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Peziza acropapulata sp. nov. (Pezizales), une espèce<br />

à ascospores obtusément apiculées<br />

René DOUGOUD<br />

Route de la Gruyère 19<br />

CH-1700 Fribourg<br />

rene.dougoud@bluewin.ch<br />

Ascomycete.org, 4 (6) : 125-128.<br />

Novembre 2012<br />

Mise en ligne le 28/11/2012<br />

Introduction<br />

Parmi les nombreuses espèces composant le genre Peziza<br />

Fr., certaines d’entre elles possèdent des ascospores à paroi<br />

ornementée, avec une propension plus ou moins marquée<br />

à former des apicules 1 polaires. Ceux-ci sont cyanophiles,<br />

simples ou multiples, obtus ou aigus et plus ou moins larges<br />

et élevés. Ils sont cependant spécifiques, bien que leur<br />

forme ou longueur puissent quelque peu varier. Plusieurs<br />

auteurs ont traité ce groupe de Peziza : DONADINI (1977) qui<br />

a créé une section Apiculatae ; HIRSCH (1984) qui a proposé<br />

une nouvelle combinaison, prioritaire à celle de Donadini,<br />

de la section Aleurodiscina de MALENÇON (1939), avec P. apiculata<br />

Cooke comme espèce-type ; MORAVEC (1985) et HÄFF-<br />

NER (1986). Ce dernier a pris en compte l’opinion de MORAVEC<br />

(op. cit.) et a adopté le sous genre Phaeopezia Sacc. pour ce<br />

groupe d’espèces, avec pour motif que P. apiculata avait été<br />

placé par SACCARDO (1889) dans le genre Phaeopezia. HÄFF-<br />

NER (1986 : 190) propose une « classification » des apicules<br />

en fonction de leur conformation. L’espèce que nous décrivons<br />

s’inscrit parmi les espèces à ascospores à apicules<br />

simples, modérément épais, arrondis à tronqués.<br />

Cette pézize a été découverte dans la Grande Cariçaie 2,<br />

une réserve naturelle sise sur la rive sud du lac de Neuchâtel<br />

(Suisse), réserve dans laquelle nous avons le privilège<br />

d’herboriser pour y recenser les discomycètes.<br />

Résumé : description et illustration d’une nouvelle espèce du genre Peziza, P. acropapulata, caractérisée<br />

par son ornementation sporale polaire, son habitat et par ses substrats.<br />

Mots-clés : Ascomycota, Pezizaceae, Peziza à ascospores apiculées, La Grande Cariçaie<br />

(Suisse), taxinomie.<br />

Summary: Description and illustration of a new Peziza species, P. acropapulata, characterized<br />

by its polar spore ornamentation, habitat and substrates.<br />

Keywords: Ascomycota, Pezizaceae, Peziza with apiculate ascospores, La Grande Cariçaie (Switzerland),<br />

taxonomy.<br />

Matériel et méthode<br />

La description a été effectuée à partir de champignons vivants.<br />

Le montage des coupes et d’autres éléments de la<br />

microscopie a été réalisé dans l’eau distillée, le bleu coton<br />

lactique, et le réactif de Melzer (contrôle de l’amyloïdie des<br />

asques). Hormis les ascospores, toutes les mesures ont été<br />

obtenues à partir de montages effectués dans l’eau distillée.<br />

Les dimensions sporales et les valeurs statistiques sont issues<br />

de mesures effectuées dans le bleu coton lactique,<br />

sans les ornementations, à partir d’une population de 50<br />

ascospores. Les dessins ont été effectués au crayon, au travers<br />

d’un tube à dessiner. Les photographies ont été prises<br />

en laboratoire.<br />

Diagnose<br />

Peziza acropapulata Dougoud, sp. nov. — MB 802405<br />

Apothecia 5–20 mm in diametro, sessilia, a paulum cupulatis<br />

ad explanata. Excipulum brunneo furfuraceum. Discus<br />

ab ochraceobrunneo ad brunneum, cum vel sine colore olivascenti.<br />

Margo leviter crenulata. Asci 260–310 × 15,5–<br />

18 µm, typo pleurorhynco, iodo caelurescentes. Ascosporae<br />

16–18,4 × 8,5–9,5 µm, ellipsoideae, haud guttulatae, pariete<br />

ornata parvis verrucis distantibus polaribusque cyanophilis<br />

pileolis. Paraphyses apice saepe curvo, guttulas<br />

flavovirides continentes. Excipulum medullare texturae intricatae.<br />

Excipulum ectale a textura globulosa ad globulosaangularem.<br />

Holotypus G00050975, in Genavense conservatur.<br />

1 En botanique, l’apicule désigne un organe se terminant en pointe courte. En mycologie ce terme est galvaudé, particulièrement lorsqu’il<br />

désigne une ornementation sporale polaire, puisque apicule et son adjectif, apiculé, qualifient aussi bien des ornementations aiguës,<br />

au sens précité, qu’obtuses, à l’image de celles que possèdent certaines ascospores d’espèces de Discina ou Gyromitra s. lato.<br />

2 http://www.grande-caricaie.ch<br />

125


126<br />

Peziza acropapulata<br />

Photo 1 : à gauche, sur Typha latifolia ; à droite sur Phragmites australis. Crédit : R. Dougoud.<br />

Étymologie : acropapulata : acro = à l’extrémité, et papulata<br />

= papule, bouton, pustule ou mamelon. Se rapporte aux<br />

élévations que portent les ascospores à leurs extrémités.<br />

Macroscopie (photos 1-2)<br />

Apothécies 5–20 mm de diamètre, sessiles, faiblement cupulées<br />

à étalées. Réceptacle plus pâle, plus foncé ou concolore<br />

à l’hyménium, furfuracé de flocons brun foncé. Disque<br />

brun ocracé à brun, avec ou sans teinte olivâtre, KÜPPERS<br />

(1991), planche Y70, M70-C60 ; M70-C70, Y80, M60-C70 ;<br />

M70-C90 ; M80-C90. Hyménium sublisse, presque mat.<br />

Marge finement crénelée, crénelures brunes aux extrémités.<br />

Microscopie (planche 1)<br />

Hyménium 290–310 μm d’épaisseur, brunâtre, jaunâtre en<br />

haut, de par le contenu des paraphyses. Asques 260–310 ×<br />

15,5–18 μm, operculés, octosporés, cylindracés, hyalins, I+<br />

à l’apex, qui est presque tronqué, progressivement amincis<br />

vers la base, de type pleurorhynque (pl.1, fig. 2). Ascospores<br />

16–18,4 × 8,5–9,5 μm ; X = 17,4 × 9,2 μm ; Q =<br />

1,9 (sans les ornementations), unisériées, ellipsoïdales, non<br />

guttulées, à noyau visible, ornementées (pl. 1, fig. 2) ; ornementation<br />

cyanophile, constituée de petites verrues assez<br />

espacées, généralement un peu plus grandes et resserrées<br />

vers chaque extrémité, et d’une calotte, également visible<br />

dans l’eau, épaisse jusqu’à 0,5 μm, sur chacun des pôles<br />

(pl. 1, fig. 2). Paraphyses simples, septées, mesurant 3–<br />

4 μm de diamètre dans la partie basse, renflées au sommet,<br />

× 7–9 μm, formées de cellules plus courtes dans la<br />

Peziza acropapulata<br />

Photo 2 : sur bois, probablement de Salix. Crédit : R. Dougoud.


Peziza acropapulata. Caractères microscopiques.<br />

Figures 1–5. 1) Asques : a) partie sommitale, avant la déhiscence ; b) idem dans le Melzer ; c) idem après la déhiscence ; d) base. 2) Ascospores<br />

dans le bleu coton : a) idem observée depuis le dessus. 3) parties sommitales de paraphyses. 4) Hyphes de l’excipulum médullaire.<br />

5) Cellules de l’excipulum ectal. Dessin : R. Dougoud.<br />

partie supérieure, le dernier article le plus souvent courbé<br />

en forme de crosse et contenant des gouttes jaune verdâtre,<br />

qui tendent à se décolorer assez rapidement dans l’eau<br />

(pl. 1, fig. 3). Sous-hyménium épais de 50 μm, de textura intricata,<br />

formé d’hyphes septées, mesurant 3,8–6,5 μm de<br />

diamètre, orientées perpendiculairement aux éléments de<br />

l’hyménium. Excipulum médullaire mesuré jusqu’à 750 μm<br />

d’épaisseur, subhyalin, de textura intricata, à orientation générale<br />

perpendiculaire aux cellules de l’hyménium, au moins<br />

à l’approche du bord de la cupule, formé de cellules cylindracées,<br />

mesurant 6–12 μm de diamètre ou ampullacées et<br />

mesurant 16–36 (–50) μm de diamètre (pl. 1, fig. 4). Excipulum<br />

ectal 160–220 μm d’épaisseur, brunâtre, de textura<br />

globulosa à globulosa-angularis, à cellules souvent allongées,<br />

irrégulièrement ampullacées, mesurant 15–60 × 20–<br />

70 (–80) μm, orientées perpendiculairement à la surface<br />

externe (pl. 1, fig. 5), cellules à la fois plus petites, plus globuleuses<br />

et plus colorées à l’approche et dans la zone périhyméniale.<br />

Cellules de la furfuration brunes, globuleuses ou<br />

presque, mesurant 10–32 μm de diamètre.<br />

Écologie et substrat<br />

En zones humides. Récolte 1 : dans une roselière, deux<br />

exemplaires sur tiges mortes et couchées, respectivement<br />

de Typha latifolia L. et de Phragmites australis (Cav.) Steud.<br />

Récolte 2 : dans un lieu exondé, trois exemplaires sur de petites<br />

branches mortes tombées au sol, probablement de<br />

Salix.<br />

Matériel examiné<br />

SUISSE. Canton de Fribourg, commune de Font, La Grande<br />

Cariçaie, réserve naturelle de Cheyres. Récolte 1 : coordonnées<br />

552.314/187.650, alt. 432 m, leg. Dougoud, le 23 mai<br />

2011 (holotype) ; récolte 2 : coordonnées 552.123/<br />

187.525, alt. 432 m, leg. Dougoud et Ayer, le 23 mai 2011,<br />

herbier personnel RD 32.13.259.11 (paratype).<br />

Discussion<br />

Peziza acropapulata a le faciès et la couleur presque identique<br />

à celle de Peziza granularis Donadini (1978) 3 [= Aleuria<br />

granulosa (Schum.) Boud. (1905-1910)], que nous avons<br />

3 Selon HANSEN et al. (2002 : 892), P. granularis serait synonyme de Peziza fimeti (Fuckel) E. C. Hansen.<br />

127


128<br />

assez souvent récoltée sur terre, en bordure de chemins forestiers.<br />

Les caractères microscopiques sont cependant très<br />

différents. L’ornementation sporale, mais surtout les calottes<br />

polaires caractérisent cette espèce. Elles ne sont pas<br />

formées de verrues agrégées, comme on le rencontre souvent,<br />

mais constituées par des protubérances individualisées,<br />

de forme et de constance quasi uniques dans le genre<br />

Peziza. On trouve également ce type de calottes, mais alors<br />

beaucoup plus larges et hautes, chez P. badioides Donadini.<br />

Peziza acroornata Dougoud & J. Moravec (1995) se distingue<br />

notamment par des ascospores de plus grandes dimensions,<br />

23,2 × 12,7 μm de moyenne, par la présence de<br />

verrues polaires fragmentées et une paroi sporale lisse. Macroscopiquement,<br />

P. acropapulata se différencie du groupe<br />

d’espèces à ascospores apiculées par ses couleurs. Toutefois,<br />

des teintes olive plus ou moins marquées et évanescentes<br />

se retrouvent aussi chez plusieurs espèces de ce<br />

groupe. Aussi et comme très généralement dans le genre<br />

Peziza, l’observation des caractères microscopiques demeure<br />

indispensable pour la détermination.<br />

Remerciements<br />

Panorama de la Grande Cariçaie. Crédit : C. Le Nédic (Association de la Grande Cariçaie).<br />

Nous témoignons notre gratitude aux Autorités cantonales<br />

fribourgeoises et vaudoises de la protection de la nature,<br />

ainsi qu’aux responsables de la Grande Cariçaie, qui nous<br />

ont autorisé à herboriser dans la réserve naturelle. Merci<br />

également à Christophe Le Nédic pour nous avoir autorisé à<br />

publier sa photographie du site prospecté. Nos remercie-<br />

ef<br />

ments vont enfin à Paul Pirot (Belgique) pour la traduction<br />

de la diagnose en latin.<br />

Bibliographie<br />

BOUDIER E. 1905-1910. — Icones mycologicæ, ou Iconographie des<br />

champignons de France. Paris, Paul Klincksieck, 4 vol.<br />

DONADINI J.-C. 1977. — Deux discomycètes nouveaux : Peziza apiculata<br />

Cooke var. flavobrunnea nov. var. et Peziza muscicola nov.<br />

sp. Bulletin de la Société mycologique de France, 93 (2) : 177-<br />

187.<br />

DONADINI J.-C. 1981. — Le genre Peziza dans le sud-est de la France.<br />

Thèse de l’Université de Provence. Marseille 119 p. et 10<br />

planches.<br />

DOUGOUD R. & MORAVEC J. 1995. — Peziza acroornata sp. nov. (Ascomycetes,<br />

Pezizales, Peziza). Mycologia Helvetica, 7 (2): 63-70.<br />

HÄFFNER J. 1986. — Die apiculaten Becherlinge. Zeitschrift für Mykologie,<br />

52 (1): 189-212.<br />

HANSEN K., LÆSSØE T. & PFISTER D.H. 2002. — Phylogenetic diversity<br />

in the core group of Peziza inferred from ITS sequences and morphology.<br />

Mycological Research, 1<strong>06</strong> (8): 879-902.<br />

HIRSCH G. 1984. — Studies in the Pezizaceae. 1. Introduction. 2. Peziza<br />

apiculata and its relatives. Mycotaxon, 19: 57-69.<br />

KÜPPERS H. 1991. — DuMont’s Farbenatlas. Köln, DuMont Buchverlag,<br />

165 p.<br />

MALENÇON G. 1939. — Champignons rares ou nouveaux du Maroc<br />

français. Bulletin de la Société mycologique de France, 55 : 34-<br />

60.<br />

MORAVEC J. 1985. — A taxonomic revision of species related to Peziza<br />

apiculata. Agarica, 6 (12): 56-66.<br />

SACCARDO P.A. 1889. — Sylloge Fungorum. Vol. 8. Padova, 1143 p.

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