strong><br />

ces années, dont notre vie s'est accrue également, me<br />

fus toujours cher, comme un frère Test à son frère. Tu<br />

me prodiguas' tes sages conseils; tu fus mon gui<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />

mon compagnon, quand ma main, teridre encore, savait<br />

à peine diriger <strong>les</strong> rênes. Souvent j'obéis à tes critiques<br />

, pour corriger mes écrit*»; souvent aussi, dans<br />

tes vers, mes conseils effacèrent <strong>de</strong>s taches, quand, sous<br />

l'inspiration <strong>de</strong>s Muses, tu composais c<strong>et</strong>te Phéaci<strong>de</strong> que<br />

n'eût point désavouée le chantre <strong>de</strong> Méonie. C<strong>et</strong>te fidélité,<br />

c<strong>et</strong> accord, ils datent <strong>de</strong> notre verte jeunesse, <strong>et</strong><br />

vivent encore inaltérab<strong>les</strong> sous nos cheveux b<strong>la</strong>ncs. Si tu<br />

étais insensible à ces souvenirs, je croirais que ton cœur<br />

est enfermé dans le fer le plus dur, dans le diamant le<br />

plus impénétrable. Mais le Pont serait délivré <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

guerre <strong>et</strong> <strong>de</strong>s frimas, fléaux éternels <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre<br />

odieuse; Borée soufflerait <strong>la</strong> chaleur, <strong>et</strong> l'Auster le froid ;<br />

mon sort <strong>de</strong>viendrait lui-même plus doux, avant que<br />

ton cœur se montrât cruel pour ton ami malheureux.<br />

Le <strong>de</strong>stin n'a pas voulu, puisse-t-il ne vouloir jamais!<br />

m<strong>et</strong>tre ainsi le comble à ma douleur. Seulement n'oublie<br />

pas <strong>de</strong> t'adresser aux dieux, <strong>et</strong> parmi eux au plus véritable<br />

<strong>de</strong> tous, à celui dont le règne voit ta gloire croître<br />

sans cesse : protégeant un banni avec toute <strong>la</strong> constance<br />

<strong>de</strong> l'amitié, fais que mes voi<strong>les</strong> n'atten<strong>de</strong>nt pas en vain<br />

un vent favorable. Tu <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s ce que je désire <strong>de</strong> toi :<br />

je veux mourir, si je puis te le dire; mais peut-on mourir,<br />

quand déjà on a cessé <strong>de</strong> vivre? Je ne sais ce que je<br />

dois faire, ce que je veux, ce que je ne veux pas ; je vois<br />

à peine quel est mon intérêt. Crois-moi, <strong>la</strong> sagesse, <strong>la</strong>


a88 EX PONTO LIB. IV, EP1ST. XII. (t. 47.)<br />

Cre<strong>de</strong> mihi, miseros pru<strong>de</strong>ntia prima relinquit,<br />

Et sensus cum re consiliumque fugit.<br />

Ipse, precor, qu«ras? qua sim tibi parte juvandus,<br />

Quoque viam vfacias ad mea vota vado.


PONTIQUES, LIT. IV, LETT. XII. • 289<br />

première, abandonne <strong>les</strong> malheureux ; le sens <strong>et</strong> <strong>la</strong> raison<br />

s'enfuient avec <strong>la</strong> fortune. Cherche toi-même, je t'en<br />

prie, par quel moyen tu peux m'être utile; vois s'il est<br />

quelque chemin pour arriver au but <strong>de</strong> mes désirs.


*9* EX PONTO LIB. IV, EPI8T. XIII.<br />

EPISTOLA TERTIA DECIMA.<br />

CARO.<br />

AR€UMENTUM.<br />

Cannina sua proprio colore dignosci posse scribit a Caro , po<strong>et</strong>a e*imi©. G<strong>et</strong>ieo<br />

.sermoae Augusti <strong>la</strong>u<strong>de</strong>s sese cecinisse narrât, seque restitueadum ab Auguste<br />

fuisse vel ipsos Ge<strong>la</strong>s judicasse. Sexto tameii airao jam se <strong>la</strong> exsilio morari<br />

adjicit, ex quo redire.ut liceat, Carus, formaiidis Germanïci filiis priefectus,<br />

ut obtiaere nitatur , p<strong>et</strong>it.<br />

O MIHI non dubios inter eieraorao<strong>de</strong> soda<strong>les</strong>?<br />

Quiqoe, qood es vere, Gare f vocaris, ave.<br />

Un<strong>de</strong> saluteris, color hic tibi protinus in<strong>de</strong>x,<br />

Et structura mei carminis esse potest ;<br />

Non quia mirifîca est, sed quod eec publica certe ;<br />

Qualis enim cueque est, non <strong>la</strong>t<strong>et</strong> esse meam.<br />

Ipse quoque ut chartae titulum <strong>de</strong> fronte revel<strong>la</strong>s,<br />

Quod sit opus, vi<strong>de</strong>or dicere posse, tuum.<br />

Quamlib<strong>et</strong> in multis positus ooscere libellis,<br />

Perque observatas itiveniere notas.<br />

Produnt auctorem vires, quas Hercule dignas<br />

Novimus, aîque illi, quem canïsf esse pares.<br />

Et mea Musa potest, proprio <strong>de</strong>prensa colore,<br />

Insigéis vitiis forsitan esse suis.<br />

Tain ma<strong>la</strong> Thersiten prohibebat forma <strong>la</strong>tere,<br />

Quam pulchra Nireus conspiciendus erat.


• PORTIQUES, UV. IV, LETT. XIII. «91<br />

LETTRE TREIZIÈME.<br />

A CARUS.<br />

ARGUMENT.<br />

(>¥Î<strong>de</strong> dit que ses vers seront reconnus à Is couleur du style par un poêle aussi<br />

distingué que Carus. II raconte qu'il a chanté es <strong>la</strong>ngue gétique <strong>les</strong> louanges<br />

d'Auguste, <strong>et</strong> que <strong>les</strong> Gè<strong>les</strong> eux-mêmes Font jugé digne d'être rappelé par<br />

Auguste. Il ajoute que, cependant ? son exil se prolonge <strong>de</strong>puis six années.<br />

Il s'adresse à Carus, chargé <strong>de</strong> diriger l'éducation <strong>de</strong>s fils lie Germanicas, <strong>et</strong><br />

lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> chercher à obtenir son r<strong>et</strong>our.<br />

Toi qui mérites d'être compté parmi mes plus fidè<strong>les</strong><br />

amis, <strong>et</strong> qui es pour moi tout ce que signifie ton nom ,<br />

Carus, reçois mes vœux. Tu reconnais <strong>sur</strong>-le-champ d'où<br />

te vient c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre, à <strong>la</strong> couleur du style, à <strong>la</strong> tournure<br />

<strong>de</strong>s vers; non qu'ils soient admirab<strong>les</strong>, mais du mains<br />

ils diffèrent <strong>de</strong> tant d'autres! quels qu'ils soient, on y<br />

reconnaît ma main. Et toi aussi, quand tu 'effacerais<br />

<strong>les</strong> titres <strong>de</strong> tes écrits, il me semble que je pourrais toujours<br />

dire s'ils sont <strong>de</strong> toi; au milieu <strong>de</strong> mille autres, je<br />

distinguerais <strong>les</strong> tiens, je <strong>les</strong> reconnaîtrais à <strong>de</strong>s marques<br />

certaines. L'auteur s'y décèle à mes yeux par une vigueur<br />

vraiment digne d'Hercule, vraiment digne du héros que<br />

tu chantes. Et peut-être ma Muse, trahie par <strong>la</strong> nature<br />

<strong>de</strong> ses productions, est-elle remarquable par ses défauts<br />

mêmes. La <strong>la</strong>i<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> Thersite l'empêchait <strong>de</strong> rester inconnu<br />

, <strong>de</strong> même que, par sa beauté, Nirée attirait tous<br />

<strong>les</strong> yeux.<br />

»9-


*9* -EX POffTO L1B. IV, EPIST. XIII. (*• «7.)<br />

Nie te mirari, si stnt vitïosa, <strong>de</strong>cebït<br />

Carmina, quae faciam paeoe po<strong>et</strong>a G<strong>et</strong>es.<br />

Ah pud<strong>et</strong>! <strong>et</strong> G<strong>et</strong>ico scripsi sermone libellumf<br />

Structaque sunl nostris barbara verba modis.<br />

Et p<strong>la</strong>cui, gratare mihi % cœpique po<strong>et</strong>ae<br />

Inter inhumanos nomen habere G<strong>et</strong>as.<br />

Materiam quaeris? <strong>la</strong>u<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Caesare dixi :<br />

Adjuta est novi<strong>la</strong>s nomme nostra Dei.<br />

Nam patris Aogusti docui mortale fuisse<br />

Corpus ; in a<strong>et</strong>herias numen abîsse domos :<br />

Esse parem virtute patri, qui frena coactus<br />

Saepe recusati ceperit imperii :<br />

Esse pudicarum te Vestam , Livia , matrum ;<br />

Ambiguum nato dignior, anne viro :<br />

Esse duos juyenes, firma adjume<strong>et</strong>a parentïs9<br />

Qui <strong>de</strong><strong>de</strong>rint animi pignora certa sui.<br />

ïLEC ubi non patria perlegi scripta Camœna,<br />

Veoit <strong>et</strong> ad digitos ultima charta meos ;<br />

Et caput, <strong>et</strong> plenas omnes movere phar<strong>et</strong>ras f<br />

Et longum G<strong>et</strong>ico munnur in ore fuit.<br />

Atque aliquis, Scribas liaec quum <strong>de</strong> Caesare, dixit,<br />

Caesaris imperio restituendus eras.<br />

111e qui<strong>de</strong>m dixit ; sed me jam , Gare, nivali<br />

Sexta relegatum bruma sub axe vid<strong>et</strong>.<br />

Carmina nil prosunt : nocuerunt carmina quondam,<br />

Primaque tam miserae causa fuere fugee.<br />

At tu per studii communia fœ<strong>de</strong>ra sacri,<br />

Per non vile tibi nomen amicitiœ ;


PONTÏQUE5f LIV. IV, LETT. XIII. 293<br />

Si mes vers ont <strong>de</strong>s défauts, tu aurais tort d'en être<br />

<strong>sur</strong>pris; ils sont, pour ainsi dire, l'ouvrage d'un poète<br />

gète. Oh! j'en ai honte, j'ai écrit <strong>de</strong>s vers en <strong>la</strong>ngue<br />

gétiquef j'ai assujéti à notre me<strong>sur</strong>e <strong>de</strong>s mots barbares !<br />

Cependant, félicite-moi, j'ai été goûté, <strong>et</strong> déjà <strong>les</strong> Gè<strong>les</strong><br />

grossiers m'ont donné le nom <strong>de</strong> poète. Tu me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s<br />

mon suj<strong>et</strong>? j'ai célébré <strong>les</strong> louanges <strong>de</strong> César : le dieu<br />

que je chantais m'a soutenu dans ce travail nouveau.<br />

Ces peup<strong>les</strong> ont appris <strong>de</strong> moi que le corps du père auguste<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie était mortel, mais que son âme divine<br />

s'était élevée dans <strong>les</strong> <strong>de</strong>meures cé<strong>les</strong>tes; que sa vertu a<br />

trouvé un digne héritier dans son fils, qui, après bien<br />

<strong>de</strong>s refus, n'a pris que malgré lui <strong>les</strong> rênes <strong>de</strong> l'empire;<br />

que tu es, 6 Livie, <strong>la</strong> Vesta <strong>de</strong> nos chastes Romaines,<br />

toi qui te montres aussi digne <strong>de</strong> ton fils que <strong>de</strong> ton<br />

époux; qu'auprès du trône sont <strong>de</strong>ux jeunes princes,<br />

fermes appuis <strong>de</strong> leur père, <strong>et</strong> qui déjà ont donné <strong>de</strong>s<br />

gages certains <strong>de</strong> leur gran<strong>de</strong> âme.<br />

Quand j'eus récité ce poëme inspiré par une Muse<br />

étrangère, quand ma main fut arrivée à <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière page,<br />

je vis s'agiter <strong>toutes</strong> <strong>les</strong> têtes <strong>de</strong> mes auditeurs, tous<br />

leurs carquois remplis <strong>de</strong> flèches; <strong>et</strong> leurs voix barbares<br />

firent entendre un long murmure. Un d'entre eux s'écria :<br />

ce Puisque lu par<strong>les</strong> ainsi <strong>de</strong> César, César <strong>de</strong>vrait te<br />

rendre à ta patrie. » Oui, il Ta dit, Carus, <strong>et</strong> cependant<br />

<strong>de</strong>puis six hivers je me vois relégué sous le pôle g<strong>la</strong>cé.<br />

Mes vers ne me servent à rien, mes vers m'ont été funestes<br />

jadis; ils forent <strong>la</strong> première cause <strong>de</strong> ce déplorable<br />

exil. Mais, je t'en conjure par ces liens dont nous<br />

unir le culte <strong>de</strong>s Muses, par le nom <strong>de</strong> l'amitié, sacré<br />

pour toi ; <strong>et</strong>, si tu m'entends, puisse Germanicus, char-


a§4 EX PONTO UB. 1T, EPIST. XIII. (v. 45.)<br />

Sic capto Latiis Germanlcus hoste catenïs,<br />

Materiam vestris adferat iegeniis ;<br />

Sic valeant pueri, votum commune Deorum,<br />

Quos <strong>la</strong>us formandos est tibi magna datos ;<br />

Quanta potes, praebê nostr» momenta salutï,<br />

Quae nisi muiato nul<strong>la</strong> futura loco est.


PONTIQUES, LIV. IV, LETT. XIII. 219S<br />

géant <strong>de</strong>s fers du Latium ses ennemis captifs, fournir<br />

ooe riche matière aux poètes <strong>de</strong> Rome ! puissent être<br />

toujours à l'abri <strong>de</strong>s dangers, ces enfansf obj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

sollicitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s dieux , <strong>et</strong> qui,. pour ta gloire, furent<br />

•confiés à tes soins! Je t'en conjure, emploie tout ton<br />

pouvoir pour sauver un ami qui meurt, s'il ne change<br />

<strong>de</strong> séjour.


%g6 EX PONTO LIB. IV, EPIST. XIV.<br />

EPISTOLA QUARTA DECIMA.<br />

TUTICAHO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Exsilii iocum mu<strong>la</strong>re optât, non qood infesti sibi sint Tomitœ, quorum â<strong>de</strong>o<br />

mitem <strong>la</strong> se animom <strong>et</strong> bénéficia memorat, sed ut saltem ab hoste tutam<br />

o'egere vl<strong>la</strong>ia sibi contiogat.<br />

ELEC tibi mittunturf quem sum modo carminé questus<br />

Non aptum numeris nomen habere meis.<br />

In quibus, excepto quod adhuc uteunque valemus,<br />

Nil, te pra<strong>et</strong>erea quod juv<strong>et</strong>, invenies.<br />

Ipsa quoque est invisa salus; suntque ultima vota,<br />

Quolib<strong>et</strong> ex istis scilic<strong>et</strong> ire locis.<br />

Nul<strong>la</strong> mihi cura est, terra quam muter ut ista,<br />

Hac quia, quam vi<strong>de</strong>o f gratior omeis crit.<br />

In médias Syrtes, mediam mea vê<strong>la</strong> Charybdie<br />

Mittile, praesenti dum oareamus humo.<br />

Styx quoque, si quid ea est, bene commutabitur Istro,<br />

Si quid <strong>et</strong> inferius, quam Styga, mundus hab<strong>et</strong>.<br />

Gramina cultus ager, frigus minus odit liirundo, *<br />

Proxima Marticolis quam loca "Naso G<strong>et</strong>is.<br />

TALIA succensent propter mihi verba Tomitae,<br />

Iraque carminibus publica mota meis.<br />

Ergo ego cessabo nunquam per carmioa <strong>la</strong>edi ;<br />

Plectar <strong>et</strong> iocauto semper ab ingenio ?


PONT1QUES, LIV. IV, LETT. XIV. 297<br />

LETTRE QUATORZIÈME.<br />

A TUTICâNUS.<br />

ARGUMENT.<br />

Il désire changer d'exil ? non que <strong>les</strong> kabitans <strong>de</strong> Tomes soient mai disposés<br />

pour lui : il n'a jamais reçu d'eus que <strong>de</strong>s services <strong>et</strong> <strong>de</strong>s marques <strong>de</strong> bienveil<strong>la</strong>nce<br />

; mais il voudrait, du moins, vivre à l*abri <strong>de</strong>s attaques <strong>de</strong><br />

l'ennemi.<br />

C'EST à toi que j'écris, à toi dont le nom excita naguère<br />

mes p<strong>la</strong>intes, parce «qu'il refuse <strong>de</strong> se prêter à <strong>la</strong><br />

me<strong>sur</strong>e. Tu ne trouveras dans mes vers rien qui te fasse<br />

p<strong>la</strong>isir, si ce n'est que ma santé se soutient comme elle<br />

peut ; mais <strong>la</strong> santé même m'est odieuse : aujourd'hui<br />

tous mes vœux sont <strong>de</strong> sortir d'ici, pour aller n'importe<br />

en quel lieu. Je n'ai d'autre souci que <strong>de</strong> quitter c<strong>et</strong>te<br />

terre; toute autre me p<strong>la</strong>ira plus que celle où je suis, que<br />

je vois sans cesse. Que mon navire m'entraîne au milieu<br />

<strong>de</strong>s Syrtes, à travers le gouffre <strong>de</strong>Charyb<strong>de</strong>, pourvu que<br />

je m'éloigne du pays que j'habite. Le Styx lui-même,<br />

s'il existe, je le préférerais à l'Ister; <strong>et</strong> s'il est dans le<br />

mon<strong>de</strong> un abîme plus profond que le Styx , je le préfèrerais<br />

encore. Le champ cultivé est moins ennemi <strong>de</strong>s<br />

herbes inuti<strong>les</strong>, l'hiron<strong>de</strong>lle <strong>de</strong>s frimas, qu'Ovi<strong>de</strong> du<br />

voisinage <strong>de</strong>s Gètes belliqueux.<br />

Ces paro<strong>les</strong> irritent contre moi <strong>les</strong> habitans <strong>de</strong> Tomes ;<br />

mes vers ont soulevé <strong>la</strong> colère publique. Je ne cesserai<br />

donc jamais <strong>de</strong> ine nuire par mes vers! je serai donc<br />

toujours <strong>la</strong> victime <strong>de</strong> mon impru<strong>de</strong>nt génie! <strong>et</strong> j'hé-


PONTIQUES, LIV. IV, LETT. XIV. 299<br />

site encore à me couper <strong>la</strong> main, pour ne plus écrire, <strong>et</strong><br />

je ne puis , insensé, renoncer à ces armes qui m'ont été si<br />

funestes ! Je me tourne <strong>de</strong> nouveau vers ces éeueils d'autrefois<br />

, vers ces on<strong>de</strong>s ou ma poupe s'est brisée dans le<br />

naufrage. Et pourtant, je ne suis pas coupable, je n'ai<br />

commis aucun crime; je vous aime, habitans <strong>de</strong> Tomes;<br />

je ne hais que votre pays. Que Ton fouille dans <strong>toutes</strong><br />

<strong>les</strong> productions <strong>de</strong> mes veil<strong>les</strong>, on ne trouvera pas dans<br />

mes l<strong>et</strong>tres une seule p<strong>la</strong>inte contre vous. Ce dont je me<br />

p<strong>la</strong>ins, ce sont ces incursions qui, <strong>de</strong> <strong>toutes</strong> parts, nous<br />

menacent; ce sont ces ennemis qui battent vos remparts;<br />

c'est aux lieux, <strong>et</strong> non aux habitans, que s'adressent<br />

mes trop justes reproches. Et vous-mêmes, souvent, vous<br />

accusez votre sol.<br />

La Muse du poète antique qui chanta <strong>la</strong> culture osa<br />

bien dire qu'Âscra, sa patrie, était insupportable en<br />

tout temps. Et il avait reçu le jour à Àscra, celui qui<br />

écrivit ces mots; <strong>et</strong> pourtant Ascra ne s'irrita pas contre<br />

son poète. Qui jamais a plus chéri sa patrie que le pru<strong>de</strong>nt<br />

Ulysse? <strong>et</strong> pourtant, c'est lui qui nous apprend<br />

combien est âpre <strong>et</strong> stérile le lieu <strong>de</strong> sa naissance. Scepsius<br />

poursuivit <strong>de</strong> ses reproches amers, non le payst<br />

mais <strong>les</strong> mœurs <strong>de</strong> l'Ausonie ; il mit en cause Rome ellemême.<br />

La ville qu'il accusait supporta sans colère ses<br />

injustes calomnies, <strong>et</strong> ne punit pas l'écrivain <strong>de</strong> l'audace<br />

<strong>de</strong> son <strong>la</strong>ngage. Mais <strong>de</strong>s interprètes malveil<strong>la</strong>ns excitent<br />

contre moi <strong>la</strong> colère du peuple, <strong>et</strong> découvrent un nouveau<br />

crime dans mes vers. Oh ! que ne suis-je aussi<br />

heureux que mon cœur est pur! Mes paro<strong>les</strong> n'ont encore<br />

b<strong>les</strong>sé personne; <strong>et</strong>, quand je serais plus noir que<br />

<strong>la</strong> poix d'Illyrie, aurais-je pu m'attaquer à un peuple<br />

si dévoué? C'est avec bienveil<strong>la</strong>nce que vous avez ac-


3oo EX PONTO LIB. IV, EPIST. XIV. (y. 47.)<br />

Molliter a vobis mea sors excepta, Tomitae,<br />

Tam mites, Graios indicat esse viros.<br />

Gens mea Peligoi, regioque domestica Sulmo f<br />

Non poluit noslris lenior esse malis.<br />

Quem vix iocolumi cuiquam salvoque dar<strong>et</strong>is,<br />

Is dalus a vobis est mihi nuper lionor.<br />

Solus adhuc ego <strong>sur</strong>a vestris immunis in oris,<br />

Exceptis, si qui munera legis habeot.<br />

Tempora sacrata mea sunt ve<strong>la</strong>ta eorona,<br />

Publicus iovito quam favor imposuit.<br />

Quam grata est igitur Latooae Délia tellus,<br />

Erranti tutum quae dédit una locumf<br />

Tam milii cara Tomis,.patria quae se<strong>de</strong> fugatis<br />

Tempus ad hoc nobis hospita fida man<strong>et</strong>.<br />

Dî modo fecisse<strong>et</strong>, p<strong>la</strong>cidae spem poss<strong>et</strong> habere<br />

Pacis? <strong>et</strong> a gelido longius axe for<strong>et</strong>!


POETIQUES, L1V. IV, LETT. XIV. • 3oi<br />

cueilli mon infortune, habitans <strong>de</strong> Tomes : tant d'humanité<br />

révèle votre origine grecque. Les Pélignes, mes<br />

compatriotes, <strong>et</strong> Sulmone, ma pairie, n'auraient pu se<br />

montrer plus sensib<strong>les</strong> à ma disgrâce. Un honneur que<br />

vous accor<strong>de</strong>riez à peine à celui que <strong>la</strong> fortune a respecté<br />

, vous me l'avez accordé naguère ; <strong>et</strong>, <strong>sur</strong> ces<br />

bords, moi seul jusqu'à ce jour je me suis vu exempt<br />

<strong>de</strong>s charges publiques, moi seul, <strong>et</strong> ceux à qui <strong>la</strong> loi<br />

donne droit à ce privilège. Vous m'avez ceint <strong>la</strong> tête<br />

d'une couronne sacrée, que j'ai reçue malgré moi <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

faveur du peuple. Aussi <strong>la</strong> terre <strong>de</strong> Délos, qui seule<br />

offrit un asile à Latone errante, n'est pas plus chère au<br />

cœur-<strong>de</strong> <strong>la</strong> déesse que ne Test au mien Tomes, où,<br />

banni <strong>de</strong> ma patrie, j'ai trouvé jusqu'à ce jour l'hospitalité<br />

<strong>la</strong>-plus fidèle. Plût aux dieux seulement que tout<br />

espoir <strong>de</strong> paix ne lui fût pas ravi ! qu'elle fût plus éloignée<br />

du pôle g<strong>la</strong>cé !


îo* EX PONTO LIB. IV f EPIST. XV.<br />

EPISTOLA QUINTA DECIMA.<br />

SEXTO POMPEIO.<br />

ARGUMENTUM.<br />

Prûfitêtur po<strong>et</strong>a 9 se vitam Sexto ante omnes , Castre Umen exeepto, <strong>de</strong>bere ;<br />

eumque precatur , ut ab imperator®, quem summa colit pi<strong>et</strong>ate, imp<strong>et</strong>r<strong>et</strong><br />

sibi mitius eisilium.<br />

Si quis adhuc usquam nostri non immemor exstat 9<br />

Quid?e relegatos Nasof requirit^ agam :<br />

Caesaribus vïtam, Sexto <strong>de</strong>bere salutem<br />

Me sciât : a Superis hic mihi primus erit.<br />

Tempora nam miser» complectar ut omnia vit»,<br />

A meritis hujus pars mihi nul<strong>la</strong> vacat;<br />

Quae numéro tôt sunt, quot in horto fertilis arvï<br />

Puniea sub lento cortice grana rubent;<br />

Africa quot seg<strong>et</strong>es, quot Tmolia terra racemos,<br />

Quot Sicyon baceas, quot parit Hyb<strong>la</strong> fa vos.<br />

Coofiteor; testere lic<strong>et</strong> ; signate, Quirites :<br />

Nil opus est legum viribus; ipse loquor.<br />

Inter opes <strong>et</strong> me, rem parvaoi, pooe paternas :<br />

Pars ego sim census quantu<strong>la</strong>cunque tui.<br />

Quam tua Trinacria est, regna<strong>la</strong>que terra Philippo,<br />

Quam domus Augusto continuata foro ;<br />

Quam tua, rus oculis domini, Campania, gratum,<br />

Quaeque relicta tibi, Sexte? vel emta tenesf<br />

Tam tuus en ego sum; cujus te munere tristi<br />

Non potes in Ponto dicere habere nihil.


POETIQUES, LIV. IV, LETT. XV. BoB<br />

LETTRE QUINZIÈME.<br />

A SEXTUS POMPÉE. *<br />

ARGUMENT.<br />

Le poète déc<strong>la</strong>re qu'il doit à Sextus d'a¥©ir conservé îa vie que César lui a<br />

accordée. Il fait <strong>de</strong>s vœux pour que Sextus obtienne un adoucissement à<br />

son exil, <strong>de</strong> l'empereur, pour lequel il professe une pieuse vénération.<br />

S'IL est encore au mon<strong>de</strong> un homme qui se souvienne<br />

<strong>de</strong> moi, <strong>et</strong> qui s'informe <strong>de</strong> ce que <strong>de</strong>vient Ovi<strong>de</strong><br />

dans son exil, qu'il sache que César m'a donné <strong>la</strong> vie,<br />

<strong>et</strong> que Sextus me Ta conservée. Oui, toujours Sextus<br />

sera pour moi le premier après <strong>les</strong> dieux. Que je passe<br />

en revue toute <strong>la</strong> durée <strong>de</strong> ma misérable vie, il n'est<br />

aucun <strong>de</strong> mes jours qui ne soit marqué par ses bienfaits;<br />

j'en compterais autant que, dans un jardin fertile, <strong>la</strong><br />

grena<strong>de</strong> sous sa flexible enveloppe enferme <strong>de</strong> grains <strong>de</strong><br />

pourpre; autant qu'il croît d'épis <strong>sur</strong> <strong>la</strong> terre d'Afrique,<br />

<strong>de</strong> raisins <strong>sur</strong> <strong>les</strong> coteaux <strong>de</strong> Tmole, d'olives à Sicyone;<br />

autant que l'Hyb<strong>la</strong> donne <strong>de</strong> rayons <strong>de</strong> miel. Je le déc<strong>la</strong>re<br />

moi-même; tu peux en prendre acte; $igoez tous,<br />

citoyens; il n'est pas besoin <strong>de</strong> <strong>la</strong> puissance <strong>de</strong>s lois, je<br />

l'avoue sans contrainte : tu peux me compter, moi chétif,<br />

dans ton patrimoine; je veux être une partie, quelque<br />

faible qu'elle soit, <strong>de</strong> ta fortune. Les terres que tu<br />

possè<strong>de</strong>s en Sicile, <strong>et</strong> dans-<strong>la</strong> contrée où règne Philippe;<br />

c<strong>et</strong>te maison qui se prolonge jusqu'au forum d'Auguste,<br />

<strong>et</strong> ce domaine <strong>de</strong> Campanie, <strong>les</strong> délices <strong>de</strong> son maître,<br />

tous ces biens qui t'appartiennent par droit d'héritage


3o4 EX PONTO L1B. IV, EPIST. XV. (*. «.)<br />

Atque utinam possisf <strong>et</strong> d<strong>et</strong>ur amicius arvum!<br />

Remque tuam ponas in meliore loco !<br />

QUOB quoniam in Dis esl, tenta lenire precando<br />

Numina, perpétua quae pi<strong>et</strong>ate colis.<br />

Erroris nam tu, vis est discernere, nostri<br />

Sis argumentum roajus , an auxiliunt.<br />

Wec dubitans oro : sed lumine saepe secundo<br />

Aug<strong>et</strong>ur remis cursus euntis aquae.<br />

Et pud<strong>et</strong>? <strong>et</strong> m<strong>et</strong>uof semperque ea<strong>de</strong>mque precari ;<br />

Ne subeant animo taedia justa tuo.<br />

Verum quid faciam ? res immo<strong>de</strong>rata cupido est :<br />

Da veniam vitio, mitis amice, meo.<br />

Scribere saepe aliud cupiens <strong>de</strong><strong>la</strong>bor eo<strong>de</strong>m :<br />

Ipsa locum per se littera nostra rogat.<br />

Seu tamen efFectus habitura est gratia ; seu me<br />

Dura jub<strong>et</strong> gelido Parca sub axe mori;<br />

Semper inoblita rep<strong>et</strong>am tua munera mente;<br />

Et mea me tellus audi<strong>et</strong> esse tuum ;<br />

Àudi<strong>et</strong> <strong>et</strong> cœlo posita est quaecunque sub illo,<br />

Transit nostra feros si modo Musa G<strong>et</strong>as.<br />

Teque meae causam servatoremque salutis?<br />

Meque tuum libra norit <strong>et</strong> aère magis.


PORTIQUES, LIV. IV, LETT. XV. 3o5<br />

ou d'achat, ne sont pas plus que moi ta propriété : grâce<br />

à c<strong>et</strong>te triste acquisition, tu ne peux dire que lu n'as<br />

aucun bien dans le Pont. P<strong>la</strong>ise aux dieux que tu le<br />

puisses un jour, que j'obtienne un séjour moins ennemi,<br />

<strong>et</strong> que tu réussisses à mieux p<strong>la</strong>cer ton bien !<br />

Puisque-ce<strong>la</strong> dépend <strong>de</strong>s dieux, <strong>de</strong> ces dieux que ta<br />

piété ne cesse d'honorer, cherche à <strong>les</strong> fléchir par tes<br />

prières; tu le peux, car ton amitié est peut-être autant<br />

<strong>la</strong> preuve <strong>de</strong> mon innocence que mon appui dans mon<br />

malheur. Si je t'implore, ce n'est pas que je doute <strong>de</strong><br />

toi ; mais, lors même que l'on <strong>de</strong>scend le fleuve, souvent<br />

<strong>la</strong> rame ajoute à <strong>la</strong> force du courant Je rougis, je crains<br />

<strong>de</strong> vous répéter sans cesse <strong>la</strong> même prière, je tremble <strong>de</strong><br />

vous inspirer un trop juste ennui. Mais que faire? on<br />

ne peut modérer un violent, désir. Pardonne, tendre<br />

ami, à un cœur ma<strong>la</strong><strong>de</strong> : souvent, tout en désirant écrire<br />

autre chose, je r<strong>et</strong>ombe dans <strong>les</strong> mêmes idées; c'est ma<br />

plume qui, d'elle-même, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> un autre séjour.<br />

Mais, soit que ton crédit ne reste pas sans eff<strong>et</strong>, soit que<br />

<strong>la</strong> Parque cruelle me condamne à mourir sous le pôle<br />

g<strong>la</strong>cé, mon cœur reconnaissant rappellera sans cesse tes<br />

bienfaits : c<strong>et</strong>te terre saura que je suis à toi, <strong>et</strong> tous <strong>les</strong><br />

peup<strong>les</strong> qui habitent ces climats le sauront aussi, pourvu<br />

que ma Muse franchisse le pays sauvage <strong>de</strong>s Gètes. On<br />

saura que je te dois <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> ma vie, <strong>et</strong> que je<br />

t'appartiens à plus juste titre que si tu m'avais ach<strong>et</strong>é à<br />

prix d'argent.<br />

no


3©6 EX POFTO LIB. IV, EPIST. XVI.<br />

EPISTOLA SEXTA DECIMA.<br />

AD IirVIDUM.<br />

ARGUMEOTUM.<br />

Admoseî in bac ulîima episîoîa pœta invidum, ne carmen suum Sacereî, ostea<strong>de</strong>ns<br />

se exsulem esse tanquam mortuum : adfinnatque soîere Hvorein pascl<br />

tanttim in VîYIS, post cineres irero quiesoere : <strong>et</strong> bac ralione dicit <strong>et</strong>im <strong>de</strong>bere<br />

non ulierius in carmen suum distringere îîividœ stimu<strong>les</strong> ac <strong>de</strong>ntés;<br />

quiim sint mulîi aïii célèbres • po<strong>et</strong>» , quos enumerat ; doe<strong>et</strong>que eos posse<br />

eommodius reprebendi.<br />

IWVIDE, quid <strong>la</strong>ceras Nasonis carmina rapti ?<br />

Non sol<strong>et</strong> ïogeolis summa nocere dïes.<br />

Famaque post cineres major venit : <strong>et</strong> mihi nomen<br />

Tune quoque, quum.vivis adnumerarer? erat;<br />

Qoum for<strong>et</strong> <strong>et</strong> Marsus, magoiqoe Rabirius orîs?<br />

Iliacusque Macer, si<strong>de</strong>reusque Pedo;<br />

Et, qui Jueooem <strong>la</strong>esiss<strong>et</strong> in Hercule, Carusf<br />

Junoois si noo jam gêner ille for<strong>et</strong> ;<br />

Quique dédit Latio carmen regale Severus;<br />

Et'cum subtili Priscus uterque Numa;<br />

Quique vel imparibus numerïsf Montanef vel aequis<br />

SufHcis, <strong>et</strong> gemino carminé nomen habes ;<br />

Et qui Peoelopae rescribere jussit Ulyssem,<br />

Errantem sœvo per duo lustra mari ;<br />

Quique suam Trœzeoa? ioiperfectumque dierum<br />

Deseruil céleri morte Sabinus opus ;


PONTIQUES, LIV. IV, LETT. XVI. 3o7<br />

LETTRE SEIZIÈME.<br />

A UN ENVIEUX.<br />

ARGUMENT.<br />

Le poète, dans c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière l<strong>et</strong>tre, invite un envieux à ne pas déchirer ses<br />

écrits. II lui dit que son exil est une sorte <strong>de</strong> mort, <strong>et</strong> que l'envie ne s'acharne<br />

que <strong>sur</strong> <strong>les</strong> vivans, <strong>et</strong> <strong>la</strong>isse <strong>les</strong> morts en repos. Il rengage, par ce motif,<br />

à ne plus aiguiser contre ses fers <strong>les</strong> traits mordans <strong>de</strong> l'envie; il vaut mieux<br />

qu'il s'attaque à plusieurs autres poètes célèbres dont Ovi<strong>de</strong> fait l'énumération.<br />

ENVIEUX, pourquoi déchires-tu <strong>les</strong> vers d'Ovi<strong>de</strong>, qui<br />

n'est plus? Le trépas, d'ordinaire, ne nuit pas au génie,<br />

<strong>et</strong> <strong>la</strong> renommée grandît après <strong>la</strong> mort ; <strong>et</strong> moi, j'avais<br />

déjà <strong>de</strong> <strong>la</strong> célébrité, quand je comptais encore parmi <strong>les</strong><br />

vivans. Alors florissaient <strong>et</strong> Marsus, <strong>et</strong> le sublime Rabirius,<br />

<strong>et</strong> Macer, le cliaiitre dllion; <strong>et</strong> le divin Pédon; <strong>et</strong><br />

Carus, qui, en chantant Hercule, aurait offense Junoo,<br />

si ce dieu n'eût pas encore été le gendre <strong>de</strong> Junon'; <strong>et</strong><br />

Sévère, qui a donné au Latium <strong>de</strong> sublimes tragédies;<br />

<strong>et</strong> <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux Priscus, avec l'élégant Numa; <strong>et</strong> toi, Montatius,<br />

non moins habile dans <strong>les</strong> distiques inégaux que<br />

dans <strong>les</strong> vers héroïques, <strong>et</strong> célèbre également dans <strong>les</strong><br />

<strong>de</strong>ux genres, alors florissait Sabious, dont le génie dicta<br />

ces l<strong>et</strong>tres adressées à Pénélope par Ulysse, errant <strong>de</strong>-'<br />

puis <strong>de</strong>ux lustres <strong>sur</strong> une mer courroucée; Sabinus, qui,<br />

enlevé par une mort prématurée, <strong>la</strong>issa sa Trézène <strong>et</strong> ses<br />

Fastes inachevés; <strong>et</strong> Largos, dont le nom est digne <strong>de</strong><br />

son génie, <strong>et</strong> qui conduisit le vieil<strong>la</strong>rd phrygien dans<br />

20.


3og EX PONTO LIB. IV, EP1ST. XVI. (*• «7-)<br />

Ingeniïque soi dsctus cogoomioe Largus ;<br />

Gallica qui Phrygium duxit in arva senem ;<br />

Quique canit domitam Camerinus ab Hercule Trojam ;<br />

Quique sua uomeo Phylli<strong>de</strong> Tuscus hab<strong>et</strong>;<br />

Velivolique maris vates? cui cre<strong>de</strong>re possis<br />

Carmioa caeruleos composuisse Deos ;<br />

Quique acies Libycas, Romaeaque prœlia dixit ;<br />

Et Mariusf scripti <strong>de</strong>xter in omne genus;<br />

Trinacriusque su» Perseidôs auctor; <strong>et</strong> auctor<br />

Tantalidae reducis Tyndaridosque Lupus;<br />

Et qui Maeoeiam Phaeacida vertit; <strong>et</strong> una<br />

Pindaricae fidicen tu quoque, Rufe? lyrae ;<br />

Musaque Turrani, tragicis ineixa cothurnis;<br />

Et tua cum socco Musaf Mélisse, levis :<br />

Quum Varus Graccliusque dare<strong>et</strong> fera dicta tyrannis;<br />

Callimachi Proculus molle tener<strong>et</strong> iter;<br />

Tityrus autiquas <strong>et</strong> erat qui pascer<strong>et</strong> herbas;<br />

Apîaque venant! Gratius arma dar<strong>et</strong>;<br />

Naïdas a Satyris caner<strong>et</strong> Footaous amatas;<br />

C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>r<strong>et</strong> imparibus verba Capel<strong>la</strong> modis.<br />

Quumque forent alii, quorum mihi cuncta referre<br />

Nomina longa mora est, carmina vulgus hab<strong>et</strong>;<br />

Essent <strong>et</strong> juvenes, quorum quod inedita cura est,<br />

Appel<strong>la</strong>ndorum nil mihi juris a<strong>de</strong>st;<br />

Te tamen in turba non ausim, Cotta 9 silere,<br />

Pieridum lumen, praesidiumque fori;<br />

Maternos Cottas cui Messal<strong>la</strong>sque paternos<br />

Maxima nobilitas ingeminata dédit<br />

Dicere si fas est, c<strong>la</strong>ro mea nomine Musa,<br />

Atque inter tantos, quae leger<strong>et</strong>ur, erat.


POETIQUES, LIV. IV, LETT. XVI. îog<br />

<strong>les</strong> champs gaulois ; <strong>et</strong> Camerinus, qui chanta Troie<br />

conquise par Hercule; <strong>et</strong> Tuscus, qui doit sa renommée<br />

à sa Phyllis; <strong>et</strong> le chantre <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer que franchissent<br />

<strong>de</strong>s voi<strong>les</strong> rapi<strong>de</strong>s, Fauteur <strong>de</strong> ce poëme, qui semble<br />

l'ouvrage <strong>de</strong>s dieux marins. Alors flotïssait ce poète qui<br />

chanta <strong>les</strong> armées libyennes <strong>et</strong> leurs combats contre <strong>les</strong><br />

Romains; <strong>et</strong> Marius, dont le génie se prête à tous <strong>les</strong><br />

genres; Trinacrius, auteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Persèi<strong>de</strong>; <strong>et</strong> Lupus,<br />

qui célébra le r<strong>et</strong>our du fils <strong>de</strong> Tantale <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> fille <strong>de</strong><br />

Tyndare;<strong>et</strong> le poète qui traduisit <strong>la</strong> Phéaci<strong>de</strong> inspirée<br />

par Homère; <strong>et</strong> toi aussi, Rtifus, qui sus toucher <strong>la</strong> lyre<br />

<strong>de</strong> Pindare; <strong>et</strong> <strong>la</strong> Muse <strong>de</strong> Turranus, montée <strong>sur</strong> le cothurne<br />

tragique; <strong>et</strong> <strong>la</strong> tienne, Melïssus, plus légère, <strong>et</strong><br />

chaussée du bro<strong>de</strong>quin. Alors, pendant que Varus <strong>et</strong><br />

Gracchus prêtaient aux tyrans <strong>de</strong>s paro<strong>les</strong> superbes,<br />

pendant que Proculus marchait <strong>sur</strong> <strong>les</strong> traces du tendre<br />

Callimaque, Tityre conduisait ses troupeaux dans <strong>les</strong><br />

champs <strong>de</strong> ses pères, <strong>et</strong> Gratius donnait au chasseur<br />

<strong>les</strong> armes qui lui conviennent; Fontanus chantait <strong>les</strong><br />

Naïa<strong>de</strong>s, aimées <strong>de</strong>s Satyres; Capel<strong>la</strong> enfermait sa pensée<br />

dans dès vers inégaux. Beaucoup d'autres bril<strong>la</strong>ient<br />

encore, qu'il serait trop long <strong>de</strong> nommer tous, <strong>et</strong> dont<br />

<strong>les</strong> vers sont dans <strong>toutes</strong> <strong>les</strong> mains. Enfin s'élevaient <strong>de</strong><br />

jeunes poètes que je n'ai pas le droit <strong>de</strong> citer, car leurs<br />

ouvrages n'ont pas vu le jour. Toi, cependant, je n'oserais<br />

te <strong>la</strong>isser dans <strong>la</strong> foule, te passer sous silence; toi,<br />

Cotta, l'honneur <strong>de</strong>s Muses <strong>et</strong> le soutien du barreau ; toi<br />

qui, <strong>de</strong>scendant par ta mère <strong>de</strong>s Cotta, <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Messa<strong>la</strong><br />

par ton père, réunis dans tes veines le sang <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

nob<strong>les</strong> famil<strong>les</strong>. Au milieu <strong>de</strong> ces grands noms, ma<br />

Muse, si j'ose le dire? avait aussi une bril<strong>la</strong>nte renommée<br />

; elle trouvait aussi <strong>de</strong>s lecteurs.


3io .EX PONTO LIB. IV f EPIST. XVI. (Y. 47.)<br />

ERGO submotum patria.proscin<strong>de</strong>re, livor,<br />

Desioe; ueu cineres sparge? cruente? meos.<br />

Omnia perdidiinus : ta<strong>et</strong>ummodo vita relicta est,<br />

Praebeat ut sensum materiamque malis.<br />

Quid juvat exstinctos ferrum dimittere in artus?<br />

Non hab<strong>et</strong> in nobis jam nova p<strong>la</strong>ga locum. •


PONTÏQUES, LIV. IV, LETT. XVI. 3n<br />

Cesse doncf Envie, <strong>de</strong> déchirer un exilé; ne viens<br />

pas, cruelle, disperser mes cendres. J'ai tout perdu; il<br />

oe me resle que <strong>la</strong> vie pour sentir, pour alimenter mes<br />

douleurs. A quoi bon plonger le fer dans un cadavre? Il<br />

n'y reste plus <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce pour <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> b<strong>les</strong><strong>sur</strong>es.


NOTES<br />

DES PONTIQUES.<br />

PENDANT <strong>les</strong> trois premières années <strong>de</strong> son exil, Ovi<strong>de</strong> n'osait<br />

adresser nominativement ses l<strong>et</strong>tres à ses amis ; il craignait d'attirer<br />

<strong>sur</strong> eux <strong>la</strong> colère d'Auguste. C'est dans <strong>la</strong> quatrième aenée <strong>de</strong><br />

son séjour dans le Font, qu'il commença à s'affranchir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

crainte. Les l<strong>et</strong>tres qu'il a écrites à parlir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te époque, <strong>et</strong> où<br />

il nomme ceux à qui il s'adresse, ont reçu le nom <strong>de</strong> Pontiques.<br />

Il para.t que même alors il n'avait pas obtenu <strong>de</strong> ses amis l'autorisation<br />

<strong>de</strong> <strong>les</strong> nommer, ou que du moins plusieurs d'entre eux<br />

le souffraient avec peine, comme il le dit lui-même, Pont., Hv. i,<br />

l<strong>et</strong>t. i, v. 19 :<br />

Nec vos hoc vullis, sed nec prohiber e potestis;<br />

Musaque ad invitos offîciosa venit.<br />

11 en est un qui n'a jamais permis qu'Ovi<strong>de</strong> fît connaître son<br />

nom : c'est celui à qui est adressée <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre 6 du livre m. Celte<br />

l<strong>et</strong>tre, <strong>la</strong> troisième, <strong>et</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière du livre iv, sont <strong>les</strong> seu<strong>les</strong> <strong>de</strong>s<br />

Pontiques où Fauteur ne fait pas connaître à qui il s'adresse.<br />

Il ne faut pas chercher dans <strong>la</strong> série <strong>de</strong> l<strong>et</strong>tres dont se compose<br />

chaque livre <strong>de</strong>s Pontiques une suite régulière par rang <strong>de</strong> date ;<br />

le poète <strong>les</strong> prenait au hasard <strong>et</strong> ne cherchait nullement à <strong>les</strong><br />

c<strong>la</strong>sser suivant le temps où il <strong>les</strong> avait écrites. C'est lui qui nous<br />

l'apprend, Pont.9 liv. m, l<strong>et</strong>t. 9, v. 5i :<br />

Nec liber ut fier<strong>et</strong>, sed tilt sua cuique dareîur<br />

Litîera, proposition curaque iiostra fuit.<br />

Poslmodo collectas, uîcumque sine ordine, juuxi.


NOTES DU LIVRE PREMIER. 3il<br />

LIVRE PREMIER.<br />

CE livre fut composé pendant le quatrième hiver qu'Ovi<strong>de</strong> a<br />

passé à Tomes [Pont., liv. i, élég. a, v. 27). Parti <strong>de</strong> Rome en<br />

décembre 76a, il n'était arrivé qu'au printemps à Tomes. Le quatrième<br />

hiver <strong>de</strong>puis son arrivée est donc celui <strong>de</strong> 766 (an i3 <strong>de</strong><br />

J.-C). Le poète était dans sa cinquante-sixième année.<br />

LETTRE PREMIERE.<br />

'1. Tomiêanœ (v. 1). Ovi<strong>de</strong> ne nous donne pas <strong>sur</strong> <strong>la</strong> position<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Tomes <strong>de</strong>s indications très-exactes. Dans le premier<br />

livre <strong>de</strong>s Tristes, il ne sait pas encore où elle est située ; ce ne<br />

fut que successivement qu'il acquit quelques connaissances à c<strong>et</strong><br />

égard, <strong>et</strong> dans <strong>les</strong> Pontiques même il en parle souvent en poète<br />

<strong>et</strong> d'une manière un peu vague. Voyez, à ce suj<strong>et</strong>, l'excellente<br />

note publiée par M..Vernadé à <strong>la</strong> fin du volume <strong>de</strong>s Tristes, <strong>sur</strong><br />

<strong>la</strong> géographie du Pont. Les Tomites avaient pour voisins, au sud<br />

<strong>et</strong> au sud-ouest 3 <strong>de</strong>s peup<strong>la</strong><strong>de</strong>s thraces ; au nord, <strong>de</strong>s Sarmates <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>s Scythes ; au nord-est <strong>et</strong> à l'ouest, <strong>de</strong>s Gètes.<br />

2. Non novus inco<strong>la</strong> (v. 1). Ovi<strong>de</strong> commençait <strong>la</strong> quatrième<br />

année <strong>de</strong> son exil.<br />

3. G<strong>et</strong>ico Utore (v. 2). « Ovi<strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>les</strong> Gètes <strong>sur</strong> <strong>la</strong> rive droiîe<br />

du Danube. Hérodote ( liv. îv, ch. 93 ) <strong>les</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>sur</strong> <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux rives<br />

<strong>de</strong> ce fleuve, <strong>et</strong> en parle comme d'une <strong>de</strong>s principa<strong>les</strong> races <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> Thrace Septentrionale. Il parait que d'abord ils n'occupaient<br />

que <strong>la</strong> rive droiîe du Danube, <strong>et</strong> que ce fut plus tard seulement<br />

qu'ils s'étendirent <strong>sur</strong> <strong>la</strong> rive gauche. D'après Ovi<strong>de</strong>, il y a <strong>de</strong>s<br />

Gètes jusqu'au Strymon (Tristes, liv. v, élég. 3, v. aa), <strong>et</strong> <strong>la</strong> côte<br />

gétique commence immédiatement au nord du Bosphore <strong>de</strong><br />

Thrace ( Tristes, liv. 1, élég. 10, v. 14 )• Tomes est donc située<br />

dans le pays <strong>de</strong>s Gètes, <strong>et</strong>'Ovi<strong>de</strong> habite au milieu.d'eux. » (Extrait<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> note citée plus haut.)<br />

4. Motmmenta (v. 5). Il est évi<strong>de</strong>nt qu'il s'agit ici <strong>de</strong>s bibliothèques<br />

publiques. Ovi<strong>de</strong> a déjà parlé <strong>de</strong>s bibliothèques où étaient<br />

admis 1rs meilleurs ouvrages. II cite <strong>la</strong> bibliothèque établie par


3i4 NOTES<br />

Auguste dans le temple d'Apollon <strong>sur</strong> le mont Pa<strong>la</strong>tin, <strong>et</strong> celle du<br />

portique d'O<strong>et</strong>avie. (Tristes, liv. ni, élég. i, v. 60.)<br />

5. Antonî scripta (v. a3). Les l<strong>et</strong>tres <strong>de</strong> M. Antoine <strong>et</strong> <strong>les</strong> harangues<br />

<strong>de</strong> Brutus contiennent <strong>de</strong>s invectives sang<strong>la</strong>ntes contre<br />

Auguste, qui souffrit ces injures <strong>et</strong> <strong>les</strong> dédaigna. (TACITE, Ann,9<br />

liv. iv, eh. 34.)<br />

6. Dodus (v. 24). Brutus, neveu <strong>de</strong> Caton d'Utique, était un<br />

<strong>de</strong>s philosophes <strong>les</strong> plus célèbres <strong>de</strong> son temps. Cicéron nous<br />

Fapprend, Acad, 11, liv. 1, eh. 3 : ce Brutus qui<strong>de</strong>m noster, excellons<br />

omni génère îaudis, sic philosophiam <strong>la</strong>tinis litteris persequitur,<br />

nihil ut iis<strong>de</strong>m <strong>de</strong> rébus Gracia <strong>de</strong>si<strong>de</strong>r<strong>et</strong>. » — Voyez<br />

Tusc,9 liv. v, ch. 1, <strong>et</strong> <strong>de</strong> Finibus, liv. m, ch. 1.<br />

7. Adjumt in èeiio ( v. 3i) :<br />

Paciferœque manu râmum pra<strong>et</strong>eadit olivae.<br />

(VIAG., Mneld., lib. VIII, v. 1x6.)<br />

6. Utpatriœpater (v. 36). Ce vers a été interprété <strong>de</strong> plusieurs<br />

manières par <strong>les</strong> commentateurs. Les pronoms hic, ipsius <strong>et</strong> Me<br />

embarrassent <strong>la</strong> phrase <strong>de</strong> l'auteur, <strong>et</strong> ren<strong>de</strong>nt sa pensée difficile à<br />

saisir. Le sens que j'ai choisi me paraît le plus naturel. Voici<br />

quelle est <strong>la</strong> suite <strong>de</strong>s idées. Le nom d'Auguste, souvent répété<br />

dans mon livre, doit le protéger. Si Enée, parce qu'il portait son<br />

père <strong>sur</strong> ses épau<strong>les</strong>, a vu <strong>la</strong> f<strong>la</strong>mme elle-même lui livrer passage,<br />

à plus forte raison tous <strong>les</strong> chemins doivent être ouverts à mon<br />

livre qui porte Auguste, le <strong>de</strong>scendant d'Énée; car Anchîse,<br />

protecteur d'Énée, n'était que le père d'Énée lui-même, <strong>et</strong> Auguste,<br />

protecteur <strong>de</strong> mon livre, est le père <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie. » D'après<br />

c<strong>et</strong>te interprétation, hic se rapporte à Auguste, ipsius à Énée,<br />

Me à Anchise.<br />

9. Ecquis (v. 37}. Le culte <strong>de</strong> plusieurs divinités égyptiennes<br />

fut introduit à Rome sous <strong>les</strong> empereurs. Isis avait un temple<br />

près du Champ-<strong>de</strong>-Mars. Les prêtres <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te déesse se présentaient<br />

dans <strong>les</strong> maisons, vêtus <strong>de</strong> lin, <strong>la</strong> tête rasée, un sistre à <strong>la</strong><br />

main, <strong>et</strong> recevaient <strong>les</strong> dons du peuple. Voyez JUV£NAL9 sa t. vi,<br />

v. 385 <strong>et</strong> suivans; APUL,, Métam., liv. 1.<br />

10. Pharia (v. 38). Pharius s'emploie souvent pour JEgyptms*<br />

Pharii reges. (Luc, liv. n, v. 636.)<br />

11. Sistra (v. 38). Instrument d'airain dont se servaient <strong>les</strong>


DU LIVRE PREMIER. 3i5<br />

prêtres égyptiens dans <strong>les</strong> fêtes d'Isis. Le sistre tenait lieu <strong>de</strong> tromp<strong>et</strong>te<br />

dans <strong>les</strong> années égyptiennes :<br />

Patrio vocat agmina sistro.<br />

(YIRG., Mneidmf lîb. vxn, V. 696.)<br />

Ramanamque tobam crépitant! pellere sistro. ,<br />

(PAOP., lib. m, <strong>de</strong>g. xx , v. 43.)<br />

ia. Ante Deûm matrem (v. 39). Les prêtres <strong>de</strong> Cybèle, dans<br />

leurs fêtes, promenaient <strong>la</strong> déesse au son <strong>de</strong> <strong>la</strong> flûte <strong>et</strong> parcouraient<br />

<strong>les</strong> campagnes en <strong>de</strong>mandant l'aumône. Voyez JUVéHAL,<br />

sat. vi, v. 371, <strong>et</strong> OVIDE, Fasi., liv. iv, v. 35o.<br />

i3. Scimus ab ùnperio (v. /§i). Oreste, après avoir enlevé <strong>la</strong><br />

• statue <strong>de</strong> Diane adorée dans <strong>la</strong> Taori<strong>de</strong>, <strong>la</strong> transporta, dit-on ,<br />

près <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville d'Aricie en Italie (OVIDE , MêL, liv. xv, v. 489).<br />

Diane y reçut le même coite que dans <strong>la</strong> Taori<strong>de</strong>. De là c<strong>et</strong>te expression<br />

Ariciam immkem (SIL., liv. iv, v. 369). Il paraît, d'après<br />

Ovi<strong>de</strong>, que dans ce lemple Diane rendait <strong>de</strong>s orac<strong>les</strong>.<br />

14. Moneoque (v. 47 ). Monere s'emploie souvent dans le sens<br />

<strong>de</strong> prédire :<br />

Vates Meicatis, qmim multa horrenda moaer<strong>et</strong>.<br />

(VX&G., Mneid,, lib. in,v. 712.)<br />

i5. Privatus <strong>la</strong>mine ( v. 53). On croyait qu'Isis privait <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

vue ceux qui, après a%oir juré par son nom, vio<strong>la</strong>ient leur ser­<br />

ment :<br />

Hic pe<strong>la</strong>i esse <strong>de</strong>os, e! pejerat, atque ita seeum :<br />

Décernât ; quodcunque vol<strong>et</strong> , <strong>de</strong> corpore nostro<br />

Isis , <strong>et</strong> irato fer<strong>la</strong>i mea liimina sistro f<br />

Dummodo vel caecos teaeam, qaos abnego, numiiios.<br />

( Juvur. , sat. xxxx , v. 91.)<br />

16. Ut ( v. 63). Ovi<strong>de</strong> emploie très-souvent ut dans le sens <strong>de</strong><br />

quamvis.<br />

Ut <strong>de</strong>sint vires 9 tainen est <strong>la</strong>udaadâ voluntas.<br />

( Pont., lib. m, epîst. 4, v. 79.)<br />

17. Estur (v. 69). Esiur s'emploie quelquefois dans le sens


3i6 NOTES<br />

passif pour editur : Colubra ipsa îuio estur (CELS., v, 27, n. 3). On<br />

trouve aussi le parfait esus sum, mais dans le sens actif. Quas<br />

, ( cames ) ubi esœ sunt ( itgres ), fauces earum angima obsi<strong>de</strong>ntur.<br />

( SOL. , XYii, adf.)<br />

18. Dur/..... oris (v. 80). C<strong>et</strong>te expression s'emploie souvent dans<br />

le sens d'audacieux, impu<strong>de</strong>nt (TER., £un.f acte iv, se. 7, v. 35;<br />

CICéR. , Quint,, xxiv). On disait, au contraire, os molle en par<strong>la</strong>nt<br />

d'un homme mo<strong>de</strong>ste, rougissant facilement : Nil erat mollius ore<br />

PompeiL (SEH. , epist. n.)<br />

LETTRE DEUXIÈME.<br />

Fabius Maximus, à qui Ovi<strong>de</strong> adresse c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre, était un <strong>de</strong>s.<br />

favoris d'Auguste. Le poète, qui espérait beaucoup <strong>de</strong> sa puissante<br />

intercession auprès du prince, pleure sa mort [Forniques,<br />

liv. iv, l<strong>et</strong>t. n.)<br />

19. Tanti (v. 1). 11 joue <strong>sur</strong> le mot maximus,<br />

20. Vi<strong>de</strong>rit hœc ( v. 9 ).' Il y a <strong>de</strong>s manuscrits dans <strong>les</strong>quels ce<br />

distique est supprimé ; d'autres suppriment le distique suivant ;<br />

d'autres enfin n'en font qu'un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>et</strong> rej<strong>et</strong>tent <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux vers<br />

du milieu. J'ai traduit le premier distique comme étant interrogatif,<br />

<strong>et</strong> le <strong>de</strong>uxième comme répondant au premier ; <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière<br />

<strong>la</strong> répétition <strong>de</strong> vi<strong>de</strong>rit <strong>et</strong> <strong>de</strong> au<strong>de</strong>bo n'a plus rien qui embarrasse.<br />

ai. Stupor (v. 29). C'est l'engourdissement, <strong>la</strong> privation <strong>de</strong><br />

tout sentiment, qui résulte <strong>de</strong> l'épuisement <strong>de</strong>s forces :<br />

Oculos stopor urg<strong>et</strong>'inertes.<br />

(VIRO. , Georg.f lib. m» v. 5a3.)<br />

22. Sensum mail [Y, 3a). Comparez<br />

Mensque mali sensum Hostra receEtis hab<strong>et</strong>.<br />

(OVID., Trist., lib. îv , eleg. 6, v. 2a.)<br />

23. Vos quoque ( v. 33). Les fil<strong>les</strong> du Soleil, pleurant <strong>la</strong> mort<br />

<strong>de</strong> Phaéthon, furent changées en peupliers. Virgile dit qu'el<strong>les</strong><br />

furent métamorphosées en aunes (ÉgL vi, v. 63).


DU LIVRE PREMIER. 317<br />

24.. Qêoim requies (v. 43). Comparez<br />

Sonrae quies rerum, pïaeidissime somne Deomm ,<br />

Pax aaimi, qoem ۔ira fugit, qui eorpora doris<br />

Fessa mieisteriis mulces, reparasque <strong>la</strong>bori.<br />

(OVXD., M<strong>et</strong>am.$ Mb. xi, v. 6*3.)<br />

»5. Ve.neratus (v. 5i). On dit venerari dans le môme sens qae<br />

colère amicos^<br />

a6. Admonilu (v. 54). J'ai cherché à rendre toute <strong>la</strong> force <strong>de</strong><br />

l'expression <strong>la</strong>tine. Cest <strong>la</strong> jouissance fugitive, imaginaire du<br />

bien perdu, qui en rappelle le souvenir, <strong>et</strong> qui en rend <strong>la</strong> priva­<br />

tion plus amère.<br />

- s7. Pruinosi (v. 56). Couvert <strong>de</strong> frimas :<br />

Solqoe proinosas radiis siccaverat herbas.<br />

(OVXD., M<strong>et</strong>am.f lib.xv, v. 82.)<br />

28. Maie mutam (v.,66). D'après.le sens ordinaire <strong>de</strong> muîare,<br />

ce<strong>la</strong> <strong>de</strong>vrait signifier un lieu où j'ai été envoyé pour mon mal­<br />

heur ; mais en examinant ce qui précè<strong>de</strong> <strong>et</strong> ce qui suit, on se<br />

convaincra que c<strong>et</strong>te traduction ne rend pas complètement <strong>la</strong><br />

pensée <strong>de</strong> Fauteur. Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à changer d'exil, dut-il être mal<br />

dans son nouveau séjour. C'est une pensée <strong>sur</strong> <strong>la</strong>quelle il revient<br />

souvent :<br />

Non p<strong>et</strong>ite ut bene sit, sed uti maie tutius<br />

(Pont.$ lib. ï, epist. 2, v. xo5.)<br />

ao. Suscipe (v. 69). Ce vers, dans plusieurs éditions, com­<br />

mence une nouvelle .l<strong>et</strong>tre adressée, comme <strong>la</strong> précé<strong>de</strong>nte, à<br />

Maximus. Nous avons suivi l'édition Lemaire, qui réunit <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux<br />

en une, se conformant en ce<strong>la</strong> à l'autorité <strong>de</strong>s <strong>ancienne</strong>s édi­<br />

tions. 11 est évi<strong>de</strong>nt d'ailleurs que c<strong>et</strong>te lin <strong>de</strong> l<strong>et</strong>tre, adressée à<br />

<strong>la</strong> même personne que le commencement, est <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> ce qui<br />

précè<strong>de</strong>.<br />

3o. Facundia linguœ (v. 69). En par<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> Cicéron, Quintilien<br />

dit (liv. x, ch. 1) : « Apud posteros vero id sit consecutus,<br />

ut Cicero non jam hominis, sed eloquenti* nomen habeatur. »


3i8 NOTES<br />

3i. Mite (v. 70). C<strong>et</strong> adjectif a souvent le sens <strong>de</strong> bienveil<strong>la</strong>nt :<br />

Qui mihï consiliom vivendi mite <strong>de</strong>disti.<br />

(OVîD., Trist., lib. 1, eleg. 5, •. 5.)<br />

3a. 2>/ZMZ (v. 72). Comparez: « Lenissimis <strong>et</strong> amantissimis<br />

verbis utens, re graviter accusas. » (Cic, Ep.fam., lib. v, ep. i5.) .<br />

33. Molimina rerum (v. 75). Mot poétique. Il se dit <strong>de</strong>s choses<br />

qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> grands efforts :<br />

Magna qui<strong>de</strong>m rerom molimina vidit m ïllîs.<br />

(OVXD., M<strong>et</strong>am.$ lib. XY, V. 578.)<br />

34. Sauromatœ (v. 79). Les Sauromates on Sarmates appar^<br />

tiennent à <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> famille <strong>de</strong>s Scythes. Ils habitaient au <strong>de</strong>là<br />

du Danube, <strong>sur</strong> <strong>la</strong> côte septentrionale <strong>et</strong> an bord <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer,<br />

tandis que <strong>les</strong> Gètes occupaient l'intérieur du pays. Cependant<br />

le séjour <strong>de</strong>s Sarmates n'était pas borné par le Danube, <strong>et</strong> <strong>les</strong> habitans<br />

<strong>de</strong> Tomes sont'en partie <strong>de</strong>s Sarmates. —Voyez Truites,<br />

liv. Y, élég. 7, v. i3 ; liv. iv,.élég. 6, v. 47.<br />

35. <strong>la</strong>zyges (v. 79). Ils habitaient un peu plus au nord que<br />

<strong>les</strong> Sarmates, à l*occi<strong>de</strong>nt du Palos-Méotis.<br />

36. Cultaque (v. 80). Les commentateurs <strong>et</strong> <strong>la</strong> note <strong>de</strong> l'édition<br />

Lemaire donnent à Deœ Oresteœ un sens qu'il est impossible<br />

d'adm<strong>et</strong>tre : ils préten<strong>de</strong>nt que <strong>la</strong> déesse dont parle<br />

Ovi<strong>de</strong> est Iphigéoie, sœur d'Oreste. Or, nous savons, <strong>et</strong> Ovi<strong>de</strong><br />

nous raconte loi-même (Poniiques, liv. ni, l<strong>et</strong>t. 2, v. 61 ), que<br />

<strong>la</strong> sœur d'Ores! e, transportée par Diane à travers <strong>les</strong> airs dans<br />

<strong>la</strong> Tauri<strong>de</strong>, fut chargée par Thoas <strong>de</strong> prési<strong>de</strong>r au'culte <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

déesse; mais elle n'était que <strong>la</strong> prêtresse, <strong>et</strong> c'était Diane qu'on<br />

adorait. La divinité <strong>de</strong> <strong>la</strong> Tauri<strong>de</strong> dont parle le poète est donc<br />

Diane <strong>et</strong> non Iphigénie. L'expression Dea Orestea n*a rien d'embarrassant<br />

: Ovi<strong>de</strong> (Métam., liv, xv, v. ^89) a déjà donné à<br />

Diane le nom <strong>de</strong> Diana Oresîa. On sait qu'Oreste, près d'être<br />

immolé par sa sœur, fut reconnu par elle, <strong>et</strong> que tous <strong>de</strong>ux quittèrent<br />

secrètement <strong>la</strong> Tauri<strong>de</strong>, emportant avec eus <strong>la</strong> statue <strong>de</strong><br />

Diane. C'est c<strong>et</strong>te divinité enlevée par Oreste que le poète appelle<br />

Dea Orestea.<br />

37. Ister ( v. 81). Le poète désigne ordinairement le Danube<br />

sous le nom à'Ister, quelquefois, mais rarement, sous le nom


DU LIVRE PREMIER. 319<br />

<strong>de</strong> Danubius. Dans sa partie supérieure, il s'appelle Danubius,<br />

<strong>et</strong> vers son embouchure il prend le nom d'ister. Pendant Phi<br />

ver, ses g<strong>la</strong>ees servent <strong>de</strong> pont aux habitans <strong>de</strong> <strong>la</strong> rive septentrionale<br />

pour le traverser, <strong>et</strong> pour aller ravager <strong>la</strong> contrée méridionale<br />

(Tristes, liv. 111, élég. io, v. 34; élég. 11, v..10;<br />

élég. 12, v. 3o).<br />

38. Bistonii ( v. n3). Biston, fils <strong>de</strong> Mars <strong>et</strong> <strong>de</strong> Callirrhoè*,<br />

bâtit une ville dans <strong>la</strong> Thrace, <strong>et</strong> donna son nom aux habitans<br />

<strong>de</strong> e<strong>et</strong>te contrée.<br />

39. Movissent ( v. 116):<br />

Si vis me flere , dolendum est<br />

• Primom ipsi tibi<br />

(HOR., Art.po<strong>et</strong>., v. 10a.)<br />

40. Themmedon (v. i%i). Plusieurs éditions écrivent Therodamas.<br />

Roi <strong>de</strong> Scythie3 qui avait pour sa gar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s lions nourris <strong>de</strong><br />

chair humaine (OVIDE, Ibis, v. 383).<br />

41. Quique (v. 122). Diomè<strong>de</strong>, roi <strong>de</strong> Thrace, faisait dévorer<br />

par ses chevaux <strong>les</strong> étrangers qui arrivaient dans ses états.<br />

4a. C<strong>la</strong>usit (v. 126):<br />

Postqoam Discordia î<strong>et</strong>ra<br />

Belli ferrâtes postes, portasque reclosit.<br />

(Hou., Sat., lib. 1, saî. 4 , v. 60.)<br />

43. Qui dixi vesims ( v. i33). Dans plusieurs éditions on<br />

trouve duxi. J'ai préféré dixi d'après <strong>la</strong> correction d'Heinsius :<br />

Ecce canirat Hymenseon <strong>et</strong> igaibtis atria fumant.<br />

(Ovxo., M<strong>et</strong>am., lib. xn, T. »X5.)<br />

44. De vestra cui..... nupta (v. i38). Nous voyons par ce passage<br />

que <strong>la</strong> femme d'Ovi<strong>de</strong> était <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille <strong>de</strong> Fabios Maxim os. Elle<br />

était aussi parente <strong>de</strong> Macer (Pont., liv. 11, l<strong>et</strong>t. 10, v. 8). C'était<br />

<strong>la</strong> nièce <strong>de</strong> Rofus (Pont., Iiv. 11, l<strong>et</strong>t. 11, v. i3-i8). Avant d'épouser<br />

Ovi<strong>de</strong>, elle avait eu d'un premier mari une fille qui<br />

épousa Suillius (Pont., liv. iv, l<strong>et</strong>t. 8, v. 9-12).<br />

45. Marcia (v. 140). C'était <strong>la</strong> femme <strong>de</strong> Maximus. Voyez TA­<br />

CITE, Ann., liv. 1, ch. 5.


3»o NOTES<br />

46. Matertem Cœsaris (v. 141). auguste était fils d'Accia ; <strong>la</strong><br />

sœur d'Accia est <strong>la</strong> tante d'Auguste dont parle ici le poète.<br />

Ovi<strong>de</strong> parle souvent, dans ses l<strong>et</strong>tres, d'Auguste <strong>et</strong> <strong>de</strong>s membres<br />

<strong>de</strong> sa famille. An lien <strong>de</strong> faire une note particulière <strong>sur</strong> chacun<br />

<strong>de</strong>s mots qui en aéraient besoin, nous donnons à nos lecteurs<br />

un excellent travail que nous avons trouvé tout fait. M. Jabn a<br />

recueilli <strong>et</strong> rassemblé tons <strong>les</strong> détails qu'il a rencontrés dans <strong>les</strong><br />

Tristes <strong>et</strong> dans <strong>les</strong> Pontiques <strong>sur</strong> Auguste <strong>et</strong> <strong>sur</strong> sa famille. Ces<br />

recherches importantes sont écrites en allemand ; on nous saura<br />

cré d'en donner ici <strong>la</strong> traduction : nous en avons r<strong>et</strong>ranché quelques<br />

citations, <strong>et</strong> quelques détails étrangers aux Pontiques :<br />

«Auguste s'appe<strong>la</strong>it proprement Caius Octavius; mais lorsqu'il<br />

eut été adopté par Joies César, il changea ce nom en celui <strong>de</strong><br />

Caius Cœsar Octavianus. César <strong>de</strong>vint son nom habituel, <strong>et</strong> c'est<br />

sous ce nom qu'il est ordinairement mentionné dans ces l<strong>et</strong>tres<br />

( Pont., liv. 11, l<strong>et</strong>t. 8, •. 53 ; liv. iv, l<strong>et</strong>t. 8, v. 63). Il réunit<br />

peu à peu dans sa personne <strong>toutes</strong> <strong>les</strong> premières charges <strong>de</strong> l'état<br />

De là caput oibis ( Tristes, liv. m, élég. 5, v. 46). Le peuple le<br />

comb<strong>la</strong> <strong>de</strong> titres d'honneur : il eut <strong>les</strong> titres à'imperator, <strong>de</strong> prineeps<br />

, à'Jugustus. Les <strong>de</strong>ux premiers désignaient sa dignité :<br />

Auguste <strong>de</strong>vint son nom personnel, <strong>et</strong> César son nom <strong>de</strong> famille<br />

(Pont., Hv. il,l<strong>et</strong>t. 7, v. 79; liv. m, l<strong>et</strong>t. 1, v. i35).<br />

« Sous son administration eurent lieu <strong>de</strong>s guerres nombreuses<br />

avec <strong>les</strong> peup<strong>les</strong> voisins <strong>de</strong> l'empire romain, en particulier avec<br />

<strong>les</strong> Germains, <strong>les</strong> Illyriens, <strong>les</strong> Arméniens <strong>et</strong> <strong>les</strong> Parthes. Comme<br />

il était imperator perp<strong>et</strong>uus, <strong>toutes</strong> <strong>les</strong> guerres se faisaient sous<br />

ses auspices, <strong>et</strong> il n'y eut plus <strong>de</strong> général en chef. Aussi était-ce<br />

lui qui, à chaque triomphe, était, à proprement parler, le<br />

triomphateur, <strong>et</strong> tous <strong>les</strong> généraux triomphaient sous lui. A<br />

l'exception <strong>de</strong> <strong>la</strong> défaite <strong>de</strong> Varus par <strong>les</strong> Germains en 763, <strong>les</strong><br />

Romains furent vainqueurs dans <strong>toutes</strong> <strong>les</strong> guerres entreprises<br />

sous le règne d'Auguste; aussi fut-il <strong>sur</strong>nommé Invictus (Trist,<br />

liv. v. élég. 1, v. 41). Il ramena dans Rome l'ordre <strong>et</strong> le repos,<br />

fit <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> lois, <strong>et</strong> travail<strong>la</strong> à améliorer <strong>les</strong> mœurs ( Tristes,<br />

liv. 11, v. *3a).<br />

« La gloire d'Auguste était infinie (Tristes, liv. 11, v. 67). Sons<br />

son administration régnèrent sœcu<strong>la</strong> felicia ( Tristes, liv. 1,<br />

élég. 2, v. io3). On l'appelle urbis amor.( Tristes, liv. 11,


DU LIVRE PREMIER. 3a i<br />

v. 160), <strong>et</strong> il reçut le titre <strong>de</strong> Paterpatriœ (Pont., liv. I , l<strong>et</strong>t. i,<br />

v; 36 ; liv. m, l<strong>et</strong>t. 3, v. 88 ). Les poètes célébrèrent son nom<br />

(Tristes, liv. n, v. 73),<strong>sur</strong>tout Virgile (Tristes, liv. n, v. 533);<br />

<strong>et</strong> parmi eux, Ovi<strong>de</strong> aussi (Pont., liv. n , l<strong>et</strong>t. 5, v. 27). Son gou-<br />

Temement était doux, <strong>et</strong> Ovi<strong>de</strong> vante souvent (avec une f<strong>la</strong>tterie<br />

excessive, il est vrai, <strong>et</strong> dans <strong>de</strong>s vues intéressées) sa bonté, son<br />

indulgence qu'il éprouva même dans sa punition (Pont., liv. 1,<br />

l<strong>et</strong>t. 11, v.'89-123).<br />

Comme fils adoptif <strong>de</strong> Ju<strong>les</strong> César, qui avait été mis au rang<br />

<strong>de</strong>s dieux, Auguste lui-même était Diws <strong>et</strong> Deux. Ovi<strong>de</strong>, dans <strong>les</strong><br />

Tristes <strong>et</strong> dans <strong>les</strong> Pontiques, emploie souvent c<strong>et</strong>te apothéose pour<br />

f<strong>la</strong>tter Auguste. Il ne se contente pas <strong>de</strong> l'appeler magnas César<br />

( Tristes, liv. 1, élég. 2, v. 3; Pont., liv. 1, l<strong>et</strong>t. 8, v. a4),<br />

vir maximus ( Tristes, liv. 11, v. 55 ), vir cœiestis ( Tristes,<br />

liv. 1, élég. m, v. 37); <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r qu'on sacrifie aux dieux<br />

pour soo bonheur ( Tristes, liv. 1, élég. 2, v. 104 ), il l'appelle<br />

souvent Deus (Pont., -liv. 11, l<strong>et</strong>t. 3, v. 68; Tristes, liv. 1,<br />

élég. 2, v. 3), <strong>et</strong> même Deus prœsens conspicuusque. ïl souhaite<br />

qu'il <strong>de</strong>meure long-temps <strong>sur</strong> <strong>la</strong> terre, qu'il monte au ciel le<br />

plus tard possible (Tristes, liv. 11, v. i55). Il ne l'égale pas seu~<br />

lement en puissance aux autres dieux (Pont., liv. 1, l<strong>et</strong>t. 4 , v. 55;<br />

Tristes, liv. 1, élég. 2, v. 65), mais'il le compare à Jupiter<br />

même (PonL, liv. 11, l<strong>et</strong>t. 8, v. 6a ; Tristes, liv. 1, élég. 1, v. 81).<br />

Il en fait le Jupiter <strong>de</strong>. <strong>la</strong> terre <strong>et</strong> le maximus Divus (Tristes,<br />

liv. m, éîég. 1 , v. 78).<br />

Auguste se maria d'abord avec Clodia, belle-fille d*Antoine,<br />

en 71a, puis eo 7.14 avec Scribonia. De c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière il eut une<br />

fille , <strong>la</strong> première Julie, qui épousa d'abord Marçus Affarcellus, '<br />

neveu d'Auguste, puis en 733 Marcus Vipsanius Agrippa, <strong>et</strong> enfin ,<br />

en 74a , Tibère, <strong>et</strong> qui, à cause <strong>de</strong> sa vie dissolue, fut exilée ?<br />

en 753, dans File Panda tarie, où sa mère Scribonia <strong>la</strong> suivit volontairement,<br />

<strong>et</strong> mourut en 768. Des cinq enfans que Julie donna<br />

à Agrippa, <strong>les</strong> plus connus sont ses <strong>de</strong>ux fils Caïus <strong>et</strong> Lacius, <strong>et</strong><br />

ses <strong>de</strong>ux fil<strong>les</strong> Julie <strong>la</strong> jeune <strong>et</strong> Agrippine. Ses <strong>de</strong>ux fils furent<br />

adoptés par Auguste en 737, <strong>et</strong> déc<strong>la</strong>rés Césars. Tous <strong>de</strong>ux moururent<br />

avant l'exil d'Ovi<strong>de</strong>, en 757 <strong>et</strong> 755. Julie <strong>la</strong> jeune fut, à<br />

cause <strong>de</strong> ses débauches, reléguée, en 762, dans l'Ile <strong>de</strong> Trimère, <strong>et</strong><br />

l'on a voulu établir <strong>de</strong>s rapports entre son exil <strong>et</strong> celui d'Ovi<strong>de</strong>.<br />

X. 11 -


3aa NOTES<br />

La troisième femme d'Auguste fut Livia Brasilia f qu'il épousa<br />

en 715, <strong>et</strong> qui lui apporta <strong>de</strong> son premier mari Tibère C<strong>la</strong>u<strong>de</strong><br />

Néron <strong>de</strong>ux fils, Tibère C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Néron <strong>et</strong> Drusus C<strong>la</strong>udius Néron<br />

Germanieus. Drusus Germanieus, irainqoeor <strong>de</strong>s Germains (Trist.,<br />

liv. ivs élég. 2, ¥. 39), <strong>la</strong>issa un fils, Germanieus César. Auguste<br />

adopta Tibère en 757, <strong>et</strong> l'associa à l'empire es 764 (Portiques,<br />

liv. 11, l<strong>et</strong>t. 8, v. 3i; Traies, liv. 11, Y. X65). Aussi le poète<br />

l'appelle-t-il pmies Jugusii (Pont., liv. 11, l<strong>et</strong>t. 8, Y. 45 ), <strong>et</strong><br />

César (Port., liv. 11, l<strong>et</strong>t. 8, v. 37). Sous <strong>les</strong> noms <strong>de</strong> Césars<br />

(Pont., liv. 1, l<strong>et</strong>t. 4, Y. 55) <strong>et</strong> <strong>de</strong> César uterque (Tristes, liv. iv,<br />

•élég. a, Y, 8 ), il faut comprendre Auguste <strong>et</strong> Tibère.<br />

Tibère eut <strong>de</strong> sa première femme Vipsaaia Agrippioa, un fils,<br />

Drusus-, qu'il fit périr en 777, <strong>et</strong> adopta, en 757, le fils <strong>de</strong> son<br />

frère, Germanieus César. Drusus <strong>et</strong> Germanieus le jeune sont par<br />

conséquent nepoies Augmsti (Pont., liv. 11, l<strong>et</strong>t. 8, Y. 33)..Tous<br />

•<strong>de</strong>ux avec leur père sont nommés Césars (Tristes, liv. 1, élég. 2,<br />

v. 104). Germanieus César épousa Agrippine, fille <strong>de</strong> Julie Pan-<br />

•cienne, <strong>et</strong> Drusus époosa Livie, sœur <strong>de</strong> Germanieus César<br />

( Pont, liv. 11, l<strong>et</strong>t. 8, v. 46 ) : tous ensemble forment domus<br />

Cœsarea (Tristes, liv. 1, élég. 1, v. 70).<br />

' LETTRE TROISIEME.<br />

47. -Ut sof<strong>et</strong> infuso (v. 10). C'est une opinion souvent exprimée<br />

par <strong>les</strong> anciens, que le vin se répand daos <strong>les</strong> veines, ranime<br />

le corps <strong>et</strong> lui rend <strong>de</strong>s forces :<br />

Gencrosiim <strong>et</strong> lene requiro ;<br />

Qtiod curas abigat, quod cum spe divite man<strong>et</strong><br />

In venas ammumque menai,<br />

(Hoa., Epist., Mb. 1, ep. i5, v. 18.)<br />

«Vense mero escitaotur. » (PLIN. , lib. xxiu, c. 1.)<br />

48. De gurgite curœ (v. i3). Cicéron appelle Verres «gorges<br />

vitiorum turpitudumque omnium, »<br />

49. Nodosam podagram (v. a3). La goutte est ainsi appelée<br />

parce qu'elle gêne <strong>et</strong> fait gonfler <strong>les</strong> articu<strong>la</strong>tions, nodos corporis :<br />

Nodosa corpus îiolis prohibera chiragra.<br />

(Hoa., EpiM. f lib. x, ep. x, v. 3i.)


L~,<br />

DU LIVRE PREMIER. 3a3<br />

5o. Pectoris arma ( v. 218 ). « Les armes que me fournit ton<br />

courage. » C'est dans le même sens que Gcéron (On 1, eh. 38)<br />

a dit : Armis pru<strong>de</strong>ntiœ <strong>de</strong>fen<strong>de</strong>re causas,<br />

5i. Fumum <strong>de</strong> patrus (v. 34) :<br />

- àhrkf 'OJWrtùç<br />

'liptiss **# ««flrvo? iveipas-JcsiT» ?9Ïr*i<br />

*Bc y&iwç , 6«yff


3*4 NOTES *<br />

59. Quasso (?. 3). Comparez<br />

LETTRE QUATBIÈMF.<br />

Hanc asiraam levem,<br />

Fessamque senio, nec minus quassam mails.<br />

(Sur., Etre, fur., acî. v, se. 1.)<br />

60. Necjuveni (v. 4) •<br />

'E


DU LIVRE PREMIER. 3a f><br />

'. 66. Junciior (v. 3i). Ce mot s'emploie élégamment dans le sens<br />

<strong>de</strong> vicmion<br />

67. Siitisiro (v. 3i ). Le poète désigne par le mot smister ou<br />

lœvus <strong>la</strong> côte européenne du Pont-Euxtn.<br />

' 68. Mabuiî comités (v. 33). Jasoe était accompagné <strong>de</strong>s nommes<br />

<strong>les</strong> pins célèbres <strong>de</strong> <strong>la</strong> Grèce, Castor, Pollux, Hercule, Tè<strong>la</strong>-<br />

mon, <strong>et</strong>c. Voyez VAL. FLACCUS <strong>et</strong> APOLLONIUS.<br />

69. Nec Tipkjs (v. 37). Ce fut loi qni inventa fart <strong>de</strong> diriger<br />

un vaisseau au moyen d'un gouvernail :<br />

Aîîer eriî tum Tiphys, <strong>et</strong> altéra qiiae vehat Argo<br />

Delectos heroas<br />

(VXRG., BucoL, ecl. iv, v. 34.)<br />

70. Nec Agenore natus{^. 37). Phinée^fils d'Agénor? fut d'abord<br />

roi <strong>de</strong> Thrace. Jupiter, qu'il avait offensé, se vengea en le'privant<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> vue, <strong>et</strong> en loi envoyant <strong>de</strong>s Harpies qui le tourmentaient<br />

sans cesse. A l'arrivée <strong>de</strong>s Argonautes <strong>sur</strong> <strong>les</strong> bords <strong>de</strong><br />

Thynnée, Phinée reconnut parmi eux <strong>les</strong> fils-<strong>de</strong> Borée ?Ca<strong>la</strong>ïs <strong>et</strong><br />

Zétès, dont il avait épousé <strong>la</strong> sœur. -11 fut bien traité par <strong>les</strong> Argonautes<br />

, <strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout par ses beaux-frères, qui le délivrèrent <strong>de</strong>s<br />

Harpies. En r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> ce service ? il usa^ en faveur <strong>de</strong> Jason, du<br />

don qui lui avait été accordé par <strong>les</strong> dieux, <strong>de</strong> lire dans l'avenir.<br />

11 lui apprit quels obstac<strong>les</strong> il aurait à vaincre pour arriver à son<br />

but, quelle route il <strong>de</strong>vait suivre, <strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout comment il pourrait<br />

éviter <strong>les</strong> rochers <strong>de</strong> Cyanée (VAL. FLACCUS, liv. iv, v. t&\<br />

<strong>et</strong> suivansj.<br />

71. Cupidmis artes (v. 41). Médée, éprise d'amour'pour Jason-,<br />

lui facilita <strong>la</strong> conquête <strong>de</strong> <strong>la</strong> Toison d'or.<br />

7a. Roseo provoc<strong>et</strong> (v. 58). Comparez<br />

Dura rota Luciferi provoc<strong>et</strong> orta diem.<br />

(TIBULL., lib. 1, <strong>de</strong>g. 9, v. 62.) ,<br />

LETTRE CINQUIEME.<br />

Celte l<strong>et</strong>tre est adressée, comme <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième, à Fabius Maximus.<br />

73. Nescius exsiiii (v. 4)- Ovi<strong>de</strong> refient souvent <strong>sur</strong> c<strong>et</strong>te


3aô NOTES<br />

pensée, qu'il développe ici longue méat En affaiblissant son corps,<br />

en le faisant Yieiliir avant 1e temps, l'exil a aussi abattu ses forces<br />

mora<strong>les</strong>. Il noms explique lui-même pourquoi <strong>les</strong> vers qu'il compose<br />

aujourd'hui sont si inférieurs à ses anciess ouvrages* Il a<br />

perdu l'habitu<strong>de</strong> d'écrire , il ne r<strong>et</strong>rouve plus son ancien génie.<br />

C'est en vain qu'il invoque <strong>la</strong> muse, <strong>la</strong> muse ne vient pas chez<br />

<strong>les</strong> Gètes cruels. Il lotte avec effort contre <strong>la</strong> douleur, contre <strong>les</strong><br />

tourmens qu'il endure 9 pour composer <strong>de</strong>s vers ; <strong>et</strong> quand il <strong>les</strong><br />

relit 3 il a honte <strong>de</strong> son propre ouvrage. Cependant il ne <strong>les</strong> corrige<br />

pas ; c'est un travail trop pénible pour son esprit ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Il<br />

cherche seulement à occuper <strong>les</strong> longues journées <strong>de</strong> l'exil, il fuit<br />

l'oisiv<strong>et</strong>é; mais l'amour <strong>de</strong> <strong>la</strong> gloire n'est plus un aiguillon pour<br />

lui.<br />

74. Ignamm corpus (v. 5). Un corps qui <strong>la</strong>nguit dans l'oisiv<strong>et</strong>é.<br />

Ovi<strong>de</strong> a dit ignam otia (TrisL, liv. 1, élég. 7, v. aô).<br />

Et sèmera evertiî multos ignava per annos.<br />

(VXAG., Georg., lib. xx, v. 208.)<br />

75. Captant v£tium(j. 6). La corruption gagne une eau sans<br />

mouvement :<br />

Yitio morièns sitit aeris herbe.<br />

(Id., BucoL, eel. vu, v. 57.}<br />

76. Deducere versum (v. 13). Les poètes disent souvent ducere<br />

versus, dans le sens <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s vers, — Deducere ajoute ordinairement<br />

quelque chose <strong>de</strong> plus à <strong>la</strong> pensée ; il signifie, dans le sens<br />

propre, rendre plus mince, plus délicat % en allongeant :<br />

Levi <strong>de</strong>duceiis pollice filum.<br />

(OVXD.» Meîam., lib, xv, v. 36.)<br />

Au figuré, en par<strong>la</strong>nt <strong>de</strong>s ouvrages <strong>de</strong> l'esprit, il signifie9 faire<br />

apec délicatesse, avec soin, en prolongeant le trapaiL « Tridoo<br />

non ultra très versus <strong>de</strong>ducere. » (VAL. MAX. , lib. ni, c. 7, n. 1 ><br />

extern.)<br />

Quelquefois il est synonyme <strong>de</strong> ducere:<br />

Carmina profeniuiit animo <strong>de</strong>ducta seraio.<br />

(OVID,, Trist», lib.. x, eleg. 1, ?. 39.}


DU LIVRE PREMIER. 3a7<br />

77. Sub judidum vocem (v. a©). M<strong>et</strong>tre en jugement ,# sou­<br />

m<strong>et</strong>tre a un examen :<br />

In M<strong>et</strong>ii <strong>de</strong>sceadat jiidiés aures.<br />

(Ho*., <strong>de</strong> Jrte po<strong>et</strong>., v. 387.)<br />

78. NisiNilus m Mebrmn (v. ai). Ovi<strong>de</strong> a rendu poétiquement<br />

le proverbe <strong>la</strong>tin aquam aquœ ad<strong>de</strong>re. Comparez<br />

Sed aeqiie diveni ripa làbuntur ea<strong>de</strong>m<br />

Frigidiis Enrô<strong>la</strong>s , populifer?© Padiis.<br />

(OVID. , Amor., lib. n, eleg. 17 , T. 3I.)<br />

Tarn multa il<strong>la</strong> mm divisa est milita lecto ,<br />

Quantum Hypanis Yen<strong>et</strong>o dissïd<strong>et</strong> Eridano.<br />

( P R O F J U L T . , l i b . ï , e l e g . 1 a , • . 3 . )<br />

79. Subducunt (v. 24). Heinsius préfère subducanL La même<br />

leçon a été adoptée dans l'édition Lemalre. La plupart <strong>de</strong>s manuscrits<br />

ont subducunt, que nous avons conservé.<br />

80. Col<strong>la</strong> perusîa (v. a 4). Le frottement produit le même eff<strong>et</strong><br />

qae <strong>la</strong> brûlure :<br />

Ibericis pernste firaibus <strong>la</strong>ttis.<br />

(Hem. , Epod* xv, v. 3.)<br />

81. Sumqitefi<strong>de</strong>s (v. 3a). Ce mot signifie non-seulement croyance,<br />

mais aussi ce qui'fait croire, ce qui prouve.<br />

Sum Beos : Ea nostri sangninls ista I<strong>de</strong>s !<br />

(PEOFULT., lib. ivf eleg. 6, v. 6©.)<br />

8a. Beceptus ab ajvo (v. 33'}* Ovi<strong>de</strong> exprime souvent <strong>la</strong> pré­<br />

position ab après le verbe passif,. quoique le eomplément ne soit<br />

pas un être animé.<br />

83. Scilk<strong>et</strong> estcupidus (v. 35). Compares<br />

Trabit sua quemqoe voloptas. '<br />

(VXHG., Bucol.,.eck 11, v* 65'.)'<br />

84. Nec terni incertas (v. 46). Mes mains incertaines , qui<br />

ignorent si <strong>les</strong> cbances du jeu seront favorab<strong>les</strong> ou contraires. Il<br />

est difficile <strong>de</strong> rendre en français tonte <strong>la</strong> force <strong>de</strong> l'expression<br />

<strong>la</strong>tine.


3a8 NOTES<br />

85. Mores patrii (v. 49)- Les habitu<strong>de</strong>s- <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie , <strong>les</strong><br />

exercices auxquels on se livre à Rome. Opposé à arîe loci.<br />

86. Ex facili (v. 59). On dit aussi infaciU dans le même sens :<br />

Quod p<strong>et</strong>u, e facili, si vol<strong>et</strong> il<strong>la</strong>, feres.<br />

(OVID., Art. amat., lib. i, v. 366.)<br />

a Quum exitus haud in facili essent. » (Liv., lib. IIï, c. 8.)<br />

87. Quo mihi (v. 67 ). A quoi me sert ? se construit souvent<br />

avec l'infinitif :<br />

Quo tibi, turritis'inciugere mœiiibus urbes?<br />

(OVID., Amor.t Mb. m, eîeg. 8 , v. 47.)<br />

88. Quo. Borens (v. 7a). Borée, souff<strong>la</strong>nt <strong>de</strong>s lieux où se trouve<br />

Ovi<strong>de</strong> ? n'arrive à Rome que d'une aile fatiguée.<br />

89. Dwidimur cœlo (v. 73). Le poète, habitant <strong>la</strong> contrée <strong>la</strong><br />

plus reculée du mon<strong>de</strong>, est séparé <strong>de</strong> Rome par tout le ciel ou<br />

par le mon<strong>de</strong> entier. Il dit ailleurs :<br />

Atque tuis îolo dividor orbe rogis.<br />

(Ex Ponto , lib. 1, epist. 9, v. 48.)<br />

90. Hirsutes G<strong>et</strong>as (v. 74). Les Gètes, comme le poète le<br />

répète souvent, se couvraient <strong>de</strong> peaux <strong>de</strong> bêtes, portaient, <strong>de</strong><br />

longs cheveux, une longue barbe ; ils avaient une YOîX sauvage,<br />

un visage effrayant, un air barbare.<br />

91. Sjene (v. 79). Ville <strong>de</strong> <strong>la</strong> haute Egypte, <strong>sur</strong> <strong>les</strong> frontières<br />

<strong>de</strong> l'Ethiopie, aujourd'hui Assuar. Elle est p<strong>la</strong>cée sous le tropique<br />

du Cancer : <strong>de</strong> là vient qu'Ovi<strong>de</strong> l'appelle caiida,<br />

92. Taprobanen (v. 80). Ile située dans <strong>la</strong> mer <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s, près<br />

<strong>de</strong> l'embouchure du Gange.<br />

93. Aliius ire lib<strong>et</strong>(y. 81)? Découragé, abattu par <strong>la</strong> souffrance,<br />

le poète parait ne plus songer à <strong>la</strong> gloire, à <strong>la</strong> renommée; il n'est<br />

plus sensible qu'aux privations, aux douleurs <strong>de</strong> l'exil.<br />

94. Fosijue, quibus perii (v. 85). C'est un <strong>de</strong> ces reproches qu'il<br />

adresse si fréquerament à ses amis, par <strong>les</strong>quels il craint d'avoir<br />

élé oublié <strong>de</strong>puis qu'il n'est plus au milieu d'eux.


DU LIVRE PREMIER. 3*9<br />

LETTRE SIXIÈME.<br />

La l<strong>et</strong>tre 6 du livre n, <strong>et</strong> <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre 9 du livre iv, sont adressées<br />

à Grécinus, comme celle-ci. Grécinus fut consul Tan dç Rome 769 ,<br />

<strong>et</strong> son frère Pomponios F<strong>la</strong>ccus loi suecéda Tannée suivante.<br />

Voyez <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre 9 du livre iv.<br />

95. Nam te diversa (v. 1). Le vers 10 ? où le poète parle <strong>de</strong>s<br />

travaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre, fait présumer qu'au départ d'Ovi<strong>de</strong>, Grécinus<br />

était occupé <strong>de</strong> quelque expédition militaire.<br />

96. Qua sinit (v. 10). Autant que ta charge le perm<strong>et</strong>. Qua<br />

pour quatenus.<br />

Qua lic<strong>et</strong>, <strong>et</strong> quantum non ooerosns ero.<br />

(Ovn>., ex Ponto, Eh. n, epist. 4, v. 33.)<br />

97. Hoc forîunœ (v. i3). J'ai senti ce malheur <strong>de</strong> plus.<br />

98. Magnaque pars (v. 16). Ovi<strong>de</strong> se sert souvent <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

expression pour exprimer <strong>la</strong> tendresse :<br />

O me mihi carior, iequit,<br />

Pars animx consiste me»<br />

(M<strong>et</strong>am., lib. vin, V. 4O5.)<br />

Aecipe, pars animai magna, Severe, me*.<br />

(Ex Ponto, lib. 1, epist. 8 , v. 2.)<br />

Magnaque pars animas mecum vlxlstis , amici.<br />

(îbid., lib. ni, epist. 4, v. 69.)<br />

99. Née levé, née tuîum (v. 21). Il craint toujours d'abor<strong>de</strong>r<br />

ce suj<strong>et</strong>. Chaque fois qu'il en parle, il s'arrête aussitôt ; c'est un<br />

mystère qu'il ne veut pas <strong>la</strong>isser pénétrer.<br />

100. Ex ioto (v. 28). S'emploie souvent dans le sens <strong>de</strong> omnino:<br />

Nec tamen es toto <strong>de</strong>serere iî<strong>la</strong>_ potes.<br />

(Ovin., exPomto, îib. iv> epist. 8, v. 72.)<br />

101. Hœc Dea (v. 29). Ces beaux vers <strong>sur</strong> Pespérance ne semblent-ils<br />

pas une traduction <strong>de</strong>s vers suivans <strong>de</strong> Théognis?<br />

*1à


33o NOTES<br />

On trouve dans Tibulle <strong>de</strong>s vers <strong>sur</strong> le même suj<strong>et</strong> :<br />

Jam ma<strong>la</strong> fiiiisseîïi l<strong>et</strong>o : sed creciu<strong>la</strong> vîtam<br />

Spes fov<strong>et</strong>, <strong>et</strong> fore cras semper ait meSius.<br />

Spes <strong>et</strong>iam valida so<strong>la</strong>tur compe<strong>de</strong> vinctum :<br />

Crura soumit ferre ; sed canit Inter opus.<br />

(Lib. xx, eïeg. 6, v. 19.)<br />

i©2. Compe<strong>de</strong> fossor (T. 3I). Les vers <strong>de</strong> Tibulle que je viens<br />

<strong>de</strong> citer ai<strong>de</strong>nt à expliquer le sens <strong>de</strong> fossor. Il se dit <strong>de</strong>s hommes<br />

qui coltivent <strong>la</strong> terre <strong>et</strong> qoi pour ce<strong>la</strong> sont obligés <strong>de</strong> <strong>la</strong> creuser<br />

(VI&G., Georg., liv. 11, v. a64). Ovi<strong>de</strong> parle ici <strong>de</strong>s esc<strong>la</strong>ves chargés<br />

<strong>de</strong>.fers qui étaient condamnés aux travaux <strong>de</strong>s champs.<br />

io3. Vena déficiente (v. 36). Quand l'artère a cessé <strong>de</strong> battre,<br />

quand <strong>les</strong> forces sont épuisées.<br />

Ad medicum specto , veals fugienlibas, sger. .<br />

(OVID. , ex Ponto, lib. ni, epist 1, v. 69.)<br />

io4- Me quoque (v. 41). Voyes Tristes, liv. 1, élég. 5 , v. 5.<br />

io5. Injecta marna (v. 4*)» Iiyicere manum alicui, arrêter<br />

quelqu'un. « Ipsa mihi verïtas manum injecit <strong>et</strong> paulisper consisterc<br />

, <strong>et</strong> commorari cogit. » (Cia, pro Roscio, c. vxi.)<br />

LETTRE SEPTIÈME.<br />

Outre c<strong>et</strong>le l<strong>et</strong>tre, Ovi<strong>de</strong> a encore adressé <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième l<strong>et</strong>tre<br />

du livre 11, à Messalinus. 11 était fils <strong>de</strong> Messa<strong>la</strong> Corvinus (CICé-<br />

BOH , l<strong>et</strong>t. xix, à Brutus), qui mourut avant l'exil d'Ovi<strong>de</strong>. Voyez<br />

<strong>les</strong> vers 27-3o <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre.<br />

106. Cultomm (v. i5). Nous n'avons pas <strong>de</strong> mot français qui<br />

ren<strong>de</strong> toute <strong>la</strong> force <strong>de</strong> l'expression <strong>la</strong>tine. Pour éviter une périphrase<br />

, j'ai traduit par ami.<br />

107. Ue populo (v. 16). Le poète craint <strong>de</strong> choquer l'amourpropre<br />

<strong>de</strong> Messalinus, en s'annonçant comme un <strong>de</strong> ses anciens<br />

amis : <strong>de</strong> là ces correctifs ut populo, comme confondu dans <strong>la</strong><br />

foule, <strong>et</strong> pars parva. Peut- être aussi craint-il <strong>de</strong> comprom<strong>et</strong>tre<br />

auprès <strong>de</strong> César celui à qui il s'adresse.


BU LIVRE PREMIER. 331<br />

108. Gloria mostm (v. a©). L'honneur que je m'attribue, d'avoir<br />

été <strong>de</strong> tes amis.<br />

109. Notis (v. 21). Plusieurs éditions ont moins, d'autres notum.<br />

La leçon que nous avons choisie est appuyée <strong>sur</strong> l'autorité<br />

<strong>de</strong>s meilleurs manuscrits. Du reste, Heinsius <strong>et</strong> d'autres commentateurs<br />

ont peu <strong>de</strong> confiance dans le distique tout entier.<br />

110. Tibi fuerit mecum (v. a5). Comparez<br />

Hum quidquam amplins tibi cum il<strong>la</strong> fuit, Charme.<br />

(TER., Andda, act 11, se. 2.)<br />

ni. Causaquefaxque m<strong>et</strong> (v. a8). Il est difficile <strong>de</strong> déterminer<br />

le sens <strong>de</strong> causa. J'ai cru qu'il ne fal<strong>la</strong>it pas le détourner <strong>de</strong> sa signification<br />

ordinaire, a celui qui fut <strong>la</strong> cause, le principe <strong>de</strong> mon<br />

génie, celui qui me fit poète. »<br />

11a. Sctipîa canenda foro (v. 3o). Aux funérail<strong>les</strong> d'un citoyen<br />

illustre, le corps traversait le Forum <strong>et</strong> s'y arrêtait ; alors<br />

son fils ou quelqu'un <strong>de</strong> ses parens ou <strong>de</strong> ses amis, montait à <strong>la</strong><br />

tribune <strong>et</strong> prononçait son éloge {voyez POLYBE, liv. vi, ch. 61 ;<br />

CiciaoH, Or. xi, ch. 84). Publico<strong>la</strong>, dit-on, introduisit c<strong>et</strong><br />

usage en l'honneur <strong>de</strong> son collègue Bnrtus (PLUT. , Vie <strong>de</strong> Public).<br />

Pendant qu'on prononçait l'éloge funèbre, on p<strong>la</strong>çait le corps<br />

<strong>de</strong>vant <strong>la</strong> tribune. Sous Auguste, on prit l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> prononcer<br />

plusieurs éloges, funèbres à <strong>la</strong> louange <strong>de</strong> <strong>la</strong> même personne <strong>et</strong><br />

dans <strong>de</strong>s Meus différais (Dion, liv. LV, ch. aj.<br />

IîS. Quod estjrater(w. 3i). Le frère <strong>de</strong> Messalinus est ce Cotta<br />

dont Ovi<strong>de</strong> parie (voyez vers IO5-IO8). Il lui adresse <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre 3<br />

du livre 11 ; il en parle encore livre iv, l<strong>et</strong>tre 16, v. 41. Le père<br />

<strong>de</strong> Cotta était Messa<strong>la</strong> Corvinus; sa mère était Aurélia, <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille<br />

<strong>de</strong>s Cotta. Après <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> son père,il prit le nom <strong>de</strong> Messalinus<br />

(VELLEIUS, liv. 11, ch. 1a).<br />

114. Atridis Tyndaridisque (v. 3a). Agamemnon <strong>et</strong> Méné<strong>la</strong>s,<br />

Castor <strong>et</strong> Polliix.<br />

115. C<strong>la</strong>usa mihi potius (v. 36 ). Je voudrais que votre maison<br />

me fût interdite tout entière r plutôt que <strong>de</strong> dire quelque chose<br />

qui pût nuire à votre frère.<br />

116. Tamen a* (v. 3g). ZJt, sic servent à unir <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux parties<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> phrase, <strong>et</strong> à établir <strong>la</strong> comparaison entre culpatn <strong>et</strong> jfwcinus.


33 a NOTES<br />

117. Uij'am (v. 5i). Nous avons vu souvent ut dans le sens <strong>de</strong><br />

quoique.<br />

• 118. Peiias kasta (v. 5a). On sait que <strong>la</strong> <strong>la</strong>nce d'Achille était<br />

formée d'un frêne coupé par le centaure Cliiron dans <strong>les</strong> forêts du<br />

mont Félion : <strong>de</strong> là vient le nom patronymique Peiias, qui quelquefois<br />

s'emploie seul, <strong>et</strong> en sous-entendant kasta, pour désigner<br />

<strong>la</strong> <strong>la</strong>nce d'Achille.<br />

119. Citra quant (v. 55). Minus quam,<br />

Heve domi prœsume (<strong>la</strong>pes : <strong>et</strong> <strong>de</strong>siae, citra<br />

Quam eapies 9 paulo, quam potes esse} imnm,<br />

(OVID. , Art. amat., lib. m, v. 757.)<br />

120. Hic, iiiic (v. 58). Ce passage a été tourmenté <strong>de</strong> mille<br />

manières. L'auteur veut sans doute parler <strong>de</strong>s hommages qu'il<br />

rendait tantôt à l'en , tantôt à l'autre <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux frères.<br />

kai. Quid, quod (v. 61). Tournure employée fréquemment<br />

dans <strong>les</strong> transitions. Mot à mot, Que sera-ce, si je dis que? « Quid,<br />

quod salus soeiorum in discrimen vocatur? » (Cic.,pro MamL, c. v.)<br />

LETTRE HUITIÈME.<br />

Sévère était poète [Pontiq., liv. iv, l<strong>et</strong>t. 16", v. 9). Outre c<strong>et</strong>te<br />

l<strong>et</strong>tre, Ovi<strong>de</strong> lui a encore adressé <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre a du livre iv.<br />

• <strong>la</strong>a. Salis si (v. 4)- Voyez le vers al <strong>de</strong> <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre précé<strong>de</strong>nte.<br />

î a3. Bel<strong>la</strong> movente (v. 6). Voyez Ponliques, liv. 1, l<strong>et</strong>t. 3, v. 57.<br />

ia4* Mi<strong>les</strong> in exsuie (v. 7). Compares<br />

Atque in rege tamen pater est<br />

(OVID., Meiam., lib. 1111, v. 187.)<br />

ia5. Inprocinctu (v. 10). Au moment même où le combat va<br />

commencer, au milieu <strong>de</strong>s préparatifs du combat.<br />

ia6. Binonimis Istri (v. 11). Le fleuve3 dans sa partie supé- 2<br />

rieure, s'appelle Danubius ; vers son embouchure, il prend le nom<br />

Û'Ister. —Fojez PLINE, liv. iv? ch. a4-<br />

127. Caspius Mgypsos (v. i3). Plusieurs éditions ont Mgyssus<br />

ou Mgissus , d'autres JEgisus. Antonin ( lûnér. ) écrit Mgjsos.<br />

On trouve dans Pline (liv. vi) Mgypsus, Il donna son nom à <strong>la</strong><br />

ville dont il fut le fondateur.


DU LIVRE PREMIER. 3^3<br />

î 28.' Odrysiis (v. 15). Les Odryses sont <strong>de</strong>s peup<strong>les</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>Thrace,<br />

près <strong>de</strong>s sources <strong>de</strong> l'Hèbre (PLINE, HT. iv, eh. 5, 18) :<br />

Qoateous Odrysios jam pas lomana Triones<br />

Tempérât<br />

(MAIT., lib. vii, epigr. 80.)<br />

129. In regem (v. 16). Il est évi<strong>de</strong>nt qu'il s'agit ici, non du<br />

roi JEgypsos, fondateur <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville, mais du roi qui y régnait du<br />

temps d'Ovi<strong>de</strong>. La ville à'Mgrpsos fut plus d'une fois attaquée par<br />

<strong>les</strong> bor<strong>de</strong>s barbares qui l'entouraient. (Voyez Pontiques, liv. iv,<br />

l<strong>et</strong>t. 7, v. 53.)<br />

i3o. Pienius (v. a3). S'emploie dans le sens <strong>de</strong> riche, abondant<br />

:<br />

Hoc quoque, cre<strong>de</strong> miM, plenios agmeii erat<br />

(OVID., j4rt. amat,, lib. 1, v. 66.)<br />

13i. Quatuor autummos (v. a8). Ovi<strong>de</strong> était parti <strong>de</strong> Rome vers<br />

<strong>la</strong> fin <strong>de</strong> Tannée 76a.<br />

i3a. Quœrit <strong>et</strong> Ma tamen (v. 3o). Il semble qu'il y-ait contradiction<br />

entre, <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux parties <strong>de</strong> <strong>la</strong> phrase. Si l'on fait attention<br />

à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong>s idées, toute contradiction disparaît Le poète regr<strong>et</strong>te,<br />

sans doute, <strong>les</strong> p<strong>la</strong>isirs <strong>de</strong> Rome <strong>et</strong> tous ces biens qu'il a<br />

perdus, <strong>et</strong> dont il fait rémunération; mais il est si malheureux,<br />

que c<strong>et</strong>te privation n'est pas l'obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> ses p<strong>la</strong>intes; <strong>et</strong> ce qu'il regr<strong>et</strong>te,<br />

c'est que, ne pouvant jouir <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>isirs <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville, il ne<br />

trouve pas même , dans le pays qu'il habite, <strong>les</strong> p<strong>la</strong>isirs <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

campagne.<br />

i33. Marmore tecta theatra (v. 35). Les théâtres <strong>de</strong>s anciens<br />

étaient découverts, <strong>et</strong>, pour préserver <strong>les</strong> spectateurs <strong>de</strong>s chaleurs<br />

excessives ou <strong>de</strong>s pluies , on déployait <strong>de</strong>s voi<strong>les</strong> comme <strong>sur</strong> <strong>les</strong><br />

amphithéâtres (PLINE, liv. xix, cb. 1 ; liv. xxxvi, ch. i5). On-ne<br />

<strong>les</strong> couvrit que long-temps après. Ovi<strong>de</strong> parle donc ici <strong>de</strong>s por- '<br />

tiques en marbre qui étaient construits <strong>de</strong>vant <strong>les</strong> théâtres, <strong>et</strong> 011<br />

le peuple se m<strong>et</strong>tait à l'abri quand il sortait par <strong>la</strong> pluie (VITRUVE,<br />

liv. v).<br />

i34» Porticus (v. 36). On avait construit <strong>de</strong>s portiques ou <strong>de</strong>s<br />

galeries pour <strong>la</strong> promena<strong>de</strong> dans différentes p<strong>la</strong>ces, principalement<br />

autour du Champ-<strong>de</strong>-Mars <strong>et</strong> du Forum. Ces portiques


334 NOTES<br />

étaient soutenus <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s colonnes <strong>de</strong> marbre ornées <strong>de</strong> peintures<strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> statues : quelques-uns étaient très-longs (MARTIAL, Livre<br />

<strong>de</strong>s Spect., épigr. i ; SUéT. , Vie <strong>de</strong> Néron, ch. xxxi, <strong>et</strong>c.).<br />

i35. Et Euripi (v. 38), Bans le sens propre, c'est un détroit<br />

où <strong>les</strong> flots <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer sont comprimés <strong>et</strong> violemment agités. Par<br />

extension, <strong>les</strong> Romains ont appelé Euripes <strong>les</strong> canaux, <strong>les</strong> aqueducs<br />

qu'ils conduisaient à grands frais, <strong>et</strong> où l'eau cou<strong>la</strong>it comme<br />

dans un fleuve (CicÉmow, <strong>de</strong>s Loà, liv. n, ch. 1 ; SéNEQUE ,<br />

Ictt. LXXXIII , <strong>et</strong>c.) ; on a même donné ce nom à tout bassin con- •<br />

tenant <strong>de</strong> l'eau vive ou stagnante (PLINE, liv. vin, ch. a6).<br />

i36. Virgimusque tiquor (v. 38). On appe<strong>la</strong>it ainsi une eau<br />

amenée à Rome par un <strong>de</strong> ces aqueducs dont 11 est question dans<br />

<strong>la</strong> note précé<strong>de</strong>nte. Frontin [<strong>de</strong>s Aqueducs) raconte que "<strong>de</strong>s<br />

soldats cherchant <strong>de</strong> l'eau, une jeune fille leur montra une p<strong>et</strong>ite<br />

source, <strong>et</strong> qu'après avoir creusé quelque temps, ils trouvèrent l'eau<br />

en abondance : <strong>de</strong> là le nom <strong>de</strong> aqua Virgo ou Virginea, que<br />

<strong>la</strong> source conserva.<br />

Sed curris niveas tantum prope Virginis uadas.<br />

(MART., lib.vix9 epigr. 3s.)<br />

137. Peligno,... solo (v. 42). Sulmone, patrie d'Ovi<strong>de</strong>, est dans<br />

le pays <strong>de</strong>s Pélignes.<br />

i38. F<strong>la</strong>miniœ Clodia (v. 44). La voie F<strong>la</strong>minia al<strong>la</strong>it jusqu'à<br />

Ariminum, en traversant l'Ombrie ; elle se joignait à <strong>la</strong> voie Clodia,<br />

à neuf ou dix mil<strong>les</strong> <strong>de</strong> Rome.<br />

139. Campus (v. 65). S'emploie souvent seul "pour le Champ<strong>de</strong>-Mars.<br />

140. Tempora rara (v. 66).'Le poêle regar<strong>de</strong> comme un bonheur<br />

pour son ami d'être rarement r<strong>et</strong>enu au Forum par ses affaires.<br />

141. Appia (v. 68). La plus célèbre <strong>et</strong> <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> <strong>de</strong>s vo<strong>les</strong><br />

romaines. Elle fut commencée par le censeur Appius Ciaudius,<br />

Tan <strong>de</strong> Rome 44^ (TîTE-LIVE, liv. ix, ch. 29). Elle n'al<strong>la</strong>it alors<br />

que jusqu'à Capoue ; ce ne fut que long-temps après, qu'elle fut<br />

continuée jusqu'à Brin<strong>de</strong>s (TACITE, Anna<strong>les</strong>, liv. 11, ch. 3o), <strong>sur</strong><br />

une longueur d'environ trois cent cinquante mil<strong>les</strong>. On ne connaît<br />

pas avec certitu<strong>de</strong> fauteur <strong>de</strong> ces travaux. C<strong>et</strong>te voie s'appe<strong>la</strong>it<br />

Regina viarum (STAGE , Siives, liv. 11, silve 2, v. 12).


DU LIVRE PREMIER. • 335<br />

14&. Foti comîmke vê<strong>la</strong> (v. 72). La métaphore est belle; je<br />

ne l'ai rendue qu'imparfaitement. Comparez<br />

Contrahes vento nimium secundo<br />

Turgïdâ vê<strong>la</strong>.<br />

(HOR., Od., lib. II9 od. 10, v. 24.)<br />

LETTRE NEUVIÈME.<br />

i43. Celso (v. 1). Quintilieri <strong>et</strong> Coîumelle nous représentent<br />

Aulus Cornélius Celsus comme un homme d'une vaste érudition.<br />

Il a écrit <strong>sur</strong> <strong>la</strong> rhétorique, <strong>sur</strong> Fart militaire, <strong>sur</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine.<br />

L'élégance <strong>de</strong> son style le fit appeler Medicus Cicero, <strong>et</strong> ses connaissances<br />

en mé<strong>de</strong>cine, Latinus Eippocrates.<br />

i44* Cum liquida fi<strong>de</strong> (v. 10). Liquidas signifie souvent,<br />

pur, sans mé<strong>la</strong>nge , sans altération.<br />

Et aieliis ille foras prœeeps, Acheruntis agençais<br />

Funditus, humanam qui vitam turbat ab imo,<br />

Omiiia suffun<strong>de</strong>ns mortis nigrore, neque til<strong>la</strong>m<br />

Esse voluptatêin liquidais puramque relinqmt.<br />

(LUCI.IT., lib. in. v. 37.)<br />

i45. Densius (v. 11). Comparez : I<strong>de</strong>m apud alios <strong>de</strong>msius, apud<br />

alios Jbriasse rarius. ^ Cic.)<br />

146. Quum domus (v. i3). C'est le moment où. il fut condamné<br />

à l'exil.<br />

147- O quoîies (v. ai). Voyez Tristes, liv. 1, élég. 5, v. 5.<br />

148. Fox celebemma (v.. a5). Les paro<strong>les</strong> qu'il répétait le<br />

plus souvent. Comparez Ferba celebriorà, (GBLL., lib. x, c. 10.)<br />

149. Amoma (v. 5a). arbre <strong>de</strong> <strong>la</strong> hauteur du palmier, dont <strong>les</strong><br />

fruits sont semb<strong>la</strong>b<strong>les</strong> à ceux <strong>de</strong> <strong>la</strong> vigne. On en tire un parfum<br />

très-précieux (Pturs, liv. xn, eh. i3).<br />

LETTRE DIXIÈME.<br />

C<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre est adressée à Pomponius F<strong>la</strong>ccus, qui fut consul,<br />

après son frère Grécinus, l'an <strong>de</strong> Rome 77©. Fojez l<strong>et</strong>tre 6 du<br />

livre 1.


m NOTES<br />

i5o. Salutem (v. I). Ovi<strong>de</strong>, dans ce vers -<strong>et</strong> dans le suivant,<br />

' joue sar le mot salutem. J'ai hasardé dans <strong>la</strong> traduction le mot<br />

salut, quoiqu'il ne me parut pas très-usité dans le double sens<br />

que le poète donne au mot <strong>la</strong>tin.<br />

i5i. Anhelis (v. 5). Ne signifie pas seulement qui est hors<br />

d'haleine, mais encore qui m<strong>et</strong> hors d'haleine.— Cursus anhelus<br />

(OYID.?. M<strong>et</strong>am,, lib. xi, v. 347)• Anhe<strong>la</strong> sitis ( LUCRE?. , lib. iv,<br />

"•. 874).<br />

i5a. Tenons (v. 6). Exprime <strong>la</strong> continuité. Comparez<br />

Prêtions hasta fugit, serratque cruenta tenorem.<br />

(VIRO. , Mmido$ îib. x , v. 34©.)<br />

i53. Nava Jmemta (v. 12). C'est <strong>la</strong> déesse qui présentait aux<br />

dieux le nectar <strong>et</strong> l'ambroisie.<br />

i54- Delicias ne (v. 16). Hy a ici un jeu <strong>de</strong> mots difficile à<br />

rendre. Employé d'abord <strong>de</strong>ux fois dans le sens <strong>de</strong> délicatesse, le<br />

mot <strong>de</strong>licias signifie p<strong>la</strong>isirs dans le vers 19. J'ai ehercké à rendre<br />

dans <strong>la</strong> traduction toute <strong>la</strong> force du <strong>la</strong>tin.<br />

i55. Cibus est in corpore somnus (v. 21). Comparez<br />

Qui corpora duris<br />

Fessa ministères mukes, reparasque <strong>la</strong>bori.<br />

(Ovn>., Meêsm., lib. M, V. 624.)<br />

- i56. Cumfmtre (v. 37). Il s'agit <strong>de</strong> Grécinus. Voyez liv. 1 ,<br />

î<strong>et</strong>t. 6.<br />

157. Minuat, nonfiniat (v. 43). Il ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pas un terme<br />

à son exil, mais on séjour moins affreux.<br />

LIVRE DEUXIEME.<br />

LES l<strong>et</strong>tres <strong>de</strong> ce livre furent composées, pour <strong>la</strong> plupart, pendant<br />

l'année 766. Tibère a triomphé <strong>de</strong>s Pannoniens <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Dalmates<br />

à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> l'année 76$ ou au commencement <strong>de</strong> 766. Ovi<strong>de</strong>,<br />

qui célèbre ce triomphe, n'a pu en avoir connaissance, <strong>et</strong>, par<br />

conséquent, n'a pu le célébrer que dans Tannée 766.


BU LIVRE DEUXIEME. 337<br />

LETTRE PREMIÈRE.<br />

C<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre est adressée à Germanieus, fiîs <strong>de</strong> Drusus , neveu<br />

<strong>de</strong> Tibère. Le triomphe célébré par Ovi<strong>de</strong> est celui que remporta<br />

Tibère <strong>sur</strong> <strong>les</strong> Paenoni<strong>et</strong>is <strong>et</strong> <strong>les</strong> Dalmates un an avant <strong>la</strong> mort<br />

d'Auguste (SUéT., Vie <strong>de</strong> Tibère, ch. ix; VKLL. PâTEEC, liv. n,<br />

eh. 104).<br />

i. Df quoque (v. 9). Tout signe <strong>de</strong> tristesse était prohibé pendant<br />

<strong>la</strong> célébration <strong>de</strong>s fêtes chez <strong>les</strong> anciens. Après <strong>la</strong> bataille <strong>de</strong><br />

Cannes , le sénat défendit par un décr<strong>et</strong>, aux dames romaines, <strong>de</strong><br />

prolonger le <strong>de</strong>uil au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> trente jours, afin qu'el<strong>les</strong> pussent<br />

célébrer <strong>les</strong> mystères <strong>de</strong> Cérès.<br />

1, Lappa (v, 14). Virgile, Gêorg., liv. 1, T. i5a :<br />

Lappwqïie, tribulique<br />

Subit aspera sil¥a,<br />

3. J ustitiamque (v. 33). Le sens <strong>de</strong> ce vers <strong>et</strong> du suivant est<br />

expliqué par ces quatre vers du livre ni, l<strong>et</strong>t. 6, v. a3 :<br />

Principe née nostro Deus est modéra ullus<br />

Justifia vires tempérât ilîe suas.<br />

Nupar eam Caesar, facto <strong>de</strong> raarraore îempîo ;<br />

Jampridëm posuit mentis in mie. snœ.<br />

D'après ce passage, justitiam parentis signifie évi<strong>de</strong>mment <strong>la</strong> Justice<br />

, à <strong>la</strong>quelle Auguste, père do triomphateur, a élevé un temple.<br />

"4. Caste (v. 33). S'emploie fréquemment pour signifier avec<br />

piété.<br />

5. Roratis (v. 36). Une note <strong>de</strong> l'édition Lemaire explique roratis<br />

par rare adspersis <strong>et</strong> recentibus* Ceïte note a été extraite <strong>de</strong><br />

Meru<strong>la</strong> , qui donne <strong>la</strong> même explication. Roratis a, ce me semble,<br />

un sens tout différent. Comment supposer, en eff<strong>et</strong>, que <strong>les</strong><br />

roses qui jonchaient le pavé <strong>de</strong> Rome sous un beau soleil, fussent<br />

fraîches <strong>de</strong> rosée? Roratis est employé ici passivement dans le sens<br />

<strong>de</strong> répandu comme une pluie. Ovi<strong>de</strong> a dit ailleurs :<br />

Mollis erat téUus rorataque mane pruinâ.<br />

(Fast., lib. ni, v. 357.)<br />

X 22


338 NOTES<br />

Et<br />

Lesta redit JUDO ; quasi cœlum iatrare parantem<br />

Rorilis lustrafit aquis Thaumaiiîias Iris.<br />

(M<strong>et</strong>am.g lib. iv, v. 47*«)<br />

6. Protinus (v. 37), Ce mot signifie « immédiatement avant. »<br />

Proîinus «ger ago<br />

Ipse capei<strong>la</strong>s<br />

(VIRG., Biicol., ecl. 1, v. i3.)<br />

7. iSbÂr (v. 40). Arma signifie armes défensives; te<strong>la</strong>, armes<br />

offensives : telis suis signifiera donc <strong>les</strong> traits qui appartiennent<br />

aux armes groopées en faisceaux, <strong>et</strong> qui, avec ces armes, forment<br />

une armure complète.<br />

t 8. Pœne hostes, <strong>et</strong>c. (v. 44). Le sens <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te phrase est difficile<br />

à saisir. Le poète veut sans doute, par une hyperbole, faire<br />

ressortir <strong>la</strong> puissance <strong>de</strong> l'armée vaincue par son héros. Les chefs<br />

captifs étaient, dit-il, en si grand nombre, que, n'y eût-il pas eu<br />

d'autres ennemis à combattre, seuls ils auraient formé une armée<br />

redoutable.<br />

g. Bato (v. 46). Dion , Paterculus, Suétone, font mention <strong>de</strong><br />

ce chef pannonien, d'autres disent dalmate.<br />

10. Oppida (v. 5o). Les images <strong>de</strong>s vil<strong>les</strong> prises étaient por­<br />

tées en triomphe, inscrites sous le nom du vainqueur.<br />

11. Te quoque vi<strong>et</strong>orem (v. 57). Le triomphe qu'Ovi<strong>de</strong> prédit<br />

à Germanicus eut lieu quatre ans après <strong>la</strong> mort d'Auguste. Ovi<strong>de</strong><br />

ne Fa pas chanté, comme il le prom<strong>et</strong> dans c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre ; il était<br />

mort à c<strong>et</strong>te époque.<br />

12. Maturosque (v. 59). Ce mot signifie ici, a qui arrive <strong>de</strong> bonne<br />

heure, avant l'âge. »<br />

Prœsenti tibi matures <strong>la</strong>rgimur hosores.<br />

(HOH. , Epist., lib. 11, ep. 1 f v. i5.)<br />

Seu matura dies fato properat mihi mortem.<br />

(TîBUîX., lib. nr, eleg. 1, T. 206.)


DU LIVRE DEUXIÈME. 339<br />

LETTRE DEUXIÈME.<br />

C<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre est adressée à Messalinus. Voyez livre i, l<strong>et</strong>tre 7.<br />

i3. Ma jus adorta (v. 16). Comparez<br />

Majus adortâ Befas<br />

Simo<strong>la</strong>to numine Bâcehi,<br />

(Vue, JEneidos lik vu, v. 385.)<br />

14. Puppis Achœmeni<strong>de</strong>n (v. a5). Voyez VIRG. , Enéi<strong>de</strong>, liv. m<br />

v. 588.<br />

i5. Jfj.ro Pelias (v. 26). On sait que Télèphe, roi <strong>de</strong> Mysie,<br />

b<strong>les</strong>sé par <strong>la</strong> <strong>la</strong>nce d'Achille, fut guéri par le fer <strong>de</strong> <strong>la</strong> même<br />

<strong>la</strong>nce.<br />

T6. Qui rapitur (v. 33). La difficulté <strong>de</strong> rattacher à ce qui précè<strong>de</strong><br />

le sens <strong>de</strong> ce distique <strong>et</strong> du suivant, a fait que <strong>les</strong> commentateurs<br />

sont peu d'accord <strong>sur</strong> ce passage. Parmi <strong>les</strong> <strong>ancienne</strong>s<br />

éditions, <strong>les</strong> unes suppriment le premier distique , d'autres le<br />

second ; d'autres n'en font qu'un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux, en r<strong>et</strong>ranchant le second<br />

vers du premier, <strong>et</strong> le premier vers du second. J'ai conservé <strong>les</strong><br />

quatre vers, sans y rien changer. Il ne faut pas toujours chercher<br />

dans <strong>les</strong> mots dont se sert Ovi<strong>de</strong> l'expression exacte, complète<br />

<strong>de</strong> sa pensée ; ses l<strong>et</strong>tres sont quelquefois écrites avec un abandon<br />

, une sorte <strong>de</strong> négligence qu'il ne dissimule pas, qu'il avoue<br />

souvent loi-même. Du reste, il n'est pas impossible <strong>de</strong> trouver<br />

ici une liaison entre <strong>les</strong> idées du poète. Dans son malheur il a<br />

recours, dit-il, à celui qu'il a offensé : c'est un moyen dangereux;<br />

mais l'extrême misère ne craint pas le.danger, puisqu'elle n f a pas à<br />

redouter un sort plus funeste, <strong>et</strong> que, d'ailleurs, il est impossible<br />

<strong>de</strong> lutter contre <strong>la</strong> <strong>de</strong>stinée. Souvent même nous <strong>de</strong>vons notre salut<br />

aux moyens qui nous paraissent <strong>les</strong> plus dangereux, comme <strong>la</strong> rose<br />

croît souvent au milieu <strong>de</strong>s épines, <strong>et</strong>c.<br />

17. Depositus (v. 47). Chez <strong>les</strong> anciens, le cadavre <strong>de</strong>s morts<br />

était p<strong>la</strong>cé <strong>sur</strong> un lit dans le vestibule <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison : alors il était<br />

appelé <strong>de</strong>positus (OVIDE , Tristes, liv. 111, élég. 3, v. 40 ; VIRG. ,<br />

Enéi<strong>de</strong>, liv. xn, v. 3o5) ; <strong>de</strong> là c<strong>et</strong>te expression a signifié désespéré,<br />

sans espoir <strong>de</strong> saine (CICéROH, Verr. 1, ch. a).<br />

. 2*.


34© NOTES<br />

î 8. Cineres obruere (v. 62). Littéralement : Je voudrais poumir<br />

enfouir mes cendres, c'est-à-dire, faire disparaître, avec tout ce'<br />

qui reste <strong>de</strong> moi, le souvenir <strong>de</strong> ma faute.<br />

19. Pulvinar (v. 71). Pulvinaria signifie proprement un coussin<br />

qui sert d'appui à <strong>la</strong> tête. Il s'emploie, par suite, poor <strong>la</strong><br />

couche elle-même, <strong>et</strong> se dit principalement <strong>de</strong>s lits <strong>sur</strong> <strong>les</strong>quels<br />

on couchait <strong>les</strong> statues <strong>de</strong>s dieux , 'ou <strong>de</strong>s lits <strong>de</strong>s empereurs.<br />

Enfin, il se prend pour le lit conjugal, <strong>et</strong> c'est le sens qu'il a ici<br />

dans Ovi<strong>de</strong>.<br />

Lupanaris tiilit ad pulvinar odorem.<br />

(JuYur., sat. vi, v. i3a.)<br />

20. Promov<strong>et</strong> (v. 72). Allusion à <strong>la</strong> conquête <strong>de</strong> l'Dlyrie.<br />

ai. Ad<strong>de</strong> nurus (v. 75). Voyez <strong>la</strong> note <strong>sur</strong> <strong>la</strong> famille d'Auguste.<br />

aa. P.œonas(v. r ]'f). Les Péoniens <strong>et</strong> <strong>les</strong> Dalmates, peup<strong>les</strong> voisins<br />

<strong>de</strong> Flllyrie, soumis par Tibère.<br />

23. Phœbea (v. 8a). La vierge aimée d'Apollon, Daphné.<br />

a4» Proies (v. 83). Tibère était accompagné'<strong>de</strong> Drusns, son<br />

fils, <strong>et</strong> <strong>de</strong> Germanicus César, son neveu, qu'il avait adopté.<br />

a5. Nominibusque (v. 84). Les p<strong>et</strong>its-fils d'Auguste avaient reçu<br />

le nom <strong>de</strong> César.<br />

26. Fratribus (v. 85). Ce passage a été diversement expliqué.<br />

Castor <strong>et</strong> Poilux avaient à Rome un temple près <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> Vénus<br />

Genitrix, où se trouvait <strong>la</strong> statue <strong>de</strong> Ju<strong>les</strong> César. Nous pensons<br />

que ces <strong>de</strong>ux, divinités sont <strong>les</strong> frères dont parle Ovi<strong>de</strong>.<br />

27. Laurea (v. 9a). Messalinus, un <strong>de</strong>s.lieutenans <strong>de</strong> Tibère<br />

dans <strong>la</strong> guerre d'Illyrie, partageait avec lui <strong>les</strong> honneurs du<br />

triomphe.'<br />

28. Pen<strong>et</strong>ralia (v. 109)..Ce mot signifie non-seulement <strong>la</strong> partie<br />

intérieure <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison, mais encore <strong>les</strong> dieux domestiques qui<br />

y étaient adorés.<br />

Hue vittas, castumque refer pes<strong>et</strong>rale parentum.<br />

(SIL. ITAL. , Punicorum lib. xm, v. 6a.)<br />

29. Sacenios (v. 129). Il appelle sacerdos son intercesseur auprès<br />

<strong>de</strong>s Césars, parce qu'il a appelé <strong>les</strong> Césars Superos.


DU LIVRE DEUXIÈME. 3/»i<br />

LETTHE TROISIÈME.<br />

3o. Maxime (v. i). C'est à ce même Maxime qu'il adresse <strong>la</strong><br />

<strong>de</strong>uxième <strong>et</strong> <strong>la</strong> cinquième l<strong>et</strong>tre du livre'i. Comparez<br />

Maxime, qui failli meii<strong>sur</strong>am îIOîïIIOîS impies.<br />

(OVID., ex Ponto, lib. i, epist. a, v. x.)<br />

3i. Premi (v. a). Ce verbe s'emploie élégamment dans le sensv<br />

figuré3 pour signifier éclipser par sa supériorité:<br />

Si titulos , annosque tuos iiumerare velimos,<br />

Facta premant amios<br />

(OVID. , M<strong>et</strong>am., lib. vu, v. 448.)<br />

Ne prisca v<strong>et</strong>ustas,<br />

Lan<strong>de</strong> ptidicitiœ, ssecuîa nostra premat.<br />

(Id., ex Ponto, lib. m, epist. i, v. 116.)<br />

Virgo premil<br />

Quantum Latooia Nymphas<br />

(STAT., Silv., lib. 1, silv. 2, v. n5.)<br />

3a. Probat (v. 8). Probare, estimer, apprécier. Ex eorum ingénia<br />

ingenium horum probant, (PLAUT., Trin.9 act. iv, se. 3.)<br />

33. lr d<strong>et</strong>rahe (v. i5). Ce passage est très-embarrassé. Je crois<br />

en avoir saisi le sens. Après*nemo p<strong>et</strong>endus erit, il faut sous-entendre<br />

qui virtutem co<strong>la</strong>t.<br />

34. Articulis (v. 18). Se prend quelquefois pour digkis.<br />

Litteraque articolo pressa tremente <strong>la</strong>bat.<br />

(OVID., Heroid. x, v. 140.)<br />

35. Prostat (v.-ao). Se dit <strong>de</strong> toute marchandise exposée en<br />

vente.<br />

36. In quœstu sed<strong>et</strong> (v. 20). Signifie a être mis à profit. »<br />

37. Projecto (v. 3o). Abattu, précipité dans le malheur.<br />

38. Te, nihii ex ado (v. 33). Bormann me semble avoir donné<br />

<strong>la</strong> véritable interprétation <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux vers. Ovi<strong>de</strong> se p<strong>la</strong>int, au<br />

commencement <strong>de</strong> sa l<strong>et</strong>tre, <strong>de</strong> ce que <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s. hommes sa­<br />

crifient Famitié à l'intérêt, <strong>de</strong> ce qu'ils abandonnent un ami dès


34 2 NOTES<br />

qu'il est malheureux. Minime, au contraire , a secouru le poète<br />

dans sa disgrâce, parce qu'il aime <strong>la</strong> vertu pour elle-même, <strong>et</strong><br />

qu'il ne cherche dans ce qu'il fait que le témoignage d'une conscience<br />

pure-,<br />

39. Ex acto ferentem (v. 33). Voyez, plus haut, quid in<strong>de</strong><br />

feras ( lib. 1, epist. 4, v. 8a).<br />

40. jEaei<strong>de</strong>s (v. 4*)« Un sait ce que fit Achille pour venger <strong>la</strong><br />

mort <strong>de</strong> Patrocle.<br />

41. Pirithoum Theseus (v. 43). Thésée accompagna Piritheûs<br />

c<strong>la</strong>ns <strong>les</strong> enfers, pour l'ai<strong>de</strong>r à enlever Proserpine :<br />

Nec vero Alci<strong>de</strong>n me sum lœtatus euiitem<br />

Aeeeplsse <strong>la</strong>cu , sec Thèses Pirithoumque.<br />

(VX&G., Mmïdos Mb. vi, v. 392.)<br />

4.a. Phœœus Orestœ (v. 45). Pyia<strong>de</strong>? fils <strong>de</strong> Strophius, roi <strong>de</strong><br />

Phoci<strong>de</strong>, accompagna son ami Oreste dans <strong>la</strong> Tauri<strong>de</strong>. Les orac<strong>les</strong><br />

avaient déc<strong>la</strong>ré qu'Oreste ne serait délivré <strong>de</strong> sa folie qu'après<br />

avoir enlevé dans <strong>la</strong> Tauri<strong>de</strong> <strong>la</strong> statue <strong>de</strong> Diane.<br />

43. Sic ea<strong>de</strong>m (v. 54). Le sens <strong>de</strong> ce vers n'est pas facile à<br />

saisir. Yoiei, je crois, <strong>la</strong> pensée <strong>de</strong> Fauteur. La fortune s'attache<br />

à le tourmenter ; Maximes, <strong>de</strong> son côté, lutte pour le secourir<br />

avec d'autant plus d'ar<strong>de</strong>ur, que <strong>la</strong> fortune se montre plus cruelle.<br />

Ainsi Ovi<strong>de</strong> est en même temps malheureux, parce que <strong>la</strong> fortune<br />

le persécute ; <strong>et</strong> heureux, parce que Maximus oppose à <strong>la</strong><br />

fortune une résistance opiniâtre. Il peut donc dire que <strong>la</strong> même<br />

cause lui nuit <strong>et</strong> le sert en même temps.<br />

44» Sîaniis in orbe (v. 56). Les philosophes <strong>et</strong> <strong>les</strong> poètes, pour<br />

peindre l'instabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fortune, l'ont souvent représentée <strong>de</strong>bout<br />

<strong>sur</strong> une roue.<br />

45. Ante tmos ortus (v. 70). Ovi<strong>de</strong> avait été l'ami du père <strong>de</strong><br />

Maximus.<br />

46. Facundia (v. 75). Ce mot s'emploie souvent pour efoquentk.<br />

— Voyez TACITE, Anna<strong>les</strong>, liv. xi, ch. 6; PéTROïCE? Satyr.,<br />

cb. LXXXI1I.<br />

47. Gratia noêtra fores (v. 8a). Gratia a souvent le sens qoe<br />

nous lui donnons ici : « Quum mihi cum ilio magna jam gratia<br />

ess<strong>et</strong>. » (Cic, ad Fam,$ lib. 1, epist. 9.)


DU LIVRE DEUXIÈME. 343<br />

48. Ultima me êecum (v. 83). Ovi<strong>de</strong> désigne ici le port <strong>de</strong><br />

Brin<strong>de</strong>s, où il s'est embarqué pour aller en exil à Tomes, p<strong>et</strong>ite<br />

ville sor <strong>les</strong> bords du Pont-Euxin (Pan 9 <strong>de</strong> J.-C.). C'est à Brin<strong>de</strong>s<br />

qu'aboutissait <strong>la</strong> voie Appienne. Aujourd'hui il ne reste presque<br />

rien <strong>de</strong> l'<strong>ancienne</strong> ville <strong>et</strong> du port.<br />

49. Inter confessum (v. 87). Je ne niais pas, je n'avouais pas,<br />

je restais incertain <strong>et</strong> embarrassé. Inier est employé <strong>de</strong> <strong>la</strong> même<br />

manière dans Suétone (Vie d'Auguste 9 ch. LXXIX) : a Color inter<br />

aqoilum eandï<strong>de</strong>mque. »<br />

50. Hœc referens (v. 91). Notre poète se sert fréquemment<br />

<strong>de</strong> referre dans le sens <strong>de</strong> recordari.<br />

At quaslo, si forte refers 9 praesentior ipse.<br />

(Amorum tib. 11, <strong>de</strong>g. 8, v. 17.)<br />

S»pe refor tecum scélérate fecta pueliœ,<br />

(Rem, amor. , •. 299.)<br />

LETTRE QUATRIÈME.<br />

5i. Via (v. 20). Une note <strong>de</strong> l'édition Lemaire donne à via le<br />

sens <strong>de</strong> via sacra. Nous ne voyons aucune raison pour adopter<br />

c<strong>et</strong>te explication. C'est ici le singulier pour le pluriel.<br />

52. Curva tkeatra(v. 20). Plusieurs éditions ont terna ikeatra,<br />

expression déjà employée par l'auteur (Art d'aimer, liv.111, v. 3o/i,,<br />

<strong>et</strong> Tristes, liv. m, élég. 12, v. 24)* <strong>et</strong> qui désigne <strong>les</strong> trois théâtres<br />

<strong>de</strong> Pompée, <strong>de</strong> Marcellus <strong>et</strong> <strong>de</strong> Statilius Taures. Nous avons préféré,<br />

avec <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s manuscrits, curva theatra. C<strong>et</strong>te épithète,<br />

déjà employée par Ovi<strong>de</strong> (Art d'aimer, liv. 1, v. 497)? sedit<br />

bien <strong>de</strong> <strong>la</strong> forme semi-circu<strong>la</strong>ire <strong>de</strong>s théâtres romains.<br />

53. Macidis Actoridisque (v. 22). Le' pluriel pour le singulier.<br />

Achille était p<strong>et</strong>it-fils d'Éaciis, <strong>et</strong> Patrocle p<strong>et</strong>it-fils d'A<strong>et</strong>or.<br />

54. SoUtitialis (v. 26). Lorsque le soleil se trouve au tropique<br />

du Cancer, vers le 23 juin, c'est pour nous le solstice d'été <strong>et</strong> le<br />

plus long jour <strong>de</strong> Tannée ; <strong>la</strong> nuit, par. conséquent, est <strong>la</strong> plus<br />

courte.<br />

55. Pœstanas rosas (v. 28). La ville <strong>de</strong> Psestum , autrefois


344 NOTES<br />

Posidoniâ, dans <strong>la</strong> Locanie, était renommée pour <strong>la</strong> douceur <strong>de</strong><br />

son climat. Il y croissait <strong>de</strong>s roses en abondance:<br />

Leiicosiamque p<strong>et</strong>it, tepidique rosaria Psesti.<br />

(OVXD. , M<strong>et</strong>am,, îib. xv, v. 708.)<br />

Biferiqne rosaria Psesti.<br />

( VIRG. , Qqprg, g îib. iv, v. 119.)<br />

56. Pars fati candida (v. 3o). Candtdus <strong>et</strong> albus s'emploient<br />

Ton <strong>et</strong> l'autre dans le sens <strong>de</strong>/elix ,Jaustus ; -niger, dans le sens<br />

contraire. On sait que tout ce qui est b<strong>la</strong>nc était attribué aux<br />

dieux du ciel <strong>et</strong> <strong>de</strong> bon augure ; tout ce qui est, noir était attribué<br />

aux dieux <strong>de</strong>s enfers <strong>et</strong> <strong>de</strong> mauvais augure. On sait aussi<br />

que <strong>les</strong> anciens , pour donner leurs suffrages, se servaient <strong>de</strong><br />

p<strong>et</strong>ites pierres <strong>de</strong> couleur b<strong>la</strong>nche quand ils déc<strong>la</strong>raient l'accusé<br />

innocent, <strong>et</strong> <strong>de</strong> couleur noire quand ils le déc<strong>la</strong>raient coupable.<br />

Fato candidiore frui.<br />

(Ovn>., Trist,, lib. m , eleg. 4, T. 33.)<br />

LETTRE CINQUIÈME.<br />

57. Rebasque ut comprob<strong>et</strong> (v. 3). Les vœux (saluêem) qu'Ovi<strong>de</strong><br />

envoie à son ami sont <strong>de</strong> bon augure. Le poète désire que ces<br />

vœux se réalisent.<br />

58. Candor (v. 5). Je n'ai pas trouvé <strong>de</strong> mot qui rendit toute<br />

<strong>la</strong> force <strong>de</strong> l'expression <strong>la</strong>tine. C'est plus que <strong>de</strong> <strong>la</strong> borné.<br />

59. Âugustapace (v. 18). La paix donnée par Auguste. Comme<br />

on dit domus Jugusîa (ex Ponto, lib. 1, epist. 2, v. 76), Augustœ<br />

aures (Ibid., lib. îv, epist. 5, v. 10), <strong>et</strong>c.<br />

60. Sibi..,., p<strong>la</strong>cere- (v. 24). Plusieurs commentateurs se sont<br />

trompés en donnant à ces mots le sens <strong>de</strong>, se p<strong>la</strong>ire à soi-même,<br />

c'est-à-dire, trouver bons ses propres ouvrages. Le sens est ici le<br />

même que dans ce passage <strong>de</strong> Cicéron (Omis., 11, en. 4): Ego<br />

nunquam mihi minus, quam hesterno die, p<strong>la</strong>cui; c'est-à-dire,<br />

éprouver du p<strong>la</strong>isir, sentir <strong>de</strong> <strong>la</strong> joie.<br />

. 61. Fama triumphi (v. 27). Le triomphe <strong>de</strong> Tibère. Voyez<br />

l<strong>et</strong>tre 1, livre 11.


DU LIVRE DEUXIÈME. 345<br />

6a. C<strong>et</strong>era (v. 3a). La bonne volonté du poète mérite seule<br />

<strong>de</strong>s éloges; le reste, c'est-à-dire le poème lui-même, est au <strong>de</strong>ssous<br />

du suj<strong>et</strong>.<br />

63. Graîia nostra (v. 36). Voyez <strong>la</strong> note <strong>sur</strong> le vers 8a, l<strong>et</strong>tre 3.<br />

64. Candidiora nwe (v. 38). Candidus est employé à <strong>la</strong> fois<br />

dans le sens propre <strong>et</strong> dans le sens figuré. En français, <strong>la</strong> figure<br />

eût été trop hardie.<br />

65. Imp<strong>et</strong>us (v. 45). Se dit d'un mouvement vif <strong>de</strong> l'âme :<br />

liïip<strong>et</strong>ïis ille sacer, qui vatum peclora nutrit.<br />

(OVID., ex Ponto9 Mb. nr, epist. 2 , v. 25.)<br />

66. Mortaiiaqise ora (v. 47). Sa<strong>la</strong>nus est un mortel ; César est<br />

un dieu.<br />

67. Amictus habeî (v. 5a). Quintilien <strong>et</strong> <strong>les</strong> autres maîtres <strong>de</strong><br />

Fart oratoire recomman<strong>de</strong>nt à l'orateur, non-seulemenf'<strong>de</strong> prendre<br />

<strong>de</strong>s attito<strong>de</strong>s convenab<strong>les</strong>, mais encore <strong>de</strong> prévenir en sa faveur<br />

par <strong>la</strong> disposition même <strong>de</strong> son vêtement.<br />

68. Vertice sidéra îangas (v. 57). Germanicus, aux yeux du<br />

poète, est un dieu; Sa<strong>la</strong>nus est Fami <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te divinité. On peut<br />

donc dire que son front touche <strong>les</strong> astres.<br />

69. Tkjrsus enim vobis (v. 67). Le commentateur Micyllus<br />

donne <strong>sur</strong> ce passage fort obscur, une explication que nous avons<br />

adoptée. Le thyrse, selon lui, est ici considéré par Ovi<strong>de</strong> comme<br />

l'emblème <strong>de</strong> l'éloquence, parce que l'éloquence anime, échauffe<br />

<strong>les</strong> esprits, <strong>et</strong> <strong>les</strong> entraîne par ses-moovemens impétueux, passionnés.<br />

La couronne <strong>de</strong> <strong>la</strong>urier, au contraire, est l'emblème <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> poésie. Ainsi, quand Ovi<strong>de</strong> dit à Sa<strong>la</strong>nus : «Tu portes le thyrse<br />

<strong>et</strong> moi le <strong>la</strong>urier, » ces paro<strong>les</strong> signifient : Tu cultives l'éloquence<br />

<strong>et</strong> moi <strong>la</strong> poésie. Quelque forcée que soit c<strong>et</strong>te explication, elle<br />

rattache assez bien le sens <strong>de</strong> ce vers à ce qui précè<strong>de</strong> <strong>et</strong> à ce qui<br />

suit. — On sait que le thyrse était une pique entourée <strong>de</strong> lierre<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> pampre, que <strong>les</strong> Bacchantes agitaient à <strong>la</strong> main dans <strong>les</strong><br />

fêtes <strong>de</strong> Bacchus.<br />

70. Laurea (v. 67). Comparez<br />

Te precor, o vates, adsit tua <strong>la</strong>urea nobis.<br />

(OVID., Rem. am., v. 75.)


346 ~ NOTES<br />

71. De quo censeris (v. 7 3). Mot à'mot, parmi <strong>les</strong> biens duquel<br />

tu es compté ; c'est-à-dire, auquel tu appartiens, dont tu es, pour<br />

ainsi dire, <strong>la</strong> propriété. Comparez<br />

Pars ego sum eensiis quanta<strong>la</strong>cumque tui.<br />

(Ex Pomto, lib. iv, epist. i5, v. 14.)<br />

72. Succedatque suis (v. 75). L'édition Lemaire a tuis, ainsi<br />

qu'un grand nombre d'<strong>ancienne</strong>s éditions; mais ce<strong>la</strong> me paraît<br />

impossible à expliquer. La leçon que j'ai choisie présente un sens<br />

moins obscor : a Qu'il <strong>de</strong>vienne le maître du mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> qu'il<br />

tienne lui-même <strong>les</strong> rênes <strong>de</strong> l'empire. «<br />

LETTJtE SIXIEME.<br />

C<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre est adressée à Grécinus. Voyez <strong>la</strong> l<strong>et</strong>t. 6 du liv. 1.<br />

73. Recto vélo (v. 9). En dirigeant mes Toi<strong>les</strong>.<br />

74; Ceraunia (v. 9). Montagnes <strong>de</strong> l'Épire qui s'avancent dans<br />

<strong>la</strong> mer Ionienne. C'est mis ici pour un écueil quelconque.<br />

75. Sic (v. i5). Tournure elliptique fréquemment usitée dans<br />

<strong>les</strong>" vœux :<br />

Sic îe Diva potens Cypri.<br />

(HOR., Od., lib. ï, od. 3, v. 1.)<br />

76. In quorum p<strong>la</strong>usus (v. 28 ). Ils sont app<strong>la</strong>udis au théâtre ,<br />

dans <strong>les</strong> tragédies qui célèbrent leur gloire.<br />

77. Surda (v. 3a). Ce mot se prend dans le sens actif <strong>et</strong> dans le<br />

sens passif, <strong>et</strong> signifie souvent : qui n'est pas entendu, mu<strong>et</strong>,<br />

Istitis tibi sit <strong>sur</strong>da sine «re lyra.<br />

(PROP. , lib. iv, eleg. 5, v. 56.)<br />

Surda nihil gemer<strong>et</strong> grave buccina<br />

( Jura*., sat. vu , v. 71.)<br />

78. Atimisso equo (v. 38). Un cheval <strong>la</strong>ncé à <strong>la</strong> course. « Admissis<br />

equis, ad suos refugerunt. » (CéSAR, <strong>de</strong> Bello civ.f lib. 11 r<br />

c. 34 ).


' DU LIVRE DEUXIÈME. 347<br />

LETTRE SEPTIÈME.<br />

79. Pmxima smbsequitur (v. 3). Mot à mot : Le p<strong>la</strong>isir d'apprendre<br />

ce que tu fais vient immédiatement après; c'est-à-dire,<br />

j'aurai ensuite un grand p<strong>la</strong>isir d'apprendre, <strong>et</strong>c.<br />

80. Verba dari (v. 20). Souvent <strong>les</strong> Latins opposent verbum<br />

à factum ou à res ; <strong>de</strong> là verbum a signifié <strong>de</strong>s paro<strong>les</strong> vaines,<br />

qui ne sont suivies d'aucun eff<strong>et</strong>; <strong>et</strong> verba dare, ne donner que<br />

<strong>de</strong>s paro<strong>les</strong>, tromper: « Verba mihi dari facile pafior. » (Oc.,<br />

ad Ait., lib. ïV, epist. 16.)<br />

81. Née fmus in nostris (v. a/§). Je ne pois tromper au suj<strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> mes malheurs, c'est-à-dire, je ne puis <strong>les</strong> exagérer.<br />

8a. Cinjphiœ seg<strong>et</strong>is (v. »5). Le Cinyphus ou Cinyps est un<br />

fleuve qui prend sa source dans <strong>les</strong> déserts <strong>de</strong> <strong>la</strong> Libye, <strong>et</strong> se j<strong>et</strong>te<br />

dans <strong>la</strong> Méditerranée, entre <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux Syrtes. Les p<strong>la</strong>ines qu'il arrose<br />

sont très-ferti<strong>les</strong> (MêLA, liv. 1, ch. 7).<br />

83. Cœcata (v. 45). Ne signifie pas seulement aveuglé, mais<br />

encore, par extension , éperdu, abattu.<br />

84. Obruit hoc absens (v. 54). Les malheurs qui nous arrivent<br />

pendant notre absence sont plus terrib<strong>les</strong>, puisque nous ne pouvons<br />

nous en garantir.<br />

85. Quis non horruerit (v. 55)? Plusieurs éditions ont quœ non<br />

horruerint; d'autres, quem non obmerit ira. J'ai préféré <strong>la</strong> correction<br />

d'Heinsius, quis non horruerit.<br />

86. Arcturum subii (v. 58). C'est pendant le mois <strong>de</strong> décembre<br />

que le poète traversa <strong>la</strong> mer Adriatique pour se rendre dans l'exil :<br />

Littera quœcuiiqije est toto tibi lecta libelle,<br />

Est mihi sollicite tempore fac<strong>la</strong> via*.<br />

Âut banc me, gelidi îremerem quum mense <strong>de</strong>cembris,<br />

Seribestem meéiis Hadria v Ici if aquis.<br />

L'Arcture, étoile p<strong>la</strong>cée dans le signe du Bouvier, <strong>et</strong> que <strong>les</strong><br />

poètes prennent souvent pour le Bouvier lui-même. Son lever <strong>et</strong><br />

son coucher annoncent <strong>les</strong> tempêtes.<br />

Les Pléia<strong>de</strong>s, constel<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> sept étoi<strong>les</strong> p<strong>la</strong>cées entre le Taureau<br />

<strong>et</strong> le Bélier. El<strong>les</strong> annoncent <strong>la</strong> pluie.


34» NOTES<br />

87. Itkacœ puppi (v. 60). Le vaisseau d'Ulysse. Comparez<br />

JSolios ifliacis mçlusimus utribus Euros.<br />

(Ova>., Âmorum iib. m, eleg. n,v. 29.)<br />

Le poète a déjà comparé son voyagea celui d'Ulysse {Tristes ,<br />

liv. 1, élég. 5 , v. 60).<br />

88. Perfida turba (v. 62). Ovi<strong>de</strong> se p<strong>la</strong>int-il <strong>de</strong> ses amis <strong>de</strong><br />

Rome, ou <strong>de</strong> ses compagnons <strong>de</strong> voyage? Une note <strong>de</strong> Mycillus?<br />

citée dans Fédition Lemaire, dit qu'il s'agit ici <strong>de</strong> ceux qui<br />

accompagnaient Ovi<strong>de</strong> dans sa route. Elle s'appuie <strong>sur</strong> un passage<br />

{Tristes, liv. v, élég. n, v. i5) où Ovi<strong>de</strong> fait c<strong>la</strong>irement<br />

entendre que César ne Fa pas privé <strong>de</strong> son patrimoine. Nous ne<br />

sommes pas <strong>de</strong> c<strong>et</strong> avis, <strong>et</strong> nous croyons que le poète se p<strong>la</strong>int<br />

<strong>de</strong>s amis qu'il a <strong>la</strong>issés à Rome. î® Ovi<strong>de</strong> (Tristes, liv. 1, élég. 59<br />

v. 60), comparant son voyage à celui d'Ulysse, exprime <strong>la</strong> même<br />

idée, <strong>et</strong> parle c<strong>la</strong>irement <strong>de</strong> ces faux amis qui Font abandonné<br />

au moment <strong>de</strong> son départ. a° Au commencement <strong>de</strong> Y Ibis (v. 19),<br />

il s'emporte contre <strong>la</strong> perfidie <strong>de</strong> son ennemi, qui veut s'emparer<br />

<strong>de</strong> ses dépouil<strong>les</strong> :<br />

Et qui <strong>de</strong>buerat subit as exîinguere f<strong>la</strong>mmas ;<br />

Is prœdam medio rapîor ab igné p<strong>et</strong>it<br />

Nititur ut profugae <strong>de</strong>sint alimenta senectœ.<br />

3° Enfin, si Ovi<strong>de</strong> avait été .pillé dans sa route, il s'en p<strong>la</strong>indrait<br />

, <strong>et</strong> jamais il n'en dit un mot. Sans doute Ovi<strong>de</strong> répète plusieurs<br />

fois qu'il n'a pas été privé <strong>de</strong> son patrimoine; mais il est<br />

évi<strong>de</strong>nt, par le passage <strong>de</strong> l'Ibis cité plus haut, que si ses amis<br />

n'ont pas profité <strong>de</strong> ses dépouil<strong>les</strong>, ils ont cherché à le faire.<br />

•89. Laurea (v. 67). Se dit métaphoriquement <strong>de</strong> <strong>la</strong> couronne <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong>urier qui ceignait <strong>la</strong> tête du triomphateur, <strong>et</strong> par suite <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

victoire <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> gloire militaire :<br />

Cédant arma togae , concédât <strong>la</strong>urea linguœ.<br />

(Cxc, <strong>de</strong> Offre.t lib. 1, e. 22.)<br />

90. Non invidiosa (-v. 73). Qui n'a rien d'odieux.


DU LITRE DEUXIÈME. 349<br />

91. Nitendum vertice pleno (v. 77). Faire effort <strong>de</strong> toute <strong>la</strong> tête,<br />

c'est-à-dire, <strong>de</strong> <strong>toutes</strong> ses forces. Comparez<br />

Saxiim ingens, quod YïX. plena cervice gementes<br />

Vertere-humo, murisque Talent iaferrê juvenci.<br />

(STAT., Theb., lib. n, v. SSg.)<br />

92. Judiciumque (v. 84). Signifie généralement \ 9 opinion que<br />

ion a <strong>de</strong> quelqu'un, <strong>et</strong> quelquefois même, sans adjectif, opinion<br />

favorable, estime.<br />

LETTRE HUITIÈME.<br />

Cptta, à qui c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre est adressée, était frère <strong>de</strong> Messalinus.<br />

Il porta lui-même le <strong>sur</strong>nom <strong>de</strong> Messalinus après <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> son<br />

frère (VELL., liv. 11, eh. 112).<br />

93. Cœsar cum Cœsare (v. 1). Les portraits d'Auguste <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

Tibère.<br />

94. Numerum (v. 3). Ce mot s'emploie, soit au singulier, soit<br />

au pluriel, pour exprimer <strong>les</strong> diverses parties nécessaires pour<br />

former un tout compl<strong>et</strong>, un ensemble parfait. Cicéron dit (Jcad.,<br />

lib. 1, c. 3 ) : « Varium <strong>et</strong> elegans omni fere numéro poema ; »<br />

<strong>et</strong> (<strong>de</strong> Fin. bon. <strong>et</strong> mal., îib. m, c. 7): « Omnes numéros virtutis<br />

contin<strong>et</strong>. »<br />

95. Quod,fuerit (v. 6). Plusieurs éditions ont/itemt, d'autres<br />

fuerit. C<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière leçon nous a paru mieux exprimer le rapport<br />

entre <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux verbes fuerit <strong>et</strong> erit.<br />

96. Pr<strong>et</strong>ium (v. 6). Se dit, par métonymie, <strong>de</strong> For, <strong>de</strong> l'argent<br />

, <strong>de</strong>s richesses :<br />

In pr<strong>et</strong>io pr<strong>et</strong>ium nunc est : dat eeestis honores.<br />

Converse in pr<strong>et</strong>ium Deo.<br />

(OVID. , Fast., lib. 1, v. 217.)<br />

(HOR., Od., îib. m, od. x6, v. 8.)<br />

97. Est aliquid (v. 9). Espèce <strong>de</strong> litote qu'Ovi<strong>de</strong> emploie quelquefois<br />

:<br />

Est ajiquid ïï y paisse Jovi, lovis esse sororem.<br />

(Fast., îib. Vï, T. 27.)<br />

Omina sent aliquid<br />

(Jmorum lib. 1, eleg. 12, ¥.3.)


35o _ NOTES<br />

98. Qui locus (v. 18). Le pa<strong>la</strong>is <strong>de</strong>, César.<br />

99. Vindicte supprime lora (v. 24). Mot à mot: R<strong>et</strong>iens le<br />

fou<strong>et</strong> <strong>de</strong> ta vengeance. Comparez<br />

Roscida ptirptirea supprime lora manu.<br />

(OVID., Amorum lib. 1, eleg. i3, v. 10.)<br />

100. Indélébile (v. 15). Qui ne peut s'effacer, qui ne peut périr.<br />

If omeoqiie erit indélébile nostrura.<br />

(OVID., M<strong>et</strong>am., lib. xv, v. 876.)<br />

101. Veniunt per tua vota (v. 34)- S'avancent dans <strong>la</strong> rouîe<br />

où tes vœux <strong>les</strong> appellent.<br />

102. Servaferaiur'(v\ 4°)« Les images <strong>de</strong>s provinces <strong>et</strong> <strong>de</strong>s vil<strong>les</strong><br />

prises <strong>sur</strong> l'ennemi étaient portées <strong>de</strong>vant le char du triomphateur.<br />

io3. In Pylios annos (v. 41). Les années du vieil<strong>la</strong>rd <strong>de</strong><br />

Pylos, <strong>de</strong> Nestor.<br />

104. In Cumœos (v. 41). La Sibylle <strong>de</strong> Cumes fut aimée d'Apollon.<br />

Elle <strong>de</strong>manda à c^ dieu <strong>de</strong> lui accor<strong>de</strong>r une longue vie, sans<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r en même temps <strong>de</strong> rester jeune. Elle avait sept cents<br />

ans quand elle conduisit Énée dans <strong>les</strong> enfers; aussi Virgile l'appelle-t-il<br />

longœva sacerdos. Elle <strong>de</strong>vait conserver <strong>la</strong>" forme humaine<br />

encore pendant six cents ans, puis décroître peu à peu<br />

jusqu'à ce qu'elle fût réduite à un souffle léger. Voyez OVIDE 1<br />

Métam., liv. xiv, v. 104.<br />

io5. Quas peperere, nurus (v. 46). Les bel<strong>les</strong>-fil<strong>les</strong> <strong>de</strong> Livie<br />

sont <strong>les</strong> femmes <strong>de</strong> Tibère <strong>et</strong> <strong>de</strong> Drusus. Ce sont el<strong>les</strong> qu'Ovi<strong>de</strong><br />

désigne dans ce vers, ainsi que <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> qui naquirent d'el<strong>les</strong>.<br />

106. Râpait Germania, Drusus (v. 47). Drusus Gandîus Néron<br />

Germanicus, frère <strong>de</strong> Tibère, fils <strong>de</strong> Livie, mourut dans <strong>la</strong> Germanie<br />

, <strong>et</strong> <strong>la</strong>issa un fils, Drusus Germanicus , qui fut adopté par<br />

Tibère.<br />

107. Marte suo (v. 49). Eu faisant <strong>la</strong> guerre lui-même, en s'exposant<br />

en personne aux dangers <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre. Voyez CICéROV,<br />

Pkilipp. 11, ch. 37.<br />

108. JuxiUum vultus (v. 54). L'aspect <strong>de</strong> César est d'on<br />

grand secours pour le g<strong>la</strong>diateur, qui, à l'arrivée du prince, est<br />

délivré <strong>de</strong> toute crainte.


DU LIVRE DEUXIÈME. 351<br />

109. Inirata est (v. 56). Ce verbe est usité à quelques temps<br />

do passif : Si mare intratur (TAC. , Annal., lib. 11, c. 4) ; Intrari<br />

Curiam p<strong>la</strong>cebat (lèid.t lib. xvi , c. a5); Jntrandum est in rerum<br />

natumm (Cic., <strong>de</strong> Fin., lib. v, e. 16). Le participe passif se trouve<br />

fréquemment : Intraîa protinus Germania (VELL., lib. 11, c. io5j;<br />

Silvœ intratœ (TIT. LIT., lib. xxi, c. a5), <strong>et</strong>c.<br />

no. Inutile fatum (v. 59). Un <strong>de</strong>stin funeste , cruel. Nonne<br />

inutile est, viiiomm subire nomma ? (Oc, <strong>de</strong> Offic, lib. 111, c. 13.)<br />

111. Minus <strong>et</strong> minus (v. 73). Répétition fort usitée quand <strong>la</strong><br />

chose dont on parle va en diminuant. In alveo strepunt [apeê)<br />

minus ae minus. (PLIN., lib. xi, c. 10.)<br />

us. Timidœ prœsagia (v. 75). Ces pressé<strong>et</strong>imens auxquels je<br />

crains d'ajouter foi.<br />

LETTRE NEUVIÈME.<br />

Cotys est le nom <strong>de</strong> plusieurs rois <strong>de</strong> Thrace (CéSAR, Guerre<br />

civile, liv. ni, eh. 4; C NEPOS, Ipkicr., c. ni).<br />

n3. Eumolpi (v. 2). Fils <strong>de</strong> Neptune <strong>et</strong> <strong>de</strong> Chioné, roi <strong>de</strong><br />

Thrace, qui al<strong>la</strong> s'établir dans l'Attique, où il reçut <strong>de</strong>s leçons d'Orphée.<br />

Suivant d'autres traditions, il était Athénien <strong>et</strong> fils <strong>de</strong> Musée<br />

ou d'Orphée. 11 a donné son nom aux Eumolpi<strong>de</strong>s, prêtres chargés<br />

, à Athènes, <strong>de</strong> prési<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>s sacrifices nocturnes en l'honneur<br />

<strong>de</strong> Cérès. Voyez Cicimoïf, <strong>de</strong>s Lois, liv. n, ch. 24 ; OVIDE ,<br />

Pontiques, liv. ni, l<strong>et</strong>t. 3, v. 41.<br />

114. De qua ne conquerar (v. 7 ). Mot à mot : « Et c<strong>et</strong>te chose<br />

est telle, que je ne me p<strong>la</strong>ins pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> fortune à ce suj<strong>et</strong>. »<br />

115. Conspieitur (v. i5). S'emploie élégamment dans le sens<br />

<strong>de</strong> attirer <strong>les</strong> regards <strong>sur</strong> soi, se faire admirer»<br />

116. Erichthonius (v. 20). On dit aussi Ereehtkeus, fils <strong>de</strong><br />

Vulcain, élevé par Minerve, qui le donna pour roi aux Athéniens.<br />

117. Jdducto... pe<strong>de</strong> (v. 3a). Ce participe, difficile à traduire,<br />

exprime le mouvement <strong>de</strong> ramener à soi pour <strong>la</strong>ncer avec plus<br />

<strong>de</strong> force :<br />

Addocto lectentem cornua nervo.<br />

(OVID. , Me<strong>la</strong>m., lib. 1, v. 455.)<br />

Adducto torquens hasîiîe <strong>la</strong>certo.<br />

(VIRG., Mneidos lib. xx,v. 402.)


35a ' NOTES -<br />

II 8* Auxiliis quoque (v. 36). Chacun <strong>de</strong> nous cherchant à élever<br />

, à exalter ceux qui le protègent. Auxiilis pour auxiliantièus.<br />

119. Intra tua castra (v. 37). Par extension <strong>de</strong> sens, dans le<br />

lieu ou tu comman<strong>de</strong>s.<br />

120. Jntipkaten Lœstrigona (T. .41). Les Lestrigons habitaient<br />

<strong>sur</strong> <strong>les</strong> côtes d'Italie, près <strong>de</strong> Formies, en face <strong>de</strong> <strong>la</strong> Sicile.<br />

Ils étaient renommés pour leur cruauté, <strong>et</strong> se nourrissaient<br />

<strong>de</strong> chair humaine. Antiphate, roi <strong>de</strong>s Lestrigons, immo<strong>la</strong>it ses<br />

hôtes <strong>et</strong> <strong>les</strong> dévorait. Il dévora un <strong>de</strong>s compagnons d'Ulysse.<br />

Voyez HOMèRE, Odyssée, liv. x, v. 116.<br />

121. Jlcinoi (v. 42). Roi <strong>de</strong>s Phéaciens?chez qui Ulysse, après<br />

son naufrage, reçut un accueil hospitalier.<br />

122. Cassandreus (v. 43). Le tyran <strong>de</strong> Cassandrie, Apollodore,<br />

fameux par sa cruauté (CiciaoH, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature <strong>de</strong>s dieux 9 liv. m,<br />

ch. 33 ; SéWIQUE , <strong>de</strong> <strong>la</strong> Colère, liv. 11, ch. 5 ).<br />

12.3. Gentùtve Pherœœ (v. 43). De <strong>la</strong> famille du tyran <strong>de</strong> Phérée.<br />

Alexandre, tyran barbare, fut massacré <strong>la</strong> nuit par son épouse.<br />

124. Quive (v. 44). Le tyran Pha<strong>la</strong>ris fit brûler Péri<strong>la</strong>ûs dans le<br />

taureau d'airain dont il était l'inventeur.<br />

125. Suifhumeris (v. 60). Les épau<strong>les</strong> qui soutiennent le far<strong>de</strong>au.<br />

xa6. Pieria via (v. 62). Le culte <strong>de</strong>s Muses est le chemin<br />

par lequel tu t'élèves vers <strong>les</strong> astres *.<br />

127. Subjecta comncta\est gemma tabel<strong>la</strong> (v. 69). Il s'agit<br />

d'un faux en matière <strong>de</strong> testament. On sait que chez <strong>les</strong> Romains<br />

ce n'était point l'écriture du nom, mais l'apposition du cach<strong>et</strong><br />

(annuius) qui constituait ce que nous appelons <strong>la</strong> signature. Le<br />

comte <strong>de</strong> Maistre, dans son ouvrage du Pape, a démontré combien<br />

<strong>les</strong> falsifications d'écriture étaient faci<strong>les</strong> che« <strong>les</strong> anciens.<br />

Voirl plus bas? <strong>la</strong> note i33.<br />

Du reste on n'est pas d'accord <strong>sur</strong> le vers 69; quelques" éditions<br />

portent : fal<strong>la</strong>ci convicta est gemma sigillo; c'est <strong>la</strong> leçon <strong>de</strong><br />

Scâliger <strong>et</strong> celle qu'a suivie Cujas. Le sens <strong>de</strong>meure absolument<br />

le même.<br />

128. Mendacem Unis imposuisse notam (v. 170). Il faut bien<br />

observer ici que mendacem notam ne signifie point un faux<br />

* Jusqu'ici <strong>les</strong> notes sont du traducteur ; cel<strong>les</strong> qui suivent, jusqu'à <strong>la</strong> fin,<br />

sont <strong>de</strong> M. E. GRESLOU.


DU LIVRE DEUXIÈME. * 35^<br />

cach<strong>et</strong>, mais bien un cach<strong>et</strong> imposteur, on cach<strong>et</strong> menteur,<br />

comme porte notre traduction. Le cach<strong>et</strong> était toujours véritable,<br />

puisque <strong>la</strong> loi perm<strong>et</strong>tait aux témoins signataires ci*on testament<br />

<strong>de</strong> cach<strong>et</strong>er avec l'anneau d'autrui <strong>et</strong> tous avec le même. Voyez<br />

Jftsêittti., liv, ii, t. x, § 5; <strong>et</strong> <strong>les</strong> réflexions <strong>de</strong> Cujas (14. observ. xi).<br />

C'était l'action d'apposer un cach<strong>et</strong> <strong>sur</strong> un faux acte qui constituait<br />

le crime <strong>de</strong> faux.<br />

Au lieu <strong>de</strong> Unis, Me, d'anciens textes portent ligna, d'autres<br />

ckarià, d'autres tabulis : Unis est <strong>la</strong> leçon véritable; on se servait<br />

<strong>de</strong> fils ou <strong>de</strong> rubans <strong>de</strong> lin pour lier <strong>les</strong> tabl<strong>et</strong>tes du testament.<br />

Voyez CUJAS, au lieu indiqué ci-<strong>de</strong>ssus.<br />

129. Gmpior noxafalenda mihi esi (v. 72). La saine morale<br />

ne peut que ratifier le jugement sé?ère que le poète <strong>de</strong>s Amours<br />

porte ici <strong>sur</strong> lui-même, a Ses écrits, dit " Bayle, sont <strong>les</strong> plus<br />

obscènes qui nous restent <strong>de</strong> l'antiquité. Ce n'est pas qu'on y<br />

trouve <strong>les</strong> expressions sa<strong>les</strong> qui se voient dans Catulle, dans<br />

Horace, Martial, <strong>et</strong>c. ; mais <strong>la</strong> délicatesse <strong>et</strong> le choix <strong>de</strong>s termes<br />

dont Ovi<strong>de</strong> s'est piqué, ren<strong>de</strong>nt ses ouvrages plus dangereux,<br />

puisque au reste ils représentent, d'une façon intelligible <strong>et</strong> trèsélégante,<br />

<strong>toutes</strong> <strong>les</strong> friponneries <strong>et</strong> <strong>les</strong> impur<strong>et</strong>és <strong>les</strong> plus <strong>la</strong>scives<br />

<strong>de</strong> l'amour, s<br />

Du reste, <strong>les</strong> gens graves doivent prendre acte <strong>de</strong> c<strong>et</strong> aveu du<br />

poète, <strong>et</strong> le regar<strong>de</strong>r comme précieux pour <strong>la</strong> morale : habemus<br />

confitentem reum. Ovi<strong>de</strong> se juge en d'autres endroits avec beaucoup<br />

plus d'indulgence; il appelle ses poésies licencieuses, <strong>de</strong>s<br />

simusemens honnêtes :<br />

Née liber indicium est aaimi, sed hooesta vol y fi<strong>la</strong>s,<br />

Plorima mulcendis aiiribus apta ferens.<br />

(Trist., lib. 11, v. 357.)<br />

C'est prendre <strong>la</strong> chose d'une manière assez dégagée.<br />

i3o. Ecquid prœîerea peccarim, quœrere noli (v. 75). Il est<br />

probable que ce n'est pas à son Art d'aimer que notre auteur a<br />

dû sa relégation : il le fait entendre ici <strong>et</strong> dans beaucoup d'autres<br />

passages. Mais quelle qu'en soit <strong>la</strong> cause véritable, elle est obscure ;<br />

on l'a beaucoup cherchée sans <strong>la</strong> trouver', <strong>et</strong>, sans doute, on <strong>la</strong><br />

cherchera long-temps encore sans plus <strong>de</strong> succès. C'est, du reste,<br />

un assez p<strong>et</strong>it malheur.<br />

X. u3


354 NOTES<br />

i"ii. Qui, nisi natalem, nil miki <strong>de</strong>mstt, humum (v. je),<br />

Auguste lui avait <strong>la</strong>issé <strong>la</strong> jouissance <strong>de</strong> son patrimoine ; ménagement<br />

très-réel, dont notre auteur <strong>de</strong>vait lui savoir gré, plus<br />

que du terme <strong>de</strong> relégation que le chef <strong>de</strong> l'empire avait employé<br />

au lieu <strong>de</strong> celui d'exil, dans l'arrêt <strong>de</strong> condamnation.<br />

LETTRE DIXIÈME.<br />

i3a. Impressa?... gemmw (Y. I)? Quelques, textes portent cène,<br />

nu lieu <strong>de</strong> gemmœ. Ces <strong>de</strong>ux leçons offrent absolument le même<br />

sens <strong>et</strong> sont également <strong>la</strong>tines; il n'y a point <strong>de</strong> raison pour<br />

préférer l'une à l'autre.<br />

i33. Cognitane est nostra Huera facta manu (v. 4)? Ce<strong>la</strong><br />

< n'était pas toujours facile : « Un ancien, qui recevait une l<strong>et</strong>tre<br />

<strong>de</strong> sou meilleur ami, pouvait n'être pas bien ^âr , à l'inspection<br />

seule <strong>de</strong> l'écritpre, que c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre fût <strong>de</strong> c<strong>et</strong> ami. De là l'importance<br />

du sceau, qui l'emportait <strong>de</strong> beapeoup <strong>sur</strong> le chirogmphe<br />

ou l'apposition du nom. Le <strong>la</strong>tin qui disait foi signé c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre 9<br />

vou<strong>la</strong>it dire « j'y ai apposé mon sceau; » <strong>la</strong> même expression,<br />

parmi nous, signifie que nous y avons apposé noire nom, d'où<br />

résulte l'authenticité.—Dans P<strong>la</strong>nte(JBacch.), un persopoage dit:<br />

noscesigaum, reconnaisses ie signes ie cach<strong>et</strong>, ou ie sceau} il ne<br />

dit point, reconnaissez <strong>la</strong> signature ou récriture. — De celte<br />

supériorité du signe <strong>sur</strong> <strong>la</strong> signature, naquit l'usage qui nous<br />

paraît aujourd'hui si extraordinaire, d'écrire <strong>de</strong>s l<strong>et</strong>tres au nom<br />

d'une personne absente qui l'ignorait ; il suffisait d'avoir le sceau<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te personne, que l'amitié confiait sans difficulté. Cicéron<br />

fournit une foule d'exemp<strong>les</strong> <strong>de</strong> ce genre. Voyez L<strong>et</strong>tres à Atiicus,<br />

xi, 5,7,8, 12; XII, 19, <strong>et</strong>c. Souvent il ajoute dans ses l<strong>et</strong>tres,*<br />

hoc manu meâ, « ceci est <strong>de</strong> ma main; » ce qui suppose que son<br />

meilleur ami pouvait en douter. Ailleurs, (xyi, i$), il dît à ce même<br />

ami : « J'ai cru reconnaître dans votre l<strong>et</strong>tre <strong>la</strong> main d'Alexis. »<br />

Vojez DE MAISTRE, du Pape, t. 1, p. 164 <strong>et</strong> suivantes,.<br />

i34« Quidquid restabat ïïomero (Y. I3). C'est-à-dire <strong>la</strong> pri^e<br />

<strong>de</strong> Troie <strong>et</strong> <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te longue guerre. On sait que XIlia<strong>de</strong><br />

s'arrête aux funérail<strong>les</strong> d'Hector. On pourrait dire, à <strong>la</strong> vérité,<br />

que, dès le tera,ps d'Ovi<strong>de</strong>, le <strong>de</strong>uxième, chant <strong>de</strong> l'Enéi<strong>de</strong> ne<br />

<strong>la</strong>issait rien à faire sous ce rapport.


DU LIVRE DEUXIÈME. ' 355<br />

i35. Subpositus monti.***. gigas (v. %l%). Eoce<strong>la</strong>dt oo Typhée,<br />

ense¥eli sons l'Etna. On connaît <strong>les</strong> bel<strong>les</strong> <strong>de</strong>scriptions <strong>de</strong> Virgile<br />

(Enéi<strong>de</strong>, liv. m], <strong>de</strong> C<strong>la</strong>odien (Enlèvement <strong>de</strong> Proserpine) <strong>et</strong><br />

d'Ovi<strong>de</strong> loi-même (Métamorph., liv. v, v. 346 <strong>et</strong> suivons).<br />

i36. Olenùa stagna Paiici (v. a5). Un commentateur pense<br />

qu'il faudrait ici : Olentia stagna Palicos. Notre auteur, dans ses<br />

Métamorphoses 9 liv. wf dit : stagna PaUcorum; chez <strong>les</strong> Grecs,<br />

on trouve toujours AtjAvij IïaXueuv, <strong>et</strong> XçOLTH^ç noXucuv. C'est uoe<br />

question difficile à résoudre. Virgile (Enéi<strong>de</strong>, liv. x) écrit :<br />

P<strong>la</strong>eabiUs am Paiici; mais on croit que Paiici est au nominatif<br />

pluriel, par apposition. Selon <strong>la</strong> Fable, il y avait <strong>de</strong>ux frères<br />

dieux appelés PalicL<br />

137. Cyanen (v. a6). Cyané était une nymphe <strong>de</strong> Sicile, <strong>et</strong><br />

compagne <strong>de</strong> Proserpine; elle versa tant <strong>de</strong> <strong>la</strong>rmes <strong>sur</strong> son enlèvement<br />

? qu'elle fut changée en fontaine. Voyez OVIDE , Métamorphoses,<br />

liv^ v.<br />

i38. Née pmcul hinc Nymphen (v. 27). Cest Aréthnse, jeune<br />

vierge, chasseresse à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> Diane. Un jour, qu'elle se baignait<br />

dans l'Alphée, le dieu du fleuve en <strong>de</strong>vint épris. Elle.se mit à<br />

fnir pour échapper à ses étreintes; puis, comme il continuait <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> poursuivre avec ar<strong>de</strong>ur, elle implora le secours <strong>de</strong> Diane, <strong>et</strong><br />

fat changée en fontaine. Le fleuve Alphée voulut alors. mêler ses<br />

eaux à cel<strong>les</strong> d'àréthuse, <strong>et</strong> <strong>la</strong> poursuivit jusqu'en Sicile.:<br />

Sic tiM, cfuiiai EîICIIîS spbterkbere Sicanos,<br />

Boris aaiara suam non intermisceat undam f <strong>et</strong>c.<br />

(VXRG. , BucoL, ecî. s , v. 4*)<br />

On connaît aussi ces beaux vers <strong>de</strong> <strong>la</strong> Eenria<strong>de</strong> (chant ix, v. 269):<br />

_ Belle Âréthiise, ainsi ton on<strong>de</strong> fortunée<br />

Roule, an sein ftniew. d'Àmphitrite étonnés $<br />

Un cristal toujours pur, <strong>et</strong> <strong>de</strong>s flots toujours c<strong>la</strong>irs,<br />

Que jamais ne corrompt l'amertume <strong>de</strong>s mers.<br />

139. Tarda per œstivos...* hora dies (v. 38). Tarda dies se<br />

rapporte à <strong>la</strong> longueur <strong>de</strong>s jours d'été : c'est une épithète aussi<br />

juste qu'élégante.<br />

140. Qui semper..: altior exstat aquis (v. 46). L'auteur parle<br />

a 3.


356' NOTES<br />

ici <strong>de</strong> l'élévation du pèle septentrional; <strong>les</strong> constel<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

partie du ciel ne se couchent jamais :<br />

Hic vertex ïiohis semper sublimis<br />

(VIHG. ,' Georg. 9 lib. i, v. 242.)<br />

LETTRE ONZIÈME.<br />

14!• Mea est <strong>la</strong>udabitis uxor (v. i3 ). Ovi<strong>de</strong> épousa trois<br />

femmes; il répudia <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux premières (Tristes t, liv. m, élég. 10),<br />

<strong>et</strong> se'loua fort <strong>de</strong> <strong>la</strong> troisième. Voyez ibid.$ élég. 3, <strong>et</strong> ailleurs.<br />

142. Quod Hermiones Castor fuit, Hector luïi (v. I5). Littéralement,<br />

ce<strong>la</strong> Yeut dire que Eufus est l'oncle <strong>de</strong> l'épouse d'Ovi<strong>de</strong>,<br />

comme Castor était celui d'Herniione, <strong>et</strong> Hector celui d'Iule;<br />

mais il faut ajouter à c<strong>et</strong>te qualité une double idée <strong>de</strong> tendresse<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> vertu.<br />

i43. Fundani gloria, Rufe> soli(y. 28). Fundum était une ville<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Campanie, <strong>et</strong> <strong>la</strong> patrie <strong>de</strong> Refus.<br />

LIVRE TROISIEME.<br />

LETTRE PREMIÈRE.<br />

CETTE l<strong>et</strong>tre, sauf quelques négligences <strong>de</strong> style, nous semble<br />

réunir tous <strong>les</strong> genres <strong>de</strong> mérite. L'apostrophe à <strong>la</strong> terre d'exil<br />

est pleine <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur <strong>et</strong> <strong>de</strong> tristesse; <strong>les</strong> détails en,sont vrais,<br />

simp<strong>les</strong> <strong>et</strong> naturels, on dirait que <strong>la</strong> douleur du poète modère<br />

<strong>les</strong> é<strong>la</strong>ns <strong>de</strong> son imagination trop riche, <strong>et</strong> règle ses écarts, <strong>de</strong><br />

manière à lui donner une gravité calme, qui p<strong>la</strong>ît d'autant plus<br />

qu'elle lui est moins ordinaire. Le reste <strong>de</strong> <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre, <strong>les</strong> conseils<br />

qu'Ovi<strong>de</strong> adresse à sa femme, ses recommandations, ses prières,<br />

tout ce<strong>la</strong> est exprimé avec une convenance <strong>et</strong> une dignité qu'on<br />

n'est pas accoutumé à trouver dans ses écrits. 11 y a moins d'esprit,<br />

mais plus <strong>de</strong> sentiment que dans ses autres compositions du<br />

même genre.


DU LIVRE TROISIÈME. 357<br />

i. <strong>la</strong>sonto.... rémige (v. i). On sait que le vaisseau <strong>de</strong> Jason,<br />

fils d'Éson, roi <strong>de</strong> Thessalie, passait chez <strong>les</strong> Grecs pour le premier<br />

vaisseau mis en mer : il s'appe<strong>la</strong>it Argo. Le but <strong>de</strong> l'expédition<br />

<strong>de</strong>s Argonautess ordonnée par Pélias, oncle <strong>de</strong> Jason, était<br />

<strong>la</strong> conquête <strong>de</strong> <strong>la</strong> Toison d'or, gardée par iE<strong>et</strong>ès, roi <strong>de</strong> <strong>la</strong> Colchi<strong>de</strong>,<br />

<strong>et</strong> père <strong>de</strong> Médée : il n'y a point <strong>de</strong> récit plus fameux<br />

dans <strong>la</strong> mythologie grecque. La Colchi<strong>de</strong> était située entre le<br />

Pont-Euxin <strong>et</strong> <strong>la</strong> mer Caspienne; Jason , pour y arriver, avait dû<br />

traverser <strong>la</strong> mer <strong>de</strong> Pont, aujourd'hui <strong>la</strong> mer Noire.<br />

a. <strong>la</strong>que Tomitana condor oport<strong>et</strong> huma (v. 6)? C<strong>et</strong>te prévision<br />

douloureuse se réalisa quelques années plus tard; Ovi<strong>de</strong><br />

mourut dans le lieu <strong>de</strong> son exil, à l'âge d'environ soixante ans,<br />

<strong>la</strong> quatrième année <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort d'Auguste <strong>et</strong> do règne <strong>de</strong> Tibère,<br />

suivant <strong>la</strong> Chronique d'Eusèbe, dont Scaliger approuve le calcul.<br />

Son exil avait duré neuf ou dix ans. On a dit, mais probablement<br />

à lort, <strong>et</strong> pour obtenir un rapprochement remarquable, qu'il<br />

était mort le premier jour <strong>de</strong> janvier <strong>de</strong> l'an 761, le même jour<br />

que Tite-Live. Eusèbe dit seulement que ces <strong>de</strong>ux grands hommes<br />

moururent <strong>la</strong> même année, sans parler du jour.<br />

Quant au sens littéral du mot condar, il parait qu'Ovi<strong>de</strong><br />

craignait # <strong>sur</strong>tout d'être enseveli dans le pays <strong>de</strong>s Gètes. Il<br />

redoutait l'immortalité <strong>de</strong> l'âme , dit Bayle , <strong>et</strong> souhaitait <strong>la</strong><br />

mortalité; car il ne vou<strong>la</strong>it pas que son ombre fût errante parmi<br />

•cel<strong>les</strong> <strong>de</strong>s Sauromates : ainsi, en tout cas, il vou<strong>la</strong>it avoir un<br />

tombeau à Rome. — Voyez Tristes, liv. 111, élég. 3, v. 59 <strong>et</strong> suiv.<br />

3. Face tua, sipax ul<strong>la</strong> est tibi (v. 7). C<strong>et</strong>te tournure, qui<br />

ne manque pas <strong>de</strong> grâce en <strong>la</strong>tin, doit nécessairement, perdre<br />

beaucoup dans une traduction; quelques leçons portent si pax^<br />

ul<strong>la</strong> est tua, au lieu <strong>de</strong> est tibi.<br />

4. Cuncta sed immodicum tempora frigus habent (v. 14). Voyez<br />

<strong>la</strong> même p<strong>la</strong>inte, Forniques, liv. iv, l<strong>et</strong>t. i4> •. 45. Ce qu'Ovi<strong>de</strong><br />

trouvait <strong>de</strong> plus fâcheux dans son exil, c'était le froid, rigoureux<br />

par lui-même, <strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout pour un Italien délicat <strong>et</strong> maigre,.<br />

comme Fêtait notre poète :<br />

Sîifficiant graci<strong>les</strong>, sed non sine viribos, artus ;<br />

Pondère, 11011 nervis, corpora nostra carent. * '<br />

(Amorum lîb. 11, eleg. 10 , v. a3.)


358 NOTES<br />

Do reste! il dit aussi que <strong>la</strong> cause <strong>de</strong> sa maigre or est honnête,<br />

<strong>et</strong> que sa débauche n'y est pour rien. — Voyez Portiques, Hv. i,<br />

l<strong>et</strong>t. 10, Y. ai <strong>et</strong> suivans.<br />

5. lm terra est altéra forma maris (Y. ao). Heinsios propose<br />

œmu<strong>la</strong> forma, an lien <strong>de</strong> altéra; nous croyons que c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière<br />

leçon vaut tout autant que celle proposée par le critique. Pourquoi<br />

notre auteur dit-il que <strong>la</strong> terre <strong>de</strong> Pont ne présente mm yeux<br />

que l'image <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer? parce qu'elle est nue <strong>et</strong> stérile comme<br />

c<strong>et</strong> élément, qu'Homère appelle souvent <strong>la</strong> mer infécon<strong>de</strong>. Peutêtre<br />

aussi fait-il allusion à <strong>de</strong> vastes p<strong>la</strong>ines qui s'éten<strong>de</strong>nt au loin,<br />

comme une autre mer : apertà atvis, est-il dit au vers précé<strong>de</strong>nt.<br />

6. Suris rnist si qua remotis*'(Y. ai). Ce passage a rais à <strong>la</strong><br />

gêne <strong>les</strong> commentateurs. On a dit, par silvis remotis9 Ovi<strong>de</strong> •<br />

entend sa os doute <strong>de</strong>s forêts reculées dans l'intérieur <strong>de</strong>s terres;<br />

or, ce n'est guère là que se trouve Feau <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer. On peut répondre<br />

que Fauteur a dit plus haut (v. 17), que <strong>toutes</strong> <strong>les</strong> sources<br />

<strong>de</strong> ce pays donnent une eau presque marine :<br />

Née tibi aunt fou<strong>les</strong>, Miels mhî peeiie mariai<br />

Mais Burmann observe, qu'à Fapproche <strong>de</strong>s grands froids, <strong>les</strong><br />

oiseaux quittent l'intérieur <strong>de</strong>s terres, pour aller boire Feau.<strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> mer , qui gèle moins vite que celle <strong>de</strong>s rivières <strong>et</strong> <strong>de</strong>s fontaines.<br />

Si l'on adopte c<strong>et</strong>te explicationy qui parait assez juste, il faut<br />

substituer reMciis à remotis.<br />

7. F elle parmm est : cupias.... oport<strong>et</strong> (v. 35). La pensée d'Ovi<strong>de</strong><br />

se comprend bien f mais son expression manque peut-être • <strong>de</strong><br />

justesse. En bonne métaphysique , le désir a moins <strong>de</strong> force que<br />

<strong>la</strong> volonté : mais notre poète ne considère ici qu'une volonté<br />

ordinaire, un simple acquiescement <strong>de</strong> l'esprit à quelque chose;<br />

<strong>et</strong>, dans ce cas, le désir lui parait plus fort. On pourrait dire,<br />

en r<strong>et</strong>ournant ses propres termes : Ce n'est pas un simple désir<br />

qu'il faut ici, mais une volonté ferme, active <strong>et</strong> opiniâtre.<br />

S. Notior est facttts Capaneus (v. 5i). Capamée, un <strong>de</strong>s sept<br />

chefs <strong>de</strong>vant Thèbes, célèbre par son impiété, périt frappé <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

foudre dans <strong>la</strong> guerre d'Étéocle <strong>et</strong> <strong>de</strong> Polynice.<br />

9. Notus kuifto mersis Amphiaraus equà (v. 5s). Amphiaraûs,<br />

<strong>de</strong>vin célèbre, rot d'une partie <strong>de</strong> FArgoli<strong>de</strong>, <strong>et</strong> Fun <strong>de</strong>s sept


DU LIVRE TEOiSIÈME. 3%<br />

chefs <strong>de</strong>vant Thèbes. Voyez son histoire dans Diodore <strong>de</strong> Sicile.<br />

id. Coa Batti<strong>de</strong> (v. 58), Battis <strong>de</strong> Cos fut aimée <strong>et</strong> chantée par<br />

Philétas, qoi vivait ao temps d'Alexandre, <strong>et</strong> fut précepteur <strong>de</strong><br />

Ptoléiriée PBi<strong>la</strong><strong>de</strong>iphe; il était grammairien, critique <strong>et</strong> poète.<br />

On lui donne le second rang dans l'élégie ; Battis loi dut sa<br />

gloire :<br />

CallimacM mânes 9 <strong>et</strong> Col sacra Phil<strong>et</strong>œ<br />

In Vestram quaeso, me siiiile ire nemus.<br />

( PROP. , lib. in f eleg. i ', v. i.)<br />

il. Fac tu sustin<strong>et</strong>is débile so<strong>la</strong>jugum (v. 68). Nous croyons<br />

que c<strong>et</strong>te métaphore est empruntée au joug marital : on sait que<br />

cortjuges ¥eut dire attelés au même joug. )<br />

12. Domui..,. <strong>de</strong> qua censeris (v. 7&). A Rome , chaque citoyen<br />

était compris dans le cens <strong>de</strong> sa famille, <strong>et</strong> le cens <strong>de</strong> <strong>toutes</strong> <strong>les</strong><br />

famil<strong>les</strong> formait le cens universel.<br />

i3. Won poterit credi Marcia culta tihi{y. 78). C<strong>et</strong>te Marcia<br />

n'est point , comme 011 Fa cro , <strong>la</strong> fille <strong>de</strong> Philippe <strong>et</strong> <strong>la</strong> femme<br />

<strong>de</strong> Gaton d1Jtiqtie, mais l'épouse <strong>de</strong> Fabius Maximus, comme il<br />

paraît par le ch. 5 du liv. 1 <strong>de</strong>s Anna<strong>les</strong> <strong>de</strong> Tacite. Ce Maximus<br />

avait accompagné Auguste dans <strong>la</strong> visite secrète qu'il fit à son<br />

neveu Agrippa , dans l'île <strong>de</strong> P<strong>la</strong>nasie : il mëurot quelques jours<br />

après, probablement par une indiscrétion <strong>de</strong> sa femme.<br />

14. Adm<strong>et</strong>i conjux (v. 106). Alceste, épouse d'Admète, roi<br />

<strong>de</strong> Thessalïe, consentit à rach<strong>et</strong>er <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> son époux aux dépens<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> sienne*<br />

i5. Mmu<strong>la</strong> Penelopes fieres (v. 107). On connaît <strong>la</strong> chaste<br />

ruse <strong>de</strong> Pénélope-, pour <strong>de</strong>meurer fidèle-à son époux <strong>et</strong>-tromper<br />

l'ar<strong>de</strong>ur importune <strong>de</strong>s prétendans : elle leur promit <strong>de</strong> choisir<br />

uri Mari parmi, eux. lorsqu'elle aurait achevé un voile <strong>de</strong>stiné pour<br />

<strong>la</strong> sépulture du vieux Laërte; elle y travail<strong>la</strong>it tout le jour, mais<br />

cohiine elle employait <strong>la</strong> nuit à détruire l'ouvrage <strong>de</strong> <strong>la</strong> journée ?<br />

le voile ne s'achevait pas, <strong>et</strong> Ulysse eut le temps <strong>de</strong> revenir.<br />

16. Esseî' dux facii Laodamia tui (v. 110). Laodamie, épouse<br />

<strong>de</strong> Protési<strong>la</strong>s, célèbre par sa tendresse qui <strong>la</strong> porîa à ne pas<br />

<strong>sur</strong>vivre à son mari.


36o , * NOTES<br />

17. Iphias (v. ni ). Évadné, fille d'Iphie, <strong>et</strong> femme <strong>de</strong> Capanée<br />

; elle se j<strong>et</strong>a vivante <strong>sur</strong> le bêcher <strong>de</strong> son époux.<br />

18. Icarioîi<strong>de</strong> te<strong>la</strong> (v. n3). La fille d'icarius était Pénélope,<br />

femme d'Ulysse. Voyez <strong>la</strong> note i5.<br />

19. Cœsaris.:. conjux (v. 114). Livie, femme d'Auguste.<br />

20. Impia Progne (v.' 119). Progné, femme <strong>de</strong> Térée? roi <strong>de</strong><br />

Thrace, lui servit à table <strong>les</strong> membres <strong>de</strong> son fils Itys, pour le<br />

punir du viol <strong>de</strong> sa sœur Phiiomèle ; elle fut changée en hiron<strong>de</strong>lle<br />

<strong>et</strong> sa sœur en rossignol.<br />

21. Filiave Melœ (v. 120). La fille d'iE<strong>et</strong>ès est Médée, qui<br />

tua ses propres enfans, pour se venger <strong>de</strong> Jason, <strong>de</strong>venu l'époux<br />

<strong>de</strong> Creuse, fille <strong>de</strong> Créon, roi <strong>de</strong> Corinthe.<br />

22. Nec nu rus JEgypti (v. 121). Mot à mot : ni une <strong>de</strong>s brus<br />

d*Egyptus ; c'est-à-dire une <strong>de</strong>s Danaï<strong>de</strong>s, ou fil<strong>les</strong> <strong>de</strong> Danaus,<br />

qui? ayant épousé <strong>les</strong> fils d'Égyptus, leur oncle, <strong>les</strong> tuèrent tous,<br />

à l'exception d'un seul, qui fut sauvé par <strong>la</strong> tendresse <strong>de</strong> son<br />

épouse Hypermnestre.<br />

23. Nec sceva Jgamemnoms uxor (v. 121). Clytemnestre, qui<br />

tua son époux à son r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> Troie, <strong>de</strong> complicité avec Égysthe,<br />

auquel elle s'était livrée.<br />

24. Scyl<strong>la</strong>que (v. 122). Nom d'un écuèil dangereux dans <strong>la</strong><br />

mer <strong>de</strong> Sicile ; on l'a représenté sous <strong>la</strong> figure d'une femme entourée<br />

<strong>de</strong> chiens menaçans. Homère, dans son Odyssée, nous en<br />

a <strong>la</strong>issé une <strong>de</strong>scription que Virgile a reproduite :<br />

Caiîdida suecioctam <strong>la</strong>trantibus inguiaa monstris<br />

DuIlcSiias vexasse rates <strong>et</strong> gurgite in alto<br />

Ah ! îimidos naut?.? oauibus <strong>la</strong>cérasse mariais.'<br />

(BucoL, ecl. vr , v. 75.)<br />

25. Telegonive parens (v. ia3). Circé, déesse <strong>et</strong> magicienne<br />

célèbre dans YOdyssêe d'Homère.<br />

26. Nec rursus jubeoy dum.sit vacuissima, quœras (v. I4I)«<br />

Par <strong>la</strong> raison que, si elle vou<strong>la</strong>it attendre un moment où elle pût<br />

trouver Livie entièrement libre, ce moment n'arriverait peut-être<br />

jamais.<br />

27. Te majestatem pertimuisse suant (v. i56). Ce vers est<br />

célèbre, <strong>et</strong> il mérite <strong>de</strong> l'être parce qu'il m<strong>et</strong> à nu une face remarquable<br />

du cœur humain. « Auguste, dit Suétone^ avait <strong>de</strong>s yeux


DU LIVRE TROISIÈME. 361<br />

c<strong>la</strong>irs <strong>et</strong> bril<strong>la</strong>ns dans <strong>les</strong>quels il aimait qu'on reconnût quelque<br />

chose <strong>de</strong> divin. » Être ébloui <strong>de</strong> son regard ou faire semb<strong>la</strong>nt <strong>de</strong><br />

l'être, était un moyen <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ire que <strong>les</strong> courtisans <strong>et</strong> <strong>les</strong> solliciteurs,<br />

habi<strong>les</strong> ne <strong>de</strong>vaient pas négliger.<br />

a8. Turafer ad magnos Deos (v. 16a). On sait assez que<br />

<strong>les</strong> empereurs romains étaient adorés comme <strong>de</strong>s dieux. Ce coite<br />

ab<strong>sur</strong><strong>de</strong> commença à Ju<strong>les</strong> César, le dictateur, par <strong>les</strong> soins<br />

d'Auguste, qui reçut <strong>de</strong> <strong>la</strong> bassesse <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> f<strong>la</strong>tterie <strong>les</strong> mêmes<br />

honneurs, <strong>de</strong>venus <strong>de</strong>puis comme une prérogative <strong>de</strong> l'empire.<br />

LETTRE DEUXIÈME.<br />

29. COTTA. Cotta Messalinus, fils <strong>de</strong> M. Valerius Messa<strong>la</strong> Corvinus,<br />

avait passé par adoption dans <strong>la</strong> gent Aurélia, d'où il avait<br />

pris le <strong>sur</strong>nom <strong>de</strong> Cotta. Il paraît que c'est <strong>de</strong> lui dont Perse parle<br />

avec peu d'estime dans sa <strong>de</strong>uxième satire, v. 72 :<br />

Qiïin damiis id Superis, <strong>de</strong> magna quod dare <strong>la</strong>nce<br />

Non possit magni M essais? lippa propages,<br />

Compositum jus, Casque au luio, san<strong>et</strong>osque recenses<br />

Mentis, <strong>et</strong> ineo<strong>et</strong>om geiieroso pectus honesîo?<br />

D'autres écrivains en ont parlé dans le même sens défavorable;<br />

Ovi<strong>de</strong> lui témoigne ici une vive <strong>et</strong> sincère amitié.<br />

30. Mgri contagia vitat (v. i3). C<strong>et</strong>te image est on ne peut<br />

plus juste 3 <strong>et</strong> elle a été parfaitement rendue dans ces <strong>de</strong>ux vers<br />

dont nous ignorons l'auteur :<br />

Tous ses amis fuyaient sa présence importune,<br />

Et Sa contagion <strong>de</strong> sa triste fortune.<br />

3i. Non Mis pi<strong>et</strong>as.... Défait (v. 17, 18). Il est impossible <strong>de</strong><br />

trouver plus d'esprit pour excuser un lâche abandon; ce n'est<br />

point un manque d'affection, mais un excès <strong>de</strong> crainte qui a<br />

porté <strong>les</strong> amis d'Ovi<strong>de</strong> à le trahir. Et c<strong>et</strong>te crainte si forte, qui<br />

a pu <strong>la</strong> leur inspirer ? ce sont <strong>les</strong> dieux mêmes : euiversos exiimmere<br />

Deos. On ne saurait déguiser sa pensée avec plus d'art, <strong>et</strong> donner<br />

un sens plus agréable à <strong>la</strong> chose du mon<strong>de</strong> <strong>la</strong> plus triste, <strong>la</strong><br />

trahison <strong>de</strong>s amis.


362 • NOTES<br />

3s. Occittit <strong>et</strong> Thâseus, <strong>et</strong> qui comita'nt Orestem (v. 33). Le<br />

dévo&rtient <strong>de</strong> Thésée pour Pyrithous, l'amitié <strong>de</strong> Py<strong>la</strong><strong>de</strong> pour<br />

Ores te, sont <strong>les</strong> plus beaux exemp<strong>les</strong> qilé nous ait <strong>la</strong>issés l'antiquité<br />

profane. Ovi<strong>de</strong> prom<strong>et</strong> à ses amis fine gloire semb<strong>la</strong>ble.<br />

33. Tauros dixere priores (v. 45). Il paraît que, en i54o, if<br />

y avait encore, dans <strong>la</strong> basse Hongrie, une ville appelée Taurinum<br />

: ce nom vient-il <strong>de</strong> l'<strong>ancienne</strong> Tauri<strong>de</strong> ?<br />

34» Stmt bmù orba Dea (v. 5a). On verra plus bas (v. t|3)<br />

pourquoi ce pié<strong>de</strong>stal est vi<strong>de</strong> :<br />

Mec siéra ; <strong>de</strong> templo rapiunt simu<strong>la</strong>cre Diane<br />

35. Liquidas fecisse per auras Nescio quam dicuni Iphigenian<br />

her\w. 6i, 6a). Il est inutile d'avertir que c<strong>et</strong>te IpMgénie est <strong>la</strong><br />

fille d'Agamemnôn, qui, suivant quelques mythologues, ne fut<br />

point réellement immolée en Auii<strong>de</strong>, mais sauvée par Diane,<br />

qui substitua une biche à sa p<strong>la</strong>ce 9 <strong>et</strong> <strong>la</strong> transporta dans <strong>la</strong> Tauri<strong>de</strong>,<br />

à travers <strong>les</strong> airs, pour <strong>de</strong>sservir son autel barbare, où<br />

cou<strong>la</strong>it le sang <strong>de</strong>s malheureux étrangers.<br />

36. Fo<strong>les</strong>us (v. io5). On n'est pas d'accord <strong>sur</strong> l'orthographe <strong>de</strong><br />

ce nom, ou plutôt os convient généralement qu'il y a plusieurs<br />

manières <strong>de</strong> récrire; plusieurs manuscrits portent Fa<strong>les</strong>us, <strong>de</strong>ux<br />

Faiermsi le poète Rutilius a écrit Folusus :<br />

Qui Volusi antique dérivât stemmaie uomen.<br />

Siliùs Italiens suit <strong>la</strong> même orthographe :<br />

Poplico<strong>la</strong>, ingestis Voîusi Spartaaa propage.<br />

(Pumcorutn, lib. n , v. 8.)<br />

On le trouve écrit <strong>de</strong> même dans <strong>les</strong> Fastes eapitolins; mais on<br />

lit dans dite inscription très-<strong>ancienne</strong> : P. Fa<strong>les</strong>ims Fo<strong>les</strong>i. F. Poplico<strong>la</strong>.<br />

Behys d'Halicarnasse <strong>et</strong> Plutarque ont suivi c<strong>et</strong>te manière<br />

<strong>de</strong> récrire. Ce qu'il y a <strong>de</strong> certain, c'est que Fo<strong>les</strong>ius, Fo<strong>les</strong>us,<br />

Fa<strong>les</strong>ius, n'est que <strong>la</strong> forme primitive <strong>de</strong> Falerius <strong>et</strong> <strong>de</strong> Folusus»<br />

Ce Ytilùsus, dont Cotta <strong>de</strong>scendait, Vint à Rome avec Tatius,<br />

chef <strong>de</strong>s Satins, au temps <strong>de</strong> Romulus.<br />

37. Jdjectique.... ad nomina Cottœ(y. 107). A Rome, l'adopté<br />

prenait le nom <strong>de</strong> l'adoptant, qu'il ajoutait à celui <strong>de</strong> sa famille,


DU LIVRE TROISIEME. 363<br />

es changeant <strong>la</strong> terminaison <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier : ainsi, le fils <strong>de</strong><br />

M. ValeriusMessa<strong>la</strong>, s'appe<strong>la</strong>it, par adoption , Cotta Messaliimsy<br />

comme l'empereur Auguste, qui se nommait proprement' Caïus<br />

Octavius, prit le nom <strong>de</strong> Caïtis César O<strong>et</strong>avianus, après son<br />

adoption par son oncle, César le dictateur.<br />

LETTRE TROISIÈME.<br />

38. Sidus Fabiœ.,.. gentis (v. %), Voyez Pontiques, liv. i, l<strong>et</strong>t. 2.<br />

Ovi<strong>de</strong> y fait comme ici le plus grand éloge <strong>de</strong> ce Fabius, qui<br />

<strong>de</strong>scendait <strong>de</strong> l'illustre famille <strong>de</strong>s Fabiens; noire auteur dit<br />

que c'est pour as<strong>sur</strong>er <strong>la</strong> naissance <strong>de</strong> ce rej<strong>et</strong>on, que <strong>la</strong> mort<br />

épargna un membre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te famille, dans une occasion où elle<br />

manqua <strong>de</strong> périr tout entière :<br />

Una ciies Fabios ad hélium miserai omnes ,<br />

Ad bellum misses perdidit aea dies.<br />

Ut tamen Hercule» soperessent semiaa gentis,<br />

Credibile est ipsos coBSoîuisse Deos.<br />

(Fait., lib. n, Y. 235.)<br />

Mais Ovi<strong>de</strong>, dans ce même endroit <strong>de</strong>s Fastes, dit que si tous<br />

<strong>les</strong> Fâbiens ne périrent pas, ce .fut parce que le célèbre Fabius<br />

Maximus Cunctator,<br />

IIans qui noMs eimcîaado restitoit rem 9<br />

<strong>de</strong>vait naître <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te glorieuse famille, pour arrêter <strong>les</strong> progrès<br />

d'Annibai :<br />

Nâm poer imputes, <strong>et</strong> adbuc non utilîs armis,<br />

Unus <strong>de</strong> Fabïa gente relictos erat :<br />

Scflic<strong>et</strong> lit posses olim, tu Maxime, n'asci,<br />

Cui tes cunctando resîlfeeada for<strong>et</strong>.<br />

(FasL$ lib. 11, v. 239.)<br />

Horace (liv. iv, Od. 1 ) parle d'un Ma-simus dont il vante <strong>la</strong> nob<strong>les</strong>se<br />

? <strong>les</strong> talens <strong>et</strong> <strong>la</strong> beauté.<br />

39. Bifores intrabaî Luna fenestras (v. 5). Ovi<strong>de</strong> a fait ailleurs<br />

une <strong>de</strong>scription à peu près semb<strong>la</strong>ble \ on en trouve une autre


364 NOTES<br />

du même genre dans Tibulle, liv. m, élég. 4 : c'est un lieu commun<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> poésie élégiaque. On peut <strong>les</strong> comparer avec le récit<br />

d'Énée, qoi raconte comment <strong>les</strong> dieux lui apparurent pendant<br />

son sommeil. — Voyez Enéi<strong>de</strong>, liv. m.<br />

4o. Gemuîtparvo mota fenestra sono (v. 10). C<strong>et</strong>te circonstance<br />

nous paraît produire ici le plus heureux eff<strong>et</strong>: elle est juste, elle<br />

est vraie ; car <strong>les</strong> rêves ont aussi leurs réalités qu'il faut saisir. On<br />

connaît le p<strong>et</strong>it souffle qoi joue un si grand rôle dans <strong>la</strong> vision<br />

d'Éîiphas le Thémanite, au Livre <strong>de</strong> Job.<br />

4i. Fulcra tenens acerna (v. 14). « D'autant qoe l'Amour,<br />

qui avait iospiré Ovi<strong>de</strong>, se trouva si mal accueilli par Auguste , '<br />

qu'il en fut banni ; il ne lui donne qu'un sceptre <strong>de</strong> bois, pour<br />

marquer le mépris qu'il en fait, <strong>et</strong> ne le lui fait pas tenir <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

main droite , mais <strong>de</strong> <strong>la</strong> main gauche, pour <strong>la</strong> même raison, s<br />

(L'abbé DE MAROLLES, Forniques f liv. 111, l<strong>et</strong>t. 3 , note 14.)<br />

Anacréon (o<strong>de</strong> vu) , plus content <strong>de</strong> l'Amour, lui m<strong>et</strong> en main<br />

une bagu<strong>et</strong>te d'hyacinthe, pâêlov 6axtv6tvi)v.<br />

42. Horrida penna (v. 18). Quelques éditions portent humk<strong>la</strong><br />

penna; mais à tort, comme le prouve <strong>la</strong> comparaison exprimée<br />

dans <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux vers suivans. On a voulu, sans doute, éviter<br />

<strong>la</strong> répétition <strong>de</strong> korrida, qu'on aurait mieux fait, peut-être, <strong>de</strong><br />

remp<strong>la</strong>cer par sordida, au vers qui précè<strong>de</strong>.<br />

43. Exsilii <strong>de</strong>cepto causa magistro (v. a3). Ovi<strong>de</strong>, qui prend<br />

ici un ton <strong>de</strong> maître envers F Amour, lui rappelle plus bas (v. 29)<br />

' qu'il a écrit ses premiers vers sous sa dictée :<br />

Tu mihi dictas!i juveiiilia carmina primus.<br />

L'Amour avait donc commencé par être son maître, pour <strong>de</strong>venir<br />

plus tard son élève ? Heureusement qu'une exactitu<strong>de</strong> scrupuleuse<br />

n'est pas nécessaire dans ce genre d'écrits. Au reste, notre<br />

auteur revient beaucoup <strong>sur</strong> celte idée ; il dit, en propres termes,<br />

que Vénus l'avait chargé d'instruire l'Amour :<br />

Me Venus artificem tenero prœfecit Amori :<br />

' Tiphys <strong>et</strong> Autoroedoii dicar Amoris ego.<br />

JSaridse Chiron, ego sum prseceptor Amoris.<br />

Scaevus uterque puer ; natos uterque Dea.<br />

(Art. am. , lib., v. 7.)


DU LIVRE TROISIEME. 365<br />

D'où il paraîtrait que l'Amour a grandi entre <strong>les</strong> mains d'Ovi<strong>de</strong>,<br />

comme Achille sons <strong>la</strong> tutelle <strong>de</strong> Chiroo. Tout ce<strong>la</strong> n'a pas grand<br />

sens.<br />

44- Ckioni<strong>de</strong>s Eumolpus(v. 4*)* E u olpe, fils <strong>de</strong> Neptune <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> nymphe Chioné, solvant Pausanias, ou do poète Musée, au<br />

rapport <strong>de</strong> Suidas, fut instruit par Orphée , <strong>et</strong> apprit <strong>la</strong> musique<br />

à Hercule. Il fut un <strong>de</strong>s quatre hiérophantes établis par Cérès<br />

pour prési<strong>de</strong>r à ses mystères. Il disputa le royaume d'Athènes à<br />

Erechthée , <strong>et</strong> lui fit <strong>la</strong> goerre. Les <strong>de</strong>ux chefs ayant péri dans le<br />

combat, <strong>les</strong> Athéniens adjugèrent <strong>la</strong> couronne aux <strong>de</strong>scendans<br />

d'Érechthée, <strong>et</strong> à ceux d'Eomolpe <strong>la</strong> dignité d'hiérophante ou<br />

prêtre d'Eleusis. C<strong>et</strong>te famille subsista, dit-on, aussi long-temps<br />

que le coite <strong>de</strong> Cérès à Eleusis, c'est-à-dire douze cents ans. Voyez,<br />

au <strong>sur</strong>plus, PAUSANIAS, liv. 11, ch. 14 <strong>et</strong> soiv.<br />

45. In Pkryga nec Satyrum talis Olympus erat (v. 4*). Olympus,<br />

joueur <strong>de</strong> flûte <strong>et</strong> poète célèbre, vivait avant <strong>la</strong> guerre <strong>de</strong><br />

Troie; il était Mysien d'origine <strong>et</strong> fils <strong>de</strong> Méon. Le satyre Marsyas,<br />

dont l'histoire est bien connue , l'avait instruit dans son<br />

art9 au rapport <strong>de</strong> Suidas. Voyez aussi DIODORE DE SICILE, liv. iv,<br />

<strong>et</strong> le liv. iv <strong>de</strong>s Métarn. d'Ovi<strong>de</strong>.<br />

46. Prœmia nec Chiron ab Achilll (v. 43). Suivant <strong>la</strong> Fable ,<br />

Achille se montra toujours docile <strong>et</strong> reconnaissant envers le centaure<br />

Chiron , qui l'avait élevé.<br />

47- Pythagorœ... non nocuisse Numam (v. 44). Suivant Ovi<strong>de</strong><br />

{Mëtam., liv. xv), Numa fut disciple <strong>de</strong> Pyîhagore; Diogène <strong>de</strong><br />

Laérte <strong>et</strong> Jamblique disent <strong>la</strong> même chose. Tite-Live n'en croit<br />

rien : il prétend que Pythagore naquit plus <strong>de</strong> cent ans' après<br />

Numa ; ce que Pline révoque en doute, dans son livre xin ? <strong>sur</strong><br />

<strong>la</strong> foi <strong>de</strong> Cassius Hemina <strong>et</strong> <strong>de</strong> Caïus Pison.<br />

48. Quorum nec vittapudicos Contingit crûtes, nec stoia ionga<br />

pe<strong>de</strong>s (v. 5i, 5a). Par ces femmes qui portent <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>l<strong>et</strong>tes au<br />

front, <strong>et</strong> dont <strong>la</strong> longue robe couvre <strong>les</strong> pieds, on a cru qu'il<br />

fal<strong>la</strong>it entendre <strong>les</strong> vesta<strong>les</strong>. C'est une erreur ; 0 s'agit <strong>de</strong>s dames<br />

romaines, ou matrones, qui portaient aussi <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>l<strong>et</strong>tes au<br />

front : Matronœ crines <strong>et</strong> viitas habent, dit P<strong>la</strong>ute, acteiv? se, 1<br />

du Soldat fanfaron.<br />

Ovi<strong>de</strong> revient souvent <strong>sur</strong> c<strong>et</strong>te idée, comme si c'était une excuse<br />

, <strong>de</strong> dire qu'on n'a point poussé à <strong>la</strong> débauche <strong>de</strong>s hautes


DU LIVRE TROISIÈME. 367<br />

ca<strong>la</strong>pe <strong>et</strong> d'Épione, <strong>et</strong> frère <strong>de</strong> Podaîyre. Tous <strong>de</strong>ui étaient <strong>de</strong><br />

savans mé<strong>de</strong>cins.<br />

55. Quam radis audita mi<strong>les</strong> ad arma tuba (v. 3a). C<strong>et</strong>te idée,<br />

ou plutôt c<strong>et</strong>te image, nous semble très-juste. L'imagination du<br />

poète se monte <strong>et</strong> s'enf<strong>la</strong>mme à <strong>la</strong> vue du mouvement <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie<br />

qui l'environnent » comme le courage du soldat an sop <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

tromp<strong>et</strong>te. Ces moyens d'inspiration manquaient à Ovi<strong>de</strong> ; il ne<br />

pouvait s'échauffer que par ses souvenirs. Tout ce qu'il ajoute<br />

pour excuser M faib<strong>les</strong>se qu'il craint qu'on pe trouve dans son<br />

poè'me9 est parfaitement juste, soit pour <strong>la</strong> pensée, soit pour l'expression.<br />

56. Duœ nom digma corona suo (v. 64)? Les poètes appellent<br />

couronnes <strong>les</strong> louanges qu'ils adressent. Pindare, dans ses<br />

Pyfhiques, dit d'une o<strong>de</strong> qu'il présente : « Recevez avec bienveil<strong>la</strong>nce<br />

c<strong>et</strong>te couronne que j'ai tressée pour vous. » Euripi<strong>de</strong><br />

fait parler Hippolyte, dans un liymne qu'il récite en l'honneur <strong>de</strong><br />

Diane, comme d'une couronne qu'il lui offre. Horace en use <strong>de</strong><br />

même sorte dans l'o<strong>de</strong> 26 <strong>de</strong> son livre 1, où il dit :<br />

O quœ fontibus intégra<br />

Garnies ; apricos, necte lores<br />

Hecte meo Lami» coronam<br />

Pimplea diilcis ! nil sine te mei<br />

Possuiit honores<br />

{Note cfe l'aftbé DE If AWïLJ^S.)<br />

57. Seripta p<strong>la</strong>cent a morte fere (v. 73). Ovi<strong>de</strong> revient souvent<br />

<strong>sur</strong> c<strong>et</strong>te idée, qui fait le suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre 16 du livre iv <strong>de</strong>s Pontiques,<br />

adressée à un envieux, 11 se considère comme déjà mort,<br />

<strong>et</strong> ayant droit au respect dû à ceux qui ne sont plus.<br />

58s Terra moraîur (v. 75). «La terre se fait attendre; » c'est<br />

comme s'il disait : a Je suis déjà mort, pourquoi ne m'ensevelit-on<br />

pas ? »<br />

59. Iliados vati (v. 8/§ ). Quelques éditions portent JSneidos<br />

vati; mais <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième syl<strong>la</strong>be à'Mneidos est généralement comptée<br />

comme longue:<br />

Sec tu divinam Mm&àn tenta.


368 NOTES<br />

Vossies propose jEneados, pour <strong>la</strong> quantité. Il est vrai qu'on lit<br />

dans une épigramme qui paraît très-<strong>ancienne</strong> :<br />

Mmîàemqne suant fac major ntincius om<strong>et</strong> ;<br />

mais c<strong>et</strong>te autorité ne nous semble pas suffisante, <strong>et</strong> nous croyons<br />

qu'il vaut mieux conserver <strong>la</strong> leçon vulgaire Iliados vatL<br />

60. Germanid projicit hastas (v. 97). La Germanie, ravagée<br />

par Tibère, commence à j<strong>et</strong>er <strong>les</strong> armes qu'elle a prises contre <strong>les</strong><br />

Romains , <strong>et</strong> trempées daas le sang <strong>de</strong> Vârus <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses trois légions.<br />

Ovi<strong>de</strong> prophétise un nouveau triomphe à Tibère, qui commandait<br />

dans ce pays.<br />

LETTRE CINQUIÈME.<br />

61. MAXIMO COTTJE. Ovi<strong>de</strong> parie encore <strong>de</strong> ce Maximus Cotta,<br />

livre iv <strong>de</strong>s Boutiques, l<strong>et</strong>t. 16, v. 41 :<br />

Te tamea <strong>la</strong>. turba non ausim t Cotta, silere;<br />

Piéri<strong>de</strong>s» lumea , pnesidiumqne fori.<br />

Materaos Cottas cui Messa<strong>la</strong>sque pateraos<br />

Maxima nobiiitas in gemiaa<strong>la</strong> dédit.<br />

11 parait qu'il était frère <strong>de</strong> Cotta Messalinus, auquel est adressée<br />

<strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre a du livre m.<br />

6a. Paîrii nom <strong>de</strong>gener orà (v. 7). Valerius Messa<strong>la</strong> Corvinus,<br />

son père, fut un <strong>de</strong>s plus grands orateurs romains.<br />

63. P<strong>et</strong> koras Lecta'saêà rnulias (v. 9, 10). Il s'agit d'un discours<br />

prononcé <strong>de</strong>vant <strong>les</strong> centumvirs. Il pouvait être fort long,<br />

<strong>sur</strong>tout si c'était une défense. L'accusateur avait six heures pour<br />

développer son accusation; le défenseur en avait neuf pour y répondre<br />

:<br />

Septem clepsydras magna tibi voce pètent!<br />

Arbiîer invitus, Caciliaae, dédit.<br />

At tu multa diu dicis ; ¥îtreisque tepentem<br />

Ampullis potas semisupinus aquam.<br />

Ut tan<strong>de</strong>m salies vocemque sitimque, rogaraus,<br />

Jam <strong>de</strong> clepsydra, Caeciliane, bibas.<br />

(MART., lib. vi, epîgr. 35.)


DU LIVRE TROISIÈME. U9<br />

64. Sedissemjbrsiêan unus (v. a3). Ovi<strong>de</strong> avait lui-même p<strong>la</strong>idé<br />

quelquefois <strong>de</strong>vant <strong>les</strong> centumvirs, <strong>et</strong> fait partie <strong>de</strong> ce tribunal :<br />

Nfec maîe commissa est nobis fortuna reorum,<br />

Lisqoe <strong>de</strong>cem <strong>de</strong>cies inspieienda viris.<br />

Res quoque privatas statui sine crimine ju<strong>de</strong>x,<br />

Decfîie mes fessa est pars quoqne vi<strong>et</strong>a li<strong>de</strong>.<br />

LETTRE SIXIÈME.<br />

( Trist., lib. xi, v. 93.)<br />

65. Nomen posait cui pœne (v.- 1). Voyez <strong>la</strong> même idée.<br />

Tristes 9 liv. iv, élég. 5 :<br />

Temporis obliîum dois me rapil impeins hojus,<br />

Excîdif lieu nomes qoam mibî pœne tuum !<br />

66. Leucothee nanti (v. 20). Voyez HOMèRE, Odyssée, liv. v.<br />

Navigat mfelix : <strong>et</strong> erat jam poppis in alto : -<br />

En décima obliquum verberat unda <strong>la</strong>tus.<br />

Ennosigœus a<strong>de</strong>st trifidaque repente profimdum<br />

» Cuspi<strong>de</strong> subvertit : îsesa carloa gémit + <strong>et</strong>c.<br />

67. Jampri<strong>de</strong>m posuit mentà in œ<strong>de</strong> suœ (v. 26).'C<strong>et</strong>te magnifique<br />

idée a trouvé <strong>de</strong>s imitateurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s copistes. Voici comme<br />

C<strong>la</strong>edien Fa reproduite :<br />

Hœc Dea pro templis <strong>et</strong> tore calentibtis aris<br />

Te froiîur posiiitque tuas hoc pectore se<strong>de</strong>s.<br />

(De Laudibus Sûlicoms, lib. n, v. 3O.)<br />

68. Temeraria fulmina (v. 27). Horace (liv. ni. Od. 2) a<br />

exprimé <strong>la</strong> même idée dans <strong>les</strong> vers suivans :<br />

Veîabo, qui Cereris sacrum<br />

Volgarït arcan», sub is<strong>de</strong>m<br />

Sit trabibus, fragUemque meciim<br />

Solvat pbaselum : sœpe Diespiter<br />

Negîe<strong>et</strong>iis iocesto addidit integrum , <strong>et</strong>c.<br />

X. Il4


37© ' NOTES<br />

69. Domino Musiri<strong>de</strong> {•. 41):<br />

Quis aut Eurystbea durum<br />

Aut il<strong>la</strong>udatl aescii Biisirléis aras ?<br />

(Vxmo., Georg,9 lib. ni, T. 4.)<br />

70. Urere in œrt viros (v. 4a). Pba<strong>la</strong>ris, tyran <strong>de</strong> Corinthe,<br />

qui faisait enfermer ses victimes dans on taureau d'airain brû<strong>la</strong>nt.<br />

71. Wisi quum pjermiseris ipse (v. 57). Il y a ici une ellipse remarquable<br />

: Je tairai ton nom, à moins que tu ne me perm<strong>et</strong>tes ;<br />

sous-entendo? <strong>de</strong> le dire. Aussi a-t-on proposé une correction qui<br />

consiste à joindre <strong>la</strong> fin du vers 57 au suivant, <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière:<br />

•<br />

Nisi qua permiserit ipse<br />

Cog<strong>et</strong>ur nemo mumis habere stittm ;<br />

mais elle ne nous parait point admissible.<br />

LETTRE SEPTIÈME.<br />

72. Quam proba, tam timida est (v. ia). C<strong>et</strong>te épouse était<br />

vertueuse, elle aimait son mari ; mais elle était timi<strong>de</strong> , <strong>et</strong> peu<br />

propre aux démarches qu'il eût fallu faire pour obtenir le rappel<br />

d'Ovi<strong>de</strong>.<br />

7*3. Quœ non juvat irrita semper (v. ai). C'est <strong>la</strong> maxime exprimée<br />

dans ces <strong>de</strong>ux vers d'une célébrité triviale :<br />

Belle PHlis, on désespère<br />

Alors qu'on espère toujours.<br />

74. Mené <strong>de</strong>sperare salutem (v. a3). Notre traduction porte: ,<br />

désespérer à propos ; mais, peut-êîre, bene avait-il, dans l'esprit<br />

<strong>de</strong> l'auteur, une signification un peu différente. Nous croyons,<br />

après tout, qu'il a voulu dire : « Désespérer courageusement, résolument<br />

, noblement, tout-à-fait. »<br />

On connaît le vers <strong>de</strong> Virgile,<br />

IJ'iia salus viens 9 miUam sperwre salutem ;<br />

(Mmuhi lib. 11, V. 354.)


<strong>et</strong> celui <strong>de</strong> Corneille :<br />

DU LIVRE TROISIÈME. ' 37i<br />

Et qu'un beau désespoir alors Se secourût.<br />

75. Dummodo nom vobis (v. 39). Ce passage présente plusieurs<br />

sens; nous avons suivi <strong>la</strong> leçon <strong>la</strong> plus accréditée, <strong>et</strong> le sens<br />

qui en résulte parait fort p<strong>la</strong>usible Cependant il se peut qu'Ovi<strong>de</strong><br />

ait voulu dire simplement : « Pourvu que <strong>la</strong> colère <strong>de</strong> César ne<br />

m'en empêche pas, je mourrai courageusement <strong>sur</strong> <strong>les</strong> bords <strong>de</strong><br />

l'Euxin. » Dans ce cas , il faudrait nobis a» lieu <strong>de</strong> vobis. L'autre<br />

sens a quelque chose <strong>de</strong> plus fin, mais il s'appuie <strong>sur</strong> ce qui précè<strong>de</strong>.<br />

LETTRE HUITIÈME.<br />

76. Ullo pr<strong>et</strong>iosa métallo (v. 5). C<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre n'est guère que<br />

<strong>la</strong> paraphrase <strong>de</strong> ces vers célèbres :<br />

Est-ce <strong>la</strong> guerre, enfin, que Néron me déc<strong>la</strong>re ?<br />

Qu'il ne s'y trompe pas ; <strong>la</strong> pompe <strong>de</strong> ces lieux,<br />

V©ns le woyez assez, n'éblouit pas <strong>les</strong> yeux.<br />

La nature , marâtre en ces affreux climats,<br />

Ne produit, au lieu d'or, que du fer, <strong>de</strong>s soldats ;<br />

Et son sein hérissé n'offre aux désirs <strong>de</strong> l'homme,<br />

Mien qui puisse tenter l'avarice <strong>de</strong> Rome. .<br />

(Cniuu.oir, Mhadamiste.)<br />

Du reste, c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre est parfaite en son genre, <strong>et</strong> le modèle <strong>de</strong><br />

ce qu'on appelle une l<strong>et</strong>tre d'envoi.<br />

LETTRE NEUVIÈME.<br />

77. Ea<strong>de</strong>m senîentia (v. 1 ). Ce reproche est assez juste ; <strong>et</strong><br />

malgré <strong>la</strong> variété qu'Ovi<strong>de</strong> a su répandre dans ses Tristes <strong>et</strong> ses<br />

Pontitjues, ou s'étonne qu'il ait pu composer tant <strong>de</strong> vers <strong>sur</strong> le<br />

même suj<strong>et</strong> II faut lui pardonner parce qu'il était malheureux ,<br />

<strong>et</strong> le p<strong>la</strong>indre parce qu'il était faible. Du reste, on remarquera<br />

que Fauteur paraît plus, dans c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre, que l'esilé; il répond<br />

a une critique dirigée contre ses ouvrages, plutôt qu'à un juge-<br />

24.


37a NOTES<br />

raent défavorable porté sor son caractère : c'est qu'il était encore<br />

plus poète que malheureux.<br />

78. SicforsitanAgrius olim (v. 9). Agrius était le père <strong>de</strong> Thersite3<br />

qu'Homère nous présente comme le modèle achevé d'une organisation<br />

vicieuse <strong>et</strong> d'un esprit insociable (voir Y Ilia<strong>de</strong>, liv. 11).<br />

Le défaut dont parle ici notre auteur est commun à tous.<strong>les</strong> pères :<br />

Molière Fa stigmatisé dans son Misanthrope ; La Footaiee en a<br />

fait le suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> sa fable <strong>de</strong> Y Aigle <strong>et</strong> du Hibou. Est-ce raison, <strong>de</strong><br />

rendre c<strong>et</strong> amour <strong>de</strong>s siens ridicule ? Non vraiment, à notre avis;<br />

car c<strong>et</strong>te erreur, dont on se moque dans <strong>la</strong> théorie , est très-utile<br />

dans <strong>la</strong> pratique, <strong>et</strong> si on <strong>la</strong> détruit, que m<strong>et</strong>tra-t-on à sa p<strong>la</strong>ce?<br />

Horace, l'ami du bon sens, ne dit ni bien ni mal <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te prévention<br />

dans l'amour; mais il eût donné beaucoup pour l'introduire<br />

dans le commerce <strong>de</strong> Famitié : Vellem, dit-il,<br />

Vellem in amicilia sic erraremus <strong>et</strong> isti<br />

Irrori aornen virtos posiiiss<strong>et</strong> lionestum.<br />

79. Tollitur arte malum (v. 16). Voici <strong>les</strong> réflexions <strong>de</strong> Baylc<br />

<strong>sur</strong> ce passage : « La principale cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> fécondité d'Ovi<strong>de</strong>,<br />

c'est que sa muse enfantait sans peine, <strong>et</strong> se dispensait du soin, <strong>de</strong><br />

nourrir l'enfant ; car elle s'appliquait très-peu à corriger ses productions<br />

: il lui <strong>de</strong>vait donc arriver ce qui arrive d'ordinaire à<br />

une femme qui n'est jamais nourrice, elle re<strong>de</strong>vient enceinte plus<br />

promptement Ce défaut ( <strong>la</strong> répétition <strong>de</strong>s mêmes choses<br />

dans ses poésies) ne lui était pas inconnu, <strong>et</strong> il tâchait <strong>de</strong> le corriger;<br />

mais le-feu qui l'animait dans sa composition lui manquant<br />

lorsqu'il revoyait ses ouvrages, il trouvait <strong>la</strong> correction trop pénible<br />

<strong>et</strong> l'abandonnait. Plusieurs auteurs en sont logés là : ils<br />

composent avec p<strong>la</strong>isir <strong>et</strong> avec ar<strong>de</strong>ur, <strong>et</strong> <strong>de</strong> là vient qu'ils étalent<br />

<strong>toutes</strong> leurs forces ; mais ils ne battent que d'une aile quand ils<br />

font <strong>la</strong> révision <strong>de</strong> leur ouvrage : le premier feu ne revient point ;<br />

il y a dans leur imagination un .certain calme qui fait que leur<br />

plome ne peut avancer qu'avec mille peines; c'est un bateau qui<br />

ne va qu'à force <strong>de</strong> rames. » (Dictiorm., art. OVIDE.)<br />

80. Magnas Aristarcho major Homerus erat (v. 24). Ce<strong>la</strong> est<br />

vrai; mais on peut répondre que le travail <strong>et</strong> <strong>la</strong> correction ne<br />

nuisent point au génie, comme on le voit dans Virgile, qui composait<br />

lentement d'ordinaire <strong>et</strong> avec une certaine difficulté ; il


DU LIVRE QUATRIÈME. 373<br />

avait moins <strong>de</strong> facilité qu'Ovi<strong>de</strong>, parce qu'il était plus sévère poor<br />

lui-même.<br />

Aristarqoe était un grammairien d'Alexandrie, célèbre par <strong>la</strong><br />

sûr<strong>et</strong>é <strong>de</strong> sa critique <strong>et</strong> l'exactitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> son jugement. 11 avait travaillé<br />

<strong>sur</strong> <strong>les</strong> poèmes d'Homère.<br />

81. Viïior est operisfama sainte mea (v. /46). C'est le contraire<br />

<strong>de</strong> ce que nous avons dit plus ha lit, note 77 ; mais nous avons<br />

<strong>de</strong> bonnes raisons pour ne pas être entièrement <strong>de</strong> l'avis <strong>de</strong><br />

Fauteur.<br />

8a. Da vemiam scripiis, quorum non gloria (v. 55 <strong>et</strong> 56). Il<br />

faut remarquer ces <strong>de</strong>ux vers, parce qu'ils ont servi ou serviront<br />

d'épigraphe à plusieurs bons ou mauvais livres.<br />

LIVRE QUATRIÈME.<br />

LETTRE PREMIÈRE.<br />

1. Accipe, Pompei (v. 1). Suivant Heinsius, ce Pompée était<br />

un <strong>de</strong>scendant <strong>de</strong> celui qui fut vaincu auprès <strong>de</strong> Nomance, <strong>et</strong><br />

que Cicéron appelle quelque part un homme nouveau. Valère-<br />

Maxime (liv. «s ch. 1) raconte qu'il accompagna ce Sextus Pompée<br />

dans son gouvernement d'Asie, à titre <strong>de</strong> compagnon <strong>et</strong><br />

d'ami. On s'accor<strong>de</strong> généralement à dire que <strong>la</strong> mort d'Auguste<br />

arriva sous son consu<strong>la</strong>t.<br />

a. Bebitor est vitœ (v. a). Nous ne pouvons dire comment<br />

Ovi<strong>de</strong> était re<strong>de</strong>vable <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie à Sextus : peut-être ne fout-il voir<br />

là qu'une hyperbole poétique.<br />

3-, Arûficis Coi (v. 29), Le peintre <strong>de</strong> Cos est Apel<strong>les</strong> ; c<strong>et</strong>te<br />

Vénus dont parle Ovi<strong>de</strong> était sou chef-d'œuvre : on l'appe<strong>la</strong>it <strong>la</strong><br />

Vénus Anatfyomène, c'est-à-dire-sortant <strong>de</strong>s flots. Campaspe, une<br />

<strong>de</strong>s maîtresses d'Alexandre, servit, dit-on, <strong>de</strong> modèle au peintre<br />

pour ce tableau.<br />

4. Pkidiaeq s<strong>la</strong>t Dea/acta manu (v. 3a). C<strong>et</strong>te statue, on <strong>de</strong>s<br />

chefs-d'œuvre <strong>de</strong> Phidias, était d'or <strong>et</strong> d'ivoire. Pausanias (liv. 1,<br />

ch. a4 ) nous en a conservé <strong>la</strong> <strong>de</strong>scription. La déesse était <strong>de</strong>bout


374 NOTES<br />

' <strong>et</strong> vêtue d'une tunique qui lui <strong>de</strong>scendait jusqu'aux talons. Sur le<br />

<strong>de</strong>vant <strong>de</strong> soo égi<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa cuirasse étaient <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> Méduse<br />

<strong>et</strong> <strong>la</strong> Victoire ; elle tenait une pique, <strong>et</strong> avait à ses pieds son bouclier<br />

, <strong>et</strong> un dragon qu'on croyait être Érichthonins. Sur le milieu<br />

<strong>de</strong> son casque était représenté le Sphinx, <strong>et</strong> aux <strong>de</strong>ux côtés <strong>de</strong>ux<br />

griffons. On peut juger <strong>de</strong> <strong>la</strong> hauteur <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te statue par <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Victoire qu'elle avait <strong>sur</strong> son égi<strong>de</strong>, <strong>la</strong>quelle était d'environ<br />

quatre coudées, <strong>et</strong> par <strong>les</strong> quarante talens d'or qu'on y avait<br />

employés, suivant Thucydi<strong>de</strong> (liv. n, ch. i3). Plutarque a remarqué<br />

que le nom <strong>de</strong> Phidias était gravé <strong>sur</strong> le pié<strong>de</strong>stal, quoiqu'il fût<br />

défendu aux artistes, sous peine <strong>de</strong> mort, d'inscrire leurs noms<br />

<strong>sur</strong> leurs ouvrages.<br />

5. Vendicat ut Caiamis (v. 33). Voyez, <strong>sur</strong> Ca<strong>la</strong>mis <strong>et</strong> ses che­<br />

vaux, PLINE, liv. xxxiv, ch. 8.<br />

6. Vacca Myronis opus (v. 34). Myron, statuaire célèbre, <strong>sur</strong>tout<br />

par une génisse dont Pline vante <strong>la</strong> perfection. Voyez à l'endroit<br />

indiqué par <strong>la</strong> note précé<strong>de</strong>nte.<br />

LETTRE DEUXIÈME.<br />

7. Severe (••*}. H y a <strong>de</strong>ux poètes <strong>de</strong> ce nom, l'un Cassius<br />

Severus, <strong>de</strong> Parme, dont parle Horace :<br />

Scribere quod Cass! Parmessis opusco<strong>la</strong> vineat.<br />

Il avait pris parti dans <strong>la</strong> guerre civile pour <strong>les</strong> républicains, <strong>et</strong><br />

combattu à Philïppes. Après <strong>la</strong> défaite <strong>de</strong> Brotus <strong>et</strong> <strong>de</strong> Cassées, il<br />

se r<strong>et</strong>ira à Athènes, où Varies , dit-on, le fit mourir, à <strong>la</strong> sollicitation<br />

d'Auguste. Ce n'est pas <strong>de</strong> lui qu'il s'agit ici, mais apparemment<br />

<strong>de</strong> Cornélius Severus , poète épique, dont Quintllien<br />

parle, Inst. orat., liv. x. — Au lieu <strong>de</strong> regum, à <strong>la</strong> fin du premier<br />

vers, quelques manuscrits portent vaiutn : c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière<br />

leçon nous paraît préférable.<br />

8. Quis mel Arhtœo (v. 9). Ovi<strong>de</strong> ne suit pas ici <strong>la</strong> quantité<br />

généralement observée pour le mot mel : on a proposé mel quis<br />

Jristœo. — Sur Aristée, voyez JUSTIN, liv. xm , <strong>et</strong> VIRGILE,<br />

Géorgiques, liv. iv, v. 317 <strong>et</strong> suiv.<br />

9. Quis B ace ho vma Falerno (v. 9). On a voulu remp<strong>la</strong>cer<br />

Falcrno, que porte notre texte, par Falerna ; mais le premier


DU LIVRE QUATRIÈME. 375<br />

s'entend fort bien. Baccho Falemo, c'est Bacchus régnant à Falerne,<br />

comme dans le pies beau <strong>de</strong> ses domaines.<br />

10. Triptoiemo fruges (v. 10). On dit que Cérès donna le blé<br />

à Triptolème, <strong>et</strong> lui apprit à le cultiver. Triptolème, en le donnant<br />

à son tour ans nommes, fut honoré comme l'inventeur <strong>de</strong><br />

l'agriculture.<br />

II. Poma d<strong>et</strong> Akinoo (v. lu)? Alcisoûs, fils <strong>de</strong> Nausithoiis,<br />

roi <strong>de</strong>s Phéaciens , eut <strong>les</strong> plus beaux jardins du mon<strong>de</strong> : Poma- .<br />

que <strong>et</strong> Alcinoi silvœ 9 dit Virgile, Géorgîque$s liv. n, v. 87. Voyez<br />

aussi FEJTELON, <strong>les</strong> Jardins d'Aïcinoûs, <strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout Homère :<br />

Tebtf ûvwsn »*f«le «MT©XXI/T«I , ôy


376 NOTES<br />

14. F<strong>la</strong>pis scripîa Coraiiis (v. 37). Les Coral<strong>les</strong> étaient un<br />

peuple habitant <strong>les</strong> bords <strong>de</strong> l'Euxin. Voyez STRABOW , liv. TîI.<br />

I5. Nam quia mec vinum (v. /§i). Ovi<strong>de</strong> n'aimait ni à jouer<br />

ni à boire; il n'avait, à proprement parler, qu'un vice bien<br />

prononcé, le goût <strong>de</strong> <strong>la</strong> débauche : il parait même, s'il faut<br />

Feu croire, qu'il s'en corrigea dans son exil. (Voyez Pontiques,<br />

liv. iv, l<strong>et</strong>t. 9, v. 89 <strong>et</strong> soivans.) Il ne lui restait donc plus qu'à<br />

faire <strong>de</strong>s vers pour tuer le temps <strong>et</strong> vaincre l'ennui.<br />

LETTRE TROISIÈME.<br />

16. Quique «>...., Nasof rogas'{v. 10). Nous trouvons un trait<br />

tout pareil dans Juvénal. Un ancien ami <strong>de</strong> Séjan, craignant <strong>la</strong><br />

contagion <strong>de</strong> sa disgrâce, feint <strong>de</strong> ne l'avoir point connu, <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> quelle était sa figure :<br />

Qo» <strong>la</strong>bra î quis iîli<br />

Yiiitiis erat ! Humquam f si quid IïîÎM credis 9 amavi<br />

Hune haminem. Sed quo cecidit sub cximine ? <strong>et</strong>c.<br />

(Sat. x, v. 67.)<br />

17. llle ego convictor (v. i5). Ces détails d'une vie passée<br />

dans le commerce d'une étroite amitié ont été reproduits par<br />

Perse, dans ces vers qui, malgré le génie grave <strong>et</strong> austère <strong>de</strong><br />

l'auteur, ne sont pas moins gracieux que ceux d'Ovi<strong>de</strong> :<br />

Tecum <strong>et</strong>enim longos memini coiisumere so<strong>les</strong>,<br />

Et tecum primas epulis <strong>de</strong>eerpere noctes.<br />

Uiiiiiiî opiis , <strong>et</strong> requiem pari 1er dispouimus ambo,<br />

Atque verecunda <strong>la</strong>xamus séria mensa.<br />

(Saî. v, v. 41.)<br />

• 18. Opulenîia Crœsi (v. $7). La richesse <strong>de</strong> Crésus <strong>et</strong> sa chute<br />

soudaine ont passé <strong>de</strong>puis long-temps en proverbe, pour exprimer<br />

l'instabilité <strong>de</strong>s choses d'ici-bàs. Il était roi <strong>de</strong> Lydie; vaincu <strong>et</strong><br />

détrôné par Cyrus, il ne dut <strong>la</strong> vie qu'à <strong>la</strong> clémence <strong>de</strong> son<br />

vainqueur. Voyez PLBTàBQUE , Vie <strong>de</strong> Solon, ce que ce philosophe<br />

lui dit <strong>sur</strong> le bonheur.<br />

iy. liie Syracosia (v. 39). Denys le Jeune, tyran <strong>de</strong> Syracuse,


DU LIVRE QUATRIEME. 377<br />

qui, chassé par Dion, se fit maître d'école à Corinlhe, afin,<br />

a-t-on dit, d'avoir encore à qui comman<strong>de</strong>r. Voyez PLUTAKQUK,<br />

Vie <strong>de</strong> Dion.<br />

ao. Ciienîis opem (v. 4a). Pompée, vaincu à Pharsale, implora<br />

le secours <strong>de</strong> Ptolemée, roi d'Egypte, qui lui fit trancher <strong>la</strong><br />

tête. Voyez LUCAIW , Pharsale, liv. vin.<br />

ai. In cœno <strong>la</strong>tuit Marias (v. 47). Voyez PLUTAEQUE, Vie <strong>de</strong><br />

Marias; Luc A in, Pharsale, liv. 11, <strong>et</strong> VELLEIUS PATERCULUS,<br />

liv. ii, ch. 19.<br />

aa. Ludit in humanis (v. 49). Ce vers nous semble un <strong>de</strong>s<br />

plus heureux qui soient tombés <strong>de</strong> <strong>la</strong> plume d'Ovi<strong>de</strong> : l'Écriture<br />

nous dit en maints endroits que <strong>la</strong> sagesse <strong>de</strong> Dieu se joue dans<br />

l'univers, Iu<strong>de</strong>ns in orbe terrarum. Vol<strong>la</strong>ire a parlé aussi <strong>de</strong> « <strong>la</strong><br />

puissance mystérieuse qui se joue dans l'univers. »<br />

a3. Nascitur Anîkyra (v. 54). L'île d'Anticyre produisait<br />

l'ellébore, p<strong>la</strong>nte qu'on croyait propre à guérir <strong>la</strong> folie. Carnéa<strong>de</strong>s<br />

l'Académicien, se préparant à écrire contre Zenon, prit<br />

<strong>de</strong> Fellébore b<strong>la</strong>nc, pour chasser <strong>les</strong> humeurs corrompues qui<br />

auraient pu nuire a <strong>la</strong> force <strong>de</strong> son esprit <strong>et</strong> à <strong>la</strong>.vigueur <strong>de</strong> son<br />

jugement. Il y avait donc <strong>de</strong>ux sortes d'ellébores, le b<strong>la</strong>nc <strong>et</strong> le<br />

noir: le premier servait à purger l'estomac par <strong>les</strong> vomisseinens;<br />

l'autre à purger le ventre par <strong>de</strong>s évacuations alvines. L'ellébore<br />

était ainsi tout à <strong>la</strong> fois un vomitif <strong>et</strong> un purgatif. Pline, dans<br />

son Histoire Naturelle, dit que l'île d'Anticyre était le meilleur<br />

endroit pour prendre l'ellébore avec succès, <strong>et</strong> que le tribun<br />

Livius Drusos s'y rendit pour se guérir <strong>de</strong> l'épilepsie, <strong>et</strong>c. Voyez<br />

àULU-GELLE, liv. xvii, ch. i5; <strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout <strong>les</strong> livres <strong>de</strong> pharmaceutique<br />

<strong>mo<strong>de</strong>rne</strong>. — Du reste, il paraît que <strong>la</strong> propriété spéciale<br />

<strong>de</strong> fellébore était <strong>de</strong> guérir <strong>la</strong> folie ; pour "peindre un fou du<br />

premier ordre, Horace dit que tout Fellébore cueilli dans trois<br />

Anticyres ne lui rendrait pas <strong>la</strong> raison, tribus Anticyris eapuê insamabile.<br />

LETTRE QUATRIÈME.<br />

a4* Candidus <strong>et</strong> felix (v. 18). C<strong>et</strong>te année si chère à Ovi<strong>de</strong><br />

par le consu<strong>la</strong>t <strong>de</strong> son ami Sext. Pompeius, <strong>de</strong>vait <strong>de</strong> plus être<br />

signalée i par <strong>la</strong> mort d'Auguste : es Obiit in cubiculo eo<strong>de</strong>ai que


37« NOTES<br />

pater Octavius, duobus Sextis,, Pompei© <strong>et</strong> Appuleio, coss., xiv<br />

kaleod. septembrïs, <strong>et</strong>c. » (SUBTOH., OcL Jugusîus, c. c.) Si Ovi<strong>de</strong><br />

avait prévu c<strong>et</strong>te mort, iî n'eût pas osé dire que c<strong>et</strong>te année<br />

<strong>de</strong>vait être candMus <strong>et</strong> felix.<br />

a5. Jane biceps (v. 2 3). Jaous était suivant l'histoire, on<br />

suivant <strong>la</strong> fable, un ancien roi d'Italie. Le mois <strong>de</strong>.janvier,<br />

]anuanmt portait son nom <strong>et</strong> lui était consacré. Ce mois ouYrait<br />

l'année : Ovi<strong>de</strong>, au vers suivant, l'appelle le mois sacré, probablement<br />

parce que c'était le temps où <strong>les</strong> magistrats entraient en<br />

charge. Voyez a c<strong>et</strong> égard le premier livre <strong>de</strong>s Fastes, <strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout<br />

<strong>les</strong> savantes notes <strong>de</strong> M. Théod. Bur<strong>et</strong>te; voyez aussi LUCAIH,<br />

Pharsale, liv. v, v. 3 <strong>et</strong> suivans :<br />

Jam sparterat Hwoo<br />

Brama nives, gelidoque ea<strong>de</strong>ns At<strong>la</strong>ntis Olyrapo :<br />

Instabatffiie dies, qui dat nova Domina fastis,<br />

Quique colit primus ducentem tempora'Jaunis.<br />

Anciennement, en France, Tannée commençait à Pâques ou à<br />

Noël; ce n'est que par un édit <strong>de</strong> Char<strong>les</strong> ix, enregistré au<br />

parlement, le 19 décembre i564, qu'elle commença au mois <strong>de</strong><br />

janvier, comme Tannée romaine.<br />

26. Longum resernveris annum (v. a3). Notre auteur dit lomgum<br />

àmnum, pour faire honneur à Pompée, comme Virgile parle <strong>de</strong>s<br />

grands mois qui doivent s'écouler sous le consu<strong>la</strong>t <strong>de</strong> Pollioe :<br />

Teque a<strong>de</strong>o <strong>de</strong>cus hoc «vi, te coagule, inibit,<br />

Pollio, <strong>et</strong> incipient magni proce<strong>de</strong>re meoses.<br />

(VIRG., BucoL, ecl. iv, v. 11.)<br />

27. Tempïaque Tarpeiœ.... sedis (v. 29). Les magistrats, en<br />

entrant en charge, se rendaient au Capitole, <strong>et</strong> offraient us<br />

sacrifice aux dieux. On immo<strong>la</strong>it <strong>sur</strong> l'autel <strong>de</strong> Jupiter Capitolia<br />

<strong>de</strong>ux taureaux b<strong>la</strong>ncs, nourris dans <strong>les</strong> pâturages <strong>de</strong> Toscane, <strong>sur</strong><br />

<strong>les</strong> bords du Cliturane, dont Teau avait, dit-on, <strong>la</strong> propriété <strong>de</strong><br />

rendre b<strong>la</strong>ncs <strong>les</strong> animaux qui en buvaient. Voyez OVIDE , Fastes,<br />

liv. 1.<br />

a8. Curia te excipi<strong>et</strong> (v. 35). Après le sacrifice, <strong>les</strong> nouveaux<br />

consuls se rendaient au sénat, <strong>et</strong> faisaient un discours pour


DU LIVRE QUATRIÈME. 37


38o NOTES<br />

servus, <strong>de</strong> s<strong>et</strong>vaw. — Mancipium exprimait le premier état d'un<br />

prisonnier; servus, son second état, quand, au lieu <strong>de</strong> le tuer,<br />

comme on en avait le droit, on lui <strong>la</strong>issait <strong>la</strong> vie naturelle, à <strong>la</strong><br />

charge d'une espèce <strong>de</strong> mort civile. Voyez FLORENTINUS , <strong>de</strong> Siata<br />

homùutm9*'D.9 lib. i, fit; 4.<br />

LETTRE SIXIÈME.<br />

37. Quwquenms Olympias (v. 5). Les jeux solennels d'Olympie,.<br />

en Éli<strong>de</strong>, se célébraient tons <strong>les</strong> cinq ans; l'espace d'une <strong>de</strong> ces<br />

fêtes à l'antre s'appe<strong>la</strong>it olympia<strong>de</strong>, <strong>et</strong> servait <strong>de</strong> me<strong>sur</strong>e générale<br />

pour le calcul <strong>de</strong>s temps.<br />

38. Jam tempus lustri (v. 6). Le lustre, <strong>de</strong> iustrare, purifier,<br />

parce qu'on purifiait <strong>la</strong> ville 'tous <strong>les</strong> cinq ans, jouait chez <strong>les</strong><br />

Romains le môme rôle que l'olympia<strong>de</strong> chez <strong>les</strong> Grecs.<br />

39. Causamque ego, Maxime, moriit (v. 11). Ovi<strong>de</strong>, à ce<br />

qu'il parait, n'était pas fort au courant <strong>de</strong> ce qui se passait à<br />

Rome, puisqu'il se croyait <strong>la</strong> cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> Fabius Maximus.<br />

C<strong>et</strong> événement n'est pas c<strong>la</strong>ir; mais le chapitre 5 du livre 1- <strong>de</strong>s<br />

Anna<strong>les</strong> <strong>de</strong> Tacijte» prouve suffisamment qu'il avait une tout-autre<br />

cause. La fin soudaine <strong>de</strong> Maximus fit soupçonner un crime <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

part <strong>de</strong> Livie, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort d'Auguste : Quidam sceius uxoris<br />

suspectabanL •<br />

40. Deceptœ igmoscere cuipœ (v. i5). 11 est fâcheux que- <strong>les</strong><br />

commentateurs, si attentifs a proposer <strong>de</strong>s corrections quand il<br />

n'en faut pas, n'en aient proposé aucune <strong>sur</strong> le mot <strong>de</strong>ceptœ,<br />

qui ne nous paraît pas <strong>la</strong> lin dans le sens qu'on lui donne ici.<br />

41. Spem nos tram terras <strong>de</strong>seruitque (v. 16). Auguste était mort<br />

presque en même temps que Fabius Maximus. Voir ci-<strong>de</strong>ssus, <strong>la</strong><br />

• note 3g.<br />

42. Sacras mitior ira do mus (v. 20) ! Vaine espérance l Tibère<br />

fut impitoyable comme Auguste. Voici ce que dit Bayle à c<strong>et</strong><br />

égard : ce II en <strong>de</strong>vint idolâtre (d'Auguste) au pied <strong>de</strong> <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre<br />

quand il eut appris sa mort. Il fit non-seulement son éloge par<br />

un poëme en <strong>la</strong>ngue géîique, mais il l'invoqua môme, <strong>et</strong> lui<br />

consacra une chapelle où il al<strong>la</strong>it l'encenser <strong>et</strong> l'adorer tous <strong>les</strong><br />

matins. Le successeur <strong>et</strong> <strong>la</strong> famille <strong>de</strong> ce prince avaient part à tout<br />

•ce culte, <strong>et</strong> en étaient apparemment le vrai motif. Néanmoins,


DU LIVRE QUATRIEME. 381<br />

Ovi<strong>de</strong> n'y trouva point le remè<strong>de</strong> <strong>de</strong> son infortune : <strong>la</strong> cour<br />

fat Inexorable sous Tibère comme auparavant. » (Dictionnaire,<br />

article OVIDS.)<br />

43.* Thyeslœ.,.. mensœ (v. 4?)- Atrées fils <strong>de</strong> Tantale, servit à<br />

son frère Thyesle, <strong>les</strong> membres <strong>de</strong> ses enfaos. Le Soleil recu<strong>la</strong><br />

d'horreur, pour ne pas voir ce crime :<br />

Soleil ! qu'épouvanta c<strong>et</strong>te affreuse coutrée ;<br />

Soleil! qui recu<strong>la</strong>s pour le festin d'Atrée, <strong>et</strong>c.<br />

(VOLT. , Oreste, acte v , se. <strong>de</strong>rn.)<br />

Heinsius propose <strong>de</strong> remp<strong>la</strong>cer ici tempora par fercu<strong>la</strong>; c<strong>et</strong>te<br />

correction nous parait inutile.<br />

LETTRE SEPTIEME.'<br />

44. Alpinis regibus (v. 6). Nous ne pouvons dire à quelle<br />

famille appartenait ce Yestalis. Pline (liv. xxxv <strong>et</strong> xxxvi) parle d'un<br />

Fabius Vestalis qui avait écrit <strong>sur</strong> <strong>la</strong> peinture. Nous ne savons<br />

pas davantage quels étaient ces rois <strong>de</strong>s Alpes dont Ovi<strong>de</strong> îe<br />

fait <strong>de</strong>scendre.<br />

45. Ducat Jasyx ( v. 9). Les <strong>la</strong>syges étaient un peuple habitant<br />

<strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ines seythiqoes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s bords <strong>de</strong> l'Ister ou Danube.<br />

46. Ad primum pilum_(v. i5). C'est-à-dire, au gra<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

primîpi<strong>la</strong>ire ou <strong>de</strong> premier centurion.<br />

47. Non negat Mgypsos (v. 21). P<strong>la</strong>ce très-forte <strong>de</strong> Scythie,<br />

au somm<strong>et</strong> d'une colline escarpée : <strong>les</strong> Gètes l'avaient prise <strong>sur</strong><br />

le roi <strong>de</strong> Thrace.<br />

48. Vùellius (v. 27). On croit que ce Vitellius était l'oncle<br />

<strong>de</strong> celui qui fut empereur.<br />

• 49. Progenies^.. Dauni (v. 29). Certains manuscrits portent<br />

Dormiy Domni, Doni, Dampni, Banni : Dauni seul rappelle<br />

un nom historique, celui <strong>de</strong> Daunus, père <strong>de</strong> Turntis.<br />

5o. Pro navibus Jjax (v. 41). Foy<strong>et</strong> le combat d'Hector <strong>et</strong> •<br />

d'Ajax? HOMèEEJ Ilia<strong>de</strong>, liv. vu.<br />

5i. Pegasus (v. 52). Pégase est le cheval <strong>de</strong>s poètes, <strong>et</strong> on le<br />

représente avec <strong>de</strong>s ai<strong>les</strong>, ce qui doit le rpndre fort agile.


38-i NOTES<br />

LETTRE HUITIÈME.<br />

5a. Studiis exculte Sailli (v. i). Ce Suillius n'était rien moins<br />

qu'un honnête homme, s'il est vrai que ce soit îe même dont il<br />

est parlé dans <strong>les</strong> premiers chapitres do livre xi <strong>de</strong>s Anna<strong>les</strong> <strong>de</strong><br />

Tacite; nous y renvoyons le lecteur. Après <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> Germanieus,<br />

dont il avait suivi <strong>la</strong> fortune, il fut condamné comme juge prévaricateur,<br />

<strong>et</strong> banni <strong>de</strong> l'Italie, puis relégué par on édit <strong>de</strong><br />

Tibère ; il revint à Rome, après <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> ce prince, <strong>et</strong> se<br />

rendit agréable à Gao<strong>de</strong> <strong>et</strong> à Messaline9 en accusant ceux dont<br />

<strong>les</strong> courtisans convoitaient <strong>la</strong> fortune. Plus tard, il reçut le prix<br />

<strong>de</strong> ses œuvres, <strong>et</strong> fut relégué dans <strong>les</strong> t<strong>les</strong> Baléares. On peut voir<br />

au liv. xni, ch. 4a <strong>et</strong> 43 <strong>de</strong>s Anna<strong>les</strong>, sa défense contre <strong>les</strong> attaques<br />

<strong>de</strong> Sénèquêj qui finit par lui faire appliquer <strong>la</strong> loi Cincia :<br />

c'était, du reste, un homme assez éloquent, énergique <strong>et</strong> prêt à<br />

tout. .<br />

53, Dt iièi sunê Cœsar juvenis (v. »3). Germanieus le Jeune.<br />

Voyez le commencement <strong>de</strong> <strong>la</strong> note précé<strong>de</strong>nte.<br />

54. Jgnaqme tant <strong>la</strong>ctens (v. 4i)r Comparez ce passage avec<br />

une o<strong>de</strong> d'Horace (liv. m, Od. a3? ad PhMylen)7 où <strong>la</strong> même<br />

idée se trouve exprimée <strong>de</strong> <strong>la</strong> manière <strong>la</strong> plus gracieuse :<br />

Te nihil attin<strong>et</strong><br />

Tenture multa cœ<strong>de</strong> bi<strong>de</strong>utium<br />

Parvos coronantem marino<br />

Rore Deos, fragilique myrlo.<br />

Immunif âram si teftgît matms,<br />

Non sumptuosa b<strong>la</strong>iidior hostia<br />

Mollibït averses Pénates<br />

. Farre pi© <strong>et</strong> saliente mica.<br />

55, Carminé'fit vivax virtus (v. 47)» Voir HOEACE, liv. iv,<br />

Od. 7, ad Censorinum.<br />

56. Non potes ojficium vatis (v. 67). On ignore généralement<br />

si Germanieus était poète; maïs l'histoire le présente comme<br />

doué <strong>de</strong>s facultés <strong>les</strong> plus heureuses : il était éloquent <strong>et</strong> l<strong>et</strong>tré,<br />

dit Tacite.


BU LIVRE QUATRIÈME. 383<br />

57. ZJngu<strong>la</strong> Gorgone t.... equi (v. 80). Lu source d'Hippocrène,<br />

que Pégase fit jaillir d'en coup <strong>de</strong> pied :<br />

Née fonte <strong>la</strong>bra profit cabaUio©.<br />

(PIES., ProL)<br />

LETTRE NEUVIÈME.<br />

58. JEfis senos fasces (v. 4). C<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre! adressée à Grécïsos,<br />

consul désigné,n'est guère qu'eue fa<strong>de</strong> paraphrase <strong>de</strong> <strong>la</strong> quatrième<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> cinquième l<strong>et</strong>tre du livre m, écrites à Sextus Pompée.<br />

Nous renvoyons le lecteur ans notes <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux l<strong>et</strong>tres.<br />

59. Signa quoque in sel<strong>la</strong> (v. 27). Les chaises curu<strong>les</strong> <strong>de</strong>s magistrats<br />

étaient ornées d'ivoire, <strong>et</strong> leur beauté, comme celle <strong>de</strong><br />

tous <strong>les</strong> meub<strong>les</strong>, dépendait du talent <strong>de</strong> l'ouvrier qui en sculptait<br />

<strong>les</strong> ornemens. — Du reste, observons que le nom <strong>de</strong> ce Gréeines.<br />

ne se trouve point dans <strong>la</strong> liste <strong>de</strong>s consuls, soit qu'Ovi<strong>de</strong> se soit<br />

trompé à c<strong>et</strong> égard, soit que <strong>la</strong> mort l'ait frappé avant son entrée<br />

en charge.<br />

60. Eastœ supponere iusiri (v. 45). La pique, c'est-à-dire<br />

l'arme distinctive <strong>de</strong>s Quirites, présidait aux adjudications publiques<br />

<strong>et</strong> aux ventes* à l'encan : c'était le signe <strong>de</strong> <strong>la</strong> puissance<br />

militaire <strong>et</strong> do droit <strong>de</strong> l'épée, imperium, jus g<strong>la</strong>d'd, jus quirimrium,<br />

— Les reveous publics s'affermaient tous <strong>les</strong> cinq ans,<br />

au r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> chaque lustre.<br />

61. Aliius imperium (v. 66). Le consul n'avait que 'douze<br />

licteurs, <strong>et</strong> le dictateur en avait vingt-quatre. Ce <strong>de</strong>rnier était<br />

donc plus que le consul? non; <strong>la</strong> dictature n'était qu'une magistrature<br />

extraordinaire, qui ne s'exerçait que dans <strong>la</strong> suspension<br />

<strong>de</strong> <strong>toutes</strong> <strong>les</strong> lois : le premier magistrat était donc le consul.<br />

Quant au pouvoir <strong>de</strong>s empereurs, il s'exerçait au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> <strong>toutes</strong> •<br />

<strong>les</strong> magistratures; mais il ne faisait pas, à proprement parler,<br />

partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> constitution romaine.<br />

6a. F<strong>la</strong>ccus (v. 75). On a prétendu que ce F<strong>la</strong>ccus, frère <strong>de</strong><br />

Gréeinus, avait donné son nom à <strong>la</strong> Va<strong>la</strong>chie. C<strong>et</strong>te opinion ne<br />

mérite pas une réfutation sérieuse.<br />

63. Mysas genîes (v. 77). La Mysie, province riche en blés,<br />

touchait à <strong>la</strong> Pannonie, <strong>et</strong> s'étendait jusqu'au Pont-Euxln.


384 . NOTES<br />

64. Hic captant Trosmin (v. 79). Il y a bien <strong>de</strong>s leçons différentes<br />

<strong>sur</strong> le nom <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville dont il s'agit ici; on trouve dans<br />

<strong>les</strong> manuscrits : Trœzen, Rœsen, Trosanem, Trezenam, Troi$en3<br />

Trœsom, Trecen, Tresmen : le véritable nom est Trosmin, en<br />

grec Tpcâiapl; ou Tp&9ptç. C'était une ville <strong>de</strong> <strong>la</strong> basse Mysie.<br />

65. Puerve queri (v. 96). En voyant comme Ovi<strong>de</strong> parle ici<br />

sans gêne du péché contre nature, il faut se rappeler ce que dit<br />

saint Paul, dans son Epitre aux Romains : a Dieu avait livré ce<br />

peuple à. son sens dépravé. •»<br />

66. Sacrum Cœsaris (v. 106). Nous avons dit plus haut<br />

qu'Ovi<strong>de</strong> avait élevé dans sa maison un autel, en l'honneur d'Auguste<br />

mort <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa famille vivante.<br />

67. Nomen mite parentis (v. i34)- Suétone dit pourtant qu'Auguste<br />

refusa le titre <strong>de</strong> Père <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie.<br />

LETTRE DIXIÈME.<br />

68. Bis tertia ducitur œstas (v. 1). Ce vers dément le calcul<br />

<strong>de</strong> ceux qui préten<strong>de</strong>nt qu'Ovi<strong>de</strong> mourut à Tomes, <strong>la</strong> septième<br />

ou huitième année <strong>de</strong> son exil.<br />

69. Albinovane (v. 4). Tout ce que nous pouvons dire <strong>sur</strong> c<strong>et</strong><br />

Albinovanus, c'est qu'il ne parait pas être le même que celui à<br />

qui Horace a adressé une épitre;^ celui d'Ovi<strong>de</strong> s'appelle Caïus Piso<br />

Albinovanus, l'autre Celsus :<br />

Celso gau<strong>de</strong>re <strong>et</strong> beae rem gerere AIMnovano.<br />

(HORAT.., Epist,, tib. 11, epist. 8, v. r.)<br />

70. Excipit Hippota<strong>de</strong>s (v. i5). Éole, fils d*Hippotas3 remit<br />

à Ulysse <strong>de</strong>s outres où <strong>les</strong> vents étaient renfermés pour <strong>la</strong> commpdïté<br />

<strong>de</strong> son voyage. Voir HOMèRE, Odyssée, liv. vin, v. 19<br />

<strong>et</strong> suivans; <strong>et</strong> OVIDE lui-même. Métamorphoses, liv. xiv, v. 229<br />

<strong>et</strong> suivans.<br />

71. Bene cantantes.... pael<strong>la</strong>s (v. 17). Les^ Sirènes; <strong>la</strong> fable<br />

en est assez connue.<br />

72. Lotos (Y. 18). Arbre d'Afrique, au pays <strong>de</strong>s Lotopbages;<br />

ses fruits avaient <strong>la</strong> vertu d'ôter le souvenir <strong>de</strong> <strong>la</strong> pairie à ceux<br />

qui en goûtaient. Ulysse n'y toucha pas; mais poor Ovi<strong>de</strong>, c'eut<br />

été un bonheur d'en manger.


DU LIVRE QUATRIÈME. 385-<br />

7^. Uièem Lœstrygonis (T. ai). Peuple féroce, <strong>de</strong> <strong>la</strong> côte<br />

d'Italie qui regar<strong>de</strong> vers <strong>la</strong> Sicile. Voir HôMEEE, Odyssée, <strong>et</strong><br />

OVIDE, Métamorphoses, liv. xiv, v. a33.<br />

74. Cyclops feriiaie Phyacen (v. 23). Le cyclopePolyphème,<br />

fils <strong>de</strong> Neptune. — Phyace était un roi <strong>de</strong>s Scythes.<br />

75. Henioclue raies (v. 26). Les Hénioques étaient <strong>de</strong>s<br />

, pirates du Pont-Euxin ; notre auteur donne à entendre plus bas<br />

qu'il fut pris <strong>et</strong> rançonné par eux.<br />

76. P<strong>la</strong>ustri prœbenûa formam'(v. 39). La constel<strong>la</strong>tion du<br />

Chariot.<br />

77. Mine oritttr Moréas (v. 4 ')• Le vent du nord, l'Aquilon.<br />

78. At Notas (v. 43). Le vent du midi.<br />

79. Fimque fr<strong>et</strong>um.,.. perdit,.», suam (v. 46). Les anciens '<br />

croyaient que l'eau <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer ne ge<strong>la</strong>it pas.<br />

80. Eue Lycus, hue Sagaris (v. 47)» Voyez pour <strong>les</strong> noms <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />

possession <strong>de</strong> tous ces fleuves, <strong>la</strong> Géographie <strong>ancienne</strong> <strong>de</strong> MaibL<br />

81. Femineœ...* turmœ (v. 5i). Les Amazones.<br />

82. Graiis, Phasi, p<strong>et</strong>ite vira (v. 5a). Allusion au voyage<br />

<strong>de</strong>s Argonautes. Le Phase prend sa source en Arménie, <strong>et</strong> arrose<br />

<strong>la</strong> Colchi<strong>de</strong>, le pays <strong>de</strong> Médée.<br />

83. Asiam Cadmiqm sororem (v. 55 ). L'Asie <strong>et</strong> l'Europe. Le<br />

Tanaïs ou Wolga se j<strong>et</strong>te dans <strong>les</strong> Palus-Méoti<strong>de</strong>s.<br />

84. D<strong>et</strong>inui... tempus (v. 67). D<strong>et</strong>inere tempus est une expression<br />

remarquable <strong>et</strong> peu usitée. D<strong>et</strong>inere s'emploie ici dans le<br />

sens d'employer, faire passer le temps.<br />

85. Quum carminé Thesea <strong>la</strong>u<strong>de</strong>s (v. 71). Albinovaaus était<br />

poète, <strong>et</strong> nous voyons par ce passage qu'il avait pris Thésée<br />

pour suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> ses chants.<br />

86. Perpius Isthmos (v. 80). Voir PLUTABQUK, Vie <strong>de</strong> Thésée.<br />

LETTRE ONZIÈME.<br />

87. Gallio (v. 1). Junius Gallio fut le père adoptif <strong>de</strong> M. Années<br />

N ©valus, frère <strong>de</strong> Sénèque le Philosophe, qui fut proconsul<br />

d'Achaïe au temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> prédication <strong>de</strong> saint Paul à Corinthe.<br />

— Voyez Actes <strong>de</strong>s A pâtres, ch. xvin.<br />

88. Suspicor esse mora (v. 14). Les anciens avaient plus que<br />

nous l'habitu<strong>de</strong> <strong>et</strong> le goût d'un certain genre d'écrit, appelé<br />

x. . a5


386 NOTES<br />

Conso<strong>la</strong>tion : Sénèque nous en a <strong>la</strong>issé plusieurs; Plutarque <strong>de</strong>ux.<br />

Cicéron avait aussi composé un traité sous ce titre; maïs celui<br />

que nous avons dans ses œuvres n'est qu'une contrefaçon <strong>de</strong><br />

Sigonius. — Ovi<strong>de</strong> suppose ici que Gallion est déjà tout consolé<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> sa femme, par le seul eff<strong>et</strong> du temps. En eff<strong>et</strong>, le<br />

temps est le conso<strong>la</strong>teur par excellence; l'homme qui veut en<br />

consoler un autre se charge d'un soin difficile <strong>et</strong> délicat : il n'est<br />

point aisé <strong>de</strong> parler à <strong>la</strong> douleur, ni <strong>de</strong> trouver <strong>les</strong> raisons propres<br />

à faire eff<strong>et</strong> <strong>sur</strong> l'esprit d'un homme, ni <strong>de</strong> diversifier ses paro<strong>les</strong><br />

suivant <strong>les</strong> besoins; le temps, au contraire, s'applique à tous<br />

indistinctement, <strong>et</strong> agit le plus souvent à coup <strong>sur</strong> :<br />

dit le fabuliste.<br />

Sur <strong>les</strong> ai<strong>les</strong> du temps , <strong>la</strong> tristesse s'envole,<br />

LETTRE DOUZIÈME.<br />

89. Quo minus in nos tris (v. 1). Ovi<strong>de</strong> se trouve ici dans le<br />

même embarras qu'un certain Archestrate, dont parle Athénée,<br />

liv. vu, ch. 8, qui, ayant à parler d'un certain poisson, ne le<br />

nomme pas, parce que son nom ne peut entrer dans <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e<br />

du vers : h pirpcô ou 6épi; sùr&iv.<br />

Du reste, on voit, quelques vers plus bas, que Tuticanus n'y<br />

perd rien, <strong>et</strong> qu'Ovi<strong>de</strong> <strong>la</strong> nomme <strong>de</strong>ux fois, pour mieux prouver<br />

que ce<strong>la</strong> n'est pas possible. — Quant au premier moyen, qui<br />

consiste à couper le nom en <strong>de</strong>ux, <strong>de</strong> manière que <strong>la</strong> première moitié<br />

fasse <strong>la</strong> fin d'un vers, <strong>et</strong> l'autre moitié le commencement d'un<br />

autre vers, Horace n'a pas eu <strong>la</strong> même honte qu'Ovi<strong>de</strong>, <strong>sur</strong>tout<br />

dans ses poèmes lyriques, où il avait pour s'autoriser l'exemple<br />

<strong>de</strong> Pindare <strong>et</strong> <strong>de</strong> Simoni<strong>de</strong>.<br />

90. Frena novel<strong>la</strong> (v. 24). Ovi<strong>de</strong> se compare, comme poète, à<br />

un jeune écuyer, dont <strong>la</strong> main est faible encore à tenir <strong>les</strong> rênes;<br />

plus haut (v. i8)3 il se compare à un <strong>la</strong>boureur qui donne <strong>de</strong>s<br />

fruits <strong>de</strong> son champ*<br />

91. Cre<strong>de</strong> mihi, miseros (v. 47)- C<strong>et</strong>te idée, que le malheur<br />

ôîe à l'homme une partie <strong>de</strong> son jugement, se trouve souvent<br />

exprimée dans Homère ;<br />

!<br />

Le même jour qui m<strong>et</strong> un homme libre aux fers,<br />

Lui ravit <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong> sa verîo première.


DU LIVRE QUATRIÈME. 387<br />

LETTRE TREIZIÈME.<br />

9a. Coior Me tibi pmiinus in<strong>de</strong>x (v. 3). C'est bien à tort que<br />

le commentateur Micyle s'est Imaginé que le mot coior <strong>de</strong>vait<br />

s'entendre <strong>de</strong> <strong>la</strong> couleur du papyrus ou du parchemin sali <strong>et</strong><br />

froissé, à cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> longueur <strong>de</strong> <strong>la</strong> route. Il s'agit <strong>de</strong> <strong>la</strong> couleur ?<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> physionomie propre aux vers <strong>de</strong> notre poète <strong>de</strong>puis son<br />

séjour parmi <strong>les</strong> Gètes.<br />

93. Illij quem eanis (v. ia). C'est-à-dire Hercule.<br />

94. Tarn maïa Thersiten...* Quant pulchra Nireus (v. i5, i6)«<br />

Sur Thersite, voyez <strong>la</strong> note <strong>sur</strong> le vers 10 <strong>de</strong> l'épitre9 do liv. m.<br />

— Nirée, fils <strong>de</strong> Charops <strong>et</strong> d'Ag<strong>la</strong>é, quitta l'île <strong>de</strong> Syrae pour<br />

aller à <strong>la</strong> guerre <strong>de</strong> Troie. Homère (Ilia<strong>de</strong>, liv. 11) fante fort sa<br />

beauté.<br />

• 95. Pœne po<strong>et</strong>a G êtes (v. 18). Noos avons déjà parlé <strong>de</strong> ce<br />

poème, fait en <strong>la</strong>ngue gétique, à <strong>la</strong> louange d'Auguste.<br />

-^06. Esse parent viriute paîri (v. 27). Tibère, fils d'Auguste,<br />

paràdoption; voir TACITE, Anna<strong>les</strong>, liv. 1, son refus peu sincère<br />

d'accepter l'empire.<br />

97. JFe ? r estant, Livia, matrum (Y. 29). C'est-à-dire, digne<br />

d'être honorée à l'égal <strong>de</strong> Vesta, déesse <strong>de</strong> <strong>la</strong> chast<strong>et</strong>é, par <strong>les</strong><br />

pudiques] matrones.<br />

98. Jffsse duos jupenes (v. 3i). Germanicus le Jeune, fils <strong>de</strong><br />

Drasuç'î <strong>et</strong> adopté par Tibère, <strong>et</strong> Dru sus, fils naturel <strong>de</strong> Tibère.<br />

LETTRE QUATORZIÈME.<br />

99. Digitos inei<strong>de</strong>re cunctor (v. 19). Il ne faut point prendre<br />

ceci au sens naturel : ce n'est pas avec <strong>les</strong> doigts qu'on écrit <strong>de</strong>s<br />

vers. Quand Voltaire dit d'un <strong>de</strong> ses héros, dont <strong>la</strong> main YÎent<br />

d'être coupée :<br />

Poîoïi, <strong>de</strong>puis, ne sut jamais écrire,<br />

v il par<strong>la</strong>it sans figure. OYi<strong>de</strong>, au contraire, parle ici par métaphore.<br />

\ 100. Jgncolœ..*. sertis (Y. 3a). Hésio<strong>de</strong>, le chantre <strong>de</strong>s Travaux<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong>s Jours <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Théogonie : il était d'Ascra, en Béoîie.<br />

\'<br />

\<br />

a5.


388 NOTES<br />

toi. Scepsius Amsomos (v. 40). Les manuscrits portent ce nom<br />

écrit <strong>de</strong> plusieurs manières : Sextius, Sepîims, Sepsùts, Se ficus,<br />

Sepius. L'homme dont parle Ovi<strong>de</strong> s'appe<strong>la</strong>it M<strong>et</strong>mdoms Scepsius,<br />

<strong>sur</strong>nommé Miaoptipaloc. Pline (Hv. xxxiv, ch. 9) dit que ce n'était<br />

pas un poète, mais un philosophe.<br />

LETTRE QUINZIÈME.<br />

102. Cœsaribus vitam, Sexto..,, saiutem (v. 3). Notre auteur<br />

fait une distinction entre vita <strong>et</strong> sains: vita c'est <strong>la</strong> vie naturelle;<br />

saim exprime quelque chose <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tif à <strong>la</strong> fortune. Ovi<strong>de</strong>, fort<br />

appauvri par son exil, avait reçu <strong>de</strong>s bienfaits en argent <strong>de</strong><br />

Sextus Pompée. *<br />

io3. Punica.... grana (v. 8). Darius souhaitait d'avoir autant<br />

d'amis comme Zopire, qu'il y avait <strong>de</strong> grains dans une grena<strong>de</strong><br />

qu'il tenait ouverte. Ce serait beaucoup, en eff<strong>et</strong> ; mais le nombre<br />

<strong>de</strong> ces grains est p<strong>et</strong>it, en comparaison <strong>de</strong>s épis <strong>de</strong> l'Afrique ou<br />

<strong>de</strong>s olives <strong>de</strong> Sicyoee : il faudrait, dans ces sortes <strong>de</strong> comparaisons ><br />

prendre <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s égaux, comme <strong>les</strong> gouttes <strong>de</strong> <strong>la</strong> pluie , le sable<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> mer, <strong>les</strong> étoi<strong>les</strong> <strong>de</strong> firmament, <strong>et</strong>c.<br />

104. Cernas,.... tut (Y. 14). Chaque citoyen était porté <strong>sur</strong> le<br />

sens cum omnifamitia, avec tout ce qu'il possédait.<br />

io5. Regnataque terra Pkiiippo (v. i5). La Macédoine. Ce<br />

Philippe peut être pris indistinctement pour le père d'Alexandre ,<br />

ou pour le père <strong>de</strong> Persée, qui fut mené en triomphe par Paul-<br />

Émile.<br />

106. Remque tuam (v. a a). Ovi<strong>de</strong> a dit, dans une autre l<strong>et</strong>tre,<br />

adressée an même Sextus "Pompée, qu'il était son esc<strong>la</strong>ve, mamcipium;<br />

or, l'esc<strong>la</strong>ve était <strong>la</strong> chose du maître, res domim. '<br />

107. Sis afgumenmm majus (v. a6'). Ce passage a paru obscur<br />

à certains commentateurs; il ne Test'point en réalité, 'si "on veut<br />

lire attentivement <strong>la</strong> traduction.<br />

108. Libra <strong>et</strong> œre magis (v. 4a). C'est-à-dire, avec <strong>les</strong> solennités<br />

du contrat <strong>de</strong> vente. —Voyez Digeste, liv. xvin, tit. 1,<br />

<strong>de</strong> Contrakenda emptmme.


BU LIVRE QUATRIÈME. 389<br />

LETTRE SEIZIÈME.<br />

109, Nasonis.*.. napti(v. 1). Raptus exprime non <strong>la</strong> mort, mais<br />

<strong>la</strong> sépulture : Ca<strong>la</strong>brl rapuere, dit l'épitaphe <strong>de</strong> Virgile.<br />

110. Quum for<strong>et</strong> <strong>et</strong> Marsus (v. 5). Domitius Marsus, poète<br />

illustre,, au temps d'Auguste.<br />

m. Magnique Rabirms oris (v. 5). C. Rabirius, que Fabius<br />

range parmi <strong>les</strong> poètes épiques. Magni oris exprime l'élévation<br />

du genre qu'il traitait.<br />

lia. liiacusque Macer (v. 6). Émilius Maeer, <strong>de</strong> Vérone, a écrit<br />

<strong>sur</strong> <strong>la</strong> guerre <strong>de</strong> Troie, d'où l'épithète Iliacus, que lui donne<br />

Ovi<strong>de</strong>.<br />

113. Si<strong>de</strong>reusque Pedo (v. 6). Pedo Albin ovao as ? auquel est<br />

adressée <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre 10 <strong>de</strong> ce quatrième livre. Ovi<strong>de</strong> lui donne le<br />

nom <strong>de</strong> Si<strong>de</strong>reus, à cause, à ce qu'on croit, d'un poème qu'il composa<br />

<strong>sur</strong> <strong>les</strong> astres.<br />

114. Carus (v. 7). Auquel est adressée l'épitre xiu ci-<strong>de</strong>ssus.<br />

Il avait fait une HèraeléMe, ou poème en l'honneur d'Hercule.<br />

115. Carmen regale Severus (v. 9). Cornélius Severus, auteur<br />

d'élégies,, d'épigrammes, <strong>et</strong> <strong>de</strong> tragédies;, c'est à ce <strong>de</strong>rnier genre<br />

<strong>de</strong> poème que se rapporte,l'épithète regale, parce que <strong>les</strong> crimes<br />

<strong>et</strong> <strong>les</strong> passions <strong>de</strong>s rois en faisaient le suj<strong>et</strong>. Voir <strong>la</strong> dissertation <strong>de</strong><br />

Bayle? à l'article CASSIUS.<br />

116. Pîiscus uterque Numa (v. 10). Trois poê<strong>les</strong> inconnus.<br />

117. Montane (v. 11). Julius Montanus, poète ami <strong>de</strong> Tibère.<br />

118. Et qui Penelopœ (v. i3). Sabinus, célèbre par une héroï<strong>de</strong><br />

en réponse à <strong>la</strong>' l<strong>et</strong>tre-qu'Ovi<strong>de</strong> adressait à Ulysse, au nom <strong>de</strong><br />

Pénélope.<br />

119. Pkrygium...* senem (v. 18). Anténor, vieil<strong>la</strong>rd troyen qui<br />

vint en Italie après <strong>la</strong> ruine <strong>de</strong> Troie, <strong>et</strong> fonda <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Padoue.<br />

120. Tuscus (v. 20). Inconnu : Heinsius croit qu'il faut lire<br />

Fuscus.<br />

iai. Velwolique maris vates (v. ai). P. Terentius Varro Attacinus.<br />

122. Quique acies Libjeas (v. 23). On ne sait qui ce peut être.<br />

ia3. Marius Trinacntts Lupus (v. 24-26). Trois poètes<br />

inconnus.


39© NOTES DU LIVRE QUATRIÈME. .<br />

124. Et qui Mœoniam Phœacida (v. 27). Tuticanus. Voyez <strong>la</strong><br />

l<strong>et</strong>tre xn <strong>de</strong> ce livre, au vers 27.<br />

IîS5. Rufe (v. 28). Peut-être Pomponius Rufos.<br />

126. Musaque Turrani (v. 29). Turrantis ou Turranius? inconnu.<br />

127. Mélisse (v. 3o). Melissus, auteor <strong>de</strong> comédies appelées<br />

Togatœ, suivant îe scholiasîe d'Horace.<br />

128. Varus Gracchusque(v. 3i). Quinctilhis Varus, <strong>de</strong> Crémone,<br />

csevalier romain, ami <strong>de</strong> Virgile <strong>et</strong> d'Horace. Graeehns, poète du<br />

même temps, fit comme Varus une tragédie <strong>de</strong> Thyesêe.<br />

129. Callimachi Proculus (v. 32). Fabius parle d'un Proculus,<br />

qu'il range au premier rang <strong>de</strong>s poètes élégiaqi<strong>les</strong> : c'est tout ce<br />

qu'on en sait.<br />

i3o. Tityrus (v. 33). Virgile, désigné par le titre <strong>et</strong> le commencement<br />

<strong>de</strong> sa première églogue; du reste, ce vers a fourni matière<br />

à <strong>de</strong>s critiques <strong>et</strong> à <strong>de</strong>s corrections.<br />

I3î. Gratws (v. 34). Auteur d'un poè'me <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chasse, qui est<br />

venu jusqu'à nous.<br />

i3a. Fontanus (v. 35). Inconnu.<br />

i33. Capel<strong>la</strong> (v. 36). Auteur d'élégies qui ne nous sont point<br />

parvenues.<br />

i34- Coiia (v. 41). Voyez <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre 5 du livre m, ci-<strong>de</strong>ssus.


Notes du mont Royal<br />

www.notesdumontroyal.com<br />

Une ou plusieurs pages sont<br />

omises ici volontairement.


TABLE<br />

DES MATIÈRES DU TOME DIXIÈME.<br />

Pages.<br />

POÏITIQUES.<br />

Introduction 1 ij<br />

Livre 1 er 3<br />

II 75<br />

III i45<br />

IV ai5<br />

Notes <strong>de</strong>s livres I-IV âi5<br />

IBIS.<br />

Introduction 392<br />

Ibis 397<br />

Notes. 442<br />

3o


*v<br />

^


Ce tableau peut servir d'ordre pour p<strong>la</strong>cer l'ouvrage en bibliothèque.<br />

REVERS DE LA MÉDAILLE<br />

COMTEIÎAÎÎT LES MOMS DES AUTEURS LATIMS ET LES HOMS BES TRADUCTEURS<br />

DE LA BIBLIOTHÈQUE LATINE-FRANÇAISE.<br />

TACITE<br />

c. x. r. PAWCBOOCKE.<br />

TITE-LIVE<br />

COBPBT. DUBOIS. X.XEZ.<br />

YERGSR.<br />

CESAR<br />

LA TA. ARTAUD.<br />

SALLUSTE<br />

DO mozoïm.<br />

SUÉTONE<br />

DB GOLBERÏ.<br />

JUSTIN<br />

LAVA. BOITARD.<br />

QUÎÎfTE-CUICE<br />

AOG. BT iLPP. TBOGBOK.<br />

FLORUS<br />

VILLEMAIÏT. RAGOW.<br />

VELL. PATERCULUS<br />

DSSPm.ES.<br />

CORN. NEPOS<br />

DR CALOWWE. POMMIER.<br />

VALÈRE MAXIME<br />

FRfMïOW.<br />

PLINE LE JEUNE<br />

nm SACT. PIERROT.<br />

PLINE LE NATURALISTE<br />

CUVIER.AJASSOW. BBUDAWT.<br />

BmOîTOïrîAIlT. DABWOU.<br />

BMBRIC DAVID. BBSCUBBT. •<br />

B©I. DOM». DUSOATB. 7BX.<br />

ïOUCHB. FOURïBR. GUIBOURT.<br />

JOHAïfWBAU. IACROM.<br />

LAFOSSE.<br />

LBMBBCISR. IITlOHîfE,<br />

USKBirifl. MARCOS. MOHGES.<br />

C. t. F. PAW CSOUCK.E. PARÏgOT.<br />

QUATREMERB BB QOIWCT.<br />

ROBERT. ROBIQUBT.<br />

THIBAUD. THBROT.<br />

¥4LKHCÏB»KB8. VERGÏTE.<br />

PÉTRONE<br />

OB Oïl BROS. HIGCIÏ.<br />

APULÉE<br />

BITOLAUD.<br />

CL. F. PANCKOUCKE, ÉDITEUR.<br />

Module <strong>de</strong> 3o lignes.<br />

4. +<br />

C1CERON<br />

AJASSOW. AQSAST.<br />

AWDRIBUX. BOMPARY.<br />

CH AMPOLLIOW-FIGEA C .<br />

CHARPBWTIER. CHBViUM.<br />

GRESLOU. DB 6USKI.E.<br />

DELCASSO. DE GOX.BEKT.<br />

ca. BU mozoï*. GUBROULT.<br />

UBZ. MAWGEART. MATTER.<br />

C. !.. F. PABCBOUCK.E.<br />

PBRÏCAUB. PIERROT.<br />

BUS. 8AI.TEBTB. STIBVBHART,<br />

QUINTUJEN<br />

ooœtti.<br />

SÉNÈQUE LE PHILOS.<br />

•AJASSOW. lAILLABB.<br />

CHÀRPSBTIBR.<br />

DUPAT*. DU BOZOIR*<br />

HiROK BB VXLXXFOSSB.<br />

WAUDBT. E. PASCBOUCEJE.<br />

ALPB. TROGSOH.<br />

DB •ATÎMESWIL.<br />

A. DB WÀIM.T. G. DB WAILLÏ.<br />

PLAUTE<br />

WAUDBT.<br />

TÉRENCE<br />

SÉNÈQUE LE TRAGIQUE<br />

GRXSLOU.<br />

. PHÈDRE<br />

BRîfBST PASCKOUCKB.<br />

SOUSCRIPTEUR<br />

Noms<br />

Prénoms<br />

Titres<br />

M DCCC XXV —M DCCC XXXVI.<br />

flRGILE<br />

AMAR. CHABPXïfTIXR.<br />

Gran<strong>de</strong>ur<br />

\ <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Médaille,<br />

ÏBB. PARISOT. VIUWAT1.<br />

HORACE<br />

AMAR. AWBRIEUX. ABNAULT.<br />

BIOSAW. CHARPXBTIER.<br />

CHASX.XS. MIU, FELXTZ.<br />

DB GUERRE. HALBVir. Ï.IBZ.<br />

WAUBET.<br />

C. !.. V. PAHCKOUC&X.<br />

E. f>AWCK.O0CKX.<br />

DB P01TGKRTILI.K. DU ROZOIB.<br />

ALPH. TROGHOS.<br />

JUYÉNAL<br />

DUSAULX. PIERROT.<br />

PERSE<br />

PXRBBAU.<br />

OVIDE<br />

CHAPPUYZI. CHAB.PÊHTiER.<br />

BURETTE. GROS. CAB.BSMX.<br />

HBWlW.MAïCOEAaT.YBmWABB,<br />

LUCRÈCE<br />

DE POWGBRVIX.I.B.<br />

LUCAIN<br />

CHA8X.BS.C0URTAUD.GRBSLOU.<br />

CLAUMEN<br />

BBGUIV. ALPH. TROGSOH.<br />

YALERIUS FLACOTS<br />

CAU8SXW DE PXSCBYAÎ..<br />

STAGE<br />

ACHAIWTRX. BOUTTXYIXAX.<br />

. xiw.<br />

SILIUS 1TÂLÎCUS<br />

CORPBT. DUBOIS.<br />

MARTIAL<br />

DUBOIS. MAWGSART. YERGER.<br />

PROPERCE GALLUS<br />

GBKOUIUS.<br />

TÎBULLE CATULLE<br />

VALATOBB. HBQUIN.<br />

P. SYRUS<br />

casifu.

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