Louise Gravel Shea - Le fait français au Maine

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22 La fondation de Grande-Rivière Deux ans plus tard, à la fin de 1789, une seconde concession, celle de Germain Saucier, est accordée cette fois à des Acadiens venant de Kennébécassis. Dès mars 1790, ils remontent la rivière Saint-Jean rejoignent parents et amis de la concession voisine, celle de Mazerolle. Ils commencent à défricher les nouvelles terres situées entre la rivière Verte et la Grande-Rivière. Parmi eux l’on retrouve les cinq familles fondatrices de Grande-Rivière. Celles de Hilarion Cyr, de Joseph Cyr,de François Violet, de Augustin Violette et de Joseph Soucy. C’est sur la rive sud, sur le site où se trouve actuellement l’église de Saint-Bruno que s’établirent Augustin Violette, François Violet et Joseph Cyr, premiers colons de Grande-Rivière. Très tôt, ils durent abandonner les rivages de la Saint-Jean et s’établir sur la plaine afin d’éviter les inondations printanières (Albert, 1992, p.104). Hilarion Cyr a choisi de s’établir sur des terres situées à l’embouchure de la Grande-Rivière sur la rive nord. Il possède aussi deux îles «les îles de la Grande-Rivière». Joseph Soucy, son voisin, a choisi de s’établir quelques milles plus bas.Les frères Joseph et Hilarion Cyr, descendants acadiens, sont nés à Sainte-Anne-des-Pays-Bas. Joseph n’a pas eu d’enfant mais Hilarion, marié à une canadienne, a eu plusieurs enfants qui s’établiront dans le Madawaska, dont deux à Grande-Rivière. François Violet est né en France, il était en Acadie lors de la déportation. Il a vécu à Ecoupag où il s’est marié avec Marie Luce Thibodeau. Ils se sont établis dans la région de Kennébécassis et ensuite ils sont allés vivre à Grande-Rivière. Ils ont choisi, sur la rive sud, un emplacement près de l’embouchure d’un ruisseau, qui prend rapidement le nom de Ruisseau-Violette. Bientôt, toute la rive sud de l’établissement de Grande-Rivière portera ce nom. Les Américains utiliseront, après 1842, le toponyme «Violette Brook» pour désigner la partie de Grande-Rivière qui est devenue Van Buren en 1881. Malgré qu’il soit propriétaire de terrains sur les deux rives de la rivière, François Violet aura toujours sa résidence du côté américain. Son fils Augustin s’est établi sur les terres voisines de celles de son père. Par son mariage avec Elisabeth Cyr, Augustin devint parent par alliance avec presque tous les citoyens de Grande- Rivière. Joseph Soucy est descendant de Jean Soucy arrivé en Nouvelle-France en 1665. En 1806, il épouse Marguerite Cyr, la soeur de son voisin Hilarion Cyr. Il devient ainsi parent par alliance avec la majorité des colons de Grande-Rivière. Les familles fondatrices de la communauté de Grande-Rivière ne sont pas uniquement voisines, elles sont aussi étroitement unies par des liens familiaux. Plusieurs familles canadiennes-françaises, quelques migrants venus de France, de l’Irlande, de la

23 Nouvelle-Angleterre, de la Nouvelle-Ecosse viendront s’unir aux familles acadiennes déjà établies. C’est alors qu’arrivent à Grande-Rivière les familles Cormier, Gauvin, Ouellet, Coombes, Parent, McRay et Powers (Lapointe,1989, p.36). Mais selon Craig (1984, p.120) malgré cette hétérogénéité de la population au plan des origines, ce sont les Acadiens qui ont réussi à s’imposer: « Ceci n’empêcha pas l’apparition d’une culture locale bien spécifique, caractérisée par un fort sentiment au groupe acadien. Cette unité culturelle est en partie une conséquence du rôle joué par les réseaux de parenté dans la vallée. Les réseaux de parenté les mieux développés et les plus étendus incluaient la plupart des familles d’origine acadienne. Dès 1850, ces réseaux en majorité acadiens dominaient la vie politique et économique de la région.On peut aussi suggérer sans trop de risque que les Acadiens imposèrent leur culture et leur vision du monde et du passé à leurs voisins, et excluèrent l’héritage canadien de la tradition orale.» Voilà pourquoi, tous les porteurs de noms canadiens s’identifient aux ancêtres acadiens. Selon Craig, l’importance des réseaux de parenté était très grande. Les personnes qui n’appartenaient pas à ces réseaux, ou qui en étaient excluses, se retrouvaient marginalisées. Plusieurs durent émigrer. L’exclusion des marginaux aurait renforcé l’homogénéité culturelle de la Vallée. Dès le début, le Madawaska est donc une société stratifiée. L’élite est formée principalement des descendants des familles fondatrices et de leurs alliés par mariage. Elle domine la vie sociale, économique, culturelle ainsi que la politique locale. Les conditions d’établissement Les pionniers de Grande-Rivière s’établissent sans l’assistance d’aucun gouvernement. Ce n’est qu’en 1794, qu’ils obtiennent, du gouvernement du Nouveau-Brunswick, les titres légaux des terres cédées en 1789. Malgré les conditions de vie difficiles et la disette de 1797, la nouvelle colonie progresse peu à peu (Lapointe,1989). Au début, le secteur agricole est axé sur l’auto-suffisance. Selon les saisons, l’agriculture et la coupe de bois sont les deux activités primaires des premiers colons de Grande-Rivière. Bientôt l’agriculture dépassera le stade de l’autoconsommation avec la création de sociétés agricoles. Les cultures sont alors plus diversifiées. Les fermes font l’exportation de leurs surplus de produits aux États-Unis ou sur le territoire canadien (Daigle,1993, p.224). Il reste que le développement économique de Grande-Rivière sera freiné pendant plusieurs décennies par de nombreux facteurs. En plus des conflits frontaliers, l’éloignement des centres, le manque de débouchés, l’absence de routes, les inondations et les disettes font qu’une économie primitive persiste. De fait,

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Nouvelle-Angleterre, de la Nouvelle-Ecosse viendront s’unir <strong>au</strong>x familles acadiennes<br />

déjà établies. C’est alors qu’arrivent à Grande-Rivière les familles Cormier, G<strong>au</strong>vin,<br />

Ouellet, Coombes, Parent, McRay et Powers (Lapointe,1989, p.36). Mais selon Craig<br />

(1984, p.120) malgré cette hétérogénéité de la population <strong>au</strong> plan des origines, ce sont<br />

les Acadiens qui ont réussi à s’imposer:<br />

« Ceci n’empêcha pas l’apparition d’une culture locale bien spécifique, caractérisée par un<br />

fort sentiment <strong>au</strong> groupe acadien. Cette unité culturelle est en partie une conséquence du<br />

rôle joué par les rése<strong>au</strong>x de parenté dans la vallée. <strong>Le</strong>s rése<strong>au</strong>x de parenté les mieux<br />

développés et les plus étendus incluaient la plupart des familles d’origine acadienne. Dès<br />

1850, ces rése<strong>au</strong>x en majorité acadiens dominaient la vie politique et économique de la<br />

région.On peut <strong>au</strong>ssi suggérer sans trop de risque que les Acadiens imposèrent leur culture<br />

et leur vision du monde et du passé à leurs voisins, et excluèrent l’héritage canadien de la<br />

tradition orale.»<br />

Voilà pourquoi, tous les porteurs de noms canadiens s’identifient <strong>au</strong>x ancêtres<br />

acadiens. Selon Craig, l’importance des rése<strong>au</strong>x de parenté était très grande. <strong>Le</strong>s<br />

personnes qui n’appartenaient pas à ces rése<strong>au</strong>x, ou qui en étaient excluses, se<br />

retrouvaient marginalisées. Plusieurs durent émigrer. L’exclusion des margin<strong>au</strong>x <strong>au</strong>rait<br />

renforcé l’homogénéité culturelle de la Vallée. Dès le début, le Madawaska est donc<br />

une société stratifiée. L’élite est formée principalement des descendants des familles<br />

fondatrices et de leurs alliés par mariage. Elle domine la vie sociale, économique,<br />

culturelle ainsi que la politique locale.<br />

<strong>Le</strong>s conditions d’établissement<br />

<strong>Le</strong>s pionniers de Grande-Rivière s’établissent sans l’assistance d’<strong>au</strong>cun gouvernement.<br />

Ce n’est qu’en 1794, qu’ils obtiennent, du gouvernement du Nouve<strong>au</strong>-Brunswick, les<br />

titres lég<strong>au</strong>x des terres cédées en 1789. Malgré les conditions de vie difficiles et la<br />

disette de 1797, la nouvelle colonie progresse peu à peu (Lapointe,1989).<br />

Au début, le secteur agricole est axé sur l’<strong>au</strong>to-suffisance. Selon les saisons,<br />

l’agriculture et la coupe de bois sont les deux activités primaires des premiers colons de<br />

Grande-Rivière. Bientôt l’agriculture dépassera le stade de l’<strong>au</strong>toconsommation avec la<br />

création de sociétés agricoles. <strong>Le</strong>s cultures sont alors plus diversifiées. <strong>Le</strong>s fermes font<br />

l’exportation de leurs surplus de produits <strong>au</strong>x États-Unis ou sur le territoire canadien<br />

(Daigle,1993, p.224). Il reste que le développement économique de Grande-Rivière<br />

sera freiné pendant plusieurs décennies par de nombreux facteurs. En plus des<br />

conflits frontaliers, l’éloignement des centres, le manque de débouchés, l’absence de<br />

routes, les inondations et les disettes font qu’une économie primitive persiste. De <strong>fait</strong>,

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