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ouleaux de l’Échiquier normand étant lacunaires, on ne peut mener des investigations
statistiques aussi poussées que celles effectuées sur les rouleaux anglais. Concernant les
autres territoires continentaux, la possession du Trésor était une condition impérative au
financement de toute construction. Ainsi, lorsque Richard se révolte contre son père, en
1187, il se précipite à Chinon et s’empare du trésor afin de pouvoir fortifier ses
châteaux 34 . En l’absence du roi, les dépenses du Trésor étaient vraisemblablement
effectuées par le trésorier, charge alors détenue par le sénéchal en Anjou. Les conflits
entre Henri II et Étienne de Marçay dans les années 1170 montrent que le système de
contrôle des comptes et la délimitation entre les deniers du domaine comtal et ceux du
sénéchal pouvaient être flous. À partir du règne de Jean, des lettres envoyées au prévôt
et au sénéchal d’Anjou témoignent de l’existence d’un système d’audit, tout au moins
dans une forme primitive. L’ordre de dépense est alors envoyé à la fois au prévôté et au
sénéchal 35 :
Au prévôt de Chinon, salut. Nous t’ordonnons de trouver sans délais
du merrien et tout ce qui sera nécessaire pour faire nos machines de
sièges, lance-pierres, trébuchet et mangonneaux pour maître Urric
notre ingénieur. Tu lui trouveras six chevaux, quatre hommes et tout
ce qu’il lui est nécessaire, jusqu’à satisfaction. Témoin : Jean des
Prés à Hébertot, le 30 mai 1200
À Guillaume des Roches, sénéchal d’Anjou salut. Décomptez de la
prévôté de Chinon, £25 7s et 2d. que le prévôt a mis dans la
fabrication de nos machines par maître Urric. Témoin : moi-même, à
Chinon, le 25 juin 1200.
L’organisation d’une économie de guerre à partir des règnes de Richard et de Jean
constitue l’un des traits marquants de l’évolution des dépenses de construction et de leur
place dans les revenus de l’Échiquier à cette époque. Selon Ralph V. Turner, la
réorganisation du système des trésors de châteaux est à ce titre significative d’une
militarisation croissante du gouvernement sous Jean, car il permettait de mettre de
l’argent rapidement à disposition des mercenaires là où ils étaient embauchés 36 . Le
développement de l’administration fiscale anglaise et normande et sa justification
militaire constituent donc une matrice déjà à l’œuvre dans la dernière décennie du XII e
siècle. Reste à obtenir le consentement à l’impôt, un point sur lequel achoppe le
34 PETERBOROUGH, II, p. 9.
35 Rotuli normanniae in Turri londinensi asservati, HARDY, T. D. (éd.), 1835, p. 23, 27.
36 TURNER, R. V., King John, England’s Evil King ? 2005, p. 68 ; BROWN, R. A., « The 'Treasury' of
the later Twelfth Century », dans Studies presented to Sir Hilary Jenkinson, 1957, p. 35-49.
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