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recette - L'Hebdo

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été 2012 | spécial voile | un hors-série de l’hebdo<br />

voile<br />

bol d’or mirabaud 2012 présenté par corum<br />

my thes<br />

les trois sœurs du bol d’or Mirabaud<br />

destin<br />

louis noverraz<br />

m2<br />

reportage en mer<br />

finances<br />

les coulisses du sponsoring<br />

poissons<br />

les habitants du lac<br />

<strong>recette</strong><br />

la féra de stéphane décotterd<br />

famille met traux<br />

les racines dans l’eau<br />

portfolio<br />

Gilles Favez<br />

été 2012 | un hors-série de «l’hebdo» | ne peut Être vendu séparéMent


2<br />

hors-série de l’hebdo | été 2012 éditorial<br />

impressum<br />

hors-série voile<br />

pont bessières 3<br />

Case postale 6682<br />

1002 lausanne<br />

tél. 021 331 76 00<br />

Fax 021 331 76 01<br />

hebdo@ringier.ch<br />

www.hebdo.ch<br />

Rédacteur en chef<br />

alain jeannet<br />

Responsable<br />

du hors-série<br />

matthieu ruf<br />

Chef d’édition<br />

pierre-Yves muller<br />

Secrétaires<br />

de rédaction<br />

sylvie logean<br />

eric loup<br />

Directrice artistique<br />

julie berclaz<br />

Rédaction images<br />

patricia aeberhard<br />

Collaborations<br />

vincent Gillioz<br />

patrick morier-Genoud<br />

bernard schopfer<br />

Correction<br />

Célia Chauvy<br />

laurent rochat (resp.)<br />

Fabienne trivier<br />

Marketing<br />

Yvonne braun (resp.)<br />

liliana Calvo<br />

éditions<br />

ringier romandie<br />

pont bessières 3<br />

Case postale 7289<br />

1002 lausanne<br />

tél. 021 331 70 00<br />

Fax 021 331 70 01<br />

Directeur<br />

daniel pillard<br />

Directeur<br />

de la publicité<br />

patrick Zanello<br />

Directrice<br />

du marketing<br />

Faridée visinand<br />

Publicité<br />

mathias bettschart<br />

denise burnier<br />

joël dufour<br />

Clarisse Kouby<br />

Cornelia Grenacher<br />

Impression<br />

swissprinters<br />

lausanne sa, renens<br />

photo de couverture: loris de siebenthal<br />

matthieu ruf<br />

responsable<br />

du hors-série<br />

l’homme et le vent<br />

Savez-vous ce qu’est une seiche?<br />

Oui: c’est bel et bien un mollusque qui<br />

sécrète de l’encre, et qu’on utilise pour colorer<br />

les pâtes et les risottos. Mais le mot<br />

désigne aussi une soudaine élévation du<br />

niveau de l’eau. Qui peut être<br />

déclenchée par un brusque<br />

changement de pression,<br />

lorsque tout un lac, comme<br />

le Léman, bascule, annonçant<br />

un phénomène<br />

exceptionnel.<br />

C’est ce qu’a vu le photographe<br />

vétéran Gilles Favez, un matin de la<br />

fin du siècle dernier. Le phénomène en<br />

question était l’ouragan Lothar, et Gilles<br />

Favez s’est immédiatement rendu au port<br />

de «son» Vevey, pour aller le saisir sur pellicule,<br />

et garder une trace de sa lacération (voir<br />

en page 22).<br />

Qu’est-ce qui pousse un homme à se précipiter<br />

ainsi dans le vent? Certes, l’exigence artistique<br />

et la volonté documentaire. Mais aussi un désir<br />

obscur qui a peu à voir avec la photographie. La<br />

même soif qui incite un équipage à transporter<br />

son voilier du Léman à la France, pour pouvoir<br />

se jeter dans une bourrasque de 30 nœuds, et<br />

en ressortir souriant d’aise. Et qui amène, au-<br />

se jeter dans<br />

une bourrasque<br />

de 30 nŒuds,<br />

et en ressortir<br />

souriant d’aise.<br />

delà du défi physique, des milliers de personnes<br />

à affronter tous les deux ans la mer Celtique<br />

pour aller faire le tour d’un phare qui a inspiré<br />

Hergé, et qui aurait fasciné Victor Hugo. D’où<br />

vient-il, ce désir des éléments?<br />

Les marins sont des taiseux.<br />

Mais même les plus éloquents<br />

ne peuvent verbaliser<br />

leur réponse à cette<br />

question. Les pages qui<br />

suivent vous emmènent par<br />

lacs et par mers, de Hyères<br />

au phare du Fastnet, des<br />

Jeux olympiques de 1936 aux défis actuels<br />

d’une prometteuse fratrie de marins, des<br />

régatiers en recherche d’un sponsor aux<br />

pêcheurs du Léman. Elles vous détaillent le<br />

comment. Mais le pourquoi, vous n’en aurez<br />

un aperçu qu’en vivant vous-même cet exercice<br />

d’humilité qui consiste à partir sur l’eau,<br />

en ne comptant que sur la force des vents<br />

pour vous guider. En humant les airs, en les<br />

écoutant, en tentant de les sentir venir et en<br />

les laissant vous traverser, vous toucherez<br />

peut-être aux raisons fondamentales qui<br />

font que l’être humain aime quand le vent<br />

cingle son visage. Mais vous verrez: vous<br />

aussi, alors, vous vous tairez…√


sommaire<br />

4<br />

6 brèves<br />

innovation tous azimuts<br />

8 bol d’or mirabaud<br />

Les trois sŒurs de La fête<br />

du Lac<br />

10 mode d’emploi<br />

boL d’or mirabaud, cHapitre 74<br />

12 destin<br />

Louis noverraz, L’Homme<br />

aux 1600 victoires<br />

14 reportage<br />

m2 en mer<br />

16 sponsoring<br />

dessine-moi un Logo<br />

18 poissons<br />

pêcHe miracuLeuse<br />

19 <strong>recette</strong><br />

La féra du Léman,<br />

par stépHane décot terd<br />

20 portrait<br />

famiLLe met traux,<br />

Les racines dans L’eau<br />

22 portfolio<br />

giLLes favez<br />

Hors-série de L’Hebdo |été 2012<br />

loris von siebenthal


èves Hors-série de l’Hebdo | été 2012<br />

innovation tous azimuts<br />

actualité Grande course au large, partenariats scientifiques, records de vitesse: les bateaux novateurs<br />

conçus en suisse romande, dont «l’Hebdo» s’est déjà fait l’écho à plusieurs reprises, suivent leur cap. coup de<br />

projecteur sur quatre d’entre eux, mono- ou multicoques, à voile souple ou épaisse, volants ou non.<br />

mod 70<br />

en route<br />

pour l’océan<br />

Le 7 juillet, cinq équipages partiront<br />

à l’assaut de l’Atlantique depuis<br />

New York sur leurs MOD 70,<br />

la série de trimarans lancée par<br />

le régatier Stève Ravussin et son<br />

investisseur providentiel, Marco<br />

Simeoni. Pour cette première<br />

course de leur championnat, la<br />

Krys Ocean Race, que du beau<br />

monde: Stève Ravussin, skipper<br />

du premier bateau de la série,<br />

Race for Water, affrontera Michel<br />

Desjoyeaux, Yann Guichard, Sidney<br />

Gavignet...√<br />

l’hydroptère.ch<br />

science et records<br />

L’Hydroptère.ch, catamaran présenté<br />

dans ces pages en 2011, est<br />

désormais le porte-drapeau d’un<br />

plus large projet, Hydros. Initié par<br />

Thierry Lombard, il vise notamment<br />

à faire développer des bateaux à<br />

moteur doté de foils par les universités,<br />

dans une approche d’économies<br />

d’énergie. Quant à l’Hydroptère.ch<br />

lui-même, son équipage affiche<br />

clairement l’ambition de battre le<br />

record de vitesse du Ruban Bleu<br />

(Genève-Le Bouveret et retour),<br />

psaros 33<br />

le «voilier lémanique de demain»,<br />

c’est aujourd’Hui<br />

Spinnaker asymétrique, navigation en équipage réduit, simplicité de<br />

montage: ce sont quelques-unes des caractéristiques du Psaros 33<br />

que le supplément voile de L’Hebdo détaillait en juin 2010, en le présentant<br />

comme «le monocoque lémanique de demain».<br />

Deux ans après, le monocoque est à l’eau et installé à la Société nautique<br />

de Genève. Deux modèles ont été construits et vendus; quant au troisième,<br />

«les pièces sont finies, il ne reste plus qu’à l’assembler», explique<br />

Jean Psarofaghis, qui coordonne le projet, et qui se réjouit de constater<br />

que son bébé est «très prometteur, hyperstable et facile à manœuvrer».<br />

Le Psaros 33 a été conçu par le bureau d’architectes navals genevois<br />

Sebschmidt, à l’origine, entre de nombreuses autres réalisations, d’Alinghi<br />

41 et des Décision 35. Lors de ses premières sorties, il a atteint des<br />

pointes à 17 nœuds au portant (dans le sens du vent), note avec enthousiasme<br />

Jean Psarofaghis.<br />

Le but, avec ce monocoque à 250 000 francs, est clairement de créer une<br />

série, pour pouvoir organiser un championnat monotype. Dans l’immédiat,<br />

Jean Psarofaghis, propriétaire avec un consortium du premier modèle,<br />

prévoit de participer notamment au Bol d’or Mirabaud, à la Genève-<br />

Rolle-Genève, et peut-être même une excursion en Espagne.√mr<br />

PrototyPe Hors-série de L’Hebdo | printemps 2010 PrototyPe<br />

Le voiLier<br />

Lémanique<br />

de demain<br />

Création dessiné au sein du bureau d’architectes<br />

navals genevois sebschmidt, le psaros 33 est le monocoque<br />

lémanique de demain. doté de nombreuses<br />

innovations technologiques, il se veut à la fois<br />

performant et abordable, facile et permettant<br />

la navigation en équipage réduit. portrait-robot.<br />

Bernard schopfer<br />

16<br />

sebsCHmidt<br />

L’architecte naval genevois sébastien schmidt est le designer le plus prolifique<br />

de sa génération. ses voiliers ont remporté les dix dernières éditions du<br />

bol d’or au scratch, ainsi que dans de nombreuses classes de monocoques. il<br />

a notamment dessiné le catamaran Alinghi 41, les décision 35 ainsi que de nombreux<br />

monocoques splendides parmi lesquels les fameux psaros 40, Perchette<br />

ou Miss Tfy. Le premier psaros 33 sera mis à l’eau l’hiver prochain. puis les commandes<br />

se succéderont, en fonction des demandes des clients potentiels.<br />

aLingHi 41 dessiné par le bureau d’architecte<br />

naval genevois sebschmidt et l’anglais<br />

Jo richards à la demande d’ernesto<br />

bertarelli en 2000, le catamaran Alinghi 41<br />

est le multicoque de cette taille le plus performant<br />

au monde. surnommé «Le black»,<br />

il remporte les bols d’or de 2000 à 2003.<br />

ecrasant la concurrence, il conduit paradoxalement<br />

à la disparition momentanée<br />

des multicoques du Léman, les autres propriétaires<br />

ne pouvant plus suivre l’escalade<br />

des budgets. Les décision 35 sont créés afin<br />

de leur redonner vie, bertarelli acceptant<br />

sportivement de remiser «Le black». qui a<br />

servi l’an passé de plateforme de tests pour<br />

les designers d’Alinghi V (celui de la Coupe de<br />

l’america).<br />

déCision 35 Les décision 35 (d 35) sont<br />

des catamarans monotypes – rigoureusement<br />

identiques – dessinés par sebschmidt<br />

et construits par le chantier décision sa<br />

à Corsier-sur-vevey. douze d 35 participent<br />

au championnat annuel de la série.<br />

Construits en fibre de carbone, les d 35<br />

constituent la principale flotte de «grands»<br />

(35 pieds, soit 12m) multicoques monotypes<br />

du monde. Les d 35 ont remporté toutes les<br />

éditions du bol d’or depuis 2004, mais sont<br />

régulièrement menacés par les m2 (des<br />

catamarans plus petits, de 28 pieds) par<br />

petit temps. même si de nouveaux projets<br />

voient le jour et certains prédisent sa fin prochaine,<br />

la Classe continue à bien se porter et<br />

fait des jaloux dans le monde entier.<br />

miss tfy Le monocoque Miss Tfy est un<br />

monocoque moderne destiné à la régate<br />

sans compromis: il ne dispose d’aucun<br />

confort et nécessite un équipage aguerri,<br />

de sept personnes idéalement. Le cockpit<br />

est large et ouvert, réduisant logiquement le<br />

volume intérieur. Lancé en juin 2005, Miss Tfy<br />

a aussitôt remporté le bol d’or en Classe 2 et<br />

la classique genève-rolle-genève, alignant<br />

par la suite les victoires au fil des ans. Miss Tfy<br />

est destiné à la Classe 2 de l’aCvL (association<br />

des clubs de voile lémaniques). C’est un<br />

voilier plus simple à gérer qu’un multicoque,<br />

qui ne permet pas la victoire au classement<br />

scratch mais offre de grandes satisfactions<br />

à son équipage tout en rendant la victoire<br />

par classe possible.<br />

loris von sibenthal<br />

Voiles<br />

Le plan de voilure est très généreux,<br />

garantissant de bonnes performances<br />

par petit temps. La grand-voile<br />

est à corne, c’est-à-dire que le haut<br />

de la voile est carré, comme sur les<br />

voiliers de la Coupe de l’america.<br />

Mât<br />

un mât performant se doit<br />

d’être en fibre de carbone. Celuici<br />

est en carbone haut module;<br />

il se compose de deux parties<br />

manchonnées (plantées l’une<br />

dans l’autre) afin de faciliter le<br />

transport.<br />

Moteur<br />

(non visible). un petit<br />

moteur – utile lors des<br />

manœuvres de port ou en<br />

convoyage – est intégré.<br />

il est posé en arrière de la<br />

quille, afin de centrer les<br />

poids au maximum.<br />

safran<br />

La partie immergée du gouvernail est d’une<br />

taille généreuse, assurant au barreur un bon<br />

contrôle de son embarcation. La barre est<br />

franche: il s’agit d’un manche à balai, par<br />

opposition à une barre à roue, ce qui garantit<br />

un contrôle très précis.<br />

aMénageMent intérieur<br />

(non visible). pas de place pour le confort: l’intérieur<br />

se compose de deux couchettes bannettes,<br />

d’un emplacement pour la glacière, de deux<br />

équipets et d’un WC portable en option. Les<br />

régatiers purs se contenteront d’un seau afin<br />

de gagner quelques kilos.<br />

détenu par Julius Baer de Philippe<br />

Cardis depuis 2007.√ sylvain fasel<br />

spinnaker<br />

(non visible). grâce au beaupré rétractable,<br />

le spinnaker, cette voile d’avant, légère et<br />

très grande, est désormais asymétrique et<br />

beaucoup plus plate que les bulles multicolores<br />

toutes rondes auxquelles on était<br />

habitué jusqu’à présent. Ce changement<br />

est dû à l’augmentation des performances<br />

des voiliers. Comme sur une<br />

aile d’avion, le profil s’aplatit lorsque la<br />

vitesse augmente. Les changements<br />

d’amures (côté d’où un bateau reçoit<br />

le vent) sont par ailleurs grandement<br />

facilités.<br />

plan de pont<br />

Le plan de pont est simple et<br />

épuré, permettant la navigation<br />

en équipage (cinq personnes)<br />

comme en solitaire. Le barreur<br />

est placé devant le régleur de<br />

grand-voile, ce qui améliore<br />

sa visibilité. Cette configuration<br />

permet par ailleurs de<br />

regrouper les manœuvres<br />

au centre. un grand capot<br />

coulissant permet de<br />

manier facilement les<br />

voiles.<br />

dériVe<br />

La dérive permet au voilier de remonter face au vent. La<br />

quille basculante ne fait en effet plus office de plan antidérive<br />

puisqu’elle est inclinée au vent; la dérive permet de<br />

compenser ce manque.<br />

quille Basculante et rétractaBle<br />

La quille basculante permet de déplacer le poids du côté d’où le vent souffle, augmentant la<br />

stabilité et permettant de porter plus de toile. elle est également relevable, afin de permettre<br />

au voilier d’entrer dans les ports lémaniques souvent peu profonds.<br />

CHiffres<br />

Fiche technique<br />

Longueur Coque 10m<br />

Largeur 2.84m<br />

tirant d’eau 1.6m – 2.5m<br />

dépLaCement 2000 kg.<br />

surfaCe de voiLe:<br />

grand-voile 48 m2 génois 38 m2 spinnaker 140 m2 coût<br />

Le coût indicatif d’un tel voilier,<br />

fabriqué artisanalement, se situe<br />

aux alentours de 250 000 francs,<br />

prêt à naviguer, avec six voiles.<br />

L’élément le plus important du<br />

budget est la coque, réalisée en<br />

fibre de verre et résine époxy avec<br />

quelques renforts en carbone.<br />

Construite sous vide puis cuite,<br />

elle représente environ 40% de<br />

l’ensemble du budget. Le système<br />

de quille basculante est<br />

également complexe et devisé<br />

à 50 000 francs. Le gréement<br />

dormant, qui comprend le mât et<br />

la bôme en carbone, est estimé à<br />

35 000 francs; l’accastillage revient<br />

à 18 000 francs, le moteur<br />

à 10 000. restent encore les voiles,<br />

de 35 000 à 43 000 francs<br />

suivant le matériau choisi, et le<br />

thermos de café! a noter que le<br />

voilier s’assemble (et se démonte)<br />

comme un mécano, permettant<br />

de le transporter facilement.<br />

Beaupré rétractaBle<br />

Cette extension – montrée ici dans sa<br />

version la plus courte – permet d’augmenter<br />

la surface des voiles de petit<br />

temps. elle est fortement allongée<br />

lorsque le voilier navigue au<br />

vent arrière (on la nomme «boutdehors»).<br />

La base du spinnaker y<br />

est arrimée et elle remplace les<br />

traditionnels tangons, ces longs<br />

espars qui permettaient de<br />

tenir les spinnakers, relégués<br />

aux oubliettes de l’histoire.<br />

coque<br />

design fonctionnel, fondé sur la simplicité et l’efficacité.<br />

La forme de coque est au goût du jour,<br />

garantissant une bonne vitesse au près (face au<br />

vent) comme au portant. Les formes garantissent<br />

une bonne stabilité de route par rapport aux voiliers<br />

longs et étroits qui régnaient sur le Léman précédemment,<br />

à l’image des toucan.<br />

C M Y K C M Y K<br />

seb schmidt<br />

17<br />

p28<br />

monocoque volant<br />

C’est un nouvel engin volant sur le<br />

Léman, mis à l’eau en novembre<br />

2011 et baptisé fin mai: le P28.<br />

Monocoque à foils de 8,53 m,<br />

pourvu d’une aile à profil épais encore<br />

améliorée durant l’hiver, il a<br />

été conçu par l’architecte français<br />

Hugues de Turckheim. Si l’ambition<br />

est de créer une nouvelle<br />

série monotype, le premier modèle,<br />

Gonet & Cie, disputera cette<br />

année le Bol d’or Mirabaud et la<br />

Genève-Rolle-Genève avec à son<br />

bord Didier Quinodoz, Philippe<br />

Schiller ou Fabien Froesch.√<br />

guy vermeil<br />

6 7


ol d’or mirabaud hors-série de L’heBdo | été 2012<br />

fastnet race, îLes BritanniQues<br />

dates Le deuxième<br />

week-end d’août depuis<br />

1925. course bisannuelle<br />

(années impaires).<br />

parcours cowes (île<br />

de Wight) – phare<br />

du fastnet (mer<br />

celtique) – plymouth.<br />

608 milles nautiques<br />

(1126 km).<br />

type de bateaux<br />

irc (jusqu’à<br />

30,5 mètres), irm,<br />

imoca60, class 40,<br />

multi one design, maxi<br />

multicoques.<br />

nombre de participants<br />

300 bateaux.<br />

http://fastnet.rorc.org<br />

Les trois sŒurs de La fête du Lac<br />

mythes de la mer celtique à la tasmanie, le calendrier des régates compte, à l’échelle planétaire, plusieurs év énements véliques aussi incontournables que le Bol d’or mirabaud, dont la 74e édition aura lieu du 15 au 17 juin.<br />

du Léman à trieste, cowes et sydney, tour d’horizon d’un florilège de courses qui ont fait, et font encore, rêver d es générations de navigateurs.<br />

vincent gillioz<br />

Quel point commun y a-t-il entre le nord de<br />

l’Adriatique, le détroit de Bass, la mer Celtique<br />

et le Léman? Apparemment, aucun!<br />

Pourtant, tous ces plans d’eau sont le théâtre<br />

de rendez-vous nautiques mythiques aux<br />

yeux de la plupart des amateurs de régates.<br />

Le Léman voit en effet chaque second weekend<br />

du mois de juin un demi-millier de<br />

bateaux participer au Bol d’or Mirabaud.<br />

Trois cents voiliers s’élancent tous les deux<br />

ans à l’assaut du phare du Fastnet, au départ<br />

de Cowes. Une centaine de concurrents<br />

n’hésitent pas à affronter les quarantièmes<br />

rugissants chaque année, à la fin du mois de<br />

décembre, pour rejoindre Hobart depuis<br />

Sydney. Et plus de 1800 unités se retrouvent<br />

à Trieste chaque automne, pour célébrer la<br />

voile lors de la très fameuse Barcolana.<br />

Le Bol d’or Mirabaud présenté par Corum, qui<br />

fêtera ses 75 ans en 2013, reste la plus grande<br />

régate d’Europe, sur plan d’eau fermé. Mais la<br />

Barcolana, le Fastnet et la Sydney-Hobart<br />

font aussi partie des épreuves qui sont, chacune<br />

à sa manière, devenues incontournables<br />

au fil des ans. De nombreux navigateurs<br />

cultivent le rêve de participer au moins une<br />

fois dans leur carrière à l’une ou l’autre de ces<br />

rencontres. Voyage autour du monde en<br />

compagnie de quelques marins tentés par<br />

cette quadruple aventure.<br />

La pLus difficiLe<br />

Un mot résume la Sydney-Hobart, plus que<br />

les trois autres courses: l’engagement. Sid-<br />

hors-série de L’heBdo | été 2012 bol d’or mirabaud<br />

ney Gavignet, skipper du Multi One Design<br />

Oman Sail et quadruple «tourdumondiste»,<br />

au palmarès long comme un jour sans vent,<br />

la compare à «une course de haute montagne»,<br />

pour la mettre en relation avec une<br />

activité bien connue des Suisses. «J’ai remporté<br />

l’édition 2001. C’est vraiment LA<br />

régate des Australiens. Tout le monde se<br />

passionne pour l’épreuve entre Noël et Nouvel<br />

An. C’est une course difficile et engagée<br />

qui passe par le cap Raoul, au-delà de 43 ° de<br />

latitude sud. Ce sont les fameux quaran-<br />

niklas zennstrom<br />

sydney-hoBart, austraLie<br />

BarcoLana, itaLie<br />

tièmes rugissants. Il peut faire 35 °C à Sydney,<br />

et seulement 15 °C à Hobart. Ça donne<br />

une idée du changement de climat qu’on<br />

peut rencontrer sur le parcours.»<br />

Sébastien Destremau, régatier émérite et<br />

journaliste nautique basé en Australie la<br />

moitié de l’année, se souviendra pour sa<br />

part toujours de son expérience de 1998:<br />

«Six disparitions ont tragiquement marqué<br />

cette édition d’anthologie. Nous avons<br />

pris 80 nœuds (150 km/h) de vent pendant<br />

huit heures et les vagues faisaient plus de<br />

dr rolex/ daniel forster<br />

dates<br />

Le 26 décembre de chaque<br />

année depuis 1945.<br />

parcours<br />

Baie de sydney – mer<br />

de tasmanie – détroit de<br />

Bass – tasman island –<br />

derwent river – port<br />

historique de hobart.<br />

628 milles nautiques<br />

(1163 km).<br />

type de bateaux<br />

monocoques de 9 à<br />

30 mètres. classement irc<br />

ou monotype.<br />

nombre<br />

de participants<br />

une centaine. 371 bateaux<br />

pour la 50e en 1994.<br />

http://rolexsydneyhobart.<br />

com<br />

dates<br />

Le deuxième dimanche<br />

d’octobre de chaque année<br />

depuis 1969.<br />

parcours<br />

Quadrilatère de 16 milles<br />

nautiques (30 km)<br />

au départ de trieste.<br />

une des quatre bouées est<br />

située dans<br />

les eaux slovènes.<br />

type de bateaux<br />

monocoques de tout type.<br />

multicoques, dériveurs,<br />

Libera (bateaux avec trapèze)<br />

et séries olympiques<br />

pas admis.<br />

nombre<br />

de participants<br />

1800 bateaux.<br />

www.barcolana.it<br />

20 mètres. Il y a eu 47 interventions héliportées,<br />

une véritable hécatombe. Nous<br />

avons heureusement pu essuyer la tempête<br />

et terminer l’épreuve sans casse.»<br />

Hervé Favre, Genevois responsable du Tour<br />

Européen des Multi One Design, et régatier<br />

occasionnel, a également eu la chance de<br />

participer à la course en 2010. «C’est très<br />

difficile de trouver un embarquement, car<br />

les équipages se bouclent longtemps à<br />

l’avance. Les exigences de sécurité sont<br />

importantes. La moitié de l’équipe doit<br />

8 9


ol d’or mirabaud hors-série de L’heBdo | été 2012<br />

BoL d’or miraBaud présenté par corum, chapitre 74<br />

bénéficier d’une formation particulière<br />

de survie. J’ai eu de la chance et les contacts<br />

qu’il fallait pour m’embarquer à une<br />

semaine du départ.» Le navigateur souligne<br />

l’ambiance «incroyable» qui règne<br />

sur la course, particulièrement à l’arrivée à<br />

Hobart, lorsque toute la ville se met en<br />

quatre pour accueillir les coureurs. Il apprécie<br />

également le système de classement.<br />

«Ce qui est génial, c’est qu’il n’y a qu’un<br />

vainqueur en temps compensé. Un bateau<br />

de 35 pieds peut remporter la Sydney-<br />

Hobart à côté des Maxi, et c’est lui qui aura<br />

la gloire…»<br />

La pLus mythiQue<br />

Le Fastnet est également une course offshore,<br />

qui tire une partie de sa notoriété de<br />

l’édition dramatique de 1979: cette annéelà,<br />

quinze marins perdirent la vie. Equipier<br />

lors de celle de 1995, Sébastien Destremau<br />

relève l’aspect mythique du passage du<br />

fameux phare, qui a inspiré Hergé pour son<br />

album de Tintin L’île Noire. «Je ne me souviens<br />

pas de cette course comme d’un événement<br />

palpitant d’un point de vue sportif.<br />

Mais franchir ce phare reste un grand<br />

moment. Il représente un tel symbole pour<br />

un régatier, qu’au moment où on le vire, il se<br />

passe quelque chose.»<br />

Toujours dans un registre montagnard,<br />

Sidney Gavignet compare encore le Fastnet<br />

avec une longue randonnée de<br />

moyenne altitude. «Il y a parfois des coups<br />

de vent importants, mais c’est quand<br />

même plus tranquille que le sud de l’Australie.<br />

Il y a bien sûr eu des événements<br />

noirs qui ont contribué à faire la réputation<br />

de la course. Mais elle reste assez<br />

accessible.»<br />

La pLus courue<br />

Dans un autre registre, mais tout aussi digne<br />

d’intérêt, la Barcolana se dispute fin octobre<br />

à Trieste, pour un parcours carré de 16 milles<br />

qui passe par les eaux slovènes. «La Barcolana<br />

est surtout une grande fête. Il y a plein<br />

d’animations, de concerts et toute la ville<br />

sort pour l’occasion, raconte Sandra<br />

Mudronja, directrice d’une société de communication<br />

spécialisée dans le nautisme.<br />

J’ai participé à l’édition 2008 sur un RC 44.<br />

Le départ est simplement<br />

incroyable. Se retrouver à 1800<br />

voiliers sur une même ligne est<br />

indescriptible. Ce qui est dommage,<br />

en revanche, c’est que la<br />

course est presque trop courte.»<br />

Sidney Gavignet, qui a remporté<br />

la Barcolana en 2009, relate son<br />

expérience avec le même enthousiasme: «Ce<br />

qui se passe à terre est presque plus important<br />

que ce qu’il y a sur l’eau. Toute la ville est en<br />

effervescence. La course dure à peine deux<br />

heures pour les premiers, et au maximum cinq<br />

pour les petits bateaux, s’il y a peu d’air. En plus,<br />

à part pour quelques concurrents, il n’y a pas de<br />

réel enjeu sportif. Les gens viennent avant tout<br />

faire la Barcolana pour être de la partie.»<br />

L’incontournaBLe<br />

D’autres rencontres sont encore élevées au<br />

rang de classiques, ou tout au moins de<br />

courses à faire une fois dans une vie. A l’image<br />

du Spi Ouest France, qui voit 500 bateaux<br />

régater dans la baie de Quiberon: des Centomiglia<br />

du lac de Garde, équivalent du Bol d’or<br />

Mirabaud mais avec du vent presque garanti;<br />

ou encore des Voiles de Saint-Tropez, où les<br />

vieux gréements côtoient les voiliers<br />

modernes lors d’une semaine très festive.<br />

«on peut avoir un<br />

demi-Lac d’avance,<br />

on peut toujours<br />

tout perdre.»<br />

sébastien destremau<br />

loris von siebenthal<br />

fête du lac 2012 verra-t-elle un Bol d’or mirabaud<br />

sans Bertarelli en tête? en 2010, sans vent,<br />

dona et l’équipage du Ladycat avaient remporté<br />

la mise. L’an passé, sur un Léman aux airs<br />

d’océan, ernesto et Alinghi gagnaient le trophée<br />

pour la sixième fois, en 6h 25’ 50’’. cette année,<br />

les m2 tenteront à nouveau de ravir la vedette<br />

aux d35. mais plus le temps passe, moins une<br />

surprise de la part des nouveaux bateaux volants,<br />

tels le Mirabaud LX ou le P28 Gonet & Cie et leurs<br />

voiles rigides (lire en page 6), paraît impensable.<br />

du départ, samedi 16 juin à 10 h, à l’arrêt des<br />

chronomètres, dimanche à 17 h, le Bol d’or mirabaud<br />

présenté par corum verra défiler les voiliers<br />

des catégories habituelles: m1, m2 (multicoques),<br />

tcf1+2, tcf3, tcf4, LX-tcfX (monocoques),<br />

surprise, Grand surprise et toucan (monotypes).<br />

s’ajoutant au trophée des écoles de voile, un<br />

défi inter-entreprises voit le jour cette année.<br />

Les spectateurs pourront suivre, sur l’internet,<br />

le parcours de chaque équipage utilisant le système<br />

map my tracks, pour smartphones munis<br />

d’un Gps. et le Bol virtuel se disputera à nouveau<br />

sur www.virtualregatta.com, le jour même et une<br />

deuxième fois le 21 juin.√ www.boldormirabaud.ch<br />

Mais la plupart des initiés s’accordent sur<br />

un point: le «best-of» doit forcément<br />

inclure la légendaire régate lémanique.<br />

Un best-of que même les plus chevronnés<br />

doivent encore compléter: «Je suis<br />

Savoyard et j’ai appris la voile sur le lac<br />

d’Annecy, mais étonnamment, je n’ai<br />

jamais eu l’occasion de participer au Bol<br />

d’or Mirabaud», regrette Sidney Gavignet,<br />

qui n’exclut pas d’y venir le jour où<br />

l’occasion se présentera.<br />

Sébastien Destremau voit, pour sa part,<br />

la course lémanique comme un événement<br />

unique d’un point de vue sportif.<br />

«Le Bol d’or Mirabaud est typiquement<br />

une de ces épreuves qui ne sont jamais<br />

terminées. On peut avoir un demi-lac<br />

d’avance ou de retard, on peut toujours se<br />

refaire ou tout perdre. La course se joue<br />

finalement dans le Petit-Lac, à quelques<br />

milles de la ligne d’arrivée. C’est ce que<br />

j’ai vécu en 2007, quand j’ai participé en<br />

Grand Surprise.» Sandra Mudronja, qui y<br />

a participé plusieurs fois en Surprise,<br />

apprécie, elle, particulièrement de partir<br />

sur l’eau pour la nuit. «C’est quelque<br />

chose qu’on ne fait pas souvent sur le lac.<br />

On sait que ça va être long, ça change de<br />

nos habitudes de courses d’une journée.»<br />

Le 16 juin 2012, plus de 2000 navigateurs<br />

attendront une fois encore, sur cinq cents<br />

voiliers, le départ d’une course bientôt<br />

âgée de trois quarts de siècle. Entre Versoix<br />

et Yvoire, Thonon et Morges, Lutry<br />

et le Bouveret, ils auront peut-être le<br />

temps de penser aux côtes italo-slovènes,<br />

aux orgues basaltiques de Tasmanie<br />

ou au phare d’Hergé... Avant, qui sait,<br />

de s’y rendre un jour et de faire perdurer<br />

le mythe de ces courses légendaires.√<br />

10 11


destin hors-sérIe de l’heBdo | été 2012<br />

l’homme aux 1600 victoires<br />

légende Il a été le premier vainqueur du Bol d’or en 1939. Mort il y a quarante ans, louis noverraz a connu<br />

une carrière tumultueuse, de sa disqualification des Jeux olympiques de 1936 à sa médaille d’argent en 1968.<br />

Portrait du marin suisse le plus titré de l’histoire, qui avait un caractère bien trempé.<br />

bernard schopfer<br />

1936, Jeux olympiques de Munich. A la veille<br />

de la dernière régate, et alors que la médaille<br />

d’or lui tend les bras, la nouvelle tombe:<br />

l’équipage genevois est disqualifié. La cause?<br />

Le professionnalisme de son skipper, à une<br />

époque où le mouvement olympique ne<br />

tolère que de purs amateurs. Les professionnels<br />

n’ont été officiellement acceptés qu’à<br />

partir des Jeux de 1988 et de 1992. Manœuvre<br />

habile et machiavélique de ses adversaires?<br />

Pas du tout: c’est un compatriote, membre de<br />

la Société nautique de Genève, qui a dénoncé<br />

Louis Noverraz et l’a fait disqualifier, privant<br />

la Suisse de sa seule médaille d’or de voile<br />

olympique jusqu’à ce jour.<br />

Noverraz était-il professionnel? Le débat a<br />

fait rage pendant des décennies. L’homme a<br />

bien été engagé, dans les années 30, comme<br />

skipper du voilier Petite Aile de la grande<br />

navigatrice française Virginie Hériot, championne<br />

olympique en 1928. Puis il a bénéficié<br />

des faveurs de la famille Firmenich et plus<br />

tard des Stern, remportant d’innombrables<br />

victoires à la barre de leurs voiliers respectifs.<br />

Il était donc clairement professionnel selon<br />

les critères d’aujourd’hui. Mais ce sont, en fin<br />

de compte, surtout les jalousies locales et des<br />

12<br />

conflits d’individus qui ont coûté sa médaille<br />

olympique au marin suisse le plus titré de<br />

tous les temps.<br />

touche-à-tout «Pendant un demi-siècle, il a<br />

dominé le yachting lémanique et remporté<br />

1600 premiers prix sur la plupart des plans<br />

d’eau du monde, disait de lui André Guex dans<br />

son ouvrage de référence, Voiles et carènes (Editions<br />

24 Heures, 1982). Son prestige était tel<br />

que la plupart de ses rivaux rêvaient de le<br />

suivre… Il reste pour nous le symbole du sens de<br />

l’eau, cette âme de la voile.»<br />

Né en 1902 à Genève, Noverraz remporte sa<br />

première régate à l’âge de 12 ans, sur un<br />

bateau dont le propriétaire était fleuriste à la<br />

cour de Russie. Diplômé en architecture, il se<br />

consacrera entièrement à la voile, bien<br />

qu’étant officiellement vendeur d’automobiles<br />

chez Alfa Romeo. Multiple champion<br />

d’Europe et du monde, quadruple vainqueur<br />

1 PartenaIres<br />

de la prestigieuse One Ton Cup (de 1953 à<br />

louis noverraz le 12 août 1960, avec andré Firmenich<br />

et François chapot, qui furent ses coéquipiers aux Jo<br />

de 1952 à helsinki en 6 m (terminé au 6<br />

1956), il est aussi le premier Suisse à avoir<br />

barré un voilier lors de la Coupe de l’America,<br />

en 1970, aux côtés du baron Bich.<br />

Pilote automobile et d’avion, titulaire d’un<br />

brevet en acrobatie, champion de Suisse de<br />

billard, tennisman, Noverraz était un<br />

touche-à-tout surdoué. Mais c’est la voile<br />

e edipresse<br />

l’histoire du bol d’or<br />

A l’occasion du 75<br />

rang).<br />

2 FIgure<br />

Malgré sa longue carrière, louis noverraz (ici en 1961)<br />

ne put participer que quatre fois aux Jeux olympiques.<br />

Il fut cependant plusieurs fois champion du monde et<br />

d’europe en 5 m 50. e<br />

tout contrôler Comme tous les grands<br />

champions, Louis Noverraz est mis sous<br />

pression en cas de mauvaise prestation, et<br />

porté aux nues lorsqu’il gagne. En 1941, son<br />

abandon au Bol d’or, deux ans après qu’il en a<br />

remporté la première édition, est mal vécu et<br />

le skipper est contraint de se justifier publiquement.<br />

Quatrième un an plus tard, il est à<br />

nouveau épinglé par la presse, qui note que<br />

«ce résultat n’est que peu en rapport avec la<br />

réputation d’un barreur tel que Louis Noverraz».<br />

Puis revient la victoire, en 1951, et le ton<br />

change dans un article conservé au Musée du<br />

Léman de Nyon: «Ylliam fut barré de bout en<br />

bout par l’invincible Louis Noverraz, dont les<br />

extraordinaires qualités manœuvrières se<br />

montrèrent particulièrement efficaces pendant<br />

l’orage de la soirée.»<br />

Louis Noverraz a remporté le Bol d’or à six<br />

Bol d’or Mirabaud, en<br />

reprises, ce qui le place à égalité avec Chris-<br />

2013, notre collaboratian<br />

Wahl, Ernesto Bertarelli, Pierre-Yves<br />

teur Bernard Schopfer<br />

Jorand et Daniel Stampfli, et à une longueur<br />

publie La Légende du<br />

des détenteurs du record, Philippe Stern et<br />

Léman, qui paraîtra en<br />

Philippe Durr. Il en a détenu le record de<br />

septembre prochain<br />

vitesse (11h 04’ 57’’) de 1956 à 1982. Et pour-<br />

aux Editions Slatkine. Richement illustré,<br />

tant… «Dans le fond, c’est une course qu’il<br />

cet ouvrage relatera l’histoire de la course<br />

détestait, nous confiait son neveu Pierre<br />

lémanique, des premières éditions au cœur<br />

Noverraz. Car il n’avait pas le sentiment de la<br />

de la Seconde Guerre mondiale aux avan-<br />

maîtriser à cause du facteur chance, qui<br />

cées technologiques liées à l’arrivée des<br />

demeure important sur une telle course. Or, il<br />

multicoques. Pour en savoir plus sur Louis<br />

aimait bien tout contrôler.»<br />

Noverraz, et bien d’autres personnalités<br />

Louis Noverraz est mort le 15 mai 1972, il y a<br />

emblématiques.√mr<br />

quarante ans, peu après avoir obtenu une deu-<br />

Informations: contact@maxcomm.ch<br />

xième place assimilable, symboliquement, à<br />

une victoire. En 1968, en effet, après des<br />

années de mise à l’écart, la Fédération internationale<br />

de voile lui permet de participer aux<br />

Jeux de Mexico. Epilogue d’une formidable<br />

carrière: c’est à 66 ans, en compagnie de Bernard<br />

Dunand et de Marcel Stern, que Louis<br />

Noverraz obtint l’argent, trente-deux ans<br />

après sa disqualification à Munich. Cela reste,<br />

à ce jour, la dernière médaille olympique de<br />

voile remportée par la Suisse.√<br />

r.gentina/ coll. musée du léman<br />

hors-sérIe de l’heBdo | été 2012 destin<br />

qui lui a offert ses plus beaux succès. «Il<br />

avait un toucher de barre et un feeling surprenants,<br />

se souvient le météorologue<br />

genevois Bernard Dunand, qui a beaucoup<br />

régaté à ses côtés. A terre, c’était quelqu’un<br />

de charmant. Mais à bord, il était infumable.<br />

En tant qu’équipier, il ne fallait surtout<br />

pas la ramener. Si tu commençais à<br />

parler de ce qu’il aurait fallu faire, tu pouvais<br />

aussitôt faire ton sac…»<br />

«En général, dans les régates de haut niveau, il<br />

y a un barreur, un skipper qui décide de la tactique,<br />

et un régleur de voile, nous racontait son<br />

neveu Pierre Noverraz il y a une dizaine d’années.<br />

Lui, il voulait tout faire. Il voyait tout et il<br />

avait une compréhension exceptionnelle des<br />

choses; un peu comme Philippe Durr, non pas<br />

au niveau de la personnalité, mais en raison du<br />

don dont il bénéficiait.»


compétition Hors-série De L’HeBDo | été 2012<br />

m2 en mer<br />

reportage Quatorze catamarans de la<br />

classe m2 se sont retrouvés à Hyères, fin mai,<br />

pour goûter à l’eau salée. Les équipages ont<br />

apprécié cette escapade méditerranéenne<br />

tempétueuse, malgré les contraintes logistiques<br />

importantes.<br />

vincent gillioz<br />

Hyères, à côté de Toulon, jeudi de l’Ascension.<br />

Les derniers équipages ont rejoint le<br />

port dans la nuit. Ils s’activent dès l’aube au<br />

montage de leur voilier: les premières<br />

courses doivent commencer en début<br />

d’après-midi. Etienne David, chargé de la<br />

coordination logistique du Grand-Prix de<br />

Méditerranée des M2, s’affaire tous azimuts,<br />

carnet de notes à la main. Un rendez-<br />

secoués<br />

«safram», dont<br />

«L’Hebdo» est cosponsor,<br />

a remporté le grandprix<br />

de méditerranée<br />

à Hyères, la première<br />

sortie en mer des m2. ici<br />

à la lutte avec «gsmn<br />

genolier».<br />

vous avec le grutier par-ci, un coup de main<br />

pour caser une remorque par-là. «Certains<br />

travaillent depuis trois jours pour être prêts,<br />

alors que d’autres n’ont besoin que d’une<br />

matinée. C’est une question d’expérience.<br />

Plusieurs équipes ont découvert le montage<br />

et le démontage du voilier pour cette<br />

rencontre.»<br />

La série de catamarans hi-tech, créée en<br />

2005 par Rodolphe Gautier et Christian<br />

Favre, fait pour la première fois une excursion<br />

en mer, entre deux courses sur le<br />

Léman. Les M2 disputaient, jusqu’en 2011,<br />

leur championnat entre celui-ci et le lac de<br />

Neuchâtel. Les bateaux étaient transportés<br />

par hélicoptère de l’un à l’autre, ce qui n’était<br />

bien sûr pas envisageable pour rejoindre<br />

Hyères.<br />

DynamiQue De cLasse Le terre-plein se<br />

vide: la grue met à l’eau les bateaux les uns<br />

après les autres. Plusieurs équipages<br />

déballent du matériel neuf, gilets de sauvetage<br />

autogonflants, radio VHF, ancre.<br />

Antoine Thorens, skipper de TeamWork:<br />

«Cela surprend un peu de naviguer avec une<br />

robin christol/safram team work m2 speed tour<br />

ancre, mais tout le monde est logé à la même<br />

enseigne!»<br />

Les M2 disputent cinq manches de 30 à<br />

40 minutes, avec une jolie brise de force<br />

4-5, avant de regagner le port vers 18 heures.<br />

Safram, barré par Jean-Christophe Mourniac,<br />

ressort en tête de cette première journée.<br />

Le comité de course, qui vient d’organiser<br />

la Semaine olympique nationale et le<br />

Championnat du monde de Star, connaît la<br />

musique. «Quatorze bateaux, ce n’est pas<br />

grand-chose pour nous. Nous recevons souvent<br />

des événements avec plus de cent<br />

concurrents», rappelle Régis Bérenguier, le<br />

directeur de course.<br />

Etienne David, qui gère aussi le matériel de<br />

rechange, est intervenu une seule fois entre<br />

deux régates pour changer le safran (pièce<br />

immergée du gouvernail) de TeamWork.<br />

«Nous avons en supplément un mât, une<br />

dérive et un safran. Cela permet de régler<br />

quelques dégâts, mais il ne faudrait pas qu’il<br />

y en ait trop…»<br />

Le soir, la plupart des équipes se retrouvent<br />

pour un verre au Sax, le bar du port.<br />

Quelques critiques émergent. «Fallait-il<br />

vraiment venir ici, alors que le vent n’est<br />

pas si différent du lac? Le jeu en vaut-il la<br />

chandelle?» La convivialité d’un tel déplacement<br />

est pourtant relevée. «C’est important<br />

pour la dynamique de la classe. Elle<br />

soude les gens», note Nicolas Rossier,<br />

équipier de Patrimonium.<br />

Baston Vendredi de l’Ascension: deuxième<br />

jour de course. Le vent d’est annoncé souffle<br />

autour de vingt nœuds. Les quatorze voiliers<br />

sortent sous une pluie battante, trois<br />

courses musclées sont lancées. Les équipiers<br />

sont secoués dans tous les sens et<br />

deux d’entre eux, Darius Golchan et Nicolas<br />

Denervaud, s’offrent même une baignade<br />

involontaire.<br />

Le ciel se dégage en même temps que le vent<br />

gagne un cran. Le comité envoie encore un<br />

parcours côtier d’une quinzaine de milles,<br />

en sachant que ce sera impossible samedi:<br />

la météo annonce un renforcement des<br />

conditions. La mer est blanche, et 30 nœuds<br />

s’affichent sur les anémomètres. C’est «baston»,<br />

comme disent les marins. Trois<br />

bateaux abandonnent en cours de matinée,<br />

un pour avarie, les autres par prudence.<br />

«Nous ne sommes pas prêts pour ces conditions,<br />

explique Bertrand Imobersteg, équipier<br />

sur Alpha.ch. Nous préférons rentrer<br />

que casser du matériel.»<br />

De retour au port, les participants ont le<br />

visage souriant et blanchi de sel. Charles<br />

Favre, vainqueur du parcours côtier sur<br />

Spam: «Ce genre de navigation est assez<br />

limite... Mais de temps en temps, c’est vraiment<br />

génial.» Les critiques de la veille sont<br />

oubliées. Même si la troisième journée de<br />

course ne pourra être disputée, en raison du<br />

vent tempétueux, tous sont convaincus de<br />

la griserie offerte par la mer. Et d’aller voir si<br />

l’ora ou le ponal, airs de vallée du lac de<br />

Garde où aura lieu en septembre la dernière<br />

étape du championnat des M2, vaut le vent<br />

d’est et les embruns salés.√<br />

14 15


parrainage Hors-série de l’Hebdo | été 2012<br />

dessine-moi<br />

un logo<br />

stratégie le récent retrait de Veolia de la course au large<br />

a rappelé que la crise touche aussi la voile. mais autour du<br />

léman, les marques abondent sur les bateaux. Comment les<br />

navigateurs suisses décrochent-ils leurs sponsors?<br />

texte vincent gillioz<br />

illustration wazem<br />

Il y a bien longtemps, les coques des voiliers<br />

étaient blanches, ornées tout au plus d’un<br />

filet doré au livet, et les propriétaires de<br />

bateau finançaient leur saison et leur équipage<br />

avec leur propre argent.<br />

Tout cela est révolu. La démocratisation de la<br />

voile a forcé les régatiers aux modestes<br />

moyens à trouver des financements. Le mécénat<br />

a permis à certains jeunes talents de sortir<br />

du bois. Mais aujourd’hui, il est quasiment<br />

indispensable de trouver un sponsor et donc<br />

d’en arborer la marque. Les navires sont devenus,<br />

à l’image des maillots des joueurs de foot,<br />

des panneaux publicitaires qui se monnaient.<br />

La crise n’épargne cependant pas la voile, et le<br />

sponsoring est souvent le premier poste à<br />

disparaître du budget d’une entreprise qui<br />

veut réduire ses coûts. Le Français Roland<br />

Jourdain en a fait la douloureuse expérience,<br />

informé du retrait de son partenaire Veolia<br />

alors qu’il était en plein stage d’entraînement<br />

au Maroc avec son MOD 70. Franck Cammas<br />

a aussi appris que Groupama ne comptait pas<br />

poursuivre son engagement sur une seconde<br />

Volvo Ocean Race, alors qu’il n’avait pas<br />

encore terminé la première. En Suisse, trouver<br />

un partenaire est-il plus simple?<br />

Réponses de navigateurs.<br />

16<br />

les petits budgets Les Surprise, très répandus<br />

sur nos lacs, sont aujourd’hui presque tous<br />

sponsorisés. La plupart ont de quoi renouveler<br />

leur garde-robe annuellement, soit une<br />

dizaine de milliers de francs. D’autres s’autosponsorisent,<br />

comme Olivier Beck avec le nom<br />

de sa propre PME de menuiserie: «Les gens se<br />

souviennent ainsi de ce que je fais, et ils<br />

viennent chez moi quand ils ont besoin d’un<br />

menuisier.»<br />

Michel Glaus, président du comité d’organisation<br />

du Bol d’or Mirabaud, brille dans la série<br />

depuis plus de deux décennies, et détient le<br />

record de longévité avec le même partenaire,<br />

Teo Jakob. «Dans notre cas, c’est le sponsor qui<br />

nous a proposé un soutien pour apparaître sur<br />

la coque et les voiles. L’entreprise dépensait<br />

quelques milliers de francs par mois pour de la<br />

publicité dans la presse locale. Sur les conseils<br />

d’une marque déjà présente sur un voilier, elle a<br />

décidé d’affecter ce budget à un bateau. Ensuite,<br />

le contact s’est fait grâce à un lien de famille<br />

entre le partenaire et l’un de nos équipiers.»<br />

Patrick Quennoz, propriétaire de Fou du Vent,<br />

porte la marque du papetier genevois Brachard<br />

depuis trois saisons. «J’ai cherché un<br />

partenaire plusieurs années pour financer les<br />

voiles. Beaucoup d’entreprises se déclaraient<br />

intéressées, sans jamais signer. Cela s’est finalement<br />

fait par réseau: je connaissais personnellement<br />

le directeur de l’entreprise.» Sans<br />

carnet d’adresses sérieux, la recherche de partenaires<br />

peut vite tourner au cauchemar. En<br />

outre, un bon réseau est probablement plus<br />

efficace dans le petit milieu qu’est la Suisse<br />

romande que partout ailleurs.<br />

les seigneurs du laC A l’autre extrême, on<br />

trouve les Décision 35, qui nécessitent des<br />

budgets à cinq zéros chaque année. La plupart<br />

sont détenus par des propriétaires fortunés<br />

qui ne recourent pas systématiquement<br />

au sponsoring, à l’image d’Alinghi<br />

d’Ernesto Bertarelli ou de Zen Too de Guy de<br />

Picciotto. Le Centre d’entraînement à la<br />

régate (CER), mené par Jérôme Clerc, aligne<br />

toutefois un voilier sur le Vulcain Trophy<br />

avec un projet financé à 100% par une<br />

société de fonds de placement. Grâce à son<br />

réseau, là aussi. «Esteban Garcia, le patron<br />

de Realstone, a remarqué notre performance<br />

lors d’un grand prix et nous a proposé<br />

de financer l’ensemble de la saison.»<br />

Jérôme Clerc, qui est aussi en charge de tout<br />

le sponsoring pour l’association genevoise,<br />

précise encore: «Nous obtenons de bons<br />

résultats par le démarchage ciblé de petits<br />

sponsors, sans contacts préalables.»<br />

Cela devient plus compliqué pour la voile<br />

olympique, confidentielle en Suisse, et donc à<br />

la visibilité faible. Lucien Cujean, qui s’est<br />

investi pendant deux ans dans un projet en<br />

Laser, a surtout vécu du mécénat. «J’ai obtenu<br />

des soutiens de privés. Mais trouver un vrai<br />

sponsor prend du temps que je n’avais pas.<br />

Naviguer à haut niveau impose de passer 250<br />

jours par an sur l’eau. Il faut être entouré par<br />

une équipe qui s’occupe des aspects financiers<br />

et de la communication.»<br />

galères La classe Mini, supposée ouvrir<br />

les portes de la course au large, est finalement<br />

la plus représentative des galères<br />

dans la recherche de fonds. Pour de nombreux<br />

régatiers, traverser l’Atlantique en<br />

solitaire constitue le rêve d’une vie. Aussi,<br />

certains n’hésitent pas à s’endetter. Le<br />

Suisse Bernard Stamm, qui avait participé<br />

à la Mini Transat en 1995, rappelle: «J’ai<br />

commencé à construire mon 60 pieds alors<br />

que je n’avais pas fini de payer ma transat.<br />

Si j’avais attendu, je n’aurais jamais rien<br />

fait.» Loïc Forestier, équipier de Stève<br />

Ravussin et candidat à l’édition 2013 de la<br />

Transat 6.50, n’envisage pas cette solution:<br />

«Si je ne trouve pas de sponsors d’ici au<br />

mois d’octobre, je renoncerai. Pour l’heure<br />

j’investis mon propre argent. Mais il n’est<br />

pas question de m’endetter, il y a trop d’histoires<br />

de marins qui paient leur projet pendant<br />

dix ans.»<br />

La Suisse romande reste relativement privilégiée<br />

pour l’obtention d’un sponsor. Mais il faut<br />

savoir que la plupart des bateaux qui portent le<br />

nom d’une marque ne touchent en général<br />

qu’une enveloppe de contribution aux frais<br />

d’entretien et à l’achat de voiles. Les équipages<br />

recevant un véritable budget de fonctionnement<br />

sont assez rares. Le sponsoring continuera<br />

donc à bien se porter… pour autant que<br />

les marins soient prêts à mettre la main au<br />

portemonnaie.√


poissons hors-série de l’hebdo | été 2012 hors-série de l’hebdo | été 2012 poissons<br />

pêche mir aculeuse<br />

faune et gastronomie le léman n’attire pas que les navigateurs. très poissonneux, il fait aussi la joie des pêcheurs et des gastronomes. descente sous la ligne de flottaison, là où règnent les poissons.<br />

shutterstock<br />

patrick morier-genoud<br />

«Etre respectueux du poisson.» Voilà, pour Rolf<br />

Bühlmann, le trait essentiel d’un bon pêcheur. Et le<br />

président de la Fédération internationale des<br />

pêcheurs amateurs du Léman (FIPAL) sait de quoi il<br />

parle. Cela fait soixante-sept ans qu’il s’adonne à sa<br />

passion, ayant débuté à l’âge de 4 ans avec un de ses<br />

oncles. Ces milliers d’heures à observer le lac et ses<br />

habitants sous-marins en ont fait un véritable puits<br />

de connaissances. Il reste pourtant modeste quant à<br />

ses prises, avouant à peine quelques pièces de plus<br />

de 10 kilos. Et lorsqu’on lui demande quels sont ses<br />

plus beaux souvenirs, il évoque avec bonheur les<br />

centaines d’enfants qu’il a initiés à son art alors qu’il<br />

était à la tête d’une école de pêche. «Au début, il ne<br />

se passe rien et les gamins commencent à s’ennuyer.<br />

Et puis, tout à coup, il y en a un qui fait une<br />

touche, et là, ils deviennent des mordus…»<br />

Il y a un peu moins de 200 pêcheurs professionnels<br />

sur le Léman (France et Suisse), mais 8000<br />

permis sont attribués chaque année aux amateurs,<br />

sans compter les permis journaliers. Il faut dire<br />

que le Léman est considéré comme un lac plutôt<br />

poissonneux et, à eux tous, ces pêcheurs ont sorti<br />

1000 tonnes de poissons du lac en 2010.<br />

trentre-cinq espèces Frédéric Hofmann ne<br />

pratique pas la pêche, ce qui ne l’empêche pas<br />

d’être conservateur de la pêche et des milieux<br />

aquatiques du canton de Vaud. «Officiellement,<br />

24 espèces “indigènes ou acclimatées” peuplent le<br />

lac, en compagnie de 11 espèces “introduites et<br />

indésirables” (dont le poisson rouge asiatique et<br />

l’américaine truite arc-en-ciel). Mais on en saura<br />

plus après le grand recensement qui va avoir lieu<br />

cette année.»<br />

Il y en a qui pourraient avoir disparu des eaux lémaniques,<br />

comme l’anguille, qui n’a plus donné signe<br />

de vie depuis longtemps. Certaines espèces ont<br />

besoin d’un coup de main pour se maintenir dans le<br />

lac, comme l’omble (800 000 alevins introduits<br />

chaque année), la truite (500 000) et la féra (10 millions!).<br />

Cela dit, ces alevins proviennent tous de<br />

«géniteurs autochtones», mais ils ont grandi loin<br />

des dangers du lac, par exemple en pisciculture.<br />

On l’aura compris, parmi les poissons lémaniques,<br />

il en est dont on se préoccupe plus, peut-être parce<br />

qu’ils finissent un jour ou l’autre dans notre<br />

assiette. Quels sont ceux dont on se régale?<br />

A tout seigneur tout honneur, commençons par<br />

l’omble chevalier (14 943 kilos pêchés en 2010).<br />

La Fédération suisse de pêche l’a désigné comme<br />

«poisson de l’année 2012» et les gastronomes<br />

l’adorent. Jeune, l’omble vit en groupe, se nourrit de<br />

petits mollusques, de larves d’insectes ou encore de<br />

débris végétaux. Adulte, il devient solitaire et se<br />

nourrit de poissons. Sur le plan suisse, l’omble est<br />

considéré comme une espèce vulnérable.<br />

Si l’omble est le roi, le brochet (48 445 kilos<br />

pêchés), lui, est un vrai baron. Un baron qui a longtemps<br />

eu une réputation d’ogre dévorant tous les<br />

poissons passant à sa portée, à tel point que les<br />

pêcheurs le considéraient comme un sacré concurrent.<br />

Aujourd’hui, on sait que le brochet ne chasse<br />

que ce dont il a besoin et qu’il est un excellent<br />

régulateur de la faune des lacs. Il n’empêche, sa<br />

gueule est impressionnante (700 dents pointues<br />

et crochues!) et sa taille peut l’être aussi (jusqu’à<br />

plus de 130 centimètres pour 20 kilos).<br />

La truite (11 499 kilos pêchés), ne vous en moquez<br />

jamais, elle est de la famille du saumon. Les<br />

pêcheurs l’aiment bien, car elle est combative et<br />

résiste même plus longtemps au bout de la ligne<br />

que le féroce brochet. Sa chair est savoureuse, mais<br />

sa reproduction laborieuse. La truite doit en effet<br />

remonter les rivières pour frayer, et tant les obstacles<br />

artificiels que la pollution l’affectent.<br />

Si sa réputation dépasse largement ses réelles<br />

qualités gustatives, c’est à son filet que la perche<br />

(335 373 kilos pêchés) le doit. Même les gens qui<br />

n’aiment pas le poisson en mangent, frits et noyés<br />

de mayonnaise ou de beurre fondu. Quand elle ne<br />

finit pas sa vie dans une assiette sur une terrasse<br />

lémanique, la perche peut grandir jusqu’à 50 centimètres<br />

et peser plus de 4 kilos.<br />

La féra est aujourd’hui le poisson le plus pêché du<br />

Léman (542 080 kilos), où elle abonde. Pourtant,<br />

elle avait disparu dans les années 20, pour cause de<br />

surpêche, et les féras lémaniques sont aujourd’hui<br />

originaires du lac de Neuchâtel, où l’on est allé, à<br />

partir de 1940, chercher des alevins de palée (le<br />

nom neuchâtelois de la féra) pour repeupler le<br />

Léman. Sa taille moyenne est de 45 centimètres<br />

pour un poids de 1 kilo.<br />

Voilà pour les espèces les plus réputées. Mais n’oublions<br />

pas la délicieuse lotte (6083 kilos pêchés)<br />

et le commun gardon (31 202 kilos péchés). Enfin,<br />

parmi les 1520 kilos péchés en 2010 restants, on<br />

trouvera peut-être l’ablette, le goujon, le chevaine, la<br />

tanche, le spirlin, le vairon, le rotengle…<br />

sushis du lac Josef Zisyadis, président de la<br />

Semaine du goût, se définit lui-même comme un<br />

«fada des poissons du Léman». «Les gens les<br />

méconnaissent et ne les considèrent pas à leur juste<br />

valeur. Moi, je me régale d’ombles, de féras, de brochets…<br />

En revanche, je ne suis pas grand amateur de<br />

filets de perche, que je trouve un peu insipides; je<br />

leur préfère de loin la boya (une grosse perche),<br />

beaucoup plus intéressante au niveau du goût.»<br />

Alors que les sushis deviennent de plus en plus<br />

populaires en Suisse, Rolf Bühlmann rappelle que<br />

tous les poissons du lac peuvent être mangés crus, à<br />

LA RECETTE DE STÉPHANE DÉCOTTERD<br />

l a féra du léman au citron confit<br />

et grecque de légumes de saison<br />

ingrédients (4personnes)<br />

GRECQUE DE LÉGUMES<br />

• 1 poivron<br />

• 2 carottes<br />

• 1 petit chou-fleur<br />

• 1 petit brocoli<br />

• 1 navet long<br />

• 1 artichaut tourné<br />

(Chacun peut adapter cette<br />

<strong>recette</strong> en utilisant les légumes<br />

de son choix en fonction de ses<br />

envies et des saisons.)<br />

légumes Laver et éplucher les légumes.<br />

Les tailler de différentes formes<br />

en prenant garde qu’ils soient tous de<br />

taille égale. Dans une casserole, mélanger<br />

tous les ingrédients de la marinade<br />

et amener à ébullition. Plonger les<br />

légumes, couvrir, cuire deux minutes et<br />

laisser refroidir. Egoutter et réduire une<br />

partie du jus de cuisson à consistance<br />

afin d’enrober les légumes.<br />

mousseline au citron confit<br />

Laver les citrons et les emballer dans<br />

une feuille d’aluminium. Cuire dans<br />

un four à 150 °C pendant 2 à 3 heures.<br />

Pendant ce temps, cuire l’œuf «mollet»,<br />

soit 5 minutes dans de l’eau bouillante<br />

salée. Au sortir du four, partager les<br />

citrons en deux et récupérer la chair à<br />

MARINADE<br />

À LA GRECQUE<br />

• 200 g de vin blanc<br />

• 5 cuillères à soupe<br />

d’huile d’olive<br />

• 1 cuillère à café<br />

de graines de coriandre<br />

• 1 cuillère à soupe<br />

de vinaigre<br />

• 1 branche de thym<br />

et 1 gousse d’ail<br />

• 3 tranches de citron<br />

• sel<br />

condition d’avoir été préalablement congelés 48<br />

heures, afin de neutraliser les éventuels parasites.<br />

A celles et ceux qui douteraient encore des qualités<br />

gustatives des poissons du Léman, nous<br />

conseillons la <strong>recette</strong> de féra (voir ci-dessous) que<br />

nous a confiée Stéphane Décotterd, le brillant chef<br />

du Pont de Brent. Qui déclare apprécier particulièrement<br />

ce poisson: «Je le cuisine souvent. Il faut<br />

être attentif, car la féra supporte très mal la sur-<br />

SAUCE AU CITRON<br />

CONFIT<br />

• 2 citrons<br />

• 1 œuf<br />

• 1 dl d’huile d’olive<br />

• sel, tabasco<br />

FÉRA<br />

• 4 petits filets de féra (environ<br />

140 g/pièce) parés, désarêtés,<br />

avec peau<br />

• 1 cc de beurre pommade<br />

• sel<br />

l’aide d’une cuillère. Mettre dans la cuve<br />

du mixeur avec l’œuf mollet. Assaisonner<br />

et mixer finement en ajoutant l’huile<br />

d’olive en filet.<br />

féra Parer les filets de féra sur les côtés<br />

et retirer la partie plus fine de la queue,<br />

afin d’obtenir de beaux rectangles. Du<br />

côté peau, inciser les filets sur toute la<br />

longueur aux trois quarts de l’épaisseur.<br />

Les «ouvrir» en deux pour obtenir une<br />

sorte de darne. Déposer dans un plat<br />

beurré et recouvrir d’une fine couche de<br />

beurre pommade, assaisonner.<br />

garniture A l’aide d’un rouleau à<br />

pâtisserie, abaisser les tranches de<br />

pain de mie. Détailler 8 bandes de 5 cm<br />

sur 1 cm. Les faire sécher au four entre<br />

GARNITURE<br />

• 2 fines tranches de pain<br />

de mie sans la croûte<br />

• 1 cc de câpres fines<br />

• 1 cs de dés de chair<br />

de citron<br />

• cerfeuil<br />

deux feuilles de papier sulfurisé. Garnir<br />

chaque croûton d’un peu de sauce<br />

mousseline et y ranger les dés de citron<br />

et les câpres en intercalant de petites<br />

feuilles de cerfeuil.<br />

finitions et dressage Couvrir les filets<br />

de féra d’une feuille d’aluminium et<br />

glisser dans un four préchauffé à 150 °C.<br />

Cuire 7 à 8 minutes environ en fonction<br />

du four. La chair doit être translucide,<br />

faites attention car la féra ne supporte<br />

pas la surcuisson. Dresser harmonieusement<br />

la grecque de légumes. Parsemer<br />

les filets de féra de quelques<br />

grains de fleur de sel et surmonter de<br />

deux croûtons aux câpres par personne.<br />

Saucer avec quelques points de sauce<br />

mousseline et servir le reste à part.<br />

cuisson. Mais elle a une chair fine et délicate, et<br />

peut être apprêtée de multiples façons.»√<br />

adresses utiles<br />

fipal:<br />

www.fipal.ch<br />

association école de pêche sur le léman:<br />

www.aepl.ch<br />

l’association propose des journées de pêche<br />

en bateau équipé, pour débutants<br />

ou pêcheurs expérimentés.<br />

Le Pont-de-Brent, 2 étoiles Michelin, 18/20 GaulltMillau<br />

Route de Blonay 4, 1817 Brent, 021 964 52 30.<br />

www.lepontdebrent.ch.<br />

Le blog du chef Stéphane Décotterd :<br />

http://stephanedecotterd.com/<br />

18 19<br />

sedrik nemeth


portrait Hors-série de l’Hebdo | été 2012<br />

mettraux, les racines da ns l’eau<br />

filiation Jacques mettraux et ses cinq enfants, elodie, Justine, nelson, bryan et laurane, ont fait du nautisme un mode de vie. rencontre avec des<br />

dingues de voile, engagés sur le léman comme en mer, en croisière et surtout en compétition de haut niveau.<br />

bernard schopfer<br />

15 juin 2010: le catamaran Ladycat de Dona<br />

Bertarelli remporte le Bol d’or Mirabaud. A son<br />

bord, deux sœurs: Elodie et Justine Mettraux.<br />

Deux mois plus tard, les mêmes naviguent<br />

longuement en tête des 5 Jours du Léman, la<br />

plus grande course d’endurance de Suisse, qui<br />

se dispute en double, avant de laisser filer la<br />

victoire. Depuis, on ne cesse de voir leur nom<br />

de famille dans les palmarès des principales<br />

régates de Suisse, associé aussi aux prénoms<br />

de deux petits frères – Nelson et Bryan – et<br />

d’une troisième sœur, Laurane.<br />

Les Mettraux de Versoix, on les rencontre par<br />

n’importe quel temps sur les pontons du<br />

Léman, en tongs ou en ciré complet. Pour les<br />

enfants de Karine et Jacques Mettraux, âgés<br />

de 19 à 28 ans, la voile est en effet devenue un<br />

vrai mode de vie.<br />

Née en 1984, Elodie Jane, l’aînée, navigue<br />

depuis l’âge de 2 ans. Elle conduira cet été<br />

l’équipage du Centre d’entraînement à la<br />

régate (CER) au Tour de France à la Voile et elle<br />

est pressentie pour reprendre les rênes de<br />

cette école très efficace, financée par la Ville de<br />

Genève. «C’est paradoxal, parce qu’à la base, je<br />

ne suis pas compétitive. Ce qui m’intéresse,<br />

c’est de bien régler un bateau et non pas de<br />

battre un adversaire. Mais la régate m’a tout de<br />

même bien “crochée” et j’ai ouvert la voie pour<br />

mes frères et sœurs. Aujourd’hui, je crois qu’ils<br />

sont même encore plus motivés que moi…»<br />

Pas Plus de deux à bord Sa sœur cadette,<br />

Justine, 26 ans, a débuté ce printemps une carrière<br />

professionnelle dans la classe des Mini,<br />

des voiliers de 6 m 50 destinés à traverser l’Atlantique.<br />

Soutenue par l’entreprise genevoise<br />

TeamWork, elle déclare vouloir «faire ses<br />

gammes à son rythme», ce qui, dans son langage,<br />

s’est déjà traduit par deux victoires:<br />

l’Open Demi-Clé et La Trinité – Plymouth.<br />

a1<br />

1 Justine<br />

la cadette se prépare,<br />

depuis lorient, à la transat<br />

6.50 2013.<br />

2 smala<br />

de gauche à droite,<br />

laurane, elodie Jane,<br />

bryan, nelson et Jacques,<br />

le papa.<br />

Bryan, 22 ans, est quant à lui l’un des piliers du<br />

CER. Il navigue dès qu’il le peut, et avec talent,<br />

en Décision 35 aux 5 Jours du Léman, au Tour<br />

de France à la Voile, en match race…<br />

Enfin, les jumeaux Laurane et Nelson, nés le<br />

3 août 1992, principalement actifs en Surprise,<br />

luttent avec fougue pour se faire un prénom<br />

dans ce microcosme où leur nom de<br />

famille prend déjà tant de place.<br />

«Je les connais très, très bien, soupire Jérôme<br />

Clerc, l’administrateur du CER, qui les a vus<br />

défiler à tour de rôle sur ses voiliers. On peut<br />

dire qu’ils sont proches les uns des autres: ils<br />

ont tous des caractères de chien!» rigole-t-il,<br />

en précisant qu’ils sont animés par la même<br />

passion, et dotés d’un potentiel évident en<br />

vue d’une éventuelle carrière au plus haut<br />

niveau. «Ils se poussent les uns les autres et<br />

veulent absolument faire mieux que leur prédécesseur.<br />

Un jour, il y en a même un qui m’a<br />

dit: “Si on se fait battre par ma sœur, j’arrête la<br />

voile.” Depuis, j’ai établi une règle: pas plus de<br />

deux Mettraux à bord!»<br />

Jacques, le papa, inspecteur à la police judiciaire<br />

à Genève, raconte que «tout cela a débuté par le<br />

plus grand des hasards. A la base, j’étais agricul-<br />

stéphanie gaspari<br />

Hors-série de l’Hebdo |été 2012 portrait<br />

teur dans la campagne fribourgeoise. Lorsque<br />

je suis arrivé à Genève, la seule famille que je<br />

connaissais était celle de Fred Descombes, qui<br />

gère l’école de voile Moby Dick à Versoix. Il nous<br />

a emmenés naviguer et ça m’a tout de suite plu.<br />

C’est un sport complet, qui implique du bricolage,<br />

fait travailler la tête et les mains, et impose<br />

des prises de responsabilités.»<br />

caP sur le lac Jacques acquiert son premier<br />

voilier en 1986. «Il a fallu choisir entre acheter<br />

un bateau ou un nouvel appartement. Mais la<br />

question ne s’est même pas posée.» Le Léman<br />

s’avère rapidement exigu et la famille Mettraux<br />

met le cap sur le large. Côte d’Azur,<br />

Corse, Baléares, Croatie, Bretagne: toutes les<br />

vacances y passent, et les enfants grandissent<br />

avec des embruns dans les cheveux. «La voile<br />

m’a permis de leur montrer que l’on peut faire<br />

face à toutes les situations, estime Jacques.<br />

Cela les a rendus indépendants, responsables<br />

et sûrs d’eux.»<br />

Devenus grands, les enfants ont quitté<br />

l’embarcation familiale au profit d’équipages<br />

plus compétitifs. Mais, quoique passionnés,<br />

comme leur père, ils considèrent<br />

ce sport comme une opportunité de progresser<br />

dans de nombreux domaines plutôt<br />

que comme une fin en soi. Ainsi, Justine<br />

est aussi maîtresse d’école, Elodie ingénieure<br />

en environnement, Bryan constructeur<br />

naval, tandis que les jumeaux vont<br />

entamer l’automne prochain – au terme<br />

d’une année sabbatique consacrée à… la<br />

voile – des études en sciences politiques<br />

(Nelson) et géographie (Laurane).<br />

En attendant de voir se dessiner son avenir<br />

professionnel, Nelson, à 19 ans, a créé une<br />

association destinée à démarcher des sponsors.<br />

Car il souhaite naviguer sur d’autres<br />

séries que ses aînés: «Cela ne sert à rien de<br />

faire la même chose qu’eux.» Talentueux et<br />

déterminés, les Mettraux de Versoix.√<br />

a2<br />

jean revillard rezo


portfolio hors-série de l’hebdo | été 2012<br />

l’âme du léman révélée<br />

photographie depuis trente ans, le veveysan<br />

gilles Favez arpente le lac, appareil en<br />

main. il a capté des coups de vent et des ciels<br />

qui sont des trésors d’argentique.<br />

1 lothar «J’étais à Villeneuve<br />

quand j’ai vu, vers 11<br />

heures, une seiche, une élévation<br />

du niveau du lac qui<br />

annonçait un événement<br />

exceptionnel. Je suis tout<br />

de suite parti pour la place<br />

du Marché de Vevey, où les<br />

enrochements des quais ont<br />

été dévastés, pour capter la<br />

puissance de la tempête.»√<br />

3 vent d’ouest «Quand<br />

cela a commencé à souffler,<br />

j’étais au magasin, j’ai<br />

alors foncé au débarcadère.<br />

Pour rendre visible le coup<br />

de vent d’ouest sur l’eau,<br />

j’ai utilisé un filtre gris qui<br />

diminue le temps de pose. Il<br />

faut y aller car le ciel change<br />

très vite. En dix minutes, les<br />

nuages étaient partis.»√<br />

dois, reçoit dans son magasin des entrailles<br />

de la gare de Vevey, son père André, 88 ans,<br />

est toujours là. Il y a longtemps, les Favez<br />

étaient photographes officiels de la famille<br />

Chaplin. Depuis, Gilles a navigué en Méditerranée<br />

et dans l’Atlantique, photographié<br />

hors-série de l’hebdo | été 2012 portfolio<br />

1 2<br />

3<br />

Un père qui avait un canot sur le lac, et la lecture,<br />

à 18 ans, de Vagabond des mers du Sud<br />

de Bernard Moitessier: c’est là qu’il faut<br />

chercher les racines de l’existence lacustre<br />

de Gilles Favez. Lorsque cet homme discret,<br />

aux yeux gris et au chaleureux accent vau-<br />

2 grand-lac «Une paisible<br />

soirée d’automne<br />

dans une absence totale<br />

de vent, avec l’embouchure<br />

de la Dranse au loin.<br />

On voit le sillage de mon<br />

bateau à moteur. Saisir le<br />

lac calme est moins évident<br />

en noir-blanc: il faut<br />

des nuances, de l’embrun,<br />

des nuages.»√<br />

4 haut-lac «On dit que<br />

le négatif est une partition<br />

que le tireur interprète. J’ai<br />

retenu 5 secondes supplémentaires<br />

sur le lac, à la<br />

main, pour le faire ressortir.<br />

Le voilier est “Séduction”,<br />

un Jeudi 12, une série dessinée<br />

et construite dans les<br />

années 70 par Daniel Voruz,<br />

à Cully.»√<br />

des milliers de voiliers; il est devenu surtout<br />

l’arpenteur du Léman, passant le plus clair<br />

de son temps sur l’eau. «Tous les aspects du<br />

lac me passionnent. C’est un océan de<br />

poche.» S’il vit de portraits, d’illustrations<br />

de régates et de bateaux au numérique,<br />

4<br />

Gilles Favez poursuit depuis trente ans une<br />

quête plus personnelle, à l’argentique et en<br />

noir-blanc: révéler les moindres aspects du<br />

Léman, ses habitants et ses états d’âme,<br />

dont témoignent les magnifiques clichés<br />

présentés ici.√matthieu ruf<br />

gilles Favez<br />

Né en 1957, Gilles Favez a effectué<br />

un apprentissage de photographe<br />

publicitaire à Lausanne avant de revenir<br />

au magasin veveysan de ses parents,<br />

qu’il tient désormais. Son travail sur<br />

le Léman, ses phares et ses bateaux<br />

a été publié dans de nombreuses revues et dans plusieurs livres.<br />

Il réalise aussi des portraits de clients privés et collabore avec le<br />

Musée du Léman, et il est photographe officiel des 6 m JI depuis dix<br />

ans.√www.gillesfavez.ch<br />

22 23<br />

andjelija estermann

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