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parrainage Hors-série de l’Hebdo | été 2012<br />
dessine-moi<br />
un logo<br />
stratégie le récent retrait de Veolia de la course au large<br />
a rappelé que la crise touche aussi la voile. mais autour du<br />
léman, les marques abondent sur les bateaux. Comment les<br />
navigateurs suisses décrochent-ils leurs sponsors?<br />
texte vincent gillioz<br />
illustration wazem<br />
Il y a bien longtemps, les coques des voiliers<br />
étaient blanches, ornées tout au plus d’un<br />
filet doré au livet, et les propriétaires de<br />
bateau finançaient leur saison et leur équipage<br />
avec leur propre argent.<br />
Tout cela est révolu. La démocratisation de la<br />
voile a forcé les régatiers aux modestes<br />
moyens à trouver des financements. Le mécénat<br />
a permis à certains jeunes talents de sortir<br />
du bois. Mais aujourd’hui, il est quasiment<br />
indispensable de trouver un sponsor et donc<br />
d’en arborer la marque. Les navires sont devenus,<br />
à l’image des maillots des joueurs de foot,<br />
des panneaux publicitaires qui se monnaient.<br />
La crise n’épargne cependant pas la voile, et le<br />
sponsoring est souvent le premier poste à<br />
disparaître du budget d’une entreprise qui<br />
veut réduire ses coûts. Le Français Roland<br />
Jourdain en a fait la douloureuse expérience,<br />
informé du retrait de son partenaire Veolia<br />
alors qu’il était en plein stage d’entraînement<br />
au Maroc avec son MOD 70. Franck Cammas<br />
a aussi appris que Groupama ne comptait pas<br />
poursuivre son engagement sur une seconde<br />
Volvo Ocean Race, alors qu’il n’avait pas<br />
encore terminé la première. En Suisse, trouver<br />
un partenaire est-il plus simple?<br />
Réponses de navigateurs.<br />
16<br />
les petits budgets Les Surprise, très répandus<br />
sur nos lacs, sont aujourd’hui presque tous<br />
sponsorisés. La plupart ont de quoi renouveler<br />
leur garde-robe annuellement, soit une<br />
dizaine de milliers de francs. D’autres s’autosponsorisent,<br />
comme Olivier Beck avec le nom<br />
de sa propre PME de menuiserie: «Les gens se<br />
souviennent ainsi de ce que je fais, et ils<br />
viennent chez moi quand ils ont besoin d’un<br />
menuisier.»<br />
Michel Glaus, président du comité d’organisation<br />
du Bol d’or Mirabaud, brille dans la série<br />
depuis plus de deux décennies, et détient le<br />
record de longévité avec le même partenaire,<br />
Teo Jakob. «Dans notre cas, c’est le sponsor qui<br />
nous a proposé un soutien pour apparaître sur<br />
la coque et les voiles. L’entreprise dépensait<br />
quelques milliers de francs par mois pour de la<br />
publicité dans la presse locale. Sur les conseils<br />
d’une marque déjà présente sur un voilier, elle a<br />
décidé d’affecter ce budget à un bateau. Ensuite,<br />
le contact s’est fait grâce à un lien de famille<br />
entre le partenaire et l’un de nos équipiers.»<br />
Patrick Quennoz, propriétaire de Fou du Vent,<br />
porte la marque du papetier genevois Brachard<br />
depuis trois saisons. «J’ai cherché un<br />
partenaire plusieurs années pour financer les<br />
voiles. Beaucoup d’entreprises se déclaraient<br />
intéressées, sans jamais signer. Cela s’est finalement<br />
fait par réseau: je connaissais personnellement<br />
le directeur de l’entreprise.» Sans<br />
carnet d’adresses sérieux, la recherche de partenaires<br />
peut vite tourner au cauchemar. En<br />
outre, un bon réseau est probablement plus<br />
efficace dans le petit milieu qu’est la Suisse<br />
romande que partout ailleurs.<br />
les seigneurs du laC A l’autre extrême, on<br />
trouve les Décision 35, qui nécessitent des<br />
budgets à cinq zéros chaque année. La plupart<br />
sont détenus par des propriétaires fortunés<br />
qui ne recourent pas systématiquement<br />
au sponsoring, à l’image d’Alinghi<br />
d’Ernesto Bertarelli ou de Zen Too de Guy de<br />
Picciotto. Le Centre d’entraînement à la<br />
régate (CER), mené par Jérôme Clerc, aligne<br />
toutefois un voilier sur le Vulcain Trophy<br />
avec un projet financé à 100% par une<br />
société de fonds de placement. Grâce à son<br />
réseau, là aussi. «Esteban Garcia, le patron<br />
de Realstone, a remarqué notre performance<br />
lors d’un grand prix et nous a proposé<br />
de financer l’ensemble de la saison.»<br />
Jérôme Clerc, qui est aussi en charge de tout<br />
le sponsoring pour l’association genevoise,<br />
précise encore: «Nous obtenons de bons<br />
résultats par le démarchage ciblé de petits<br />
sponsors, sans contacts préalables.»<br />
Cela devient plus compliqué pour la voile<br />
olympique, confidentielle en Suisse, et donc à<br />
la visibilité faible. Lucien Cujean, qui s’est<br />
investi pendant deux ans dans un projet en<br />
Laser, a surtout vécu du mécénat. «J’ai obtenu<br />
des soutiens de privés. Mais trouver un vrai<br />
sponsor prend du temps que je n’avais pas.<br />
Naviguer à haut niveau impose de passer 250<br />
jours par an sur l’eau. Il faut être entouré par<br />
une équipe qui s’occupe des aspects financiers<br />
et de la communication.»<br />
galères La classe Mini, supposée ouvrir<br />
les portes de la course au large, est finalement<br />
la plus représentative des galères<br />
dans la recherche de fonds. Pour de nombreux<br />
régatiers, traverser l’Atlantique en<br />
solitaire constitue le rêve d’une vie. Aussi,<br />
certains n’hésitent pas à s’endetter. Le<br />
Suisse Bernard Stamm, qui avait participé<br />
à la Mini Transat en 1995, rappelle: «J’ai<br />
commencé à construire mon 60 pieds alors<br />
que je n’avais pas fini de payer ma transat.<br />
Si j’avais attendu, je n’aurais jamais rien<br />
fait.» Loïc Forestier, équipier de Stève<br />
Ravussin et candidat à l’édition 2013 de la<br />
Transat 6.50, n’envisage pas cette solution:<br />
«Si je ne trouve pas de sponsors d’ici au<br />
mois d’octobre, je renoncerai. Pour l’heure<br />
j’investis mon propre argent. Mais il n’est<br />
pas question de m’endetter, il y a trop d’histoires<br />
de marins qui paient leur projet pendant<br />
dix ans.»<br />
La Suisse romande reste relativement privilégiée<br />
pour l’obtention d’un sponsor. Mais il faut<br />
savoir que la plupart des bateaux qui portent le<br />
nom d’une marque ne touchent en général<br />
qu’une enveloppe de contribution aux frais<br />
d’entretien et à l’achat de voiles. Les équipages<br />
recevant un véritable budget de fonctionnement<br />
sont assez rares. Le sponsoring continuera<br />
donc à bien se porter… pour autant que<br />
les marins soient prêts à mettre la main au<br />
portemonnaie.√