Texte et photo : Christian Engeli Martina Smith
Texte et photo : Christian Engeli Martina Smith
Texte et photo : Christian Engeli Martina Smith
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
www.oseo.ch<br />
Le magazine de l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière OSEO • août 3/2007<br />
Pétition<br />
Augmenter l’aide<br />
au développement<br />
Suisse<br />
Formation<br />
en détention
2<br />
EDITORIAL<br />
Les résultats de notre travail sont visibles<br />
RUTH DAELLENBACH<br />
directrice de l’OSEO Chère lectrice, cher lecteur,<br />
Récemment, les critiques se sont faites nombreuses au suj<strong>et</strong> de l’aide au développement.<br />
On aurait beau envoyer chaque année plusieurs milliards de dollars en Afrique,<br />
celle-ci s’enfoncerait de plus en plus dans la pauvr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> la misère. Certains, notamment<br />
des journalistes de la Weltwoche <strong>et</strong> de la Neue Zürcher Zeitung, vont plus loin encore, accusant<br />
la coopération au développement d’être responsable de la misère en Afrique : les fonds<br />
accordés soutiendraient des régimes corrompus <strong>et</strong> empêcheraient les réformes indispensables.<br />
Notre œuvre d’entraide, qui est active dans ce domaine, est évidemment tenue de<br />
prendre position. Quels sont les résultats de notre travail ? Au Burkina Faso, nos programmes<br />
soutiennent la formation professionnelle de jeunes femmes. Au Mozambique, des<br />
femmes acquièrent les qualifications pour devenir cadres de leur organisation. En Afrique<br />
australe, nous soutenons les contacts <strong>et</strong> la solidarité entre ouvriers agricoles. Difficile de<br />
prétendre que ce ne sont pas des résultats concr<strong>et</strong>s. Les gens concernés ont ainsi acquis<br />
plus d’outils pour améliorer leur situation (voir page 8 <strong>et</strong> suivantes).<br />
C<strong>et</strong>te lutte contre la pauvr<strong>et</strong>é doit être déterminée. Les proj<strong>et</strong>s de l’OSEO sont insérés<br />
dans le contexte politique <strong>et</strong> social des pays où elle intervient. Les organisations féminines<br />
du Mozambique avec lesquelles nous travaillons envoient des représentantes dans les<br />
comités locaux de développement <strong>et</strong> jouent un rôle actif lorsqu’il s’agit d’élaborer un plan<br />
de développement <strong>et</strong> d’obtenir des fonds publics.<br />
Qu’on me perm<strong>et</strong>te de répondre aux personnes qui critiquent l’aide au développement :<br />
Notre tâche, ce n’est pas de développer l’Afrique. Notre tâche, à nous œuvre d’entraide,<br />
consiste à renforcer nos organisations partenaires <strong>et</strong> leur société civile. C’est la société civile<br />
qui doit proposer sa vision du développement <strong>et</strong> acquérir suffisamment d’influence économique<br />
<strong>et</strong> politique pour que les conditions soient créées d’une véritable lutte contre la<br />
pauvr<strong>et</strong>é.<br />
Ruth Daellenbach
SUISSE<br />
Parents en enfants apprennent en jouant 4<br />
LE DESSIN 6<br />
POINT DE VUE<br />
Ruth Genner: Sa vision de la justice sociale, économique<br />
<strong>et</strong> politique 7<br />
DOSSIER<br />
Comment l’OSEO peut-elle apporter une aide au<br />
développement efficace? 8<br />
DOSSIER<br />
La pétition «0,7% – ensemble contre la pauvr<strong>et</strong>é» 13<br />
PORTRAIT<br />
Une brocante pour la Bolivie 15<br />
ENTRETIEN<br />
Proj<strong>et</strong> pilote: formation en détention 16<br />
PARCOURS<br />
<strong>Martina</strong> <strong>Smith</strong>: ouvrière de la vigne<br />
en Afrique du Sud 18<br />
Page de couverture: visuel de la campgne «0,7% – ensemble contre la pauvr<strong>et</strong>é»<br />
Saatchi + Saatchi<br />
Impressum<br />
Editeur : Œuvre suisse d’entraide ouvrière,<br />
Quellenstrasse 31, 8031 Zurich,<br />
Tél. 021 601 21 61, e-mail : info@oseo.ch<br />
CP 10-14739-9 Lausanne. www.oseo.ch<br />
Rédaction : <strong>Christian</strong> <strong>Engeli</strong>, Angelo Ciampi,<br />
Rosanna Clarelli, Ruth Daellenbach, Hans Fröhlich,<br />
Cyrill Rogger, Frances Trezevant<br />
Layout: Atelier Binkert<br />
Traductions : Milena Hrdina, P<strong>et</strong>er Schrembs,<br />
Ursula Gaillard, Marianne Enckell<br />
Correction : Jeannine Horni, Marianne Enckell<br />
Impression <strong>et</strong> expédition : Unionsdruckerei AG,<br />
Platz 8, 8201 Schaffhouse<br />
Paraît quatre fois par an. Tirage 35 000 ex.<br />
Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation<br />
(membres individuels 50.– par an minimum,<br />
organisations 250.– minimum).<br />
Imprimé sur papier recyclé<br />
SUISSE Le cours d’intégration pour parents <strong>et</strong> enfants de l’OSEO<br />
Schaffhouse leur perm<strong>et</strong> d’avancer ensemble. P. 4<br />
DOSSIER Une aide au développement efficace – comment l’OSEO<br />
fixe ses priorités. P. 8<br />
Augmenter l’aide publique au développement – signez la pétition<br />
«ensemble contre la pauvr<strong>et</strong>é» ! P. 13<br />
PARCOURS Le vin d’Afrique du<br />
Sud est bon marché. Les conditions<br />
de travail des ouvrières de<br />
la vigne y contribuent. P. 18<br />
ENTRETIEN Mieux se<br />
réintégrer grâce à la<br />
formation: un proj<strong>et</strong><br />
pilote de l’OSEO<br />
Suisse centrale. P. 16<br />
3<br />
SOMMAIRE
4<br />
SUISSE<br />
Cours d’intégration pour parents<br />
<strong>et</strong> enfants<br />
Le cours d’intégration parents-enfants de l’OSEO Schaffhouse<br />
aide les parents à enrichir leurs compétences éducatives <strong>et</strong><br />
favorise les échanges sur l’éducation. <strong>Texte</strong> <strong>et</strong> <strong>photo</strong>s : Mike Weibel<br />
L’expérience sensorielle est importante. Rita Portmann (en bas à gauche) mène le jeu.
Incapable de se tenir tranquille sur sa chaise,<br />
le p<strong>et</strong>it Josef de 6 ans étend ses jambes<br />
jusque sur la table, où l’on prépare un<br />
gâteau. « Ôte tes pieds de là ! », demande<br />
Rita Portmann sur un ton décidé, tout en<br />
passant en revue la rec<strong>et</strong>te du gâteau avec la<br />
mère de l’enfant. « Travailler avec des<br />
enfants, ça va bien, avec un groupe de<br />
parents aussi, mais animer un groupe<br />
parents-enfants c’est plus difficile », estime<br />
l’animatrice. Car les enfants comprennent<br />
très vite qu’ils peuvent en tout temps se<br />
r<strong>et</strong>irer du groupe pour se réfugier auprès de<br />
leur mère.<br />
«Cela m’aide de pouvoir<br />
parler d’éducation avec<br />
d’autres parents»<br />
Rita Portmann gère ce genre de situations<br />
avec sérénité. En tant qu’éducatrice de la<br />
p<strong>et</strong>ite enfance, elle possède une bonne<br />
expérience de l’animation de groupes de<br />
jeux <strong>et</strong>, en tant que mère de trois enfants,<br />
elle connaît aussi l’autre aspect des relations.<br />
Privilégier la pratique<br />
Une après-midi par semaine, le cours d’intégration<br />
parents-enfants (Elki, Eltern-<br />
Kind-Integrationskurs) de l’OSEO Schaffhouse<br />
constitue un lieu d’échange sur les<br />
problèmes ayant trait à l’éducation, où les<br />
parents peuvent aussi enrichir leurs compétences<br />
dans ce domaine. Il est destiné aux<br />
migrants <strong>et</strong> aux migrantes, ainsi qu’à d’autres<br />
intéressés, ayant des enfants en âge<br />
préscolaire. « Pendant les cours d’allemand<br />
<strong>et</strong> d’information sociale, on s’est rendu<br />
compte qu’il ne suffit pas de parler d’éducation,<br />
explique Lydia Forster, responsable<br />
des cours à l’OSEO Schaffhouse. Il faut<br />
aussi du concr<strong>et</strong> <strong>et</strong> des exercices pratiques,<br />
pour que les parents stimulent les capacités<br />
de leurs enfants, ne serait-ce que pour tenir<br />
correctement une paire de ciseaux. Il s’agit<br />
aussi de découvrir tous les jeux que peut,<br />
par exemple, nous offrir la forêt. »<br />
Mis sur pied en 2005, le cours a jusqu’ici<br />
obtenu des résultats positifs. L’évaluation<br />
conclut qu’il faut certes un peu de temps<br />
pour démonter les préjugés <strong>et</strong> établir un<br />
rapport de confiance, mais que les parents<br />
<strong>et</strong> les enfants tirent ensuite un grand bénéfice<br />
du cours. Lydia Forster se rappelle une<br />
expérience lorsqu’elle animait elle-même le<br />
cours : Bella, une p<strong>et</strong>ite fille africaine de 2<br />
ans, s’obstinait à garder ses pieds en l’air<br />
après qu’elle lui avait enlevé chaussures <strong>et</strong><br />
chauss<strong>et</strong>tes : elle avait peur de courir pieds<br />
nus dans le pré. Il a fallu plus d’une heure<br />
pour convaincre la mère <strong>et</strong> l’enfant qu’il<br />
n’est ni honteux ni dangereux<br />
de se promener pieds nus,<br />
mais que c’est au contraire<br />
enrichissant pour les enfants.<br />
Eveiller les sens<br />
« Il faut beaucoup de tact »,<br />
résume la collaboratrice de<br />
l’OSEO, car nombre de parents se sentent<br />
désécurisés dans ce milieu étranger, à mille<br />
lieues de leur environnement familier. Pour<br />
commencer, il faut les m<strong>et</strong>tre en confiance<br />
<strong>et</strong> leur montrer comment favoriser le développement<br />
de leur enfant, surtout en prévision<br />
de la scolarisation. Le cours Elki vise<br />
en eff<strong>et</strong> aussi à faciliter l’entrée des enfants<br />
dans le système éducatif suisse : les aider à<br />
apprendre la langue, mais aussi éveiller<br />
leurs sens à leur nouvel environnement,<br />
par exemple en jouant avec l’eau ou en se<br />
promenant en forêt.<br />
A présent, Rita Portmann fait déguster<br />
tous les ingrédients du gâteau. Achmed Ali,<br />
curieux, tend son index vers la coupe de sel,<br />
goûte <strong>et</strong> fait la grimace. Il a pu se rendre<br />
compte ce que salé veut dire. L’animatrice<br />
utilise le jeu <strong>et</strong> les sens pour transm<strong>et</strong>tre des<br />
notions de base, <strong>et</strong> montre ainsi aux<br />
parents comment préserver <strong>et</strong> enrichir le<br />
vocabulaire de leurs enfants.<br />
Tisser des amitiés<br />
Pendant le cours, la maman d’Achmed Ali<br />
s’est liée d’amitié avec celle de Josef, qui<br />
suit le cours depuis qu’il existe. « J’aime<br />
bien venir au cours. Je peux améliorer mon<br />
allemand <strong>et</strong> mes enfants ont beaucoup<br />
appris ici. Cela m’aide aussi de pouvoir<br />
parler d’éducation », déclare c<strong>et</strong>te femme<br />
d’origine irakienne.<br />
Une fois les gâteaux au four, l’animatrice<br />
envoie les enfants à la garderie, un étage<br />
plus bas. Le moment est venu pour les<br />
parents d’exprimer leurs préoccupations <strong>et</strong><br />
leurs besoins, <strong>et</strong> de recevoir des conseils<br />
pratiques pour l’éducation au quotidien. Si<br />
c’est certes l’élément central du cours,<br />
celui-ci sert toutefois aussi de lieu de rencontre<br />
pour nombre de parents. Et pas seulement<br />
pour les mères, puisque quelques<br />
pères se sont aussi inscrits. Par ce cours, les<br />
responsables ne contribuent pas seulement<br />
à la formation des parents <strong>et</strong> au développement<br />
de la p<strong>et</strong>ite enfance, mais aussi à promouvoir<br />
l’égalité des chances.<br />
Infos : www.sah-sh.ch<br />
5<br />
SUISSE
6<br />
QUOI DE NEUF ?<br />
Merci pour vos dons<br />
C<strong>et</strong>te année, notre campagne annuelle a mis l’accent sur les conditions de travail<br />
inhumaines qui règnent dans les plantations de café au Nicaragua, <strong>et</strong> le résultat<br />
de la collecte est des plus réjouissants : à fin juin, nous avions réuni plus de<br />
242 000 francs <strong>et</strong> tenons à remercier du fond du cœur toutes les donatrices<br />
<strong>et</strong> tous les donateurs. Le syndicat des ouvriers agricoles défend les droits des travailleurs<br />
de la terre. Ces cinq dernières années, ses dix centres de consultation ont<br />
eu gain de cause dans près de 7000 litiges <strong>et</strong> ont ainsi pu améliorer la situation<br />
de quelque 76 000 personnes.<br />
Hansp<strong>et</strong>er Wyss : Sa mère rêvait qu’il devienne peintre, son père employé de<br />
banque. Leur fils, né à Thoune en 1937, est finalement devenu l’un des dessinateurs<br />
de presse les plus reconnus. Hansp<strong>et</strong>er Wyss illustrera les prochains<br />
numéros de Solidarité.<br />
« Le juste prix? » –<br />
concours<br />
Tout a un prix. L’équité n’est pas gratuite<br />
non plus. C’est pourquoi l’OSEO<br />
s’engage en faveur de conditions<br />
de travail décentes. Notre concours sur<br />
Intern<strong>et</strong> offre une approche ludique<br />
du problème des conditions de travail :<br />
Participez-y <strong>et</strong> gagnez de beaux prix !<br />
www.sah.ch/w<strong>et</strong>tbewerb<br />
Conseils<br />
pour immigrants<br />
L’OSEO de Zurich a mis sur pied un nouveau<br />
service d’information sur les problèmes<br />
juridiques de l’intégration <strong>et</strong> de<br />
la migration : MirSAH, dont les activités<br />
ont débuté le 19 juin 2007. Tous les<br />
mardis <strong>et</strong> mercredis, Käthi Hermann propose<br />
sur rendez-vous une consultation<br />
juridique dans des domaines tels que<br />
le séjour en Suisse, le travail, le regroupement<br />
familial, <strong>et</strong>c.<br />
Les gens doivent connaître leur situation<br />
juridique pour se sentir en sécurité,<br />
être en mesure de s’intégrer <strong>et</strong> prendre<br />
leur destin en mains. De plus, pour prendre<br />
des décisions (souvent cruciales),<br />
les migrants <strong>et</strong> les migrantes doivent<br />
pouvoir accéder rapidement à des informations<br />
juridiques aussi fiables que<br />
complètes. Marc Spescha, avocat <strong>et</strong><br />
membre du comité de l’OSEO Zurich,<br />
constate qu’une consultation juridique à<br />
bas seuil <strong>et</strong> bon marché en matière de<br />
migration <strong>et</strong> d’intégration faisait défaut<br />
en ville de Zurich <strong>et</strong> dans le canton, ou<br />
alors que les services existants étaient<br />
surchargés. De plus, nombre d’usagers<br />
potentiels ne sont pas en mesure de<br />
payer les honoraires d’un avocat. C’est<br />
pour combler c<strong>et</strong>te lacune que l’OSEO<br />
Zurich a créé MirSAH.
Pourquoi la Suisse doit-elle soutenir<br />
la coopération au développement ?<br />
Tout le monde a le droit de vivre dignement <strong>et</strong> en paix dans<br />
un environnement de qualité. Pour atteindre c<strong>et</strong> objectif, nous<br />
devons nous engager pour une gestion respectueuse des<br />
ressources naturelles ainsi que pour la justice sociale, économique<br />
<strong>et</strong> politique. <strong>Texte</strong> : Ruth Genner<br />
RUTH GENNER<br />
Conseillère nationale Les Verts<br />
Quand on travaille au Parlement, on voit<br />
bien que Conseil fédéral rechigne à dégager<br />
des crédits pour la coopération. On<br />
dirait qu’il doit sacrifier sa dernière chemise<br />
lorsqu’il s’agit d’approuver une augmentation<br />
du budg<strong>et</strong> de l’aide au développement.<br />
Le conseiller fédéral Samuel Schmid,<br />
alors président de la Confédération, a<br />
pourtant affirmé en 2005 devant l’assemblée<br />
plénière de l’ONU que la Suisse augmenterait<br />
sa contribution au développement<br />
pour atteindre les Objectifs du<br />
Millénaire. Il ne voulait sans doute pas se<br />
faire remarquer, ce jour-là, à New York.<br />
Qu’aurait-il bien pu dire d’autre, dès lors<br />
que les autres chefs d’Etat européens venaient<br />
d’approuver une augmentation non<br />
négligeable des deniers publics dévolus à la<br />
lutte contre la pauvr<strong>et</strong>é ?<br />
La mauvaise conscience<br />
Deux ans plus tard, la Suisse se r<strong>et</strong>rouve en<br />
queue de peloton dans la lutte contre la<br />
pauvr<strong>et</strong>é, alors que nos instituts bancaires<br />
n’ont jamais abrité autant d’argent. C’est<br />
désastreux pour l’image extérieure du pays<br />
<strong>et</strong> cela pèse sur la conscience de ses citoyennes<br />
<strong>et</strong> citoyens.<br />
En tant que parlementaire, il est de mon<br />
devoir de rappeler notre gouvernement –<br />
avec d’autres de mes collègues – au respect<br />
de ses engagements. Le Conseil fédéral ne<br />
peut pas se contenter de prélever des<br />
impôts sur des fortunes réfugiées en Suisse,<br />
il doit aussi veiller à ce qu’une proportion<br />
de c<strong>et</strong> argent soit restituée aux plus pauvres<br />
de la planète. Lui aussi doit s’engager pour<br />
m<strong>et</strong>tre fin à c<strong>et</strong>te injustice criante que constitue<br />
la faim dans le monde, car les pays<br />
riches ont une part de responsabilité dans la<br />
misère <strong>et</strong> l’absence de perspective des plus<br />
pauvres.<br />
Pour m<strong>et</strong>tre fin au scandale de la pauvr<strong>et</strong>é,<br />
il faut des moyens financiers <strong>et</strong> une stratégie.<br />
La stratégie existe : des instruments<br />
ont été mis en place pour atteindre les<br />
Objectifs du Millénaire, les plans <strong>et</strong> les<br />
mesures sont connus. Il est grand temps de<br />
les appliquer. C’est pour c<strong>et</strong>te raison que je<br />
soutiens la campagne « 0.7% – ensemble<br />
contre la pauvr<strong>et</strong>é ».<br />
Faire preuve de sérieux dans les<br />
mesures de protection du climat<br />
Mais la Suisse doit aussi tenir compte des<br />
eff<strong>et</strong>s du réchauffement climatique sur les<br />
pays pauvres, dans sa politique en faveur<br />
du climat. Ce n’est pas à ceux qui vivent le<br />
plus modestement de supporter les conséquences<br />
d’un changement climatique<br />
auquel ils ne peuvent rien. Pourtant les<br />
contrées les plus pauvres sont particulièrement<br />
touchées par les tempêtes, les inondations<br />
ou les sécheresses. Les catastrophes<br />
frappent plus souvent <strong>et</strong> font le plus de<br />
dégâts là où les bases de l’existence sont<br />
déjà menacées. Raison de plus pour<br />
accroître notre aide au développement <strong>et</strong><br />
modifier nos habitudes durablement.<br />
7<br />
POINT DE VUE
8<br />
DOSSIER<br />
Une assemblée communale au Mozambique: si les habitants participent aux décisions, on réduit le gaspillage <strong>et</strong> la corruption.<br />
(Photo: Joachim Merz)<br />
Les priorités de l’OSEO dans<br />
la lutte contre la pauvr<strong>et</strong>é<br />
Comment l’OSEO utilise-t-elle ses ressources? Comment<br />
obtient-elle des résultats durables? Où fixer les priorités?<br />
<strong>Texte</strong> : <strong>Christian</strong> <strong>Engeli</strong><br />
La stratégie de l’OSEO répond clairement<br />
à ces questions. Pour utiliser au mieux les<br />
ressources dont elle dispose, l’OSEO a<br />
défini trois priorités pour son travail, des<br />
domaines où elle a acquis de sérieuses compétences<br />
au cours des années.<br />
1. Travail <strong>et</strong> développement –<br />
un travail digne est l’outil essentiel<br />
pour en finir avec la pauvr<strong>et</strong>é.<br />
Des millions de gens gagnent trop peu<br />
pour vivre, bien qu’ils aient un emploi.<br />
Selon les estimations du BIT, la moitié des<br />
travailleurs dans le monde vivent dans la<br />
pauvr<strong>et</strong>é, soit avec moins de deux dollars<br />
par jour. La pression exercée par une mondialisation<br />
mal organisée réduit de plus en<br />
plus de gens à travailler dans l’économie<br />
informelle. Ils n’ont pas de contrat de travail,<br />
ne jouissent d’aucune protection contre<br />
l’exploitation. Dans c<strong>et</strong>te situation de<br />
misère, ils ne peuvent se défendre si leurs<br />
salaires sont trop bas ou leurs conditions de<br />
travail insalubres.<br />
Pour sortir de c<strong>et</strong>te situation, une seule<br />
voie : un travail digne pour chacun. Le<br />
développement durable est possible lorsque<br />
les familles peuvent s’en sortir grâce à<br />
leur travail <strong>et</strong> se rendre indépendantes de<br />
l’aide. C’est dans ce sens que vont les proj<strong>et</strong>s<br />
de l’OSEO.<br />
2. Démocratie <strong>et</strong> participation –<br />
le changement ne sera durable<br />
que si les gens peuvent décider<br />
eux-mêmes de leur avenir.<br />
Beaucoup de pays en développement<br />
ont lancé dans les années 1990 des processus<br />
de décentralisation. Les compétences<br />
de décision <strong>et</strong> les moyens financiers ont été<br />
transférés des gouvernements centraux aux<br />
autorités locales. Ces réformes avaient pour
Enfants d’une famille paysanne au Salvador. L’OSEO aide les paysans à faire valoir leur droit à un lopin de terre. (Photo: Urs Höltschi)<br />
but la modernisation de structures obsolètes<br />
<strong>et</strong> de meilleures conditions de développement.<br />
La population obtient ainsi une possibilité<br />
de co-décision – sur le papier. La volonté<br />
politique ne suffit en eff<strong>et</strong> pas. Pour que<br />
la participation soit possible, les citoyens<br />
doivent connaître pratiquement leurs<br />
droits <strong>et</strong> pouvoir les revendiquer.<br />
L’OSEO soutient des organisations locales<br />
de la société civile (des associations<br />
paysannes ou indigènes, par exemple) pour<br />
qu’elles puissent faire valoir leurs intérêts.<br />
Elles apprennent à contrôler les budg<strong>et</strong>s<br />
communaux <strong>et</strong> à vérifier les dépenses.<br />
L’OSEO offre en même temps aux pouvoirs<br />
publics locaux des formations <strong>et</strong> des<br />
conseils.<br />
* Sur notre site intern<strong>et</strong>, www.oseo.ch, vous trouvez tous<br />
nos thèmes de travail dans le chapitre “Qui est l’OSEO?”<br />
Entre autres : terre <strong>et</strong> paix au Salvador<br />
En 1992, la guerre civile se terminait au Salvador, avec un accord de paix qui prévoyait<br />
entre autres la distribution des terres aux populations vivant dans les régions en<br />
guerre. Le programme de l’OSEO Paz y Tierra (Paix <strong>et</strong> terre) a débuté à la fin des années<br />
1990, étant donné que les conditions de l’accord n’étaient quasiment pas réalisées dans<br />
les régions à la frontière du Honduras.<br />
La bataille de l’eau calmée<br />
Grâce à la coopération entre l’OSEO, les pouvoirs publics <strong>et</strong> les associations locales,<br />
nombre de conflits ont pu être réglés <strong>et</strong> des centaines de familles se sont vu reconnaître<br />
leurs droits. Une solution pacifique a par exemple pu être trouvée dans un conflit concernant<br />
l’eau <strong>et</strong> touchant les communes de Quipure au Salvador <strong>et</strong> La Virtud au Honduras.<br />
Une fois la frontière tracée par la Cour internationale de La Haye, Quipure avait été coupée<br />
de son approvisionnement en eau, qui se trouvait soudain sur territoire hondurien.<br />
L’OSEO a aidé la population à faire valoir ses droits à la source auprès des instances compétentes<br />
au Salvador <strong>et</strong> au Honduras. Aujourd’hui les habitants ont de l’eau pour leurs<br />
champs <strong>et</strong> leurs besoins en eau potable. Une p<strong>et</strong>ite contribution, mais essentielle à garantir<br />
la paix dans la région.<br />
9<br />
DOSSIER
10<br />
DOSSIER<br />
La participation est une démarche efficace.<br />
Elle perm<strong>et</strong> d’empêcher la corruption <strong>et</strong> le<br />
népotisme. L’argent est investi là où il est le<br />
plus nécessaire.<br />
3. Développement rural – la plupart<br />
des pauvres vivent à la campagne<br />
La plupart des gens qui vivent dans une<br />
extrême pauvr<strong>et</strong>é sont des paysans. Le travail<br />
de l’OSEO se concentre donc souvent<br />
dans les régions rurales.<br />
Pour beaucoup de paysans, une question<br />
centrale tient à la garantie juridique de possession<br />
de leurs terres. Si l’on est sûr de<br />
pouvoir investir pour l’avenir sur son propre<br />
terrain, on s’engagera avec plus de force<br />
pour l’utilisation durable des ressources <strong>et</strong><br />
l’amélioration des conditions de vie que si<br />
l’on craint de voir quitter les lieux du jour<br />
au lendemain. Une répartition équitable<br />
des terres prévient les conflits. L’OSEO<br />
apporte son aide aux paysans <strong>et</strong> paysannes<br />
pour qu’ils puissent faire valoir leurs droits<br />
sur leurs terres.<br />
L’OSEO offre des microcrédits, des conseils<br />
<strong>et</strong> des formations pour que les familles<br />
paysannes trouvent de nouvelles sources de<br />
revenus, <strong>et</strong> elle favorise une agriculture écologique<br />
durable.<br />
A gauche: une employée bolivienne fait les<br />
achats au marché. Les domestiques vivent<br />
souvent très isolées <strong>et</strong> n’arrivent pas à<br />
défendre leurs droits.<br />
(Photo: Charly Urquizo)<br />
A droite: La solidarité à l’œuvre! Grâce à<br />
un proj<strong>et</strong> de l’OSEO, des jeunes filles du<br />
Burkina Faso peuvent apprendre un<br />
métier. Coiffeuse, par exemple.<br />
(Photo: Jürg Gasser)<br />
Des droits pour les domestiques en Bolivie<br />
En Bolivie, quelque 135 000 femmes gagnent leur vie comme employées de maison<br />
pour des familles à revenu moyen ou supérieur. Elles n’ont quasiment aucune protection<br />
légale, ni horaires de travail ni jours de congé, <strong>et</strong> leur salaire est arbitrairement fixé par<br />
le patron. Ces femmes n’ont ni le temps ni les moyens financiers de se défendre contre l’exploitation<br />
<strong>et</strong> ne savent pas comment les syndicats pourraient les soutenir.<br />
Priorité à l’information<br />
L’OSEO s’oppose à ces conditions de travail indignes, <strong>et</strong> travaille à les améliorer avec les<br />
organisations locales. Elle soutient le développement de syndicats régionaux d’employés<br />
de maison en offrant des séminaires de formation <strong>et</strong> des outils d’information (brochures,<br />
émissions de radio, <strong>et</strong>c.). Ces syndicats sont indispensables pour faire respecter les droits<br />
du travail tels récemment ancrés dans la loi bolivienne. Grâce à un travail d’information, le<br />
public bolivien est aussi mieux au courant de la situation difficile de ces femmes.<br />
Participation populaire au Mozambique<br />
Le Mozambique est l’un des pays les plus pauvres du monde, où 54 % de la population<br />
vit au-dessous du seuil de pauvr<strong>et</strong>é. La situation est particulièrement grave à la campagne,<br />
où on manque de tout dans les villages. Voilà pourquoi l’OSEO <strong>et</strong> ses organisations<br />
partenaires travaillent dans les communes rurales pour soutenir des processus démocratiques.<br />
La population collabore activement à décider dans quels proj<strong>et</strong>s investir les fonds publics.<br />
Des comités locaux analysent les problèmes des communes, en discutent <strong>et</strong> proposent<br />
des mesures concrètes pour améliorer la situation. Il peut s’agir d’ouvrir une nouvelle école,<br />
un dispensaire, un puits. Nous voulons améliorer la participation de la population <strong>et</strong> la coordination<br />
avec les autorités. Ce n’est que de c<strong>et</strong>te manière que les besoins réels des habitants<br />
seront pris en compte <strong>et</strong> que l’on pourra lutter sérieusement contre la pauvr<strong>et</strong>é.
12<br />
DOSSIER<br />
Une apprentie mécanicienne au Burkina Faso. (Photo: <strong>Martina</strong> Bavier)<br />
Trois principes régissent<br />
notre travail<br />
● La promotion des droits humains est<br />
une exigence centrale de tous nos programmes.<br />
Nous voulons notamment améliorer<br />
Des opportunités pour<br />
les jeunes filles au Burkina Faso<br />
la place des femmes, promouvoir leurs<br />
droits <strong>et</strong> leur participation à la vie publique.<br />
● Pour que notre travail produise des<br />
eff<strong>et</strong>s à long terme, nous travaillons en<br />
L’OSEO offre à des jeunes filles n’ayant pas terminé leur scolarité diverses possibilités<br />
de suivre une formation professionnelle de base. Bien des femmes qui ont dû quitter<br />
l’école ou n’y sont jamais allées vivent dans des conditions difficiles. Elles ne savent<br />
souvent ni lire ni écrire <strong>et</strong> ont peu de chances de trouver un travail. Des connaissances élémentaires<br />
d’hygiène, de puériculture, de prévention du sida leur font aussi défaut <strong>et</strong> elles<br />
ne connaissent pas leurs droits. Elles risquent ainsi d’être abusées ou manipulées.<br />
Le programme de formation de notre partenaire, l’Association Femmes Éducatrices <strong>et</strong><br />
Développement, perm<strong>et</strong> à de jeunes femmes d’apprendre un métier qui leur perm<strong>et</strong>te<br />
d’être indépendantes. Au cours de la formation – électricienne, coiffeuse, couturière ou<br />
fabricante de cosmétiques –, elles peuvent aussi apprendre à lire <strong>et</strong> à écrire.<br />
La formation dure un an, après quoi l’OSEO peut aider celles qui le souhaitent à trouver une<br />
place d’apprentissage. La plupart d’entre elles travaillent dans des salons de coiffure ou<br />
des ateliers de couture. Certaines ont aussi pu faire un apprentissage d’électricienne, ou<br />
dans un métier artisanal, dans le bâtiment, devenir employées de bureau ou esthéticiennes.<br />
réseau avec des organisations locales. Nos<br />
partenaires sont des gens engagés dans les<br />
syndicats <strong>et</strong> les mouvements sociaux.<br />
● Nous voulons promouvoir la paix <strong>et</strong><br />
prévenir la violence. Nous veillons à ce que<br />
nos programmes contribuent à atténuer<br />
des conflits existants.<br />
Un engagement politique en<br />
Suisse<br />
La coopération au développement à elle<br />
seule ne résout pas tous les problèmes. Les<br />
causes de la pauvr<strong>et</strong>é résident souvent dans<br />
des injustices politiques <strong>et</strong> économiques.<br />
C’est pourquoi l’OSEO s’engage aussi politiquement<br />
en Suisse. Par exemple au travers<br />
de la pétition « 0,7 % – ensemble contre la<br />
pauvr<strong>et</strong>é » (voir l’article qui suit).<br />
Merci de partager notre engagement.
Match contre<br />
la pauvr<strong>et</strong>é : 3 à 1 à la mi-temps<br />
Plus de 60 organisations, dont l’OSEO, demandent que la Suisse<br />
s’engage davantage contre la pauvr<strong>et</strong>é dans le monde. L’aide<br />
publique au développement doit pour cela s’élever progressivement<br />
à 0,7 % du produit national brut d’ici 2015.<br />
(Saatchi + Saatchi)<br />
En 2000, les gouvernements du monde<br />
entier se sont fixés pour objectif de réduire<br />
de moitié la pauvr<strong>et</strong>é dans le monde d’ici<br />
2015. Ils ont adopté à l’unanimité le texte<br />
des Objectifs du Millénaire de l’ONU, qui<br />
fixe des étapes du développement. Pour<br />
mesurer les résultats, ils ont défini des indicateurs<br />
concr<strong>et</strong>s.<br />
Le 7. 7. 2007 marque la mi-temps de ce<br />
programme. Et le résultat intermédiaire,<br />
c’est 3 à 1 en faveur de la pauvr<strong>et</strong>é. On peut<br />
constater certains progrès : la scolarisation<br />
des enfants a n<strong>et</strong>tement progressé depuis<br />
2000 ; en Afrique, un plus grand nombre<br />
de malades du sida ont accès aux médica-<br />
ments ; <strong>et</strong> le nombre<br />
d’êtres humains vivant<br />
dans une extrême<br />
pauvr<strong>et</strong>é (moins d’un<br />
dollar par jour) a diminué.<br />
Mais si l’on y regarde<br />
de plus près, on<br />
constate de grosses différences<br />
selon les régions.<br />
En Chine <strong>et</strong> en<br />
Inde, beaucoup de personnes<br />
ont vu leur<br />
situation s’améliorer,<br />
tandis qu’elle a empiré<br />
pour les habitants<br />
d’Afrique noire.<br />
Qu’attend la<br />
Suisse ?<br />
Dans un match de<br />
football, si une équipe perd à la mi-temps,<br />
l’entraîneur doit réagir. Il adapte la tactique,<br />
motive les joueurs. Il en va de même<br />
pour les objectifs du millénaire : il faudra<br />
faire de gros efforts dans la deuxième mitemps.<br />
Et contrairement au foot, la lutte<br />
contre la pauvr<strong>et</strong>é n’est pas un jeu. Chaque<br />
jour, des dizaines de milliers d’êtres<br />
humains meurent de faim ou de maladies<br />
liées à la pauvr<strong>et</strong>é.<br />
Tous les bilans intermédiaires, qu’ils<br />
soient établis par l’ONU, la Banque mondiale<br />
ou d’autres, vont dans le même sens.<br />
Les Objectifs du Millénaire ne seront<br />
atteints que si tous les pays se m<strong>et</strong>tent<br />
sérieusement à la tâche. Les pays industria-<br />
lisés devraient enfin satisfaire la revendication,<br />
vieille de trente ans, de consacrer à<br />
l’aide au développement 0,7 pour-cent de<br />
leur produit national brut.<br />
Les quinze anciens membres de l’Union<br />
européenne ont pris c<strong>et</strong> engagement au<br />
sérieux ; leurs budg<strong>et</strong>s de coopération au<br />
développement passeront d’ici 2010 à<br />
0,56 %, d’ici 2015 à 0,7 %. En revanche,<br />
le Conseil fédéral suisse aligne les contradictions.<br />
Il y a deux ans, il prom<strong>et</strong>tait à<br />
l’ONU d’augmenter ce budg<strong>et</strong>. Mais selon<br />
les décisions financières prises, le budg<strong>et</strong><br />
baissera d’ici 2015 à 0,375 pour-cent.<br />
C’est encore moins qu’en 2006, année où<br />
la Suisse consacrait 0,39 % de son PNB à<br />
l’aide au développement.<br />
Lancement d’une pétition<br />
Pour beaucoup d’habitants de ce pays, il est<br />
incompréhensible que la Suisse, un des<br />
pays les plus riches du monde, lésine autant<br />
sur l’aide au développement. C’est pourquoi<br />
une soixantaine d’organisations ont<br />
lancé la campagne « 0.7 % – ensemble<br />
contre la pauvr<strong>et</strong>é ». Au moyen d’une<br />
pétition, elles demandent que le budg<strong>et</strong> de<br />
l’aide au développement soit augmenté à<br />
0,7 % du PNB jusqu’en 2015.<br />
L’OSEO est partie prenante de c<strong>et</strong>te<br />
campagne. Nous vous remercions de signer<br />
la pétition en utilisant le formulaire cijoint,<br />
ou sur intern<strong>et</strong>.<br />
www.ensemblecontrelapauvr<strong>et</strong>e.ch<br />
13<br />
DOSSIER
14<br />
QUOI DE NEUF ?<br />
Des voix sorties du silence<br />
En 2003, l’OSEO Tessin a lancé un proj<strong>et</strong> biographique avec des migrantes.<br />
Vingt femmes se sont r<strong>et</strong>rouvées régulièrement pour évoquer leurs origines, parler<br />
de leur vie en Suisse, discuter de la nostalgie du pays <strong>et</strong> de du déracinement.<br />
Le proj<strong>et</strong> a débouché sur un journal biographique qui reprend les récits des<br />
migrantes. Sur un CD audio, intitulé Voci dal silenzio, ces femmes racontent leur<br />
parcours en 28 chansons de 11 pays <strong>et</strong> essaient de rendre l’ambiance des<br />
grands moments de leur vie. Le CD peut être obtenu à l’adresse : info@sos-ti.ch<br />
(jusqu’à épuisement du stock).<br />
6 e course contre le racisme<br />
Depuis un certain temps, le racisme gagne du terrain<br />
partout en Europe, aussi bien en politique qu’au<br />
sein de la société. Des pays qui appliquaient naguère<br />
une politique libérale à l’égard des étrangers ont<br />
introduit des restrictions sévères, <strong>et</strong> la Suisse compte<br />
parmi eux. En organisant sa désormais traditionnelle<br />
course contre le racisme, l’OSEO Zurich donne l’occasion<br />
aux sportifs <strong>et</strong> aux personnes à l’esprit ouvert<br />
de la région zurichoise de s’opposer à la marginalisation <strong>et</strong> à la criminalisation de<br />
leurs concitoyens étrangers. La course aura lieu le 2 septembre au centre Bäckeranlage<br />
à Zurich. Informations <strong>et</strong> inscriptions : Union syndicale de la ville de<br />
Zurich, GBZ, Lauf gegen Rassismus, case postale, 8026 Zurich, Heinz Gabathuler,<br />
tél. 044 241 97 92, courriel : info@gbz.ch<br />
Thoune :<br />
nouvelle adresse<br />
pour les bouquins<br />
A fin août, les stocks de livres de seconde<br />
main quitteront la bouquinerie Perp<strong>et</strong>uum<br />
Mobile, à la Scheibenstrasse 3,<br />
à Thoune, pour rejoindre un nouveau<br />
local sis tout à côté du siège de l’OSEO<br />
Berne à Thoune, à la Seestrasse 20.<br />
Des ventes directes à des prix imbattables<br />
sont d’ailleurs prévues.<br />
Aujourd’hui déjà, les personnes qui<br />
passent devant les locaux de l’OSEO<br />
Berne à Thoune, au 20 de la Seestrasse,<br />
peuvent ach<strong>et</strong>er des livres à des prix<br />
défiant toute concurrence. Les caiss<strong>et</strong>tes<br />
contiennent de récents succès de librairie,<br />
mais aussi des classiques <strong>et</strong> des<br />
polars passionnants, les récits de Karl<br />
May <strong>et</strong> des romans d’espionnage. En<br />
passant à la Seestrasse, il vaut la peine<br />
de j<strong>et</strong>er un œil aux présentoirs, placés<br />
devant la grille du jardin par beau<br />
temps.<br />
Il est aussi possible de se rendre sur le<br />
site intern<strong>et</strong> de Perp<strong>et</strong>uum Mobile<br />
(www.buchantiquariat-thun.ch) ou de<br />
faire un détour au magasin principal, sis<br />
au 36 de l’Obere Hauptgasse à Thoune.<br />
Les amoureux des livres pourront y<br />
chiner à l’aise dans une ambiance détendue,<br />
tandis que le personnel se tient<br />
prêt à leur répondre ou à les aider à<br />
trouver l’obj<strong>et</strong> rare.<br />
Vevey roule !<br />
Le Semestre de motivation de l’OSEO Vevey participe à une initiative plaisante.<br />
Les jeunes participants (de 15 à 25 ans) en recherche d’une place d’apprentissage<br />
ont déjà récupéré <strong>et</strong> remis en état une trentaine de vélos qui sont gratuitement<br />
mis à la disposition du public jusqu’en automne. L’objectif de ce travail en atelier<br />
est de perm<strong>et</strong>tre aux jeunes de comprendre les bases la mécanique <strong>et</strong> de développer<br />
leur sens pratique. Si vous avez un vieux vélo qui vous encombre, n’hésitez<br />
pas à contacter l’OSEO Vaud au 021 925 49 24, qui viendra le chercher à votre<br />
domicile. Le service de prêt de vélos est ouvert tous les jours à l’Esplanade Saint-<br />
Antoine à Vevey. www.veveyroule.ch
Un marché aux puces solidaire<br />
Rolf <strong>et</strong> Franziska Stuber organisent tous les six mois un marché<br />
aux puces sur la rive dorée du lac de Zurich. La moitié de la dernière<br />
rec<strong>et</strong>te a été versée à l’OSEO pour ses activités en Bolivie.<br />
<strong>Texte</strong> <strong>et</strong> <strong>photo</strong> : Mike Weibel<br />
ROLF & FRANZISKA STUBER<br />
Des caisses de brocante pour un proj<strong>et</strong><br />
généreux<br />
Rolf Stuber se souvient avec plaisir de la<br />
journée du 14 avril : « Il faisait très beau, il<br />
y avait foule, nous avons récolté<br />
2400 francs. » Ce sixième marché aux<br />
puces mis sur pied par la coopérative d’habitation<br />
de Klingenhalde, à Männedorf<br />
(ZH), fut un vraie fête. « On y a servi du<br />
chili con carne au son du groupe Latina<br />
Imagen. Monter un bastringue, juste pour<br />
récolter de l’argent ne m’intéresse pas, j’aime<br />
bien établir un contact entre les donateurs<br />
<strong>et</strong> des ressortissants de la région bénéficiaire<br />
», explique Rolf Stuber.<br />
Ce marché aux puces a été lancé après le<br />
tsunami. Depuis, c’est devenu une véritable<br />
institution. Le 26 décembre 2004, alors<br />
que le raz-de-marée dévastait les côtes de<br />
l’Océan indien, Rolf <strong>et</strong> Franziska Stuber-<br />
Lichtin ont eu envie de bouger. En moins<br />
de deux semaines, le couple avait constitué<br />
une équipe, récolté des caisses entières<br />
d’obj<strong>et</strong>s insolites <strong>et</strong> usagés, réalisé une affiche<br />
<strong>et</strong> un dépliant pour inviter les gens à<br />
leur marché aux puces. Les Stuber ne savaient<br />
plus où donner de la tête. La salle de<br />
la coopérative était pleine à craquer, les<br />
gens faisaient la queue à la cafétéria. Franziska<br />
se souvient d’un vieux monsieur qui a<br />
laissé un bill<strong>et</strong> de 200<br />
francs pour un café <strong>et</strong> un<br />
morceau de gâteau. Le<br />
lendemain, l’employeur<br />
d’un des membres du<br />
collectif a doublé la<br />
rec<strong>et</strong>te de la manifestation,<br />
si bien qu’ils ont pu verser 8000<br />
francs à la Chaîne du Bonheur.<br />
Le succès de ce premier marché aux<br />
puces, qu’un enfant du quartier a baptisé<br />
Flokli (diminutif de Flohmarkt Klingenhalde),<br />
leur a donné envie de recommencer.<br />
Depuis lors, le collectif organise deux<br />
fois par année un marché, avec repas <strong>et</strong> en<br />
musique. Les rec<strong>et</strong>tes de la journée vont<br />
chaque fois au financement d’un proj<strong>et</strong><br />
différent. Ainsi, deux programmes africains<br />
ont bénéficié du soutien des habitants<br />
de Männedorf, la troisième rec<strong>et</strong>te est<br />
partie au Honduras <strong>et</strong> la quatrième au<br />
Cambodge.<br />
Le collectif, fort de 10 personnes, décide<br />
toujours à l’avance à qui l’argent sera versé.<br />
Il choisit un proj<strong>et</strong> lancé par une œuvre<br />
d’entraide de dimension moyenne, <strong>et</strong><br />
veille à ce que la somme versée favorise<br />
l’entraide mutuelle. Les proj<strong>et</strong>s en faveur<br />
des femmes ont la cote. « Bien sûr, c’est<br />
toujours une question de confiance, mais<br />
nous connaissons l’OSEO depuis longtemps,<br />
<strong>et</strong> nous sommes convaincus que c<strong>et</strong><br />
argent sera bien investi », nous confie Franziska<br />
Stuber.<br />
Avec leur quatre enfants, les Stuber<br />
n’ont pas beaucoup de temps pour d’autres<br />
activités. Raison de plus pour se concentrer<br />
sur la préparation du marché aux puces.<br />
Les aînés de la famille m<strong>et</strong>tent toujours la<br />
« C’est notre manière de<br />
répondre concrètement à la<br />
marginalisation croissante. »<br />
main à la pâte quand le père revient, le coffre<br />
rempli de vaisselle ou de jou<strong>et</strong>s. Avec le<br />
temps, Rolf <strong>et</strong> Franziska Stuber sont devenus<br />
des pros. Rolf consulte l’intern<strong>et</strong> pour<br />
trouver des appartements à vider, <strong>et</strong> tient à<br />
jour le site de leur action (www.flokli.ch).<br />
Les efforts des Stuber ne prêtent-ils pas à<br />
sourire sur c<strong>et</strong>te côte dorée zurichoise où<br />
bien des gens pourraient financer la rec<strong>et</strong>te<br />
d’un marché entier avec le budg<strong>et</strong> qu’ils<br />
consacrent à un seul de leurs weekends ?<br />
« Nos amis nous réservent bon accueil, dit<br />
Rolf Stuber, nos proches <strong>et</strong> nos connaissances<br />
nous apportent volontiers leur bric-àbrac.<br />
Et puis, notre action présente aussi<br />
un aspect politique. Nous répondons à la<br />
marginalisation grandissante des démunis<br />
<strong>et</strong> à la pingrerie des responsables de l’aide<br />
officielle au développement par un geste<br />
concr<strong>et</strong>. »<br />
15<br />
PORTRAIT
16<br />
ENTRETIEN<br />
A-t-on droit à une formation quand<br />
on est détenu ?<br />
Les cours de formation pour personnes détenues mis sur pied<br />
par l’association OSEO de Suisse centrale débutent au mois<br />
d’août dans six établissements pénitentiaires. Dölf Ehrler, formateur,<br />
explique le lancement de ce proj<strong>et</strong>-pilote. Interview : <strong>Christian</strong> <strong>Engeli</strong><br />
DÖLF EHRLER<br />
Responsable de la formation en détention<br />
Pourquoi proposer une formation à des<br />
détenus ?<br />
Nous avons constaté que beaucoup de<br />
détenus étaient dépassés par les exigences<br />
actuelles du marché du travail. Et le code<br />
pénal révisé, entré en vigueur au début de<br />
l’année, prévoit la mise sur pied d’une formation<br />
de base ou continue à l’intention<br />
personnes purgeant leur peine. C’est une<br />
mesure indispensable si l’on veut que les<br />
personnes ayant purgé leur peine puissent<br />
se réinsérer socialement. Les possibilités de<br />
r<strong>et</strong>rouver ou de trouver du travail en sortant<br />
de prison dépendent directement de la<br />
formation, les personnes sans formation<br />
préalable qui ne bénéficient pas de c<strong>et</strong>te<br />
opportunité risquent plus que les autres de<br />
r<strong>et</strong>omber dans la criminalité.<br />
N’est-ce pas à l’Etat de veiller à une exécution<br />
des peines adaptée ? Pourquoi<br />
est-ce à l’OSEO de s’occuper de cela ?<br />
L’association régionale OSEO de Suisse<br />
centrale a une grande expérience dans le<br />
domaine de la formation, elle intervient<br />
depuis plusieurs années dans des prisons.<br />
Mais ce proj<strong>et</strong>-pilote a été conçu <strong>et</strong> élaboré<br />
en collaboration avec plusieurs directions<br />
d’établissements pénitentiaires. Des cours<br />
de formation seront mis sur pied dans six<br />
établissements alémaniques <strong>et</strong> l’expérience<br />
se poursuivra durant trois ans. Si les résultats<br />
sont convaincants, le proj<strong>et</strong> se s’étendra<br />
ensuite à d’autres prisons. Des scientifiques<br />
de l’Université de Fribourg<br />
accompagnent l’expérience pour en évaluer<br />
le succès. Et c’est la fondation privée Drosos<br />
qui finance le proj<strong>et</strong>.<br />
Comment se fait la sélection des participants<br />
?<br />
Le proj<strong>et</strong> s’adresse avant tout à des personnes<br />
qui ont de la peine avec les démarches<br />
administratives de tous les jours, des<br />
gens qui ne savent pas rédiger une offre<br />
d’emploi, résilier l’abonnement de leur
L’artiste Gianni Vasari a réussi à crééer une ambiance agréable <strong>et</strong> motivante dans la salle de cours de la prison de<br />
district d’Affoltern am Albis.<br />
téléphone portable, ou lire un relevé bancaire.<br />
Mais les cours répondent aussi à<br />
d’autres exigences : préparer une sortie de<br />
prison imminente ou soutenir un détenu<br />
dans sa formation professionnelle. Le programme<br />
est imposé, n’importe quelle personne<br />
détenue peut être obligée de le suivre.<br />
L’encadrement est individualisé ; les<br />
objectifs sont définis en collaboration avec<br />
chaque personne ; la réalisation d’un dossier<br />
compl<strong>et</strong> de candidature en est un. La<br />
personne détenue participe au cours jusqu’à<br />
ce qu’elle ait atteint son objectif.<br />
L’origine des détenus entre-t-elle en<br />
ligne de compte dans la sélection ?<br />
Nous ne tenons pas compte de la nationalité<br />
dans le choix des candidats. Mais<br />
toutes les personnes détenues n’ont pas les<br />
mêmes besoins, ni la même motivation. La<br />
plupart des Suisses ont neuf ans de scolarité<br />
derrière eux. Ils ont souvent gardé un<br />
mauvais souvenir de l’école, ils résistent, <strong>et</strong><br />
hésitent à se lancer dans une formation. À<br />
l’inverse, il y a des détenus sans passeport<br />
suisse qui n’ont jamais pu aller à l’école, <strong>et</strong><br />
qui ont très envie d’apprendre. Mais avec<br />
des généralisations, on ne va pas très loin.<br />
La formation profite à tout le monde.<br />
Qu’exige-t-on du personnel d’encadrement<br />
? Est-il formé spécialement ?<br />
Pour être engagé, il faut jouir d’une<br />
excellente réputation, les établissements<br />
pénitentiaires insistent là-dessus. Les enseignantes<br />
<strong>et</strong> les enseignants proviennent du<br />
secteur primaire ou professionnel, le bagage<br />
scolaire suisse élémentaire ne doit pas<br />
avoir de secr<strong>et</strong>s pour eux. Et ils doivent<br />
aussi être très au clair sur leurs motivations<br />
; leur activité ne doit pas être dictée<br />
par le syndrome de l’assistant ou la pure<br />
compassion.<br />
Le personnel reçoit une formation<br />
ciblée. Savoir garder la bonne distance avec<br />
les détenus <strong>et</strong> savoir gérer des situations critiques<br />
font partie de c<strong>et</strong>te préparation.<br />
Y a-t-il aussi des femmes qui enseignent<br />
dans des établissements pour hommes ?<br />
Oui, elles sont même en majorité.<br />
Vous travaillez depuis des années avec<br />
des détenus. Le système suisse d’exécution<br />
des peines perm<strong>et</strong>-il vraiment aux<br />
gens de se réinsérer dans la société ?<br />
Les comportements délictueux doivent<br />
être punis, j’en suis convaincu. Mais l’enfermement<br />
n’est pas forcément la bonne<br />
solution pour tous. Je trouve que les expériences<br />
réalisées avec le port obligatoire<br />
d’un bracel<strong>et</strong> électronique sont intéressantes.<br />
Les délinquants peuvent continuer à<br />
vivre <strong>et</strong> à travailler tout en étant limités<br />
dans leurs déplacements. Mais la tendance<br />
actuelle va plutôt à sens contraire : on<br />
prône une exécution des peines de plus en<br />
plus répressive. Je doute que ce soit la<br />
bonne voie.<br />
La formation que nous m<strong>et</strong>tons sur pied<br />
devrait démontrer que l’exécution d’une<br />
peine doit être assortie d’un vol<strong>et</strong> constructif.<br />
Proj<strong>et</strong> pilote<br />
L’association OSEO de Suisse centrale<br />
est à la tête d’un proj<strong>et</strong> pilote de<br />
formation de base pour détenu-e-s. Il a<br />
démarré dans six établissements pénitentiaires,<br />
dont la prison pour femmes<br />
de Hindelbank. L’OSEO encadre quatre<br />
unités par établissement, de six personnes<br />
chacune. Le proj<strong>et</strong> est financé par la<br />
fondation privée Drosos. Il s’étend sur<br />
trois ans. Si l’expérience est convaincante,<br />
elle sera reprise dans toute la<br />
Suisse.<br />
Il y a plusieurs années que l’OSEO Suisse<br />
centrale donne des conseils <strong>et</strong> des<br />
cours à des personnes détenues dans<br />
les établissements pénitentiaires.<br />
17<br />
ENTRETIEN
18<br />
PARCOURS<br />
<strong>Martina</strong> <strong>Smith</strong> :<br />
une femme en colère<br />
Le vin sud-africain a bon goût, <strong>et</strong> s’il ne coûte pas cher, c’est<br />
que les ouvriers viticoles travaillent dans des conditions abominables.<br />
Le proj<strong>et</strong> Femmes de la viticulture aide les ouvrières à<br />
se défendre ensemble contre les injustices. <strong>Texte</strong> <strong>et</strong> <strong>photo</strong> : <strong>Christian</strong> <strong>Engeli</strong><br />
Nom ? <strong>Martina</strong> <strong>Smith</strong>.<br />
Origine ? Je suis née dans le domaine de<br />
Wakkerstroom, à Bonnievale, à 180 kilomètres<br />
à l’est du Cap.<br />
Frères <strong>et</strong> sœurs ? Oh oui ! J’étais la<br />
quinzième de dix-neuf enfants. Ma mère<br />
était une femme incroyablement forte <strong>et</strong><br />
très fière d’avoir autant d’enfants. Tous<br />
n’ont cependant pas survécu : dix sont<br />
morts avant ma venue au monde. A c<strong>et</strong>te<br />
époque, il n’y avait pas de services de soins<br />
pour les gens comme nous.<br />
Quelle enfance ? Je suis allée à l’école<br />
pendant quatre ans. Ensuite, vers 9 ou 10<br />
ans, j’ai commencé à travailler. Ma famille<br />
avait besoin de mon revenu pour survivre.<br />
J’ai d’abord été « fille de courses », puis gardienne<br />
d’oies dans un domaine. Ma mère<br />
était inquiète à l’idée que je passe toute la<br />
journée toute seule dans les champs à garder<br />
les oies. Elle m’a alors envoyée chez l’aînée<br />
de mes sœurs, qui vivait avec son mari à<br />
Stellenbosch. On m’a engagée dans une<br />
usine de boîtes de conserve alors que je<br />
n’avais que 12 ans. Trois ans plus tard, je suis<br />
r<strong>et</strong>ournée vivre avec mes parents, qui<br />
avaient trouvé un emploi dans un domaine<br />
dans la région de Stellenbosch. J’y ai travaillé<br />
comme ouvrière saisonnière, à l’instar de<br />
la plupart des autres femmes. Oui, à l’époque,<br />
à 12 ou 13 ans, je me sentais déjà<br />
femme. La vie ne m’a guère laissé le temps<br />
de jouir de mon enfance.<br />
Mariée ? J’ai rencontré mon premier<br />
mari à 18 ans. Je suis tombée enceinte <strong>et</strong> ai<br />
mis au monde mon premier enfant, Muriel<br />
Co<strong>et</strong>zee. Le deuxième, Abraham Co<strong>et</strong>zee,<br />
a suivi une année plus tard. La cad<strong>et</strong>te de<br />
mes sœurs s’occupait de mes enfants, tandis<br />
que je continuais de travailler au<br />
domaine. Mon mari n’avait malheureusement<br />
pas bon caractère. Après avoir poignardé<br />
quelqu’un au cours d’une bagarre, il<br />
a été condamné à plusieurs années de prison.<br />
J’ai alors connu mon second mari. Ce<br />
n’est pas un héros, mais il n’a pas un mauvais<br />
fond.<br />
Des enfants ? Au total, j’ai donné naissance<br />
à huit enfants, qui ont grandi sur<br />
mon dos pendant que je travaillais au<br />
domaine. Mon septième enfant ne l’a pas<br />
supporté : il est mort à 18 mois. J’étais <strong>et</strong> je<br />
suis encore en colère. En colère, parce que<br />
mes enfants doivent grandir dans des conditions<br />
aussi pénibles.<br />
Le proj<strong>et</strong> Femmes de la viticulture ?<br />
Il y a cinq ans, la Golf blanche du proj<strong>et</strong><br />
des ouvrières agricoles est venue pour la<br />
première fois dans notre plantation. Déclarant<br />
visiter les domaines de la région, deux<br />
femmes sont descendues de la voiture.<br />
Nous avons discuté de nos conditions de<br />
travail <strong>et</strong> de nos problèmes ; du fait qu’il n’y<br />
a même pas des toil<strong>et</strong>tes dans les champs,<br />
de la difficulté à envoyer nos enfants à<br />
l’école, de nos problèmes avec nos maris<br />
violents.<br />
Ce fut la première fois que l’on nous a<br />
parlé des droits des femmes <strong>et</strong> de l’existence<br />
d’une loi contre la violence domestique.<br />
Ces femmes ont mis sur pied une crèche<br />
pour nos enfants, où ils peuvent passer<br />
toute la journée. Mais elles nous ont aussi<br />
expliqué comment nous organiser pour<br />
lutter ensemble contre les conditions de<br />
travail abominables.<br />
Depuis cinq ans, nous sommes en contact<br />
avec les femmes du proj<strong>et</strong> des ouvrières<br />
agricoles <strong>et</strong> suivons régulièrement leurs<br />
cours de perfectionnement. La vie <strong>et</strong> le travail<br />
dans les domaines sont extrêmement<br />
durs. Si certaines choses se sont améliorées,<br />
d’autres sont restées précaires. Il n’y a toujours<br />
pas de toil<strong>et</strong>tes, car le propriétaire<br />
trouve que cela coûte trop cher d’en installer.<br />
Nous nous contentons donc des buissons.<br />
C’est peut-être de là que vient tout<br />
l’arôme du vin sud-africain.<br />
L’OSEO s’engage<br />
aux côtés des<br />
ouvrières agricoles<br />
Dans d’autres pays aussi, ouvriers <strong>et</strong><br />
ouvrières agricoles luttent pour améliorer<br />
leurs conditions de travail. C’est<br />
le cas dans les plantations de tabac au<br />
Malawi, en Zambie <strong>et</strong> au Mozambique,<br />
de même que dans les plantations de<br />
canne à sucre de Maurice. En collaboration<br />
avec ses partenaires d’Afrique<br />
australe, l’OSEO apporte un appui aux<br />
syndicats d’ouvriers agricoles dans dix<br />
pays d’Afrique australe <strong>et</strong> orientale, <strong>et</strong><br />
les aide à se m<strong>et</strong>tre en réseau.
<strong>Martina</strong> <strong>Smith</strong> : « Le proj<strong>et</strong> des ouvrières agricoles m’a ouvert les yeux. Aujourd’hui, je me bats pour que mes enfants<br />
connaissent une vie meilleure. »<br />
19<br />
PARCOURS
La boutique OSEO<br />
Nous avons de nouveau choisi pour vous quelques articles fabriqués<br />
dans les ateliers de l’OSEO pour personnes au chômage.<br />
Vous pouvez les commander directement.<br />
Le proj<strong>et</strong> BOA de l’OSEO Schaffhouse<br />
propose de nouvelles<br />
perspectives à de jeunes adultes.<br />
Le proj<strong>et</strong> allie formation, orientation<br />
<strong>et</strong> travail. La formation continue<br />
perm<strong>et</strong> aux participant-e-s d’améliorer<br />
leur facultés de communication <strong>et</strong> leur<br />
esprit d’équipe <strong>et</strong> comble d’éventuelles<br />
lacunes scolaires. Orientation : un coaching<br />
personnel perm<strong>et</strong> de se fixer des objectifs professionnels <strong>et</strong><br />
personnels <strong>et</strong> d’apprendre à surmonter les difficultés. Travail: les<br />
différents ateliers perm<strong>et</strong>tent aux jeunes de se préparer à la vie<br />
quotidienne au travail. Les produits sont vendus au magasin<br />
Werkstoff <strong>et</strong> dans Solidarité.<br />
Commande<br />
Nom:<br />
Adresse:<br />
NPA/Localité<br />
(nombre) S<strong>et</strong> d’aimants à Fr. 21.–<br />
(nombre) S<strong>et</strong> de 16 cartes postales à Fr. 13.–<br />
S<strong>et</strong> de 3 aimants<br />
«woman»<br />
Aimants solides montés sur bois ou<br />
papier mâché, certains peints à la main.<br />
Trois jolies pièces uniques. Dimensions :<br />
3x6,5 cm. Fr. 21.–<br />
Cartes postales1<br />
16 cartes illustrées par les participant-e-s<br />
à BOA. Fr. 13.–<br />
Frais de port en sus. Envoyer à:<br />
boa Schaffhausen, Mühlenstrasse 26, 8200 Schaffhausen<br />
Fax 052 620 41 37, barbara.seiler@sah-sh.ch<br />
Le proj<strong>et</strong> Carrom de l’OSEO<br />
Région Bâle est un atelier du bois<br />
qui donne pour un temps limité une<br />
occupation aux personnes au chômage.<br />
Elles y produisent différents obj<strong>et</strong>s <strong>et</strong><br />
ont ainsi l’occasion de se familiariser<br />
avec le travail du bois. De plus leur travail<br />
est reconnu <strong>et</strong> valorisé, ce qui est<br />
important pour elles. L’objectif du proj<strong>et</strong><br />
est de faciliter l’entrée ou la réintégration dans le monde du<br />
travail.<br />
Kubb<br />
Un vieux jeu viking pour le<br />
jardin ou une fête estivale.<br />
Jeu très amusant pour 2 à 6<br />
joueurs. Mélèze FSC 100%.<br />
21 pièces dans une housse<br />
verte.<br />
Fr. 70.–<br />
Magic<br />
Aimants recouverts de bois de<br />
hêtre FSC qui tiennent jusqu’à 5<br />
feuilles A4. 10 pièces. Présentées<br />
dans une jolie boîte en fer. Hêtre<br />
FSC 100%. L 18cm, l 7,5 cm,<br />
h 2,2, cm. Fr. 29.–<br />
Commande<br />
Nom:<br />
Adresse:<br />
NPA/localité<br />
(nombre) Jeu Kubb à Fr. 70.–<br />
(nombre) Magic à Fr. 29.–<br />
Frais de port en sus. Envoyer à:<br />
Carrom Holzwerkstatt, Eptingerstr. 20, 4052 Basel<br />
Fax 061 312 55 30, carrom@sah-bs.ch