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03.04.2013 Views

territoire comme cadre conceptuel à l’ancienne, issue d’une vision moderne du monde obsédée par les distinctions essentielles entre catégories et espaces 282 . C’est dans cette perspective d’un changement d’échelle d’analyse des processus territoriaux, qu’il faut comprendre l’emploi du concept d’empire dans cette étude c'est- à-dire comme un concept heuristique permettant d’explorer les configurations spatiales du pouvoir à une échelle macrospatiale. C’est d’ailleurs dans cette perspective que John Le Patourel avait proposé une théorie des empires féodaux (voir infra) 283 . Les réflexions à l’échelle impériale ont en effet imprégné l’historiographie britannique bien avant celle des historiens français dont le retard a été récemment analysé par Jean-Frédéric Schaub 284 . Chez les britanniques, la remise en cause du cadre spatial de la Nation, dans les années 1970, s’est d’abord effectué à travers la conception « occidentale » de l’espace, véhiculée depuis l’après-guerre par l’histoire marxiste, pro-européenne 285 , puis à la suite de la critique des historiens du Commonwealth, qui à l’instar du néo-zélandais John Pocock, revendiquaient la nécessité d’un changement d’échelle et d’un décentrement des espaces d’analyse 286 . Cet appel est entendu par certains médiévistes, comme Rees R. Davies qui publie en 1988, un article intitulé « Éloge pour une histoire britannique », dans lequel il appelait à l’écriture d’une British History comparative capable de faire émerger les changements sur le long terme et non un paradigme qui subsumerait les multiples traditions historiographiques en un modèle unitaire du « tout britannique » 287 . C’est donc dans ce contexte que s’inscrit le renouveau des discussions sur la pertinence du concept d’empire appliqué à l’espace britannique et au monde Plantagenêt. En 2000, Rees R. Davies publiait ainsi un livre synthétique au titre suggestif : The first English Empire 288 . L’empire Plantagenêt chez les médiévistes britanniques. 282 PAINTER, J., « Territoire et réseau: une fausse dichotomie? », dans Territoires, territorialité, territorialisation. Controverses et perspectives, 2009, p. 57-66 cite LATOUR, B., Nous n'avons jamais été modernes. Essai d'anthropologie symétrique, 1997. 283 LE PATOUREL, J. H., « Feudal Empires », dans Les Grands Empires, 1973, p. 281-307. 284 SCHAUB, J. F., « La catégorie « études coloniales » est-elle indispensable ? », Annales. Histoire Sciences Sociales, 63: 3 (2008), p. 625-646. 285 WAQUET, J., « Past & present (1152-1157) et l’espace de l’histoire », dans Les espaces de l'historien, 2000, p. 19-31. 286 POCOCK, J. A. G., « British History: a plea for a new subject », The Journal of Modern History, 47-4 (1975), p. 610-621. 287 DAVIES, R. R., « In Praise of British History », dans The British Isle 1100-1500. Comparisons, Contrasts and Connections, 1988, p. 9-26. 288 DAVIES, R. R., The First English Empire : power and identities in the British Isles, 1093-1343, 2000 92

D’une certaine manière c’est la sociologie qui semble avoir le plus influencé la thématique spatiale chez les médiévistes britanniques. Ainsi, il n’est pas surprenant que les approches sur l’espace des Plantagenêt aient privilégié l’étude de la capacité à territorialiser des groupes c'est-à-dire à créer des frontières 289 et à forger des leurs identités 290 . C’est à partir de cette double approche, plus interactionniste, que Daniel Power, par exemple, pose la question de l’organisation de l’espace normand sous les Plantagenêt 291 . Kathleen Thompson, dans son étude sur le comté du Perche, étudie davantage les pouvoirs que confère la possession d’une seigneurie en marche 292 . Ces deux thèses sont par ailleurs significatives d’une tendance chez les historiens britanniques, marquée par un certain déclin de l’intérêt pour l’ensemble de l’espace des Plantagenêt, au profit du seul monde anglo-normand et de ses marges. Plus globalement, Nicholas Vincent a récemment montré que les questions récemment posées par l’historiographie britannique étaient étroitement liées à l’héritage de William Stubbs, évêque d’Oxford (1825-1901) qui rédigea une monumentale Constitutional History of England, à la base de la conception constitutionnelle de la royauté anglaise 293 . Cette histoire qui contribua à « désacraliser » l’image de la royauté 289 La remise en question de la notion de frontière est ancienne on peut citer entre autre les travaux généraux des historiens et géographes français : FEBVRE, L., « Frontière: le mot et la notion », dans Pour une histoire à part entière, 1982 [1962]et plus récemment :GUENÉE, B., « Des limites féodales aux frontières politiques », dans Les Lieux de Mémoire. Vol. 1 : La Nation, 1997, p. 1103-1124. Une tendance qui s’applique à l’étude l’espace anglo-normand : LEMARIGNIER, J. F., Recherches sur l'hommage en marche et les frontières féodales, 1945, MUSSET, L., « Considérations sur la genèse et le tracé des frontières de la Normandie », dans Media in Francia, recueil de mélanges offerts à Karl Ferdinand Werner pour son 65e anniversaire, 1989, p. 309-318; MUSSET, L., « La frontière du Vexin », Annuaire des cinq départements de la Normandie, congrès des Andelys (1966), p. 42-49; MUSSET, L., « Notes sur la frontière normanno-mancelle », Annuaire des cinq départements de la Normandie, congrès d'Alençon (1964), p. 25-30; MUSSET, L., « Observations sur l'histoire et la signification de la frontière normande X-XIIe siècles », Revue historique de droit français et étranger, 41 (1963), p. 545-546; MUSSET, L., « La frontière de l'Avre. Origines et significations historiques », dans Vallée de l'Avre, marche de saint- André, p. 31-38 entre autre. Dans le monde britannique, la problématique a fait l’objet d’un profond renouvellement ces vingt dernières années, BARTLETT, R. J. et MACKAY, A. (eds.), Medieval frontier societies, 1989; POWER, D. J. et STANDEN, N. (eds.), Frontiers in question : Eurasian borderlands, 700-1700, 1999; ABULAFIA, D. et BEREND, N. (eds.), Medieval Frontiers : Concepts and Practices, 2002. 290 THOMAS, H. M., The English and the Normans. Ethnic Hostility, Assimilation and Identity, 1066-c. 12, 2003; GILLINGHAM, J., The English in the Twelfth Century :Iimperialism,Nnational Identity and Political Values, 1999 ; DAVIES, R. R., The First English Empire : power and identities in the British Isles, 1093-1343, 2000. 291 POWER, D. J., The Norman Frontier in the Twelfth and Early Thirteenth Centuries, 2004. 292 THOMPSON, K., Power and Border Lordship in Medieval France : the County of the Perche, 1000- 1226, 2002. 293 STUBBS, W., The Constitutional History of England in its Origin and Development, 1883-1887; VINCENT, N., « Twelfth and Thirteenth-Century Kingship. An Essay in Anglo-French Misunderstanding », dans Les idées passent-elles la Manche. Savoirs, représentations, pratiques (France- Angleterre, Xe-XXe siècles), 2007, p. 21-36. 93

D’une certaine manière c’est la sociologie qui semble avoir le plus influencé la<br />

thématique spatiale chez les médiévistes britanniques. Ainsi, il n’est pas surprenant que<br />

les approches sur l’espace des Plantagenêt aient privilégié l’étude de la capacité à<br />

territorialiser des groupes c'est-à-dire à créer des frontières 289 et à forger des leurs<br />

identités 290 . C’est à partir de cette double approche, plus interactionniste, que Daniel<br />

Power, par exemple, pose la question de l’organisation de l’espace normand sous les<br />

Plantagenêt 291 . Kathleen Thompson, dans son étude sur le comté du Perche, étudie<br />

davantage les pouvoirs que confère la possession d’une seigneurie en marche 292 . Ces<br />

deux thèses sont par ailleurs significatives d’une tendance chez les historiens<br />

britanniques, marquée par un certain déclin de l’intérêt pour l’ensemble de l’espace des<br />

Plantagenêt, au pr<strong>of</strong>it du seul monde anglo-normand et de ses marges.<br />

Plus globalement, Nicholas Vincent a récemment montré que les questions<br />

récemment posées par l’historiographie britannique étaient étroitement liées à l’héritage<br />

de William Stubbs, évêque d’Oxford (1825-1901) qui rédigea une monumentale<br />

Constitutional History <strong>of</strong> England, à la base de la conception constitutionnelle de la<br />

royauté anglaise 293 . Cette histoire qui contribua à « désacraliser » l’image de la royauté<br />

289<br />

La remise en question de la notion de frontière est ancienne on peut citer entre autre les travaux<br />

généraux des historiens et géographes français : FEBVRE, L., « Frontière: le mot et la notion », dans<br />

Pour une histoire à part entière, 1982 [1962]et plus récemment :GUENÉE, B., « Des limites féodales aux<br />

frontières politiques », dans Les Lieux de Mémoire. Vol. 1 : La Nation, 1997, p. 1103-1124. Une tendance<br />

qui s’applique à l’étude l’espace anglo-normand : LEMARIGNIER, J. F., Recherches sur l'hommage en<br />

marche et les frontières féodales, 1945, MUSSET, L., « Considérations sur la genèse et le tracé des<br />

frontières de la Normandie », dans Media in Francia, recueil de mélanges <strong>of</strong>ferts à Karl Ferdinand<br />

Werner pour son 65e anniversaire, 1989, p. 309-318; MUSSET, L., « La frontière du Vexin », Annuaire<br />

des cinq départements de la Normandie, congrès des Andelys (1966), p. 42-49; MUSSET, L., « Notes sur<br />

la frontière normanno-mancelle », Annuaire des cinq départements de la Normandie, congrès d'Alençon<br />

(1964), p. 25-30; MUSSET, L., « Observations sur l'histoire et la signification de la frontière normande<br />

X-XIIe siècles », Revue historique de droit français et étranger, 41 (1963), p. 545-546; MUSSET, L.,<br />

« La frontière de l'Avre. Origines et significations historiques », dans Vallée de l'Avre, marche de saint-<br />

André, p. 31-38 entre autre. Dans le monde britannique, la problématique a fait l’objet d’un pr<strong>of</strong>ond<br />

renouvellement ces vingt dernières années, BARTLETT, R. J. et MACKAY, A. (eds.), Medieval frontier<br />

societies, 1989; POWER, D. J. et STANDEN, N. (eds.), Frontiers in question : Eurasian borderlands,<br />

700-1700, 1999; ABULAFIA, D. et BEREND, N. (eds.), Medieval Frontiers : Concepts and Practices,<br />

2002.<br />

290<br />

THOMAS, H. M., The English and the Normans. Ethnic Hostility, Assimilation and Identity, 1066-c.<br />

12, 2003; GILLINGHAM, J., The English in the Twelfth Century :Iimperialism,Nnational Identity and<br />

Political Values, 1999 ; DAVIES, R. R., The First English Empire : power and identities in the British<br />

Isles, 1093-1343, 2000.<br />

291<br />

POWER, D. J., The Norman Frontier in the Twelfth and Early Thirteenth Centuries, 2004.<br />

292<br />

THOMPSON, K., Power and Border Lordship in Medieval France : the County <strong>of</strong> the Perche, 1000-<br />

1226, 2002.<br />

293<br />

STUBBS, W., The Constitutional History <strong>of</strong> England in its Origin and Development, 1883-1887;<br />

VINCENT, N., « Twelfth and Thirteenth-Century Kingship. An Essay in Anglo-French<br />

Misunderstanding », dans Les idées passent-elles la Manche. Savoirs, représentations, pratiques (France-<br />

Angleterre, Xe-XXe siècles), 2007, p. 21-36.<br />

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