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destin hors-sérIe de l’heBdo | été 2012<br />

l’homme aux 1600 victoires<br />

légende Il a été le premier vainqueur du Bol d’or en 1939. Mort il y a quarante ans, louis noverraz a connu<br />

une carrière tumultueuse, de sa disqualification des Jeux olympiques de 1936 à sa médaille d’argent en 1968.<br />

Portrait du marin suisse le plus titré de l’histoire, qui avait un caractère bien trempé.<br />

bernard schopfer<br />

1936, Jeux olympiques de Munich. A la veille<br />

de la dernière régate, et alors que la médaille<br />

d’or lui tend les bras, la nouvelle tombe:<br />

l’équipage genevois est disqualifié. La cause?<br />

Le professionnalisme de son skipper, à une<br />

époque où le mouvement olympique ne<br />

tolère que de purs amateurs. Les professionnels<br />

n’ont été officiellement acceptés qu’à<br />

partir des Jeux de 1988 et de 1992. Manœuvre<br />

habile et machiavélique de ses adversaires?<br />

Pas du tout: c’est un compatriote, membre de<br />

la Société nautique de Genève, qui a dénoncé<br />

Louis Noverraz et l’a fait disqualifier, privant<br />

la Suisse de sa seule médaille d’or de voile<br />

olympique jusqu’à ce jour.<br />

Noverraz était-il professionnel? Le débat a<br />

fait rage pendant des décennies. L’homme a<br />

bien été engagé, dans les années 30, comme<br />

skipper du voilier Petite Aile de la grande<br />

navigatrice française Virginie Hériot, championne<br />

olympique en 1928. Puis il a bénéficié<br />

des faveurs de la famille Firmenich et plus<br />

tard des Stern, remportant d’innombrables<br />

victoires à la barre de leurs voiliers respectifs.<br />

Il était donc clairement professionnel selon<br />

les critères d’aujourd’hui. Mais ce sont, en fin<br />

de compte, surtout les jalousies locales et des<br />

12<br />

conflits d’individus qui ont coûté sa médaille<br />

olympique au marin suisse le plus titré de<br />

tous les temps.<br />

touche-à-tout «Pendant un demi-siècle, il a<br />

dominé le yachting lémanique et remporté<br />

1600 premiers prix sur la plupart des plans<br />

d’eau du monde, disait de lui André Guex dans<br />

son ouvrage de référence, Voiles et carènes (Editions<br />

24 Heures, 1982). Son prestige était tel<br />

que la plupart de ses rivaux rêvaient de le<br />

suivre… Il reste pour nous le symbole du sens de<br />

l’eau, cette âme de la voile.»<br />

Né en 1902 à Genève, Noverraz remporte sa<br />

première régate à l’âge de 12 ans, sur un<br />

bateau dont le propriétaire était fleuriste à la<br />

cour de Russie. Diplômé en architecture, il se<br />

consacrera entièrement à la voile, bien<br />

qu’étant officiellement vendeur d’automobiles<br />

chez Alfa Romeo. Multiple champion<br />

d’Europe et du monde, quadruple vainqueur<br />

1 PartenaIres<br />

de la prestigieuse One Ton Cup (de 1953 à<br />

louis noverraz le 12 août 1960, avec andré Firmenich<br />

et François chapot, qui furent ses coéquipiers aux Jo<br />

de 1952 à helsinki en 6 m (terminé au 6<br />

1956), il est aussi le premier Suisse à avoir<br />

barré un voilier lors de la Coupe de l’America,<br />

en 1970, aux côtés du baron Bich.<br />

Pilote automobile et d’avion, titulaire d’un<br />

brevet en acrobatie, champion de Suisse de<br />

billard, tennisman, Noverraz était un<br />

touche-à-tout surdoué. Mais c’est la voile<br />

e edipresse<br />

l’histoire du bol d’or<br />

A l’occasion du 75<br />

rang).<br />

2 FIgure<br />

Malgré sa longue carrière, louis noverraz (ici en 1961)<br />

ne put participer que quatre fois aux Jeux olympiques.<br />

Il fut cependant plusieurs fois champion du monde et<br />

d’europe en 5 m 50. e<br />

tout contrôler Comme tous les grands<br />

champions, Louis Noverraz est mis sous<br />

pression en cas de mauvaise prestation, et<br />

porté aux nues lorsqu’il gagne. En 1941, son<br />

abandon au Bol d’or, deux ans après qu’il en a<br />

remporté la première édition, est mal vécu et<br />

le skipper est contraint de se justifier publiquement.<br />

Quatrième un an plus tard, il est à<br />

nouveau épinglé par la presse, qui note que<br />

«ce résultat n’est que peu en rapport avec la<br />

réputation d’un barreur tel que Louis Noverraz».<br />

Puis revient la victoire, en 1951, et le ton<br />

change dans un article conservé au Musée du<br />

Léman de Nyon: «Ylliam fut barré de bout en<br />

bout par l’invincible Louis Noverraz, dont les<br />

extraordinaires qualités manœuvrières se<br />

montrèrent particulièrement efficaces pendant<br />

l’orage de la soirée.»<br />

Louis Noverraz a remporté le Bol d’or à six<br />

Bol d’or Mirabaud, en<br />

reprises, ce qui le place à égalité avec Chris-<br />

2013, notre collaboratian<br />

Wahl, Ernesto Bertarelli, Pierre-Yves<br />

teur Bernard Schopfer<br />

Jorand et Daniel Stampfli, et à une longueur<br />

publie La Légende du<br />

des détenteurs du record, Philippe Stern et<br />

Léman, qui paraîtra en<br />

Philippe Durr. Il en a détenu le record de<br />

septembre prochain<br />

vitesse (11h 04’ 57’’) de 1956 à 1982. Et pour-<br />

aux Editions Slatkine. Richement illustré,<br />

tant… «Dans le fond, c’est une course qu’il<br />

cet ouvrage relatera l’histoire de la course<br />

détestait, nous confiait son neveu Pierre<br />

lémanique, des premières éditions au cœur<br />

Noverraz. Car il n’avait pas le sentiment de la<br />

de la Seconde Guerre mondiale aux avan-<br />

maîtriser à cause du facteur chance, qui<br />

cées technologiques liées à l’arrivée des<br />

demeure important sur une telle course. Or, il<br />

multicoques. Pour en savoir plus sur Louis<br />

aimait bien tout contrôler.»<br />

Noverraz, et bien d’autres personnalités<br />

Louis Noverraz est mort le 15 mai 1972, il y a<br />

emblématiques.√mr<br />

quarante ans, peu après avoir obtenu une deu-<br />

Informations: contact@maxcomm.ch<br />

xième place assimilable, symboliquement, à<br />

une victoire. En 1968, en effet, après des<br />

années de mise à l’écart, la Fédération internationale<br />

de voile lui permet de participer aux<br />

Jeux de Mexico. Epilogue d’une formidable<br />

carrière: c’est à 66 ans, en compagnie de Bernard<br />

Dunand et de Marcel Stern, que Louis<br />

Noverraz obtint l’argent, trente-deux ans<br />

après sa disqualification à Munich. Cela reste,<br />

à ce jour, la dernière médaille olympique de<br />

voile remportée par la Suisse.√<br />

r.gentina/ coll. musée du léman<br />

hors-sérIe de l’heBdo | été 2012 destin<br />

qui lui a offert ses plus beaux succès. «Il<br />

avait un toucher de barre et un feeling surprenants,<br />

se souvient le météorologue<br />

genevois Bernard Dunand, qui a beaucoup<br />

régaté à ses côtés. A terre, c’était quelqu’un<br />

de charmant. Mais à bord, il était infumable.<br />

En tant qu’équipier, il ne fallait surtout<br />

pas la ramener. Si tu commençais à<br />

parler de ce qu’il aurait fallu faire, tu pouvais<br />

aussitôt faire ton sac…»<br />

«En général, dans les régates de haut niveau, il<br />

y a un barreur, un skipper qui décide de la tactique,<br />

et un régleur de voile, nous racontait son<br />

neveu Pierre Noverraz il y a une dizaine d’années.<br />

Lui, il voulait tout faire. Il voyait tout et il<br />

avait une compréhension exceptionnelle des<br />

choses; un peu comme Philippe Durr, non pas<br />

au niveau de la personnalité, mais en raison du<br />

don dont il bénéficiait.»

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