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ils visaient aussi à souligner les affinités entre les deux architectures et à évoquer la
translatio imperii à travers les transferts de matériaux. De telles interprétations étaient
encouragées par la lecture des textes littéraires qui associaient le château aux formes
architecturales anciennes et aux sources matérielles de la culture romaine.
Dans cette perspective on comprend mieux pourquoi cette forme polygonale a
été abondamment utilisée jusqu’au milieu du XIII e siècle, puis ensuite délaissée. À
Gisors, par exemple, Henri II fait remanier les murs de la chemise et rehausser la tour de
Guillaume le Roux pour leur donner un profil polygonal (illustration 4.14) 393 . À ce titre,
la comparaison entre Orford et Gisors dont les chantiers sont contemporains (1160-70)
proposée par Alan R. Brown est pertinente, bien que ses interprétations militaristes
soient aujourd’hui dépassées 394 . Jean diffuse largement le modèle du donjon polygonal
en Angleterre. Odiham, qu’il érige entièrement à partir de 1207 constitue d’ailleurs
l’une de ses principales constructions. Elle apparaît cependant dans les pipe rolls surtout
comme un chantier résidentiel, car il y est principalement question des travaux des
domorum regis 395 . Ces enregistrements, ainsi que la localisation d’Odiham dans les
marges des forêts du Hampshire, loin des zones de conflits, confirment la fonction
fondamentalement symbolique de la forme polygonale du donjon, propre à véhiculer un
imaginaire impérial associé à la domination royale des Plantagenêt (illustration 5.53).
Que l’architecture des châteaux ait été le support d’un message à la fois social
(la domination seigneuriale) et politique (la royauté impériale) ne constitue pas une
nouveauté en soi, mais la pétrification des institutions constitue sans doute le
phénomène le plus paradigmatique de la période féodale. La densification des
constructions à la fois ecclésiales et castrales pour former un véritable maillage
territorial capable d’encadrer les populations au niveau le plus local reflète les
profondes transformations de l’Occident à cette période. L’érection des châteaux et
leurs évolutions morphologiques peuvent être en effet comparées au phénomène de
monumentalisation de l’Église, qui entreprend à partir des X e -XI e siècles, de se donner
393
MESQUI, J., « Le château de Gisors au XIIe et XIIIe siècle », Archéologie médiévale, 20 (1990),
p. 257-317, voir chapitre 4, pour le contexte.
394
L’essentiel des dépenses pour Orford sont enregistrées sur les pipe rolls des années 1165-1167 : en
trois ans, plus de £1000 sont déjà dépensées.
395
PR 9 Jean, p. 188 : £39 1d. in operatione domorum regis de Odiham et fossatorum ; PR 10 Jean,
p. 61 : £274 7s. 6d. in operatione domorum regis de Odiham ; PR 11 Jean, p. 142 : £386 10s. 10d. in
operatione domorum regis de Odiham ; PR 12 Jean, p. 122: £452 5s. in operatione castri et domorum de
Odiham et Wudestoche et in custo posito in equis regis per plura tempora (scilicet in equis IX li et XIX s.
et VI d. et ob).
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